Page 3 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada: document technique – le nitrate et le nitrite

Partie II. Science et considérations techniques

4.0 Description, utilisation et sources dans l'environnement

4.1 Description

Le nitrate (NO3¯) et le nitrite (NO2¯) sont des ions très répandus et présents de manière naturelle dans l'environnement. Tous deux sont produits par l'oxydation de l'azote, dans le cycle nécessaire à tous les organismes vivants pour produire des molécules organiques complexes telles que les protéines et les enzymes (Environment Canada, 2003; CIRC, 2010).

On peut exprimer les concentrations de nitrate et de nitrite sous deux formes : comme concentration d'ions (c'est-à-dire en mg de NO3¯/L ou en mg de NO2¯/L), ou comme concentration d'azote élémentaire (N) [c'est-à-dire en mg de NO3-N/L ou en mg de NO2-N/L]. De manière plus précise, 1 mg de NO3¯/L équivaut à 0,226 mg de NO3-N/L, et 1 mg de NO2¯/L équivaut à 0,304 mg NO2-N/L (Pfander et coll., 1993; OMS, 2007). Ainsi, 10 mg de NO3-N/L équivalent à approximativement 45 mg de NO3¯/L, et 1 mg de NO2-N/L équivaut à 3,29 mg de NO2¯/L. Sauf indication contraire, les unités de concentrations sont indiquées telles qu'elles figurent dans les publications, et leur équivalent en concentrations d'ions (nitrate ou nitrite) figure entre parenthèses lorsque cela est utile. Pour obtenir la concentration ionique équivalente, il suffit de multiplier une concentration donnée le facteur de conversion approprié, tel qu'indiqué dans le tableau 1 ci-dessous :

Tableau 1. Facteurs de conversion de concentration par espèce chimique (Pfander et coll., 1993 )
Espèce chimique Facteur de conversion
Nitrate de sodium (NaNO3) 0,729
Nitrate de potassium (KNO3) 0,614
Nitrite de sodium (NaNO2) 0,667
Nitrite de potassium (KNO2) 0,541

Bien que le nitrate soit la forme la plus stable d'azote oxydé, en conditions anaérobies et en présence d'une source de carbone, il peut être réduit en nitrite par l'action des microbes; le nitrite est relativement instable et modérément réactif. Lorsqu'il y a peu d'oxygène, le processus de dénitrification réduit le nitrite en azote gazeux (Appelo et Postma, 1996).

La nitrification est un processus en deux étapes suivant lequel l'ammoniac est oxydé en nitrite, ceux-ci étant ensuite oxydés par des bactéries oxydant l'ammoniac (BOA) et des bactéries oxydant le nitrite (BON), respectivement (U.S. EPA, 2002a; CIRC, 2010); ces bactéries sont sans effet sur la santé. Le processus de nitrification est décrit par les équations ci-dessous (U.S. EPA, 2002a).

L'équation chimique représentant la réaction entre l'ammoniac et l'eau qui produit du nitrite, des ions hydrogène et des électrons libres.

NH3 + O2 → NO2‾ + 3H+ + 2e‾

L'équation chimique représentant la réaction entre le nitrite et l'eau qui produit du nitrate, des ions hydrogène et des électrons libres.

NO2‾ + H2O → NO3‾ + 2H+ + 2e‾

Outre la nitrification bactérienne, la minéralisation et l'hydrolyse peuvent transformer les sources organiques d'azote, comme les matières organiques dans le sol, le fumier et les engrais à base d'urée, en nitrate (Ward et coll., 2005a; Cartes et coll., 2009).

Dans le répertoire du Chemical Abstracts Service, le nitrate et le nitrite portent respectivement les numéros 14797-55-8 et 14797-68-0. Leur masse moléculaire est respectivement de 62,00 et de 46,01 (U.S. EPA, 2011).

4.2 Utilisations et sources principales

Dans l'environnement, le nitrate et le nitrite se forment tant naturellement que par des processus anthropiques. Le nitrate et le nitrite sont des produits de l'oxydation naturelle de l'azote (qui compose approximativement 78 % de l'atmosphère de la Terre) par les microorganismes dans les végétaux, le sol et l'eau et, dans une moindre mesure, par les éclairs (OMS, 2007; CIRC, 2010).

Les processus anthropiques sont les sources les plus répandues de nitrate et de nitrite. On peut citer parmi ces sources les activités agricoles (dont l'utilisation d'engrais inorganiques au nitrate de potassium ou d'ammonium ainsi que de fumier contenant du nitrates organiques), le traitement des eaux usées, les déchets azotés dans les excréments des humains et des animaux, ainsi que les rejets provenant des procédés industriels et des véhicules motorisés (Environnement Canada, 2003; OMS, 2007; Keeney et Hatfield, 2008). Le nitrate et le nitrite peuvent être produits par nitrification dans l'eau à la source ou dans les réseaux de distribution, lorsque de l'ammoniac est employé aux fins de la désinfection à la chloramine (Kirmeyer et coll., 1995; U.S. EPA, 2006a; OMS, 2007).

Outre leur utilisation dans les engrais agricoles, les sels de nitrate et de nitrite sont utilisés depuis des siècles pour la salaison et la conservation des viandes et du poisson ainsi que pour la fabrication de certains fromages. Le nitrate sont également employés dans des applications industrielles comme agent oxydant (par exemple dans la production d'explosifs), et on utilise souvent du nitrate de potassium purifié dans la fabrication du verre (OMS, 2007). Dans le passé (pendant les années 1930), on administrait de fortes doses de nitrate d'ammonium comme diurétique à des fins médicales, jusqu'à ce que des cas de méthémoglobinémie soient signalés (L'hirondel et L'hirondel, 2002).

Des efforts déployés collaborativement par le Canada et les États-Unis dans le cadre de la Coopération au sujet des inventaires, des tendances et de la cartographie des émissions ont permis de déterminer que les émissions totales d'oxydes d'azote entre 1980 et 2010 étaient inférieures à 2,5 millions de tonnes au Canada. Les dépôts humides de nitrate étaient relativement semblables pour la période de 1990 à 1994 et la période de 1996 à 2000 (U.S. EPA, 2010).

On estime que le dépôt de nitrate en suspension dans l'air varie considérablement d'un endroit à l'autre au Canada. Le dépôt annuel total (sec et humide) de nitrate dans l'aquifère d'Abbotsford, en Colombie-Britannique, est évalué à 192 mg/m2 (1,92 kg/ha; McGreer et Belzer, 1999). Le dépôt humide d'azote est plus important dans l'Est du Canada, la moyenne annuelle sur 10 ans, pour la période de 1984 à 1994, se chiffrant à 3,44 kg N ha-1 a-1, cela à l'est de la frontière entre le Manitoba et l'Ontario, comparativement à 0,80 kg N ha-1 a-1 à l'ouest de cette frontière (Chambers et coll., 2001).

4.3 Devenir dans l'environnement

Des composés de l'azote sont formés dans l'air par les éclairs ou sont rejetés par les procédés industriels et les véhicules motorisés. Le nitrate est présent dans l'air sous forme d'acide nitrique, d'aérosols inorganiques et organiques, de gaz organiques et de radicaux nitrate (OMS, 2007). Le dépôt atmosphérique est une source de nitrate dans les eaux de surface de certains bassins hydrographiques; dans d'autres régions, la plus grande partie de dépôt atteint la terre ferme, et les ions nitrate sont ensuite transportés vers les eaux de surface (Environnement Canada, 2003; OMS, 2007; Keeney et Hatfield, 2008).

Même si des processus naturels peuvent générer de l'ammoniac, du nitrite et du nitrate dans les approvisionnements issus d'eaux de surface, il est plus courant de trouver du nitrate que du nitrite en milieu aquatique, car l'ion nitrite est plus instable que l'ion nitrate (Appelo et Postma, 1996; OEHHA, 1997; Dubrovsky et coll., 2010).

La quantité de précipitations, la profondeur de la nappe aquifère, la présence de matières organiques ainsi que d'autres propriétés physico-chimiques déterminent en grande partie le devenir du nitrate dans le sol (OMS, 2007). Ce sont principalement l'absorption et l'utilisation par les végétaux qui réduisent la quantité de nitrate dans le sol; les surplus de nitrate sont quant à eux facilement lessivés jusqu'aux eaux souterraines. L'ion nitrate porte une charge négative et n'est pas adsorbé sur les minéraux argileux ou les matières organiques, à moins que ceux-ci ne possèdent une grande capacité d'échange anionique, ce qui est peu courant au Canada. De manière générale, on suppose que le nitrate n'est pas adsorbé sur les particules du sol et qu'il est très mobile (Environnement Canada, 2003; OMS, 2007).

Les concentrations de nitrate dans les eaux souterraines varient en fonction de plusieurs facteurs, notamment l'utilisation des terres, le type de sol, les conditions géochimiques et l'âge de l'eau souterraine (Dubrovsky et Hamilton, 2010). Elles sont habituellement plus élevées que les concentrations dans les eaux de surface parce que les végétaux absorbent très peu de nitrate issu des eaux souterraines et parce que le carbone organique nécessaire à la dénitrification peut être limité dans ces eaux (Bouwer et Stoner, 2002; Dubrovsky et coll., 2010). Dans les eaux souterraines, on rapporte des concentrations de fond de nitrate qui varient entre 4 et 9 mg NO3¯/L (0,9 à 2 mg NO3-N/L) (Burkart et Stoner, 2003; OMS, 2007; Dubrovsky et coll., 2010). Les concentrations de fonds de nitrite sont en général moins de 0,01 mg NO2¯/L (0,03 mg NO2-N/L) et ont été rapportées comme ne dépassant pas 0,3 mg NO2¯/L (0,09 mg NO2-N/L) (OMS, 2007; DeSimone, 2009). Les niveaux de nitrate dans les lacs et les rivières du Canada dépassent rarement 4 mg NO3¯/L (0,9 mg NO3-N/L), et des échantillonnages à grande échelle aux États-Unis ont permis d'estimer une concentrations de fond de nitrate de 0,24 mg NO3-N/L (0,8 mg NO3¯/L) (Environnement Canada, 2003; Dubrovsky et coll., 2010) dans les ruisseaux. Dans les eaux de surface, les concentrations habituelles de nitrate se situent entre 0,2 et moins de 5 mg NO3-N/L. La présence de concentrations plus faibles de nitrate dans les eaux de surface est attribuable à la dilution par le ruissellement, à l'absorption par les plantes et aux processus de dénitrification (Cohn et coll., 1999).

Les sources d'azote agricoles et non-agricoles peuvent toutes deux faire augmenter les concentrations de nitrate jusqu'à plusieurs centaines de milligrammes par litre dans les eaux souterraines et les eaux de surface (Wakida, 2005; Keeney et Hatfield, 2008; Dubrovsky et coll., 2010). Cependant, les activités agricoles sont le plus souvent associées aux niveaux élevés de nitrate dans les eaux souterraines et de surface et ont récemment été l'objet d'études  scientifiques. Lorsque l'azote n'est pas entièrement absorbé par les cultures, de l'azote inorganique demeure dans le sol. L'azote résiduel dans le sol (ARS) se présente principalement sous forme de nitrate, lesquels sont facilement lessivés des sols jusque dans les eaux souterraines ou entraînés vers les eaux de surface par le ruissellement et par le drainage à l'aide de canalisations enterrées (Environnement Canada, 2003; Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2010). Une contamination par le nitrate peut également se produire lorsque les pâturages sont labourés à l'automne et que le sol est laissé en jachère pendant l'hiver. Le nitrate accumulés dans le sol, résultat de la minéralisation et de la nitrification, peuvent être lessivés jusque dans les eaux souterraines (Power et Schepers, 1989; McLenaghen et coll., 1996).

L'utilisation intensive d'engrais azotés en agriculture et le ruissellement qui l'accompagne ont généralement entraîné une augmentation de la pollution des eaux souterraines et de surface au fil du temps ((Dubrovsky et coll., 2010; Lindsey et Rupert, 2012). Une étude approfondie portant sur la présence et la distribution des nutriments dans les ruisseaux et les eaux souterraines aux États-Unis a révélé une concentration médiane de nitrate de 3,8 NO3-N/L (16,8 mg NO3¯/L) dans les ruisseaux des régions agricoles, soit un niveau six fois plus élevé que la concentration de fond. Les concentrations de nitrate dans l'eau souterraine des régions agricoles étaient aussi élevées, avec une concentration médiane de 3,1 mg NO3-N/L (13,7 mg NO3¯/L). La même étude a également trouvé que les concentrations de nitrates dans les eaux souterraines et de surface des régions urbaines étaient statistiquement plus élevées que les niveaux de fond; les auteurs ont attribués ces niveaux élevés aux effluents d'eaux usées provenant d'installations municipales ou industrielles, aux engrais utilisés sur les pelouses, les terrains de golf et les parcs, aux fosses septiques, et aux retombées atmosphériques (Dubrosky et coll., 2010).

C'est habituellement dans les puits privés d'une profondeur inférieure à 30 m et situés dans les régions où le sol est perméable que l'on enregistre des concentrations élevées de nitrate. Les concentrations de nitrate tendent à diminuer avec la profondeur du puits. Les types de puits le plus fréquemment contaminés sont les puits peu profonds forés ou creusés dans des aquifères libres (Johnson et Kross, 1990; Fitzgerald et coll., 2001; Ruckart et coll., 2008). Dubrovsky et coll. (2010) ont signalé que la probabilité d'avoir des concentrations de nitrate élevées était plus élevée dans les puits privés peu profonds situés à proximité de terres agricoles (présentes ou passées). Plus de 20 % des 406 puits dans cette catégorie avaient une concentration de nitrate au-dessus de 10 mg NO3-N/L (44,3 mg NO3¯/L). Les auteurs ont également indiqué que les conditions géochimiques ont une influence importante sur la présence de nitrate dans l'eau souterraine. On a rapporté une concentration médiane de nitrate de 5,5 NO3-N/L (24.4 mg NO3¯/L) dans les puits d'eau souterraine bien oxygénée situés dans des régions agricoles, mais la concentration était de moins de 0,05 NO3-N/L (0.22 mg NO3¯/L) dans des eaux moins oxygénées, malgré des apports en azote et des utilisations de sol similaires. Souvent, la présence de concentrations élevées de nitrate dans l'eau potable s'accompagne d'une contamination microbienne et d'une piètre qualité de l'eau (OEHHA, 1997; Fitzgerald et coll., 2001). Fitzgerald et coll. (2001) ont indiqué une corrélation entre la détection de coliformes totaux et des concentrations de nitrate élevées (> 10 mg/L) dans des puits privés.

Ruckart et coll. (2008) ont émis l'hypothèse que les concentrations de nitrate sont plutôt stables dans les eaux souterraines d'une année à l'autre, la variabilité d'un puits à l'autre étant principalement attribuable à des différences dans l'utilisation des sols et des engrais à proximité de la tête de puits, aux caractéristiques particulières des puits, comme la profondeur et les caractéristiques géologiques de l'aquifère, ainsi qu'à l'entretien du puits.

Le nitrite est un produit intermédiaire dans les processus de nitrification et de dénitrification qui peut être produit quand un de ces processus est incomplet. Cependant, le nitrite ne reste dans un environnement aqueux que dans une fourchette limitée de conditions de réduction-oxydation (Appelo et Postma, 1998; Rivett et coll., 2008). Les niveaux de nitrite sont généralement faibles dans les eaux souterraines et de surface, mais sa présence a été rapportée dans des sources d'eau situées à proximité d'afflux élevés d'azote ou lorsque les conditions de réduction-oxydation favorisent une dénitrification incomplète (c.-à-d., eaux usées, application de fumier) (DeSimone, 2008; Debrovsky et coll, 2010; Toccalino et coll., 2010). Dubrovsky et coll. (2010) ont observé des concentrations de nitrite au-dessus de 1 mg NO2-N/L (3,3 mg NO2¯/L) dans cinq ruisseaux sous l'influence d'effluents d'eaux usées. Forrest et coll. (2006) ont rapporté des concentrations de nitrite allant jusqu'à 10 mg NO2-N/L (32,9 mg NO2¯/L) dans de l'eau souterraine peu profonde sous un champ ayant reçu une application importante de fumier. Une analyse des systèmes d'eau potable aux États-Unis démontre que le nitrite peut être présent dans les approvisionnements d'eau potable. La concentration médiane de nitrite dans les systèmes d'eau souterraine et d'eau de surface aux États-Unis était respectivement de 0,02 and 0,03 mg NO2-N/L (0,07 et 0,1 mg NO2¯/L). Cependant, plus de 635 systèmes d'eau de surface et d'eau souterraine ont rapporté au moins une détection supérieure à 1 mg NO2-N/L (3,3 mg NO2¯/L), et 1353 autres systèmes ont rapporté des détections de niveaux supérieurs à 0,5mg NO2-N/L (1,6 mg NO2¯/L) (U.S. EPA, 2009c).

Le nitrate et le nitrite peuvent être formés suite à la nitrification de l'excès d'ammoniac qui est naturellement présent dans l'eau à la source et qui n'est pas éliminé avant la désinfection, ou dans les systèmes où l'on ajoute de l'ammoniac dans le cadre de la désinfection secondaire par chloramination. La nitrification dans le réseau de distribution peut accroître les niveaux de nitrite de 0,05 à 0,5 mg NO2-N/L (0,16-1,6 mg NO2¯/L), et on a déjà enregistré des hausses supérieures à 1 mg NO2-N/L (3,3 mg NO2¯/L), en particulier dans les parties du réseau de distribution où l'eau stagne (Wilczak et coll., 1996; Zhang et coll., 2009b).

5.0 Exposition

Les Canadiens peuvent être exposés au nitrate et au nitrite présents dans l'eau potable, les aliments, l'air et le sol. De plus, certains segments de la population peuvent être exposés par l'utilisation de produits de consommation précis. La principale voie d'exposition au nitrate et au nitrite est, pour l'ensemble de la population, l'ingestion de nourriture; la deuxième voie d'exposition en importance est l'ingestion d'eau potable. Environ 5 à 8 % du nitrate ingéré est réduit en nitrite par les bactéries orales (d'après la compilation dans Walker, 1996; Mensinga et coll., 2003). Le nitrite formé par réduction du nitrate est à l'origine d'approximativement 80 % de l'exposition totale au nitrite, le reste étant attribuable à des sources exogènes directes.

5.1 Eau

La concentration de nitrate dans les eaux de surface est généralement inférieure à 18 mg/L (équivalant à 4 mg NO3-N/L). Toutefois, des données récentes provenant de divers pays d'Europe indiquent que les concentrations de nitrate dans les eaux de surface ont graduellement augmenté au cours des dernières décennies, et qu'elles ont dans certains cas doublé en 20 ans (OMS, 2007). Le ruissellement d'origine agricole, le drainage de décharge de déchets ainsi que la contamination par des excréments d'origine humaine ou animale expliquent l'accroissement progressif des concentrations de nitrate dans les eaux de surface et les eaux souterraines (Liebscher et coll., 1992; OMS, 2007). Dans la plupart des pays, les concentrations de nitrate dans l'eau potable provenant d'eaux de surface ne dépassent généralement pas 10 mg/L  (2,3 mg NO3-N/L).

Les données recueillies dans le cadre des programmes de surveillance de plusieurs provinces au fil des ans ont permis de dresser un portrait de la présence de nitrate dans l'eau potable au Canada et de sa distribution géographique. Par exemple, une enquête effectuée en 1982 sur les approvisionnements d'eau en Nouvelle-Écosse a mis en évidence des concentrations détectables de nitrate (> 0,05 mg/L) dans seulement 30 % des échantillons d'eau potable du réseau public recueillis à 143 sites, une valeur maximale de 2 mg/L ayant été enregistrée à un site (NSDH, 1982). Au cours de l'été 1983, seuls 6 des 59 échantillons d'approvisionnements d'eau municipaux prélevés au Nouveau-Brunswick (10,2 %) contenaient des concentrations de nitrate supérieures à 4,4 mg/L, et un seul échantillon (1,7 %) renfermait une concentration de nitrate supérieure à 44 mg/L. L'analyse de 1 996 échantillons provenant d'approvisionnements d'eau potable homologuées et municipales en Nouvelle-Écosse et prélevés entre 2000 et 2009 a révélé que le pourcentage d'échantillons renfermant des concentrations mesurables de nitrate était de 62 %, la concentration moyenne s'établissant à 5,8 mg/L; les concentrations de nitrate dépassaient 45 mg/L dans 19 échantillons (1 %) (Nova Scotia Environment, 2010).

Les données obtenues auprès de diverses autorités pour des sites d'échantillonnage sélectionnés permettent de calculer certaines statistiques sur la présence de nitrate dans les systèmes d'eau potable au Canada pour la période de 10 ans allant de 2000 à 2009. Ces données non publiées obtenues des provinces et des territoires constituent un sous-ensemble des données issues des programmes de contrôle et de surveillance propres à chaque autorité. Même si ces données sélectionnées pourraient ne pas décrire de manière exacte la distribution statistique des concentrations de nitrate dans l'eau potable au Canada, elles donnent les concentrations moyenne et maximale (celle-ci étant indiquée entre parenthèses) de nitrate au-dessus de la limite de détection : Terre-Neuve-et-Labrador -- 1,8 mg/L (35,7 mg/L) (Newfoundland and Labrador Department of Environment and Conservation, 2010); Ontario -- 0,35 mg/L (18,8 mg/L) (Ministère de l'Environnement de l'Ontario, 2011); Yukon -- 0,6 mg/L (4,5 mg/L) (Yukon Environmental Health Services, 2010); Québec -- 3,7 mg/L (93 mg/L) (Ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, 2010); Nouvelle-Écosse -- 18,3 mg/L (207,8 mg/L) (Nova Scotia Environment, 2010); Saskatchewan -- 7,8 mg/L (93 mg/L) (Saskatchewan Water Security Agency, 2010); Île-du-Prince-Édouard -- 16,6 mg/L (289 mg/L) (Prince Edward Island Department of Environment, Labour and Justice, 2010); Manitoba -- 2,6 mg/L (126,7 mg/L); des données plus récentes du Manitoba (2009-2011) démontrent une concentration moyenne de nitrate dans l'eau traitée de 1,2 mg/L maximum de 35,7 mg/L) (Manitoba Conservation and Water Stewardship, 2011).

Dans une enquête nationale effectuée par Santé Canada en 2009 et 2010, les niveaux de nitrate et de nitrite ont été mesurés dans 130 échantillons d'eau brute et 130 échantillons d'eau traitée. On a décelé du nitrate dans 42,3 % des échantillons d'eau brute, à une concentration moyenne de 3,75 mg/L (concentration maximale de 23,9 mg/L) et dans 41,5 % des échantillons d'eau traitée, à une concentration moyenne de 3,6 mg/L (concentration maximale de 20,8 mg/L). Aucun des échantillons ne dépassait 45 mg/L nitrate. On a décelé du nitrite dans 11.5 % des échantillons d'eau brute, à une concentration moyenne de 0,05 mg/L (concentration maximale de 0,3 mg/L) et dans 6,9 % des échantillons d'eau traitée , à une concentration moyenne de 0,05 mg/L (concentration maximale de 0,3 mg/L) (Santé Canada, 2012).

En général, les concentrations de nitrate dans l'eau de puits sont supérieures à celles que l'on enregistre dans les approvisionnements provenant d'eau de surface (Liebscher et coll., 1992). En Nouvelle-Écosse, on a analysé 1996 échantillons d'eau potable provenant de systèmes d'eau potable enregistrés et municipaux prélevés pendant la période de 2000 à 2009. De ceux-ci, 471 provenaient d'une source d'eau de surface, 1 519 provenaient d'une source d'eau souterraine et la source des 6 autres échantillons n'était pas spécifiée. Pour les systèmes d'eau potable enregistrés et municipaux utilisant une source d'eau de surface, le niveau moyen de nitrate décelé était de 0,8 mg/L, avec une concentration maximale de 10,2 mg/L. Pour les systèmes d'eau potable enregistrés et municipaux utilisant une source d'eau souterraine, le niveau moyen de nitrate décelé était de 7,14 mg/L, avec une concentration maximale de 141,8 mg/L. De ces systèmes d'eau potable enregistrés et municipaux utilisant une source d'eau souterraine, seulement 19 échantillons (1,2 %) avaient une teneur de nitrate au-delà de 45 mg/L (Nova Scotia Environment, 2010).

La Nouvelle-Écosse avait mis en place un programme de surveillance du nitrate, dans lequel 1 356 échantillons d'eau de puits ont été analyses entre 1999 et 2009. La concentration moyenne de nitrate était de 30,8 mg/L. La concentration maximale annuelle de nitrate variait entre 113 et 207,8 mg/L. Les résultats indique que de 14,6 à 24,4 % des échantillons avaient une concentration de nitrate qui dépassait 45 mg/L (Nova Scotia Environment, 2010).

Au Nouveau-Brunswick, les concentrations de nitrate dans 20 % des 300 échantillons d'eau de puits recueillis dans une zone agricole en 1984 dépassaient 45 mg/L (Ecobichon et coll., 1985). Des concentrations très élevées de nitrate, allant jusqu'à 467 mg/L et jusqu'à 1 063 mg/L, ont été signalées pour certains échantillons d'eaux souterraines prélevés respectivement en Ontario (Egboka, 1984) et au Manitoba (Kjartanson, 1986). Une étude des caractéristiques de l'eau souterraine de sept bassins versants situés dans des régions agricoles de culture intensive a été effectuée au Québec. L'analyse des données obtenues indique une forte probabilité que les puits, et particulièrement les puits d'eau de surface, situés dans des régions agricoles soient plus affectés par les nitrates que les puits situés dans un autre bassin versant. Quinze des 59 puits surveillés dans le basin versant agricole, soit 25,4 %,  avaient une teneur Comparativement, des 34 puits dans le bassin versant utilisé comme contrôle, 14 avaient une concentration de nitrite-nitrate (mesurée sous forme d'azote) dépassant 1,5 mg/L; de ceux-ci, dont 4 dépassaient 3 mg/L, un seul dépassait 5 mg/L et aucun ne dépassait 10 mg/L (Gouvernement du Québec, 2004).

Une autre étude effectuée au Québec révèle que la culture intensive de la pomme de terre dans un sol sablonneux peut affecter la concentration de nitrate dans l'eau souterraine. On a trouvé de faibles concentrations de nitrate dans des échantillons sélectionnés au hasard : 14 (19,7 %) des 71 puits contenaient une concentration de nitrate égale ou supérieure à 3 mg NO3-N/L et 4 des puits (5,6 %) avaient des concentrations de nitrate dépassant 10 mg NO3-N/L. Cependant, dans les régions spécifiques de sol sablonneux (situées à moins de 2 km des champs de pommes de terre), on a trouvé des concentrations de nitrate de  3 mg NO3-N/L ou plus dans 41 (54,7 %) des 75 puits testés et de 10 mg NO3-N/L dans 10 (13,3 %) de ces puits. Selon cette etude, la contamination par le nitrate semble être concentrées dans la pointe filtrante des puits (Levallois et coll., 1998).

Dans certains cas, les études sur la qualité de l'eau souterraine ont porté sur la qualité de l'eau des puits privés situés sur des fermes. Une enquête de la qualité de l'eau souterraine de 1292 puits privés situés sur des fermes en Ontario, effectuée en 1992, rapporte que 14 % des puits contenaient des concentrations de nitrate dépassant 10 mg NO3-N/L (Goss et coll., 1998). De façon similaire, Fitzgerald et coll. (1997) ont rapporté que 6 % des échantillons prélevés de 816 puits de ferme en 1995 et 1996 contenaient des concentrations de nitrate dépassant 10 mg NO3-N/L. La concentration moyenne de tous les puits était de 2,23 mg NO3-N/L.

Au Manitoba, 12,5 % des échantillons d'eau brute provenant de puits, analysés entre 2002 et 2008 contenant des niveaux de nitrate dépassant 45 mg/L, comparé à 1,2 % des échantillons provenant d'approvisionnement d'eau de surface. Des données plus récentes démontrent qu'aucun approvisionnement au Manitoba ne dépassait 45 mg/L de nitrate pendant la période de 2009 à 2011 (Manitoba Conservation and Water Stewardship, 2011).

En Colombie-Britannique, les concentrations de nitrate étaient supérieures à 45 mg/L dans presque 60 % des 450 échantillons d'eau de puits prélevés dans la vallée du Fraser. Comme dans les approvisionnements d'eau de surface, les concentrations de nitrate dans les eaux souterraines en Colombie-Britannique semblent avoir graduellement augmenté entre 1975 et 1990 par suite de l'accroissement de la population et de l'utilisation agricole intensive des sols (Liebscher et coll., 1992). Une étude plus récente des niveaux de nitrate dans un aquifère important en Colombie-Britannique montre des niveaux de nitrate s'échelonnant entre 4,1 et 113,7 mg/L dans les puits domestiques et municipaux; 10 des 25 puits avaient des niveaux de nitrate dépassant 45 mg/L (Wassenaar et coll., 2005).

Bien que les concentrations de nitrate puissent être élevées dans l'eau potable, les concentrations de nitrite y sont normalement plus faibles. Les concentrations de nitrite dans l'eau potable sont habituellement de l'ordre de quelques milligrammes par litre ou moins (OMS, 2007). La chloramination peut accroître le potentiel de formation de nitrite dans les réseaux de distribution de l'eau potable. Le nitrite ne fait pas l'objet d'une surveillance systématique partout. Cependant, lorsque c'est le cas, les données de surveillance tirées des bases de données provinciales et territoriales montrent que l'on trouve rarement du nitrite dans les échantillons d'eau potable au Canada. Par exemple, dans une enquête menée par le ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick (1983), on a enregistré des concentrations de nitrite inférieures à 0,03 mg/L, la plus forte concentration signalée étant de 0,3 mg/L. Dans une autre enquête sur les sources d'eaux souterraines dans une zone agricole menée en 1984 (Ecobichon et coll., 1985), on a relevé des concentrations de nitrite supérieures à 3,3 mg/L dans un seul puits, tandis que dans 20 % des 300 échantillons d'eau de puits prélevés, les concentrations de nitrate dépassaient 44 mg/L. Cette concentration élevée de nitrite isolée était de toute évidence attribuable à une contamination des eaux de surface et au ruissellement du fumier au mois d'avril. En Nouvelle-Écosse, on a analysé 995 échantillons d'eau potable provenant de systèmes d'eau potable  enregistrés et municipaux prélevés pendant la période de 2000 à 2009 afin d'en déterminer la teneur en nitrites. La concentration moyenne calculée de nitrite était de 0,15 mg/L, avec une concentration de nitrite supérieure à 3,2 mg/L dans un seul échantillon (5 mg/L) (Nova Scotia Environment, 2010). Selon les données recueillies dans les autres provinces et territoires de 2000 à 2009, aucune concentration de nitrite n'excédait 3,2 mg/L et la concentration moyenne de nitrite était inférieure à 0,1 mg/L.

5.2 Aliments

On trouve du nitrite et du nitrate dans de nombreuses denrées alimentaires; il s'agit soit de composants présents naturellement dans les aliments, soit d'additifs ajoutés dans un but précis. Les légumes et les viandes de salaison constituent la principale source alimentaire de ces composés, qui peuvent aussi se retrouver, quoique dans une moindre mesure, dans le poisson et les produits laitiers. Le nitrate et le nitrite peuvent être utilisés comme agents de conservation dans certains produits alimentaires pour y empêcher la croissance de Clostridium botulinum (qui cause le botulisme) ou pour leur donner une couleur plus attrayante (couleur rose caractéristique des produits de salaison) (Food Safety Network, 2010).

Le nitrate peuvent être présents en fortes concentrations, soit de 200 à 2 500 mg/kg, dans les légumes et les fruits (Van Duijvenboden et Matthijsen, 1989). Les légumes constituent une source importante de nitrate; ils sont à l'origine de plus de 85 % de la consommation quotidienne moyenne de ces composés par les humains (Gangolli et coll., 1994). Nombre de légumes renferment des concentrations élevées de nitrate, dont la laitue, les épinards, les betteraves rouges, le fenouil, le chou, le persil, les carottes, le céleri, les pommes de terre, les concombres, les radis et les poireaux (Pennington, 1998). La concentration de nitrite dans les fruits et légumes est plus faible que la concentration de nitrate, soit moins de 10 mg/kg, et elle dépasse rarement 100 mg/kg (OMS, 2007). Cependant, les légumes qui ont des meurtrissures, qui ne sont pas correctement entreposés, qui sont marinés ou qui sont fermentés peuvent contenir des concentrations de nitrite allant jusqu'à 400 mg/kg (CIRC, 2010).

La viande fraîche contient normalement de faibles concentrations de nitrate et de nitrite (Walker, 1990). Cependant, la viande et les produits de salaison renferment des concentrations beaucoup plus élevées de nitrate et de nitrite, qui varient en fonction des quantités ajoutées à des fins de conservation et en fonction du procédé de salaison employé (Gangolli et coll., 1994). Les produits de viande peuvent contenir des concentrations de nitrate variant de < 2,7 à 945 mg/kg, et de nitrite variant de < 0,2 à 64 mg/kg (ECETOC, 1988). Santé Canada a limité les quantités de nitrite et de nitrate qu'il est permis d'ajouter aux produits de viande à 200 mg/kg (Food Safety Network, 2010).

On retrouve également du nitrate dans les produits laitiers, à des concentrations de < 3 à 27 mg/kg, ainsi que du nitrite à des concentrations de < 0,2 à 1,7 mg/kg (ECETOC, 1988). L'exposition totale au nitrate par le lait maternel est négligeable; les nourrissons alimentés au biberon consomment cependant de la préparation pour nourrissons reconstituée avec de l'eau potable, ce qui peut constituer une voie d'exposition importante (OEHHA, 1997).

Les concentrations de nitrate et de nitrite dans les denrées alimentaires ont été mesurées dans le cadre d'une étude sur l'alimentation totale menée en 2000 à Ottawa, en Ontario. On a trouvé des concentrations négligeables de nitrite dans le fromage, le fromage cottage, le beurre et la margarine. C'est dans les saucisses de Francfort et les autres saucisses que l'on a décelé les plus fortes concentrations de nitrite (15,1 mg/kg), ainsi que dans les viandes froides (11,6 mg/kg) et dans les saucisses à hot dog (11,1 mg/kg). Des concentrations élevées de nitrate ont également été mesurées dans les saucisses de Francfort et les autres saucisses (34,7 mg/kg) et dans les viandes froides (41,2 mg/kg), mais c'est dans les préparations pour nourrissons à base de soja que l'on a enregistré les concentrations les plus fortes de nitrate (45,9 mg/kg) et dans les repas préparés à base de viande, de volaille et de légumes (43,7 mg/kg) (Santé Canada, 2003a).

Une étude similaire sur l'alimentation totale menée en 2001 à St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador, portait également sur les concentrations de nitrate et de nitrite dans les denrées alimentaires. On a trouvé des concentrations négligeables de nitrite dans divers aliments, dont le fromage, le fromage cottage, la viande, la volaille et les œufs ainsi que la margarine. C'est dans les viandes froides que les concentrations de nitrite étaient les plus fortes, soit 6,78 mg/kg, ainsi que dans les saucisses de Francfort et les autres saucisses, soit 5,20 mg/kg. Les concentrations les plus élevées de nitrate ont été mesurées dans les plats congelés (6,68 mg/kg), ainsi que dans le fromage fondu (5,11 mg/kg) et dans les viandes froides (4,46 mg/kg). Dans cette étude, le niveau de nitrate dans les préparations pour nourrissons à base de soja était de 1,86 mg/kg, soit beaucoup plus faible que les niveaux identifiés dans l'étude effectuée à Ottawa. (Santé Canada, 2003b).

L'apport alimentaire total en nitrate et nitrite n'a pas été calculé dans les études de l'alimentation totale menées à Ottawa (2000) et à St. John's (2001). Cependant, l'apport alimentaire quotidien moyen au Canada a déjà été estimé à 44,3 mg, dans le cas du nitrate, et à 0,50 mg, dans celui du nitrite, d'après une enquête sur les habitudes alimentaires (Choi, 1985). Aux États-Unis, l'apport alimentaire quotidien moyen a été estimé, pour les adultes, entre 40 et 100 mg, dans le cas du nitrate, et entre 0,3 et 2,6 mg, dans celui du nitrite (OEHHA, 1997). Les autres estimations publiées de l'apport alimentaire dans divers pays se situent entre 53 et 350 mg pour le nitrate, et entre 0 et 20 mg pour le nitrite (Pennington, 1998).

5.3 Air

En 1990, la concentration annuelle moyenne de nitrate dans l'air ambiant était de 0,88 µg/m3 dans 34 collectivités, pour un total de 50 points d'échantillonnage au Canada (Environnement Canada, 1992). La tendance moyenne des concentrations de nitrate en aérosol mesurées à une station au Nunavut entre 1980 et 2007 était inférieure à 0,10 µg/m3. Les plus fortes concentrations de nitrate en aérosol mesurées à cet emplacement dans le Nord du Canada étaient d'environ 0,40 à 0,55 µg/m3 entre 2000 et 2005 (Environnement Canada, 2010). Les concentrations de nitrite ont été mesurées sur une base mensuelle à Edmonton, en Alberta, de novembre 1982 à octobre 1983.

Les concentrations de nitrate dans l'atmosphère ont été mesurées pendant plusieurs années dans le cadre d'un échantillonnage en continu au sein d'un réseau dans des îles du Pacifique (Prospero et Savoie, 1989). Les concentrations annuelles moyennes de nitrate en aérosol variaient entre 0,11 et 0,36 µg/m3 pour toutes les stations. Les plus faibles concentrations (moyenne de 0,11 µg/m3) ont systématiquement été enregistrées à 3 stations du Pacifique Sud, où l'effet des sources continentales est à son minimum, tandis que les concentrations les plus élevées de nitrate (moyenne de 0,36 µg/m3) ont été relevées dans le centre du Pacifique Nord.

Aux Pays-Bas, les concentrations mensuelles moyennes de nitrate dans l'atmosphère ont été mesurées grâce à un réseau de surveillance de l'été 1979 à l'hiver 1986. Les concentrations enregistrées allaient de 1,5 à 9,1 µg/m3 (Janssen et coll., 1989).

5.4 Produits de consommation

On a signalé qu'une exposition au nitrate et au nitrite pouvait être associée à certains médicaments et au nitrite d'amyle administré par inhalation. Les médicaments cités dans les cas d'effets toxiques associés au nitrate et au nitrite comprennent les dérivés de la quinine (antipaludéens), la nitroglycérine, le sous-nitrate de bismuth (antidiarrhéique) et les dinitrate et tétranitrate d'isosorbide (vasodilatateurs). De plus, les nourrissons et les enfants peuvent être exposés au nitrate par l'application de nitrate d'argent, utilisé dans le traitement des brûlures (ATSDR, 2007). Il a aussi été signalé que certains produits ménagers contenant du nitrites d'amyle, de butyle, d'isobutyle et de cyclohexyle, par exemple les assainisseurs d'air et autres désodorisants, pouvaient être inhalés de manière délibérée par les adolescents et les adultes (U.S. EPA, 2007a).

5.5 Sol

Les études publiées ne fournissent pas de renseignements sur l'exposition de la population générale au nitrate et au nitrite dans le sol. Les concentrations d'azote inorganique résiduel dans le sol au Canada, principalement sous forme de nitrate, sont indiquées dans certaines publications (Drury et coll., 2007; Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2010). Cependant, comme le nitrate est extrêmement soluble et est peu retenu dans le sol, il est facilement lessivé jusque dans les eaux souterraines ou les eaux de surface (CIRC, 2010). Par conséquent, l'étude de l'exposition au nitrate dans l'environnement a surtout été axée sur sa présence dans les eaux souterraines et les eaux de surface. Une étude de portée nationale sur le risque de contamination de l'eau par l'azote en excès dans le sol a révélé que dans certaines régions agricoles au Canada, les concentrations de nitrate dans l'eau de drainage pouvaient dépasser 10 mg NO3-N/L lorsqu'un excès d'azote était présent dans le sol (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2010).

6.0 Méthodes d'analyse

À l'heure actuelle, trois méthodes sont approuvées par la United States Environmental Protection Agency (EPA) (méthode 300.0, révision 2.1, méthode 300.1, révision 1.0, méthode 352.1 et méthode 353.2, révision 2.1) pour l'analyse du nitrate et du nitrite dans l'eau potable (U.S. EPA, 2007b). Les méthodes suivantes, élaborées par des organisations de normalisation consensuelle à caractère volontaire, peuvent aussi être employées pour l'analyse du nitrate et du nitrite. Les méthodes citées dans les 18e, 19e, 20e et 21e éditions de l'ouvrage Standard Methods for Water and Wastewater ainsi que dans les versions en ligne, et certaines méthodes d'ASTM International ont été approuvées par l'EPA (2007b, 2009a) :

  • Chromatographie d'échange d'ions : SM 4110 B (APHA et coll., 1992, 1995, 1998, 2005), SM 4110-B-00 (APHA et coll., 2000), SM 4500-NO3-H-00 (APHA et coll., 2000), D4327-97 et D4327-03 (ASTM, 1997, 2003);
  • Méthodes automatisées de réduction du cadmium : SM 4500-NO3-F (APHA et coll., 1992, 1995, 1998, 2005), méthode en ligne SM 4500-NO3-F-00 (APHA et coll., 2000), D3867-99A (ASTM, 1999);
  • Méthodes manuelles de réduction du cadmium : SM 4500-NO3-E (APHA et coll., 1992, 1995, 1998, 2005), D3867-99B (ASTM, 1999);
  • Méthode automatisée à l'hydrazine : SM 4500-NO3-H (APHA et coll., 1992, 1995, 1998, 2005), SM 4500-NO3-H-00 (APHA et coll., 2000).

D'autres méthodes faisant appel à des techniques d'analyse différentes ont été élaborées pour l'analyse du nitrate ou du nitrite. Ces méthodes ont égaleme nt été approuvées par l'EPA (2009a) :

  • Méthodes avec électrode sélective pour l'analyse du nitrate : SM 4500-NO3-D (APHA et coll., 1992, 1995, 1998, 2005) et méthode en ligne SM 4500-NO3-D-00 (APHA et coll., 2000);
  • Méthodes spectrophotométriques pour l'analyse du nitrite : SM 4500-NO2-B (APHA et coll., 1992, 1995, 1998, 2005) et méthode en ligne SM 4500-NO2-00 (APHA et coll., 2000).

La méthode 300.0, révision 2.1 de l'EPA et la méthode 300.1, révision 1.0 font appel à la chromatographie d'échange d'ions, et leurs limites de détection sont de 0,002 mg NO3-N/L (équivalant à 0,009 mg NO3¯/L) pour le nitrate, et de 0,004 mg NO2-N/L (équivalant à 0,013 mg NO2¯/L) pour le nitrite. Ces méthodes consistent à injecter un petit volume d'échantillon (2 à 3 mL) dans un appareil de chromatographie d'échange d'ions à des fins d'analyse d'une série de substances inorganiques. Les anions visés sont séparés et leur concentration est mesurée à l'aide d'un système composé d'une colonne de garde, d'une colonne analytique, d'un dispositif de suppression et d'un détecteur de conductivité. Les échantillons dont on veut analyser la teneur en nitrate ou en nitrite isolément doivent être refroidis jusqu'à 4 °C et analysés dans les 48 heures; les échantillons destinés à l'analyse du nitrate et du nitrite combinés doivent être acidifiés à l'acide sulfurique jusqu'à un pH inférieur à 2, puis analysés dans les 28 jours (U.S. EPA, 1993).

APHA et coll. (1992, 1995, 1998, 2005) et ASTM (1997) ont deux méthodes normalisées équivalentes à la méthode 300.0, révision 2.1 : SM 4110 B et la méthode ASTM D4327-97, respectivement. Ces méthodes font appel à la chromatographie d'échange d'ions avec suppression chimique de la conductivité de l'éluant. Un échantillon traverse une série d'échangeurs d'ions, où les anions sont séparés en fonction de leur affinité relative pour un échangeur d'anions fortement basiques à faible capacité. Les anions séparés sont ensuite acheminés vers un dispositif de suppression et convertis en leur forme acide, avant que leur concentration soit mesurée par conductivité. Les LD pour le nitrate et le nitrite, avec la méthode ASTM D4327-97, ont été établies d'après une seule série de données obtenues dans un laboratoire de l'EPA : 0,002 mg NO3-N/L (équivalant à 0,009 mg NO3¯/L) pour le nitrate, et 0,004 mg NO2-N/L (équivalant à 0,013 mg NO2¯/L) pour le nitrite. Les LD pour le nitrate et le nitrite, avec la méthode SM 4110 B, sont fonction de la taille de l'échantillon et de l'échelle de conductivité employée dans l'analyse; toutefois, de manière générale, les concentrations minimales se situent autour de 0,1 mg-N/L (APHA et coll., 1998). Il est à noter, cependant, que, pour la version la plus récente des méthodes d'APHA et coll. (2005), on indique des LD de 0,0027 mg NO3-N/L (équivalant à 0,012 mg NO3¯/L) pour le nitrate, et de 0,0037 mg NO2-N/L (équivalant à 0,012 mg NO2¯/L).

Dans la méthode 353.2, révision 2.1 de l'EPA, on fait appel à une réduction automatisée du cadmium avec analyse par colorimétrie pour mesurer le nitrite seulement ou le nitrate et le nitrite combinés dans l'eau potable. Aucune LD n'est précisée pour cette méthode. Pour employer celle-ci, il faut effectuer une correction pour le nitrite présents en procédant une analyse sans l'étape de réduction. On fait passer un échantillon filtré sur une colonne cuivre-cadmium en granulés afin de réduire le nitrate en nitrite. Le nitrite forme alors un marqueur azo coloré, qui est analysé par colorimétrie. Les échantillons doivent être conservés dans l'acide sulfurique à un pH inférieur à 2 et refroidis jusqu'à 4 °C au moment de leur prélèvement (U.S. EPA, 1993).

La méthode normalisée SM 4500-NO3-F (APHA et coll., 1992, 1995, 1998, 2005) et la méthode ASTM D3867-99A (ASTM, 1999) font également appel à une réduction automatisée du cadmium avec analyse par colorimétrie et elles sont équivalentes à la méthode 353.2, révision 2.1 de l'EPA. La plage de détection indiquée pour la méthode SM 4500-NO3-F est de 0,01 à 1,0 mg NO3-N/L (équivalant à 0,04 à 4,4 mg NO3¯/L), et cette méthode est recommandée en particulier pour les cas où les concentrations de nitrate sont inférieures à 0,1 mg NO3-N/L (équivalant à 0,4 mg NO3¯/L), lorsque les autres méthodes ne sont pas suffisamment sensibles. Aucune LD n'est mentionnée (APHA et coll., 1998).

Deux méthodes manuelles par réduction du cadmium ont été approuvées pour l'analyse du nitrate et du nitrite : la méthode normalisée SM 4500-NO3-E (APHA et coll., 1995, 1998, 2005) et la méthode ASTM D3867-99B (ASTM, 1999). Suivant ces méthodes, le nitrate est réduit en nitrite en présence de cadmium par introduction manuelle d'un échantillon sur une colonne de réduction, puis sa concentration est mesurée par colorimétrie après ajout d'un réactif coloré. Aucune LD n'est indiquée pour ces méthodes.

La méthode normalisée SM 4500-NO3-D a également été approuvée pour l'analyse du nitrate à l'aide d'une électrode sélective. L'électrode sélective au nitrate est un détecteur sélectif qui répond à une activité des ions nitrate de 0,14 à 1 400 mg NO3-N/L (équivalant à 0,62 à 6 200 mg NO3¯/L). La méthode normalisée SM 4500-NO2-B est une méthode colorimétrique destinée à l'analyse du nitrite. Cette méthode permet de déterminer la concentration de nitrite grâce à la formation d'un marqueur azo coloré. Elle convient pour des concentrations de nitrite entre 5 et 1 000 µg NO2-N/L (équivalant à 16,4 à 3 286 µg NO2¯/L). Aucune LD n'est précisée pour ces méthodes (APHA et coll., 1995).

Le seuil pratique d'évaluation quantitative (SPEQ) courant, établi par l'U.S. EPA, fondé sur la capacité des laboratoires à mesurer les concentrations de nitrate et de nitrite dans des limites acceptables de précision et d'exactitude, est de 0,4 mg N/L (U.S. EPA, 1991). Le SPEQ pour le nitrate a été établi à partir de données issues d'études faites par Water Supply avant la rédaction de la réglementation finale. Vu l'absence de données sur l'efficacité de l'analyse du nitrite, on a adopté pour le SPEQ du nitrite la même valeur que pour le nitrate, étant donné que les méthodes d'analyse employées sont similaires dans les deux cas (U.S. EPA, 1991). Récemment, dans le cadre de l'examen sur 6 ans effectué par l'U.S. EPA, on a procédé à une évaluation des données analytiques relatives au nitrate et au nitrite dans le Performance Evaluation Program. L'U.S. EPA a attribué des notes variables aux laboratoires analysant des échantillons au SPEQ actuel de 0,4 mg NO3-N/L (équivalant à 1,8 mg NO3¯/L) et, par conséquent, n'a pas recommandé de baisse de ce SPEQ. Cependant, pour les données sur le nitrite, les laboratoires qui analysaient des échantillons contenant des concentrations de 0,4 mg NO2-N/L (équivalant à 1,3 mg NO2¯/L) ont obtenu une note supérieure à 75 %, ce qui ouvre la porte à une possible réduction du SPEQ (U.S. EPA, 2009b).

7.0 Techniques de traitement

Le nitrite est relativement instable; il est rapidement converti en nitrate en présence d'oxygène, et sa concentration dans l'eau à la source n'est généralement pas élevée. Habituellement, la concentration de nitrite dans les eaux de surface et dans les eaux souterraines est largement inférieure à 0,1 mg NO2-N/L (équivalant à 0,3 mg NO2¯/L; U.S. EPA, 2002b). Par conséquent, les méthodes de traitement de l'eau potable sont surtout axées sur le traitement du nitrate, et peu de méthodes destinées au traitement du nitrite sont signalées (ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1994). Nombre des techniques de traitement abordées ci-dessous devraient cependant être efficaces pour le nitrite comme pour le nitrate. Le nitrite est plus fréquent dans les réseaux de distribution des usines de traitement des eaux municipales qui ont recours à une désinfection secondaire par chloramination. Les concentrations de nitrite et, dans une moindre mesure, de nitrate dans le réseau de distribution peuvent être importantes lorsqu'il y a nitrification (Cunliffe, 1991; Kirmeyer et coll., 1995, 2004; OMS, 2007; Zhang et coll., 2009b).

Les moyens dont on dispose pour réduire les concentrations de nitrate lorsqu'elles sont supérieures à 10 mg NO3-N/L (équivalant à 45 mg NO3¯/L) dans la source d'eau potable comprennent le mélange d'eaux riches en nitrate avec des eaux pauvres en nitrate, l'élimination du nitrate par des procédés de traitement au niveau municipal ou au niveau résidentiel, ainsi que le recours à d'autres sources faibles en nitrate. Il existe également des moyens permettant de réduire la présence de nitrite dans les réseaux de distribution où se produit une nitrification (Kirmeyer et coll., 1995; Skadsen et Cohen, 2006).

Les procédés de traitement conventionels de l'eau employés dans les usines municipales de traitement d'eaux (coagulation, sédimentation, filtration et chloration) ne suffisent pas à éliminer le nitrate (Dahab, 1991; Kapoor et Viraraghavan, 1997; Beszedits et Walker, 1998; MWH, 2005; OMS, 2007). Le nitrate est un ion stable et très soluble, et son potentiel de coprécipitation et d'adsorption est faible. Les techniques permettant d'éliminer le nitrate dans les sources d'approvisionnement en eau municipales comprennent l'échange d'ions, la dénitrification biologique, l'osmose inverse et l'électrodialyse (Dahab, 1991; Kapoor et Viraraghavan, 1997; Beszedits et Walker, 1998; Shrimali et Singh, 2001; MWH, 2005). Les procédés de traitement capables d'enlever le nitrate dans les systèmes résidentiels incluent l'osmose inverse, la distillation et l'échange d'ions.

7.1 Échelle municipale

Selon la conception et le fonctionnement de l'usine de traitement, l'échange d'ions, la dénitrification biologique, l'osmose inverse et l'électrodialyse sont des procédés capables d'éliminer plus de 80 % du nitrate dans l'eau (Beszedits et Walker, 1998) pour atteindre des concentrations de nitrate aussi faibles que 3 mg NO3-N/L (équivalant à 13 mg NO3¯/L) dans l'eau traitée. L'échange d'ions, l'osmose inverse et la dénitrification biologique sont les techniques de traitement les plus courantes pour enlever le nitrate de l'eau potable à l'échelle municipale (Dahab, 1991; Green et Shelef, 1994; Clifford et Liu, 1995; Wachinski, 2006). Bien que l'électrodialyse soit moins répandue, elle est également efficace pour réduire les concentrations de nitrate dans l'eau potable (Dahab, 1991; Hell et coll., 1998). On retrouve de l'information détaillée sur l'efficacité et les considérations opérationnelles des diverses techniques de traitement destinées à enlever le nitrate dans les revues scientifiques effectuées par Dahab (1991), Clifford et Liu (1995), Kapoor et Viraraghavan (1997), Meyer et coll. (2010) et Seidel et coll. (2011).

Le choix d'un procédé de traitement approprié pour un approvisionnement en eau donné dépend de nombreux facteurs, notamment les caractéristiques de l'approvisionnement en eau brute, la source et la teneur en nitrate et en nitrite, les conditions d'application de la méthode de traitement en question ainsi que des objectifs des services publics quant au traitement. Bien que les usines de traitement aient été conçues et exploitées à l'origine pour réduire la concentration de nitrate juste sous les 10 mg NO3-N/L (équivalant à 45 mg NO3¯/L), ces techniques permettent systématiquement d'atteindre des concentrations de nitrate de 5 mg NO3-N/L (équivalant à 22 mg NO3¯/L). Les usines de traitement devraient s'efforcer de réduire le plus possible les concentrations de nitrate dans l'eau traitée.

7.1.1 Échange d'ions

L'échange d'ions est un procédé physico-chimique suivant lequel les ions dans l'eau brute sont remplacés par des ions dans la phase solide d'une résine. À l'heure actuelle, l'échange d'ions est le procédé le plus couramment utilisé pour éliminer le nitrate à l'échelle municipale. Plusieurs études ont montré que ce traitement élimine efficacement le nitrate dans l'eau potable (Lauch et Guter, 1986; Richard, 1989; Fletcher et coll., 1991; Rogalla et coll., 1991; Andrews et Harward, 1994; Clifford et Liu, 1995; Ruppenthal, 2004, 2007; Wang et coll., 2007). Un procédé classique d'échange d'ions consiste à échanger les ions nitrate (anions) dans l'eau à la source par les ions chlorure d'une résine (Clifford, 1999; Wachinski, 2006). À mesure que le nitrate déloge le chlorure dans la résine, la capacité d'absorption du nitrate de la résine est peu à peu épuisée, ce qui fait que les concentrations de nitrate dans l'eau traitée augmenteront avec le volume d'eau traitée (infiltration de nitrate). Lorsque la résine a atteint sa pleine capacité (c'est-à-dire lorsque le nitrate commence à être présent en concentrations importantes à la sortie de la colonne), la résine doit être régénérée à l'aide d'une solution de chlorure de sodium (sel) pour renverser le processus. La régénération produit un rejet de saumure renfermant des concentrations élevées de nitrate, qui doit être éliminé de manière adéquate.

Les résines échangeuses d'ions ont une affinité variable pour les divers ions, selon la concentration des ions en solution et le type de résine choisi. Pour l'élimination du nitrate, on utilise habituellement des résines à anions fortement basiques et des résines sélectives au nitrate. La capacité d'échange ionique et la sélectivité de la résine sont des considérations importantes lorsqu'on choisit une résine. Les résines échangeuses d'anions fortement basiques classiques ont une affinité plus grande pour les ions sulfate que pour les ions nitrate. Par conséquent, l'efficacité de ces résines peut être limitée en présence d'une forte concentration de sulfate dans l'eau à la source. Clifford (1990, 2011) a signalé que le nombre de fois que le volume du lit de colonne peut être traité avant infiltration de nitrate peut diminuer considérablement en présence de sulfate. Une diminution de plus de 120 fois le volume du lit a été observée lorsque la concentration de sulfate dans l'eau à la source était de 100 mg/L, par comparaison avec une concentration de 40 mg/L. Un délestage de la colonne peut se produire lorsque le système est laissé en fonction après infiltration de nitrate, ce qui fera en sorte que la concentration de nitrate à la sortie de la colonne sera plus grande qu'à l'entrée parce que les ions sulfate remplaceront les ions nitrate dans la résine. L'utilisation en parallèle de colonnes d'échange d'ions à différents degrés d'épuisement peut accroître le temps de passage sur la colonne et limiter le phénomène de délestage (Clifford, 2011). En outre, des résines sélectives au nitrate ont été mises au point; elles peuvent constituer un choix plus judicieux lorsque les concentrations de sulfate dans l'eau à la source sont grandes (Guter, 1981, 1995; Liu et Clifford, 1996).

La dérivation à des fins de mélange est une pratique courante dans le traitement du nitrate par échange d'ions : il s'agit de faire en sorte qu'une portion du flux entrant contourne l'unité de traitement et de mélanger ensuite l'eau ayant emprunté ce circuit de dérivation avec l'eau traitée (Clifford, 1999). Comme les résines échangeuses d'ions sont capables de produire de l'eau traitée contenant des concentrations minimes de nitrate, la dérivation est un moyen utilisé pour réduire les coûts de traitement tout en atteignant la concentration prescrite (par la réglementation. Selon la concentration de nitrate dans l'influent, les usines de traitement des eaux dérivent entre 10 % et 50 % de l'eau d'arrivée (Clifford, 1990, Clifford et coll., 2011). Une autre méthode employée pour réduire les coûts de fonctionnement des usines de traitement faisant appel à l'échange d'ions est la régénération partielle de la résine, qui consiste à retirer en général seulement 50 à 60 % du nitrate fixé sur la résine par l'échange (Clifford et Liu, 1995). Ainsi, il reste du nitrate dans l'eau traitée; cependant, cette pratique est acceptable tant que la concentration de nitrate demeure inférieure à la limite réglementaire, ou s'il y a mélange après dérivation. Les services publics doivent porter une attention particulière au degré d'infiltration de nitrate, au pourcentage de l'eau brute qui est dérivée pour éviter le traitement par échange d'ions, ainsi qu'au recours à une régénération partielle lorsqu'ils déterminent la plus faible concentration de nitrate qu'il est possible d'atteindre grâce au traitement par échange d'ions.

De nombreuses études sur l'utilisation de l'échange d'ions à pleine échelle dans les usines de traitement pour l'élimination du nitrate sont répertoriées dans la littérature (Lauch et Guter, 1986; Richard, 1989; Dahab, 1991; Fletcher et coll., 1991; Rogalla et coll., 1991; Clifford et Liu, 1995; Ruppenthal, 2004, 2007; Wang et coll., 2007). Le traitement à ces usines a été en général établi de manière à réduire le plus possible l'utilisation de solution de régénération et le volume des rejets de saumure produits par la dérivation d'un certain pourcentage de l'eau brute pour éviter son passage dans les unités d'échange d'ions et à faire fonctionner ces unités pour un degré d'infiltration de nitrate donné. Une usine faisant appel à l'échange d'ions à pleine échelle pour un volume de 3,8 ML/jour est en activité depuis 1984 et parvient à réduire les concentrations de nitrate dans l'eau souterraine de 15 mg NO3-N/L jusqu'à moins de 8 mg NO3-N/L (équivalant à 67 et 35 mg NO3¯/L; Lauch et Guter, 1986). Dans ce procédé, on emploie une résine échangeuse d'anions fortement basiques ayant une capacité d'approximativement 1,3 éq./L et 3 unités d'échange d'ions possédant un lit de résine de 0,9 m de profondeur; le temps de contact en fût vide est de 2,54 minutes pour chaque unité. Les unités d'échange d'ions produisent une eau traitée dont la concentration en nitrate se situe entre 2 et 5 mg NO3-N/L (équivalant à 9 à 22 mg NO3¯/L), la durée de fonctionnement étant de 260 fois le volume du lit de la colonne. Une concentration de 7 mg NO3-N/L (équivalant à 31 mg NO3¯/L) dans l'eau traitée à sa sortie de l'usine est atteinte grâce au traitement de 70 % de l'eau d'arrivée par échange d'ions et au mélange des 30 % résiduels avec l'eau traitée. La résine est partiellement régénérée à l'aide d'une solution de chlorure de sodium à 6 %, les rejets de saumure étant éliminés à l'usine de traitement des eaux usées municipale (Lauch et Guter, 1986). Une usine faisant appel à l'échange d'ions à pleine échelle pour un volume de 4,5 ML/jour qui traite une eau brute dont la teneur en nitrate est de 58 mg NO3¯/L (13 mg NO3-N/L ) a été capable de produire une eau traitée renfermant une concentration de nitrate de 45 mg NO3¯/L (équivalant à 10 mg NO3-N/L ) à l'aide d'une résine sélective au nitrate dans 3 unités en série suivies par un mélange avec de l'eau brute. L'eau sortant de l'usine après mélange était constituée de 70 % d'eau traitée par échange d'ions et de 30 % d'eau brute, l'infiltration de nitrate se produisant à environ 250 fois le volume du lit de la colonne. La résine était régénérée à l'aide d'une solution de chlorure de sodium à 6 %, les rejets de saumure étant évacués dans un cours d'eau (Andrews et Harward, 1994). Rogalla et coll. (1991) ont publié des données sur une usine faisant appel à l'échange d'ions capable d'atteindre des concentrations de nitrate plus faibles dans l'eau traitée sans avoir recours au mélange après dérivation. Une usine d'une capacité de 160 m3/h traitant des eaux de surface contenant des concentrations de nitrate entre 10 et 37 mg NO3-N/L (équivalant à 44 à 164 NO3¯/L) obtenait à des concentrations de 2,3 mg NO3-N/L (équivalant à 10,2 NO3¯/L) sans mélange. La capacité de la résine était de 1,2 éq./L et était épuisée après 400 fois le volume du lit. Les rejets de solution de régénération de la colonne étaient acheminés à l'usine de traitement des eaux usées municipales (Rogalla et coll., 1991).

L'élimination de la solution de régénération de la colonne est une considération importante pour les usines de traitement par échange d'ions. Seidel et coll. (2011) ont envisagé plusieurs possibilités s'offrant aux services publics à cet égard, dont l'évacuation dans le réseau d'égouts, la réduction du volume de rejets grâce à des lits de séchage, l'évacuation vers des terres autorisées pour cet usage hors site, ainsi que l'injection en puits profond. Comme l'élimination de la saumure chargée de nitrate est généralement coûteuse, beaucoup de recherches ont été effectuées sur les moyens de réduire le volume de rejets de saumure grâce au recyclage ou au traitement des déchets. Plusieurs chercheurs ont examiné la possibilité de combiner l'échange d'ions et la dénitrification biologique afin de réduire la concentration de nitrate dans la saumure issue de la régénération (Liu et Clifford, 1996; Van der Hoek et coll., 1998; Lehman et coll., 2010). Dans ce procédé, le nitrate sont éliminés de l'eau à la source grâce à l'échange d'ions, après quoi on procède à une régénération au NaCl puis à une dénitrification biologique subséquente de la saumure afin d'en retirer le nitrate avant sa réutilisation. Liu et Clifford (1996) ont effectué une étude pilote portant sur l'efficacité d'un réacteur à fonctionnement discontinu pour la dénitrification biologique de la saumure après régénération. La saumure dénitrifiée a été filtrée. On y a ensuite ajouté du chlorure de sodium, avant de la réutiliser comme solution de régénération. Les résultats indiquent que la dénitrification et la réutilisation de la saumure étaient possibles avec des résines classiques et des résines sélectives au nitrate, et qu'elles permettaient de réduire la consommation de sels ainsi que les rejets dans une proportion supérieure à 90 %. Plus récemment, des essais pilotes ont montré que l'échange d'ions avec dénitrification de la saumure à l'aide d'un réacteur à lit fluidisé suivi de la réutilisation de la saumure peut être employé de manière efficace dans le traitement du nitrate (Lehman et coll., 2010).

D'autres solutions avant-gardistes pour la gestion des concentrations élevées de nitrate dans l'eau à la source ont été mises en application. Jones et coll. (2007) ont publié des résultats sur la combinaison de l'échange d'ions, du mélange de deux sources d'eau différentes et du stockage de l'eau d'approvisionnement avec la dénitrification biologique pour réguler les concentrations de nitrate dans l'eau traitée. Au printemps, lorsque les concentrations de nitrate dans les eaux souterraines sont de 13,9 mg NO3-N/L (équivalant à 62 mg NO3¯/L), l'eau de puits à la première usine est additionnée d'eaux de surface pauvres en nitrate provenant d'une carrière de gravier à proximité avant sa filtration et sa désinfection. Une seconde usine de traitement tire l'eau d'une galerie d'infiltration située non loin d'une source d'approvisionnement en eaux de surface dont la concentration saisonnière en nitrate peut atteindre 18 mg NO3-N/L (équivalant à 80 mg NO3¯/L). La concentration maximale de nitrate correspondante, enregistrée dans l'eau de la galerie d'infiltration, était de 10 mg NO3-N/L (équivalant à 45 mg NO3¯/L). Cette concentration plus faible en nitrate est obtenue grâce à la filtration sur berge et à la dénitrification biologique de l'eau du bassin de décantation infiltrée dans la galerie.

D'un point de vue opérationnel, le traitement par échange d'ions exige de porter une attention particulière à l'infiltration de nitrate et au délestage de la colonne, à l'élimination de la solution de régénération de la résine et à la corrosivité accrue de l'eau traitée (Clifford, 1990; Dahab, 1991; Clifford et coll., 2011). Le remplacement des ions nitrate, sulfate et bicarbonate par des ions chlorure peut entraîner un déséquilibre des minéraux dans l'eau, lequel est susceptible d'accroître la corrosivité de l'eau traitée (Schock et Lytle, 2011). Ce problème est principalement attribuable à l'accroissement des concentrations de chlorure et à sa possible incidence sur l'équilibre du carbonate de calcium (c'est-à-dire sur la dureté et la capacité tampon). Dans certains cas, on peut devoir appliquer des mesures de correction de la corrosion après le traitement pour éviter que des problèmes de corrosion ne surviennent dans le réseau de distribution après le traitement par échange d'ions (Schock et Lytle, 2011). Les services publics doivent aussi être conscients de la possibilité de libération de nitrosamines par les résines qui est associée à l'utilisation de résines échangeuses d'anions fortement basiques. Kemper et coll. (2009) ont constaté que les nouvelles résines ou les résines exposées à des désinfectants (chlore et chloramines) peuvent libérer des nitrosamines, ce phénomène se produisant lorsque les impuretés issues de la fabrication se détachent de la résine (Kemper et coll., 2009).

Plusieurs procédés de traitement par échange d'ions modifiés entraînant un faible usage de saumure ont récemment fait l'objet de publications. Il s'agit de procédés exclusifs qui comprennent l'échange d'ions magnétique (MIEXMD), la séparation par échange d'ions en continu (ISEPMD) ainsi que les systèmes Basin Water et Envirogen (Seidel et coll., 2011).

Les dispositifs d'échange d'ions magnétique (MIEXMD) font appel à une résine constituée de petites particules magnétiques fluidisées dans des réacteurs, lesquels sont placés en série. Le système fonctionne en contre-courant continu, ce qui permet à la résine d'être régénérée après usage. Les particules de résine magnétisées se déposent rapidement au fond du réacteur; elles peuvent alors être évacuées, régénérées puis ramenées dans le réacteur. Ce procédé permet de réduire les volumes de rejets de saumure et élimine le risque de délestage de nitrate dans l'eau traitée. L'utilisation de systèmes de traitement par échange d'ions magnétique à pleine échelle pour éliminer le carbone organique dissous a été documentée (Warton et coll., 2007) et, plus récemment, leur utilisation pour l'élimination du nitrate a été signalée (Seidel et coll., 2011). Une usine employant l'échange d'ions magnétique pour un volume de 0,1 ML/jour a permis d'atteindre la concentration de nitrate visée dans l'eau traitée, soit moins de 8 mg NO3-N/L (équivalant à 35 mg NO3¯/L) à partir d'eaux souterraines renfermant une concentration moyenne en nitrate de 14 mg NO3-N/L (équivalant à 62 mg NO3¯/L; Seidel et coll., 2009). Le taux de régénération du procédé est de 125 BV (30 litres de résine sont régénérés par 3 700 L d'eau traitée). Les rejets de saumure sont stockés dans un réservoir et éliminés périodiquement par application sur les sols.

Un système de séparation par échange d'ions en continu (ISEPMD) a également été mis au point pour éliminer le nitrate dans l'eau potable. Suivant ce procédé, on utilise des colonnes échangeuses d'ions montées sur un carrousel qui tourne autour d'une soupape d'alimentation pouvant distribuer de l'eau d'arrivée, de l'eau partiellement traitée, de l'eau de rinçage et une solution de régénération à diverses colonnes. Le système peut fonctionner en continu grâce à des unités à différents stades du processus : alimentation, lavage, rinçage et régénération. On a constaté que ce procédé produisait de l'eau traitée de qualité particulièrement constante, qu'il éliminait le risque de délestage et qu'il améliorait la récupération d'eau. Un système d'échange d'ions en continu à pleine échelle a été étudié par Seidel et coll. (2011). Le système d'une capacité de 2,7 ML/jour emploie 30 unités d'échange d'ions pour réduire des concentrations de nitrate dans les eaux souterraines allant de 9 à 45 mg NO3-N/L (équivalant à 40 à 200 mg NO3¯/L) jusqu'à la valeur visée dans l'eau traitée, soit 4 mg NO3-N/L (équivalant à 18 mg NO3¯/L). La résine est régénérée en continu, et le système produit environ 2 800 L/h de rejets de saumure qui sont acheminés au réseau d'égouts municipal.

Un système de traitement par échange d'ions en continu similaire a été mis au point par Basin Water (devenu Envirogen Technologies Inc.); il fait appel à une série de lits d'échange d'ions stationnaires et de soupapes disposés en quinconce. Le système d'une capacité de 7,6 ML/jour est réputé réduire les concentrations de nitrate d'une valeur de 10 à 13 mg NO3-N/L (équivalant à 45 à 56 mg NO3¯/L) jusqu'à une valeur de 7,5 mg NO3-N/L (équivalant à 33 mg NO3¯/L).

Un autre procédé d'échange d'ions modifié, appelé procédé CARIX, utilise un lit mixte garni d'une matière échangeuse faiblement acide et fortement basique pour éliminer une série de minéraux inorganiques tels que le calcium, le magnésium, les sulfates et le nitrate. Même s'il n'est pas courant d'employer ce procédé pour l'élimination du nitrate, il a été mis en œuvre avec succès à cette fin dans certaines usines à pleine échelle (Höll et Hagen, 2002). Ce procédé consiste à échanger les ions nitrate pour des ions bicarbonate grâce à la matière échangeuse d'anions, du dioxyde de carbone étant utilisé comme produit de régénération de la matière échangeuse. Dans une usine d'une capacité de 120 m3/h équipée d'un lit mixte d'échange d'ions, il a été possible de réduire une concentration de nitrate de 9 mg NO3-N/L (équivalant à 40 mg NO3¯/L) à moins de 6 mg NO3-N/L (équivalant à 27 mg NO3¯/L) dans l'eau traitée. L'usine comptait 3 unités d'échange d'ions en parallèle avec des filtres de 3,2 m de diamètre et 2,5 m de matière échangeuse. Les unités ne pouvaient traiter que cinq fois le volume du lit avant de devoir être régénérées (Höll et Hagen, 2002).

7.1.2 Osmose inverse et nanofiltration

L'osmose inverse et, dans une moindre mesure, la nanofiltration peuvent être efficaces comme techniques pour produire une eau à faible teneur en nitrate (Cevaal et coll., 1995; Paynor et Fabiani, 1995; Beszedits et Walker, 1998; Santafe-Moros et coll., 2005). Ces procédés consistent à forcer l'eau à traverser une membrane sous pression, les espèces ioniques, comme le nitrate, étant retenues dans le flux de déchets. L'osmose inverse est habituellement utilisée pour éliminer le nitrate lorsque des concentrations élevées d'autres solides dissous doivent également être retirées de l'eau. En général, quand les services publics envisagent le recours à des systèmes d'osmose inverse principalement pour l'élimination du nitrate, les dispositifs doivent assurer un taux élevé de capture du nitrate, un débit d'eau élevé ainsi qu'un taux de récupération élevé pour en garantir la rentabilité (Dahab, 1991; Duranceau, 2001; MWH, 2005). Les systèmes de traitement par osmose inverse nécessitent le plus souvent une filtration préalable pour retirer les particules et, dans bien des cas, d'autres étapes de prétraitement, par exemple l'ajout d'agents prévenant l'entartrage, la préchloration ou la prédéchloration et l'adoucissement. Les étapes de post-traitement comprennent habituellement l'ajustement du pH, l'ajout d'inhibiteurs de la corrosion ainsi que la désinfection (Cevaal et coll., 1995). L'élimination de concentrés doit également être prise en compte dans la conception et l'exploitation des usines faisant appel à l'osmose inverse.

Les données provenant d'une usine utilisant l'osmose inverse à pleine échelle pour éliminer le nitrate indiquent qu'une concentration de 13,7 mg NO3-N/L (équivalant à 61 mg NO3¯/L) peut être ramenée à 0,58 mg NO3-N/L (équivalant à 2,6 mg NO3¯/L) à l'aide de membranes composites constituées d'un film mince de polyamide spiralé. L'usine a une capacité de 630 m3/h de perméat, lequel est additionné de 209 m3/h d'eau mélangée, la concentration finale de nitrate visée étant de moins de 8 mg NO3-N/L (équivalant à 35 mg NO3¯/L). Une unité à 2 phases est utilisée pour assurer une récupération de 80 % avec une pression d'alimentation de 170 psi (1 172 kPa). Le prétraitement comprend une filtration ainsi que l'ajout d'acide et d'un agent prévenant l'entartrage, et le post-traitement comporte une étape de dégazage (dioxyde de carbone) et l'ajout d'une substance caustique, de chlore et d'orthophosphate de zinc (Cevaal et coll., 1995). Schoeman et Steyn (2003) citent des données concernant une petite usine où l'on emploie l'osmose inverse; cette installation est capable d'éliminer de fortes concentrations de nitrate dans l'eau à la source. D'une capacité de 55 m3/jour, son taux de récupération de l'eau est de 50 %, à une pression de 1 375 kPa. On réussit à éliminer 96 % à 98 % du nitrate dans cette usine, les concentrations dans le perméat étant inférieures à 5 mg NO3-N/L (équivalant à 22 mg NO3¯/L), alors que les concentrations à l'arrivée se situent entre 42 et 53 mg NO3-N/L (équivalant à entre 186 et 235 mg NO3¯/L).

Plus récemment, des essais pilotes ont été effectués sur l'utilisation de membranes d'osmose inverse sous pression ultra-faible (OIPUF) pour éliminer les composés azotés. Les membranes OIPUF ont l'avantage d'être efficaces à des pressions peu élevées, ce qui se traduit par des économies quant au coût de fonctionnement. Drewes et coll. (2008) ont montré que les membranes OIPUF sont capables d'éliminer plus de 90 % du nitrate présent dans l'eau d'arrivée. La concentration de nitrate dans l'eau traitée était invariablement inférieure à 1 mg NO3-N/L (équivalant à 5 mg NO3¯/L), tandis que dans l'eau d'arrivée, la concentration variait entre 3 et 11 mg NO3-N/L (équivalant à entre 13 et 49 mg NO3¯/L). Le système de membranes assurait une récupération de 82 % sous une pression d'alimentation de 130 psi (900 kPa). Les auteurs font remarquer qu'à cause du compactage de la membrane et de l'encrassement, il avait fallu, après un mois de fonctionnement, augmenter la pression d'alimentation jusqu'à 160 psi (1 103 kPa).

Des essais en laboratoire et des essais pilotes ont également été effectués pour évaluer l'efficacité des membranes de nanofiltration pour l'élimination du nitrate. Il a été établi qu'en général, les membranes ayant des pores de petite taille doivent retirer plus de 75 % du nitrate (Van der Bruggen et coll., 2001). Dans le cadre d'une étude en laboratoire, l'efficacité de quatre membranes de nanofiltration pour l'élimination des pesticides et du nitrate a été évaluée. On a constaté qu'une membrane à pores de petite taille était capable d'éliminer 76 % du nitrate, réduisant ainsi une concentration de 10 mg NO3-N/L (équivalant à 45 NO3¯/L) dans l'eau d'arrivée jusqu'à 2,5 mg NO3-N/L (équivalant à 11 mg NO3¯/L) dans l'eau traitée (Van der Bruggen et coll., 2001). Des essais pilotes sur des membranes de nanofiltration ont révélé que seule une des quatre membranes composites constituées d'un film mince de polyamide était en mesure d'éliminer le nitrate. Un taux d'élimination du nitrate supérieur à 90 % a été enregistré pour une concentration de 100 mg NO3¯/L (équivalant à 22,5 mg NO3-N/L) dans l'eau d'arrivée (Santafe-Moros et coll., 2005). D'autres études ont montré que les membranes de nanofiltration n'étaient pas efficaces pour éliminer le nitrate de l'eau (Bohdziewicz et coll., 1999; Drewes et coll., 2008). Par conséquent, il est important, pour les services publics envisageant ce type de procédé de traitement, de soumettre la membrane de nanofiltration à des essais.

Les éléments à considérer lorsqu'on utilise le traitement par osmose inverse comprennent l'élimination des rejets d'eau ainsi que la possibilité d'accroissement de la corrosivité de l'eau traitée (Schock et Lytle, 2011). L'osmose inverse rejette une portion considérable de l'eau d'arrivée sous forme de saumure riche en contaminants (Taylor et Wiesner, 1999), et les rejets concentrés doivent être éliminés de manière adéquate. Le retrait des contaminants peut causer un déséquilibre des minéraux, lequel peut entraîner une augmentation de la corrosivité de l'eau traitée (Schock et Lytle, 2010). Dans la plupart des cas, il faut recourir à des mesures de réduction de la corrosivité après le traitement.

7.1.3 Électrodialyse et électrodialyse inverse

L'électrodialyse est un procédé sur membrane dans lequel on applique une différence de potentiel électrique pour retirer les espèces chargées de l'eau. Ce procédé électrochimique permet d'extraire les cations et les anions de l'eau à la source en les forçant, par l'application d'une différence de potentiel provenant d'une source en courant continu, à passer à travers des membranes échangeuses de cations ou d'anions empilées selon un arrangement de paires de membranes échangeuses de cations et de membranes échangeuses d'anions (AWWA, 1995). Le nitrate en solution dans l'eau d'arrivée passent ainsi à travers une membrane échangeuse d'anions; la membrane échangeuse de cations les bloque, et ils passent alors dans le flux de déchets (Hell et coll., 1998). Des membranes échangeuses d'anions éliminant de manière sélective le nitrate ont été mises au point (Chebi et Hamano, 1995). Le procédé d'électrodialyse inverse consiste à inverser la polarité des électrodes plusieurs fois par heure pendant que le système fonctionne, la direction du mouvement des ions est ainsi modifiée, ce qui aide considérablement à réduire l'entartrage des membranes. En général, les systèmes d'électrodialyse et d'électrodialyse inverse produisent moins de rejets d'eau que les autres procédés sur membrane, et ils consomment moins d'énergie (Kapoor et Viraraghaven, 1997).

Une usine de traitement par électrodialyse à pleine échelle a montré qu'il était possible de faire passer une concentration de nitrate dans l'eau brute de 36 mg NO3-N/L à 9 mg NO3-N/L (équivalant à 40 mg NO3¯/L) grâce à 3 empilements de membranes en parallèle, chacune possédant une capacité hydraulique de 48 m3/h. Le concentré était acheminé à l'usine de traitement des eaux usées municipale (Hell et coll., 1998). Des essais pilotes sur un procédé d'électrodialyse faisant appel à des membranes sélectives au nitrate ont indiqué qu'on pouvait éliminer approximativement 80 % du nitrate pour atteindre une concentration de 3 mg NO3-N/L (équivalant à 13 mg NO3¯/L) dans l'eau traitée. Le système fonctionnait à raison de 1 m3/h avec 2 empilements de membranes; son taux de récupération était de 95 % (Chebi et Hamano, 1995).

Elmidaoui et coll. (2002) ont publié des résultats sur une usine pilote de traitement par électrodialyse inverse d'une capacité de 24 m3/jour capable de réduire la concentration de nitrate de 16 mg NO3-N/L (équivalant à 71 mg NO3¯/L) à 2 mg NO3-N/L (équivalant à 9 mg NO3¯/L), avec un taux de récupération de 80 %. L'usine était équipée de 2 empilements de membranes en série, ce qui donnait une superficie totale de membranes disponible de 500 cm2; la polarité était inversée automatiquement toutes les 20 minutes. Pour obtenir ces résultats, on a appliqué une différence de potentiel de 24 V, et la consommation d'énergie était de 0,43 kWh/m3. Seidel et coll. (2011) ont également publié des données sur un système de traitement par électrodialyse inverse à pleine échelle capable de retirer plus de 93 % du nitrate, pour atteindre une concentration de 0,97 mg NO3-N/L (équivalant à 4,3 mg NO3¯/L) dans l'eau traitée. Le système comportait 3 étapes, et son taux de récupération de l'eau était de 90 %. D'autres études de laboratoire et d'autres études pilotes ont été effectuées sur les systèmes de traitement par électrodialyse à des fins d'optimisation, d'évaluation de l'efficacité de nouvelles membranes et d'examen de l'effet de la variabilité de la source d'eau (Salem et coll., 1995; Elhannouni et coll., 2000; Sahli Menkouchi et coll., 2006, 2008).

Les principaux éléments à considérer lorsqu'on emploie des systèmes d'électrodialyse et d'électrodialyse inverse pour éliminer le nitrate sont la complexité du fonctionnement du système, l'élimination des rejets d'eau ainsi que la nécessité d'ajuster le pH de l'eau traitée (Kapoor et Viraraghaven, 1997).

7.1.4 Dénitrification biologique

Les procédés de traitement par dénitrification biologique enlèvent le nitrate de l'eau à la source grâce à la réduction biologique du nitrate en azote gazeux (dénitrification) en milieu anoxique. Le procédé de dénitrification utilisé pour le traitement de l'eau potable exige l'ajout d'un donneur d'électrons dans l'eau à la source pour que le nitrate puisse être réduit en azote par voie biologique. Il existe deux principaux types de systèmes de dénitrification biologique pour le traitement de l'eau potable. La dénitrification hétérotrophe fait appel à des composés organiques, comme l'éthanol ou l'acide acétique, comme donneurs d'électrons et comme sources de carbone. La dénitrification autotrophe fait appel à un composé inorganique comme l'hydrogène ou le soufre comme donneur d'électrons, et à une source de carbone inorganique comme le dioxyde de carbone. Les systèmes de dénitrification biologique peuvent être des réacteurs à lit fixe, des réacteurs à lit fluidisé, des bioréacteurs à membrane et des réacteurs à film biologique. En général, les systèmes de dénitrification biologique nécessitent un post-traitement pour retirer la biomasse et les matières organiques biodégradables qui sont présentes dans l'eau traitée par le réacteur. Les procédés habituels de post-traitement comprennent l'aération, la filtration, l'utilisation de carbone activé et la désinfection (MWH, 2005; Meyer et coll., 2010).

En Europe, on utilise les procédés de dénitrification biologique depuis de nombreuses années pour éliminer le nitrate dans l'eau potable (Richard, 1989; Dahab, 1991; Rogalla et coll., 1991; Dordelmann, 2009) et, récemment, on a commencé à envisager leur emploi en Amérique du Nord (Meyer et coll., 2010). Cependant, il existe pour l'instant peu d'exemples de dénitrification biologique à pleine échelle en Amérique du Nord. Meyer et coll. (2010) ont indiqué que les systèmes de dénitrification biologique les plus courants et les plus efficaces sont des systèmes hétérotrophes à lit fixe et à circulation ascendante en deux étapes ainsi que les réacteurs à film biologique et à base d'hydrogène. Au nombre d'éléments à prendre en compte dans la conception et l'exploitation des usines de dénitrification biologique figurent la dose du donneur d'électrons et des nutriments, l'oxygène dissous, la régulation du pH et de la température ainsi que la gestion du film biologique (Meyer et coll., 2010). Les paramètres opérationnels les plus importants sont l'optimisation du taux de charge superficielle en nitrate ainsi que le dosage du substrat et des nutriments. L'emploi d'une quantité insuffisante de donneur d'électrons peut entraver l'élimination du nitrate ou entraîner la formation de nitrite en raison d'une dénitrification incomplète. L'emploi d'une quantité trop grande de donneur d'électrons peut entraîner la présence d'une quantité excessive de matières biodégradables dans l'eau traitée par le réacteur (Dahab, 1991; Dordelmann, 2009; Meyer et coll., 2010).

Plusieurs auteurs ont publié des articles sur des usines de traitement de l'eau potable par dénitrification biologique à pleine échelle, usines faisant appel à diverses configurations de réacteur ainsi qu'à différents types de donneurs et de mécanismes de dénitrification (Richard, 1989; Dahab, 1991; Rogalla et coll., 1991; Dordelmann, 2009; Meyer et coll., 2010). En général, on indique que la dénitrification biologique permet de réduire des concentrations de nitrate dans l'eau à la source pouvant atteindre 100 mg NO3-N/L (équivalant à 443 mg NO3¯/L) jusqu'à des concentrations proches de 1 mg NO3-N/L (équivalant à 4 mg NO3¯/L; Dahab, 1991).

Meyer et coll. (2010) ont publié des résultats concernant cinq usines de dénitrification hétérotrophe à lit fixe utilisant de l'éthanol comme donneur d'électrons qui étaient capables de réduire des concentrations de nitrate dans l'eau d'arrivée variant entre 10 et 15 mg NO3-N/L (équivalant à entre 45 et 66 mg NO3¯/L) jusqu'à des valeurs de 2 à 6 mg NO3-N/L (équivalant à 9 à 27 mg NO3¯/L). L'une des usines les plus efficaces était équipée de quatre bioréacteurs hétérotrophes à lit fixe en série. À un débit de 300 m3/h et à un taux de charge maximum en nitrate de 1,5 kg-N/m3-j, l'usine était capable de retirer plus de 90 % du nitrate, pour atteindre une concentration inférieure à 2 mg NO3-N/L (équivalant à 9 mg NO3¯/L). Le post-traitement comprend une filtration en deux étapes - filtration aérobie avec ajout d'oxygène et filtration sur carbone activé, pour retirer le gaz, la biomasse et les sources de carbone en excès - suivie d'une désinfection (Mateju et coll., 1992). De manière similaire, Dahab (1991) mentionne plusieurs usines de dénitrification biologique hétérotrophe capables d'éliminer le nitrate avec une efficacité de 65 % à 95 % lorsque les concentrations de nitrate dans l'eau d'arrivée sont de 14 à 20 mg NO3-N/L (équivalant à 62 à 89 mg NO3¯/L). Des usines de traitement sur lit fluidisé hétérotrophe à pleine échelle sont également signalées dans la littérature. Mateju et coll. (1992) ont publié des données sur une usine de traitement sur lit fluidisé où le donneur d'électrons employé est le méthanol et où du phosphate est ajouté comme nutriment. L'usine fait passer les concentrations de nitrate de 23 mg NO3-N/L (équivalant à 102 mg NO3¯/L) à 6 mg NO3-N/L (équivalant à 27 mg NO3¯/L). Les auteurs font cependant remarquer que des concentrations élevées en nitrite ont été observées de manière intermittente dans l'eau traitée. Dahab (1991) a mentionné qu'une efficacité de 63 % pour l'enlèvement du nitrate dans de l'eau qui en contenait à la source 15 mg NO3-N/L (équivalant à 66 mg NO3¯/L) a été obtenue grâce à un lit fluidisé.

Même si son utilisation est moins répandue, certaines usines de traitement à pleine échelle emploient la dénitrification autotrophe. Une usine d'une capacité de 50 m3/h où l'eau d'arrivée renferme une concentration en nitrate de 18 mg NO3-N/L (équivalant à 80 mg NO3¯/L) est capable d'éliminer plus de 90 % du nitrate pour atteindre une concentration inférieure à 1 mg NO3-N/L (équivalant à 4 mg NO3¯/L) dans l'eau traitée, à un taux de charge en nitrate de 0,25 kg-N/m3-j. L'usine comporte neuf bioréacteurs à lit fixe alimentés avec une eau brute sursaturée en hydrogène et enrichie en phosphate et en dioxyde de carbone, et on y procède à une aération, à une filtration sur deux couches et à une désinfection aux ultraviolets en post-traitement (Gros et coll., 1986). L'existence d'une usine de dénitrification autotrophe à pleine échelle d'une capacité de 35 m3/h équipée d'un réacteur au soufre et au calcaire a été signalée par Mateju et coll. (1992). Le procédé consiste à désaérer l'eau brute sous pression, puis à la filtrer en circulation ascendante dans un bioréacteur contenant du soufre et du calcaire, avant de procéder à une aération et à une recharge artificielle. L'usine permet de retirer plus de 90 % du nitrate d'une eau brute renfermant des concentrations de 16 à 18 mg NO3-N/L (équivalant à 71 à 80 mg NO3¯/L).

Les procédés de dénitrification biologique peuvent être combinés à une technique sur membrane faisant appel à des bioréacteurs à membrane et à des réacteurs à film biologique. La combinaison de ces techniques permet de retenir la biomasse et, dans certains cas, les donneurs d'électrons et les nutriments, ce qui simplifie le post-traitement par rapport à ce que nécessite la dénitrification biologique classique. De nombreux types de systèmes à membrane ont été étudiés pour cette application, notamment des bioréacteurs à membrane extractifs, des bioréacteurs à membrane échangeuse d'ions, des bioréacteurs à membrane de transfert de gaz ainsi que des bioréacteurs à membrane fonctionnant sous pression (Velizarov et coll., 2002; Matos et coll., 2005; Xia et coll., 2009; Meyer et coll., 2010). Selon les rapports, la plupart de ces travaux de recherche ont été effectués en laboratoire ou à l'échelle pilote, les applications à pleine échelle étant rares (McAdam and Judd, 2006).

Un bioréacteur à membrane à pleine échelle d'une capacité de 400 m3/j fonctionnant avec de l'éthanol, de l'acide phosphorique et du carbone activé en poudre ainsi que des membranes d'ultrafiltration à fibres creuses est capable de ramener une concentration médiane en nitrate de 12 mg NO3-N/L (équivalant à 53 mg NO3¯/L) dans l'eau arrivée à une valeur inférieure à 2 mg NO3-N/L (équivalant à 9 mg NO3¯/L), à un taux de charge en nitrate de 0,1 kg NO3-N/m3-j. L'eau traitée après le passage sur les membranes a une faible concentration en carbone, ne contient pas de nitrite, et possède une bonne stabilité biologique (Urbain et coll., 1996). Meyer et coll. (2010) mentionnent un réacteur à film biologique à fibres creuses autotrophe fonctionnant à l'hydrogène d'échelle pilote capable d'éliminer complètement une concentration de nitrate de 19,6 mg NO3-N/L (équivalant à 87 mg NO3¯/L) à un taux de charge superficielle de 3,0 g-N/m2-j. Les auteurs font remarquer que, lorsque la concentration en nitrate de l'eau d'arrivée était augmentée à 32,1 mg NO3-N/L (142 mg NO3¯/L), la dénitrification incomplète produisait une eau renfermant une concentration en nitrite de 2,5 mg NO2-N/L (équivalant à 8 mg NO2¯/L).

Comme le nitrite est un intermédiaire de réaction dans la réduction du nitrate en azote gazeux, les services publics doivent veiller à ce que leurs systèmes soient optimisés pour que le procédé biologique soit complet et que l'eau traitée ne contienne pas de nitrite.

7.1.5 Techniques de traitement émergentes

Plusieurs techniques de traitement de l'eau potable permettant d'éliminer le nitrate sont en cours d'élaboration, mais demeurent pour l'instant au stade expérimental ou n'ont pas fait l'objet de publications indiquant leur efficacité à grande échelle. Parmi ces nouvelles techniques figurent les suivantes :

  • Dénitrification chimique : Kapoor et Viraraghavan (1997) ainsi que Shrimali et Singh (2001) ont examiné plusieurs études en laboratoire sur l'utilisation de métaux pour la réduction chimique du nitrate en autres composés azotés, et ont publié des renseignements généraux à leur sujet. Chi et coll. (2005) ont montré qu'il était possible de diminuer de 50 % une concentration initiale de 1 500 mg NO3-N/L (équivalant à 6 650 mg NO3¯/L) à l'aide de fer métallique lorsque l'eau à traiter était acidifiée à pH 5. Luk et Au-Yeung (2002) ont signalé un taux maximal d'élimination du nitrate de 62 %, pour atteindre des concentrations 8,3 mg NO3-N/L (équivalant à 37 mg NO3¯/L) dans l'eau traitée et ce, au moyen de poudre d'aluminium à 300 mg/L à un pH de 10,7. Seidel et coll. (2008) ont mené des essais à l'échelle pilote sur l'utilisation de fer modifié avec du soufre pour la réduction chimique du nitrate. Les résultats indiquent que le taux maximal d'enlèvement, ayant fait passer la concentration en nitrate d'environ 15 mg NO3-N/L à 10 mg NO3-N/L (équivalant à 66 à 45 mg NO3¯/L), a été obtenu à un pH de 6,0 avec un temps de contact en fût vide de 30 minutes. Les auteurs font remarquer que l'objectif visé pour l'eau traitée, soit une concentration de 8 mg NO3-N/L (35 mg NO3¯/L), n'avait pas été atteint systématiquement lors des essais pilotes.
  • Dénitrification catalytique : Certaines études ont également porté sur la dénitrification chimique du nitrate en présence d'un catalyseur (Reddy et Lin, 2000; Chen et coll., 2003). Reddy et Lin (2000) ont effectué des essais en laboratoire sur la dénitrification catalytique à l'aide de trois catalyseurs : le palladium, le platine et le rhodium. Le catalyseur le plus efficace pour éliminer le nitrate était le rhodium. Les résultats ont montré que l'ajout de 0,5 g de rhodium par litre d'eau permettait de faire baisser les concentrations de nitrate de 9 mg NO3-N/L à 3 mg NO3-N/L (équivalant à 40 à 13 mg NO3¯/L) à un potentiel d'oxydoréduction de -400 mV. Chen et coll. (2003) ont constaté que l'utilisation d'un catalyseur combiné de palladium et de cuivre en proportion de 4:1 maximisait la réduction du nitrate en azote gazeux. Une concentration initiale en nitrate de 22,6 mg NO3-N/L (soit 100 mg NO3¯/L) a été ramenée à moins de 1 mg NO3-N/L (équivalant à 5 mg NO3¯/L) après 20 minutes de réaction.
  • Ultrafiltration améliorée par polyélectrolytes : Zhu et coll. (2006) ont réussi à éliminer plus de 90 % d'une quantité de 60 mg NO3-N/L (équivalant à 266 mg NO3¯/L) à l'aide de l'ultrafiltration améliorée par polyélectrolytes. Le pourcentage de nitrate éliminé dépendait du type de polymères chélateurs et de la membrane d'ultrafiltration utilisés dans l'étude.
7.1.6 Nitrification dans le réseau de distribution

Il peut se former du nitrate et du nitrite dans le réseau de distribution en raison de la nitrification de l'ammoniac en excès qui peut être présent naturellement dans l'eau à la source s'il n'est pas retiré avant la désinfection, ou en raison de la nitrification dans les réseaux où l'on emploie de l'ammoniac pour la chloramination à des fins de désinfection secondaire. L'accroissement possible des quantités de nitrite dans le réseau de distribution est significatif et, dans certains cas, il peut générer des concentrations supérieures à la recommandation, soit 1,0 mg NO2-N/L (ou 3 mg NO2¯/L). Dans les cas où, à l'usine de traitement de l'eau, on ramène les concentrations de nitrate et de nitrite à des valeurs tout juste conformes aux valeurs recommandées, et où la désinfection du réseau d'eau est effectuée à l'aide de chloramines, il peut arriver que les concentrations de nitrate et de nitrite dépassent les valeurs recommandées dans le réseau de distribution s'il s'y produit une nitrification (U.S. EPA, 2002b). Cependant, lorsque les concentrations de nitrite augmentent à cause de la nitrification, le principal problème, pour les services publics, vient du fait que le nitrite consomment le chlore et décomposent les chloramines, entraînant une hausse du nombre de microorganismes, notamment parfois de coliformes dans le réseau de distribution (Smith, 2006).

La nitrification est un processus microbiologique en deux étapes : l'ammoniac est oxydé en nitrite et ceux-ci sont à leur tour oxydés pour former du nitrate. Deux groupes d'organismes nitrifiants chimiolithotrophiques : les bactéries oxydant d'ammoniac (l'ammoniac est oxydé en nitrite), et les bactéries oxydant le nitrite (le nitrite sont oxydés en nitrate) effectuent ce processus (Kirmeyer et coll., 1995, 2004; U.S. EPA, 2002b). La nitrification peut avoir des effets indésirables sur la qualité de l'eau, notamment une hausse des teneurs en nitrite et en nitrate, un accroissement de la prolifération bactérienne, ainsi qu'une diminution des chloramines résiduelles, du pH et de l'oxygène dissous dans l'eau (Kirmeyer et coll., 1995; Odell et coll., 1996; Wilczak et coll., 1996; U.S. EPA, 2002b; Kirmeyer et coll., 2004; Zhang et coll., 2009b). Des études évoquent également l'existence possible d'un lien entre les problèmes de corrosion et la nitrification (Edwards et Dudi, 2004; Zhang et coll., 2009a, 2010).

La nitrification dans les réseaux de distribution où l'on emploie des chloramines comme désinfectant secondaire peut entraîner une augmentation des concentrations de nitrite de l'ordre de 0,05 à 0,5 mg NO2-N/L (équivalant à 0,16 à 1,6 mg NO2¯/L); des hausses pouvant atteindre plus de 1 mg NO2-N/L (équivalant à 3 mg NO2¯/L) ont été enregistrées, en particulier dans les parties du réseau de distribution où l'eau stagne (Wilczak et coll., 1996; Zhang et coll., 2009b). On a noté que les concentrations maximales de nitrite étaient enregistrées dans les sections du réseau de distribution où le temps de rétention était le plus long, par exemple aux extrémités du réseau ou dans les culs-de-sac (Kirmeyer et coll., 1995; Harrington et coll., 2002). L'EPA (2002b) a indiqué que les hausses des concentrations de nitrite à cause de la nitrification se situent le plus souvent entre 0,015 et 0,1 mg NO2-N/L (équivalant à entre 0,048 et 0,32 mg NO2¯/L). De manière générale, les augmentations des concentrations de nitrate attribuables à la nitrification sont faibles; toutefois, des hausses supérieures à 1 mg NO3-N/L (équivalant à 5 mg NO3¯/L) ont été signalées (Cunliffe, 1991; Kirmeyer et coll., 1995). Dans certains cas, des hausses des concentrations de nitrate ont été observées sans augmentation correspondante des concentrations de nitrite, ce qui indique un épisode de nitrification où cette dernière était complète (Kirmeyer et coll., 1995; Wilczak et coll., 1996).

Les facteurs contribuant à la nitrification dans le réseau de distribution comprennent la chaleur de l'eau, le pH, un ratio Cl2:NH3-N faible et une augmentation parallèle des concentrations d'ammoniac libre et de chloramines résiduelles. La température optimal pour la croissance des bactéries nitrifiantes se situe entre 20°C et 30°C (Baribeau, 2006). Cependant, la recroissance et la nitrification peuvent prendre place à des températures aussi basses que 5°C ou même moins dans les systèmes avec des temps de rétention prolongés (Pintar et coll., 2000). Kors et coll. (1998) ont présenté un cas de nitrification dans des conditions extrèmes d'eau froide (inférieure à 4°C). Une augmentation de la température augmentera le taux de décomposition de la chloramine, ce qui encouragera la nitrification, puisque plus d'ammoniac libre sera relâché (Baribeau, 2006).

Divers paramètres du réseau de distribution tels que le temps de rétention, la conception et le fonctionnement du réservoir, la présence de conduites en cul-de-sac, la présence de sédiments et la tuberculisation dans les conduites, la présence de biofilms ainsi que l'absence de lumière naturelle ont une incidence sur la nitrification (Skadsen, 1993; Kirmeyer et coll., 1995; 2004; U.S. EPA, 2002b; Zhang et coll., 2009b; Baribeau, 2010). Harrington et coll. (2002) et l'EPA (2002b) ont indiqué que la nitrification pouvait en théorie causer des hausses des concentrations de nitrite pouvant aller jusqu'à 1 mg NO2-N/L dans tout système où la concentration totale d'ammoniac qui pénètre dans le réseau de distribution est supérieure à 1 mg-N/L. En théorie, les services publics qui emploient un ratio CL2:NH3-N de 3:1 pourraient enregistrer des hausses des concentrations de nitrite supérieures à 1 mg NO2-N/L si une dose de chloramines de 3 mg/L en Cl2 est utilisée à l'usine de traitement. Le ratio optimal d'ammoniac libre et de chlore par rapport à l'azote ammoniacal fait l'objet d'une discussion dans le document technique sur l'ammoniac dans l'eau potable (Santé Canada, 2013).

La formation de nitrite combinée à une diminution des concentrations de chloramines résiduelles et d'ammoniac libre dans le réseau de distribution peut être utilisée comme indicateur de nitrification (Kirmeyer et coll., 1995). Les services publics qui ont recours à la chloramination devraient surveiller le nitrite et le nitrate dans le réseau de distribution en plus de l'ammoniac, du chlore résiduel total, du nombre de bactéries hétérotrophes et d'autres indicateurs de nitrification. Une évaluation propre au site est en général nécessaire pour établir un programme de surveillance de la nitrification. Le programme devrait prévoir des alertes et des interventions propres au réseau, de manière à qu'on puisse déterminer les mesures appropriées pour contrer la nitrification. La fréquence de surveillance de ces paramètres dépend du lieu ainsi que de l'utilisation qui sera faite des données. S'il y a des variations dans les principaux paramètres indicateurs de nitrification (par exemple le chlore résiduel total, le nitrite et le nitrate) au sein du réseau de distribution, la surveillance d'autres paramètres, comme l'ammoniac libre, devrait être plus fréquente.

Dans certaines études, on propose une concentration de nitrite de 0,05 mg NO2-N/L (équivalant à 0,16 mg NO2¯/L) comme valeur seuil critique pour indiquer la nitrification. On indique que l'atteinte de cette concentration est un signe de grave nitrification, et que des mesures appropriées doivent alors être appliquées (Kirmeyer et coll., 1995; Harrington et coll., 2002; Pintar et coll., 2005). Cependant, Pintar et coll. (2005) notent que des données à l'échelle réelle montrent qu'une concentration de nitrite de 0,05 mg NO2-N/L (équivalant à 0,16 mg NO2¯/L) est trop élevée pour être utilisée pour détecter la nitrification. Smith (2006) propose quant à lui une concentration de 0,015 mg NO2-N/L (équivalant à 0,048 mg NO2¯/L) comme seuil devant déclencher une intervention de la part des services publics pour contrer la nitrification dans le réseau de distribution.

Il existe de nombreuses mesures de prévention et d'intervention contre la nitrification. Toute stratégie devrait aussi viser à respecter les autres Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Les rapports et les revues publiés par Kirmeyer et coll. (1995), Skadsen et Cohen (2006), ainsi que Zhang et coll. (2009b) contiennent des renseignements détaillés sur la lutte contre la nitrification dans les systèmes traités aux chloramines. Parmi les méthodes de prévention figurent la vérification de paramètres de qualité de l'eau (pH, ammoniac libre pénétrant dans le réseau de distribution, matières organiques) ainsi que de paramètres de fonctionnement (ratio Cl2:NH3-N en poids et chloramines résiduelles), les programmes de lutte contre la corrosion, le rinçage des conduites du réseau de distribution, l'installation de stations auxiliaires de chloration et de chloramination, la chloration libre temporaire ou saisonnière (chloration au point critique) ainsi que l'ajout de chlorites. Les méthodes correctives sont semblables aux méthodes de prévention et comprennent le rinçage des conduites du réseau de distribution, la chloration libre temporaire ou saisonnière, la vidange ou le nettoyage des réservoirs ainsi que l'ajout de chlorites. Toutefois, l'ajout de chlorites est une pratique controversée car la présence de ces composés peut entraîner la formation de chlorates (Skadsen et Cohen, 2006). Les services publics qui souhaitent utiliser l'ajout de chlorites comme moyen de lutte contre la nitrification devraient veiller à ce que les recommandations de Santé Canada en matière de chlorites et de chlorates soient respectées (Santé Canada, 2008).

Les différentes mesures prises pour contrer la nitrification n'ont pas toutes la même efficacité ni la même capacité à résoudre à long terme les problèmes de nitrification. C'est pourquoi on recommande des stratégies globales destinées à prévenir la nitrification plutôt que des stratégies visant à contrer la nitrification lorsqu'elle se produit.

7.1.7 Formation de nitrate ou de nitrite associée à d'autres techniques de traitement

Dans certains cas, d'autres méthodes de traitement peuvent donner lieu à la formation de nitrate ou de nitrite à l'usine de traitement. Les principaux produits secondaires de la photolyse par le rayonnement ultraviolet de la N-nitrosodiméthylamine (NDMA) sont la diméthylamine (DMA) et le nitrite (Bolton et Stefan, 2000; Mitch et coll., 2003). Lorsqu'on utilise le rayonnement ultraviolet et du peroxyde d'hydrogène, le nitrate constituent le principal produit de dégradation (Bolton et Stefan, 2000).

On a aussi observé la formation de nitrite lors de la désinfection à l'aide de lumière ultraviolette sous faible pression d'une eau renfermant du nitrate. Lu et coll. (2009) ont constaté qu'à un pH de 9,5, le traitement à la lumière ultraviolette sous faible pression d'une eau contenant une concentration initiale de 10 NO3-N/L pouvait générer jusqu'à 0,1 mg NO2-N/L.

7.2 Échelle résidentielle

Dans les installations municipales, le traitement de l'eau potable a pour but de réduire les contaminants jusqu'à des valeurs égales ou inférieures aux valeurs recommandées. Par conséquent, l'utilisation de dispositifs à usage résidentiel pour traiter l'eau déjà traitée par les services publics n'est généralement pas nécessaire, mais relève plutôt d'un choix individuel. Dans les cas où un particulier tire son eau potable d'un puits privé, il peut être indiqué d'employer un dispositif de traitement de l'eau potable à usage résidentiel pour réduire les concentrations de nitrate et de nitrite présentes dans l'eau potable. Pour la plupart des concentrations de nitrate dans l'eau d'arrivée, les dispositifs de traitement à usage résidentiel seront capables de réduire ces concentrations dans l'eau potable jusqu'à des valeurs inférieures à 45 mg NO3¯/L (équivalant à 10 mg NO3-N/L). Il est à noter que l'efficacité de l'élimination dépend de l'efficacité du dispositif de traitement choisi.

Avant l'installation d'un dispositif de traitement, l'eau doit être analysée pour en établir la chimie générale et y vérifier la présence ainsi que la concentration de nitrate et de nitrite. Il faut remarquer qu'une contamination bactérienne de l'approvisionnement en eau d'un puits peut se produire parallèlement à une contamination par le nitrate. Par conséquent, il convient de considérer les caractéristiques chimiques et bactériennes de la qualité de l'eau avant de sélectionner un dispositif de traitement. L'eau pénétrant dans le dispositif de traitement de même que l'eau prête au débit doivent faire l'objet à intervalles réguliers d'analyses par un laboratoire certifié afin de vérifier si le dispositif en question est efficace. Les dispositifs peuvent perdre de leur efficacité au fil du temps et de leur utilisation et devoir être entretenus ou remplacés. Les particuliers doivent vérifier la durée de vie prévue des composantes de leur dispositif selon les recommandations du fabricant. Les procédés de traitement de l'eau potable à usage résidentiel peuvent être soumis à des vérifications courantes pour s'assurer que les unités de traitement fonctionnent de manière optimale.

Santé Canada ne recommande pas de marques particulières de dispositifs de traitement de l'eau, mais conseille vivement aux consommateurs de n'utiliser que les dispositifs certifiés par un organisme de certification accrédité comme étant conformes aux normes appropriées de NSF International (NSF) et de l'American National Standards Institute (ANSI). Ces normes visent à protéger la qualité de l'eau potable en aidant à garantir l'innocuité des matériaux et l'efficacité des produits qui entrent en contact avec l'eau potable. Les dispositifs certifiés pour la réduction des concentrations de nitrite et de nitrate dans l'eau potable dans les systèmes résidentiels font en général appel à l'osmose inverse ou à l'échange d'ions, quoique des dispositifs qui assurent un traitement par distillation pourraient aussi être disponibles.

Les organismes de certification garantissent qu'un produit est conforme aux normes en vigueur et doivent être accrédités par le Conseil canadien des normes (CCN). Au Canada, le CCN a accrédité les organismes suivants, qu'il autorise ainsi à certifier les dispositifs de traitement de l'eau potable qui respectent les normes NSF/ANSI (CCN, 2011) :

Certains hyperliens donnent accès à des sites d'organismes qui ne sont pas assujettis à la Loi sur les langues officielles. L'information qui s'y trouve est donc dans la langue du site.

Une liste à jour des organismes de certification accrédités peut être obtenue auprès du CCN (www.scc.ca).

Les normes NSF/ANSI relatives à l'élimination du nitrate et du nitrite exigent actuellement une vérification des dispositifs pour voir s'ils peuvent réduire une concentration de 30 mg-N/L en termes d'azote (27 mg NO3-N/L plus 3 mg NO2-N/L) à une concentration de 10 mg-N/L d'azote, dont au plus 1 mg/L peut être sous forme d'azote du nitrite (NSF/ANSI 2009a, 2009b, 2009c). Les dispositifs de distillation ne doivent être installés qu'au point d'utilisation puisque l'eau traitée par ceux-ci peut être corrosive pour la plomberie.

Les données dont on dispose semblent indiquent que les unités d'osmose inverse à usage résidentiel peuvent permettent d'atteindre des concentrations de nitrate faibles dans l'eau traitée, surtout lorsque la concentration de nitrate dans l'eau à la source est inférieure à 17 mg NO3-N/L (équivalant à 75 mg NO3¯/L; U.S. EPA, 2002b, 2006b, 2007c). L'EPA a signalé plusieurs études ayant évalué la qualité au point d'utilisation comme indicateur de la conformité en matière d'élimination de divers contaminants. Les rapports portaient sur l'efficacité du traitement résidentiel par osmose inverse pour éliminer divers contaminants, dont le nitrate. Une étude indiquait qu'un type de dispositif d'osmose inverse était invariablement capable de ramener une concentration moyenne de nitrate dans l'eau d'arrivée de 10 mg NO3-N/L (équivalant à 45 mg NO3¯/L) à une valeur inférieure à 1 mg NO3-N/L (équivalant à 5 NO3¯/L) dans l'eau traitée (U.S. EPA, 2007c). D'autres données sur l'élimination du nitrate grâce à plusieurs types de dispositifs résidentiels d'osmose inverse montraient également que des concentrations en nitrate dans l'eau d'arrivée allant jusqu'à 11 mg à NO3-N/L (équivalant à 49 mg NO3¯/L) pouvaient être réduites jusqu'à une valeur inférieure à 1 mg NO3-N/L (équivalant à 5 mg NO3¯/L; U.S. EPA, 2006b). L'étude concluait que les dispositifs d'osmose inverse possèdent des degrés d'efficacité variables quant à l'élimination des contaminants, et ces différences tiennent aux types de membranes utilisées dans les unités.

Même si les dispositifs certifiés conformes à la norme NSF/ANSI 58 vérifient uniquement qu'une concentration finale inférieure à 10 mg NO3-N/L (équivalant à 45 mg NO3¯/L) est atteinte, certains dispositifs résidentiels d'osmose inverse sont capables de produire des concentrations plus faibles dans l'eau traitée. Les organismes de certification accrédités indiquent que de 30 à 50 % des dispositifs d'osmose inverse certifiés pour l'enlèvement du nitrate sont capables d'atteindre des concentrations de moins de 5 mg NO3-N/L (équivalant à 22 mg NO3¯/L) dans l'eau traitée (NSF, 2012; WQA, 2012) Les consommateurs peuvent consulter les indications du fabricant dans la documentation accompagnant le dispositif pour connaître la quantité de nitrate et de nitrite que ce dernier peut éliminer, ainsi que les exigences en matière d'utilisation et d'entretien. On peut analyser les concentrations de nitrate dans l'eau traitée sur une base régulière pour vérifier si des concentrations plus faibles sont atteintes.

Les systèmes d'osmose inverse sont conçus pour être installés au point d'utilisation, car de grandes quantités d'eau d'arrivée sont nécessaires pour obtenir le volume requis d'eau traitée, ce qui n'est pas pratique en général pour des systèmes de traitement résidentiels destinés au point d'entrée. Les systèmes d'osmose inverse ne doivent être installés qu'au point d'utilisation parce que l'eau qu'ils produisent peut être corrosive pour la plomberie. Il peut être nécessaire de prétraiter l'eau d'arrivée afin de réduire l'encrassement de la membrane et accroître sa durée de vie utile.

L'échange d'ions est une autre technique pouvant être utilisée pour éliminer le nitrate. Elle est habituellement conçue et mise en place par les fournisseurs ou les détaillants de systèmes de traitement de l'eau potable. Santé Canada recommande fortement aux particuliers qui utilisent ces systèmes de vérifier si ceux-ci sont fabriqués avec des matériaux conformes à la norme NSF/ANSI 61 (NSF/ANSI, 2009d). L'échange d'ions à l'aide d'une résine échangeuse d'anions fortement basiques au polystyrène de type 1 ou de type 2 classique peut produire une eau traitée dont la concentration en nitrate est supérieure à celle de l'eau à la source (délestage). Le délestage se produit lorsque des ions concurrents (par exemple des sulfates) remplacent les ions nitrate sur la résine, ce qui arrive habituellement quand le système d'échange d'ions continue de fonctionner après infiltration de nitrate. L'utilisation d'une résine échangeuse d'ions sélective au nitrate préviendra le délestage, et elle est fortement recommandée pour l'élimination du nitrate à l'échelle résidentielle. En l'absence de résine sélective au nitrate, les particuliers dont l'approvisionnement en eau contient des sulfates devraient envisager de recourir à une autre technique de traitement. Il est important de vérifier régulièrement la concentration de nitrate dans l'eau traitée par échange d'ions pour s'assurer que le système élimine convenablement le nitrate et qu'il n'y a pas de délestage.

8.0 Cinétique et métabolisme

Les études sur la cinétique et le métabolisme sont compliquées du fait que du nitrite sont synthétisés par voie endogène, indépendamment des sources d'aliments ou d'eau potable.

8.1 Absorption

Après leur ingestion via les aliments ou l'eau, le nitrate et le nitrite sont rapidement et presque complètement absorbés dans l'intestin grêle des humains et transférés dans le sang (biodisponibilité d'au moins 92 %); moins de 2 % des apports alimentaires en nitrate atteignent l'iléon terminal (Mensinga et coll., 2003). La concentration plasmatique à jeun de nitrate se situe entre 0,25 et 2,7 mg/L (L'hirondel et L'hirondel, 2002). Après une exposition humaine par voie orale à 470 µmol/kg pc de nitrate de sodium, les taux plasmatiques de nitrate augmentent rapidement, dans les 5 minutes qui suivent, pour atteindre un sommet après environ 40 minutes (Cortas et Wakid, 1991). Le retour à la concentration pré-exposition de nitrate dans le plasma ne dépend pas de la quantité de nitrate ingérée et peut prendre 24 à 48 heures (L'hirondel et L'hirondel, 2002).

Dans une étude croisée ouverte, randomisée, à trois permutations, sept femmes et deux hommes ont reçu une dose orale unique de 0,06 ou de 0,12 mmol de nitrite de sodium par millimole d'hémoglobine, et après 7 jours, ont reçu par voie intraveineuse 0,12 mmol de nitrite de sodium par millimole d'hémoglobine (Kortboyer et coll., 1997). L'absorption gastro-intestinale a été rapide, les concentrations plasmatiques ayant culminé 15 à 30 minutes après l'administration. Chez des sujets à jeun, 90 à 95 % de la dose orale de nitrite de sodium a été absorbée dans le tube digestif. La biodisponibilité du nitrite de sodium oscillait entre 73 et 110 % après la dose orale plus faible. Avant que cette substance ne soit absorbée, la métabolisation importante du nitrite dans le tube digestif peut faire en sorte qu'une forte proportion de nitrite soit transformée en d'autres espèces contenant de l'azote (voir la section 9.3).

Le nitrate peut être absorbé par inhalation (p. ex. fumée de cigarette et gaz d'échappement de voiture). En termes quantitatifs, l'absorption par la voie orale occupe cependant une place plus importante (Lundberg et coll., 2004). On ne dispose d'aucun renseignement sur l'absorption cutanée du nitrate ou nitrite.

8.2 Distribution

Le nitrate absorbés sont rapidement transportés par le sang et sont remis sélectivement en circulation par les glandes salivaires. Chez les humains, les concentrations maximales de nitrate dans le sérum, la salive et l'urine sont atteintes en l'espace de 1 à 3 heures, moins de 1 % du nitrate se retrouvant dans les selles (Bartholomew et Hill, 1984). Chez les humains et la plupart des animaux de laboratoire, sauf le rat, le nitrate plasmatiques sont sécrétés sélectivement et proportionnellement à la dose par les glandes salivaires par le biais d'un mécanisme de transport actif utilisé aussi par l'iodure et le thiocyanate, qui augmente les concentrations de nitrate dans le plasma par un facteur allant jusqu'à 10; environ 25 % du nitrate ingéré est remis en circulation dans la salive et sécrétés par ce mécanisme (Spiegelhalder et coll., 1976; Walker, 1996; Lundberg et coll., 2004). L'élévation de la concentration salivaire de nitrate est rapide. Elle commence à peine 10 minutes après l'ingestion, atteignant un sommet entre 20 et 180 minutes après l'ingestion; inversement, la diminution de la concentration salivaire de nitrate est lente et peut prendre fin jusqu'à 24 à 48 heures après l'ingestion (L'hirondel et L'hirondel, 2002).

Après une injection intraveineuse de nitrate marqué à un volontaire en santé, le nitrate marqué a été distribué dans tout le corps et s'est accumulé de façon linéaire avec le temps dans l'abdomen, facilitant la recirculation entéro-salivaire du nitrate/nitrite par suite de la déglutition (Witter et coll., 1979). Chez la souris et le lapin, l'injection intraveineuse ou intratrachéale de nitrite marqué a entraîné une distribution homogène du nitrite marqué dans de nombreux organes, dont le foie, le rein et la vessie (Parks et coll., 1981).

Les concentrations plasmatiques de nitrite sont normalement plus basses que celles de nitrate en raison de la plus faible exposition et de la réoxydation rapide du nitrite en nitrate par l'hémoglobine oxygénée dans le sang (Parks et coll., 1981; Walker, 1996; Lundberg et coll., 2004). Chez le chien et le rat, le nitrite sont pratiquement absents, sauf dans la salive (Fritsch et coll., 1985; Cortas et Wakid, 1991).

Dans le lait maternel humain, les concentrations de nitrate augmentent rapidement après l'accouchement, elles culminent 2 à 5 jours après l'accouchement et dépassent celles présentes dans le plasma (L'hirondel et L'hirondel, 2002). Une heure après l'ingestion d'un repas contenant du nitrate, les concentrations de nitrate dans le lait humain et le lait canin ont augmenté, mais ne dépassaient pas cependant les concentrations plasmatiques (Green et coll., 1982). Des données indiquent qu'il y a transfert transplacentaire du nitrite au fœtus. Du nitrite a été retrouvé dans le sang fœtal après l'administration orale ou IV de nitrite de sodium à des rates (2,5-5,0 mg/kg pc/jour, équivalant à 1,7-3,3 mg de nitrite/kg pc/jour; Shuval et Gruener, 1972) et à des souris gravides (0,5 mg/kg pc/jour, équivalant à 0,3 mg de nitrite/kg pc/jour; Globus et Samuel, 1978). Chez les hommes dont le sperme est normal, les concentrations de nitrate et de nitrite étaient significativement plus élevées dans le sperme que dans le plasma, ce qui confirme le rôle de l'oxyde d'azote dans la fonction spermatique (L'hirondel et L'hirondel, 2002).

8.3 Métabolisme

Sur les quelque 25 % du nitrate exogène qui est activement remis en circulation par les canaux salivaires, environ 20 % (qui représentent 5 à 8 % de l'exposition au nitrate ingéré) est réduit en nitrite par les bactéries dans la bouche (selon Walker, 1996; Mensinga et coll., 2003). Ce nitrite, formé par la réduction de nitrate, représente environ 80 % de l'exposition totale au nitrite, le reste provenant directement de sources exogènes. Lorsque la salive est avalée, l'estomac est exposé au nitrite formé dans la cavité buccale. La conversion microbienne de nitrate en nitrite est influencée par la présence d'une infection bactérienne, l'état nutritionnel et l'âge (Eisenbrand et coll., 1980; Forman et coll., 1985). Dans l'estomac d'un adulte en santé qui est à jeun, un pH d'environ 1 à 3 est pratiquement stérile; celui-ci est ainsi considéré comme étant peu favorable à la croissance microbienne et, par conséquent, peu favorable à la conversion microbienne du nitrate en nitrite (Mensinga et coll., 2003). Le pH gastrique varie énormément chez les humains (p. ex. patients souffrant d'hypochlorhydrie); ainsi, de nombreuses personnes ont un pH supérieur à 5, ce qui favorise la croissance microbienne et la réduction subséquente du nitrate en nitrite (Ruddell et coll., 1976). En outre, les antiacides ou d'autres médicaments peuvent réduire l'acidité gastrique et, partant, accroître la susceptibilité à une réduction du nitrate en nitrite (L'hirondel et L'hirondel, 2002) (voir la section 9.3 pour plus de détails sur la formation endogène de nitrite). Enfin, le milieu acide de l'estomac réduit le nitrite salivaires en acide nitreux et par la suite en oxydes d'azote, notamment en oxyde nitrique (Lundberg et coll., 2004, 2008).

En plus du processus de réduction du nitrate en nitrite, le nitrite est réoxydé par une réaction couplée avec l'oxyhémoglobine, ce qui produit de la méthémoglobine et du nitrate; il semble y avoir un équilibre dynamique entre le nitrite et le nitrate, le nitrate étant la forme présente à l'état normal (Walker, 1999; Lundberg et coll., 2004). Enfin, la nitrate réductase entraîne la réduction du nitrite en ammoniac (Lundberg et coll., 2004, 2008).

8.3.1 Formation endogène de nitrate

Il existe une synthèse endogène du nitrate, qui correspond chez l'adulte normal et en santé à une moyenne de 1 mmol/jour, soit 62 mg de nitrate par jour ou 14 mg d'azote de nitrate par jour (Mensinga et coll., 2003; OMS, 2007). Chez les mammifères, la voie principale de formation endogène de nitrate est la voie de la L-arginine-monoxide d'azote synthase (NOS), laquelle est constante et active dans de nombreux types de cellules dans le corps. L'acide aminé L-arginine est concerti par la sunthétase monoxyde d'azote en citrulline et en monoxyde d'azote, lequel est ensuite oxydé en anhydride nitreux qui réagit avec l'eau pour produire du nitrite. Le nitrite est rapidement oxydé en nitrate en réagissant avec l'hémoglobine (Addiscott et Benjamin, 2004; OMS, 2007; EFSA, 2008; CIRC, 2010). Donc, lorsque l'apport en nitrate est faible et qu'il n'existe aucune autre source exogène, comme pendant les infections gastro-entériques, la formation endogène devient plus importante que les sources exogènes (Mensinga et coll., 2003).

8.4 Excrétion

On retrouve du nitrate dans tous les liquides corporels, mais les concentrations de nitrite dans le corps sont faibles, car le nitrite est facilement oxydé en nitrate. Après une exposition par voie orale, le nitrate sont plus abondants dans l'urine, mais également dans le lait, le suc gastrique, les sécrétions endotrachéales, la salive et la sueur (L'hirondel et L'hirondel, 2002). Chez les humains, quelle que soit la dose, environ 65 à 70 % du nitrate administré par voie orale sont rapidement excrétés dans l'urine et moins de 1 % son excrétés dans les selles; le reste est excrété dans la sueur ou est dégradé dans la salive ou les sécrétions digestives par des bactéries. L'excrétion atteint son maximum environ 5 heures après l'exposition et est pour une bonne part terminée après 24 heures (Bartholomew et Hill, 1984). Chez les nourrissons placés dans des conditions normales, environ 100 % du nitrate est excrété dans l'urine (Turek et coll., 1980). L'excrétion suit une cinétique de premier ordre, et la demi-vie d'élimination est d'environ 5 heures (Green et coll., 1982).

Le nitrate (environ 25 %) sont activement transportés par le symporteur sodium/iodure (NIS) jusqu'à la salive et au lait maternel; environ 3 % du nitrate se retrouve également dans l'urine sous forme d'urée et d'ammoniac chez les humains (Wagner et coll., 1983; Walker, 1999). La clairance moyenne du nitrate est estimée à 25,8 mL/min (Cortas et Wakid, 1991).

La demi-vie plasmatique moyenne du nitrite est de 30 minutes chez les humains et de moins d'une heure chez la plupart des espèces; par conséquent, le nitrite ne sont pas normalement détectés dans les tissus et les liquides corporels après une administration par voie orale (Kortboyer et coll., 1997). L'élimination du nitrite de l'estomac emprunte deux voies concurrentes : l'absorption et la réaction avec les amines, cette dernière causant la formation de nitrosamines (voir la section 9.3 pour plus de détails).

8.5 Modèles pharmacocinétiques fondés sur la physiologie

Comme le nitrite est formé par voie endogène chez les humains à partir du nitrate et a un effet plus puissant que le nitrate sur la méthémoglobinémie, la quantité de nitrite formée à partir de nitrate ingéré est un élément important à considérer dans l'évaluation du risque associé à l'exposition humaine au nitrate. Un modèle de la toxicocinétique du nitrate et du nitrite a été élaboré pour tenir compte de l'apport en nitrate provenant des aliments et de l'eau, de la synthèse endogène de nitrate, de la sécrétion de nitrate par le sang dans la salive, de la conversion du nitrate en nitrite par des bactéries présentes dans la salive et de la reconversion du nitrite en nitrate dans le sang (Zeilmaker et coll., 1996). Le modèle a été validé par des données toxicocinétiques provenant de volontaires (Wagner et coll., 1983). Selon ce modèle : 1) l'adulte moyen synthétise 120 mg de nitrate par jour; 2) de 32 à 60 % de la dose orale de nitrate est sécrétée par le sang dans la salive; 3) de 13 à 22 % du nitrate salivaire est converti en nitrite; 4) de 7 à 9 % du nitrate est converti en nitrite chez les humains. D'après les estimations de ce modèle, l'adulte moyen produit 0,27 à 0,36 mg de nitrite par kilogramme de poids corporel par jour après une exposition à des doses uniques et répétées (une fois toutes les 24 heures) de nitrate, et de 31 à 41 % du nitrite est issu de la synthèse endogène de nitrate.

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