Compte rendu portant sur la Groupe consultatif scientifique sur la gestion des risques liés à l’isotrétinoïne (GSC-GRI)

17 novembre 2017

Membres du GCS-GRI :
Neil Shear (président), Innie Chen, Edith Guilbert, Sandra Knowles, Michele Ramien

Présentateurs de Santé Canada :
Sylvie Martin, Andrew Slot

Observateurs du personnel de Santé Canada :
Megan Bettle, David Duguay, Lucye Galand, Jenna Griffths, Adbullah Hassen, Larissa Lefebvre, Rania Mouchantaf, Hima Murty, Conrad Pereira, Christine Perreault, Marc Poitras, Sabrina Quick

Observateurs :
Leah Canning (Instituts de recherche en santé du Canada)
Robert Platt et Brandace Winquist (chercheurs du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments et du Réseau canadien pour l'étude observationnelle des médicaments)
Corine Mizrahi (directrice de projets, Réseau canadien pour l'étude observationnelle des médicaments)

Mot de bienvenue et observations préliminaires (Megan Bettle)
La directrice générale par intérim de la Direction des produits de santé commercialisés souhaite la bienvenue aux membres du groupe consultatif scientifique. Elle demande au groupe consultatif scientifique de fournir des conseils sur des nouvelles mesures pour atténuer les risques de l'isotrétinoïne, car malgré la mise en œuvre des recommandations antérieures, les grossesses et des effets indésirables survenaient encore (sont toujours en course).

Elle explique comment se déroulera la réunion et remercie de nouveau le groupe consultatif scientifique pour son temps et pour les conseils qu'il fournit à Santé Canada. Elle cède ensuite la parole au président du groupe consultatif scientifique.

Allocution du président (Neil Shear)
Le président réitère le mandat du GCS-GRI et leurs demande de réexaminer l'efficacité des mesures de prévention des grossesses mises en œuvre au Canada pour réduire le risque grave d'anomalies congénitales associées à l'utilisation de l'isotrétinoïne et de formuler des recommandations en réponse aux questions de Santé Canada.

Le président confirme l'acceptation du mandat du GCS-GRI et de l'ordre du jour de la réunion avant d'inviter les membres du GCS-GRI à déclarer de vive voix leurs affiliations et leurs intérêts. Aucun conflit d'intérêts n'est déclaré. Avant le commencement des présentations, le président passe rapidement en revue la marche à suivre pour poser des questions aux présentateurs.

Présentation

Tératogénicité de l'isotrétinoïne : réévaluation de la stratégie canadienne d'atténuation des risques (Sylvie Martin et Andrew Slot)

La présentation donne de l'information générale sur l'isotrétinoïne, décrit le plan de gestion des risques et le programme de prévention des grossesses du Canada, passe en revue les recommandations du groupe consultatif scientifique de 2005 concernant l'isotrétinoïne et résume les conclusions de l'étude du RIEM. La présentation se termine par une série de questions à l'intention du GCS-GRI.

Le GCS-GRI aborde notamment les points suivants dans ses questions destinées aux présentateurs :

  • les obligations de Santé Canada en vertu des plans de gestion des risques;
  • la disponibilité des renseignements sur la contraception d'urgence;
  • la nécessité de consulter les ordres professionnels de médecins, qui réglementent la pratique de la médecine;
  • l'évolution de l'expérience internationale;
  • le taux de grossesses comportant des anomalies importantes;
  • les facteurs influant sur les taux déclarés de grossesse chez les patientes prenant de l'isotrétinoïne;
  • les types de contraception (par exemple contraceptif oral, dispositif intra-utérin, contraceptif injectable) examinés dans l'étude réalisée par le RIEM;
  • les défis liés au suivi de l'observance de la contraception.

Délibérations sur les questions posées au GCS-GRI (tous les membres)

En plus des points ci-dessus, la discussion porte sur d'autres sujets, notamment :

  • l'influence de certains facteurs (par exemple counseling, type de méthode contraceptive, personnes autorisées à prescrire des contraceptifs, coût des contraceptifs, observance selon le groupe d'âge) sur les taux de grossesse;
  • les diverses mesures des résultats et des processus à prendre en compte dans l'évaluation de la gestion des risques;
  • la fréquence, le moment et l'accessibilité des tests de grossesse;
  • les expériences à l'étranger, par exemple aux États-Unis;
  • la distinction de la personne qui prescrit le rétinoïde, de la personne qui prescrit le contraceptif et de la personne qui délivre les produits;
  • la nécessité des programmes de soutien à l'intention des patientes;
  • l'observance de la documentation sur la gestion des risques par les patientes;
  • le rôle des pharmaciens dans la prestation de conseils et dans la communication des risques;
  • la nécessité de mobiliser les ordres professionnels nationaux, comme la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC), l'Association des pharmaciens du Canada (APhC) et l'Association canadienne de dermatologie (ACD).

La liste ci-dessus n'est pas exhaustive : elle vise uniquement à donner une idée des types de sujets abordés par le GCS-GRI.

Recommandations finales

(Remarque : les questions posées par Santé Canada [en caractères gras] sont présentées avant chaque ensemble de recommandations)

1) Quels seraient les critères à prendre en compte pour évaluer l'efficacité d'un programme de prévention des grossesses chez les utilisatrices d'isotrétinoïne?

Mesures relatives aux résultats :

  • Variation du taux de grossesses (y compris les naissances, les avortements provoqués et les avortements spontanés) entre deux cohortes de femmes ne désirant pas devenir enceintes durant la prochaine année : les femmes sexuellement actives prenant de l'isotrétinoïne et les femmes sexuellement actives appariées selon l'âge ne prenant PAS de l'isotrétinoïne.
  • En plus de mesurer le taux de grossesses dans ces deux cohortes, on devrait suivre la proportion de nouveau-nés présentant des anomalies congénitales.

Mesures relatives aux processus :

  • Adhésion des professionnels (y compris les prescripteurs et les pharmaciens) aux exigences spéciales préalables à la prescription et à la délivrance : par exemple, analyse des risques de tératogénicité, administration de deux tests de grossesse avant la mise en route du traitement à l'isotrétinoïne, prestation de conseils sur l'utilisation de deux méthodes contraceptives durant la prise de l'isotrétinoïne et un mois après l'interruption du traitement, mise en route du traitement pendant les règles, résultat négatif à un test de grossesse tous les mois avant le renouvellement de l'ordonnance d'isotrétinoïne.
  • Observance des patientes : méthodes contraceptives durant la prise de l'isotrétinoïne et un mois après l'interruption du traitement, deux tests de grossesse avant la mise en route du traitement à l'isotrétinoïne, test de grossesse mensuel.

a. Est-ce que le taux de grossesses chez les utilisatrices d'isotrétinoïne est un indicateur optimal?

Oui, le taux de grossesses chez les utilisatrices d'isotrétinoïne est un bon indicateur pour la prévention des grossesses, mais NON pour le Programme de gestion des risques (PGR).

  • Le taux de grossesses est un très bon indicateur, mais l'utilisation de bases de données provinciales ou nationales aux fins de surveillance n'est pas une méthode idéale. Le taux de grossesses serait un indicateur optimal pour une étude de cohorte prospective, mais il est possible qu'une telle étude ne soit pas réalisable.

b. Étant donné qu'aucun programme n'a réussi à prévenir toutes les grossesses, quel serait le seuil réaliste à atteindre pour considérer qu'un programme de prévention des grossesses est efficace?

D'après les données et les extrapolations tirées de l'étude menée par le RIEM, le taux annuel de grossesses se situe entre 16 et 24 pour 1 000 chez les utilisatrices d'isotrétinoïne (REMARQUE : cette proportion est environ deux fois moins élevée que le taux de grossesses non désirées chez les femmes de 15 à 44 ans ne prenant pas de l'isotrétinoïne). Si le taux de grossesses diminue par rapport aux taux actuels, cela indiquera que le programme de prévention des grossesses est efficace. Il importe de noter que des comparaisons sont possibles uniquement si la méthodologie utilisée est la même que celle de l'étude menée par le RIEM.

Il est difficile de fixer un seuil, car l'efficacité des programmes de prévention des grossesses dépend de nombreux facteurs, notamment :

  • les facteurs liés à la méthode et aux tests de grossesse, y compris à l'efficacité de l'utilisation typique et parfaite de la méthode ainsi qu'à l'exactitude des tests de grossesse
  • les facteurs individuels, tels que l'activité sexuelle, la fréquence des relations sexuelles, l'adhésion à la méthode contraceptive, l'intention de devenir enceinte, l'intention de prévenir la grossesse, les contre-indications et les effets secondaires des méthodes contraceptives, l'attitude et les obstacles perçus à l'utilisation de contraceptifs
  • les facteurs liés à l'environnement, notamment à l'influence du ou de la partenaire, de la famille, des pairs et de la société, à l'accès aux méthodes contraceptives, aux normes morales et à l'existence de plusieurs obstacles à l'utilisation de contraceptifs
  • les facteurs liés à la mise en œuvre, notamment à la complexité du programme, à la capacité du programme d'intégrer les pratiques régulières, aux attitudes des professionnels à l'égard du programme, aux caractéristiques des professionnels adoptant le programme, aux réseaux de diffusion du programme, aux caractéristiques des organisations mettant en œuvre le programme et aux conséquences perçues de la mise en œuvre du programme.

Comme l'isotrétinoïne est associée à un risque d'anomalies importantes, nous cherchons à réduire de façon considérable le taux de grossesses. Il serait recommandé à toutes les femmes d'utiliser des méthodes du groupe I; cependant, nous nous attendrions toujours à 1 à 8 grossesses par 1 000 femmes sexuellement actives après une année d'utilisation typique. Par ailleurs, l'utilisation actuelle des méthodes contraceptives au Canada se traduit par un taux de grossesses non désirées entre 20 et 40 %.Note de bas de page i

c. Est ce que d'autres critères devraient être pris en compte? Veuillez justifier votre réponse.

Les autres critères à prendre en compte pour évaluer l'efficacité d'un programme de prévention des grossesses comprennent notamment le taux d'anomalies congénitales et l'utilisation de méthodes contraceptives des groupes 1 et 2 (par exemple, dispositif intra-utérin, implant, injection de progestérone, contraceptifs hormonaux combinés).

  • Il est très difficile d'établir un seuil concernant la proportion d'anomalies importantes, qui varie selon l'accessibilité des services de dépistage et d'avortement. À l'heure actuelle, selon les données présentées par le RIEM, le taux d'anomalies congénitales associées à l'isotrétinoïne parmi les naissances vivantes est d'environ 9 %, soit 3 à 4 fois plus que le risque de base d'anomalies importantes dans l'ensemble de la population, qui est de 2 à 3 %. Pour aider à réduire la proportion d'anomalies importantes associées à l'isotrétinoïne, il est recommandé d'intensifier le dépistage prénatal chez les femmes ayant pris de l'isotrétinoïne durant leur grossesse et d'accroître l'accès aux interruptions de grossesse pendant le deuxième trimestre. Ces renseignements pourraient être intégrés dans une monographie de produit. Par exemple : En cas de grossesse, une ultrasonographie et d'autres méthodes de dépistage prénatal devraient être offertes. Le médecin devrait être en mesure de diriger la patiente vers un centre de planification familiale ou vers un obstétricien-gynécologue pouvant offrir des conseils et des services prénataux en fonction des besoins et des choix de la patiente.
  • Il est recommandé aux femmes prenant de l'isotrétinoïne d'utiliser des méthodes contraceptives des groupes 1 et 2 en association avec une méthode du groupe 3. Cependant, l'accès aux méthodes contraceptives varie à l'échelle du pays (par exemple, au Québec, les infirmières et infirmiers qualifiés sont autorisés à prescrire des contraceptifs oraux) : par conséquent, il peut être difficile de déterminer par l'analyse d'une base de données si une femme utilise une méthode contraceptive (par exemple, dispositif intra-utérin).

2) À la lumière de la discussion concernant la question 1, est ce que le programme canadien actuel de prévention des grossesses est efficace?

Rien dans les renseignements disponibles ne montre que le programme canadien de prévention des grossesses n'est pas efficace. Des processus améliorant l'accès aux données sont nécessaires pour évaluer l'efficacité actuelle et continue du programme canadien de prévention des grossesses. Les données pourraient comprendre : le taux de grossesses, la méthode contraceptive employée, l'utilisation ou non de contraceptifs, le taux d'interruptions de grossesse, le taux de naissances et l'utilisation appropriée des contraceptifs.

Les pistes pour y arriver pourraient comprendre une meilleure compréhension des aspects complexes de la prescription et de la délivrance de l'isotrétinoïne et une connaissance des contraceptifs actuels. Les intervenants nationaux représentatifs suivants pourraient participer à ce processus : l'APhC, l'ACD, la SOGC, le Collège des médecins de famille du Canada et l'Association médicale canadienne.

3) Est-ce que des mesures additionnelles devraient être envisagées pour renforcer le programme canadien de prévention des grossesses?

a. Est-il nécessaire d'améliorer les documents d'information pour les prescripteurs?

Oui. Les documents d'information devraient être concis (par exemple, maximum de 1 feuille recto verso) et clairs pour les patientes, les pharmaciens, les distributeurs et les médecins. Des mesures normalisées de la compréhensibilité devraient être appliquées aux documents d'information fournis aux patientes (par exemple, sexandu.ca/fr/). Une mise à jour sur la contraception à l'intention des prescripteurs et des pharmaciens est aussi recommandée, de manière à aborder l'utilisation de la contraception d'urgence ainsi que les possibilités en matière d'interruption de la grossesse.

Il serait utile d'avoir des preuves indiquant que les documents sont accessibles. En plus des renseignements fournis dans le cadre du programme de prévention des grossesses, des outils (par exemple, stratégies motivationnelles, ressources pour les patientes) devraient être mis à la disposition des médecins-conseils. Les autres suggestions concernant l'amélioration de l'accès aux programmes d'éducation comprennent l'utilisation d'un module Web, de fichiers balados, de vidéos YouTube et de médias sociaux ainsi que la mise au point d'une application destinée aux patientes et aux médecins.

b. Est-ce qu'il est possible d'améliorer le formulaire de consentement éclairé que doivent actuellement signer les patientes?

Le processus de consentement éclairé est extrêmement important pour la mise en route sécuritaire du traitement à l'isotrétinoïne : il donne l'occasion de discuter de l'ensemble des risques et des avantages de l'isotrétinoïne.

Cependant, des améliorations devraient être apportées au processus de consentement éclairé pour favoriser l'observance. Des efforts devraient être faits pour assurer l'accessibilité du contenu et sa correspondance avec les besoins individuels des patientes, y compris les lacunes à surmonter sur le plan de la littératie ou de la langue.

c. Est-ce que d'autres mesures devraient être envisagées? Veuillez justifier votre réponse.

  • Il est important d'éliminer les obstacles empêchant d'accéder à la contraception (par exemple, contraceptifs gratuits, renvoi direct vers un fournisseur pouvant insérer un dispositif intra-utérin, demander au prescripteur de joindre à l'ordonnance d'isotrétinoïne une ordonnance de contraceptif oral [s'il y a lieu]).
  • Les renseignements présentés dans la trousse éducative devraient être les mêmes, peu importe le titulaire de l'autorisation de mise en marché du produit. Une « carte de portefeuille » pourrait aussi être remise aux patientes pour leur rappeler les risques associés à la prise d'isotrétinoïne pendant la grossesse.

4) Est-ce que d'autres mesures d'atténuation des risques devraient être envisagées pour prévenir les grossesses?

Les recommandations sont en plus des mesures existantes.

  • Pour obtenir des résultats positifs, il est important d'adopter des stratégies favorisant l'adhésion des professionnels aux exigences spéciales préalables à la prescription de l'isotrétinoïne. Dans une étude antérieure menée au Québec, des méthodes comme un système de rappel pour les cliniciens, le déploiement d'équipes ayant pour mandat d'améliorer la qualité des soins, des bureaux adaptés, des interventions ciblant directement les patientes et des interventions multidimensionnelles ont été jugées efficaces pour amener les professionnels de la santé à intégrer la prévention dans leur pratique clinique.
  • Tests de grossesse : recours à un pharmacien pour superviser l'administration du test avant de délivrer toute isotrétinoïne additionnelle, disponibilité des tests de grossesse salivaires, remise d'une trousse de test de grossesse (remboursée par le fabricant) lors de la délivrance de l'isotrétinoïne.
  • Liste de contrôle normalisée : à être utilisée par les patientes, les pharmaciens, les dermatologues, les médecins de famille et les obstétriciens-gynécologues. Une application pourrait être mise au point pour faciliter la consultation de la liste de contrôle.
  • Contraception d'urgence : devrait être prescrite ou recommandée lors de l'entretien initial avec la patiente.
  • Trousse de départ d'isotrétinoïne : comprenant une liste de contrôle, une trousse de test de grossesse et des médicaments pour un mois.
  • Emballage : apposition d'une étiquette de mise en garde sur l'emballage extérieur de l'isotrétinoïne (semblable à celles figurant sur les emballages de cigarettes).
  • Financement d'études sur l'adhésion des professionnels aux exigences spéciales préalables à la prescription de l'isotrétinoïne, tant selon la région du pays que selon les professionnels de la santé : pourrait aider à cerner les obstacles et à proposer des solutions intégrées et adaptées.

Recommandations additionnelles:

  • Discuter avec les responsables de l'ESCC au sujet de l'inclusion d'une question sur l'isotrétinoïne dans le volet sur la santé sexuelle.

Mot de la fin et levée de la séance (président)

Le président et Santé Canada remercient les membres de leur participation. La séance est levée.

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