Évaluation des risques pour la santé humaine liés à la production, la distribution et l'utilisation de biodiesel au Canada

Santé Canada a évalué les effets potentiels sur la santé humaine de l'utilisation généralisée de biodiesel au Canada, en considérant les étapes du cycle de vie de production, de distribution, d'entreposage et d'utilisation du carburant biodiesel. L'approche globale privilégiée est aussi exhaustive que le permettent les données disponibles et se veut comparative, c'est-à-dire que les impacts de l'utilisation du biodiesel sont comparés à ceux du diesel à très faible teneur en soufre (DTFTS) et présentés sous forme de risques et d'avantages relatifs. La principale considération de la présente analyse est l'impact potentiel de l'utilisation de biodiesel sur les émissions liées au transport et les concentrations atmosphériques de polluants.

Le gouvernement du Canada a adopté une exigence de contenu renouvelable de 2% dans le diesel et le mazout de chauffage le 1er juillet 2011, tel que présentée dans le Règlement modifiant le Règlement sur les carburants renouvelables (C.P. 2011-795, le 29 juin 2011) et publiée dans la Gazette du Canada, partie II, le 20 juillet 2011.Note de bas de page 1 Le Règlement ne précise pas l'usage de biodiesel dans les distillats et le mazout de chauffage. Plutôt, tout carburant liquide qui correspond à un carburant renouvelable tel que défini par le Règlement, qui est produit à partir d'une ou plusieurs matières premières désignées et qui se conforme à la teneur maximale spécifiée peut être acceptable.Note de bas de page 2

Le biodiesel est un mélange d'esters alkyliques d'acides gras produits à partir d'huiles végétales ou de graisses animales par transestérification avec un alcool (généralement du méthanol). Les combinaisons d'acides gras dans les huiles et les graisses peuvent varier considérablement selon la matière première utilisée et ceci peut avoir des incidences sur les propriétés du biodiesel produit. Le biodiesel est normalement mélangé au DTFTS et les mélanges qui en résultent sont identifiés par la désignation BX, où X indique le pourcentage de biodiesel par volume dans le mélange (p. ex., B5 est un mélange contenant 5% de biodiesel par volume et 95% de DTFTS par volume). Les mélanges de biodiesel jusqu'à B20 peuvent être utilisés dans la plupart des moteurs à combustion par compression sans modification.

Les usines de production de biodiesel dépendent de technologies et de procédés qui varient en fonction de la matière première et du niveau d'intégration ou de complexité des installations. Les activités de production de biodiesel peuvent mener à une variété d'émissions ou de rejets dans l'eau, l'air et le sol. Les risques et les dangers associés aux usines de biodiesel sont présents également dans d'autres secteurs industriels (p.ex., des émissions de combustion, des émissions fugitives et des déversements) et peuvent être limités par des mesures d'atténuation autant comportementales que technologiques. Les émissions atmosphériques les plus communes provenant des installations de biodiesel sont le méthanol (lors de la transestérification), l'hexane (lors de l'extraction d'huile) et les principaux contaminants atmosphériques (PCA) (p.ex., les émissions de matières particulaires (PM) de génératrices alimentées en carburant). Selon l'information disponible dans l'Inventaire national des rejets de polluants et les renseignements obtenus d'évaluations environnementales de différentes usines de biodiesel au Canada, il est prévu que les quantités totales émises soient relativement faibles et qu'elles rencontrent les exigences règlementaires. Il est prévu que les concentrations dans l'air ambiant à proximité des usines de biodiesel respectent les critères de qualité de l'air. Les émissions de métaux lourds et de toxiques atmosphériques devraient être minimes, puisqu'aucune activité menant à des émissions considérables de ces polluants n'a été identifiée.

Aucune base de données ou aucun outil n'a été développé spécialement pour prédire l'évolution et la migration environnementale de déversements de biodiesel. Les valeurs empiriques de nombreuses propriétés physiques et chimiques des composants du biodiesel ne sont pas disponibles. Santé Canada a réalisé une modélisation préalable de l'évolution et de la migration environnementale de différents scénarios de déversements de carburant biodiesel afin d'identifier les impacts potentiels clés. Les résultats de la modélisation du DTFTS pur, du biodiesel pur et des mélanges de biodiesel indiquent que les composants du biodiesel devraient migrer moins que les composants du carburant DTFTS. Ceci était anticipé étant donné les caractéristiques physiques et chimiques du biodiesel, notamment le taux de biodégradation plus élevé des composants de biodiesel relativement à celui des fractions de diesel. Nonobstant les incertitudes de la modélisation (c.-à-d., les présomptions et les entrées), la mobilité restreinte des composants du biodiesel peut être considérée comme un avantage puisque la contamination des sols et des eaux souterraines devrait être relativement limitée et, conséquemment, devrait avoir moins d'impact sur l'environnement et la santé humaine que les carburants pétroliers suite à des déversements.

En ce qui a trait à l'utilisation de carburants biodiesels dans les véhicules lourds au diesel (VLD) routiers et de son impact sur les émissions des gaz d'échappement par rapport au DTFTS, les tendances suivantes sont rapportées:

  • des réductions considérables des émissions de PM, de CO, d'hydrocarbures, de composés organiques volatils et d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP);
  • aucun impact net ou une légère augmentation des émissions de NOX; et
  • aucun impact significatif sur l'efficacité des dispositifs de post-traitement.

Pour la présente évaluation, les impacts de l'utilisation de biodiesel sur les émissions de sources mobiles pour l'ensemble de la flotte canadienne ont été estimés avec le modèle MOBILE6.2C en collaboration avec Environnement Canada. It était présumé que le biodiesel avait seulement un effet sur les VLD routiers. Le tableau SE.1 montre les changements en pourcentage des émissions moyennes de la flotte de VLD estimés pour le B5 et le B20 comparativement au DTFTS, pour 2006, 2010 et 2020.

Le biodiesel devrait avoir moins d'impact sur les émissions des gaz d'échappement des VLD en 2020 en raison du renouvellement du parc de VLD au Canada, puisque les modèles de VLD des années 2010 et suivantes sont dotés de nouvelles technologies de moteurs et de dispositifs de contrôles des émissions afin de rencontrer des normes d'émissions plus contraignantes.

Tableau SE.1 Variation en pourcentage des émissions moyennes du parc de VLD au Canada de MOBILE6.2C en fonction de l'utilisation de B5 et de B20 comparativement au DTFTS, pour 2006, 2010 et 2020
Polluants B5 B20
2006 2010 2020 2006 2010 2020
1,3-Butadiène/Acétaldéhyde/
Acroléine/Formaldéhyde
-4 -3 -1 -18 -14 -3
Benzo[a]pyrène -3 -3 -2 -14 -12 -9
Benzène -4 -3 -1 -18 -14 -4
Carbone élémentaire et organique -3 -3 -2 -13 -12 -9
CO -3 -3 -2 -11 -10 -7
COVtotal/HCTtotal -4 -3 -1 -18 -14 -3
NOX 1 1 1 4 4 3
PM10 échappement et PM2.5 échappement -3 -3 -2 -13 -12 -9
SO2/ NH3 0 0 0 0 0 0
Toluène/Éthylbenzène/Xylène -4 -3 -1 -18 -14 -3

Une modélisation de la qualité de l'air a été réalisée dans le but d'étudier l'impact des mélanges de biodiesel sur la pollution atmosphérique au Canada. Plus précisément, les résultats d'émissions de sources mobiles de MOBILE6.2C pour les scénarios de référence et de biodiesel ont été utilisés comme entrées à la modélisation de la qualité de l'air.Note de bas de page 3 La modélisation photochimique pour le projet présent a été réalisée avec le Système régional unifié de modélisation de la qualité de l'air (AURAMS) en collaboration avec Environnement Canada (voir les scénarios au Tableau SE.2). Des scénarios à l'échelle nationale d'utilisation de biodiesel ont été modélisés selon une grille de 22,5 km englobant l'ensemble du pays. De plus, un épisode de forte pollution de deux semaines a été modélisé à haute résolution (grille de 3 km) au-dessus de la région de Montréal.

Tableau SE.2 Périodes de modélisation photochimique (AURAMS) des scénarios
Années Carburant Canada
(grille de 22,5 km)
Montréal
(grille de 3 km)
2006 et 2020 B0 (DTFTS) Annuelle Du 12 au 23 juin
B5 Annuelle Du 12 au 23 juin
B20Note de bas de page1 Annuelle Du 12 au 23 juin

Il est prévu que l'utilisation à l'échelle nationale de B5 et de B20 sous les conditions de 2006 résulte en des changements faibles (moins de 1%), mais non négligeables, de la qualité de l'air par rapport à l'utilisation de DTFTS. En général, les concentrations d'ozone et de PM2.5 diminuent dans les centres urbains et augmentent dans les régions avoisinantes. Il est prévu que les concentrations de CO diminuent dans toutes les régions. Selon les prévisions de 2020, il est prévu que les changements de la qualité de l'air soient très faibles (moins de 0,5%) et souvent près des seuils de détection du modèle. En général, les concentrations d'ozone et de PM2.5 sont réduites dans les centres urbains, mais augmentent légèrement dans les régions avoisinantes. Les concentrations de CO sont réduites dans la plupart des régions. Les impacts moins importants sur la qualité de l'air de l'utilisation de biodiesel en 2020 sont attribuables aux réductions significatives des émissions de référence du parc de véhicules en 2020 par rapport à 2006, suite à l'introduction de véhicules plus propres.

La modélisation à haute résolution et à court terme de la région urbaine de Montréal a également révélé de faibles changements à la qualité de l'air. La modélisation à haute résolution a amélioré la résolution spatiale des impacts sur la qualité de l'air, mettant en évidence différents phénomènes liés à la qualité de l'air qui sont causés par des régimes météorologiques à plus petite échelle et une distribution plus détaillée des sources d'émissions mobiles, comme les impacts des ponts et des principaux axes routiers.

L'Outil pour évaluer les avantages d'une meilleure qualité de l'air (OEAQA) de Santé Canada a été employé pour chiffrer les risques et les avantages en matière de morbidité et de mortalité découlant des changements de concentrations des PCA liés à l'utilisation de B5 et de B20 par rapport au DTFTS dans le parc de VLD routiers, en 2006 ou en 2020. En 2006, l'utilisation annuelle de B5 ou estivale de B20 est associée à une diminution d'environ cinq à sept mortalités prématurées ainsi qu'à de légères réductions d'admissions à l'hôpital, de visites aux urgences et d'autres résultats de morbidité, essentiellement en raison de légères réductions des niveaux de PM2.5 et d'O3. Il est prévu que les avantages à la santé de l'utilisation du biodiesel seront réduits en 2020 en raison de l'ajout de nouvelles technologies de contrôle des émissions dans le parc de VLD.

L'analyse qualitative des données d'émissions des toxiques atmosphériques de sources mobiles révèle que des réductions minimes des concentrations atmosphériques de benzène, de 1,3-butadiène, d'acétaldéhyde, de formaldéhyde, d'acroléine et d'HAP sont prévues suite à l'utilisation de biodiesel. Ceci pourrait se traduire par de très faibles réductions de l'exposition humaine à ces polluants, en particulier à proximité des axes routiers à forte circulation de VLD. Cependant, les avantages liés aux émissions et à toute réduction de l'exposition humaine devraient diminuer en 2020.

Une analyse toxicologique des gaz d'échappement de biodiesel a été réalisée avec deux objectifs: (1) déterminer si les gaz d'échappement de biodiesel ont une incidence comparable, moindre ou supérieure à celle des gaz d'échappement de diesel pétrolier quant aux effets spécifiques sur la santé et (2) attribuer toute différence de l'ampleur des effets observés à une variation du niveau d'un ou de plusieurs paramètres physicochimiques spécifiques des gaz d'échappement.

Une analyse de plusieurs études a démontré qu'il est improbable que les gaz d'échappement de biodiesel surpassent les gaz d'échappement de diesel en termes d'effets respiratoires. Seulement deux études ont été examinées qui traitaient des effets cardiovasculaires des gaz d'échappement de biodiesel. En fonction de cet ensemble limité de données, il n'a pas été possible de conclure quant à la comparaison de l'impact des gaz d'échappement de biodiesel et de diesel sur des effets cardiovasculaires.

Une révision des résultats pertinents à l'initiation de la carcinogénèse a indiqué que les gaz d'échappement de biodiesel et les gaz d'échappement de diesel sont similaires en terme de clastogénicité, que les gaz d'échappement de biodiesel a un impact similaire ou inférieur sur les incidents biochimiques (dérivés réactifs d'oxygène, inflammation) liés à l'instabilité génétique et que le biodiesel a un effet cytotoxique égal ou supérieur au diesel. La majorité des études qui examinent la mutagénicité ont démontré que l'extrait de PM des gaz d'échappement de biodiesel est potentiellement moins mutagène que l'extrait de PM des gaz d'échappement de diesel.

Seulement une étude d'inhalation a examiné les effets sur la reproduction et le développement, les effets neurologiques et les effets systémiques résultant d'une exposition aux gaz d'échappement de biodiesel. Étant donné que cette étude n'incluait pas une exposition au diesel, il n'a pas été possible de comparer les gaz d'échappement de biodiesel et de diesel. L'exposition par absorption cutanée a également été considérée à cause du risque d'exposition lors du ravitaillement en carburant. Toutefois, l'irritation de la peau, un résultat possible de ce type d'exposition, n'a pas été considérée dans l'étude analysée.

Aucune information n'était disponible quant aux effets immunologiques résultant d'une exposition aux gaz d'échappement de biodiesel.

En ce qui a trait au deuxième objectif, il a été déterminé que les études qui traitent des incidences respiratoires, cardiovasculaires et liées à l'initiation de la carcinogenèse déploient de plus en plus d'efforts de recherche pour attribuer les différences des réponses biologiques entre les gaz d'échappement de biodiesel et de diesel aux différences des caractéristiques physicochimiques entre les deux carburants. Cependant, dans la majorité des études, les différences des niveaux de chaque polluant entre les gaz d'échappement de biodiesel et de diesel n'ont pas été clairement liées à des changements pour une réponse biologique donnée.

Une analyse a été réalisée afin d'étudier le risque que la population générale soit exposée par inhalation à l'agent infectieux de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) à la suite de la combustion de biodiesel produit à partir de graisses animales provenant de matières à risque spécifiées (MRS). Le risque a été considéré négligeable, à la condition que les MRS et le suif destinés à la production de biodiesel soient traités pour obtenir un suif dont la teneur en impuretés insolubles ne dépasse pas 0,15%, tel qu'énoncé dans les directives de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Dans un deuxième scénario où la teneur en impuretés insolubles du suif de MRS est supérieure à 0,15% et que ces impuretés contiennent des agents pathogènes d'ESB, il est attendu que les différents processus de production et de combustion contribueront à une réduction du risque d'exposition par inhalation aux agents d'ESB.

Le potentiel de réactions allergiques dans la population générale suite à une exposition par inhalation aux gaz d'échappement de biodiesel issu de soya a été analysé puisque le soya est une des denrées alimentaires principales responsables de réactions allergiques. Il a été conclu que la dénaturation et l'hydrolyse des protéines lors de la production de biodiesel et des étapes de purification réduiront vraisemblablement l'allergénécité du biodiesel. Toutefois, si des protéines allergènes étaient capables de survivre à ces derniers processus, il est très probable que les protéines seraient détruites lors du stade de combustion puisque les températures dans les moteurs au diesel sont largement supérieures à celles qui causent des altérations considérables à la structure des protéines, éliminant ainsi le potentiel de réactions allergiques.

Une analyse des principales catégories d'additifs de carburants qui seront vraisemblablement utilisées dans les carburants biodiesels au Canada a été réalisée. L'analyse comprenait de l'information contextuelle et toxicologique pour différents types d'additifs ainsi que certains produits spécifiques. Il existe un niveau d'incertitude relativement élevé quant aux additifs étant donné qu'il est difficile de prévoir quels produits seront utilisés régulièrement dans les mélanges de biodiesel et puisqu'il y a relativement peu d'information toxicologique ou reliée à l'exposition disponible quant à ces produits.

Conclusion générale

Quoique les scénarios analysés dans la présente évaluation ne reflètent pas des politiques canadiennes spécifiques d'utilisation de biodiesel, ils ont été sélectionnés afin de permettre un aperçu global des impacts potentiels sur la santé de l'utilisation de biodiesel au Canada. En général, il est prévu que l'utilisation de B5 ou de B20 à l'échelle nationale mène à des bénéfices/risques à la qualité de l'air et la santé très minimes et que ceux-ci diminueront vraisemblablement dans le temps. Même si des limitations importantes au niveau des données et de la modélisation subsistent, l'information présentement disponible suggère que les impacts différentiels sur la santé en fonction de l'utilisation généralisée de faibles mélanges de biodiesel au Canada soient minimes comparativement au DTFTS.

Pour obtenir une copie électronique de l'Évaluation des risques pour la santé humaine liés à la production, la distribution et l'utilisation de biodiesel au Canada, veuillez contacter hc.air.sc@canada.ca. Le rapport peut également être téléchargé.

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