Page 3 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – fluorure

Partie II. Science et considérations techniques

4.0 Identité, utilisation, sources et devenir environnemental

Dans les publications, on utilise de façon interchangeable les termes « fluor » et « fluorure » comme termes génériques (ATSDR, 2003). On utilise souvent l'expression « fluor gazeux » pour insister sur la forme élémentaire de fluor plutôt que sur une forme combinée (ATSDR, 2003). À l'état libre, le fluor est un gaz diatomique jaune pâle. On ne le trouve toutefois jamais sous cette forme dans la nature, car il est très réactif sur le plan chimique et se combine avec la plupart des éléments. Il vient au treizième rang des éléments les plus abondants et est habituellement présent dans la fluorite (CaF2), la cryolite (Na3AlF6), et la fluorapatite (3Ca3(PO4)2·Ca(F,Cl)2) (Cotton et Wilkinson, 1988; Mackay et Mackay, 1989).

Il est possible d'éliminer les fluorures atmosphériques de l'air par dépôt à sec et humide ou par hydrolyse. Le pH, la dureté de l'eau et la présence de matières échangeuses d'ions comme les argiles ont une influence sur le transport et la transformation du fluorure dans l'eau. Dans le sol, où le fluorure n'est pas facilement lixivié, le pH et la formation de complexes surtout avec l'aluminium et le calcium influencent le transport et la transformation du fluorure (Environnement Canada et Santé Canada, 1993). Les solutions aqueuses contiennent surtout des ions fluorure libres, mais les tissus végétaux et animaux peuvent contenir à la fois les formes ioniques (c.-à-d. inorganiques) et non ioniques du fluorure. L'absorption de fluorure par le biote est déterminée par la voie d'exposition, la biodisponibilité du fluorure et la cinétique de l'absorption et de l'excrétion dans l'organisme (PISSC, 2002).

Des sources tant naturelles qu'anthropiques peuvent contribuer à l'apparition de fluorure dans le sol, l'air, l'eau et les aliments. Des sources anthropiques rejettent environ 23 500 tonnes de fluorures inorganiques par année (Environnement Canada et Santé Canada, 1993) au Canada, et l'on calcule que les sources volcaniques du monde entier en rejettent de 60 à 6 000 kilotonnes par année (Symonds et coll., 1988). Le fluorure peut être présent naturellement dans les eaux de surface à la suite d'un dépôt de particules provenant de l'atmosphère et de l'altération atmosphérique des roches et des sols contenant du fluorure. Les eaux souterraines peuvent également contenir de fortes concentrations de fluorure en raison de la lixiviation des roches. Des usines de fabrication de produits chimiques et des étangs d'eaux résiduaires peuvent rejeter directement dans des sources d'eau brutes du fluorure sous forme d'effluents, ou le faire indirectement par volatilisation (Association canadienne de santé publique, 1979; ATSDR, 2003). Le fluor sert dans la fabrication de l'aluminium, de l'acier, du verre, de l'émail, de la brique, de la tuile, de la poterie et du ciment, dans la production de substances chimiques fluorurées et d'engrais phosphatés, ainsi qu'en fonderie, soudage et brasage des métaux (Association canadienne de santé publique, 1979; Environnement Canada et Santé Canada, 1993). On utilise du fluorure de sodium (NaF) comme décapant pour désoxyder l'acier effervescent, comme élément d'acides de buanderie (enlèvement des taches de fer), dans les colles à la caséine et les sels de thermotraitement, ainsi que dans la refonte de l'aluminium, la fabrication d'émaux vitreux et de papiers couchés, et le décapage de l'acier inoxydable (Mueller, 1994). Le fluorure de sodium sert aussi dans la préparation de divers produits antiparasitaires, y compris des insecticides, et de produits de préservation du bois (Budavari, 1989).

On utilise des composés contenant du fluorure afin de fluorurer l'eau potable pour prévenir les caries dentaires (Reeves, 1990). Les produits dentaires qui contiennent du fluorure, y compris les dentifrices, les suppléments, les rince-bouche, les gels et les vernis appliqués par des spécialistes, sont maintenant très répandus (ADC, 2005). On a aussi utilisé du fluorure (principalement sous forme de NaF) pour traiter l'ostéoporose (NRC, 2006).

5.0 Exposition

Le fluorure est omniprésent dans l'environnement, mais l'eau, les aliments et les boissons, ainsi que les produits dentaires, sont les principales sources d'exposition pour la population générale. On trouve aussi à des degrés moindres des fluorures dans le sol et l'air au Canada.

5.1 Eau

Des études réalisées entre 1984 et 1989 dans plusieurs provinces ont révélé des concentrations moyennes de fluorureNote de bas de page 1 dans l'eau potable non fluorurée qui variaient de <50 µg/L (seuil de détection) en Colombie-Britannique (non détectées à trois endroits) et à l'Île-du-Prince-Édouard (détectées à quatre endroits sur 13; <50 à 70 µg/L) à 210 µg/L au Yukon (de <30 à 650 µg/L; seuil de détection de <30 µg/L) (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1989; Environnement Canada, 1989; Greater Vancouver Regional Water District, 1990). Il est relativement peu fréquent de constater la présence de concentrations élevées de fluorure naturel dans l'eau potable au Canada, même si des collectivités du Québec, de la Saskatchewan et de l'Alberta ont relevé des concentrations pouvant atteindre 2 520 à 4 350 µg/L (Droste, 1987). En 1986, environ 38 % de la population canadienne recevait de l'eau potable fluorurée (Droste, 1987). Entre 1986 et 1989, les concentrations moyennes de fluorure dans l'eau potable fluorurée au Canada ont varié de 730 µg/L (600 à 800 µg/L) à Terre-Neuve-et-Labrador (à trois endroits) à 1 250 µg/L (1 200 à 1 300 µg/L) au Yukon (à deux endroits) (Droste, 1987; Environnement Alberta, 1990; ministère de l'Environnement de l'Ontario, 1990; ministère de l'Environnement du Québec, 1990).

En 2007, de l'eau potable municipale fluorurée a été distribuée à environ 45 % de la population canadienne (Santé Canada, 2009). L'annexe B (tableau B-1) contient des statistiques sur la fluoruration de l'eau à l'intention de la population canadienne. Ces statistiques indiquent que c'est en Ontario, en Alberta et au Manitoba que les pourcentages des populations recevant de l'eau potable fluorurée sont les plus élevés, soit 76 %, 75 % et 70 % respectivement. Les pourcentages les plus faibles sont enregistrés au Nunavut, au Yukon, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Colombie-Britannique et au Québec, avec 0 %, 0 %, 1,5 %, 3,7 %, et 6,4 % respectivement.

Les données provinciales et territoriales fournies par les membres du Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable en 2005 indiquent que les concentrations de fluorure dans les systèmes d'approvisionnement en eau potable fluorurée varient de 0,46 à 1,1 mg/L en moyenne au Canada. On estime en outre que plus de 75 % de la population canadienne branchée à un réseau de distribution d'eau reçoit de l'eau dont la concentration en fluorure est inférieure à 0,6 mg/L et moins de 2 % de la population reçoit de l'eau municipale dont la teneur en fluorure dépasse 1,0 mg/L.

5.2 Aliments et boissons

Dabeka et McKenzie (1995) ont réalisé, au cours de la période de 1986 à 1988, une enquête sur l'alimentation au Canada afin d'évaluer l'apport alimentaire de fluorure et d'autres substances chimiques. Les chercheurs ont acheté des aliments sur le marché de détail à Winnipeg (Manitoba), les ont préparés pour la consommation et les ont ensuite combinés en 113 composés et 39 sous-ensembles composés. L'eau potable utilisée pour préparer les aliments provenait d'une seule source contenant 1 mg/L de fluorure. Les concentrations moyennes (plage) de fluorure constatées dans des échantillons individuels s'établissaient à 325 ng/g (11 à 4 970 ng/g). Les échantillons individuels qui contenaient les concentrations les plus fortes de fluorure étaient les céréales de blé cuites (1 020 ng/g), le veau cuit (1 230 ng/g), les crustacés (3 360 ng/g), le poisson en conserve (4 570 ng/g) et le thé (4 970 ng/g). Les catégories alimentaires qui contenaient les concentrations moyennes les plus élevées de fluorure étaient les soupes (606 ng/g), les boissons (1 148 ng/g) et le poisson (2 118 ng/g). Au cours de la même enquête sur l'alimentation, on a calculé pour différents groupes d'âge les apports alimentaires en fluorure, qui ont varié de 353 µg/jour chez les enfants âgés d'un à quatre ans à 3 032 µg/jour chez les hommes de 40 à 64 ans. L'apport alimentaire moyen en fluorure s'est établi à 1 763 µg/jour pour tous les âges et les sexes. Les boissons constituaient la catégorie alimentaire qui a contribué le plus à l'apport alimentaire de fluorure (80 %).

Dans le contexte d'une enquête sur l'alimentation totale terminée récemment, on a calculé les apports alimentaires de fluorure chez les Canadiens à partir des données suivantes : données sur l'apport alimentaire tirées d'une enquête de Nutrition Canada; total des aliments composés préparés à partir d'aliments achetés à Toronto (Ontario) en 2005; composés sélectionnés préparés à Ottawa (Ontario) avec de l'eau contenant 1 mg/L de fluorure et de l'eau ne contenant pas de fluorure; aliments commerciaux de choix préparés et achetés à Ottawa et à Gatineau (Québec) (deux collectivités voisines où les concentrations de fluorure dans l'eau potable atteignent 0,99 mg/L et 0,03 mg/L respectivement); et un volume limité de lait maternisé en poudre et prêt à utiliser. On a calculé les apports alimentaires de fluorure pour la population de la ville de Toronto (Ontario), où la concentration moyenne de fluorure dans l'eau potable a été estimée à 0,54 mg/L, ainsi que pour des collectivités où les concentrations de fluorure dans l'eau potable atteignaient 1 mg/L et 0 mg/L (Dabeka et coll., 2007a). L'annexe B (tableau B-2) présente les apports alimentaires estimatifs de fluorure pour différents groupes d'âge de la population canadienne de plus d'un an en fonction des concentrations de fluorure dans l'eau potable communautaire et dans l'eau de transformation des aliments. On estime que l'apport alimentaire moyen en fluorure chez les enfant âgés d'un à quatre ans s'établit à 0,026 mg/kg p.c./jour et à 0,016 mg/kg p.c./jour dans les collectivités où l'eau est fluorurée et non fluorurée respectivement. Les apports alimentaires moyens de fluorure dans la population canadienne de 20 ans et plus varient de 0,024 à 0,033 mg/kg p.c./jour dans les collectivités où l'eau n'est pas fluorurée et de 0,038 à 0,048 mg/kg p.c./jour dans celles où elle l'est.

La concentration de fluorure dans l'eau utilisée pour reconstituer ou préparer des boissons et des concentrés secs peut en modifier considérablement la teneur en fluorure (Kumpulainen et Koivistoinen, 1977; Schamschula et coll., 1988; Marier, 1991). Aux États-Unis, on a constaté que les concentrations de fluorure dans le lait maternisé variaient de 0,127 mg/L dans le lait maternisé à base de lait prêt à utiliser à 0,854 mg/L dans le lait maternisé en poudre à base de soya préparé avec de l'eau contenant 1,0 mg/L de fluorure (McKnight-Hanes et coll., 1988). Une enquête réalisée au Canada a révélé que les femmes qui buvaient de l'eau potable non fluorurée (<0,16 mg/L de fluorure) produisaient du lait dont la concentration moyenne en fluorure atteignait 4,4 ng/g (µg/L), tandis que le lait maternel provenant de femmes qui buvaient de l'eau potable fluorurée (1 mg/L de fluorure) contenait 9,8 ng/g de fluorure (Dabeka et coll., 1986). Dans le contexte de l'enquête sur l'alimentation totale, Dabeka et coll. (2007a) ont calculé les apports alimentaires de fluorure chez les nourrissons. Le tableau B-3 (annexe B) présente l'apport alimentaire estimatif de fluorure chez les nourrissons en fonction de la concentration de fluorure dans l'eau potable de leur collectivité et du type de lait maternisé qu'ils boivent. Les données du tableau B-3 indiquent que l'apport alimentaire estimatif le plus élevé de fluorure chez les nourrissons provient du lait maternisé en poudre reconstitué avec de l'eau potable fluorurée. Le lait maternel et le lait maternisé prêt à utiliser contiennent un faible apport alimentaire de fluorure, même dans les collectivités dont l'eau potable est fluorurée. La catégorie « toutes préparations » tient compte de l'apport moyen pour les consommateurs et les non-consommateurs de différents types de lait maternisé et d'autres types d'aliments (le cas échéant). Le tableau B-3 montre que l'apport quotidien estimatif de fluorure provenant des aliments et boissons dans le groupe « toutes préparations » chez les nourrissons de sept à 12 mois allaités varie de 0,017 à 0,021 mg/kg p.c./jour dans une collectivité où l'eau est fluorurée et de 0,011 à 0,012 mg/kg p.c./jour dans une autre où elle ne l'est pas. Chez les nourrissons non allaités âgés de sept à 12 mois, on estime que la dose quotidienne varie de 0,024 à 0,026 mg/kg p.c./jour dans une collectivité où l'eau est fluorurée et de 0,013 à 0,014 mg/kg p.c./jour dans une autre où elle ne l'est pas.

Il se peut que certains aliments prêts à servir destinés aux nourrissons contiennent aussi de fortes concentrations de fluorure. Par exemple, les concentrations moyenne et médiane de fluorure dans les aliments à saveur de poulet et prêts à utiliser destinés aux nourrissons s'établissaient à 4,04 et 4,40 µg/g respectivement selon une étude réalisée par Heilman et coll. (1997). D'autres viandes, légumes, fruits et aliments pour nourrissons présentaient constamment de faibles concentrations de fluorure et n'étaient pas susceptibles de constituer d'importantes sources d'apport alimentaire.

La consommation moyenne d'eau du robinet chez les enfants a diminué aux États-Unis et au Canada, tandis que celle d'autres boissons a augmenté considérablement (Levy et coll., 1995). La teneur en fluorure des boissons correspond de près à celle de l'eau utilisée dans leur préparation. Compte tenu de ces différences au niveau de la concentration de fluorure dans l'eau utilisée pour la transformation, la teneur en fluorure des boissons transformées varie considérablement (Levy et coll., 2006).

Dans les régions où la consommation de thé est prévalente, le thé constitue une autre source importante de fluorure (Duckworth et Duckworth, 1978; Hargreaves, 1978; Hargreaves et Stahl, 1986; Featherstone et Schields, 1988). Les feuilles de thé non traitées peuvent contenir des concentrations de fluorure pouvant atteindre 400 mg/kg (Duckworth et Duckworth, 1978). On a constaté que la teneur en fluorure du thé variait de 0,1 à 4,2 mg/L lorsqu'on le faisait bouillir avec de l'eau désionisée, la moyenne s'établissant à environ 3 mg/L (Duckworth et Duckworth, 1978; Hargreaves, 1978; Hargreaves et Stahl, 1986).

La teneur en fluorure de l'eau embouteillée peut varier considérablement. La plupart des eaux embouteillées contiennent moins de 0,3 mg/L de fluorure, mais l'eau provenant de certains puits artésiens et certaines eaux minérales importées en contiennent de plus fortes concentrations (Flaitz et coll., 1989; Levy, 1994; Tate et Chan, 1994; Van Winkle et coll., 1995). Une étude réalisée en 1993 sur la teneur en fluorure de 78 eaux embouteillées disponibles en Iowa a révélé que 83 % en contenaient <0,3 mg/L, 7 % en contenaient de 0,3 à 0,7 mg/L, 1 %, de 0,71 à 1,00 mg/L et 9 % en contenaient >1 mg/L (Van Winkle et coll., 1995).

Le fluorure de sulfuryle est un produit antiparasitaire homologué temporairement au Canada depuis 2006 comme fumigeant utilisé dans des meuneries vides, des entrepôts vides, et des installations de transformation des aliments vides pour la lutte contre les parasites des produits entreposés (ARLA, 2006a). Même si ce produit antiparasitaire n'est pas homologué pour usage alimentaire au Canada, il se peut que des aliments importés de l'étranger contiennent des résidus de fluorure de sulfuryle. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada a fixé des limites maximales de résidus de fluorure de sulfuryle dans les composants alimentaires pertinents (amandes, dattes, maïs, prunes, riz, figues, blé, pistaches, noix de Grenoble et pacanes) (ARLA, 2006b).

5.3 Produits dentaires

Le dentifrice est le produit dentaire contenant du fluorure le plus couramment utilisé. La grande majorité des dentifrices vendus en Amérique du Nord contiennent du fluorure sous forme de NaF (996 à 1 222 ppm), de monofluorophosphate disodique (MFP ou Na2PO4F) (1 000 à 1 320 ppm) ou de fluorure stanneux (SnF2) (970 à 1 455 ppm). D'autres produits dentaires vendus aux consommateurs contiennent également du fluorure : suppléments de fluorure, rince-bouche au fluorure et soie dentaire, par exemple. Les produits contenant du fluorure qui sont mis à la disposition des professionnels des soins dentaires comprennent les vernis au fluorure, les gels topiques et les mousses topiques (Santé Canada, 2007).

Santé Canada (2010a) recommande de limiter l'apport de fluorure en deçà des limites sécuritaires. Le Ministère recommande, par exemple, qu'un adulte brosse les dents des enfants de moins de trois ans sans utiliser de dentifrice. Santé Canada recommande aussi que l'on surveille les enfants de trois à six ans pendant qu'ils se brossent les dents et qu'ils utilisent une faible quantité seulement (de la grosseur d'un pois, par exemple) de dentifrice au fluorure.

Compte tenu de la possibilité d'avaler du dentifrice, certains enfants reçoivent un apport de fluorure très élevé. Cette source peut s'avérer très importante comme élément de l'apport cumulatif de fluorure. C'est particulièrement vrai chez les jeunes enfants, plus susceptibles d'avaler du dentifrice. La fréquence du brossage des dents, la quantité de dentifrice utilisé et la proportion qui en est ingérée constituent des facteurs importants dont il faut tenir compte dans l'évaluation de l'apport en fluorure (Levy et coll., 2006). Dans le cadre d'une étude sur le fluorure en Iowa, on a effectué des analyses de la teneur en fluorure de différentes boissons comme le lait maternisé et l'eau embouteillée, ainsi qu'une étude longitudinale de toutes les expositions au fluorure et de l'ingestion de fluorure dans une cohorte de naissances, en établissant des liens avec les résultats d'examens portant sur la fluorose dentaire et la carie dentaire aux États-Unis. Les résultats obtenus fournissent des données détaillées de bonne qualité au sujet de l'apport estimé en fluorure provenant du dentifrice chez les enfants, depuis la naissance jusqu'à l'âge de huit ans (Levy et coll., 2006). Comme on peut le voir au tableau B-6 (voir l'annexe B), la dose moyenne estimée de fluorure ingéré à partir de dentifrice fluoruré varie de 0,02 à 0,03 mg/kg p.c./jour chez les six à 12 mois et de 0,02 à 0,04 mg/kg p.c./jour chez les 12 mois à quatre ans (48 mois). Il convient de signaler qu'il se peut que les enfants ingèrent des doses beaucoup plus importantes de fluorure provenant du dentifrice. Par exemple, le 95e percentile estimé du fluorure ingéré à partir de dentifrice fluoruré varie de 0,06 à 0,23 mg/kg p.c./jour chez les six à 12 mois et de 0,06 à 0,09 mg/kg p.c./jour chez les enfants de 12 mois à quatre ans (Levy et coll., 2006).

On estime que les adultes ingèrent 1,14 µg/kg p.c./jour de fluorure provenant du dentifrice, en se basant sur une concentration moyenne de fluorure inorganique dans les produits dentifrices de 1 000 µg/g et en supposant une ingestion de 0,08 g/jour de dentifrice (Environnement Canada et Santé Canada, 1993).

5.4 Sol

Le fluorure est un élément naturel retrouvé dans la plupart des types de sol, à des concentrations variant entre 20 et 1 000 µg/g dans les régions sans gisement naturel de phosphate ou de fluorure, et jusqu'à plusieurs milliers de µg/g dans les sols minéraux comportant des gisements de fluorure (Davison, 1983). La concentration moyenne de fluorure inorganique dans 23 échantillons de référence de sol prélevés par le Comité canadien de pédologie à une profondeur variant entre 0 et 130 cm était de 309 µg/g (avec une plage variant entre 63 et 1 000 µg/g) (Schuppli, 1985). Les enfants sont plus susceptibles que les adultes d'ingérer de la terre (NRC, 2006). Les valeurs estimatives d'ingestion quotidienne de sol dans la population canadienne sont de 35 mg par jour chez les 0 à <6 mois, de 50 mg par jour chez les 6 mois à <5 ans et de 20 mg par jour chez les adultes (Santé Canada, 1994). La dose quotidienne estimative de fluorure provenant de l'ingestion de sol est évaluée à 1,19 µg/kg p.c./jour et à 0,09 µg/kg p.c./jour respectivement chez les 6 mois à <5 ans et chez les 20 ans et plus.

5.5 Air

Il n'existe pas de données canadiennes sur les concentrations de fluorure dans l'air intérieur. Les concentrations mensuelles moyennes de fluorure (gazeux ou particulaire) dans l'air ambiant signalées dans une zone résidentielle de Toronto (Ontario) en 1981 variaient de 0,01 à 0,05 µg/m³, la moyenne s'établissant à 0,03 µg/m³ (McGrath, 1983). On estime que l'apport de fluorure par inhalation chez les Canadiens est d'environ 0,01 µg/kg p.c./jour (Lewis et Limeback, 1996). Comme les concentrations dans l'air ambiant n'atteignent pas les limites de détection dans la plupart des cas, les concentrations inhalées sont en général très faibles, sauf dans les régions limitrophes d'industries qui rejettent des fluorures dans l'air (ATSDR, 2003). On a découvert des concentrations plus élevées de fluorure dans l'air ambiant à proximité de sources industrielles canadiennes : les concentrations moyennes de fluorure dans des échantillons d'air ambiant prélevés entre 1980 et 1991 à proximité d'industries émettrices au Canada ont atteint jusqu'à 0,85 µg/m³ (Environnement Canada et Santé Canada, 1993).

5.6 Apport quotidien total

Les conclusions et les recommandations issues de la réunion du groupe d'experts sur le fluorure qui s'est tenue au Canada en 2007 semblent indiquer que l'apport total de fluorure a généralement diminué dans la population canadienne au cours des dernières années (Santé Canada, 2008). Cette diminution est probablement reliée à la révision des recommandations portant sur l'utilisation des fluorures qui a eu lieu au cours des années 1990 au Canada et aux États-Unis et qui a entraîné d'importants changements. Il n'y a toutefois pas de données qui permettent d'évaluer l'effet de ces recommandations dans nos collectivités (Clark, 2006).

Jusqu'à maintenant, les meilleures données qui établissent un lien entre la présence de fluorure dans l'eau potable et la santé dentaire dans une population ont été recueillies au cours des années 1940 dans des localités des États-Unis où les concentrations de fluorure dans l'eau potable variaient (Dean et coll., 1942). Afin d'utiliser ces données dans un contexte moderne, on a calculé l'apport alimentaire historique de fluorure provenant des aliments et des boissons dans le cas de la population qui vivait au cours des années 1940 et dont l'eau potable distribuée par la collectivité contenait des concentrations de fluorure de 0, 1,0 ou 1,5 mg/L. Il n'y avait à l'époque aucune autre source de fluorure dont il fallait tenir compte, comme le dentifrice, qui aurait pu avoir un effet sur la prévalence de la fluorose dentaire à différents degrés. Le calcul effectué se base sur des données courantes relatives à l'apport alimentaire qui permettent d'estimer ce que l'apport alimentaire de fluorure aurait été au cours des années 1940 dans les collectivités mentionnées ci-dessus, mais en rajustant les données d'études sur l'alimentation totale au moyen de deux méthodes pour estimer l'apport alimentaire de fluorure (à l'exclusion de l'eau du robinet consommée directement) chez des populations vivant dans une collectivité où les concentrations de fluorure dans l'eau potable atteignent 1,0 ou 1,5 mg/L. Tout d'abord, on suppose dans le calcul qu'il n'y avait pas à cette époque de jus concentré ni de lait maternisé. On utilisait fort probablement du lait évaporé ou du lait de vache au lieu du lait maternisé; on a donc attribué au lait maternisé la concentration de fluorure dans le lait évaporé. Les concentrations de fluorure dans le lait de vache n'ont pas été modifiées. On a extrapolé de façon linéaire les estimations de l'apport alimentaire de fluorure provenant des aliments et des boissons préparés avec de l'eau contenant 1,5 mg/L de fluorure à partir des estimations concernant les aliments et boissons préparés avec de l'eau contenant des concentrations de fluorure de 0 et 1 mg/L (Dabeka et coll., 2007b).

Les tableaux B-4 et B-5 présentent les apports alimentaires estimatifs respectifs chez les nourrissons et chez les enfants d'un an ou plus et les adultes qui vivaient au cours des années 1940 dans des collectivités où les concentrations de fluorure dans l'eau potable différaient. Compte tenu de l'alimentation des années 1940, on estime à 0,032 mg/kg p.c./jour l'apport alimentaire moyen de fluorure chez les personnes vivant dans une collectivité dont l'eau potable contenait 1,5 mg/L de fluorure. Chez les nourrissons de moins d'un an vivant dans une collectivité dont l'eau potable contenait 1,5 mg/L de fluorure, en particulier ceux qui buvaient du lait évaporé, les apports auraient été plus élevés que chez les adultes pour atteindre 0,048 mg/kg p.c./jour. Chez les enfants d'un à quatre ans vivant dans une collectivité dont l'eau potable contenait 1,5 mg/L de fluorure, on estime l'apport alimentaire de fluorure à environ 0,027 mg/kg p.c./jour.

Le tableau 1 présente les apports quotidiens totaux estimatifs de fluorure provenant de l'eau potable, de l'air, du sol, des aliments et boissons, et du dentifrice chez les groupes d'âge de sept à 12 mois, d'un à quatre ans et de 20 ans et plus dans la population canadienne. On n'a pas calculé les apports quotidiens de fluorure provenant de suppléments alimentaires, de rince-bouche, de vernis et de gels, car les données disponibles sur le pourcentage de la population générale qui utilise ces produits ou sur la quantité de fluorure ingérée au cours de |leur utilisation ont été jugées inadéquates. De plus, l'utilisation en est soit non recommandée, soit recommandée seulement individuellement par les dentistes pour les enfants et les adultes à risque de caries dentaires (Santé Canada, 2010a).

Les apports de fluorure peuvent varier énormément entre individus dans le cas de chaque source. Le lait maternisé est un des éléments constituants de l'alimentation qui pourrait produire un apport excessif de fluorure chez les nourrissons, particulièrement ceux qui consomment du lait maternisé en poudre reconstitué avec de l'eau fluorurée (voir le tableau B-3). Dans ses observations et recommandations (Santé Canada, 2008), le groupe d'experts sur le fluorure a recommandé de tenir compte des points suivants :

  • Quelques études ont fait ressortir un lien positif entre une plus grande utilisation des préparations pour nourrissons reconstituées avec de l'eau fluorurée et la prévalence accrue de la fluorose dentaire; les publications scientifiques courantes n'appuient cependant pas l'existence d'un lien entre la consommation de lait maternisé reconstitué avec de l'eau fluorurée et le risque de fluorose dentaire modérée ou sévère.
  • Le risque d'ingestion excessive de fluorure est plus élevé chez les nourrissons qui boivent beaucoup de lait maternisé. Cependant, la biodisponibilité du fluorure est probablement moins élevée dans le lait maternisé reconstitué que dans l'eau potable.
  • On établit un lien entre les périodes prolongées (c.-à-d. plusieurs années) d'exposition au fluorure et un risque accru de fluorose; une exposition importante au cours de la première année de vie peut être moins préoccupante si elle est suivie d'une faible exposition.

Il faut aussi tenir compte de l'ingestion de fluorure provenant des produits dentaires comme élément de l'apport cumulatif de fluorure. Le dentifrice peut être une source très importante d'exposition chez les jeunes enfants qui sont plus susceptibles de l'avaler, ce qui pourrait par conséquent accroître le risque de fluorose dentaire modérée et sévère dans cette population.

Tableau 1 : Apports quotidiens estimés de fluorure dans les groupes d'âge de sept à 12 mois, d'un à quatre ans et de 20 ans et plus dans la population générale du Canada
Groupe d'âge Type de collectivité Apport quotidien de fluorure provenant de diverses sources (µg/kg p.c./jour)
Eau potable (consommée nature)Note de bas de page 1 AirNote de bas de page 2 SolNote de bas de page 3 Aliments et boissonsNote de bas de page 4 DentifriceNote de bas de page 5 Total
(moyenne)
Proportion de l'apport de fluorure provenant de l'eau potable
(moyenne)
Aliments Boissons

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Eau potable : Calculée à partir de données déclarées antérieurement (1996) sur les concentrations de fluorure mesurées dans des régions où l'eau n'est pas fluorurée (minimum de 50 µg/L en Colombie-Britannique et maximum de 210 µg/L à l'Île-du-Prince-Édouard et au Yukon) et de nouvelles données sur la fluoruration de l'eau potable (2005) (minimum de 460 µg/L en Ontario et maximum de 1 100 µg/L à l'Île-du-Prince-Édouard), si l'on suppose que les sujets des groupes de sept mois à quatre ans et de 20 ans et plus boivent 0,2 L et 0,4 L d'eau nature par jour et pèsent 13 kg et 70 kg respectivement (Santé Canada, 1994). La catégorie Aliments et boissons inclut l'apport de fluorure provenant de l'eau du robinet utilisée pour préparer les aliments et boissons.

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Note de bas de page 2

Air : Apport estimatif de fluorure par inhalation chez les Canadiens (Lewis et Limeback, 1996).

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Note de bas de page 3

Sol : Calculé à partir de la concentration moyenne de fluorure dans le sol de 309 µg/g (Schuppli, 1985), en supposant un taux d'ingestion de 50 mg par jour chez les enfants de six mois à quatre ans et de 20 mg par jour chez les adultes (Santé Canada, 1994). On a supposé que les sujets des groupes de sept mois à quatre ans et de 20 ans et plus pesaient 13 kg et 70 kg respectivement (Santé Canada, 1994).

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Note de bas de page 4

Aliments et boissons : Plages de données sur l'apport moyen tirées de l'enquête sur le panier d'aliments dans les groupes d'âge de sept à 12 mois, d'un à quatre ans et de 20 ans et plus (Dabeka et coll., 2007a). Les données relatives aux groupes des sept à 12 mois représentent la consommation moyenne estimée pour tous les différents types de préparations et d'aliments. Ces données renvoient à la catégorie « Toutes préparations » du tableau B-3. Elles ne présentent pas le pire scénario d'exposition chez les nourrissons, que l'on considère comme étant la consommation exclusive de lait maternisé en poudre reconstitué avec de l'eau potable fluorurée.

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Note de bas de page 5

Dentifrice : Les plages de valeurs moyennes relatives à l'ingestion de dentifrice chez les sept à 12 mois et les un à quatre ans sont dérivées de l'étude sur le fluorure en Iowa (Levy et coll., 2006). On a calculé l'ingestion de dentifrice chez les adultes en supposant une ingestion de 80 mg par jour de dentifrice dont la concentration de fluorure atteint 1 000 µg/g (Environnement Canada et Santé Canada, 1993). Chez les sept à 12 mois, l'apport moyen par ingestion de dentifrice variait de 20 à 30 µg de fluorure/kg p.c./jour. Chez les enfants d'un à quatre ans, cet apport allait de 20 à 40 µg de fluorure/kg p.c./jour. On a utilisé les valeurs moyennes dans la plage des apports de fluorure provenant du dentifrice, comme le recommande le groupe d'experts sur le fluorure (Santé Canada, 2008).

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Nourrissons de 7 à 12 mois allaités Eau non fluorurée 0,77-3,23 0,01 1,19 2,2-2,4 8,8-9,6 20,0-30,0 33,0-46,4
(39,7)
0,24-0,32
(0,28)
Eau fluorurée 7,08-16,92 3,4-4,2 13,6-16,8 45,3-69,1
(57,2)
0,36-0,59
(0,48)
Nourrissons de 7 à 12 mois non allaités Eau non fluorurée 0,77-3,23 0,01 1,19 2,6-2,8 10,4-11,2 20,0-30,0 35,0-48,4
(41,7)
0,27-0,35
(0,31)
Eau fluorurée 7,08-16,92 4,8-5,2 19,2-20,8 52,3-74,1
(63,2)
0,42-0,60
(0,51)
1 à 4 ans Eau non fluorurée 0,77-3,23 0,01 1,19 3,2 12,8 20,0-40,0 38,0-60,4
(49,2)
0,28-0,33
(0,31)
Eau fluorurée 7,08-16,92 5,2 20,8 54,3-84,1
(69,2)
0,40-0,55
(0,48)
20 ans et plus Eau non fluorurée 0,29-1,20 0,01 0,09 4,8-6,6 19,2-26,4 1,14 25,5-35,4
(30,5)
0,64-0,91
(0,78)
Eau fluorurée 2,63-6,29 7,6-9,6 30,4-38,4 41,8-55,5
(48,7)
0,68-0,92
(0,80)

6.0 Méthodes d'analyse

La United States Environmental Protection Agency (U.S. EPA) a actuellement une méthode d'analyse approuvée (méthode 300.0 Révision 2.1) pour l'analyse du fluorure dans l'eau potable (U.S. EPA, 1993). L'EPA approuve aussi les méthodes suivantes élaborées par des organisations de normes consensuelles volontaires (U.S. EPA, 2003a) :

  • Chromatographie par échange d'ions - SM 4110B (APHA et coll.,1998); D4327-97 (ASTM, 1997)
  • Électrode manuelle - SM 4500F-C (APHA et coll.,1998); D1179-93B (ASTM, 1993)
  • Colorimétrie SPADNS - SM 4500F-D seule ou combinée avec la méthode SM 4500F-B comme distillation préliminaire (APHA et coll., 1998)
  • Méthode complexométrique automatisée - SM 4500F-E (APHA et coll., 1998)

La méthode 300.0 Révision 2.1 de l'EPA est fondée sur la chromatographie par échange d'ions et la limite de détection de la méthode (LDM) s'établit à 0,01 mg F¯/L. La chromatographie par échange d'ions sépare les anions d'intérêt, que l'on mesure au moyen d'un système constitué d'une colonne de protection, d'une colonne d'analyse, d'un dispositif de suppression et d'un détecteur de conductivité (U.S. EPA, 1993).

Les méthodes SM 4110B (APHA et coll.,1998) et D4327-97 (ASTM, 1997) équivalent à la méthode 300.0 de l'EPA. On n'indique pas de LDM dans le cas de la méthode SM 4110B, mais la version la plus récente d'APHA et coll. (2005) l'établit à 0,002 mg F¯/L. Les données provenant d'un seul laboratoire de l'EPA indiquent une LDM de 0,01 mg/L dans le cas de la méthode D4327-97. Les méthodes de chromatographie par échange d'ions ont les limites suivantes : (1) difficulté à quantifier les échantillons comportant de faibles concentrations de fluorure à cause de l'effet négatif de l'élution de l'eau, et (2) interférence possible provenant des acides organiques simples (formique, carbonique, etc.) élués lorsqu'on se rapproche du pic de fluorure.

La méthode SM 4500F-C et la méthode D1179-93B déterminent la concentration de fluorure par potentiométrie en utilisant une électrode pour ions spécifiques de concert avec une électrode de référence à manchon ordinaire. La solution échantillon d'un côté et une solution témoin interne de l'autre produisent une différence de potentiel à l'électrode de cristal de fluorure de lanthane. Ces méthodes conviennent pour des concentrations de fluorure qui varient de 0,1 mg/L à plus 10 mg/L (APHA et coll.,1998) et de 0,1 mg/L à 1 000 mg/L (ASTM, 1993), respectivement. L'interférence des cations S+4, Fe+3 et Al+3 et la formation de complexes avec le fluorure constituent un problème que pose couramment la méthode de l'électrode pour ions spécifiques. Le problème peut être réglé en ajoutant une solution tampon qui réagit avec les quatre cations interférents et libère les anions de fluorure.

La méthode colorimétrique SPADNS 4500F-D est fondée sur la réaction entre le fluorure et une laque de colorant au zirconium où la couleur de l'échantillon pâlit en fonction de l'augmentation de la concentration de fluorure. On mesure la concentration de fluorure au moyen d'un photomètre dont le réglage varie de 550 nm à 580 nm, ou d'un spectrophotomètre réglé à 570 nm. Cette méthode a une plage analytique linéaire de 0 à 1,4 mg/L. Lorsqu'on l'utilise, il faut utiliser la méthode de distillation préliminaire 4500F-B afin de préparer l'échantillon lorsqu'il contient des ions interférents, de la couleur ou de la turbidité.

Dans la méthode complexométrique automatisée SM 4500F-E, on distille l'échantillon et le distillat réagit avec le réactif alizarin fluor bleu-lanthane pour former un complexe bleu. On calcule la concentration de fluorure par colorimétrie à 620 nm. La méthode convient pour des concentrations de fluorure variant de 0,1 mg/L à 2 mg/L.

Le Centre d'expertise en analyse environnementale du Québec (CEAEQ, 2007) a fait rapport d'une méthode (MA.303 - Anions 1,0) de mesure du fluorure dans l'eau potable dont la limite de détection s'établit à 0,03 mg/L. Cette méthode est fondée sur la chromatographie par échange d'ions conjuguée à un détecteur de conductivité et est utilisée dans les laboratoires agréés du Québec.

À la suite de son examen de six ans portant sur l'analyse des données d'un sondage des approvisionnements en eau (U.S. EPA, 2003a), l'U.S. EPA a constaté que les laboratoires agréés participant au sondage utilisaient surtout les méthodes à l'électrode manuelle SM 4500F-C et D1179-93B. Un modeste pourcentage des laboratoires participant au sondage des approvisionnements en eau employaient deux des autres méthodes d'analyse approuvées par l'EPA : 380-75WE (électrode automatisée) et 129-71W (alizarin automatisée) (U.S. EPA, 2003a), mais il n'existe pas d'information à l'appui de ces méthodes.

Le seuil pratique de l'évaluation quantitative (SPEQ) actuel de l'U.S. EPA (basé sur la capacité des laboratoires de mesurer la concentration d'un analyte avec des limites raisonnables de précision et d'exactitude) pour le fluorure est de 0,5 mg/L (U.S. EPA, 1986). Les données d'analyse du sondage des approvisionnements en eau, fondées sur la comparaison entre les méthodes et leur utilisation, indiquent qu'il pourrait être possible d'abaisser le SPEQ dans le cas du fluorure, mais qu'une analyse plus poussée s'imposerait toutefois (U.S. EPA, 2003a).

7.0 Techniques de traitement

7.1 Échelle municipale

Les méthodes disponibles pour contrôler les concentrations excessives de fluorure dans l'eau potable consistent notamment à combiner de l'eau ayant de hautes concentrations en fluorure avec de l'eau à faible teneur en fluorure, à choisir des sources à faible teneur en fluorure et à réduire les concentrations excessives de fluorure par un traitement au niveau municipal ou résidentiel. Il existe plusieurs techniques et méthodes de traitement telles que l'alumine activée (AA), l'osmose inverse, l'adoucissement à la chaux et l'échange d'ions, qui peuvent réduire les concentrations excessives de fluorure dans l'eau potable. On a démontré que la coagulation réduisait la concentration de fluorure, mais qu'elle était moins efficace vu qu'elle nécessite d'importantes quantités de coagulant.

En général, les méthodes conventionnelles de traitement de l'eau (coagulation, floculation et clarification) n'ont qu'un faible effet sur la réduction des concentrations excessives de fluorure dans l'eau potable (NAS, 1977; Santé nationale et Bien-être social Canada, 1993a; NHMRC, 2004; OMS, 2004). Le choix d'une méthode de traitement appropriée pour un approvisionnement en eau donné dépend des caractéristiques de la source d'eau brute et des conditions opérationnelles de la méthode de traitement. Le pH de l'eau brute et la présence d'ions concurrents tels que l'arsenic, le sélénium, le silice, le chlorure, le sulfate, le nitrate et les ions de dureté peuvent avoir un effet considérable sur l'efficacité de la méthode de réduction des concentrations de fluorure.

L'EPA considère l'adsorption sur AA et l'osmose inverse comme les meilleures techniques généralement disponibles pour réduire l'excès de fluorure (U.S. EPA, 1986). Il est possible d'atteindre une plage d'efficacité de 85 % à 95 % selon la conception du système de traitement (U.S. EPA, 2003b). Dans le cas des systèmes de traitement où il suffit d'éliminer l'excès de fluorure de l'eau brute, on préfère la méthode de l'AA. Le traitement par osmose inverse est la méthode recommandée dans le cas des systèmes de traitement où il faut réduire la concentration de matières dissoutes totales et d'autres contaminants en plus de celle du fluorure (U.S. EPA, 1986). Les études ont démontré que les deux méthodes de traitement décrites ci-dessous sont efficaces, mais qu'elles coûtent relativement cher à construire et à entretenir à l'échelle municipale. À cause des coûts et des enjeux reliés à la manipulation des substances dangereuses, il se peut que la méthode de l'AA ne convienne pas pour les petits systèmes de traitement de l'eau (Fox et Sorg, 1987; U.S. EPA, 1998).

7.1.1 Techniques de coagulation

Même s'ils ne sont pas très efficaces, les coagulants inorganiques comme le sulfate d'aluminium (alum) ou un sel ferrique peuvent peut-être réduire la concentration de fluorure dans l'eau potable, mais les procédés exigeraient de très grandes quantités de coagulant (Sorg, 1978; Singh et Clifford, 1981; Crittenden et coll., 2005). Au cours des procédés de coagulation ou de floculation, les ions fluorure sont éliminés par adsorption et coprécipitation.

Des facteurs comme la dose de coagulant et le pH peuvent affecter la réduction des concentrations de fluorure par coagulation à l'alum. Les données expérimentales ont démontré que la plage optimale de pH pour la réduction du fluorure se situait entre 6,2 et 7,0 (U.S. EPA, 1984, 2002; Potgieter, 1990). Les cations associés aux ions fluorure dans l'eau ont un impact sur le taux de réduction du fluorure (J.E. Sirrine Co et Aware Inc., 1977). Les sels de fluorure de sodium ont révélé une défluoruration plus importante tandis que les sels de fluorure de magnésium et d'aluminium ont démontré un taux de réduction modeste. La capacité du fluorure de former des complexes inorganiques avec l'aluminium constitue un autre facteur dont il faut tenir compte lors de l'utilisation de l'alum pour la coagulation. Comme les complexes demeurent solubles dans l'eau, ils augmentent la concentration résiduelle d'aluminium dans l'eau prête au débit et diminuent le taux de réduction des ions fluorure (Cushing et coll., 2000; Field et coll., 2000; Pommerenk et Schafran, 2002).

Les données à pleine échelle ont démontré qu'une concentration influente de fluorure de l'ordre de 2,0 à 2,6 mg/L est réduite à une concentration dans l'eau traitée de moins de 1,8 mg/L si l'on utilise une dose totale de coagulant à l'alum (alum et aluminate de sodium) de l'ordre de 23 à 30 mg/L à un pH variant de 7,0 à 7,3 (Cushing et coll., 2000).

Au cours d'études en laboratoire, Mathu et coll. (2003) ont signalé que le chlorure de polyaluminium (ClPA) réduisait les concentrations influentes de fluorure de 4, 3 et 2 mg/L à 1,95, 0,80 et 0,85 mg/L respectivement, lorsqu'on utilisait une dose de coagulant de 500 mg/L à un pH de 7,93. Les résultats produits par cette étude indiquent que le pH, la dose de coagulant et la concentration initiale de fluorure constituent des paramètres témoins critiques en ce qui a trait à la réduction des concentrations de fluorure. Des expériences parallèles réalisées avec un coagulant à l'alum au même pH, les mêmes concentrations influentes et les mêmes doses de coagulant ont démontré que les concentrations de fluorure dans l'eau traitée s'établissaient à 1,50, 1,40 et 1,30 mg/L respectivement.

La grande quantité de coagulant nécessaire et le coût des produits chimiques limitent cette technique à certaines applications précises, particulièrement dans les petits systèmes de traitement. Cette quantité produirait un volume important de boue qu'il faut prétraiter et éliminer (U.S. EPA, 2002).

7.1.2 Alumine activée

La technique la plus pratique à l'échelle municipale pour réduire les concentrations excessives de fluorure dans l'eau potable est celle de l'absorption à l'AA (trioxyde d'aluminium (gamma)) qui montre une grande affinité et sélectivité pour les ions fluorure (Sorg, 1978; Wu et Nitya, 1979; U.S. EPA, 1980; Barbier et Mazounie, 1984; Schoeman et Leach, 1987; Clifford, 1999; Ghorai et Pant, 2004; Chauhan et coll., 2006). Des études pilotes et à pleine échelle ont démontré qu'il était possible d'atteindre dans l'eau traitée des concentrations de fluorure de moins de 1,0 mg/L au moyen de ce procédé (Barbier et Mazounie, 1984; U.S. EPA, 1984; Schoeman et Leach, 1987; Guo-Xun, 1994).

Comme l'eau brute circule continuellement dans les réacteurs à lit dense d'AA (en série ou en parallèle), il y a un échange entre les ions de fluorure et les hydroxydes à la surface de l'alumine. Des facteurs comme le pH, la concentration influente de fluorure, la taille des particules du milieu filtrant et les ions concurrents (arsenic, sélénium, silice, ions de dureté) ont un effet important sur la réduction de la teneur en fluorure. En outre, l'efficacité du procédé est aussi fonction du débit, du temps de contact en fût vide (TCFV) et de la régénération du milieu filtrant.

À cause de la nature amphotère de l'AA, le pH a un effet sur ce procédé. À un pH inférieur à 8,2 (point de charge nulle typique de l'AA), la surface de l'AA a une charge positive nette et adsorbe les anions qui se trouvent dans l'eau. De nombreuses études ont démontré que la réduction des concentrations de fluorure par l'AA est optimale à un pH qui se situe entre 5,5 et 6,0 (Rubel et Woosley, 1978; Choi et Chen, 1979; Barbier et Mazounie, 1984; Schoeman et Leach, 1987; MEO, 1992; U.S. EPA, 1998, 2002; Clifford, 1999; Meenakshi et Maheshwari, 2006). À ce pH, l'attrait que la surface de l'AA exerce sur les ions fluorure est des plus favorables et l'interférence des cations et des silicates concurrents est minime. Afin d'optimiser l'efficacité de ce procédé de réduction, il peut être nécessaire de rajuster le pH de l'eau avant et après le traitement.

À un pH de plus de 6,0, les silicates et les cations de dureté (Ca2+ et Mg2+) compétitionnent avec les ions fluorure pour occuper les sites d'échange du milieu d'adsorption (Potgieter, 1990; U.S. EPA, 2002). Si l'eau de la source d'approvisionnement contient une concentration excessive de fluorure et est contaminée par des cations arsenic, c'est l'arsenic qui est adsorbé de préférence sur l'AA au même pH optimal, ce qui réduit l'efficacité de la réduction de la teneur en fluorure (U.S. EPA, 1980, 2002). Les anions de chlorure (U.S. EPA, 1984, 2002; Potgieter, 1990; Meenakshi et Maheshwari, 2006) ou de sulfate (Sorg, 1978; Potgieter, 1990; U.S. EPA, 2002) présents dans l'eau n'ont pas d'effet sur le procédé de réduction des concentrations de fluorure. Par ailleurs, une étude en laboratoire (Singh et Clifford, 1981) a montré que les anions de sulfate entraînaient une diminution considérable de l'efficacité du procédé au pH optimal pour la réduction des concentrations de fluorure.

Des études ont en outre démontré qu'une augmentation de l'alcalinité de l'eau brute réduisait l'adsorption du fluorure (Savinelli et Black, 1958; Bishop et Sansoucy, 1978; Barbier et Mazounie, 1984; U.S. EPA, 1984). On n'a toutefois pas précisé le pH dans ces études. Par contre, une étude (Singh et Clifford, 1981) n'a révélé aucun effet important du bicarbonate (alcalinité) sur la réduction des concentrations de fluorure à un pH de 6,0.

Une baisse de la concentration influente de fluorure diminue la capacité de l'AA de réduire la teneur en fluorure (Barbier et Mazounie, 1984; U.S. EPA, 1984). La capacité de réduction du fluorure est tombée de 700 grains/pi³ (1 601 g/m³) à 450 grains/pi³ (1 030 g/m³) lorsqu'on a diminué la concentration influente de fluorure de 8 mg/L à 3 mg/L (U.S. EPA, 1984).

Une étude sur les usines de traitement utilisant l'AA aux États-Unis a montré que la réduction de la teneur en fluorure dépassait 95 % dans diverses conditions d'exploitation avec des concentrations influentes variant de 4,5 à 7,5 mg/L (U.S. EPA, 1984). Une usine utilisant deux colonnes en série contenant 3 m³ d'AA chacune fonctionnant à un débit d'alimentation de 108 L/m²/min, à un temps de rétention de 16 min et avec un pH de 5,6 dans l'eau d'alimentation a pu ramener une concentration influente de fluorure de 7,2 mg/L à moins de 1 mg/L dans l'eau prête au débit (Schoeman et Leach, 1987). Une étude à pleine échelle a démontré qu'un seul lit d'AA produisait une concentration dans l'eau traitée moyenne de fluorure de moins de 1 mg/L (plage de 0,56 à 0,80 mg/L) à partir d'une concentration influente de 3 mg/L avec un temps de rétention de 13,3 min. On a maintenu le pH de l'eau brute entre 6,5 et 7,0 au moyen de gaz carbonique. Dans de telles conditions d'exploitation, il est possible d'atteindre une capacité d'adsorption de 3 à 4 mg F¯/g d'AA (Guo-Xun, 1994). Des résultats pilotes obtenus au moyen d'AA régénérée ont démontré qu'une concentration influente de fluorure de 11,5 mg/L pouvait être réduite à une concentration dans l'eau traitée de moins de 1 mg/L. On a atteint une capacité d'adsorption de l'ordre de 3,8 à 4,5 mg F¯/g d'AA avec un lit d'une hauteur de couche de 1,5 mètre et un débit de 13,3 volumes lit à l'heure (Barbier et Mazounie, 1984).

Lorsqu'on utilise la technique de l'AA, il faut tenir compte de questions opérationnelles comme les suivantes : AA provenant de « lits d'alumine cimentée » qui a tendance à se dissoudre à la suite du procédé de régénération; l'encrassement du lit d'AA par des particules, ce qui accroît la perte de charge sur le lit (U.S. EPA, 1984, 2002); et les hydroxydes métalliques, solides en suspension, carbonates et silicates adsorbés qui peuvent réduire la capacité d'adsorption de l'AA (Schoeman et Leach, 1987; U.S. EPA, 2002). En outre, afin d'éviter l'encrassement de la colonne d'AA, il doit y avoir une oxydation suffisante des ions fer et manganèse suivie d'une filtration de l'eau brute avant les lits d'AA.

Le traitement à l'AA peut aussi produire un « pic chromatographique ». Lorsque le pH dépasse 8, les ions hydroxyl prédominants sont adsorbés de façon préférentielles sur l'AA, ce qui libère des ions fluorure dans l'eau prête au débit. Choi et Chen (1979) et Hao et Huang (1986) ont documenté la formation de complexes inorganiques alumine-fluor solubles dérivés de la réaction entre l'aluminium (formé à la suite de la dissolution de l'alumine traitée à l'acide) et le fluorure.

Il faut tenir compte en outre d'autres facteurs, comme les exigences relatives à la manipulation des produits chimiques, les ajustements du pH et la régénération des lits d'AA épuisés, qui peuvent rendre la technique de l'AA dangereuse et complexe dans le cas des petits systèmes.

Plusieurs auteurs ont signalé l'utilisation d'un vaste éventail d'adsorbants comme le noir d'os, les sorbants à base de charbon, la terre cuite, les zéolites, les cendres volantes et la brique pour réduire les concentrations excessives de fluorure dans l'eau potable (Schoeman et Botha, 1985; Potgieter, 1990; Bregnhoj, 1995; Karthikeyan et coll., 1999; Mehrotra et coll., 1999; Sivasamy et coll., 2001).

7.1.3 Procédés d'osmose inverse et de nanofiltration

On a démontré que les techniques d'osmose inverse et de nanofiltration constituaient des moyens efficaces de réduire la concentration de fluorure à moins de 1 mg/L dans l'eau potable (U.S. EPA, 1988, 2002; Durand-Bourlier et Laine, 1991; Pontie et coll., 1996; Cohen et Conrad, 1998; Lhassani et coll., 2001).

Le rendement des systèmes à membrane dépend de plusieurs facteurs, dont la qualité de l'eau brute, le type de membrane, le seuil de rétention des molécules et la récupération du système (Jacangelo et coll., 1997). La présence de fer, de manganèse, de silice, de composés entartreurs et de turbidité pourrait avoir un effet négatif sur le rendement du système. Il faut prétraiter l'eau d'alimentation afin d'éviter l'entartrage et l'encrassement des membranes d'osmose inverse. Il faut aussi habituellement traiter le produit de l'osmose inverse post-traitement en ajustant le pH et l'alcalinité (U.S. EPA, 1984, 2002).

Au cours d'une étude portant sur un système à pleine échelle utilisant une membrane d'osmose inverse composite à couche mince, on a réduit une concentration influente de fluorure de 5,5 mg/L à 0,4 mg/L, ce qui a permis d'éliminer plus de 90 % du fluorure à un taux de récupération du système de plus de 73 %. Les résultats de cette étude ont aussi indiqué qu'il faudrait utiliser des appareils destinés à traiter l'eau potable ainsi que des appareils à membrane pilote lorsqu'on choisit des membranes pour des applications à pleine échelle (Cohen et Conrad, 1998). Les données des essais d'osmose inverse pilotes ont démontré une réduction moyenne des fluorures qui peut atteindre 94 %. On a calculé une concentration moyenne de fluorure dans l'eau traitée de moins de 1 mg/L pour une plage de concentrations influentes allant de 5,3 à 14,5 mg/L et dans une variété de conditions d'exploitation. Les résultats de cette étude indiquent que la fluctuation du pourcentage de réduction dépendait de la qualité de l'eau brute et du matériau constituant la membrane (U.S. EPA, 1988). Au cours d'expériences en laboratoire, les chercheurs ont étudié l'effet de différents paramètres opérationnels sur l'efficacité du rendement d'une membrane de polyamide à couche mince en spirale. Les résultats calculés ont démontré une réduction moyenne du fluorure de 88 %, la concentration influente, de l'ordre de 1,4 à 6,6 mg/L, ayant été réduite à une concentration moyenne de moins de 0,5 mg/L dans l'eau souterraine analysée (Arora et coll., 2004).

Les résultats de la nanofiltration pleine échelle ont démontré une réduction d'une concentration influente de fluorure dans l'eau saumâtre qui est passée de 13,5 mg/L à 0,7 mg/L (Pontie et coll., 1996). Un appareil pilote construit à partir de deux appareils à pression et de membranes de nanofiltration a démontré qu'on pouvait réduire une concentration influente de fluorure de 2,8 mg/L à 0,6 mg/L et atteindre un taux global de récupération du système de 85 % à un débit de 22,6 L/m²/h. Par contre, il a été nécessaire de faire un pré-traitement de l'eau brute et d'ajouter un agent antitartre avant le procédé de nanofiltration (Durand-Bourlier et Laine, 1997).

7.1.4 Adoucissement à la chaux

L'adoucissement à la chaux est un procédé d'élimination par précipitation des ions calcium et magnésium de l'eau dure qui peut aussi servir à réduire les concentrations de fluorure dans l'eau potable. Au cours du procédé d'adoucissement, les ions calcium et magnésium sont précipités sous forme de carbonate de calcium (CaCO3) et d'hydroxyde de magnésium Mg(OH)2. Les ions fluorure sont adsorbés par le précipité gélatineux de Mg(OH)2 et coprécipitent avec lui (U.S. EPA, 1984, Leung et Hrudey, 1985). Cette technique est applicable davantage à une source d'approvisionnement en eau potable ayant une concentration de magnésium élevée. Si l'eau brute a une faible teneur en magnésium, on peut y ajouter du sel de magnésium. On a affirmé avoir réduit à moins de 1 mg/L des concentrations influentes de 3,2 mg/L après avoir ajouté du magnésium pendant l'adoucissement à la chaux (U.S. EPA,1984a). Comme l'hydroxyde de magnésium précipite à un pH de plus de 10,5, il faut rajuster le pH. Le fluorure peut aussi précipiter sous forme de fluorure de calcium (CaF2) lorsqu'on utilise un procédé d'adoucissement à la chaux, particulièrement lorsque l'eau d'alimentation contient des concentrations élevées de fluorure (U.S. EPA, 1984, 2002).

L'adoucissement à la chaux coûte cher et n'est pas recommandé sauf s'il faut aussi réduire la dureté de l'eau brute (Singh et Clifford, 1981; U.S. EPA, 1984, 2002). La quantité importante de produits chimiques et leur coût élevé excluent le recours à ce procédé pour la réduction des concentrations de fluorure à moins qu'il soit nécessaire de réduire simultanément la dureté. Ce procédé produit aussi d'importantes quantités de boue qu'il faut prétraiter et éliminer, ce qui en augmente le coût (U.S. EPA, 2002).

7.1.5 Échange d'anions

L'échange d'anions est un procédé physique et chimique fondé sur l'échange d'ions chargés négativement dans l'eau brute par des ions ayant fait l'objet d'une sorption à la phase solide des résines synthétiques. L'eau brute traverse continuellement un lit de résine échangeuse d'ions en courant descendant ou ascendant jusqu'à ce que la résine soit épuisée. La concentration influente de fluorure, la concentration d'ions concurrents et la régénération du milieu sont certains des facteurs qui ont une incidence sur la réduction du fluorure par échange d'anions. Une étude revue par J.E. Sirrine Co et Aware Inc. (1977) et l'U.S. EPA (1984a) a indiqué que les résines anioniques basiques puissantes n'éliminent pas efficacement le fluorure lorsque les concentrations de chlorure, de sulfate et de nitrate sont plus élevées que celle du fluorure. Cette étude a démontré que les résines basiques puissantes sous forme de chlorure avaient une capacité de 100 à 400 grains F/pi³ (228 à 915 g F/m³), ce qui n'est pas jugé comme réalisable sur le plan financier. Ce procédé est très vulnérable aux pics chromatographiques si l'on ne surveille pas adéquatement les lits puisque le fluorure est l'anion qui a le moins d'affinité avec les résines (Clifford, 1999, U.S. EPA, 2002).

7.1.6 Techniques de traitement émergentes

L'électrodialyse (ED) est un procédé de séparation électrochimique au cours duquel les ions franchissent une membrane semi-perméable sous l'influence d'un potentiel électrique. En électrodialyse inverse (EDI), la polarité des électrodes change périodiquement aux bornes des membranes échangeuses d'ions. Tahaikt et coll. (2006) ont étudié l'optimisation du taux de récupération de l'eau dans un essai pilote d'électrodialyse et ont signalé la réduction d'une concentration influente de fluorure de 1,8 mg/L à 0,5 mg/L. Une étude réalisée en laboratoire par Amor et coll. (1998) a indiqué qu'un appareil d'ED auquel on a ajouté 10 paires de membranes échangeuses d'anions et de cations pourrait produire des concentrations de fluorure dans l'eau traitée de 0,21 ppm et de 0,67 ppm à partir d'eau saumâtre contenant 3 mg/L de fluorure et 3 000 mg/L de matières dissoutes totales à des tensions appliquées de 15 V et 10 V respectivement. Les résultats de cette étude ont démontré que le rendement du système augmentait en fonction de la tension, de la température de l'eau et du débit.

Un système d'EDI pleine échelle d'une capacité de 3,8 MGJ (14,3 MLJ) a rapporté une efficacité de 75 % pour la réduction du fluorure, faisant baisser la concentration influente de 4,8 mg/L à 1,2 mg/L. Un pré-traitement, comme filtration préalable de l'eau brute, s'imposait avant le procédé (Thompson et Robinson, 1991).

Le procédé de dialyse de Donnan ressemble au procédé ED/EDI, mais sa force motrice est une différence de potentiel chimique plutôt qu'un potentiel électrique. Une expérience à échelle pilote utilisant de l'eau de synthèse a réduit des concentrations influentes de fluorure de 9,5 mg/L et 6,1 mg/L à des concentrations de 0,95 mg/L et 0,15 mg/L respectivement dans l'eau traitée (Hichour et coll., 2000).

On peut utiliser le noir d'os, matière granulaire poreuse noirâtre qui a une affinité spécifique pour le fluorure, dans l'eau à forte teneur alcaline et en matières dissoutes totales, mais il donne un goût indésirable à l'eau. Le noir d'os est soluble dans l'acide et le pH recommandé pour éviter la perte du milieu est d'environ 7,0. La présence d'ions d'arsenic pourrait rendre la réduction du fluorure moins efficace (J.E. Sirrine Co et Aware Inc., 1977). Les données sur le procédé à pleine échelle indiquent que deux appareils de défluoruration fonctionnant en parallèle avec une concentration influente de l'ordre de 9 à 12 mg/L peuvent réduire les concentrations de fluorure à 0,6 mg/L (U.S. EPA, 1984).

On a utilisé avec succès du phosphate tricalcique (en poudre et en granules) pour réduire les concentrations de fluorure. Les données expérimentales montrent que la concentration influente de fluorure et le pH de l'eau brute n'ont eu aucun effet significatif sur la capacité d'échange du phosphate tricalcique. La poudre élimine les ions fluorure par précipitation des apatites et l'on a démontré qu'elle avait une plus grande capacité de réduction des concentrations de fluorure (J.E. Sirrine Co et Aware Inc., 1977; U.S. EPA, 1984).

Lounici et coll. (1997) ont étudié une nouvelle technique fondée sur la combinaison de la colonne à l'AA et d'un système électrochimique qui crée un champ électrique dans la colonne et augmente la sorption du fluorure dans les milieux. Les facteurs comme le pH, la température, la concentration influente de fluorure et la dureté de l'eau ont un effet important sur l'efficacité du procédé. Appliqué à la défluoruration des eaux souterraines, ce procédé d'électrosorption a réduit une concentration influente moyenne de 3 mg/L à une concentration de moins de 0,4 mg/L dans l'eau traitée.

7.2 Échelle résidentielle

En général, on ne recommande pas d'utiliser des dispositifs de traitement de l'eau à domicile pour traiter l'eau potable provenant d'une usine de traitement municipal. Dans le cas où l'eau potable d'un domicile provient d'un puits privé, un dispositif de traitement de l'eau potable résidentiel peut être une solution pour réduire les concentrations excessives de fluorure dans l'eau potable.

Santé Canada ne recommande pas de marques particulières de dispositifs de traitement de l'eau potable, mais conseille vivement aux consommateurs de n'utiliser que les dispositifs certifiés par un organisme de certification accrédité comme étant conformes aux normes NSF International (NSF)/American National Standards Institute (ANSI) régissant les produits liés à l'eau potable. Ces normes visent à préserver la qualité de l'eau potable en aidant à assurer l'innocuité des matériaux et l'efficacité des produits qui entrent en contact avec elle. Les dispositifs certifiés pour la réduction des concentrations de fluorure dans l'eau potable s'appuient sur les procédés d'osmose inverse et de distillation.

Les organismes de certification garantissent qu'un produit est conforme aux normes applicables et doivent être accrédités par le Conseil canadien des normes (CCN). Au Canada, les organismes suivants ont été accrédités par le CCN pour la certification de la conformité aux normes NSF/ANSI des dispositifs de traitement de l'eau potable et des produits liés à l'eau potable (CCN, 2007) :

  • Canadian Standards Association International (www.csa-international.org);
  • NSF International (www.nsf.org);
  • Water Quality Association (www.wqa.org);
  • Underwriters Laboratories Inc. (www.ul.com);
  • Quality Auditing Institute (www.qai.org);
  • International Association of Plumbing & Mechanical Officials (www.iapmo.org).

On trouve sur le site Web du CCN (www.scc.ca) une liste à jour des organismes de certification accrédités.

Les systèmes d'osmose inverse certifiés conformes à la norme NSF/ANSI 58 (Reverse Osmosis Drinking Water Treatment Systems) doivent être installés au point d'utilisation seulement. Ces systèmes nécessitent de plus grandes quantités d'eau influente pour obtenir le volume requis d'eau potable parce qu'ils rejettent une partie de l'eau qu'ils reçoivent. Il se peut que le consommateur ait à prétraiter l'eau influente afin de réduire l'encrassement et de prolonger la durée utile de la membrane. Pour être certifié conforme à la norme NSF/ANSI 58, un dispositif de traitement de l'eau potable doit réduire la concentration de fluorure dans l'eau d'une concentration influente (provocation) de 8,0 mg/L à un maximum de 1,5 mg/L (NSF/ANSI, 2005).

Les systèmes de distillation certifiés conformes à la norme NSF/ANSI 62 (Drinking Water Distillation Systems) doivent être installés au point d'utilisation seulement. Le procédé de distillation est efficace pour réduire la concentration de contaminants inorganiques, mais il a besoin d'énergie électrique. Pour être certifié conforme à la norme NSF/ANSI 62, un dispositif de traitement de l'eau potable doit réduire la concentration de fluorure dans l'eau d'une concentration influente (provocation) de 8,0 mg/L à un maximum de 2,0 mg/L (NSF/ANSI, 2004).

La norme NSF/ANSI 53 (Drinking Water Treatment Units - Health Effects) s'applique aussi à la réduction des concentrations de fluorure dans l'eau potable (NSF/ANSI, 2006). Il n'y a toutefois pas actuellement de produits certifiés conformes à cette norme pour la réduction du fluorure.

Les données préliminaires démontrent que les dispositifs de traitement à l'AA sont efficaces pour réduire les concentrations de fluorure, mais la technologie est toujours à l'étude. Comme les dispositifs de traitement à l'AA au point d'utilisation ne sont pas équipés pour ajuster le pH de l'eau influente, il se peut que l'efficacité de la réduction ne soit pas optimale. Les dispositifs à l'AA au point d'entrée peuvent réduire les fluorures, mais leur coût pourrait se révéler prohibitif (U.S. EPA, 2006).

Il faut soumettre périodiquement à des analyses par un laboratoire agréé à la fois l'eau influente et celle qui est traitée par le dispositif de traitement pour vérifier l'efficacité de celui-ci. Les dispositifs de traitement peuvent perdre leur capacité de réduction avec l'usage et le temps; il faut donc les entretenir et les remplacer au besoin. Les consommateurs doivent procéder à la vérification de la longévité et à l'entretien des composantes de leur dispositif de traitement conformément aux recommandations du fabricant.

8.0 Cinétique et métabolisme

Rao et coll. (1995) ont mis au point un modèle pharmacocinétique à base physiologique (PCBP) pour décrire l'absorption, la distribution, le métabolisme et l'élimination des fluorures chez les rats et les humains. Ce modèle aide à prédire les caractéristiques métaboliques à long terme et les concentrations tissulaires de fluorure qui peuvent refléter les effets positifs ou négatifs du fluorure sur la santé humaine. Il sert aussi de base pour l'extrapolation interespèces des doses effectives de fluorure au tissu cible (os) dans l'évaluation du risque découlant de conditions d'exposition différentes.

8.1 Absorption

Le tractus gastrointestinal absorbe de 75 à 90 % environ du fluorure ingéré (Whitford, 1999). Autant chez l'adulte que chez l'enfant, les concentrations plasmatiques maximales ont été atteintes de 30 à 60 minutes après l'ingestion de doses de fluorure variant de 0,5 à 10 mg (sous forme de fluorure de sodium) (Carlson et coll., 1960; Ekstrand et coll., 1977, 1983). L'absorption du fluorure chez le nourrisson, l'enfant et l'adulte semble se ressembler. La période d'absorption est d'environ 30 minutes (Whitford, 1999). Le processus d'absorption se produit par diffusion passive et le mécanisme et le taux d'absorption gastrique du fluorure sont reliés à l'acidité gastrique. L'ingestion de fluorure avec des aliments en retarde l'absorption et en réduit la biodisponibilité (PISSC, 2002). Ekstrand et Ehrnebo (1979) ont analysé l'influence des produits laitiers sur la biodisponibilité du fluorure de sodium chez l'homme. Selon leurs conclusions tirées des données combinées sur le plasma et l'urine, la biodisponibilité totale de comprimés au fluorure de sodium à jeun a diminué considérablement à la suite de la coadministration de lait (50 à 79 %) et de lait avec du pain blanc, du fromage et du yogourt (50 à 71 %). Au cours d'une étude ultérieure effectuée chez des êtres humains, Trautner et Einwag (1989) ont aussi constaté une réduction des concentrations plasmatiques maximales de fluorure lorsqu'on administre ce dernier avec des aliments. L'absorption de lait a réduit de 30 % la biodisponibilité du fluor comparativement à une exposition dans l'estomac à jeun. Dans une communication publiée au cours de la même année, Trautner (1989) a indiqué que les concentrations maximales moins élevées peuvent très bien réduire le risque d'apparition de petites taches de l'émail tandis que les concentrations sériques prolongées de fluor peuvent produire des concentrations soutenues de fluor dans la cavité buccale par accumulation de fluor par la salive, ce qui pourrait éviter les caries. Shulman et Vallejo (1990) ont réalisé une autre étude afin de déterminer l'effet du lait et des aliments solides sur l'absorption du fluorure chez les êtres humains. Ils ont constaté que le lait réduisait de 13 % l'absorption du fluorure tandis que la présence d'aliments la réduisait de 47 %. Dans un article de synthèse, Rao (1984) mentionnait que l'on a proposé plusieurs explications de la réduction de la biodisponibilité du fluorure provenant de l'alimentation : a) fixation du fluor aux éléments constituants des aliments par séquestration physique ou liaison chimique; b) rôle de l'aliment qui agit comme obstacle physique empêchant le fluor d'atteindre la surface de la muqueuse de la cavité buccale et du tractus gastrointestinal; c) effet modulateur du contenu de l'estomac dans des conditions de forte acidité. À la suite d'une étude récente, Yadav et coll. (2007) ont signalé que chez les êtres humains, la biodisponibilité du fluorure provenant de divers éléments alimentaires varie de 2 à 79 %.

La solubilité dans l'eau des composés contenant du fluorure peut avoir un effet sur leur absorption : le fluorure de sodium s'absorbe plus facilement que le fluorure de calcium (CaF2) et le monofluorophosphate disodique, moins solubles (McIvor, 1990; PISSC, 2002). Les composés de fluorure naturels ou que l'on ajoute à l'eau potable produisent des ions fluorure qui sont absorbés presque complètement par le tractus gastrointestinal. Le fluorure contenu dans l'eau potable est donc généralement biodisponible (PISSC, 2002). On a réalisé une étude pour comparer la biodisponibilité du fluorure dans l'eau fluorurée naturellement à celle des fluorures dans l'eau fluorurée artificiellement et pour étudier les effets de la dureté de l'eau sur la biodisponibilité du fluorure dans l'eau potable. Cette étude n'a montré aucune différence d'absorption du fluorure ingéré entre l'eau potable fluorurée artificiellement et l'eau potable contenant du fluorure naturel, ni entre l'eau dure et l'eau douce à des concentrations de fluorure d'environ 1 mg/L (Maguire et coll., 2004).

8.2 Distribution et métabolisme

Une fois absorbé, le fluorure est distribué rapidement dans tout le corps par le sang (ATSDR, 2003). On reconnaît deux voies métaboliques comme principaux facteurs qui déterminent la clairance du fluorure plasmatique : la rétention du fluorure dans les tissus calcifiés et l'excrétion du fluorure dans l'urine (Whitford, 1990). Le fluorure absorbé peut se déposer dans les tissus calcifiés dans une proportion qui peut atteindre 75 %. Le dépôt est le plus important chez les enfants dont les os sont en pleine croissance et chez les sujets qui boivent de l'eau potable non fluorurée (Hodge et Smith, 1965). Environ 99 % du fluorure corporel total est localisé dans des tissus calcifiés (c.-à-d. os et dents), où il remplace des ions hydroxyl (OH¯) dans l'hydroxyapatite pour former de la fluorapatite (Grandjean et Thomsen, 1983; Grynpas, 1990; Kaminsky et coll., 1990; Hamilton, 1992). La dose, la durée de l'exposition et le taux de remplacement des constituants squelettiques ont tous une incidence sur les concentrations de fluorure dans les tissus calcifiés (Caraccio et coll., 1983; U.S. EPA, 1985). Même si les concentrations de fluorure dans les os augmentent avec l'âge, le rapport entre la quantité quotidienne retenue et l'âge est inverse parce que la superficie d'absorption du fluorure est plus étendue dans l'os jeune hydraté et que le taux de résorption est plus élevé que le taux de formation chez les personnes âgées (Whitford, 1990). Le fluorure peut être mobilisé de l'os par un mécanisme d'échange d'ions interstitiels relativement rapide ou par un phénomène de remodelage de l'os, beaucoup plus lent (Hodge et Smith, 1970). Les taux de clairance du fluorure plasmatique par les tissus calcifiés et les reins chez l'adulte sont à peu près égaux (Whitford, 1999).

Beaucoup de facteurs qui ont un effet sur la fixation et la rétention du fluorure dans les os en ont également un sur les concentrations de fluorure dans les dents, sauf que l'émail des dents et la dentine ne sont pas remodelés continuellement (PISSC, 2002). Les concentrations de fluorure dans l'émail diminuent en fonction de la distance de la surface de la dent et varient aussi en fonction de l'emplacement, de l'usure superficielle, de l'âge et du degré d'exposition aux fluorures systémiques et topiques (Weatherell et coll., 1977; Schamschula et coll., 1982). Chez les enfants, la clairance du plasma par le tissu calcifié est plus importante que la clairance par les reins. Le bilan du fluorure (apport total moins excrétion totale) est plus élevé chez les enfants que chez les adultes (Whitford, 1999). On a calculé que la rétention fractionnelle de fluorure chez les enfants âgés de trois à cinq ans habitant dans une région où la concentration de fluorure dans l'eau potable est de 0,5 à 0,6 mg/L s'établissait à 54,5 % (Villa et coll., 2000). Les concentrations moyennes de fluorure dans l'os iliaque enregistrées chez des adultes (de 60 ans) qui buvaient de l'eau potable non fluorurée (<0,1 mg/L) et fluorurée (0,97 mg/L) étaient de 351 mg/kg (106 à 790 mg/kg) et de 1 090 mg/kg (347 à 2 360 mg/kg) respectivement (Alhava et coll., 1980). On a signalé des concentrations de fluorure dans l'émail superficiel qui variaient de 740 à 1 400 mg/kg et de 1 351 à 2 100 mg/kg chez des adultes de 20 ans et plus dans les collectivités où les concentrations de fluorure dans l'eau potable étaient de 0,1 et de 1 mg/L respectivement (Berndt et Stearns, 1979). La concentration de fluorure est généralement deux à trois fois plus élevée dans la dentine que dans l'émail (NAS, 1971).

La demi-vie plasmatique du fluorure chez les humains et les lapins varie de deux à 11 heures après l'administration par voie orale de doses simples ou multiples de fluorure de sodium (3,0 à 40 mg de fluorure) (Ekstrand et coll., 1977; Nedeljkovic et coll., 1989). La concentration plasmatique moyenne chez 127 sujets dont l'eau potable contenait 5,03 mg/L de fluorure s'établissait à 106 µg/L ± 76 (ET) (Y. Li et coll., 1995). En Catalogne (Espagne), où l'eau potable publique contient 0,12 mg/L de fluorure, la concentration sérique moyenne de fluorure chez 250 sujets en bonne santé s'est établie à 17,5 µg/L, variant de 1 à 47 µg/L (Torra et coll., 1998).

Le fluorure passe facilement de la mère au fœtus par le placenta (PISSC, 2002). Les concentrations sériques très faibles de fluorure dans le cordon comparativement aux concentrations sériques chez le nouveau-né et la mère peuvent s'expliquer par la séquestration de fluorure dans le placenta, ce qui indique que les concentrations sériques dans le cordon ne reflètent pas l'état du fluorure chez le fœtus (Shimonovitz et coll., 1995).

On a publié récemment des études animales sur la distribution du fluorure dans le corps. Buzalaf et coll. (2004) ont cherché à déterminer si les concentrations de fluorure dans les ongles et à la surface périostique du fémur étaient élevées après l'administration d'une dose aiguë de fluorure chez des rats. Les concentrations moyennes dans l'ongle et dans l'os étaient beaucoup plus élevées que chez les sujets du groupe témoin quatre heures plus tard et par la suite. La partie proximale des ongles et de la surface des os constitue donc un biomarqueur convenable d'une exposition aiguë au fluorure chez les rats. Une étude de Bezerra de Menezes et coll. (2003) a confirmé que l'os est un bon biomarqueur d'une exposition chronique et aiguë au fluorure chez les rats. On a toutefois établi un lien plus étroit entre la concentration de fluorure présente à la surface du fémur (périostique) et la mortalité qu'avec la concentration présente dans l'os au complet, ce qui indique que le ratio [F¯] dans l'os périostique/[F¯] dans l'os total est un biomarqueur de la toxicité aiguë du fluorure. Les résultats d'une étude réalisée par Rodrigues et coll. (2004) indiquent que les ongles peuvent être des biomarqueurs convenables d'une exposition sous-chronique au fluorure causée par le dentifrice fluoruré chez les jeunes enfants. Tsunoda et coll. (2002) ont exposé des groupes de souris à 0, 1, 5, 25 ou 125 mg de fluorure de sodium/L dans l'eau potable pendant un mois pour déterminer les concentrations de fluorure dans le foie, le rein et le cerveau. Dans le foie et le rein, les sujets qui avaient absorbé 125 mg/L présentaient une concentration moyenne de fluorure beaucoup plus élevée que ceux des autres groupes. Il n'y avait pas de différences importantes au niveau de la concentration de fluorure dans le cervelet entre les sujets des différents groupes. Une étude réalisée sur des rats par Borke et Whitford (1999) a indiqué qu'une ingestion chronique de fluorure (10, 50 ou 150 mg F¯/L dans l'eau potable) produisant des concentrations plasmatiques élevées de fluorure pouvait avoir un effet sur l'homéostasie du calcium en augmentant le remodelage ou la dissociation ou en diminuant l'expression des protéines de la pompe à calcium de la membrane plasmatique et du réticulum endoplasmique (Borke et Whitford, 1999). Dans une étude menée par Luke (2001), le contenu en fluorure de la glande pinéale, des muscles et des os a été mesuré dans les cadavres de 11 personnes âgées (de 70 à 100 ans). En moyenne, la glande pinéale et les muscles contenaient 297 ± 257 et 0,5 ± 0,4 mg F/kg de poids humide, respectivement. Le contenu osseux en fluorure était de 2 037 ± 1 095 mg F/kg de cendres. Puisqu'aucune corrélation n'a été établie entre le fluorure de la glande pinéale et le contenu osseux en fluorure, les auteurs ont indiqué que les concentrations de fluorure de la glande pinéale n'étaient pas un bon indicateur de l'exposition au fluorure à long terme, ni de la charge corporelle en fluorure.

8.3 Excrétion

Le fluorure est excrété principalement dans l'urine. La sueur, la salive, le lait maternel et les matières fécales apportent des contributions plus modestes à la clairance corporelle quotidienne (Van Rensburg, 1979; Ekstrand et coll., 1984a, 1984b; Whitford, 1990). Chez les êtres humains adultes, 50 à 75 % environ d'une dose orale de fluorure se retrouvent dans l'urine 24 heures après l'ingestion (Spencer et coll., 1970, 1981; Ekstrand et coll., 1977). On a établi à 0,35 et 0,75 respectivement la fraction moyenne de fluorure excrété dans l'urine de 24 heures par rapport à l'ingestion quotidienne habituelle de fluorure chez les adolescents et les adultes âgés de 11 à 75 ans (Villa et coll., 2004). On a aussi mesuré l'excrétion du fluorure dans l'urine chez les enfants d'âge préscolaire (de trois à six ans) (Haftenberger et coll., 2001). En moyenne, 51,5 % du fluorure ingéré a été excrété dans l'urine. On a calculé que la fraction de l'apport quotidien total de fluorure excrétée dans l'urine chez les enfants de trois à cinq ans s'établissait à 35,5 % en moyenne (Villa et coll., 2000). Chez les enfants de quatre ans, on a constaté une valeur beaucoup plus élevée, le corps excrétant 80 % du fluorure ingéré 24 heures après l'ingestion (Zohouri et Rugg-Gunn, 2000). L'apport total moyen en fluorure chez ces enfants était de 0,030 mg/kg p.c./jour. On a calculé une valeur moyenne de 39 % pour l'excrétion fractionnelle du fluorure chez les enfants de cinq à six ans à la fois dans des conditions normales d'apport en fluorure et pendant une période d'étude de quatre jours (Ketley et Lennon, 2001).

La clairance rénale du fluorure chez l'adulte varie habituellement de 30 à 50 mL/min (PISSC, 2002). Le pourcentage du fluorure filtré qui est réabsorbé à partir des tubules rénaux varie considérablement, soit d'environ 10 % à 90 %. L'importance de la réabsorption dépend en grande partie du pH du liquide tubulaire, du débit urinaire et de la fonction rénale (Ekstrand et coll., 1980, 1982; Whitford, 1996). Whitford (1999) a comparé les résultats de nombreuses études réalisées chez des nourrissons et des enfants à ceux d'études portant sur des adultes et a conclu qu'il n'y avait pas de différence apparente reliée à l'âge au niveau des taux de clairance rénale (rajustés en fonction du poids ou de la surface du corps) entre les enfants et les adultes. Chez les adultes plus âgés (>65 ans), on a toutefois signalé une baisse importante de la clairance rénale du fluorure (Jeandel et coll., 1992). La diminution concorde avec les baisses du taux de filtration glomérulaire et de la clairance rénale de nombreuses substances que l'on observe aussi chez les personnes âgées (Whitford, 1999). Dans des conditions d'exposition relativement constante, l'excrétion urinaire correspond assez bien aux concentrations de fluorure dans l'eau potable et on l'utilise souvent comme indicateur de l'exposition (Heintze et coll., 1998; Al-Saleh et Al-Doush, 2000; PISSC, 2002).

9.0 Effets sur la santé

9.1 Effets chez les êtres humains

9.1.1 Caractère essentiel

Bien que Santé Canada ait par le passé classé le fluorure comme élément essentiel (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1983), le Ministère recommande maintenant que les besoins en fluorure soient « uniquement basés sur l'effet bénéfique sur la carie dentaire » et constate que « les tentatives pour démontrer son caractère essentiel pour la croissance et la reproduction chez les animaux d'expérience n'ont pas été couronnées de succès » (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1990). De même, le United States National Research Council considère le fluorure comme un « élément bénéfique pour les humains » (NRC, 1989). À la suite d'une consultation d'experts, l'Organisation mondiale de la santé a classé le fluorure parmi les « éléments qui peuvent être toxiques, dont certains peuvent néanmoins avoir des fonctions essentielles à de faibles concentrations ». Le fluorure a été considéré comme « essentiel » puisque les experts consultés « ont estimé que la résistance à la carie dentaire était une fonction importante sur le plan physiologique » (OMS, 1996). Aux États-Unis, l'Institute of Medicine (IOM) a établi un apport adéquat de fluorure, basé sur la réduction maximale de la carie dentaire sans effets secondaires néfastes. Par définition, un apport adéquat est un apport moyen de nutriments qui semble suffire pour maintenir un état nutritionnel déterminé dans une population donnée (IOM, 1997).

9.1.2 Effets aigus

Chez les humains, l'ingestion aiguë de fluorure peut causer des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales, la diarrhée, la fatigue, la somnolence, le coma, des convulsions, un arrêt cardiaque et la mort (Kaminsky et coll., 1990; Whitford, 1990; Augenstein et coll., 1991; ATSDR, 1993). L'ingestion des sels de fluorure les plus solubles cause les effets les plus sévères (p. ex., fluorure de sodium) (OMS, 1984). On a signalé des nausées et des vomissements chez un groupe de sept élèves qui ont ingéré de l'eau potable dont la concentration en fluorure atteignait 92 mg/L au cours d'un incident survenu à une école primaire (Sidhu et Kimmer, 2002). On estime que la DL100 dans le cas du fluorure chez l'adulte moyen varie de 32 à 64 mg/kg p.c. (sous forme de fluorure de sodium). On considère qu'une dose aiguë de 5 mg de fluorure/kg p.c. constitue la dose minimale qui pourrait causer des effets néfastes pour la santé (Whitford, 1996).

On a signalé un décès après une intoxication aiguë au fluorure causée par un mauvais contrôle de la fluoruration de l'eau potable. La concentration de fluorure dans un échantillon d'eau tirée du puits contaminé atteignait 150 mg/L et l'on a calculé que la personne avait ingéré environ 17,9 mg de fluorure/kg p.c. (Gessner et coll., 1994).

9.1.3 Effets musculosquelettiques

La plupart des études disponibles au sujet des effets non-néoplasiques potentiels sur la santé humaine attribuables à l'ingestion prolongée de fluorure ont porté avant tout sur les effets néfastes sur le squelette, et principalement sur la fluorose squelettique et les fractures. Les données proviennent principalement de rapports de cas portant sur des personnes exposées à de l'eau potable contenant des concentrations élevées naturelles de fluorure, d'études cliniques portant sur des patients atteints d'ostéoporose traités au fluorure de sodium et d'études épidémiologiques portant sur des populations exposées à diverses concentrations de fluorure dans l'eau potable.

La fluorose squelettique est une accumulation excessive de fluorure dans les os associée à une augmentation de la densité osseuse et à des excroissances (exostoses) (ATSDR, 2003). Le fluorure intégré dans l'os (sous forme de fluorapatite) produit un réseau cristallin où la résorption est moindre (c.-à-d. moins soluble et plus stable), qui est plus résistant à la compression mais plus cassant, et qui présente une plus faible résistance à la traction (Grynpas, 1990; Ad Hoc Subcommittee on Fluoride, 1991). Les signes et symptômes caractéristiques de la fluorose squelettique ont été définis selon quatre stades, incluant un stade préclinique (NRC, 2006). Le stade préclinique et le stade clinique I ne présentent pas de symptômes cliniques notables et sont composés de deux niveaux d'augmentation de la densité squelettique. Certains symptômes sont observés au stade clinique II, caractérisé par une douleur sporadique, une raideur dans les articulations et de l'ostéosclérose du pelvis et de la colonne. Au stade clinique III, de la douleur chronique des articulations, des symptômes arthritiques, une calcification des ligaments, ainsi que de l'ostéosclérose des os spongieux peuvent être observés (NRC, 2006). Le stade clinique III a été nommé fluorose squelettique invalidante, puisque la mobilité est affectée en raison de la calcification excessive des articulations, des ligaments et des corps vertébraux (NRC, 2006). Les symptômes les plus sévères ont tendance à toucher la colonne vertébrale à la partie inférieure portante du corps (Gruber et Baylink, 1991). Les concentrations de fluorure dans la cendre d'os peuvent varier de 3 500 à 5 500 mg/kg dans les cas de fluorose squelettique au stade clinique I à plus de 8 400 mg/kg au stade clinique III (Ad Hoc Subcommittee on Fluoride, 1991). L'âge, les déficiences nutritionnelles, l'insuffisance rénale, le remodelage osseux et la dose et la durée de l'exposition au fluorure peuvent tous jouer un rôle dans l'apparition de la maladie (Grandjean et Thomsen, 1983; Kaminsky et coll., 1990; Ad Hoc Subcommittee on Fluoride, 1991; PISSC, 2002; ATSDR, 2003).

9.1.3.1 Rapports de cas

Les concentrations extrêmement élevées de fluorure dans les eaux souterraines à proximité de la péninsule de Gaspé au Québec ont causé des symptômes aigus de fluorose squelettique chez un agriculteur de 58 ans et sa conjointe de 57 ans. On estime que le mari a consommé environ 50 mg de fluorure par jour (25 mg/L de fluorure dans l'eau potable) pendant six ans avant de souffrir de douleurs sévères et de raideurs articulaires et d'avoir de la difficulté à respirer. Sa conjointe en a consommé moins (de 30 à 40 mg de fluorure par jour) et elle a eu seulement de légères douleurs aux mains et aux poignets (Boyle et Chagnon, 1995). Un autre rapport de cas nord-américain sur la fluorose squelettique au stade I portait sur une femme de 54 ans de l'Oklahoma qui avait bu de l'eau potable contenant de 7 à 8 mg/L de fluorure pendant sept ans (Felsenfeld et Roberts, 1991). Au cours des 40 dernières années, cinq rapports de cas nord-américains seulement ont fait état d'une fluorose squelettique déformante : tous les cas provenaient du sud-ouest des États-Unis. Trois d'entre eux ont été associés à une consommation prolongée (40 à 60 ans et plus) d'eau potable contenant des concentrations élevées de fluorure (2,4 à 7,8 mg/L) (Sauerbrunn et coll., 1965; Goldman et coll., 1971; Fisher et coll., 1989); dans un cas, on a mis en cause des antécédents de géophagie (qui consiste à manger de la terre) (Fisher et coll., 1981), et dans le dernier cas, on n'a fourni aucun détail sur la consommation de liquides ou d'aliments (Bruns et Tytle, 1988). Même si l'on a calculé au cours d'une synthèse que certains de ces patients avaient absorbé au total de 15 à 20 mg par jour de fluorure pendant 20 ans (Ad Hoc Subcommittee on Fluoride, 1991) (apport estimatif de fluorure : 215 à 285 µg/kg p.c./jour; ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b), un seul rapport de cas, soit celui qui portait sur une femme de 40 ans ayant des antécédents de géophagie, a présenté une estimation de l'apport quotidien en fluorure (1,4 mg par jour provenant de l'eau potable, 4,2 mg par jour provenant du thé et 10,0 mg par jour provenant de la consommation de terre) (Fisher et coll., 1981). Une néphropathie préexistante ou connexe, une polydipsie et la consommation quotidienne importante de thé compliquaient plusieurs des cas (Sauerbrunn et coll., 1965; Goldman et coll., 1971; Fisher et coll., 1981, 1989). On a publié récemment un rapport de cas établissant un lien entre la consommation de thé instantané et la fluorose squelettique (Whyte et coll., 2005); la consommation routinière d'environ 4 à 8 L de thé instantané à double puissance a été associée à la fluorose squelettique chez une femme de 52 ans.

9.1.3.2 Études cliniques

On a étudié l'incidence de fractures au cours de plusieurs études de cas cliniques portant sur des patients atteints d'ostéoporose qui ont suivi un traitement au fluorure de sodium pendant des périodes prolongées. Inkovaara (1991) a constaté une incidence de 7,5 % de fractures de la hanche chez des patients en gériatrie des deux sexes (n = 146) auxquels on a administré 25 mg par jour de fluorure de sodium (apport estimatif de fluorure : 162 µg/kg p.c./jour; ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b) pendant cinq mois ou 25 mg de fluorure de sodium deux fois par semaine pendant trois mois, comparativement à une incidence de 3,0 % chez les sujets témoins (n = 169; p < 0,1). Inkovaara (1991) a aussi formulé des commentaires sur une étude supplémentaire à la suite de laquelle on a signalé une incidence de fracture de la hanche de 5 sur 16 chez des patients atteints d'ostéoporose (moyenne d'âge de 70 ans) qui prenaient de 40 à 80 mg par jour (apport estimatif de fluorure : 260 à 520 µg/kg p.c./jour; ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b), ainsi que des suppléments de calcium et de vitamine D pendant quatre ans comparativement à une incidence de 0/8 chez les sujets témoins. Mamelle et coll. (1988) n'ont trouvé aucune différence importante au niveau de l'occurrence des fractures de la hanche entre un groupe de 257 patients des deux sexes atteints d'ostéoporose (moyenne d'âge de 70,1 ans) qui ont reçu 50 mg par jour de fluorure de sodium (apport estimatif de fluorure : 324 µg/kg p.c./jour; ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b) et des suppléments de calcium et de vitamine D pendant deux ans et un groupe de 209 patients témoins qui ont suivi tout un éventail de régimes sans fluorure au cours de la même période. L'administration de 50 mg de fluorure de sodium par jour combiné à du calcium ou du calcitriol à 35 femmes (âgées de 68 ans) pendant 12 ou 13 mois a produit une incidence de fractures de la hanche de 5 sur 35 comparativement à une incidence de 0 sur 43 chez les patients auxquels on n'a administré que du calcitriol ou un placebo (p = 0,015) (Hedlund et Gallagher, 1989). Au cours d'une autre étude, des femmes dont l'âge médian s'établissait à 68 ans et auxquelles on a administré 75 mg par jour de fluorure de sodium (apport estimatif de fluorure : 486 µg/kg p.c./jour; ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b) et des suppléments de calcium pendant quatre ans ont été victimes de beaucoup (p < 0,01) plus de factures non vertébrales que les sujets témoins traités au calcium seulement. La différence sur le plan de l'incidence des fractures de la hanche entre les deux groupes n'était toutefois pas importante (Riggs et coll., 1990).

On a observé chez des femmes ménopausées (moyenne d'âge de 67 ans) qui ont reçu pendant 18 mois de 40 à 60 mg par jour de fluorure de sodium (apport estimatif de fluorure : 260 à 389 µg/kg p.c./jour; ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b) et des suppléments de calcium et de vitamine D une incidence accrue de fractures de la hanche comparativement à des patientes qui ont pris seulement du calcium et de la vitamine D (6 sur 25 par rapport à 1 sur 24; p > 0,05). On a également observé des signes radiographiques de fluorose squelettique au stade I chez huit de ces 25 femmes ménopausées, tandis que les patientes traitées au calcium et à la vitamine D seulement ne montraient aucun signe de fluorose squelettique (Power et Gay, 1986). Kleerekoper et Balena (1991) ont signalé que si l'on administre simultanément des suppléments de calcium et de vitamine D, une ostéomalacie asymptomatique bénigne peut faire son apparition chez les patients atteints d'ostéoporose auxquels on a administré des doses de fluorure de sodium de plus de 40 mg par jour (apport estimatif de fluorure : 260 µg/kg p.c./jour; ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b).

Haguenauer et coll. (2000) ont procédé à une méta-analyse pour étudier les effets du fluorure dans le traitement et la prévention de l'ostéoporose post-ménopausale chez les femmes. Les résultats de cette méta-analyse portant sur 11 essais contrôlés randomisés et sur 1 429 patientes indiquent que le fluorure augmente considérablement la teneur minérale de l'os (TMO) à la colonne lombaire après deux et quatre années de traitement. Le risque relatif (RR) chez les patientes victimes d'une nouvelle fracture vertébrale n'était pas important deux ou quatre ans après le début du traitement au fluorure. Le risque relatif de nouvelles fractures non vertébrales n'était pas important à deux ans (RR 1,2; intervalle de confiance [IC] à 95 % = 0,68 à 2,10), mais il augmentait après quatre ans chez les sujets traités (RR 1,85; IC à 95 % = 1,36-2,50). Selon les auteurs, même si le fluorure peut augmenter la TMO au niveau de la colonne lombaire, il n'entraîne pas de réduction du nombre de fractures des vertèbres (Haguenauer et coll., 2000).

9.1.3.3 Études épidémiologiques - fluorose squelettique

Des études réalisées aux États-Unis n'ont montré aucun signe de fluorose squelettique chez les personnes qui avaient bu de l'eau potable contenant des concentrations de 1,2 et de 3,3 à 6,2 mg/L de fluorure pendant dix ans et durant toute leur vie respectivement (McCauley et McClure, 1954; Schlesinger et coll., 1956; Hodge et Smith, 1981; Sowers et coll., 1986). Au cours d'une étude antérieure réalisée au Texas, on a signalé des signes radiographiques d'ostéoporose, mais non des signes cliniques de fluorose squelettique chez 18 % des habitants d'une petite ville qui avaient bu de l'eau potable contenant 8 mg/L de fluorure pendant 37 ans en moyenne, tandis que l'incidence atteignait 4 % seulement dans la population d'une ville où l'eau potable contenait 0,4 mg/L de fluorure (Leone et coll., 1955). Les radiographies de résidents du Texas et de l'Oklahoma qui avaient bu de l'eau potable contenant des concentrations de 4 à 8 mg/L de fluorure ont révélé 23 cas d'ostéosclérose « attribuable au fluorure », mais aucun cas de fluorose squelettique (Stevenson et Watson, 1957). Au cours d'une synthèse d'études radiographiques disponibles, Kaminsky et coll. (1990) ont conclu que les personnes des États-Unis qui avaient bu de l'eau potable contenant des concentrations de 4,0 mg/L de fluorure ne montraient aucun signe de changements squelettiques associés à la fluorose squelettique. On a signalé une fluorose squelettique invalidante endémique chez des adultes et des enfants de régions de l'Inde, de l'Afrique et de la Chine où les concentrations de fluorure dans l'eau potable varient de 3 à >20 mg/L (Royal College of Physicians of London, 1976; Krishnamachari, 1987; Kaminsky et coll., 1990; Ad Hoc Subcommittee on Fluoride, 1991; Wang et coll., 1999; Shivashankara et coll., 2000; PISSC, 2002). Comme les résidents de ces régions ne montrent pas tous des signes de la maladie, on suppose que d'autres facteurs comme des déficits alimentaires (p. ex., protéines, calcium, etc.) et d'autres sources d'apport quotidien de fluorure contribuent à l'apparition de la maladie (Singh et Jolly, 1970; Royal College of Physicians of London, 1976; PISSC, 2002).

9.1.3.4 Études épidémiologiques - fractures du squelette

De nombreuses études épidémiologiques de type corrélation écologique ou géographique ont porté sur des liens possibles entre l'occurrence de fractures du squelette (principalement de la hanche chez les personnes âgées) et l'exposition de populations à de l'eau potable fluorurée. De telles études présentent de nombreuses faiblesses, telles qu'un manque d'information sur l'apport individuel de fluorure (apport provenant d'autres sources comme les aliments, les produits dentaires, etc.) dans les collectivités où l'eau est fluorurée et les collectivités témoins; des différences démographiques au niveau de divers facteurs (p. ex., tabagisme, mode de vie, exposition environnementale et professionnelle, génétique, etc.) qui pourraient avoir un impact sur la fréquence des fractures; la migration non contrôlée entre les régions où l'eau est fluorurée et les régions témoins; et des variations géographiques au niveau de la qualité du diagnostic et de la déclaration des maladies (CIRC, 1982; Ad Hoc Subcommittee on Fluoride, 1991; ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b). Les résultats relatifs au lien possible entre le fluorure contenu dans l'eau potable et le risque de fractures du squelette sont contradictoires. Nous présentons ici les principaux résultats de divers types d'études épidémiologiques (transversales, de cohorte et cas-témoin) dans le cas des fractures de la hanche, d'autres fractures et des fractures en général :

  1. Fracture de la hanche

    Keller et coll. (1991) ont constaté l'existence d'un risque accru de fracture de la hanche chez les hommes et les femmes de 65 ans et plus vivant dans des collectivités où l'eau est fluorurée (1,3 à 2,0, 2,1 à 3,9 ou >4,0 mg/L) par rapport à celles où l'eau ne l'est pas (<0,4 mg/L). May et Wilson (1991) ont constaté l'existence d'un taux accru de fractures de la hanche chez les hommes et les femmes de plus de 65 ans qui boivent de l'eau potable fluorurée (jusqu'à 1,0 mg/L de fluorure) comparativement à ceux qui boivent de l'eau potable non fluorurée. Jacobsen et coll. (1992) ont signalé un risque relatif de fracture de la hanche légèrement plus élevé mais significatif chez les hommes et les femmes de race blanche de plus de 65 ans habitant des comtés où l'eau est fluorurée (1,0 mg/L) par rapport à ceux où elle ne l'est pas (<0,3 mg/L). On a constaté des risques relatifs de fracture de la hanche corrigés selon l'âge plus élevés chez les 65 ans dans les collectivités où l'eau est fluorurée (1,0 mg/L) par rapport aux collectivités où elle ne l'est pas (<0,3 mg/L) (Danielson et coll., 1992). Dans une étude portant sur les taux d'hospitalisation pour fracture de la hanche en Alberta entre 1981 et 1987 chez les adultes de plus de 45 ans d'Edmonton, où l'on a commencé à fluorurer l'eau (jusqu'à 1 mg/L) en 1967, et à Calgary, où l'eau potable contenait 0,3 mg/L de fluorure, on a constaté que les hommes de 45 ou de 65 ans d'Edmonton présentaient des taux de fracture de la hanche beaucoup plus élevés que les groupes correspondants de Calgary. On n'a toutefois pas observé de différences significatives entre les deux villes lorsque l'on tenait compte de tous les groupes d'âge de femmes ou que l'on combinait les deux sexes (Suarez-Almazor et coll., 1993). Li et coll. (2001) ont constaté un risque accru de fracture de la hanche chez les sujets de 50 ans exposés à de fortes concentrations naturelles de fluorure (4,32 mg/L) dans l'eau potable comparativement à des concentrations faibles (0,34 mg/L). Kurttio et coll. (1999) ont constaté un risque accru de fracture de la hanche chez des femmes de 50 à 64 ans exposées à des concentrations de fluorure dans l'eau potable dépassant 1,5 mg/L comparativement à des femmes exposées à de faibles concentrations (0,1 mg/L). Lorsqu'on a analysé ensemble tous les groupes d'âge, on n'a pas trouvé de lien significatif. On n'a constaté aucun lien dans le cas des fractures de la hanche chez les hommes ou les femmes de 65 à 89 ans exposés à de l'eau potable fluorurée naturellement et dont la teneur en fluorure a été rajustée à 0,7 mg/L comparativement à des concentrations naturelles plus faibles de fluorure, soit 0,3 mg/L dans l'eau potable (Karagas et coll., 1996). On n'a trouvé aucun lien non plus entre la fracture de la hanche et une exposition à vie moyenne estimative à une concentration de 0,9 mg/L de fluorure dans l'eau potable (Hillier et coll., 2000). Dans le cadre d'une étude au cours de laquelle on a comparé les taux de fracture de la hanche à Rochester, au Minnesota, dix ans avant le début de la fluoruration de l'eau potable en 1960 et dix ans après, on n'a pas établi de lien entre la fluoruration et un risque de fracture de la hanche chez les hommes et les femmes de 50 ans ou plus (Jacobsen et coll., 1993). De plus, on a observé un lien de protection chez les femmes qui buvaient de l'eau fluorurée (Jacobsen et coll., 1993). Cauley et coll. (1995) ont constaté moins de fractures de la hanche chez les femmes de races autres que noire de 65 ans qui ont été exposées pendant 20 ans à une eau potable fluorurée (1,0 mg/L) comparativement à des concentrations naturelles plus faibles de fluorure dans l'eau potable (0,15 mg/L). Lehmann et coll. (1998) ont aussi constaté qu'il y avait moins de fractures de la hanche dans les collectivités où l'eau était fluorurée (0,77 à 1,20 mg/L), tant chez les hommes que chez les femmes de 35 ans ou plus, comparativement à des expositions moindres (0,08 à 0,36 mg/L). On a observé chez les femmes dont l'ongle d'orteil contenait des concentrations élevées de fluorure (>5,50 ppm) un risque de fracture de la hanche moins élevé que chez celles dont les concentrations de fluorure dans l'ongle d'orteil étaient plus faibles (<2,0 ppm) (Feskanich et coll., 1999). Le risque de fracture de la hanche diminuait légèrement chez les femmes plus âgées (>65 ans) buvant de l'eau potable fluorurée depuis 20 ans comparativement à celles qui buvaient de l'eau potable non fluorurée pendant la même période (Phipps et coll., 2000).

  2. Fractures en général et autres types de fractures

    On a constaté une incidence beaucoup plus élevée de fractures squelettiques chez les femmes ménopausées (âgées de 55 à 80 ans) qui vivaient dans une collectivité où la concentration de fluorure était élevée (4 mg/L) depuis au moins dix ans que chez celles qui vivaient dans une collectivité où l'eau était fluorurée de façon « optimale » (1,0 mg/L). On n'a pas constaté de tels liens chez les femmes non ménopausées (âgées de 20 à 35 ans) (Sowers et coll., 1986). Cinq ans plus tard (1988-1989), on a constaté chez les femmes ménopausées vivant dans la collectivité où la concentration de fluorure était élevée un risque de fracture (tous types) plus important que chez celles qui vivaient dans la collectivité où l'eau était moins fluorurée. Karagas et coll. (1996) ont signalé des taux un peu plus élevés de fracture de la partie distale de l'avant-bras et de la partie proximale de l'humérus chez les hommes âgés (de 65 à 89 ans) vivant dans une région où l'eau potable était fluorurée naturellement et artificiellement (0,7 mg/L) comparativement à des régions où les concentrations de fluorure étaient moindres (0,3 mg/L). Feskanich et coll. (1999) ont constaté un risque accru de fracture de l'avant-bras chez les femmes dont l'ongle d'orteil contenait des concentrations plus élevées de fluorure (>5,50 ppm c. <2,0 ppm). On a observé un risque accru de fracture en général chez les hommes et les femmes de 50 ans exposés à des concentrations naturelles élevées de fluorure (4,32 mg/L) dans l'eau potable comparativement à des niveaux moins élevés d'exposition au fluorure dans l'eau potable (1,00 à 1,06 mg/L) (Li et coll., 2001). On a toutefois observé que le fluorure dans l'eau potable avait un effet protecteur contre les fractures en général lorsque l'on a comparé des concentrations de 1,00 à 1,06 mg/L à de faibles concentrations de fluorure dans l'eau potable (0,34 mg/L). On a relevé moins de fractures ostéoporotiques et ailleurs qu'à la colonne chez les femmes de races autres que noire âgées de 65 ans et exposées à de l'eau potable fluorurée (1,0 mg/L) par rapport à celles exposées à de l'eau potable non fluorurée (0,15 mg/L) pendant 20 ans (Cauley et coll., 1995). Les résultats de la même étude n'ont pas montré de lien entre l'eau potable fluorurée et les fractures du poignet ou de la colonne (Cauley et coll., 1995). Fabiani et coll. (1999) ont constaté des taux moins élevés de fracture du fémur chez les résidents vivant dans une collectivité où l'eau potable contenait 1,45 mg/L de fluorure que dans un comté où la concentration de fluorure était faible (0,05 mg/L). Phipps et coll. (2000) ont aussi constaté un risque réduit de fracture des vertèbres chez les femmes âgées (>65 ans) exposées à de l'eau potable fluorurée par rapport à celles qui ont été exposées à de l'eau potable non fluorurée pendant 20 ans. Cet effet protecteur n'était pas important dans le cas des fractures de l'humérus (Phipps et coll., 2000).

9.1.3.5 Études épidémiologiques - teneur minérale de l'os

Cauley et coll. (1991) n'ont signalé aucun lien entre la durée de l'exposition et la TMO chez des femmes de race blanche (65 à 93 ans) exposées à une eau potable fluorurée (1,0 mg/L) par rapport à une eau potable non fluorurée pendant six ans en moyenne (durée de 0 à 38 ans). Une étude ultérieure réalisée par le même groupe n'a aussi révélé aucune donnée probante sur tout impact de l'exposition de femmes de races autres que noire âgées de 65 ans à de l'eau potable fluorurée (1,0 mg/L) par rapport à de l'eau non fluorurée (0,15 mg/L) pendant 20 ans (Cauley et coll., 1995). Une comparaison entre des femmes âgées de 46 à 65 ans vivant dans des régions où les concentrations de fluorure n'atteignaient pas 0,6 mg/L (moyenne de 0,18 mg/L) et des femmes habitant des régions où les concentrations s'établissaient à 1,0 mg/L a révélé des densités osseuses moins élevées chez les femmes non ménopausées, mais on n'a constaté aucun lien dans le cas des femmes ménopausées (Lan et coll., 1995). Au cours d'une étude réalisée en Saskatchewan, on a mesuré la TMO chez 24 femmes en bonne santé de Regina (fluorure, 0,1 mg/L) et 33 de Saskatoon (fluorure, 1,0 mg/L). Les femmes exposées à l'eau fluorurée avaient une TMO moyenne beaucoup plus élevée pour la colonne lombaire antéro-postérieure totale et la L3 volumétrique estimative (3e vertèbre lombaire) et ne présentaient aucune différence de TMO dans le cas du corps au complet ou de la partie proximale du fémur (Arnold et coll., 1997). Chez les hommes et les femmes (de 60 ans) vivant dans une collectivité dont le réseau de distribution d'eau contenait de fortes concentrations de fluorure (2,5 mg/L), la TMO de la colonne lombaire était beaucoup plus élevée que chez les sujets vivant dans la collectivité où la concentration de fluorure était faible (0,03 mg/L); les femmes de la collectivité où la concentration de fluorure était élevée présentaient une TMO de la partie proximale du fémur beaucoup plus élevée que celles qui vivaient dans la collectivité où la concentration de fluorure était faible. On n'a pas constaté d'effet important sur la TMO des adultes âgés de concentrations jugées « optimales » pour la prévention de la carie dentaire (0,7 à 1,2 mg/L) (Phipps et coll., 1998). Au cours d'une étude réalisée plus tard, le même groupe de chercheurs a constaté une augmentation de la TMO au col du fémur et à la colonne lombaire chez les femmes âgées (65 ans) vivant depuis 20 ans dans une collectivité où l'eau était fluorurée par rapport à celles qui vivaient dans une collectivité alimentée en eau non fluorurée. On a toutefois constaté une diminution de la TMO à la partie distale du radius chez les femmes de la collectivité où l'eau était fluorurée par rapport à celles qui vivaient dans la collectivité où l'eau n'était pas fluorurée (Phipps et coll., 2000). Lehmann et coll. (1998) n'ont trouvé aucun lien entre l'exposition au fluorure et la TMO corrigée selon l'âge chez les hommes et les femmes de 20 à 60 ans buvant de l'eau fluorurée naturellement à une concentration de 0,77 à 1,20 mg/L comparativement à ceux qui étaient exposés à de plus faibles concentrations de fluorure dans l'eau potable (0,08 à 0,36 mg/L). Sowers et coll. (2005) ont constaté que la TMO moyenne de la partie distale du radius était beaucoup plus importante chez les femmes vivant dans des collectivités où la concentration de fluorure dans l'eau potable était élevée (4,0 mg/L) que chez celles qui vivaient dans des collectivités où la concentration de fluorure dans l'eau potable était « optimale » (1,0 mg/L).

Dans l'ensemble, ces études montrent que même si l'on a établi à l'occasion un lien entre l'exposition à des concentrations de fluorure de 1,0 à 1,5 mg/L et un effet positif sur la TMO, on n'a pas augmenté considérablement le risque de fracture (Tardif, 2006). Il faut interpréter avec prudence les études qui ne tiennent pas compte des facteurs de confusion comme la consommation de suppléments de calcium, de fluorure ou de vitamine D et la prise d'autres médicaments, ou qui ne tiennent pas compte de fractures traumatiques (Santé Canada, 2008). Quelques synthèses ou méta-analyses ont été réalisées pour avoir un aperçu de l'effet de la fluoruration de l'eau sur la santé, y compris la santé des os. À la suite d'une synthèse, Raheb (1995) a conclu que les preuves d'un lien entre un risque accru de fracture de la hanche et la fluoruration de l'eau manquaient d'uniformité, notamment parce que le nombre de fractures de la hanche déclarées dans le cadre de plusieurs études était trop faible pour permettre de tirer des conclusions sur le risque de fracture de la hanche. Selon une synthèse réalisée par Kleerekoper (1996) au sujet de l'effet du fluorure sur le squelette, des études épidémiologiques indiquent que dans les collectivités où l'eau potable est fluorurée (1 à 4 mg/L), la prévalence des fractures vertébrales peut être moins élevée, au détriment d'une incidence accrue des fractures ostéoporotiques de la hanche. Une recherche documentaire détaillée appelée « synthèse de York » (McDonagh et coll., 2000) a été effectuée par le National Health Service Centre for Reviews and Dissemination de l'Université de York, la Dental Public Health Unit de l'Université du Pays de Galles à Cardiff et le département d'épidémiologie et de santé publique de l'Université de Leicester. Selon le compte rendu de la synthèse de York (McDonagh et coll., 2000), les effets osseux ont été les effets néfastes potentiels du fluorure les plus étudiés après la fluorose. On a estimé que toutes les études sauf une présentaient « des données "probantes" de la plus faible qualité et un risque élevé de biais ». Les chercheurs ont utilisé une méthode d'analyse qualitative mais n'ont pas trouvé de lien clair entre la fracture de la hanche et la fluoruration de l'eau; les données probantes dans le cas d'autres fractures étaient semblables. Les auteurs de la synthèse de York ont mentionné que les conclusions globales tirées des études sur les fractures des os ont montré de faibles variations autour du point « sans effet ». Une méta-régression des études sur les fractures des os n'a révélé aucun lien avec la fluoruration de l'eau (McDonagh et coll., 2000). Quelques années plus tard, le National Health and Medical Research Council de l'Australie a conclu que « les données épidémiologiques actuellement disponibles ne permettent pas d'établir une estimation utile de l'effet possible de la fluoruration sur les troubles osseux autres que la fracture, même si les quelques études réalisées jusqu'à maintenant n'indiquent pas qu'il y a un problème » (NHMRC, 2007).

Le United States National Research Council a convoqué récemment le comité sur le fluorure dans l'eau potable afin de revoir les effets sur la santé du fluorure ingéré, à la demande de l'Environmental Protection Agency (EPA) qui souhaitait une évaluation indépendante du fondement scientifique de la concentration maximale de contaminants visée par l'EPA, soit 4 mg/L, et de la concentration maximale secondaire de contaminants, soit 2 mg/L dans l'eau potable, et qui demandait également que l'on détermine si ces recommandations suffisent pour protéger les enfants et d'autres personnes contre les effets néfastes sur la santé (NRC, 2006). Le comité a concentré ses efforts à réviser les études portant sur l'exposition à long terme à des concentrations de fluorure dans l'eau potable de l'ordre de 2 à 4 mg/L ou plus. Après avoir étudié le lien entre le fluorure et le risque de fracture des os, les membres du comité ont reconnu que dans certaines conditions, le fluorure pourrait affaiblir les os et accroître le risque de fracture : l'exposition à vie à des concentrations de 4 mg/L ou plus de fluorure dans l'eau potable est susceptible d'augmenter les taux de fracture dans la population comparativement à l'exposition à 1 mg/L, particulièrement dans certains sous-groupes démographiques enclins à accumuler le fluorure dans leurs os (p. ex., personnes qui ont une néphropathie) (NRC, 2006). Ils ont indiqué de plus qu'il y avait peu d'études permettant d'évaluer adéquatement le risque de fracture dans la population exposée à 2 mg/L de fluorure dans l'eau potable et c'est pourquoi on ne pouvait tirer de conclusions au sujet du risque de fracture ou de l'innocuité du fluorure dans l'eau potable à ce niveau d'exposition.

9.1.4 Épidémiologie du cancer

Depuis le début de la fluoruration de l'eau en Amérique du Nord au cours des années 1950, on a réalisé plus de 50 études épidémiologiques afin d'analyser les liens possibles entre l'ingestion d'eau potable fluorurée et l'occurrence de cas de cancer (Ad Hoc Subcommittee on Fluoride, 1991). Au cours d'une analyse évolutive des tendances, Freni et Gaylor (1992) ont étudié la variation du risque cumulatif de cancer des os chez les personnes de 10 à 29 ans ou de 0 à 74 ans au cours de la période de 1958 à 1987 dans les régions des États-Unis, du Canada et de l'Europe où l'eau était fluorurée (c.-à-d. que la concentration de fluorure dans l'eau potable desservant au moins 50 % de la population a augmenté à 1 mg/L avant ou pendant les années 1960) par rapport à des régions où elle ne l'était pas. La variation moyenne en fonction du temps du risque cumulatif de cancer des os n'était pas différente entre les régions où l'eau était fluorurée et celles où elle ne l'était pas (Freni et Gaylor, 1992). Hoover et coll. (1991a) ont comparé des comtés où l'eau était fluorurée (c.-à-d. que le pourcentage de la population recevant de l'eau fluorurée est passé de <10 % à >60 % en trois ans) à des comtés témoins (c.-à-d. où <10 % de la population était exposée à l'eau fluorurée) en se basant sur les données de deux registres du programme Surveillance, Epidemiology and End Results du National Cancer Institute (NCI SEER) (Iowa et Seattle, Washington), afin de déterminer l'occurrence du cancer et la mortalité attribuable à celui-ci chez les personnes de race blanche. On a comparé les incidences observées d'ostéosarcome (91 cas), de cancer généralisé des os et des articulations (290 cas), de cancer de la cavité buccale (2 693 cas) et de cancer du rein (2 583 cas) dans les comtés où l'eau était fluorurée aux incidences prévues dans les comtés témoins. On n'a pas constaté de différences uniformes au niveau du nombre de cas observés ou attendus pour aucun des types de cancer. On a observé une tendance significative (p = 0,04) à l'augmentation du risque de cancer du rein chez les deux sexes combinés lorsque la durée de la fluoruration de l'eau passait de <5 à 15-19 ans dans la région de Seattle (c.-à-d. que le risque relatif passait de 0,9 [IC à 95 % = 0,7 à 1,1] à 1,0 [IC à 95 % = 0,9 à 1,2]). On n'a toutefois pas constaté de tendances significatives lorsqu'on a analysé les hommes et les femmes séparément ou lorsqu'on a ventilé les données en fonction des diagnostics posés de 1973 à 1980 et de 1981 à 1987 (Hoover et coll., 1991a, 1991b).

Une analyse de toute la base de données sur les incidences du NCI SEER a montré que pour tous les âges confondus, l'incidence de l'ostéosarcome augmentait de 18 % chez les hommes et diminuait de 11 % chez les femmes entre les deux périodes susmentionnées. Chez les hommes de moins de 20 ans vivant dans des collectivités où l'eau était fluorurée, le taux d'incidence de l'ostéosarcome a augmenté de 53 % entre 1973 et 1980 (88 cas) et entre 1980 et 1987 (100 cas), mais d'autres analyses ont démontré que l'augmentation n'était pas reliée à la durée de la fluoruration de l'eau (Hoover et coll., 1991a, 1991b). Hoover et coll. (1991a, 1991b) ont aussi analysé des renseignements portant sur plus de 2,3 millions de décès attribuables au cancer qui sont survenus aux États-Unis entre 1950 et 1985 et n'ont trouvé aucun lien constant entre l'exposition à l'eau potable fluorurée (c.-à-d. comtés >50 % urbanisés en 1980 où la proportion de la population recevant de l'eau contenant >0,3 mg/L de fluorure est passée de <10 % à >66 % en trois ans) et les décès attribuables à n'importe quel type de cancer.

Les études épidémiologiques susmentionnées sont du type corrélation écologique ou transversale et présentent de nombreuses faiblesses, y compris des variations de l'apport de fluorure, des différences géographiques au niveau des facteurs variables ayant une incidence sur l'occurrence du cancer, la migration entre les régions et les variations de la qualité des données sur la mortalité et la morbidité (CIRC, 1982; Ad Hoc Subcommittee on Fluoride, 1991; ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b). On a entrepris des études méthodologiques plus robustes comme des études cas-témoin qui évitent certaines des faiblesses associées aux études de type corrélation écologique ou géographique.

On a réalisé une étude (rétrospective) cas-témoin représentative dans la population de l'État de New York à l'exclusion de la ville de New York. Des cas d'ostéosarcomes pédiatriques ont été diagnostiqués entre 1978 et 1988 chez des sujets (n = 130) âgés de 24 ans ou moins. L'exposition à vie à chaque source de fluorure était évaluée en fonction d'un indice d'exposition à vie cumulative. On a supposé que la concentration de fluorure était de 1,0 mg/L dans les régions où l'eau était fluorurée et de 0 mg/L dans celles où elle ne l'était pas. Compte tenu des réponses des parents, on n'a pas établi de lien significatif entre l'exposition à vie cumulative au fluorure et l'ostéosarcome chez tous les sujets combinés ou chez les femmes. On a toutefois observé chez les hommes une importante tendance protectrice. Celle-ci a été associée au dentifrice fluoruré, aux comprimés de fluorure et au traitement au fluorure dentaire chez tous les sujets, y compris les hommes. Compte tenu des réponses des sujets, on n'a pas observé de lien significatif entre l'exposition au fluorure et l'ostéosarcome. Selon les auteurs, les résultats ont montré que l'exposition au fluorure n'augmentait pas le risque d'ostéosarcome et pourrait plutôt avoir un effet de protection chez les hommes (Gelberg et coll., 1995).

On a entrepris une étude cas-témoin pour comparer 167 cas d'ostéosarcome à 989 cas de cancer de référence jumelés selon la fréquence déclarée au cours de la période de 1979 à 1989 en utilisant des mesures substituts de l'exposition et des données facilement disponibles du Wisconsin Cancer Reporting System. On a évalué les différences au niveau de l'exposition possible à des rayonnements d'origine hydrique et à l'eau potable fluorurée, la taille de la population au lieu de résidence indiqué et le caractère saisonnier. On n'a trouvé aucun lien entre l'exposition possible à l'eau potable fluorurée et l'ostéosarcome (RC 1,0, IC à 95 % = 0,6 à 1,5) (Moss et coll., 1995).

Bassin et coll. (2006) ont étudié récemment les effets du fluorure dans l'eau potable spécifiques à l'âge et au sexe et l'incidence de l'ostéosarcome en se basant sur des données tirées d'une étude à témoins jumelés réalisée dans 11 hôpitaux des États-Unis. Les données réunies comprenaient les antécédents résidentiels complets de chaque patient et le type d'eau potable (réseau public, puits privé, eau embouteillée) utilisée à chaque adresse. L'analyse était limitée aux cas de moins de 20 ans et les estimations normalisées de l'exposition au fluorure étaient basées sur les concentrations cibles recommandées par les Centres for Disease Control and Prevention qui tiennent compte du climat. L'exposition a été répartie en trois groupes (<30 %, 30 à 99 %, >99 % de la cibleNote de bas de page 2) et l'on a utilisé une régression logistique conditionnelle pour estimer les rapports de cote. Basée sur 103 cas de moins de 20 ans et 215 témoins jumelés, l'analyse a révélé que chez les hommes, les rapports de cote non ajustés pour les niveaux d'exposition élevés dépassaient 1,0 à chaque âge d'exposition pour atteindre un maximum de 4,07 (IC à 95 % = 1,43 à 11,56) à sept ans dans le cas de l'exposition la plus importante. L'ajustement pour des facteurs de confusion possibles a produit des résultats semblables et un rapport de cote (RC) ajusté chez les hommes de 5,46 (IC à 95 % = 1,50 à 19,90) à sept ans. Cette analyse exploratoire a révélé l'existence d'un lien entre l'exposition au fluorure dans l'eau potable durant l'enfance et l'incidence d'ostéosarcome chez les hommes; ce lien n'était pas constant chez les femmes.

Douglass (directeur de thèse de Bassin) et Joshipura (2006) ont publié une lettre à la rédaction afin de prévenir les lecteurs de ne pas généraliser ou surinterpréter les résultats de la publication de Bassin et coll. (2006). Selon les auteurs, Bassin et coll. (2006) ont présenté la première seulement de deux séries de cas avec leur propre groupe témoin. Le groupe de recherche de Douglass et Joshipura (2006) a lui aussi constaté l'existence de liens positifs entre le fluorure et l'ostéosarcome au cours de l'analyse de la première série de cas. Cependant, les conclusions préliminaires que les chercheurs ont tirées de l'analyse de la deuxième série de cas (1993-2000) n'ont pas semblé reproduire les constatations globales du premier volet de l'étude. Les auteurs estiment par conséquent que leurs résultats ne suggèrent pas un lien global entre l'exposition au fluorure et l'ostéosarcome (Douglass et Joshipura, 2006).

Dans une synthèse des données épidémiologiques portant sur le lien entre les contaminants présents dans l'eau potable et le cancer, Cantor (1997) a indiqué que d'autres données réunies depuis 1990 ne révèlent pas qu'il y a un lien entre le risque d'ostéosarcome (ou d'autres cancers) et la présence de fluorure dans l'eau potable. Des synthèses plus récentes réalisées par diverses organisations scientifiques indiquent aussi qu'il n'y a pas de lien clair entre la fluoruration de l'eau et l'incidence globale du cancer, y compris l'ostéosarcome, les cancers des os et des articulations et la mortalité (McDonagh et coll., 2000; PISSC, 2002; ATSDR, 2003; American Dental Association, 2005; NHMRC, 2007). Le comité sur le fluorure dans l'eau potable convoqué par le NRC (2006) a mentionné que les publications combinées sur les études épidémiologiques n'indiquent pas clairement si les concentrations plus élevées de fluorure sont cancérogènes chez les êtres humains et reconnaissent les défis suivants qui se posent lorsqu'il faut déterminer si l'exposition au fluorure constitue un facteur de risque d'ostéosarcome. Tout d'abord, comme la maladie est très peu courante, il n'existe pas beaucoup d'études capables de saisir les nouveaux cas dans la population. Deuxièmement, il est difficile de connaître avec précision la quantité de fluorure à laquelle chaque sujet est exposé, non seulement parce qu'on trouve du fluorure couramment dans de nombreuses sources, mais aussi parce que la façon de le mesurer dans le corps humain (échantillons d'os) est trop invasive (NRC, 2006). Selon les conclusions et les recommandations découlant de la réunion du groupe d'experts sur le fluorure qui a eu lieu récemment au Canada (Santé Canada, 2008), les données scientifiques disponibles n'appuient pas l'existence d'un lien entre le fluorure et le cancer. Les experts ont reconnu qu'il est important d'éviter de généraliser et de surinterpréter les résultats de la publication de Bassin et coll. (2006) et d'attendre les résultats de l'étude complète avant de tirer des conclusions et de modifier toute politique connexe (Santé Canada, 2008).

9.1.5 Épidémiologie relative à la reproduction et au développement

Les études effectuées sur des humains au sujet des effets du fluorure ingéré sur la reproduction et le développement ont inclus de nombreuses études cas-témoin et études écologiques au cours desquelles on a examiné des liens possibles entre l'exposition à l'eau potable fluorurée ou à des suppléments de fluorure au cours de la grossesse et des effets néfastes sur la fonction reproductive ou le développement du fœtus. Au cours de trois études cas-témoin, on n'a pas trouvé de lien entre l'apport de fluorure et des augmentations du nombre d'avortements spontanés (Aschengrau et coll., 1989), de cardiopathies congénitales (Zierler et coll., 1988) ou d'effets néfastes tardifs sur la grossesse, y compris les anomalies congénitales, les mortinaissances et les décès (Aschengrau et coll., 1993). À la suite d'une étude écologique portant sur le taux annuel total de fécondité chez les femmes de 10 à 49 ans de 30 régions des États-Unis, les chercheurs ont signalé que deux fois plus de régions comportant des comtés où l'eau potable contenait au moins 3 mg/L de fluorure ont montré des associations négatives significatives entre le taux annuel total de fécondité et l'exposition au fluorure comparativement aux associations positives. Bien qu'une méta-analyse des résultats régionaux ait produit une association négative combinée entre le taux annuel total de fécondité et l'exposition, les auteurs ont prévenu que les mesures de l'exposition et les résultats peuvent différer d'une femme à une autre et que l'existence d'associations positives importantes entre le taux annuel total de fécondité et l'exposition dans certaines régions indique qu'il peut y avoir des facteurs de confusion inconnus (Freni, 1994). Au cours d'une étude clinique, on a constaté que les enfants de mères qui avaient été exposées à de l'eau potable fluorurée et qui avaient reçu un supplément de fluorure (1 mg par jour) au cours de la grossesse (n = 117) avaient une taille et un poids légèrement mais significativement plus importants à la naissance et moins de malformations congénitales que ceux dont la mère avait bu de l'eau fluorurée mais n'avait reçu aucun supplément (n = 375) (Glenn et coll., 1982).

Dans le contexte d'une étude cas-témoin portant sur le fluorure dans l'eau potable (1,5 à 14,5 mg/L), on a comparé les concentrations de testostérone sérique chez 30 patients atteints de fluorose squelettique et chez des hommes en bonne santé qui buvaient de l'eau contenant des concentrations de fluorure de moins de 1 mg/L (groupe témoin 1, n = 26). On a utilisé une deuxième catégorie de sujets témoins (groupe témoin 2, n = 16) constituée des personnes vivant dans la même maison et buvant donc la même eau que les patients, mais qui n'avaient pas de symptômes cliniques de fluorose squelettique. Pour qu'on diagnostique une fluorose clinique, chaque patient devait satisfaire aux critères suivants : a) avoir vécu dans une région endémique pendant plus de cinq ans, b) présenter une concentration accrue de fluorure dans le sérum et l'urine, c) avoir les symptômes et signes typiques à l'examen médical (c.-à-d. lombalgie, douleur dans les jambes, constipation/diarrhée, etc.) et d) ne présenter aucun signe d'autres troubles osseux métaboliques. Des radiographies de la colonne lombaire, de l'avant-bras et du bassin ont révélé une augmentation de la densité osseuse de la colonne et du bassin et une calcification de la membrane interosseuse ou d'autres ligaments chez 85 % des patients. La concentration de testostérone sérique chez les patients atteints de fluorose squelettique était beaucoup moins élevée que chez ceux du groupe témoin 1 (p < 0,01). Les concentrations de testostérone chez les sujets du groupe témoin 2 étaient aussi beaucoup moins élevées que chez le groupe témoin 1, mais plus élevées que chez le groupe de patients. Les résultats de cette étude indiquent que la toxicité du fluorure pourrait avoir des effets néfastes sur l'environnement hormonal de la reproduction (Susheela et Jethanandani, 1996). Dans le cadre d'une autre étude réalisée chez des hommes exposés professionnellement au fluorure (exposition variant de 3 à 27 mg par jour selon les calculs), les chercheurs ont constaté que les concentrations d'hormone sérique étaient altérées, mais que les paramètres du sperme étaient normaux (Ortiz-Perez et coll., 2003).

Quelques études épidémiologiques ont porté sur le lien entre l'exposition au fluorure et les résultats du développement humain. Gupta et coll. (1995) ont comparé des enfants (5 à 12 ans, pesant de 15 à 30 kg) qui buvaient de l'eau potable riche en fluorure contenant 4,5 et 8,5 mg/L (groupe A) et qui montraient des signes de fluorose clinique, dentaire ou squelettique à des enfants jumelés selon l'âge et le poids qui buvaient de l'eau potable contenant ≤1,5 mg/L de fluorure (groupe B). Au total, 22 des 50 enfants (44 %) du groupe A et six des 50 enfants (12 %) du groupe B étaient atteints de spina bifida occulta dans la région sacrolombaire. Selon les auteurs, comme ce défaut fait son apparition au cours de la période prénatale, les observations indiquent qu'il peut exister un lien entre le spina bifida occulta et un apport important de fluorure au cours de la grossesse. Dick et coll. (1999) ont signalé que les nourrissons exposés à l'eau fluorurée in utero ne couraient pas un risque accru de syndrome de mort subite du nourrisson (SMSN) (RC rajusté = 1,19, IC à 95 % = 0,82 à 1,74). Chez les enfants allaités au moment du décès/sommeil en cause, le lien entre l'exposition à l'eau fluorurée et un risque accru de SMSN n'était pas statistiquement significatif. De même, la comparaison entre le lait maternisé fluoruré et le lait maternisé non fluoruré n'a révélé aucun risque accru statistiquement significatif de SMSN. Les auteurs ont conclu que l'exposition à de l'eau fluorurée avant ou après la naissance n'avait pas d'effet sur le risque relatif de SMSN au moment du décès (Dick et coll., 1999). Whiting et coll. (2001) ont réalisé une critique systématique d'études de recherche portant sur l'incidence du syndrome de Down dans les régions où les approvisionnements en eau contenaient des concentrations différentes de fluorure. Selon les auteurs, toutes les études étaient du type écologique et l'évaluation de leur validité a démontré qu'elles étaient médiocres. Les estimations du risque relatif brut ont varié de 0,84 à 3,0. Quatre études n'ont révélé aucun lien important entre l'incidence du syndrome de Down et la concentration de fluorure dans l'eau, et deux études du même auteur ont constaté l'existence d'une association positive (incidence accrue du syndrome de Down en fonction de la concentration de fluorure dans l'eau) significative (p < 0,05). Deux études seulement ont tenu compte de facteurs de confusion et une seule d'entre elles a présenté des mesures de résultats sommaires. Les données sur l'existence d'un lien entre la concentration de fluorure dans l'eau et l'incidence du syndrome de Down ne sont pas concluantes (Whiting et coll., 2001).

Selon le comité sur le fluorure dans l'eau potable du NRC (NRC, 2006), les études disponibles sur le lien entre la reproduction et le développement humains et le fluorure dans l'eau potable sont peu nombreuses et présentent d'importantes lacunes sur le plan de la conception et de la robustesse, ce qui en limite l'impact.

9.1.6 Mutagénicité et génotoxicité

On a réalisé quelques études épidémiologiques pour évaluer le lien possible entre l'exposition au fluorure dans l'eau potable et la génotoxicité. Y. Li et coll. (1995) ont étudié les risques génotoxiques que présente l'ingestion à long terme d'eau potable contenant du fluorure (0,2, 1,0 ou 4,8 mg/L) dans une population chinoise dont la nutrition était normale ou inadéquate. On a analysé les lymphocytes du sang pour déterminer la fréquence de l'échange de chromatides soeurs (ECS). L'apport quotidien moyen de fluorure, ainsi que les concentrations de fluorure dans l'urine et le plasma, ont augmenté en fonction de la concentration de fluorure dans l'eau potable. Les auteurs ont observé que même si les écarts mathématiques étaient réduits, les sujets buvant de l'eau à faible concentration en fluorure (0,11 et 0,23 mg/L) présentaient une fréquence d'ECS beaucoup plus élevée que ceux qui étaient exposés à des concentrations plus importantes de fluorure, ce qui indique que le potentiel génotoxique est plus grand chez les populations exposées à de faibles concentrations de fluorure. Une étude réalisée par Jackson et coll. (1997) a démontré que l'ingestion à long terme d'eau potable contenant 4,0 mg/L (par rapport à 0,2 et 1,0 mg/L) de fluorure n'avait pas d'effet physiologique ou génotoxique cliniquement important chez les adultes en bonne santé. On a observé une augmentation de la fréquence d'ECS ou d'aberrations chromosomiques en Mongolie intérieure, en Chine et au Gujarat du Nord, en Inde, régions où la fluorose est endémique (Sheth et coll., 1994; Wu et Wu, 1995; Joseph et Gadhia, 2000). Les détails limités fournis sur la sélection des sujets et des facteurs de confusion possibles compliquent toutefois l'interprétation de ces études (PISSC, 2002).

Au cours d'une étude clinique réalisée en Inde, Ramesh et coll. (2001) ont analysé des mutations du gène p53 dans divers exons de tissus d'ostéosarcome et ils ont établi un lien entre les résultats et les concentrations de fluorure dans les os des patients. Des échantillons de tissu provenant de 20 patients qui avaient un ostéosarcome ont été analysés pour déterminer les altérations génétiques possibles, y compris les mutations, en fonction de l'importance de l'accumulation de fluorure dans l'os. On a établi un lien entre la mutation observée dans deux cas (incidence de 10 %) et des concentrations très élevées de fluorure dans les os (64 000 et 89 000 µg/g). Selon les auteurs, la concentration élevée de fluorure dans les os et la similitude des modes d'action entre les dommages à l'ADN causés par le fluorure et des mutations du gène p53 d'origine chimique indiquent que la teneur élevée en fluorure des os peut avoir été un des principaux facteurs à l'origine de l'ostéosarcome chez les sujets présentant des mutations du gène p53 (Ramesh et coll., 2001). Étant donné que l'étude comporte des incertitudes importantes, comme le nombre limité de sujets, l'absence d'un groupe témoin et le manque de contrôle d'autres causes de mutations du gène p53, il faut interpréter ces résultats avec prudence.

9.1.7 Effets neurocomportementaux

On a mesuré l'effet de l'exposition au fluorure sur le quotient intellectuel (QI) des enfants au cours de plusieurs études réalisées en Chine (X.S. Li et coll., 1995; Zhao et coll., 1996; Lu et coll., 2000; Xiang et coll., 2003; Wang et coll., 2007). Comme on le verra plus loin dans cette section, ces études sont controversées et il faut donc en interpréter les résultats avec prudence. La première étude a porté sur 907 enfants âgés de huit à 13 ans vivant dans des régions qui différaient par la quantité de fluorure présent dans l'environnement. Les enfants vivant dans des régions où la prévalence de la fluorose était moyenne ou sévère avaient un QI moyen inférieur à celui des enfants vivant dans les régions où la fluorose dentaire était légère ou inexistante (80,3 c. 89,9) (X.S. Li et coll., 1995). Zhao et coll. (1996) ont comparé le QI de 160 enfants (âgés de sept à 14 ans) vivant dans un village où le fluorure était présent naturellement (4,12 mg/L dans l'eau potable) à celui d'enfants vivant dans un village où le fluorure n'était pas endémique (0,91 mg/L dans l'eau potable). Les auteurs ont constaté que les enfants vivant dans une région à forte concentration de fluorure avaient un QI moyen beaucoup moins élevé que ceux des régions où la concentration de fluorure était faible (97,69 c. 105,21). Au cours d'une autre étude, on a mesuré le QI de 118 enfants âgés de 10 à 12 ans qui avaient toujours vécu dans deux villages comptant une population de même taille et ayant des antécédents sociaux, éducationnels et économiques similaires, mais présentant des concentrations différentes de fluorure dans l'eau potable (3,15 c. 0,37 mg/L). Les enfants de la région où l'eau contenait une forte teneur en fluorure avaient un QI beaucoup moins élevé que les enfants de la région où l'eau avait une faible teneur en fluorure (92,27 c. 103,05). On a également constaté un rapport inverse entre le QI et les concentrations de fluorure dans l'urine (Lu et coll., 2000). On a aussi mesuré le QI au cours d'une étude portant sur 512 enfants de huit à 13 ans vivant dans deux villages différents. Le QI moyen était beaucoup moins élevé (92,02) dans le village où l'eau avait une forte teneur en fluorure (concentration moyenne de fluorure dans l'eau : 2,47 mg/L) que dans le village où la teneur en fluorure était faible (concentration moyenne de fluorure dans l'eau : 0,36 mg/L; QI moyen : 100,41). On a établi un lien important entre des concentrations plus élevées de fluorure dans l'eau potable et des taux plus élevés d'arriération mentale (QI <70) et d'intelligence limite (QI 70-79) (Xiang et coll., 2003).

Au cours d'une récente étude transversale, Wang et coll. (2007) ont étudié les influences de l'exposition à l'arsenic et au fluorure sur l'intelligence et la croissance des enfants. Ils ont étudié 720 enfants de huit à 12 ans vivant en Chine rurale et exposés à des concentrations de 2, 142 ou 190 µg/L d'arsenic dans l'eau potable, ainsi qu'un groupe exposé à la fois à une concentration de 8,3 mg/L de fluorure et de 3 µg/L d'arsenic. Les chercheurs ont utilisé un test de QI pour analyser les influences de ces expositions sur l'intelligence des enfants. Le QI moyen est passé de 105 chez les sujets du groupe témoin à 101 chez ceux du groupe exposé à une concentration moyenne d'arsenic et à 95 chez le groupe exposé à une concentration élevée d'arsenic. Le QI moyen s'établissait à 101 chez les sujets du groupe exposé à une forte concentration de fluorure, ce qui est beaucoup moins élevé que chez les sujets du groupe témoin. Les enfants du groupe témoin étaient plus grands que ceux du groupe exposé à une forte concentration de fluorure, présentaient un poids plus important que ceux du groupe exposé à une forte concentration d'arsenic, et avaient une plus grande capacité pulmonaire que ceux du groupe exposé à une concentration moyenne d'arsenic. Les auteurs ont conclu qu'une concentration élevée d'arsenic ou de fluorure pouvait avoir un effet sur l'intelligence et la croissance des enfants. Il faut interpréter avec prudence les résultats de cette étude réalisée en milieu rural en Chine.

Ces études ont été incluses dans la revue effectuée par le groupe d'experts sur le fluorure convoqué par Santé Canada en 2007. Toutefois, en dépit de l'uniformité des résultats dont elles font état, le comité a convenu qu'il n'y avait pas suffisamment de données probantes appuyant l'existence d'un lien entre le fluorure et un QI inférieur. Ces études comportent en effet de grandes lacunes en termes de qualité, de crédibilité et de méthodologie, comme le manque de contrôle des facteurs de confusion, le faible nombre de sujets et la dose de l'exposition (Santé Canada, 2008). La majorité de ces études réalisées en Chine ont également été incluses dans des revues effectuées par d'autres organisations ou comités, qui ont également mis en doute leur valeur (PISSC, 2002; ATSDR, 2003; NRC, 2006).

9.1.8 Autres effets sur la santé

Plusieurs études épidémiologiques ont porté sur un éventail d'effets néfastes sur la santé humaine associés à l'exposition au fluorure présent dans l'eau potable. Dans le contexte des études présentées ci-dessous, les chercheurs ont évalué le lien entre le fluorure dans l'eau potable et les symptômes gastro-intestinaux, l'otosclérose, l'urolithiase et les concentrations d'hormone parathyroïdienne.

Dasarathy et coll. (1996) ont comparé dix patients atteints d'ostéofluorose documentée (concentration endémique élevée de fluorure = 4,9 mg/L) à 10 volontaires en bonne santé jumelés en fonction de l'âge et du sexe (concentration de fluorure = 0,34 mg/L). Tous les patients atteints d'ostéofluorose présentaient des symptômes gastrointestinaux, dont les douleurs abdominales étaient les plus courants. Aucun des sujets témoins ne présentait de symptômes cliniques ou d'anomalies des muqueuses. On a conclu que les symptômes gastrointestinaux et les anomalies des muqueuses étaient courants chez les patients atteints d'ostéofluorose. Les résultats d'une méta-analyse réalisée par Haguenauer et coll. (2000) ont montré que le risque relatif d'effets secondaires gastrointestinaux causés par un traitement au fluorure de fractures ostéoporotiques chez des sujets ménopausés augmentait après quatre années de traitement (RR = 2,18, IC à 95 % = 1,69 à 4,57), particulièrement si l'on a utilisé des doses élevées de fluorure dont la libération n'est pas lente.

Une étude a été menée en Finlande par Vartiainen et Vartiainen (1996) afin d'évaluer l'effet de la fluoruration de l'eau potable sur l'audition de patients otosclérotiques. La population à l'étude comprenait 150 patients ayant de l'otosclérose prouvée chirurgicalement avec un suivi moyen d'environ neuf ans. Parmi ceux-ci, 41 patients vivaient dans la ville de Kuopio et consommaient de l'eau fluorurée (1 mg/L) et 109 vivaient dans les communautés avoisinantes alimentées en eau à faible teneur en fluorure (moyenne de 0,1 mg/L). Selon les résultats de l'étude, les patients vivant à Kuopio démontraient de meilleurs seuils de conduction d'air que les autres patients à la fin de la période de suivi, à deux fréquences différentes testées. Selon les auteurs, l'ingestion de 1 à 3 mg par jour de fluorure de sodium dans une région recevant de l'eau à faible teneur en fluorure aurait un effet bénéfique sur l'otosclérose cochléaire.

Vartiainen et Vartiainen (1997) ont comparé, en se fondant sur une étude rétrospective des dossiers et un questionnaire sur l'historique de la résidence, la prévalence de l'otosclérose clinique (formation d'os spongieux dans l'oreille) chez des sujets nés entre 1948 et 1962 et vivant dans une région à faible concentration de fluorure dans l'eau (concentration moyenne de fluorure de 0,1 mg/L dans l'eau potable) ou dans une région où l'eau du robinet était fluorurée (1 mg/L). Les chercheurs ont constaté que la prévalence de l'otosclérose clinique s'établissait à 0,35 % des personnes exposées à l'eau du robinet fluorurée et à 0,32 % de celles qui consommaient de l'eau à faible teneur en fluorure. L'étude n'a pas révélé d'effet de la fluoruration de l'eau potable sur la prévalence de l'otosclérose.

On a constaté que la prévalence de l'urolithiase (calculs rénaux) était 4,6 fois plus élevée dans une région où le fluorure était endémique que dans une région où il ne l'était pas. La prévalence était presque deux fois plus élevée chez les sujets atteints de fluorose que chez les sujets sains dans la région endémique. On n'a observé aucun lien entre l'urolithiase et la durée de la fluorose. Les concentrations de fluorure dans l'eau potable ont varié de 3,5 à 4,9 mg/L dans la région où le fluorure était endémique. Les calculs urinaires chez les patients de la région endémique contenaient des concentrations de fluorure, d'oxalate et de calcium plus élevées que chez les patients des régions non endémiques. Selon les auteurs, les données indiquent qu'il se peut que le fluorure in vivo favorise légèrement la formation de calculs urinaires par a) l'excrétion de fluorure de calcium insoluble, b) l'augmentation de l'excrétion d'oxalate et c) une légère augmentation de la charge oxydative (Singh et coll., 2001).

Challacombe (1996) a effectué une synthèse des publications scientifiques sur le fluorure et la fonction immunitaire. Selon lui, le fluorure à des concentrations élevées peut être un adjuvant de l'immunité spécifique, mais rien ne prouve qu'il a des effets nocifs sur celle-ci et l'on n'a pas signalé de réaction allergique confirmée (Challacombe, 1996).

Dans le contexte d'une étude clinique transversale, Gupta et coll. (2001) ont évalué l'effet de l'ingestion d'eau potable à forte teneur en fluorure sur la concentration sérique d'hormone parathyroïde. On a choisi 200 enfants (de six à 12 ans) de quatre régions (50 de chaque région) dont l'eau contenait 2,4, 4,6, 5,6 et 13,5 mg/L de fluorure. Les concentrations sériques de calcium se situaient bien à l'intérieur de la plage normale pour les patients de toutes les régions, mais on a constaté une augmentation des concentrations sériques d'hormone parathyroïde. On a établi une association entre les augmentations des concentrations sériques d'hormone parathyroïde et une augmentation de l'ingestion de fluorure. On a remarqué également que la gravité de la fluorose squelettique augmentait en fonction de la concentration sérique d'hormone parathyroïde.

Bien qu'il n'existe pas de preuve indiquant que le fluorure soit un perturbateur endocrinien, certaines données suggèrent que cette substance affecte de façon néfaste certaines glandes endocriniennes (ATSDR, 2003), telles que la thyroïde (NRC, 2006). Toutefois, les études disponibles sur les effets de l'exposition au fluorure sur la fonction endocrinienne comportent plusieurs limites au niveau de la conception qui empêchent leur utilisation dans un contexte d'évaluation du risque. Par exemple, de nombreuses études n'ont pas mesuré les concentrations hormonales courantes, ou n'ont pas rapporté le statut nutritionnel (ingestion d'iode, de calcium ou de sélénium) ou le statut alimentaire général, ou contrôlé la variabilité inter-individuelle (âge, sexe, antécédents génétiques ou autres facteurs) (NRC, 2006). Les effets du fluorure sur la fonction thyroïdienne, par exemple, peuvent varier en fonction d'un apport en iode trop faible, adéquat, ou trop élevé, ou du sélénium alimentaire. Des effets plus sévères sur la fonction thyroïdienne ont été observés dans des populations ayant un apport en iode trop faible (NRC, 2006). Au Canada, le sel iodé est obligatoire et l'apport en iode pour les Canadiens a été estimé à plus de 1 mg/jour (IOM, 2001), ce qui est au-dessus de l'apport adéquat recommandé par l'Institute of Medicine (2001) afin d'éviter la carence en iode. Ainsi, les situations de carence en iode sont peu probables dans la population canadienne.

Dans l'ensemble, les résultats de ces diverses études montrent qu'on associe habituellement les effets néfastes sur la santé à des concentrations élevées de fluorure dans l'eau potable. Le panel d'experts sur le fluorure dans l'eau potable du NRC (NRC, 2006) n'a pas trouvé d'études sur les êtres humains portant sur l'eau potable contenant 4 mg/L de fluorure au cours desquelles on a documenté soigneusement des effets gastrointestinaux, hépatiques ou immunitaires. Compte tenu de la revue des données scientifiques disponibles effectuée par Santé Canada, et comme indiqué par les conclusions de la réunion du groupe d'experts sur le fluorure, les données probantes actuelles n'appuient pas l'existence d'un lien entre l'exposition au fluorure dans l'eau potable à raison de 1,5 mg/L et tout effet néfaste sur la santé, y compris en matière de cancer, d'immunotoxicité, de toxicité pour la reproduction et le développement, de génotoxicité et de neurotoxicité (Santé Canada, 2008).

9.2 Effets sur les animaux expérimentaux et in vitro

9.2.1 Toxicité aiguë

La DL50 du fluorure administré par voie orale à des rats et des souris varie de 25,5 à 45,7 mg/kg p.c. dans le cas du fluorure stanneux (SnF2) (Segreto et coll., 1960; Lim et coll., 1975, 1978), de 31 à 101 mg/kg p.c. dans le cas du fluorure de sodium (DeLopez et coll., 1976; Lim et coll., 1978; Skare et coll., 1986a; Whitford et coll., 1987; Gruninger et coll., 1988) et de 54 à 102 mg/kg p.c. dans le cas du monofluorophosphate disodique (Shourie et coll., 1950; DeLopez et coll., 1976; Lim et coll., 1978; Whitford et coll., 1987).

9.2.2 Effets musculosquelettiques

Au cours d'un biodosage détaillé du National Toxicology Program (NTP) visant à déterminer la toxicité chronique et la cancérogénicité, on a exposé des groupes de rats F344/N et de souris B6C3F1 mâles et femelles (70 à 100 par sexe par dose) à de l'eau potable contenant 0, 25, 100 ou 175 mg de fluorure de sodium/L pendant deux ans (apport estimatif de fluorure de 0,2, 0,8, 2,5 et 4,1 mg/kg p.c./jour pour les rats mâles, de 0,2, 0,8, 2,7 et 4,7 mg/kg p.c./jour pour les rats femelles, de 0,6, 1,7, 4,9 et 8,1 mg/kg p.c./jour pour les souris mâles, et de 0,6, 1,9, 5,7 et 9,1 mg/kg p.c./jour pour les souris femelles). La teneur en fluorure de la cendre d'os a augmenté chez les deux espèces durant toute l'étude et les concentrations finales ont varié de 0,44 µg/mg (témoin) à 5,26 µg/mg (groupe qui a reçu la dose élevée) chez les rats mâles, de 0,55 à 5,55 µg/mg chez les rats femelles, de 0,72 à 5,69 µg/mg chez les souris mâles et de 0,92 à 6,24 µg/mg chez les souris femelles. Les rats femelles qui ont reçu la dose élevée présentaient une incidence beaucoup plus importante d'ostéosclérose et une augmentation légère mais significative du ratio entre le poids du cerveau et celui du corps, comparativement aux sujets témoins. L'activité de la phosphatase alcaline sérique avait augmenté chez les souris mâles qui avaient reçu la dose élevée après 66 semaines et chez les souris femelles qui avaient reçu la dose élevée après 27 et 66 semaines (NTP, 1990). On a estimé que les doses sans effet nocif observé (NOAEL) s'établissaient à 2,7 et 4,1 mg/kg p.c./jour dans le cas des rats femelles et mâles respectivement et à 5,7 et 4,9 mg/kg p.c./jour dans celui des souris femelles et mâles respectivement (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b).

Dans le cadre d'un autre biodosage de la toxicité chronique et de la cancérogénicité, on a administré du fluorure de sodium par voie alimentaire à des groupes de rats albinos Sprague-Dawley (70 par sexe par dose) et de souris CD-1 (60 par sexe par dose) mâles et femelles pendant 95 semaines (rats et souris mâles), 99 semaines (rats femelles) ou 97 semaines (souris femelles). L'apport estimatif de fluorure chez les rats et les souris était de 0,1 (témoin avec alimentation faible en fluorure), 1,8, 4,5 et 11,3 mg/kg p.c./jour. À la fin de l'étude, la teneur en fluorure dans la cendre d'os a varié de 0,5 µg/mg (témoins) à 16,7 µg/mg (groupe de sujets qui ont reçu une forte dose) chez les rats mâles, de 0,5 à 14,4 µg/mg chez les rats femelles, de 1,5 à 13,2 µg/mg chez les souris mâles et de 1,0 à 10,6 µg/mg chez les souris femelles. Une augmentation de l'hyperostose sous-périostée chez les rats qui ont reçu les doses moyennes et élevées a constitué l'effet non néoplasique le plus notable observé au cours de l'étude. On a constaté d'autres effets comme une réduction de la prise de poids chez les rats qui ont reçu la dose élevée ainsi qu'une hyperkératose et une acanthose de l'estomac chez les rats qui ont reçu la dose moyenne et élevée (Maurer et coll., 1990, 1993). Dans le cas des rats, la NOAEL a été estimée à 1,8 mg/kg p.c./jour (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b).

On a étudié l'influence de l'apport en fluorure sur la résistance des os chez quatre groupes de rats Sprague-Dawley qui ont reçu une alimentation à faible teneur en fluorure ad libitum et dont l'eau potable contenait 0, 5, 15 ou 50 mg/L de fluorure. On a mesuré la résistance mécanique du fémur droit par courbure à trois points après 3, 6, 12 ou 18 mois de traitement. La charge extrême du fémur n'a pas diminué considérablement chez les rats traités pendant trois et six mois, mais elle a diminué de 23 % chez ceux qui ont été traités pendant 12 ou 18 mois à des doses de 50 mg/L. La diminution de la résistance découlant de l'apport en fluorure est importante chez les rats âgés seulement et l'on n'a pas établi de lien avec une diminution de la densité osseuse ou des défauts de la minéralisation. L'apport de fortes concentrations de fluorure a entraîné de légères augmentations du volume de l'os trabéculaire et de l'épaisseur trabéculaire, mais on n'a pu démontrer ces effets de façon uniforme (Turner et coll., 1995). Au cours d'une autre étude chronique provenant du même groupe (Turner et coll., 1996), on a évalué la fragilité et la minéralisation du squelette chez des sujets témoins et des rats atteints de déficience rénale et exposés de façon chronique pendant six mois à des concentrations de 0, 5, 15 ou 50 mg/L de fluorure dans l'eau. Les concentrations de fluorure plasmatique équivalaient à celles que l'on trouvait chez des êtres humains consommant 0, 1, 3 et 10 mg/L de fluorure dans l'eau respectivement et ont augmenté considérablement chez tous les animaux atteints de déficience rénale qui consommaient de l'eau fluorurée. Il convient de signaler que les rats atteints de déficience rénale buvaient davantage (environ 60 % de plus) et excrétaient plus d'eau (environ 85 % de plus). Il y avait une forte association positive non linéaire entre les concentrations de fluorure dans le plasma et dans les os, ce qui indique l'existence de caractéristiques non linéaires de fixation du fluorure à l'os. On a établi une association entre la quantité d'ostéoïde non minéralisé dans l'os vertébral et les concentrations de fluorure plasmatique. Le volume d'ostéoïde vertébral a augmenté de plus de 20 fois uniquement chez les animaux atteints de déficience rénale qui avaient reçu des concentrations de 15 ou 50 mg/L de fluorure, ce qui indique l'existence d'une ostéomalacie. Une concentration de fluorure de 50 mg/L a réduit la résistance du fémur de 11 % chez les rats témoins et de 31 % chez les rats atteints de déficience rénale. La résistance vertébrale a aussi diminué considérablement chez les rats atteints de déficience rénale à qui l'on a administré 50 mg/L de fluorure (Turner et coll., 1996).

Deux études chroniques visaient à déterminer si des changements du métabolisme du fluorure chez les rats souffrant de déficit nutritionnel produisaient des signes de toxicité extrasquelettique. Pendant que la première étude contrôlait l'incidence d'une carence en calcium sur les effets de l'exposition chronique au fluorure, la deuxième portait sur les effets du fluorure chez les rats qui avaient un déficit au niveau des protéines, de l'énergie et de l'apport total en nutriments. Les rats témoins et les sujets d'expérience ont reçu de l'eau potable contenant 0, 5, 15 ou 50 mg/L de fluorure pendant 16 ou 48 semaines. Les rats témoins ont reçu une alimentation optimale et les sujets de l'expérience une alimentation déficiente en calcium (étude 1) ou en protéines (étude 2). On a administré à un groupe supplémentaire de rats de laboratoire (étude 2) une alimentation restreinte (déficiente au niveau de l'énergie et de l'apport total en nutriments). On a constaté chez les sujets des groupes traités au fluorure des différences en termes d'excrétion et de rétention du fluorure, qui ont produit des concentrations de fluorure beaucoup plus élevées dans les tissus des rats de laboratoire. Le traitement au fluorure n'a toutefois pas entraîné d'effets extrasquelettiques, biochimiques, physiologiques ou génétiques nuisibles chez les rats qui ont reçu une alimentation déficiente (Dunipace et coll., 1998a).

9.2.3 Cancérogénicité

En 1990, le NTP a terminé une étude approfondie sur la cancérogénicité du fluorure de sodium administré dans l'eau potable (0, 25, 100 ou 175 mg/L) à des rats F344/N et des souris B6C3F1 mâles et femelles. On n'a pas observé d'ostéosarcome chez les rats F344/N femelles. Chez les rats mâles, l'incidence s'est établie à 0/80, 0/51, 1/50 et 3/80 dans les quatre groupes de dose respectivement. Chez les rats mâles auxquels on a administré la dose élevée, l'incidence n'a pas été très différente de celle qu'on a constatée chez les sujets du groupe témoin (p = 0,099), même si l'on a observé une tendance dose-réponse significative (p = 0,027). Un seul mâle ayant reçu la dose élevée a eu un ostéosarcome sous-cutané mais aucune tumeur osseuse primitive. Même si cette tumeur a accru l'importance du test des tendances (p = 0,010), la comparaison par paires avec les témoins est demeurée non significative (p = 0,057). En dépit du fait que l'incidence chez les rats mâles ayant reçu la dose élevée était significativement plus élevée que le taux moyen chez les rats témoins mâles dans la base de données historiques du NTP, les chercheurs ont conclu qu'il était plus approprié d'utiliser des témoins de la même étude pour la comparaison, parce qu'on a procédé à des examens mascroscopiques histopathologiques plus approfondis des os et d'autres tissus pendant l'étude en cours et parce que la teneur en fluorure de l'alimentation normale utilisée au cours des études antérieures (28-47 mg/kg) équivalait à l'apport total en fluorure chez les groupes qui ont reçu la dose faible et moyenne au cours de la présente étude. Les chercheurs du NTP ont jugé qu'aucune autre tumeur observée (néoplasmes spinocellulaires de la muqueuse buccale, néoplasmes des cellules folliculaires de la thyroïde, hépatoblastome, lymphome malin) chez les souris ou chez les rats était significative. Compte tenu des résultats de l'étude, le NTP a conclu qu'il existait des « signes équivoques d'une activité cancérogène » (définis comme une augmentation marginale du nombre des néoplasmes qui pouvait être reliée à l'administration de produits chimiques) du fluorure de sodium chez les rats F344/N mâles, mais qu'il n'y avait aucun signe d'activité cancérogène chez les rats F344/N femelles ou chez les souris B6C3F1 mâles ou femelles (NTP, 1990).

Au cours d'un autre biodosage de la cancérogénicité, des rats Sprague-Dawley et des souris CD-1 ont reçu du fluorure de sodium à des doses de 0, 4, 10 ou 25 mg/kg p.c./jour dans l'alimentation pendant 95 à 99 semaines (Maurer et coll., 1990, 1993). Les incidences des tumeurs osseuses (chordome, chondrome, sarcome fibroblastique et ostéosarcome) chez les rats (0/70, 0/58, 2/70 et 1/70 chez les mâles et 0/70, 2/52, 0/70 et 0/70 chez les femelles) n'étaient pas statistiquement différentes comparativement aux témoins. On a constaté que l'apparition d'ostéomes suivait une tendance dose-réponse statistiquement significative chez les souris mâles et femelles (2/50, 0/42, 5/44 et 26/50 chez les mâles et 4/50, 10/42, 5/44 et 26/50 chez les femelles) et l'on a observé des augmentations statistiquement significatives chez les mâles et les femelles qui ont reçu la dose élevée comparativement aux sujets témoins. Après avoir revu les données sur l'ostéome, le United States Armed Forces Institute of Pathology a précisé qu'aucune de ces tumeurs n'avait évolué au-delà du stade bénin et ne présentait de morphologie précancéreuse, que beaucoup étaient multicentriques (la plupart des cancers primitifs des os sont unicentriques), et que ce type de tumeur est inconnu chez les êtres humains (NRC, 1993). La United States Food and Drug Administration a examiné les résultats de l'étude, noté un certain nombre de problèmes qui ont eu des conséquences sur l'interprétation des résultats (p. ex., concentrations élevées de minéraux, d'ions et de vitamines dans l'alimentation et l'eau; détermination inappropriée de la dose au cours des études préliminaires; faible taux de survie chez les animaux de laboratoire; infection des souris par un rétrovirus) et a conclu que « dans les conditions de ces études, on n'a pas observé de tumeurs malignes reliées à l'exposition au fluorure dans l'alimentation chez les rongeurs » (Ad Hoc Subcommittee on Fluoride, 1991).

Afin d'étudier l'effet à long terme que l'exposition au fluorure de sodium pourrait avoir sur l'apparition de tumeurs osseuses par l'irradiation à faisceau externe, le NTP a terminé récemment une étude complémentaire de deux ans. On a irradié au moyen d'une source de 137Cs l'articulation fémorotibiale de la patte arrière gauche de 100 rats F344 mâles. Les animaux ont été répartis en deux groupes de 50 dont le premier a reçu de l'eau potable contenant 250 mg/L de fluorure de sodium pendant deux ans, tandis que l'autre groupe a reçu de l'eau désionisée ordinaire. Deux autres groupes de 50 rats F344 mâles (non exposés à l'irradiation) ont reçu de l'eau potable contenant 250 mg/L de fluorure de sodium (113 mg/L de fluorure), ou de l'eau désionisée ordinaire, pendant deux ans. L'analyse de la concentration de fluorure dans les os effectuée à la fin de l'étude a révélé une accumulation importante de fluorure dans les os des rats exposés au fluorure de sodium. On n'a pas établi de lien entre l'exposition à l'irradiation, au fluorure de sodium, ou aux deux et une augmentation du nombre de tumeurs osseuses ou d'autres lésions néoplasiques (NTP, 2006).

9.2.4 Toxicité pour la reproduction et le développement

De nombreuses études de bonne qualité sur la reproduction et le développement des animaux ont été publiées depuis 20 ans. Au cours de ces études en laboratoire, on a vérifié les effets de tout un éventail de concentrations de fluorure dans l'eau potable et les résultats indiquent que les effets néfastes sur les fonctions de la reproduction ou du développement apparaissent seulement à des concentrations très élevées (à des niveaux d'exposition beaucoup plus élevés que ceux auxquels on s'attend à voir apparaître une fluorose dentaire ou squelettique).

Plusieurs chercheurs ont étudié les effets de doses relativement élevées de fluorure de sodium administrées dans l'eau potable ou dans l'alimentation sur la reproduction d'animaux de laboratoire. Dans une étude au cours de laquelle des souris femelles Swiss-Webster sevrées ont reçu une alimentation à faible teneur en fluorure (0,1 à 0,3 mg/kg) et de l'eau potable contenant des concentrations de fluorure pouvant atteindre 200 mg/L (environ 40 mg/kg p.c./jour provenant de l'eau potable) pendant cinq semaines avant et pendant la période de reproduction, on a observé que la croissance de la mère, la survie et la production de portées ont diminué ou ont été inhibées (Messer et coll., 1973). Une étude portant sur de multiples générations de souris n'a révélé aucune différence significative au niveau de la reproduction chez des femelles qui ont reçu une alimentation contenant <0,5, 2 ou 100 mg/kg de fluorure (Tao et Suttie, 1976). On n'a signalé aucune gestation ni implantation d'embryon chez des groupes de souris albinos Swiss auxquelles on avait administré par voie orale 5,2 ou 17,3 mg/kg p.c./jour de fluorure les jours 6 à 15 après l'accouplement (Pillai et coll., 1989).

Al-Hiyasat et coll. (2000) ont étudié les effets sur le système de reproduction de rats Sprague-Dawley femelles adultes (10 par groupe) qui ont reçu 200 mg/L (22,58 mg/kg p.c./jour), 400 mg/L (18,35 mg/kg p.c./jour) et 600 mg/L (28,03 mg/kg p.c./jour) de fluorure de sodium administré dans l'eau potable pendant 30 jours. Plusieurs rats qui ont reçu la dose la plus élevée n'ont pas survécu (10/10 à 28,03 mg/kg p.c./jour et 7/10 à 18,35 mg/kg p.c./jour). L'ingestion de fluorure de sodium à une dose de 200 mg/L a réduit considérablement le nombre de fœtus viables. De plus, le nombre de rats femelles gravides qui ont présenté des résorptions et le nombre total de résorptions ont augmenté chez les groupes de sujets traités au fluorure de sodium. On a aussi constaté une augmentation importante du poids des organes de la mère. Chez les rats qui avaient ingéré du fluorure de sodium, on a observé des augmentations à la fois du poids absolu et du poids relatif des ovaires, ainsi que du poids relatif de l'utérus et des reins. On a noté des signes cliniques de toxicité chez les sujets de tous les groupes traités. Au cours d'une autre étude, lorsqu'on les a exposées à l'âge de 60 jours à 100, 200 et 300 mg/L de fluorure de sodium dans l'eau potable pendant dix semaines, des souris Swiss mâles parvenues à la maturité sexuelle ont montré une fertilité significativement réduite après l'accouplement avec des souris femelles non traitées. Par contre, une exposition d'une durée de quatre semaines n'a pas réduit la fertilité. Le nombre de sites d'implantation et celui des fœtus viables ont diminué significativement chez les femelles accouplées avec des mâles exposés à une concentration de 200 mg/L pendant dix semaines. Le poids relatif des vésicules séminales et celui des glandes préputiales ont considérablement augmenté chez les souris exposées à 200 et 300 mg de fluorure de sodium pendant quatre semaines, mais non chez les souris exposées pendant dix semaines (Elbetieha et coll., 2000).

Darmani et coll. (2001) ont montré que l'exposition au fluorure de sodium dans l'eau potable pendant 12 semaines réduisait considérablement le pourcentage de gestations à toutes les concentrations utilisées. Chez les rats femelles exposés à 200 et 300 mg/L de fluorure de sodium, on a constaté une augmentation importante du poids relatif des ovaires et une diminution du nombre de fœtus viables. L'exposition à 300 mg/L de fluorure de sodium pendant 12 semaines a entraîné une diminution considérable du nombre d'implantations. L'exposition au fluorure de sodium pendant quatre semaines n'a pas eu beaucoup d'effet sur la fertilité, même si l'on a constaté une augmentation importante du poids relatif des ovaires et une diminution de celui des embryons chez les souris exposées à 300 mg/L de fluorure de sodium.

On a signalé aussi que l'administration par voie orale (dans l'alimentation ou l'eau potable) d'environ 4,5 à 200 mg/kg p.c./jour de fluorure avait de nombreux effets néfastes sur les organes reproducteurs chez les mâles, y compris l'arrêt de la spermatogenèse, une diminution des stéréosilica, une augmentation du diamètre de la tête et de la queue de l'épididyme, ainsi qu'une diminution du nombre de spermatozoïdes dans le canal déférent et de la densité épithéliale de l'épididyme des lapins (Susheela et Kumar, 1991; Kumar et Susheela, 1995), une augmentation du poids des vésicules séminales et de la prostate et des diminutions de la taille des cellules épithéliales germinatives du testicule, ainsi que des cellules épithéliales de la tête et de la queue de l'épididyme chez les souris ou les lapins (Chinoy et Sequeira, 1989a, 1989b; Kumar et Susheela, 1995); une absence de maturation des spermatocytes et une dégénérescence et nécrose des tubules du testicule chez les souris (Kour et Singh, 1980). Le poids de la tête et de la queue de l'épididyme a fortement diminué chez les lapins et l'on a constaté la présence de spermatozoïdes fragmentés, de même qu'une réduction du nombre de granules sécréteurs dans ces organes (Kumar et Susheela, 1995). On a aussi observé chez des cobayes des diminutions marquées de la motilité, du ratio vivant:mort et de l'indice d'activité des mitochondries des spermatozoïdes (Chinoy et coll., 1997).

Des lapins mâles qui ont reçu dans leur alimentation du fluorure de sodium à des doses de 20 ou 40 mg/kg p.c./jour pendant 30 jours ont maigri et présenté une diminution considérable de la motilité des spermatozoïdes, du nombre de spermatozoïdes et des taux de fertilité (Chinoy et coll., 1991). De même, des souris Swiss mâles qui ont reçu dans leur alimentation des doses de fluorure de sodium de 10 ou 20 mg/kg p.c./jour pendant 30 jours ont montré des anomalies de spermatozoïdes, une diminution considérable de la motilité et du nombre des spermatozoïdes et une perte de fertilité (Chinoy et Sequeira, 1992; Chinoy et Sharma, 1998).

Sprando et coll. (1997) n'ont observé aucun effet causé par du fluorure de sodium administré à des mâles et femelles de génération P dans l'eau potable (25, 100, 175 ou 250 mg/L) pendant dix semaines sur la spermatogenèse et la fonction endocrine des rats Sprague-Dawley mâles des générations P et F1. On a prélevé des tissus reproducteurs chez des rats mâles de la génération P après environ 14 semaines de traitement. Les femelles gravides (P) ont été exposées au fluorure de sodium dans l'eau potable pendant toute la période de gestation et de lactation. Les rats mâles sevrés de la génération F1 sont demeurés dans le même groupe de traitement que leurs parents. Les rats mâles de la génération F1 ont été exposés au fluorure de sodium dans l'eau potable pendant 14 semaines, période après laquelle on a prélevé des tissus reproducteurs. On n'a pas observé d'effets reliés à la dose chez les groupes de traitement P et F1 aux niveaux suivants : poids des testicules, poids de la prostate et des vésicules séminales, poids des organes non reproducteurs, nombre de spermatozoïdes dans les testicules, production de spermatozoïdes par gramme de testicule par jour, production de spermatozoïdes par gramme de testicule, hormone lutéinisante, hormone folliculo-stimulante et concentrations de testostérone sérique. On n'a pas observé de changements histologiques dans les tissus des testicules des sujets de la génération P ou F1 (Sprando et coll., 1997). Au cours d'une autre étude réalisée par le même groupe (Sprando et coll., 1998), les chercheurs ont étudié l'effet possible du fluorure de sodium sur les testicules de rats mâles de la génération F1 exposés in utero et pendant la période de lactation au fluorure de sodium dans l'eau potable (25, 100, 175 ou 250 mg/L). On n'a observé aucune différence entre les rats témoins et ceux qui ont reçu du fluorure de sodium en ce qui concerne le volume absolu des tubules séminifères, l'espace interstitiel, les cellules de Leydig, la couche limite des vaisseaux sanguins, l'espace lymphatique, les macrophages, la lumière tubulaire ou la longueur et la superficie absolue des tubules, le nombre moyen de nucléoles dans les cellules de Sertoli en fonction de la coupe des tubules, le diamètre moyen des tubules séminifères et la hauteur moyenne de l'épithélium séminifère. On a observé une diminution statistiquement significative du volume absolu et du volume procentuel de l'endothélium lymphatique chez les sujets des groupes qui ont reçu 175 et 250 mg/L de fluorure de sodium, ainsi que de la capsule testiculaire chez les sujets qui ont reçu 100 mg/L (Sprando et coll., 1998).

On a associé le traitement au fluorure au stress oxydatif comme l'indique une élévation de la concentration de diènes conjugués dans le testicule, l'épididyme et le culot de spermatozoïdes d'épididyme chez des rats Wistar exposés à une dose de 20 mg/kg p.c./jour de fluorure de sodium administrée par voie orale pendant 29 jours (n = 6), par rapport à des sujets témoins (n = 6). Le traitement au fluorure de sodium a aussi réduit considérablement le poids humide relatif du testicule, de la prostate et de la vésicule séminale. L'activité de la delta(5),3β-hydroxystéroïde déshydrogénase et de la 17β-hydroxystéroïde déshydrogénase des testicules, le nombre de spermatozoïdes de l'épididyme et les concentrations de testostérone dans le plasma ont diminué considérablement chez les sujets exposés au fluorure (Ghosh et coll., 2002).

Au cours d'une étude pendant laquelle des visons pastel mâles et femelles ont été exposés pendant sept mois à une alimentation contenant 35 mg/kg de fluorure et des niveaux supplémentaires de fluorure variant de 33 à 350 mg/kg, la survie a diminué chez les petits des mères auxquelles on a administré le niveau le plus élevé de supplément de fluorure, et le poids corporel a augmenté chez les petits des mères qui ont reçu 60 et 108 mg/kg de fluorure. Le supplément de fluorure n'a pas modifié la taille des portées et les périodes de gestation (Aulerich et coll., 1987).

Collins et coll. (1995) ont réalisé une étude visant à déterminer les effets du fluorure de sodium sur le développement du fœtus. On a administré à des rats femelles qui ont produit un frottis vaginal positif 0, 10, 25, 100, 175 ou 250 mg/L de fluorure de sodium dans l'eau potable tous les jours durant toute la période de gestation. La consommation de liquide était beaucoup moins élevée chez les femelles qui ont reçu des doses élevées (175 et 250 mg/L). On n'a constaté chez la mère aucun changement de comportement ni aucun signe clinique relié à la dose. Les doses quotidiennes de fluorure de sodium ingérées étaient de 0, 1,4, 3,9, 15,6, 24,7 et 25,1 mg/kg p.c. La consommation d'aliments a diminué considérablement à la dose de 250 mg/L et le poids corporel des femelles en gestation a reflété les tendances de la consommation de nourriture. L'exposition au fluorure de sodium n'a pas modifié le nombre moyen de fœtus viables par femelle. On a observé une diminution importante du nombre moyen d'implants par portée chez les femelles qui ont reçu la dose de 250 mg/L. Il n'y a eu aucun effet sur l'occurrence de morts in utero ni sur la croissance du fœtus. On n'a constaté aucune augmentation reliée à la dose du nombre d'anomalies externes chez les fœtus attribuables à l'ingestion de fluorure de sodium. Aux doses administrées, le fluorure de sodium n'avait aucun effet sur le développement d'os en particulier, y compris des sternèbres. On a constaté une augmentation importante du nombre moyen des fœtus qui présentaient trois variations squelettiques ou plus chez les sujets qui ont absorbé 250 mg/L (25,1 mg/kg p.c./jour).

Heindel et coll. (1996) ont administré du fluorure de sodium ad libitum dans de l'eau potable désionisée et filtrée à des rats dérivés de rats Sprague-Dawley (26 par groupe) les jours de gestation (JG) 6 à 15, à des concentrations de 0, 50, 150 et 300 mg/L, et à des lapins blancs de la Nouvelle-Zélande (26 par groupe) les JG 6 à 19, à des concentrations de 0, 100, 200 ou 400 mg/L. Les animaux ont été sacrifiés le JG 20 (rats) ou 30 (lapins) et l'on a examiné l'état des implants, le poids du fœtus, le sexe et le développement morphologique. On a observé une diminution initiale du gain de poids corporel chez la mère, mais le gain de poids s'est rétabli avec le temps chez les deux espèces qui ont reçu la dose la plus élevée. On n'a observé aucun signe clinique clair de toxicité. L'exposition au fluorure de sodium au cours de l'organogenèse n'a pas eu d'effet significatif sur la fréquence de la perte postimplantation, le poids moyen du fœtus par portée, ou les malformations externes, viscérales ou squelettiques chez le rat ou le lapin. La NOAEL pour la toxicité maternelle a été établie à 150 mg/L de fluorure de sodium dans l'eau potable (environ 18 mg/kg p.c./jour) chez les rats et à 200 mg/L (environ 18 mg/kg p.c./jour) chez les lapins. Dans le cas de la toxicité pour le développement, elle a été établie à ≥300 mg/L (environ 27 mg/kg p.c./jour) chez les rats et à ≥400 mg/L (environ 29 mg/kg p.c./jour) chez les lapins traités par l'eau potable au cours de l'organogenèse (Heindel et coll., 1996).

Minta et coll. (1998) n'ont pas observé d'effets tératogènes chez trois groupes de rats femelles (n = 25) qui ont reçu 0, 20 ou 40 mg/L de fluorure de sodium en solution dans l'eau potable de trois à cinq semaines avant la grossesse et trois semaines après l'insémination. La dose la plus élevée a produit des anomalies du fœtus (retard du développement) dans quelques cas.

Au cours d'une étude multigénérationnelle, les chercheurs ont étudié la toxicité du fluorure de sodium (0, 25, 100, 175 ou 250 mg/L dans l'eau potable) sur le développement chez des rats dépourvus d'anticorps viraux nés par césarienne et exposés continuellement pendant trois générations. Le nombre de corps jaunes, d'implants et de fœtus viables, ainsi que le développement morphologique du fœtus, étaient semblables chez tous les groupes et l'on n'a observé chez les fœtus F2 aucune anomalie des organes internes reliée à la dose. L'ossification de l'os hyoïde des fœtus F2 diminuait considérablement à 250 mg/L. On a considéré que la NOAEL s'établissait à 175 mg/L compte tenu de la toxicité pour le développement. L'accouplement, la fertilité et les indices de survie n'ont pas été affectés. Les auteurs ont conclu que jusqu'à 250 mg/L, le sodium n'avait pas d'effet sur la reproduction chez les rats (Collins et coll., 2001a, 2001b).

Afin de déterminer si le fluorure de sodium peut avoir un effet sur les cations du sérum chez des rats des générations P et F1, Verma et Sherlin (2002) ont administré 40 mg de fluorure de sodium/kg p.c. (18 mg de fluorure/kg p.c.) à des rats femelles gravides qui produisent un frottis vaginal positif, à partir du JG 6 et jusqu'à 21 jours de lactation, ou seulement jusqu'à la fin de la période de gestation avec arrêt du traitement au cours de la période de lactation (10 par groupe). La concentration de sodium et de potassium dans le sérum des rats des générations P et F1 a augmenté considérablement chez les sujets traités au fluorure de sodium, mais les concentrations de calcium et de phosphore ont fortement diminué. L'exposition à 40 mg de fluorure de sodium par kg p.c. chez des rats femelles gravides a entraîné d'importantes modifications des concentrations de cations; celles-ci se sont grandement rétablies lorsqu'on a mis fin au traitement, sauf dans le cas du calcium.

Shivashankara et coll. (2002) ont étudié l'importance de la peroxydation des lipides et la réponse des systèmes antioxydants du foie chez des rats exposés au fluorure dans l'eau potable. On a exposé des rates gravides à 0,5, 30 et 100 mg de fluorure de sodium/L dans l'eau potable à compter de la fin de la deuxième semaine de gestation jusqu'au sevrage. Les portées respectives des divers groupes ont reçu le même traitement pendant dix semaines après le sevrage. L'évaluation du stress oxydatif dans le foie a montré que des doses de 30 et 100 mg/L augmentaient les concentrations de malondialdéhyde dans les homogénats de foie. Le glutathion hépatique (GSH) a diminué, mais l'exposition au fluorure a provoqué l'activité de la GSH-S transférase et de la GSH peroxydase et les concentrations d'acide ascorbique ont diminué (Shivashankara et coll., 2002). On a aussi constaté une augmentation du stress oxydatif chez les rats au cours d'une autre étude réalisée plus tard par le même groupe de chercheurs. Shivarajashankara et coll. (2003) ont administré 0,5, 30 ou 100 mg de fluorure de sodium/L dans l'eau potable à des rats au cours des stades foetal, du sevrage et post-sevrage jusqu'à la puberté. Les rats qui ont reçu 100 mg de fluorure de sodium/L présentaient une peroxydation plus importante des lipides, comme le démontre une élévation des concentrations de malondialdéhyde dans les globules rouges. On a aussi constaté, à la dose de 100 mg/L, une diminution des concentrations de GSH totale et réduite dans les globules rouges et de l'acide ascorbique dans le plasma. À 30 mg de fluorure de sodium/L, la concentration de malondialdéhyde dans les globules rouges n'a pas changé de façon appréciable, mais les concentrations accrues de GSH totale et réduite dans les globules rouges et d'acide ascorbique dans le plasma ont augmenté. L'activité de la GSH peroxydase des globules rouges a augmenté chez les deux groupes de sujets traités au fluorure. Le ratio des concentrations de GSH réduite et totale dans les globules rouges et les concentrations d'acide urique dans le plasma ont diminué chez les sujets des deux groupes exposés au fluorure de sodium. L'activité de la superoxyde dismutase des globules rouges a diminué considérablement chez les sujets qui ont reçu de fortes doses de fluorure (Shivarajashankara et coll., 2003).

On a observé divers effets sur la fonction thyroïdienne de souris Wistar allaitées à la suite de l'ingestion par leur mère de concentrations très élevées de fluorure de sodium (600 mg/L) dans l'eau potable à compter du 15e jour de la période de gestation jusqu'au 14e jour suivant la mise bas. Les petits présentaient une diminution de 15 % du poids corporel et une réduction de la thyroxine T4) (15 %) et de la triiodothyronine (T3) (6 %) libres dans le plasma. On a aussi observé des augmentations de 10 % et de 3 % de la teneur en fluorure des os et de l'urine respectivement, mais non du plasma. Les concentrations de calcium et de phosphate dans les os ont diminué de 30 % et 27 % respectivement. Dans le plasma, la concentration de calcium a augmenté de 34 % et celle du phosphore a diminué de 26 %, tandis que dans l'urine, les concentrations de calcium ont diminué de 25 % et celles du phosphate ont augmenté de 28 %. Les résultats indiquent que le fluorure a accéléré la résorption osseuse (Bouaziz et coll., 2004).

On n'a pas constaté de changement important au niveau du poids relatif des reins chez les souris Wistar femelles et leurs petits qui ont reçu 500 mg de fluorure de sodium/L (226 mg/L de fluorure) dans l'eau potable à compter du 15e jour de la période de gestation jusqu'au 14e jour suivant la mise bas. La sécrétion de fluorure dans l'urine était trois fois plus élevée chez les mères qui ont reçu du fluorure de sodium, tandis que le taux d'excrétion du fluorure a augmenté de 3 % seulement chez leurs petits. L'administration de fluorure a eu un effet important sur les paramètres urinaires et plasmatiques chez des souris âgées de 14 jours et leur mère. Le volume de l'urine quotidienne chez les sujets traités était plus élevé chez les souris adultes et leurs petits que chez les témoins. Les concentrations de créatinine étaient beaucoup plus élevées dans le plasma et plus faibles dans l'urine chez les sujets traités. La peroxydation des lipides a augmenté chez les souris traitées, tandis que la concentration d'acide urique dans le plasma et l'urine a diminué considérablement. On a aussi constaté une augmentation importante des concentrations de zinc et de cuivre dans l'urine à la fois chez les mères et leurs petits, tandis que les concentrations plasmatiques ont diminué (Bouaziz et coll., 2005).

Des rats Wistar femelles et mâles ont été exposés à 1, 10, 50 ou 100 mg de fluorure de sodium/L dans l'eau potable jusqu'à la deuxième génération de rats. On a réparti 28 rats mâles (F2) en quatre groupes à qui l'on a administré le même traitement pendant six mois. Tous les rats F2 ont été sacrifiés et on a fait leur autopsie à la fin des six mois. On a constaté des changements histopathologiques importants dans le tissu du myocarde des rats qui avaient reçu 50 ou 100 mg de fluorure de sodium/L. On a aussi observé une activité accrue de la superoxyde dismutase, de la GSH peroxydase et de la catalase, ainsi qu'une augmentation des concentrations de substances réagissant à l'acide thiobarbiturique dans le tissu du myocarde des rats qui ont reçu 10 et 50 mg de fluorure de sodium/L. Chez les rats qui ont reçu 100 mg de fluorure de sodium/L, l'activité de la superoxyde dismutase, de la GSH peroxydase et de la catalase a diminué tandis que les concentrations de substances réagissant à l'acide thiobarbiturique augmentaient dans les tissus du myocarde (Cicek et coll., 2005).

9.2.5 Mutagénicité/génotoxicité

Le fluorure (sous forme de fluorure de sodium) a généralement produit des résultats négatifs dans des dosages de mutations de gènes pour lesquels on a utilisé Escherichia coli WP2hcr (Moriya et coll., 1983), des cellules V79 de hamsters chinois et diverses souches de Salmonella typhimurium (Martin et coll., 1979; Gocke et coll., 1981; Moriya et coll., 1983; Li et coll., 1987d; Tong et coll., 1988; NTP, 1990; Slamenova et coll., 1996). Le fluorure de sodium n'a pas contribué à endommager l'ADN du sang périphérique, de la muqueuse orale et des cellules du cerveau de rats Wistar mâles (Ribeiro et coll., 2004). En outre, le fluorure de sodium ne s'est pas révélé mutagène et n'a pas provoqué de conversion génique ou d'aneuploïdie dans Saccharomyces cerevisiae D4 (Litton Bionetics, Inc., 1975; Martin et coll., 1979). Le fluorure de sodium a provoqué une transformation morphologique de cellules d'embryons de hamsters syriens in vitro, mais seulement à des concentrations cytotoxiques (Tsutsui et coll., 1984a; Jones et coll., 1988a, 1988b; Lasne et coll., 1988). Le fluorure de sodium et le fluorure de potassium (KF) ont augmenté la fréquence des mutations des locus du gène dans des lignées cellulaires cultivées de mammifères (Cole et coll., 1986; Caspary et coll., 1987, 1988) et d'humains (Caspary et coll., 1988; Crespi et coll., 1990). On croit que les augmentations préférentielles de « petites colonies mutantes » (Cole et coll., 1986; Caspary et coll., 1987) et les résultats négatifs obtenus dans le cas du lieu du g-strophantine (Cole et coll., 1986) au cours de ces études indiquent l'existence d'un mécanisme fondé sur les dommages chromosomiques plutôt que sur des mutations ponctuelles (Moore et coll., 1985; ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b). Les résultats négatifs observés dans le cas du chlorure de sodium (NaCl) et du chlorure de potassium (KCl) chez les témoins (Cole et coll., 1986; Caspary et coll., 1987) indiquent que les effets génotoxiques sont attribuables à un effet spécifique de l'ion fluorure plutôt qu'aux cations (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b). La spécificité de l'ion fluorure dans l'induction d'aberrations chromosomiques dans des cellules de moelle osseuse de rats cultivées a aussi été indiquée par l'observation selon laquelle le fluorure de sodium et le fluorure de potassium se comportent de façon presque identique et à des variations beaucoup plus élevées par rapport aux résultats obtenus avec du chlorure de potassium et du chlorure de sodium (Khalil, 1995). Même si le fluorure de sodium a augmenté la synthèse d'ADN non programmée dans des cellules d'embryons de hamsters syriens, les fibroblastes de prépuces humains, les kératinocytes humains (Tsutsui et coll., 1984a, 1984b, 1984c) et les hépatocytes de rat (Skare et coll., 1986b), ces résultats n'ont pas été confirmés en utilisant des méthodes plus rigoureuses de quantification de la synthèse de réparation de l'ADN (Skare et coll., 1986b; Tong et coll., 1986, 1988; ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b).

Même si le fluorure de sodium a montré en général une activité clastogène (causant principalement des ruptures, des délétions et des brèches, avec quelques échanges) au cours de dosages d'aberrations chromosomiques où une variété de lignées de cellules de mammifères et d'humains ont été utilisées, quelques incohérences ont été observées (Scott, 1986; Scott et Roberts, 1987; Aardema et coll., 1989; ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b). La fréquence des aberrations chromosomiques dans les fibroblastes de prépuces humains (JHU-1) induites par un traitement au fluorure de sodium n'a pas augmenté de façon significative (Tsutsui et coll., 1995). Selon Oguro et coll. (1995), il semble peu probable que l'activité clastogène du fluorure se manifeste chez les êtres humains, même lorsque la consommation de fluorure est très élevée. On a toutefois constaté des augmentations importantes de la fréquence des aberrations chromosomiques dans des cellules dérivées du corps vertébral de rats exposés au fluorure de sodium (Mihashi et Tsutsui, 1996). On a aussi signalé des résultats non cohérents à la suite de dosages d'ECS in vitro dans les lymphocytes de sang périphérique humain (Kishi et Tonomura, 1984; Thomson et coll., 1985; Tong et coll., 1988), les cellules d'ovaires de hamsters chinois (Li et coll., 1987d; Tong et coll., 1988; NTP, 1990) et les cellules d'embryons de hamsters syriens (Tsutsui et coll., 1984a). L'exposition au fluorure de sodium a accru la formation de micronoyaux dans les fibroblastes de prépuces humains (Scott et Roberts, 1987) et les cellules pulmonaires de hamsters chinois (Li et coll., 1991). Compte tenu des résultats d'essais in vitro, on a suggéré que l'activité clastogène provoquée par le fluorure consiste à inhiber la synthèse ou la réparation de l'ADN et que la concentration seuil s'établit à environ 10 µg/mL (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b).

On a démontré que des concentrations élevées de fluorure de sodium ou de fluorure stanneux dans l'alimentation provoquent des mutations létales récessives chez la Drosophila melanogaster mâle (Mitchell et Gerdes, 1973; Dominok et Miller, 1990). Dans la plupart des études in vivo réalisées avec des rongeurs, l'administration de fluorure de sodium par voie orale n'a produit aucun effet important sur la fréquence des ECS (Kram et coll., 1978; Li et coll., 1987a, 1989), les ruptures de brins d'ADN (Skare et coll., 1986a), ou l'incidence d'aberrations chromosomiques (Martin et coll., 1979; Zeiger et coll., 1993), de micronoyaux dans la moelle osseuse (Gocke et coll., 1981; Albanese, 1987; Li et coll., 1987b; Dunipace et coll., 1989) et d'anomalies des spermatozoïdes (Li et coll., 1987c; Dunipace et coll., 1989). Les incidences accrues des trois derniers effets généralement observés à la suite d'une injection intrapéritonéale de fluorure de sodium (Ma et coll., 1986; Pati et Bhunya, 1987; Hayashi et coll., 1988) peuvent toutefois indiquer une toxicité différentielle fondée sur la voie d'administration (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b).

Les incohérences au niveau des résultats globaux des études portant sur la génotoxicité ou la mutagénicité du fluorure ne permettent pas de tirer des conclusions claires au sujet du potentiel génotoxique du fluorure même si, tout compte fait, les données probantes sur la génotoxicité du fluorure n'appuient pas l'opinion selon laquelle le fluorure est génotoxique chez les êtres humains.

9.2.6 Neurotoxicité et effets neurocomportementaux

Au cours d'une étude de Mullenix et coll. (1995), on a comparé le comportement, le poids corporel et les concentrations de fluorure dans le plasma et le cerveau après des expositions au fluorure de sodium chez des rats Sprague-Dawley à la fin de la période de gestation, au moment du sevrage ou à l'âge adulte. Dans le cas des expositions prénatales, les mères ont reçu des injections de 0,13 mg/kg de NaF ou de solution physiologique des jours 14 à 18 ou 17 à 19 de la période de gestation. Les petits sevrés ont reçu de l'eau potable contenant des concentrations de fluorure de 0, 75, 100 ou 125 mg/L pendant six ou 20 semaines et les adultes de trois mois ont reçu de l'eau contenant 100 mg/L de fluorure pendant six semaines. Selon les résultats de ces études, les expositions au fluorure peuvent causer des déficits comportementaux spécifiques au sexe et à la dose suivant une tendance commune chez les rats. La sévérité de l'effet sur le comportement a augmenté de façon directement proportionnelle aux concentrations de fluorure dans le plasma et dans certaines régions du cerveau en particulier. Les résultats de ces expériences sont toutefois difficiles à interpréter, car la méthode d'évaluation des changements comportementaux n'est pas validée. On doute de plus qu'il soit possible d'extrapoler les changements comportementaux observés chez les rats au déficit de la cognition chez les humains.

Au cours d'une étude sur les effets subchroniques, Paul et coll. (1998) ont testé l'activité motrice spontanée et la coordination motrice chez des rats Wistar femelles adultes après qu'on leur a administré tous les jours, par voie orale (intubation gastrique), des doses élevées de fluorure de sodium (20 ou 40 mg/kg dissous dans une solution physiologique) pendant 60 jours. Le fluorure de sodium a supprimé l'activité motrice spontanée, mais la coordination motrice n'a pas changé chez ces animaux. Les concentrations de protéines dans les tissus et le sérum ont diminué. L'activité de la cholinestérase a diminué en fonction de la dose dans le sang, mais non dans les régions du cerveau.

Zhao et Wu (1998) ont étudié l'effet du fluorure de sodium sur l'activité de l'acétylcholinestérase (AChE) dans les membranes des synapses du cerveau et des globules rouges de sang périphérique de rats au cours d'expériences in vivo et in vitro. Durant l'étude in vivo, des rates gravides ont ingéré de l'eau potable fluorurée ad libitum (concentrations de fluorure de 5, 15 ou 50 mg/L) pendant les périodes de gestation et de lactation. Les activités de l'AChE des membranes des synapses du cerveau et des globules rouges périphériques chez les rates mères qui ont reçu des concentrations de fluorure de 5 à 50 mg/L pendant 60 jours ont augmenté considérablement pour passer de 30 à 68 % et de 13 à 32 % respectivement, de façon proportionnelle à la dose. L'activité de l'AChE chez les petits 80 jours après la naissance a aussi augmenté (9 à 29 % dans le cas des membranes des synapses du cerveau et 21 à 32 % dans celui des globules rouges). Par ailleurs, l'activité de l'AChE des membranes des synapses du cerveau in vitro a été inhibée par 5,0 à 50,0 mmol de fluorure/L d'une façon reliée à la durée et à la dose.

Varner et coll. (1998) ont analysé les altérations du système nerveux découlant de l'administration chronique du complexe fluoroalumine AlF3 (fluorure d'aluminium) ou de concentrations équivalentes de fluorure sous forme de fluorure de sodium. On a administré à des rats mâles adultes un des trois traitements suivants pendant 52 semaines : les sujets du groupe témoin ont reçu de l'eau potable désionisée doublement distillée, les sujets traités à l'aluminium ont reçu de l'eau potable désionisée doublement distillée contenant 0,5 mg de fluorure d'aluminium/L, et les sujets traités au fluorure de sodium ont reçu 2,1 mg de fluorure de sodium/L dans de l'eau potable désionisée doublement distillée. Les effets des deux traitements sur l'intégrité cérébrovasculaire et neuronale étaient différents sur les plans qualitatif et quantitatif : ces altérations étaient plus importantes chez les animaux traités au fluorure d'aluminium que chez ceux traités au fluorure de sodium et plus importantes chez les sujets traités au fluorure de sodium que chez les sujets témoins.

Long et coll. (2002) ont étudié les changements des récepteurs de l'acétylcholine nicotinique (nAChR) des neurones du cerveau de rats qui ont reçu 30 ou 100 mg/L de fluorure dans leur eau potable pendant sept mois. On a observé une réduction importante du nombre de sites de fixation de [3H]épibatidine dans le cerveau de rats exposés à 100 mg/L de fluorure, mais on n'a constaté aucune altération après une exposition à 30 mg/L. La concentration de la protéine sous-unitaire nAChRα4 dans le cerveau de rats a diminué considérablement à la suite d'une exposition au fluorure à une concentration de 100 mg/L mais non de 30 mg/L, tandis que l'expression de la protéine sous-unitaire nAChRα7 a diminué considérablement à la suite de l'exposition aux deux concentrations.

Des souris albinos qui ont reçu 30, 60 ou 120 mg/L de fluorure de sodium dans l'eau potable pendant 30 jours présentaient des changements dégénératifs des sous-régions de l'hippocampe du cerveau, particulièrement dans les régions CA3, CA4 et le gyrus denté. Les animaux traités au fluorure produisaient aussi des résultats médiocres aux tests de coordination motrice et du labyrinthe comparativement à ceux des groupes exposés à 30 ou 60 mg/L dans les mêmes conditions (Bhatnagar et coll., 2002).

On a étudié la possibilité que l'ingestion chronique par voie orale de fluorure dans l'eau puisse modifier la sensibilité à la douleur périphérique dans deux lignées de rats mâles adultes auxquels on a administré du fluorure de sodium dans l'eau potable (rats Sprague-Dawley à 75 et 150 mg/L pendant 15 semaines; rats Lou à 150 mg/L pendant 27 semaines). On a utilisé des méthodes classiques d'évaluation comportementale des symptômes de la douleur et observé de faibles tendances seulement à une hyperalgie thermique et à une allodynie mécanique chez les rats Sprague-Dawley (Balayssac et coll., 2002).

On a observé à l'autopsie plusieurs effets neurohistopathologiques dans le tissu cérébral de lapins albinos auxquels on avait injecté par voie sous-cutanée 0, 5, 10, 20 ou 50 mg de fluorure de sodium/kg p.c./jour pendant 15 semaines. Selon les auteurs, les changements neurotoxiques observés dans le cerveau laissent penser que le fluorure a un effet direct sur les tissus nerveux qui causent des problèmes du système nerveux central comme des tremblements, des crises d'épilepsie, et la paralysie, et indiquent un dysfonctionnement du cerveau aux deux doses les plus élevées (Shashi, 2003).

Shah et Chinoy (2004) ont étudié les effets de l'administration par voie orale de doses de 5 et 0,5 mg/kg p.c. de fluorure de sodium ou de trioxyde d'arsenic (As2O3) respectivement pendant 30 jours sur la physiologie et l'histologie du cerveau (hémisphère cérébral) chez des souris Swiss adultes. Le déclin important observé des niveaux d'activité de l'ADN, de l'ARN et de l'AChE dans le cerveau des souris traitées au fluorure de sodium, au trioxyde d'arsenic et à la combinaison fluorure de sodium et trioxyde d'arsenic était relié à l'altération de son histologie (Shah et Chinoy, 2004). On a aussi administré du fluorure de sodium ou du trioxyde d'arsenic par voie orale à des souris pendant 30 jours, à des doses de 5 et 0,5 mg/kg p.c. respectivement, afin d'étudier les effets biochimiques sur le cerveau. Selon les auteurs, les données indiquent que les changements métaboliques associés au traitement peuvent être causés par la toxicité des radicaux libres qui rendent le cerveau plus vulnérable aux lésions (Shah et Chinoy, 2004).

Guan et coll. (1998) ont analysé les lipides de la membrane cervicale de rats qui avaient reçu 30 ou 100 mg/L de fluorure dans l'eau potable pendant trois, cinq et sept mois. La teneur en protéines d'un cerveau traité au fluorure a diminué tandis que la teneur en ADN est demeurée stable pendant toute la période d'étude. Après sept mois de traitement au fluorure, la teneur totale en phospholipides du cerveau a diminué de 10 % et 20 % chez les groupes qui avaient reçu 30 et 100 mg/L de fluorure respectivement. Vani et Reddy (2000) ont étudié les activités des enzymes qui jouent un rôle dans le métabolisme des radicaux libres, la fonction membranaire du cerveau et les muscles gastrocnémiens des souris femelles qui ont reçu du fluorure de sodium (20 mg/kg p.c.) pendant 14 jours. La masse corporelle et l'indice somatique ont diminué, tandis que les concentrations de fluorure augmentaient considérablement à la fois dans le cerveau et dans le muscle gastrocnémien. Le fluorure a eu plus d'effet sur les enzymes du muscle que sur ceux du cerveau, ce qui confirme l'hypothèse selon laquelle le fluorure s'accumule plus dans le muscle que dans le cerveau. On a aussi observé une baisse de l'activité de l'AChE dans le muscle gastrocnémien, conjuguée à une augmentation importante des concentrations de glycogène et à une diminution concomitante de l'activité de la phosphorylase après l'administration de 5 mg de fluorure de sodium/kg p.c. à des souris femelles pendant 30 jours (Chinoy et coll., 2004).

Dans l'ensemble, les divers changements neurohistopathologiques, neurochimiques ou biochimiques signalés à la suite d'études sur des animaux qui ont reçu du fluorure étaient subtils et mettaient en cause des doses élevées de fluorure ou certaines conditions physiologiques ou environnementales (NRC, 2006; Tardif, 2006).

9.2.7 Autres effets sur la santé

Des études ont été effectuées pour évaluer les effets du fluorure sur d'autres organes ou systèmes. Afin de préciser l'effet de diverses concentrations d'iode et de fluorure sur la pathogenèse du goitre et de la fluorose chez les souris, Zhao et coll. (1998) ont traité au total 288 souris réparties en neuf groupes dont chacun a reçu un mélange iodure et fluorure différent dans l'eau potable. Les concentrations d'iodure étaient les suivantes : carence en iode à 0,0 µg/L, iode normal à 20,0 µg/L, excès d'iode à 2 500,0 µg/L. Celles du fluorure étaient les suivantes : carence en fluorure 0,0 mg/L; fluorure normal 0,6 mg/L et excès de fluorure, 30,0 mg/L. L'excès de fluorure a provoqué une fluorose dentaire et augmenté la concentration de fluorure dans les os. Le fluorure a eu une incidence sur les changements thyroïdiens provoqués par la carence en iode ou l'excès d'iode. Après 100 jours de traitement, le fluorure a montré un effet stimulateur de la thyroïde chez les sujets qui avaient une carence en iode et un effet inhibiteur chez ceux qui avaient un excès d'iode. Après 150 jours, les effets du fluorure sur la thyroïde se sont inversés comparativement à ceux qui se manifestaient à 100 jours. La différence au niveau de l'apport en iodure pourrait aussi accroître les effets toxiques de l'excès de fluorure sur les incisives et les os. L'excès de fluorure a causé la fluorose des incisives et des os des membres. Selon les auteurs, l'iode et le fluorure ont des effets mutuellement interactifs sur le goitre et la fluorose chez les souris de laboratoire (Zhao et coll., 1998).

On a étudié l'effet de l'insuffisance rénale provoquée chirurgicalement chez des rats urémiques et des rats témoins qui ont reçu 0, 5, 15 ou 50 mg/L de fluorure (ce qui correspond à 0, 11, 33 et 110 mg de fluorure de sodium/L) dans leur eau potable pendant trois ou six mois. On a observé des concentrations beaucoup plus élevées de fluorure dans les tissus des animaux qui avaient une insuffisance rénale. L'exposition chronique à des concentrations courantes de fluorure n'a eu aucun effet extrasquelettique, physiologique, biochimique ou génétique cliniquement néfaste induit par le fluorure chez ces rats (Dunipace et coll., 1998b).

Sondhi et coll. (1995) ont administré à des souris albinos Swiss adultes âgées de six à sept semaines de l'eau potable ad libitum contenant du fluorure de sodium (100 mg/L) pendant 30 jours. L'indice organo-somatique a diminué considérablement les jours 7 et 15; les valeurs totales des protéines et du cholestérol ont diminué considérablement, tandis que celles du glycogène et de l'activité de la phosphatase acide et alcaline augmentaient considérablement le jour 7 jusqu'au jour 30. On a constaté une dégranulation et une vacuolisation du cytoplasme des cellules cryptiques (intestins). On a observé également une dégénérescence hydropique dans le proprion et le tissu musculaire, une augmentation du nombre de cellules caliciformes, des pointes de villosités cassées, une pyknose nucléaire et des mitoses anormales.

Une étude expérimentale longitudinale contrôlée a été menée chez des gerbilles par Luke (1997) afin de déterminer si le fluorure affecte la biosynthèse de la mélatonine durant la puberté; à cette fin, on a utilisé le taux d'excrétion urinaire 6-sulphatoxymélatonine (aMT6s) comme index de synthèse de mélatonine pinéale. Les gerbilles du groupe d'exposition élevée (EÉ) ont reçu 2,3 mg F/kg p.c./jour oralement de la naissance jusqu'à 24 jours, et par la suite, les groupes d'exposition élevée (EÉ) et faible (EF) ont reçu de la nourriture contenant 37 et 7 mg F/kg, respectivement, de la pré-pubescence à l'âge adulte (mesurées à 7, 9, 11½ et 16 semaines). Le groupe EÉ a excrété considérablement moins de aMT6s que le groupe EF jusqu'à l'âge de maturation sexuelle. Le fluorure a été associé avec une accélération importante du développement de la puberté chez les gerbilles femelles, utilisant le poids corporel, l'âge de l'ouverture vaginale et le développement accéléré de la glande ventrale. À 16 semaines, le poids moyen des testicules des mâles du groupe EÉ était nettement inférieur (p < 0,002) à celui des mâles du groupe EF. Dans cette étude, le fluorure était associé à de faibles niveaux de mélatonine en circulation, conduisant à une maturation sexuelle accélérée chez les gerbilles femelles. Selon les auteurs, une investigation plus en profondeur est requise afin de déterminer si le fluorure interfère avec la fonction pinéale chez l'être humain.

Wang et coll. (2000) ont analysé les lipides de la membrane cellulaire du foie après un traitement prolongé au fluorure chez des rats Wistar à qui l'on a administré de l'eau potable contenant 30 ou 100 mg/L de fluorure (sous forme de fluorure de sodium) pendant sept mois. La concentration totale de phospholipides dans le foie a diminué chez les rats qui ont reçu la dose élevée de fluorure parce que la teneur en phosphatidyléthanolamine, phosphatidylcholine et phosphatidylsérine était plus faible. Parmi les teneurs en acides gras de la phosphatidyléthanolamine et de la phosphatidylcholine dans le foie des animaux traités au fluorure, la proportion des acides gras polyinsaturés (20:4 et 22:6) a diminué, tandis que celle des acides gras saturés (16:0 et 18:0) a augmenté. On n'a pu détecter de modifications de la quantité de cholestérol et de dolichol dans le foie. Le contenu total en ubiquinone du foie des rats a diminué de 11 % chez les sujets qui ont reçu 30 mg/L de fluorure et de 42 % chez ceux qui ont reçu 100 mg/L de fluorure. Dans les sous-catégories de l'ubiquinone, la quantité à la fois d'ubiquinone-9 et d'ubiquinone-10 a diminué après le traitement au fluorure. Selon les auteurs, ces changements des lipides membranaires pourraient être produits par le stress oxydatif, ce qui pourrait jouer un rôle important dans la pathogenèse de la fluorose chronique.

Dans l'ensemble, les études animales qui ont porté sur les effets systémiques possibles associés à l'exposition au fluorure ont montré que l'exposition à des concentrations et des doses de fluorure suffisamment élevées (beaucoup plus élevées que celles qu'on signale ou auxquelles on s'attend chez les êtres humains) a produit divers effets néfastes dans différents organes ou systèmes. Il y a peu de chances que ces effets posent un risque pour les êtres humains exposés à des concentrations relativement élevées de fluorure (même à 4 mg/L, selon le NRC, 2006), sauf chez les sujets vulnérables qui peuvent accumuler plus de fluorure que les sujets en bonne santé. En fait, certains sous-groupes de la population pourraient être plus sensibles aux effets toxiques du fluorure, comme les gens qui ont des problèmes rénaux, de l'ostéoporose ou une mauvaise nutrition. De même, certaines sous-populations peuvent être exposées à une plus grande concentration de fluorure au jour le jour, comme les sujets qui travaillent à l'extérieur, ou qui vivent dans des climats chauds ou à proximité d'établissements qui rejettent du fluorure (ATSDR, 2003). Dans le cas de la plupart des sous-populations susmentionnées, toutefois, les données sont très limitées et ne permettent pas d'appuyer ou de réfuter une sensibilité accrue au fluorure. Il n'y a pas non plus de données laissant penser que l'exposition au fluorure aux concentrations types que l'on trouve dans l'eau potable au Canada (p. ex., à la concentration maximale acceptable de 1,5 mg/L) produirait des effets néfastes chez ces populations potentiellement sensibles.

10.0 Effets dentaires

10.1 Fluorose dentaire

La fluorose dentaire est une hypominéralisation permanente de l'émail des dents causée par une perturbation du développement de la dent attribuable au fluorure (Smith, 1988; Cutress et Suckling, 1990; Fejerskov et coll., 1990; Burt, 1992). On la reconnaît depuis le début du siècle chez des personnes exposées au fluorure naturel dans l'eau potable (Clark, 2006). La fluorose dentaire survient seulement lorsque l'exposition aux fluorures se produit pendant la formation des dents et devient évidente au moment de l'éruption de la dent. Dans ses formes les plus bénignes, elle touche seulement la couche extérieure de l'émail et provoque l'apparition de lignes blanches diffuses sur la surface de la dent (Fejerskov et coll., 1990). À mesure que la gravité de la fluorose augmente, les couches plus profondes sont atteintes et la porosité s'accroît, ce qui donne une apparence d'un blanc crayeux (Fejerskov et coll., 1990; NRC, 1993). La mastication et autres forces finissent par provoquer l'érosion de l'émail de surface, entraînant l'apparition de puits qui peuvent devenir tachés par divers constituants alimentaires (Fejerskov et coll., 1990). Mis au point en 1942, l'indice de fluorose de H.T. Dean, présenté au tableau 2, demeure un système de classification universel (American Dental Association, 2005).

Tableau 2 : Classification de la fluorose (indice de Dean) Note de bas de page 1
Classification Critères : Description de l'émail

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Adapté de l'American Dental Association (2005).

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Normale Surface translucide d'un blanc crémeux pâle, luisante et lisse
Discutable Quelques petites taches blanches
Très légère Petites surfaces opaques d'un blanc papier qui couvrent moins de 25 % de la surface de la dent
Légère Surfaces blanches opaques qui couvrent moins de 50 % de la surface de la dent
Modérée Toutes les surfaces de la dent sont touchées; usure marquée sur les surfaces de mastication; présence possible de taches brunes
Sévère Toutes les surfaces de la dent sont atteintes; apparition de puits discrets ou convergents; taches brunes

La forme très légère de fluorose est à peine détectable, même par des spécialistes en santé dentaire chevronnés. Les publications indiquent que la fluorose légère n'a aucune conséquence sur la santé autre qu'une diminution du nombre de caries. Elles montrent aussi qu'il n'y a pas de problème cosmétique réel qui découle des formes légères de fluorose dentaire. Les formes modérée et sévère de fluorose dentaire ne semblent pas produire d'effets néfastes sur la santé dentaire comme la perte de fonction dentaire (Clark, 2006). L'étude réalisée récemment par le NRC (2006) aux États-Unis a toutefois indiqué que la fluorose sévère de l'émail compromettait la fonction de celui-ci, qui est de protéger la dentine et la pulpe dentaire contre la carie et l'infection, en causant des dommages structurels à la dent. Les dommages aux dents causés par une fluorose sévère de l'émail constituent donc un effet toxique que la majorité des membres du comité d'experts ont jugé conforme aux définitions courantes des effets néfastes sur la santé employées en matière d'évaluation des risques (NRC, 2006).

Des études épidémiologiques portant sur diverses cohortes d'âge d'enfants exposés à des concentrations différentes de fluorure dans l'eau potable ont déterminé que la période du développement de l'émail la plus sensible à la fluorose dentaire était la fin de la maturation, et non le stade sécréteur antérieur (Burt, 1992). Comme les formes les plus bénignes de fluorose dentaire sont celles qu'on voit le plus souvent en Amérique du Nord (Clark, 1994), on croit que les dents antérieures, et en particulier les incisives centrales maxillaires, sont les plus importantes lorsqu'il s'agit de juger du risque de fluorose dentaire (Burt, 1992; NRC, 1993; Limeback, 1994). À la suite d'une analyse de petits groupes d'enfants d'âge scolaire de Hong Kong avant et après une réduction de la concentration de fluorure dans la source d'approvisionnement communautaire en eau potable, on a conclu que le risque était minimal pour les incisives centrales maxillaires avant 18 mois, mais que la période qui représentait le risque le plus important était celle de 22 à 26 mois (Evans et Stamm, 1991). Un examen récent de la littérature sur le sujet a aussi indiqué que la période de sensibilité à la fluorose dentaire se situait au cours des quatre premières années de la vie (Clark, 2006). Dans le cas des dents antérieures, qui représentent la préoccupation cosmétique la plus importante, la période de risque s'étend apparemment sur les trois premières années (Evans et Stamm, 1991; Ishii et Suckling, 1991; Levy et coll., 2002; NRC, 2006). Comme la sévérité de la fluorose est reliée à la durée et au moment de l'exposition ainsi qu'à la dose absorbée, c'est l'exposition cumulative au cours du stade complet de la maturation, et non simplement pendant les périodes critiques du développement de certains types de dents, qui constitue probablement la mesure la plus importante dont il faut tenir compte dans l'évaluation du risque de fluorose (DenBesten, 1999). La prévalence de la fluorose serait donc liée plus solidement à un apport élevé de fluorure pendant les trois premières années de la vie (Hong et coll., 2006). L'apport de fluorure exprimé en mg/kg p.c./jour diminue de plus considérablement après l'âge de six mois et demeure ensuite plus ou moins stable (Levy et coll., 2001). Comme la plupart des dents permanentes commencent à se former plus tard dans la vie, le risque de fluorose de l'émail de la dentition permanente est faible si l'exposition plus élevée se produit au cours des six premiers mois seulement. Selon les conclusions et les recommandations du groupe d'experts qui s'est réuni à Ottawa, on établit un lien entre des périodes prolongées (p. ex., plusieurs années) d'exposition au fluorure et un risque accru de fluorose; une exposition importante au cours de la première année de la vie peut donc ne pas être vraiment préoccupante si elle est suivie d'une faible exposition (Santé Canada, 2008). Après l'âge de quatre ans environ, il n'y a plus de risque de fluorose dentaire (Evans et Stamm, 1991; Limeback, 1994; Stookey, 1994; Hong et coll., 2006a,b).

Au cours des années 1940 et 1950, l'eau potable et l'alimentation constituaient les principales sources de fluorure. Depuis, de nombreuses sources de fluorure sont devenues disponibles, y compris les produits dentaires contenant du fluorure (p. ex., dentifrices et rince-bouche) et les suppléments alimentaires de fluorure. L'utilisation inappropriée/non supervisée de ces produits en excès des niveaux recommandés peut contribuer considérablement à l'apport total en fluorure. Par exemple, dans un article récent portant sur des jumeaux tous deux exposés à de l'eau fluorurée, on a démontré que le fait d'avaler du dentifrice à un jeune âge constituait le principal facteur contribuant à l'apparition d'une fluorose dans une région où l'eau est fluorurée (Limeback, 2007). De nombreuses préparations de lait maternisé contiennent en outre de fortes concentrations de fluorure. Beaucoup de ces préparations sont fournies sous forme concentrée et une fois reconstituées avec de l'eau fluorurée, elles peuvent augmenter le risque de fluorose dentaire.

En 1992, lors d'une conférence réunissant des experts en dentisterie préventive du Canada et des États-Unis, de nouvelles recommandations relatives à l'utilisation appropriée des produits contenant du fluorure ont été proposées (Limeback et coll., 1998). Ces experts ont reconnu que la prévalence de la fluorose dentaire était à la hausse durant les années 1970 et jusque dans les années 1990 (Clark, 2006). Le groupe a conclu que la fluoruration de l'eau continue d'offrir des avantages uniques des points de vue de la distribution, de l'équité, de la conformité et de la rentabilité par rapport à d'autres méthodes d'apport en fluorure et qu'on ferait un pas en arrière en envisageant de l'abandonner ou d'y attacher moins d'importance sans éliminer d'abord la plupart des autres sources de fluorure, dont beaucoup sont utilisées -souvent mal d'ailleurs- ou consommées au choix. Le groupe a recommandé de réduire l'exposition aux fluorures chez les enfants de moins de six ans puisque les données montrent que la prévalence de la fluorose dentaire a augmenté en Amérique du Nord (y compris au Canada) au cours des années 1970 et 1980.

En 1992, un Groupe consultatif d'examen constitué de chercheurs en médecine dentaire a aussi étudié les données disponibles sur la relation entre l'apport quotidien total de fluorure et la prévalence de caries dentaires et de fluorose dentaire chez les enfants (Groupe consultatif d'examen, 1993). Les données examinées allaient d'études réalisées par Dean et coll. (1941, 1942) dans les années 1940 et portant sur des enfants âgés de 12 à 14 ans de 21 collectivités des États-Unis où ils avaient résidé toute leur vie, et où l'eau potable contenait naturellement du fluorure, à des études plus récentes portant sur des enfants de divers âges vivant dans des collectivités où l'eau est fluorurée et d'autres où elle ne l'est pas au Canada, aux États-Unis, en Australie et dans d'autres pays (Clark, 1993; Ismail, 1993). On a constaté que les études déterminantes pour la définition de la relation dose-réponse entre l'apport quotidien total de fluorure et les caries et la fluorose dentaire étaient celles de Dean et coll. (1941, 1942), complétées par des données compilées en 1958 sur des enfants âgés de 12 à 14 ans de 20 collectivités des États-Unis (Eklund et Striffler, 1980). Le groupe a conclu que ces études plus anciennes sur la relation dose-réponse étaient plus applicables que les études récentes parce que les plages d'âge des enfants qui ont participé aux études récentes variaient. Les études récentes comptent relativement peu de données sur la prévalence de la fluorose et des caries dentaires dans les collectivités où les concentrations de fluorure dans l'eau potable n'atteignent pas 1,0 mg/L. La plupart des études récentes n'ont pas tenu compte non plus de l'effet de confusion de sources de fluorure qui n'existaient pas au cours des années 1940 (p. ex., dentifrice, rince-bouche, gels) (Groupe consultatif d'examen, 1993). Le groupe d'experts réuni dans le cadre de ce projet a réaffirmé la position du groupe précédent, à savoir que la fluoruration de l'eau continue d'offrir des avantages inégalés par rapport à d'autres méthodes d'apport en fluorure sur le plan de la distribution, de l'équité, de la conformité et de la rentabilité dans la réduction des caries dentaires.

Au cours des années 1940, environ 10 % des Canadiens avaient une fluorose dentaire très légère ou légère lorsque la concentration de fluorure naturel contenu dans l'eau potable s'établissait à environ 1 mg/L. Depuis 55 ans, dans les régions où l'on ajoute du fluorure à l'eau potable pour en porter la concentration totale à environ 1 mg/L (région où la fluoruration est optimale), la prévalence totale de la fluorose dentaire a augmenté. En outre, dans les régions où l'eau n'est pas fluorurée, les données démontrent clairement que la prévalence totale de la fluorose dentaire a augmenté durant les 40 années précédentes (Clark, 1994).

Récemment, Santé Canada a appuyé le module sur la santé buccodentaire de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) (Santé Canada, 2010b). L'enquête a recueilli les mesures d'environ 5 600 personnes de la population canadienne âgées entre 6 et 79 ans. Le développement et la mise à l'essai de l'enquête s'est produit durant les années 2003-2006, et la collecte de données entre mars 2007 et février 2009. Parmi plusieurs autres considérations dentaires, la fluorose dentaire a été mesurée par des dentistes formés à cet effet, en utilisant l'indice de Dean pour tous les enfants de l'âge de six à 12 ans. L'indice de Dean était l'indice d'origine utilisé pour quantifier la prévalence de fluorose dentaire et est ainsi le plus pertinent pour des fins de comparaisons historiques. Les résultats de cette enquête démontrent qu'environ 85 % des enfants ont des dents normales ou discutables selon l'indice utilisé. Seulement 12 % avaient de la fluorose dentaire classée comme très légère et 4,4 % présentaient de la fluorose dentaire classée comme légère. Le nombre d'enfants canadiens atteints de fluorose modérée ou sévère est si peu élevé que même en regroupant tous les cas, la prévalence reste trop faible pour être déclarée (moins de 0,3 %) (Santé Canada, 2010b). Ces résultats suggèrent que les changements apportés aux recommandations sur l'utilisation des fluorures dans les années 1990 ont permis la réduction de l'apport en fluorure pour les nourrissons et les jeunes enfants, à un point tel que les prévalences de fluorose dentaire ont été réduites de façon marquée.

Heller et coll. (1997) ont étudié les liens entre les caries dentaires et la fluorose dentaire à différentes concentrations de fluorure dans l'eau potable (<0,3, 0,3 à <0,7, 0,7 à 1,2 et >1,2 mg/L) et l'effet d'autres produits contenant du fluorure. Au cours de cette étude, les chercheurs ont utilisé des données tirées de l'enquête nationale sur la santé bucco-dentaire des enfants d'âge scolaire des États-Unis réalisée par le National Institute of Dental Research. On a soumis des enfants d'âge scolaire et des adultes (n = 40 693) âgés de quatre à 22 ans à des examens bucco-dentaires. La prévalence de la fluorose dentaire s'est établie à 13,5 %, 21,7 %, 29,9 % et 41,4 % chez les enfants qui buvaient de l'eau potable dont la concentration en fluorure était de <0,3, 0,3 à <0,7, 0,7 à 1,2 et >1,2 mg/L respectivement. Selon les auteurs, on a établi un lien constant et clair entre l'augmentation de la concentration de fluorure dans l'eau d'une part et la diminution des surfaces cariées ou obturées (sco) ainsi que des scores relatifs aux surfaces cariées, manquantes ou obturées (SCMO) permanentes d'autre part, mais on n'a observé qu'une faible diminution des niveaux de caries à des concentrations variant de 0,7 à 1,2 mg/L F. Selon les auteurs, un compromis convenable entre les caries et la fluorose semble s'établir à 0,7 mg/L F. À cette concentration, l'expérience de caries et la gravité de la fluorose semblent aussi faibles ou plus faibles que celles que l'on constate à 1,0 mg/L. Les auteurs ont aussi remarqué qu'on établissait un lien entre l'usage de supplément de fluorure et une augmentation de la fluorose dentaire (Heller et coll., 1997).

Selon le rapport de la synthèse de York (McDonagh et coll., 2000), la fluorose dentaire représente l'effet néfaste de la fluoruration de l'eau qu'on étudie le plus largement et le plus souvent. On a déterminé par analyse de régression l'existence d'un lien dose-réponse important. On a estimé à 48 % (IC à 95 % = 40 à 57 %) la prévalence de la fluorose dentaire à une concentration de fluorure dans l'eau de 1,0 mg/L. Dans le cas de la fluorose préoccupante sur le plan cosmétique (définie dans le rapport comme un score de Dean léger ou pire), on a prédit une prévalence de 12,5 % (IC à 95 % = 7,0 à 21,5 %). La prévalence de la fluorose dentaire à une concentration de fluorure dans l'eau de 2,0 mg/L a été estimée à 61 % (IC à 95 % = 51 à 69) et à 24,7 % (IC à 95 % = 14,3 à 39,4) pour la fluorose préoccupante sur le plan cosmétique. De plus, les résultats de toutes les recherches sur la fluorose dentaire indiquent qu'il convient peut-être davantage de concentrer les efforts sur la prévalence de scores modérés et sévères ou légers à sévères de la fluorose dentaire, car ils sont plus représentatifs de problèmes qui peuvent entraîner une préoccupation cosmétique. Les publications présentent très clairement des conclusions disparates, cette disparité étant probablement due aux scores de la fluorose aux échelons « discutable » et « très légère », qui ont en fait peu d'effet sur les préoccupations publiques d'ordre cosmétique (McDonagh et coll., 2000).

Les données récentes sur la fluorose provenant de toutes les régions du Canada démontrent que la prévalence de cette affection dans certaines régions du pays est plus faible que les valeurs à l'origine des initiatives lancées en 1994 et 1998 pour la révision des recommandations en vigueur sur le fluorure (Clark, 2006). La prévalence de tous les niveaux de fluorose dentaire semble très faible dans la plupart des régions de l'est du Canada, y compris l'Ontario (entre 3 % et 28 %). Dans l'ouest du Canada, par contre, elle semble plus élevée. Des données indiquent que dans certains cas - dans la région de Niagara, par exemple - la prévalence a diminué de façon spectaculaire entre 1994 et 1998. Après qu'on a mis fin à la fluoruration à Comox, Courtenay et Campbell River (Colombie-Britannique) en 1992, la prévalence et la sévérité de la fluorose dentaire ont diminué considérablement après l'enquête de 1993-1994, par comparaison avec les cycles de 1996-1997 et 2002-2003 de l'enquête. Il convient de signaler que la diminution a été attribuée aux changements dans l'utilisation de dentifrice fluoruré et de suppléments de fluorure, en plus de l'arrêt de la fluoruration de l'eau communautaire (Clark, 2006).

Les membres du groupe d'experts sur le fluorure ont recommandé de suivre continuellement la prévalence de la fluorose dentaire dans la population canadienne en adoptant une définition claire de l'expression « fluorose dentaire modérée » et d'utiliser un système d'évaluation commun compatible ou comparable entre les chercheurs (Santé Canada, 2008). Même si on les comprend depuis plus de 60 ans, les effets préventifs de la carie qui découlent de la consommation d'eau potable fluorurée demeurent évidents dans les études historiques portant sur des collectivités où l'eau est fluorurée et d'autres où elle ne l'est pas. Les effets de prévention de la carie découlent principalement d'un mécanisme consécutif à l'éruption et on les a démontrés non seulement chez les enfants, mais aussi chez les adultes. Même si l'efficacité de la fluoruration de l'eau a pu diminuer avec le temps, on a attribué cette diminution à d'autres sources de fluorure (p. ex., dentifrice et autres produits dentaires fluorurés) devenues disponibles dans les collectivités où l'eau est fluorurée et celles où elle ne l'est pas depuis qu'on a effectué la recherche originale sur la fluoruration de l'eau. Il y a aussi un effet de « halo » ou de « diffusion » qui se produit lorsque des aliments et boissons transformés dans une collectivité où l'eau est fluorurée sont consommés dans une autre où elle ne l'est pas et vice-versa. Cet effet de halo entraîne une augmentation de l'absorption de fluorure chez les populations des collectivités où l'eau n'est pas fluorurée, ce qui les protège davantage contre la carie dentaire. En ne tenant pas compte de cet effet, on peut sous-estimer le bienfait total de la fluoruration de l'eau.

Selon les conclusions et les recommandations du groupe d'experts sur le fluorure qui s'est réuni récemment au Canada, sur le plan de la santé, il n'y a aucune raison de s'inquiéter de la prévalence de la fluorose dentaire très légère et légère au Canada (Santé Canada, 2008).

En ce qui concerne l'occurrence de la fluorose dentaire, l'analyse des données originales de Dean et coll. (1941, 1942) a montré que les enfants des années 1940 qui buvaient de l'eau potable contenant ≤1,6 mg de fluorure/L ont présenté des taux faibles de fluorose dentaire très légère (22 %) et légère (4 %), mais aucune fluorose dentaire modérée ou sévère. On peut considérer que l'apport quotidien total en fluorure chez ces enfants (c.-à-d. provenant de l'air, du sol, de l'alimentation et de l'eau) représente l'apport quotidien maximal de fluorure qui est peu susceptible d'entraîner une fluorose dentaire variant de modérée à sévère.

10.2 Efficacité de la fluoruration de l'eau

Selon le Rapport sur la santé bucco-dentaire dans le monde 2003 de l'Organisation mondiale de la santé (OMS, 2003), la carie dentaire demeure un important problème de santé publique dans la plupart des pays industrialisés, touchant 60 à 90 % des enfants d'âge scolaire et la grande majorité des adultes. La carie dentaire résulte de la dissolution localisée de l'émail des dents par les acides produits par des dépôts bactériens (la plaque dentaire). Selon Thylstrup (1990), les dents sont les plus vulnérables à la carie dentaire à partir du moment où elles commencent à émerger et jusqu'à leur éruption complète, qu'il s'agisse des dents primaires ou des dents permanentes. Au début, on pensait que la capacité du fluorure à empêcher la formation de caries décelables à l'examen clinique était principalement attribuable à son incorporation avant l'éruption des dents, entraînant une meilleure stabilité du cristal et une diminution de la solubilité de l'émail (Beltran et Burt, 1988; Groeneveld et coll., 1990). On a constaté par ailleurs que le fluorure empêchait la production d'acides par les bactéries contenues dans la plaque (Grembowski et coll., 1992). Cependant, les études cliniques sur la fluoruration de l'eau et les effets du fluorure sur la minéralisation indiquent que l'effet anticariogène du fluorure se produit principalement après l'éruption de la dentition, le fluorure empêchant la déminéralisation et favorisant la reminéralisation des lésions carieuses en début de processus (Groeneveld et coll., 1990; Thylstrup, 1990). Ce mécanisme post-éruption concorde avec le nombre considérablement inférieur de surfaces dentaires cariées et obturées chez les adultes ayant été exposés à une eau potable fluorurée depuis l'âge de 15 ans jusqu'à 34 ans (Grembowski et coll., 1992) et avec l'incidence nettement plus faible de caries coronaires et radiculaires chez les adultes de plus de 65 ans ayant demeuré pendant au moins 30 à 40 ans dans une collectivité approvisionnée en eau potable fluorurée, en comparaison avec les résidents ayant vécu toute leur vie dans une collectivité où l'eau potable n'était pas fluorurée (Hunt et coll., 1989). D'après une méta-analyse réalisée récemment par Griffin (2007), le fluorure prévient la carie principalement par un mécanisme qui intervient après l'éruption des dents, et cet effet a été démontré non seulement chez les enfants, mais aussi chez les adultes.

Un grand nombre d'études épidémiologiques visant à estimer la prévalence des caries dentaires ont été menées à l'échelle de la planète. En Amérique du Nord, Burt (1994) a étudié les données sur la prévalence des caries des dents permanentes et des dents primaires chez les enfants du Mexique, des États-Unis et du Canada. Le chercheur a conclu que la prévalence et la gravité des caries des dents permanentes continuaient à diminuer dans l'ensemble de la population au Canada et aux États-Unis, mais que la prévalence des caries des dents primaires s'était stabilisée depuis les années 1986-1987 environ. Il a aussi signalé des variations géographiques considérables en ce qui concerne la carie dans l'ensemble de la population aux États-Unis et au Canada; les valeurs les plus élevées de prévalence et de gravité ont été relevées au Québec. Les caries étaient plus courantes et plus graves dans les populations autochtones que dans l'ensemble de la population, mais des signes de diminution des caries des dents permanentes ont été décelés dans les populations autochtones. Toujours selon cet auteur, la prévalence des caries diminuera probablement encore dans l'ensemble de la population au Canada et aux États-Unis avant d'atteindre un minimum irréductible; cette limite n'est d'ailleurs peut-être pas bien loin, puisque la prévalence des caries est déjà très faible dans bon nombre de localités. Toutefois, Speechley et Johnston (1996) ont avancé qu'en Ontario, la prévalence des caries est peut-être en hausse, du moins celle des caries des dents de lait chez les enfants du début du primaire. Selon les résultats d'une étude sur la santé bucco-dentaire des enfants du primaire au Québec (1998 et 1999), la prévalence des caries dentaires est d'environ 42 % chez les enfants de la maternelle et de 56 % chez les enfants de 7 et 8 ans. De plus, les enfants de la maternelle au Québec présentent 40 % plus de caries que les enfants du même âge en Ontario et aux États-Unis (Brodeur et coll., 2001).

Le module national sur la santé buccodentaire de l'Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) a mesuré la prévalence des caries dentaires dans la population canadienne (Santé Canada, 2010b). L'indice DCMO a été utilisé pour évaluer les expériences de caries dentaires en comptant le nombre de dents permanentes (D) cariées (C), manquantes (M) ou obturées (O). Le compte moyen de DCMO pour les adolescents dans cette enquête était 2,49, dont seulement 0,37 dent se présentait avec une lésion active (cariée - DC). Les résultats suggèrent qu'environ 50 % des enfants âgés de six à 11 ans présentent des caries des dents primaires ou permanentes au Canada. Toutefois, puisque l'indice ne représente qu'un décompte des lésions accumulées, ces résultats peuvent surestimer les lésions actives.

Maupome et coll. (2001) ont comparé la prévalence et l'incidence des caries dans deux collectivités en Colombie-Britannique dont l'une avait mis fin à la fluoruration de l'eau alors que l'autre la maintenait. La prévalence des caries dentaires a diminué avec le temps dans la collectivité où la fluoration de l'eau avait cessé, tandis qu'elle est restée inchangée dans celle disposant encore d'eau potable fluorurée. Le nombre de surfaces obturées n'a pas varié d'une enquête à l'autre, mais celui des surfaces scellées a augmenté dans les deux collectivités. Dans la collectivité toujours approvisionnée en eau potable fluorurée, l'incidence des caries, exprimée en terme de surfaces cariées, manquantes ou obturées (SCMO), n'était pas différente de celle de la collectivité où la fluoration de l'eau avait cessé. Cependant, en examinant en détail les éléments des SCMO et les surfaces à risque, on a constaté des différences dans l'incidence des caries. Les résultats donnent un tableau de carie complexe après l'arrêt de la fluoruration. Les multiples sources de fluorure, mis à part la fluoruration de l'eau, rendent plus difficile la détection des changements dans le profil épidémiologique d'une population qui présente en général un nombre peu élevé de caries et qui vit dans un milieu favorisé où les services de soins dentaires sont très accessibles.

Dans la synthèse de York (McDonagh et coll., 2000), les meilleures données probantes disponibles semblent indiquer que la fluoruration de l'eau potable réduit réellement la prévalence des caries, déterminée par la proportion d'enfants ne présentant aucune carie et par la variation moyenne du score dcmo/DCMONote de bas de page 3. Cependant, les données disponibles ne permettent pas d'établir clairement à quel point la prévalence des caries a diminué. La différence moyenne dans la proportion d'enfants exempts de caries s'étend de -5,0 à 64 %, la médiane étant de 14,6 % (intervalle interquartile de 5,05 à 22,1 %). La variation moyenne du score dcmo/DCMO est de 0,5 à 4,4 dents (médiane de 2,25 dents). On a estimé que six personnes (médiane) devaient recevoir de l'eau fluorurée pour qu'une personne supplémentaire soit exempte de caries. Selon les meilleures données probantes issues des études portant sur des collectivités ayant mis fin à la fluoruration de l'eau, l'arrêt de la fluoruration entraîne une augmentation de la prévalence des caries, qui se rapproche de celle du groupe recevant un faible apport en fluorure. De plus, certaines données semblent indiquer que la fluoruration de l'eau réduit les écarts observés entre les diverses classes sociales en matière de santé bucco-dentaire chez les enfants de cinq et 12 ans, d'après le score dcmo/DCMO. Toutefois, étant donné le petit nombre d'études, les différences entre elles et leur faible cote de qualité, la prudence est de rigueur dans l'interprétation de ces résultats (McDonagh et coll., 2000).

Petersen et Lennon (2004) ont constaté que, malgré les grandes améliorations en matière de santé bucco-dentaire des populations dans le monde entier, les problèmes associés à la carie dentaire persistent, surtout dans les milieux pauvres et défavorisés des pays développés et des pays en développement. Selon le Rapport sur la santé bucco-dentaire dans le monde 2003 (OMS, 2003), la fluoruration de l'eau, lorsqu'elle est techniquement réalisable et culturellement acceptable, offre des avantages substantiels en matière de santé publique. Les membres du groupe d'experts sur le fluorure s'entendaient tous sur le fait que la fluoruration de l'eau potable des collectivités demeure une mesure de santé publique efficace pour diminuer la prévalence des caries dentaires dans la population canadienne (Santé Canada, 2008).

Les données sur la dose-réponse de Dean et coll. (1941 et 1942) et d'Eklund et Striffler (1980) semblent indiquer une diminution relativement légère de l'incidence des caries dentaires chez les jeunes de 12 à 14 ans lorsque la concentration de fluorure dans l'eau potable passe de 0,8 à 1,2 mg/L, par comparaison aux réductions bien plus fortes associées aux concentrations de fluorure allant de 0 jusqu'à 0,8 mg/L. Étant donné cette diminution de la pente des courbes de dose-réponse et le fait que seules des formes très légères à légères de fluorose dentaire ont été observées par Dean et coll. (1941 et 1942) aux concentrations de fluorure de 0,8 à 1,2 mg/L, le Groupe consultatif d'examen (1993) a sélectionné cette plage de valeurs comme concentrations optimales de fluorure. En 1992, le Groupe a conclu que, à l'époque où se déroulait la recherche par Dean et coll. (1941 et 1942), les enfants qui consommaient de l'eau potable renfermant une concentration de fluorure de 0,8 à 1,2 mg/L tout en recevant un apport de fluorure par l'air, la nourriture et la terre, obtenaient un apport quotidien de fluorure optimal pour la prévention des caries dentaires (Groupe consultatif d'examen, 1993). Toutefois, puisque le fluorure prévient la carie dentaire par des mécanismes précédant et suivant l'éruption de la dentition (Beltran et Burt, 1988; Groeneveld et coll., 1990; Thylstrup, 1990) tant chez les enfants que chez les adultes (Hunt et coll., 1989; Grembowski et coll., 1992), il est probable que la plage d'apports quotidiens optimaux de fluorure est relativement grande et que l'apport quotidien optimal varie en fonction du groupe d'âge. L'étude de Heller et coll. (1997) a révélé que les diminutions les plus prononcées des valeurs de scmo et de SCMO chez les enfants étaient associées à une augmentation de la concentration de fluorure lorsque cette concentration se situait entre 0 et 0,7 mg/L, les diminutions étant légères lorsque cette concentration était entre 0,7 et 1,2 mg/L.

D'après les observations et recommandations du groupe d'experts sur le fluorure (Santé Canada, 2008), il n'est probablement plus nécessaire d'établir une plage de concentrations optimales de fluorure, en partie parce que la variation saisonnière de la consommation d'eau semble moins prononcée qu'auparavant (plus de contrôle de température à l'intérieur, moins de personnes travaillant à l'extérieur). Pour les municipalités qui ont choisi la fluoruration de leur approvisionnement en eau comme mesure de santé publique pour la prévention de la carie dentaire, le dentiste en chef de Santé Canada a examiné les données scientifiques disponibles concernant les effets de cette mesure sur la santé dentaire et a demandé l'opinion de spécialistes externes en santé bucco-dentaire. À la suite de cette consultation, on a fixé à 0,7 mg/L la concentration optimale de fluorure dans l'eau potable pour favoriser une bonne santé bucco-dentaire. Outre les bienfaits optimaux qu'elle procure pour la santé bucco-dentaire, cette concentration se situe bien en deçà de la CMA et assure donc une protection contre les effets néfastes du fluorure. La consommation d'eau potable contenant 0,7 mg/L de fluorure, en plus de l'apport quotidien moyen en fluorure provenant d'autres sources auxquelles les consommateurs canadiens sont couramment exposés, devrait favoriser la bonne santé bucco-dentaire des personnes de tous les groupes d'âge. Le fondement scientifique du choix de cette valeur repose sur une étude de Heller (1997), qui conclut que dans les conditions d'exposition actuelles, la concentration de fluorure dans l'eau potable de 0,7 mg/L représente un compromis satisfaisant entre le risque de fluorose dentaire et la protection contre la carie dentaire. Cette recommandation concorde également avec les résultats d'une analyse antérieure réalisée par Eklund et Striffler (1980) selon laquelle l'efficacité de la fluoruration de l'eau semble atteindre un plateau lorsque la concentration de fluorure dans l'eau potable dépasse 0,6 mg/L. L'Irish Forum on Fluoridation (2002) a également établi que la concentration cible optimale était de 0,7 mg/L.

11.0 Classification et évaluation

Les données probantes découlant des études épidémiologiques existantes n'attestent pas l'existence d'une association entre la morbidité et la mortalité liées au cancer et la consommation de fluorure dans l'eau potable. La plupart de ces études sont du type corrélation écologique ou géographique, et en raison de leurs limites, elles ne fournissent pas de preuves concluantes qu'une relation exposition-effet existe. Des études cas-témoin ont été publiées récemment sur un lien possible entre l'exposition au fluorure présent dans l'eau potable et le risque d'ostéosarcome. Une seule de ces études, soit celle menée par Bassin et coll. (2006), a montré une association positive entre cette affection et l'exposition au fluorure chez les jeunes garçons. Toutefois, l'article en question n'est qu'un aperçu partiel d'une étude en cours, et on ne peut tirer aucune conclusion tant que toute l'étude n'a pas été publiée et évaluée.

Des essais biologiques approfondis financés par le NTP (1990) ont fourni des preuves limitées de la cancérogénicité du fluorure. Ils ont révélé une tendance dose-réponse significative quant à la survenue de l'ostéosarcome chez des rats F344/N mâles qui consommaient de l'eau potable contenant 25 à175 mg/L de fluorure de sodium. Toutefois, les résultats d'une comparaison par paire de l'incidence de l'ostéosarcome entre des mâles exposés à des doses élevées et des mâles témoins ne se sont pas révélés significatifs. De plus, aucune tendance dose-réponse quant à la survenue de l'ostéosarcome n'a été observée chez des rats femelles ou des souris B6C3F1 mâles et femelles qui consommaient de l'eau contenant la même concentration de fluorure. Un essai biologique de cancérogénicité dans lequel on a administré par voie alimentaire 4 à 25 mg/kg p.c. de fluorure de sodium par jour à des rats Sprague-Dawley et des souris CD-1 mâles et femelles n'a révélé aucune relation dose-réponse statistiquement significative quant à la survenue de l'ostéosarcome chez les deux espèces, peu importe le sexe (Maurer et coll., 1990, 1993). Des examens de ce deuxième essai biologique ont toutefois relevé plusieurs limites, y compris la teneur élevée des aliments et de l'eau potable en minéraux, en ions et en vitamines; un faible taux de survie entraînant la fin hâtive de l'étude; et l'infection des souris par un rétrovirus. L'étude supplémentaire menée récemment par le NTP (2006) chez des rats F344/N mâles n'a révélé aucune association entre la consommation d'eau potable contenant 250 mg/L de fluorure pendant deux ans et un risque accru de tumeur osseuse ou de lésion néoplasique.

En général, l'administration orale de fluorure à des rongeurs n'a pas eu pour effet d'augmenter les aberrations chromosomiques, la formation de micronoyaux, les échanges de chromatides soeurs ou les ruptures de brins d'ADN. Ces résultats obtenus chez les animaux sont corroborés par des études épidémiologiques récentes. Selon les données scientifiques dont on dispose jusqu'ici, et selon les conclusions et les recommandations issues de la réunion du groupe d'experts sur le fluorure (Santé Canada, 2008), les données probantes n'attestent pas l'existence d'un lien entre l'exposition au fluorure et des risques accrus de cancer. Selon les critères de classification de la cancérogénicité (Santé Canada, 1994) et l'information scientifique disponible, les fluorures font partie du groupe VI - inclassables en ce qui concerne la cancérogénicité chez l'être humain. Cette classification correspond à celle établie par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui place les fluorures (inorganiques, utilisés dans l'eau potable) dans le groupe 3 - substances inclassables quant à leur cancérogénicité pour les humains (CIRC, 1982).

La fluorose dentaire est l'effet néfaste du fluorure le plus largement et fréquemment étudié. De tous les effets néfastes, c'est celui qui survient au niveau d'exposition le plus bas dans la population. Contrairement à la fluorose dentaire légère ou très légère, la fluorose dentaire modérée est considérée comme un effet néfaste en raison des problèmes d'ordre cosmétique potentiels qui s'y rattachent, et c'est l'effet qui nous préoccupe dans le cadre de cette évaluation des risques. Bien qu'une certaine controverse existe quant à savoir si les formes plus graves de fluorose dentaire constituent un problème cosmétique ou de santé, un nombre limité d'enquêtes a révélé que le public est capable de déceler divers degrés de fluorose dentaire, et que les cliniciens aussi bien que le public estiment que les formes les plus graves sont socialement embarrassantes pour les enfants touchés (Riordan, 1993a,b; Clark, 1995). En outre, le rapport issu de l'étude de synthèse menée récemment par le NRC aux États-Unis (2006) indique que les dommages aux dents liés à la fluorose dentaire constituent un effet toxique que la majorité des membres du comité d'experts ont jugé conforme aux définitions courantes des effets néfastes sur la santé employées dans le cadre d'une évaluation des risques (NRC, 2006). Santé Canada considère la fluorose dentaire modérée (selon l'indice de Dean) comme un effet néfaste, en raison des problèmes d'ordre cosmétique potentiels qui y sont associés. On considère toujours que les meilleures données disponibles sur la relation dose-réponse entre le fluorure et la fluorose dentaire sur lesquelles on puisse se fonder dans cette évaluation des risques sont les données publiées par Dean et ses collaborateurs dans les années 1940, ainsi que les données compilées par Eklund et Striffler en 1980 (voir la section 10.1).

En 1993, un Groupe consultatif d'examen formé de chercheurs en médecine dentaire a examiné les données disponibles sur la relation entre l'apport quotidien en fluorure chez les enfants et la survenue de la fluorose dentaire. En se basant sur les conclusions de cet examen et sur les données relatives à l'âge où le risque de fluorose dentaire sur les dents antérieures permanentes est le plus élevé, Santé Canada avait alors estimé qu'un apport quotidien en fluorure inférieur ou égal à 122 µg/kg p.c./jour chez les enfants âgés de 22 à 26 mois (âge où le risque est le plus élevé) était peu susceptible d'entraîner une fluorose dentaire modérée à sévère au niveau des dents antérieures permanentes.

En 2007, Santé Canada a réuni un groupe d'experts qui devait présenter des recommandations sur l'approche à adopter en fonction des données scientifiques actuelles. Le groupe d'experts a recommandé que l'on fixe la dose journalière tolérable (DJT) de fluorure en se basant principalement sur l'apport total estimé en fluorure provenant des liquides et des aliments enregistré dans les années 1940, soit lorsque les enfants n'étaient exposés à aucune autre source importante de fluorure (Santé Canada, 2008). Ce niveau a été jugé approprié, car l'exposition au fluorure dans les années 1940 était accompagnée d'une faible incidence (~10 %) de fluorose dentaire légère ou très légère (Clark, 2006). On utilise donc les estimations établies en 1940 pour calculer la DJT permettant de prévenir la fluorose dentaire modérée (selon l'indice de Dean) chez les enfants âgés d'un à quatre ans :

  • une concentration de fluorure dans l'eau potable de 1,6 mg/L, soit la concentration à laquelle aucune fluorose dentaire modérée n'était observée dans les années 1940 selon les données publiées par Dean;
  • les meilleures valeurs de l'apport alimentaire pour traduire la situation qui prévalait dans les années 1940; et
  • la supposition que l'apport en fluorure provenant du sol et de l'air est environ le même aujourd'hui que dans les années 1940.
 
Description textuelle - Comment la DJT peut être calculée
La dose journalière admissible pour le fluorure est égale à 105,0 microgrammes par kilogramme de poids corporel par jour ou 0,105 milligrammes par kilogramme de poids corporel par jour. Cette valeur a été calculée en additionnant 98,5 microgrammes par kilogramme de poids corporel par jour avec 5,4; 1,19 et 0,01 microgrammes par kilogramme de poids corporel par jour.
 

Où :

  • 98,5 µg/kg p.c./jour est l'apport en fluorure provenant de l'eau potable dans les années 1940 : 1,6 mg/L, à un taux d'ingestion d'eau potable de 0,8 L/jour et un poids corporel (p.c.) de 13 kg (Santé Canada, 1994), (1 600 µg/L × 0,8 L/jour)/13 kg = 98,5 µg/kg p.c./jour;
  • 5,4 µg/kg p.c./jour est l'apport en fluorure provenant des aliments dans les années 1940 : selon les nouveaux calculs de Dabeka (2007b), en supposant que dans les années 1940, l'apport alimentaire pour un enfant d'un à quatre ans vivant dans une communauté où l'eau potable contenait ≈1,5 mg de fluorure/L aurait été d'environ 27 µg/kg p.c./jour (voir le tableau B-5). Comme on sait qu'environ 80 % de l'apport alimentaire en fluorure provenait des liquides (lesquels sont déjà inclus dans la valeur de 0,8 L/jour), on obtient un apport de 5,4 µg/kg p.c./jour provenant des aliments uniquement;
  • 1,19 µg/kg p.c./jour est l'apport en fluorure provenant du sol (le même qu'aujourd'hui);
  • 0,01 µg/kg p.c./jour est l'apport en fluorure provenant de l'air (le même qu'aujourd'hui).

Si l'on ajoute toutes les sources d'exposition pertinentes par rapport à l'époque de Dean, la DJT actualisée est d'environ 105 µg/kg p.c./jour. Cette valeur est la même que celle qu'a proposée le Groupe consultatif d'examen (1993) en se basant sur l'absence de fluorose dentaire modérée. Elle est aussi proche de la dose maximale tolérable fixée pour les nourrissons et les enfants de 8 ans et moins à 100 µg/kg p.c./jour par l'Institute of Medicine (IOM) aux États-Unis en fonction du même effet néfaste (IOM, 1997). Aucun facteur d'incertitude n'a été appliqué pour la dérivation de la DJT, car l'apport quotidien était fondé sur des études effectuées auprès du groupe d'âge le plus vulnérable de la population humaine.

 
Description textuelle - Comment la valeur basée sur la santé (VBS) en ce qui concerne le fluorure peut être calculée
La valeur basée sur la santé pour le fluorure est égale à 0,9 milligramme par litre (valeur arrondie). Cette valeur a été calculée en multipliant la dose journalière admissible (précédemment calculée) 0,105 milligrammes par kilogramme de poids corporel par jour par 13 kilogrammes de poids corporel, puis par 0,5. La valeur obtenue a par la suite été divisée par 0,8 litres par jour pour obtenir la valeur basée sur la santé.
 

Où :

  • 0,105 mg/kg p.c./jour est la DJT, telle que calculée plus haut;
  • 13 kg p.c. est le poids corporel moyen d'un enfant âgé d'un à quatre ans;
  • 0,50 est le facteur d'attribution fondé sur les données d'évaluation de l'exposition (voir le tableau 1) : de toutes les sources d'exposition, l'eau potable est responsable de 50 % de l'apport quotidien total en fluorure chez les enfants âgés d'un à quatre ans - l'autre 50 % provient principalement des aliments et de l'ingestion de dentifrice;
  • 0,8 L/jour est le taux d'ingestion d'eau potable chez les enfants d'un à quatre ans.

Il semble y avoir un certain écart entre l'incidence estimée des effets du fluorure dans la population et l'incidence réelle de la fluorose dentaire modérée et sévère. En se servant de données d'exposition récentes tirées de l'Iowa Fluoride Study, Levy et coll. (2006) ont estimé que plus de 20 % des nourrissons âgés de 1,5 à 9 mois avaient un apport combiné total en fluorure supérieur à 0,100 mg/kg p.c./jour. Ce pourcentage est toutefois de loin supérieur au pourcentage de nourrissons qui présentent une fluorose dentaire modérée/sévère (~1 %). On pourrait pourtant s'attendre à ce que la proportion de nourrissons dont l'exposition est supérieure à 0,100 mg/kg p.c./jour soit similaire à la proportion d'enfants qui présentent une fluorose dentaire modérée/sévère. 6 % à 8 % de tous les enfants de 24 à 48 mois avaient un apport combiné total en fluorure supérieur au seuil de 0,100 mg/kg p.c./jour. Une fois de plus, ces pourcentages sont de loin supérieurs au pourcentage d'enfants présentant une fluorose modérée/sévère (~1 %). À partir de ces résultats, Levy et coll. (2006) ont fait valoir que le seuil de 0,10 mg/kg p.c./jour n'était peut-être pas la limite inférieure de surconsommation de fluorure liée à la fluorose dentaire chez ces groupes d'âge. Ainsi, la DJT de 105 µg/kg p.c./jour pourrait être exagérément conservatrice pour protéger les enfants contre les formes modérée et sévère de la fluorose dentaire. Ces très faibles niveaux de fluorose dentaire modérée et sévère ont également été observés dans l'enquête canadienne récente (Santé Canada, 2010b), ce qui vient corroborer le fait que l'apport quotidien total de fluorure dans la population canadienne est inférieur à la DJT calculée.

La fluorose squelettique est l'effet néfaste le plus grave ayant été clairement associé à une exposition prolongée à des concentrations élevées de fluorure dans l'eau potable. La fluorose squelettique est susceptible d'être observée à des apports en fluorure supérieurs à environ 0,20 mg/kg p.c./jour (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1993b). Parmi les données probantes à l'appui de ce niveau d'exposition, mentionnons un petit nombre de rapports de cas de fluorose squelettique invalidante à la suite d'apports en fluorure d'environ 0,215 à 0,285 mg/kg p.c./jour pendant 20 ans et l'observation de fluorose squelettique de stade I chez des patients atteints d'ostéoporose traités au fluorure à des doses de 0,260 à 0,389 mg/kg p.c./jour. En outre, la dose avec effet (0,20 mg/kg p.c./jour) se situe dans les limites des apports quotidiens devant mener selon les prédictions (basées sur une modélisation) aux concentrations osseuses de fluorure associées à des effets squelettiques néfastes chez l'humain (Environnement Canada et Santé Canada, 1993b). Un examen de synthèse mené par l'IOM (1997) aux États-Unis a mis en évidence que la plupart des études épidémiologiques suggèrent qu'il faut un apport d'au moins 10 mg/jour pendant 10 ans ou plus pour produire les signes cliniques des formes légères de fluorose squelettique.

Selon un examen approfondi de la littérature scientifique, les données probantes sont insuffisantes pour démontrer l'existence d'un lien entre la consommation d'eau potable contenant 1,5 mg/L de fluorure et un quelconque effet néfaste sur la santé, y compris en matière de cancer, d'immunotoxicité, de toxicité pour la reproduction et le développement, de génotoxicité et de neurotoxicité. Les données probantes n'attestent pas non plus l'existence d'un lien entre le fluorure et un quotient intellectuel inférieur, les études disponibles comportant de grandes lacunes en termes de qualité, de crédibilité et de méthodologie. Ces conclusions correspondent aux conclusions et aux recommandations issues de la réunion du groupe d'experts sur le fluorure tenue au Canada en 2007 (Santé Canada, 2008).

11.1 Considérations internationales

Plusieurs organismes ont étudié la toxicité du fluorure et ont établi une valeur recommandée concernant le fluorure dans l'eau potable. L'Organisation mondiale de la santé a d'abord fixé cette valeur à 1,5 mg/L en 1984, en se basant sur un risque accru de fluorose dentaire inesthétique. L'OMS a maintenu cette même valeur en 1993 et en 2004, affirmant qu'aucune donnée probante ne donnait à penser qu'il fallait revoir la valeur recommandée. L'OMS a mentionné que dans les situations où les apports risquaient d'atteindre ou de dépasser 6 mg/jour, il serait approprié d'envisager d'établir une norme locale inférieure à 1,5 mg/L (OMS, 2004). En Australie, une valeur recommandée de 1,5 mg/L a été fixée pour protéger les enfants contre le risque de fluorose dentaire. Le gouvernement australien a mentionné qu'à des concentrations allant de 1,5 à 2,0 mg/L, des taches sur les dents causées par la fluorose dentaire pouvaient apparaître, parfois jusqu'à un niveau inesthétique (NHMRC, 2004). La concentration maximale de fluorure dans l'eau potable fixée par l'EPA aux États-Unis est de 4 mg/L (en cours de révision). Cette valeur a pour but de protéger la population contre la fluorose squelettique invalidante. Une concentration maximale secondaire de 2 mg/L a aussi été fixée, cette fois pour protéger la population contre la fluorose dentaire, une affection que l'EPA considère comme un problème d'ordre esthétique plutôt que comme un effet néfaste (U.S. EPA, 1986). En Californie, la concentration maximale de fluorure dans l'eau potable se situe entre 1,4 et 2,4 mg/L, selon la température ambiante (California Health and Safety Code, titre 22). La directive de l'Union européenne sur l'eau potable (1998) recommande une valeur de 1,5 mg/L dans le cas de l'eau contenant naturellement du fluorure et une valeur de 1,0 mg/L dans le cas de l'eau fluorurée artificiellement.

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