Page 5 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – le trichloroéthylène

4.0 Exposition

Les Canadiens et les Canadiennes peuvent être exposés au TCE par le biais de l'eau potable, de l'air et des aliments. De plus, un sol contaminé, l'utilisation de certains produits de consommation ou le milieu de travail peuvent constituer d'autres sources d'exposition pour certains segments de la population. Comme on a détecté la présence du TCE dans le lait maternel, les enfants allaités pourraient être exposés (EPA des États-Unis, 2001b). Bien qu'on dispose d'un certain nombre de données sur l'exposition, ces données sont jugées insuffisantes pour justifier une modification de 20 % du facteur d'attribution par défaut relatif à l'eau potable.

4.1 Eau

On a souvent détecté la présence de TCE dans l'eau naturelle et l'eau potable au Canada et dans d'autres pays. À cause de sa grande volatilité, les concentrations de TCE sont normalement faibles dans les eaux de surface (1 µg/L). Dans les réseaux d'eau souterraine où la volatilisation et la biodégradation sont limitées, les concentrations peuvent toutefois être plus élevées s'il y a eu contamination dans les environs et lixiviation.

Comme les méthodes d'analyse se sont perfectionnées au fil des ans depuis le premier dosage de TCE, les concentrations qui, à une époque, étaient considérées comme « non détectables » sont désormais quantifiables. Pour cette raison, il n'est pas très utile d'utiliser les données antérieures sur le TCE, puisque les valeurs « non détectables » ont changé avec le temps.

On a détecté la présence de TCE dans l'eau brute et l'eau traitée dans 10 installations d'approvisionnement en eau potable de l'Ontario en 1983, à des concentrations variant de 0,1 à 0,8 µg/L (Mann Testing Laboratories Ltd, 1983). En 1979, on a constaté la présence de TCE dans plus de la moitié des échantillons d'eau potable prélevés dans 30 usines de traitement du Canada. Les concentrations moyennes s'établissaient à 1 µg/L ou moins et la concentration maximale était de 9 µg/L (Otson et coll., 1982).

Les données de surveillance réunies dans huit provinces canadiennes pendant la période de 1985 à 1990 ont indiqué que dans 95 % des 7 902 échantillons prélevés d'approvisionnements en eau potable (eau brute, traitée ou distribuée), les concentrations de TCE n'atteignaient pas 1 µg/L. La concentration maximale était de 23,9 µg/L (échantillon d'eau souterraine). Les échantillons où l'on a détecté la présence de TCE provenaient en majeure partie (75 %) de sources d'eau souterraine (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993). Des données plus récentes sur l'eau brute (eau de surface et eau souterraine), l'eau traitée et l'eau distribuée provenant du Nouveau-Brunswick (1994-2001), de l'Alberta (1998-2001), du Yukon (2002), de l'Ontario (1996-2001) et du Québec (1985-2001) ont indiqué que plus de 99 % des échantillons contenaient du TCE à des concentrations inférieures ou égales à 1,0 µg/L. La concentration maximale s'est établie à 81 µg/L. La plupart des échantillons contenant des concentrations détectables de TCE provenaient de sources d'eau souterraine (Alberta Department of Environmental Protection, 2002; ministère de la Santé et du Mieux-être du Nouveau-Brunswick, 2002; ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario, 2002; Yukon Department of Health and Social Services, 2002; ministère de l'Environnement du Québec, 2003).

Une étude réalisée en 2000 sur 68 sources communautaires d'approvisionnement en eau des Premières nations du Manitoba (eau souterraine et eau de surface) a révélé que les concentrations de TCE étaient non détectables (<0,5 µg/L) (Yuen et Zimmer, 2001).

Les eaux souterraines constituent la seule source d'eau pour 25 à 30 % de la population canadienne (Statistique Canada, 1994). En 1995, on a procédé à une analyse nationale des données sur la présence de TCE pour déterminer l'importance de la contamination des eaux souterraines par le TCE et le nombre de personnes susceptibles d'être exposées par l'eau potable contaminée. La majorité des sites se trouvaient en Ontario et au Nouveau-Brunswick. L'étude était fondée sur des sources urbaines d'approvisionnement en eau souterraine. Sur les 481 sources municipales/communautaires d'approvisionnement en eau souterraine et 215 sources d'approvisionnement privées/domestiques (eau brute), 8,3 % et 3,3 % respectivement contenaient du TCE à des concentrations maximales moyennes de 25 µg/L et 1 680 µg/L, respectivement. Cette étude portait sur une compilation de données provenant d'un éventail de sources sur différentes périodes. Par conséquent, l'interprétation des données est rendue plus difficile par la gamme des limites de détection. Dans la majorité des endroits (93 %), les concentrations étaient non détectables (<0,01-10 µg/L), 3,6 % présentaient une concentration maximale de <1 µg/L, 1,4 % une concentration maximale de 1-10 µg/L, 0,43 % une concentration maximale de 10-100 µg/L etNote de bas de page 1 une concentration maximale de >100 µg/L (Raven and Beck Environmental Ltd., 1995).

On a calculé que cette étude a porté sur quelque 1,67 million des 7,1 millions de Canadiens et Canadiennes qui comptaient sur les eaux souterraines pour leur usage domestique en 1995. Sur les 1,67 million de Canadiens et Canadiennes sondés, 49 % s'approvisionnaient à des sources présentant des concentrations non détectables (<0,01-10 µg/L), 48,1 % à des sources ayant une concentration maximale de 1-10 µg/L, 2,1 % à des sources présentant une concentration maximale de 10-100 µg/L, et 0,8 % à des sources ayant une concentration maximale de >100 µg/L. En dépit des problèmes associés au vaste éventail de limites de détection indiquées dans cette étude, les résultats d'analyse ont indiqué que plus de 95 % des Canadiens et Canadiennes desservis par des eaux souterraines sont exposés à des concentrations de moins de 10 µg/L dans leur eau potable. En fait, ces chiffres représentent probablement un scénario de la pire éventualité, puisque les données d'échantillonnage portaient sur l'eau brute et ne sont donc peut-être pas représentatives de l'eau reçue au robinet (Raven and Beck Environmental Ltd., 1995).

4.2 Exposition par voies multiples par l'eau potable

À cause de la volatilité du TCE et de sa solubilité dans les lipides, l'exposition peut aussi survenir par voie cutanée et par inhalation, surtout pendant le bain ou la douche. Aux fins d'évaluation de l'exposition globale au TCE, la contribution relative de chaque voie d'exposition doit être réévaluée; elle est exprimée en litres équivalents par jour (Leq/jour). Par exemple, une exposition par inhalation de 1,7 Leq/jour signifie que l'exposition quotidienne au TCE par inhalation est équivalente à l'ingestion additionnelle par une personne de 1,7 L d'eau par jour.

Bogen et coll. (1988) ont étudié l'exposition au TCE par ingestion, voie cutanée et inhalation due à l'usage de l'eau du robinet à des fins domestiques. Ils ont proposé des valeurs de Leq/jour à vie de 2,2 (ingestion), 2,9 (inhalation) et 2 (voie cutanée) pour des adultes de 70 kg. La valeur de l'exposition par ingestion était fondée sur les taux de consommation selon l'âge aux États-Unis; celle de l'exposition par voie cutanée a été calculée en utilisant un coefficient générique d'absorption par voie cutanée pour les composés organiques volatils, plutôt qu'une valeur spécifique au TCE. Outre le scénario de la douche, ces auteurs ont quantifié l'exposition par l'air domestique lorsqu'ils ont calculé la valeur Leq/jour dans le cas de l'exposition par inhalation.

Weisel et Jo (1996) ont conclu que l'exposition par voie cutanée et par inhalation produisait des doses internes semblables à celles qui découlent de l'ingestion d'eau du robinet et que leur contribution totale dépassait celle de l'exposition par ingestion. Toutefois, en l'absence de données sur les doses particulières à une voie d'exposition donnée et sur la concentration de TCE dans l'air, il n'est pas facile de vérifier leurs conclusions et leur calcul des valeurs de Leq/jour pour les diverses voies d'exposition.

Lindstrom et Pleil (1996) ont décrit des méthodes simples de calcul des doses possibles reçues par ingestion, voie cutanée et inhalation. En se fondant sur une concentration de 4,4 µg/L dans l'eau, ces auteurs ont calculé que la dose ingérée était plus importante que la dose inhalée à la suite d'une douche d'une durée de 10 minutes qui, elle, produisait une exposition plus importante que la voie cutanée.

Krishnan (2003) a calculé des valeurs de Leq/jour pour des expositions d'adultes et d'enfants (6, 10 et 14 ans) par voies cutanée et respiratoire au TCE (5 µg/L) dans l'eau potable dans le cas d'une douche d'une durée de 10 minutes et d'un bain d'une durée de 30 minutes, en se fondant sur la méthodologie de Lindstrom et Pleil (1996), en utilisant des modèles pharmacocinétiques à base physiologique (PCBP) et en tenant compte de la fraction absorbée (Laparé et coll., 1995; Lindstrom et Pleil, 1996; Poet et coll., 2000). La « fraction absorbée » dans le cas des expositions par voies cutanée et respiratoire tenait compte de la dose de TCE absorbée à la suite de l'exposition, ainsi que de la partie excrétée dans les 24 heures suivant l'exposition. On a supposé que 100 % de la peau était exposée dans le cas à la fois de la douche et du bain, et l'on a utilisé un coefficient d'absorption cutanée propre au TCE (Nakai et coll., 1999). On a supposé une absorption complète (100 %) de l'eau potable ingérée dans toutes les sous-populations, hypothèse étayée par l'importance de l'extraction hépatique du TCE (Laparé et coll., 1995).

Les valeurs de Leq/jour pour les expositions par voies respiratoire et cutanée étaient plus élevées pour toutes les sous-populations dans le cas du bain de 30 minutes que dans celui de la douche de 10 minutes, compte tenu de la durée plus longue de l'exposition. La valeur la plus élevée a atteint 3,9 Leq/jour (1,5 L par ingestion, 1,7 L par inhalation, 0,7 L par voie cutanée) chez les adultes. On considère que la valeur de 3,9 Leq/jour (arrondie à 4,0 Leq/jour) est conservatrice, puisque la plupart des Canadiens ne prennent pas tous les jours un bain d'une durée de 30 minutes. Si des personnes passent plus de 10 minutes dans une douche ou sont exposées au TCE par d'autres activités domestiques, la valeur calculée de 4,0 Leq/jour (qui inclut l'exposition par voies respiratoire et cutanée à la suite d'un bain de 30 minutes) devrait être adéquate.

4.3 Air

Au cours d'études menées dans les années 1980 et 1990, on a détecté la présence de TCE dans l'air extérieur et intérieur au Canada. On a calculé les concentrations de TCE dans l'air à Toronto et à Montréal pendant un an (1984-1985) et à Sarnia et Vancouver pendant un mois (automne 1983). Les concentrations moyennes se sont établies à 1,9, 0,7, 1,2 et 1,0 µg/m³ pour les quatre villes respectivement et ont atteint des maximums de 8,6, 1,7, 3,6 et 3,4 µg/m³ respectivement (Environnement Canada, 1986). Les concentrations moyennes de TCE dans l'air ambiant dans 11 sites urbains et un site rural au Canada (1988-1990), calculées au cours d'une autre étude, ont varié de 0,07 à 0,45 µg/m³ (Vancouver et Calgary respectivement), avec une valeur moyenne globale de 0,28 µg/m³, et l'on a calculé un maximum de 19,98 µg/m³à Montréal (Dann, 1993).

Des données plus récentes provenant des États-Unis mettent en évidence des concentrations similaires à celles mesurées au Canada. En 1998, les mesures effectuées dans l'air ambiant au moyen de 115 appareils de surveillance situés dans 14 États ont indiqué que les concentrations de TCE variaient de 0,01 à 3,9 µg/m³, et s'établissaient en moyenne à 0,88 µg/m³. Dans le cas des terres rurales, suburbaines, urbaines, commerciales et industrielles, les concentrations moyennes de TCE dans l'air (1985-1998) atteignaient 0,42, 1,26, 1,61, 1,84 et 1,54 µg/m³ respectivement (EPA des États-Unis, 1999a).

La concentration moyenne dans l'air de quelque 750 maisons ayant fait l'objet d'une étude dans 10 provinces canadiennes en 1991 s'établissait à 1,4 µg/m³, avec un maximum de 165 µg/m³ (Otson et coll., 1992). Dans deux des maisons analysées, on a signalé qu'une douche prise à l'eau de puits contenant des niveaux très élevés de TCE (40 mg de TCE/L) faisait passer de <0,5 à 67-81 mg/m³ la concentration de TCE dans l'air de la salle de bains en moins de 30 minutes (Andelman, 1985). Il convient toutefois de signaler que les concentrations de TCE dans les sources d'approvisionnement en eau du Canada n'atteignent habituellement pas 1 µg/L. Les valeurs Leq/jour indiquées ci-dessus semblent donc raisonnables.

4.4 Alimentation

L'EPA des États-Unis (2001a) a conclu que l'exposition au TCE par l'alimentation était probablement faible et qu'il n'y avait pas suffisamment de données sur l'alimentation pour établir des estimations fiables de l'exposition. On a calculé que les doses quotidiennes de TCE provenant des aliments variaient de 0,004 à 0,01 µg/kg p.c. par jour et de 0,01 à 0,04 µg/kg p.c. par jour respectivement chez les adultes (20 à 70 ans) et les enfants (5 à 11 ans) du Canada (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993). Ces chiffres reposaient sur des concentrations de TCE provenant d'enquêtes alimentaires réalisées aux États-Unis du milieu jusqu'à la fin des années 80, ainsi que de données canadiennes sur la consommation d'aliments. Au cours des dernières décennies, on a restreint rigoureusement l'utilisation du TCE dans la transformation des aliments en Amérique du Nord et l'élimination du TCE est contrôlée plus soigneusement dans d'autres secteurs d'activité. Il n'y a donc pas lieu de supposer que ces valeurs aient augmenté entre-temps.

Détails de la page

Date de modification :