Page 3 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – paramètres radiologiques

Partie II : Science et considérations techniques

4.0 Propriétés, utilisation et sources dans l'environnement

La présence de radionucléides dans l'environnement peut être attribuable à des causes naturelles ou à l'activité humaine. La contribution de l'eau potable à l'exposition totale aux radionucléides est généralement très faible, tel qu'illustré à la figure 1. Selon l'OMS (2008), l'exposition aux rayonnements par les aliments et l'eau ne représente généralement que 8 % de l'exposition totale aux rayonnements de la population mondiale.

Figure 1: Sources et distribution de l'exposition moyenne aux rayonnements de la population mondiale (OMS, 2008).
La figure 1 illustre les sources et la distribution de l'exposition moyenne aux rayonnements de la population mondiale (OMS 2008).
Figure 1 - Équivalent textuel

L'exposition totale aux radionucléides par source se caractérise comme suit : les aliments et l'eau (exposition interne naturelle) représentent 8%, les sources artificielles (anthropiques) 1%, le radon (exposition interne naturelle) 43%, les rayonnements terrestres gamma 15%, les rayons cosmiques (exposition externe naturelle) 13%, et l'exposition médicale 20%.

4.1 Radionucléides naturels

L'exposition du grand public aux rayonnements provient essentiellement des éléments radioactifs naturels présents dans la croûte terrestre et des rayonnements cosmiques d'origine extraterrestre. Les sources naturelles représentent plus de 98 % de la dose de rayonnement globale reçue par les humains, si l'on ne tient pas compte des expositions médicales. La dose individuelle moyenne attribuable à des sources naturelles serait d'environ 2,4 mSv/an (UNSCEAR, 2000), ce qui est comparable aux 2,6 mSv/an observés au Canada (NCRP, 1987). Environ le tiers de cette dose est dû aux rayonnements externes (terrestres et cosmiques), et les deux tiers restants à l'inhalation et à l'ingestion de radionucléides présents dans l'air, l'eau et les aliments.

Les radionucléides naturels se divisent en deux catégories : les radionucléides primordiaux, dont la demi-vie est comparable à l'âge de la Terre, et les radionucléides secondaires, résultant de la désintégration des radionucléides primordiaux. Les radionucléides naturels proviennent principalement des familles de l'uranium, du thorium et de l'actinium, découlant du 238U, du 232Th et du 235U, respectivement. Ces radionucléides sont présents en faibles concentrations dans toutes les roches et tous les sols. En outre, le radionucléide primordial 40K, composé de 0,012 % de potassium naturel, est présent dans l'environnement en concentrations considérables. Comme le potassium est très répandu dans l'environnement et qu'il pénètre dans l'organisme par ingestion sous forme de nutriment essentiel, le 40K constitue une importante source d'exposition interne et externe, contribuant environ 180 µSv à l'interne et 150 µSv à l'externe à la dose moyenne annuelle de rayonnement naturel (UNSCEAR, 1988). Cependant, comme l'absorption du potassium élémentaire par l'organisme est sous contrôle homéostatique rigoureux et n'est donc pas affectée par la variation des concentrations dans l'environnement, la dose attribuable au 40K dans l'organisme est constante et ne fait pas l'objet d'une étude plus poussée dans les présentes recommandations.

La présence de radionucléides naturels dans l'eau potable est surtout associée au forage de puits profonds dans des aquifères contenant d'importantes minéralisations d'éléments radioactifs et n'est pas nécessairement liée aux caractéristiques géologiques de la surface. La dissolution de ces minéraux se fait très lentement; cependant, lorsque les eaux souterraines ont été en contact avec la roche pendant des centaines, voire des milliers d'années, ces concentrations peuvent être importantes et varient considérablement. Elles sont déterminées non seulement par la composition du substratum rocheux, mais aussi par les conditions physiques et chimiques qui règnent dans l'aquifère. Ces concentrations peuvent ainsi varier de façon importante entre des puits situés à quelques mètres de distance seulement. Elles peuvent aussi varier dans un même puits d'une saison ou d'une année à l'autre, selon le modèle d'écoulement des eaux souterraines. On ne peut supposer par ailleurs que les radionucléides présents dans les eaux souterraines seront en équilibre séculaire, même si un tel équilibre existe dans le substratum rocheux.

Les radionucléides que l'on trouve le plus souvent dans les eaux souterraines canadiennes sont le 226Ra, le 222Rn et le 210Pb appartenant à la famille de l'uranium. Il arrive aussi souvent au Canada que des concentrations élevées d'uranium soient présentes dans les eaux souterraines sans qu'aucun de ses descendants ne soit détectable. De même, on peut observer des quantités de 226Ra sans 238U et de 210Pb sans son précurseur, le 226Ra. Les radionucléides que l'on trouve le plus souvent dans les eaux de surface canadiennes sont le 226Ra, le tritium, le 90Sr et le 137Cs.

La présence de radionucléides naturels dans les puits peu profonds est moins fréquente, mais toujours possible. Il peut y avoir des concentrations élevées si les roches de recouvrement contiennent d'importantes quantités de minéraux radioactifs ou si elles sont alimentées à partir de sources profondes d'eau souterraine contenant des radionucléides.

4.1.1 Radon

Le radon-222 est un gaz chimiquement inerte qui se forme à la suite de la désintégration radioactive du 226Ra. Ils font tous deux partie de la famille radioactive de l'238U. La demi-vie du radonNote de bas de page 1 est de 3,82 jours. Ses descendants constituent une famille de radionucléides à courte demi-vie (tous des éléments solides) qui se désintègrent en 210Pb en quelques heures. La courte demi-vie des produits de filiation du radon implique une rapide atteinte de l'équilibre radioactif avec leur précurseur. Le radon est soluble dans l'eau, sa solubilité diminuant rapidement avec l'augmentation de la température (elle est de 51,0, 22,4 et 13,0 mL/100 mL à 0 °C, 25 °C et 50 °C, respectivement ) (CIRC, 1988). Le radon est extrêmement volatil et il est facilement libéré de l'eau (NCRP, 1988).

Bien que la plupart du radon produit dans le sol à partir du radium y reste piégé et se désintègre en 210Po et, finalement, en 206Pb, une petite partie s'échappe des pores du sol dans l'atmosphère. Un mètre carré de sol caractéristique, dont la concentration de radium est de 0,03 Bq/g, rejette de 1000 à 2000 Bq de radon par jour dans l'atmosphère (UNSCEAR, 1988). Les autres sources de radon comprennent les eaux souterraines qui percolent dans les roches et les sols contenant du radium, les matériaux de construction traditionnels comme les panneaux de revêtement et les blocs de béton, les résidus d'uranium, les résidus de charbon et la combustion de combustibles fossiles.

4.1.2 Radionucléides naturels provenant d'activités humaines

Les activités industrielles, plus particulièrement les opération d'extraction et de traitement de l'uranium, peuvent augmenter la concentration de radionucléides naturels dans l'environnement. Cette source de radionucléides est particulièrement importante dans le nord de la Saskatchewan où s'effectuent la plupart des opérations d'extraction d'uranium au Canada. Auparavant, ces opérations se concentraient dans la région d'Elliot Lake, et le drainage s'effectuait par la rivière Serpent qui se jette dans le lac Huron. L'industrie du raffinage de l'uranium constitue une autre source de radionucléides naturels, avec des installations à Port Hope, près du lac Ontario, et à Blind River, près du lac Huron.

Les radionucléides observés sont semblables à ceux décrits précédemment pour les sources d'eaux souterraines. Cependant, les plans d'eau les plus susceptibles d'être touchés sont les eaux de surface, soit les cours d'eau et les lacs. À la partie terminale du cycle du combustible nucléaire , il est possible que des radionucléides naturels présents dans les déchets nucléaires enterrés dans des lieux d'enfouissement peu profonds soient lessivés et contaminent des puits peu profonds avoisinants. Il n'y a cependant aucun cas connu d'une telle contamination des sources canadiennes d'eau potable.

La combustion de combustibles fossiles et la production et l'utilisation de produits à base de phosphorite (p. ex., des engrais) constituent d'autres sources. La combustion de combustibles fossiles, comme le charbon, pour produire de l'électricité libère des radionucléides de la famille radioactive du 238U et du 232Th et du 40K dans les cendres volantes (Tracy et Prantl, 1985). Tracy et Prantl n'ont cependant indiqué aucun cheminement important de cette source vers l'approvisionnement en eau potable.

4.1.3 Radionucléides cosmogéniques

Les radionucléides cosmogéniques, produits naturellement par le bombardement constant des molécules gazeuses de l'atmosphère terrestre par les rayons cosmiques, constituent une autre faible exposition aux rayonnements. Ces radionucléides pénètrent dans les sources d'eau potable de surface de la même façon que les retombées des essais d'armes nucléaires (voir section 4.2.1). Ensemble, les quatre principaux radionucléides cosmogéniques, soit le 14C, le 3H, le 22Na et le 7Be, représentent une dose totale pour les humains d'environ 15 µSv/an (UNSCEAR, 1988). Ils constituent également un fond naturel de rayonnement pour les radionucléides artificiels décrits ci-dessous, particulièrement quant aux concentrations de tritium et de 14C dans les eaux de surface.

4.2 Radionucléides artificiels

4.2.1 Retombées des essais d'armes nucléaires

Au cours des 50 dernières années, les technologies nucléaires ont introduit d'importantes quantités de radionucléides artificiels dans l'environnement. Ces radionucléides augmentent le degré d'exposition aux rayonnements par rapport au fond naturel de rayonnement. La majorité de ces radionucléides provient des essais atmosphériques d'armes nucléaires réalisés avant l'interdiction partielle des essais nucléaires imposée en 1963; les essais effectués après cette date ne représentent qu'environ 6 % de l'ensemble des retombées radioactives.

Les retombées radioactives auxquelles on a accordé le plus d'attention dans le cadre des programmes de surveillance environnementale sont le tritium (demi-vie de 12 ans), le 14C (demi-vie de 5 730 ans), le 90Sr (demi-vie de 29 ans) et le 137Cs (demi-vie de 30 ans), en raison de leur persistance dans l'environnement et de leur entrée dans la chaîne alimentaire humaine. Parmi les autres produits de fission, dont la demi-vie varie de courte à moyenne, fréquemment détectés, citons le 95Zr (demi-vie de 64 jours), le 95Nb (demi-vie de 95 jours), le 106Ru (demi-vie de 368 jours), le 131I (demi-vie de 8 jours) et le 144Ce (demi-vie de 284 jours). On a également détecté la présence d'éléments transuraniens, le 239Pu, le 240Pu, le 241Pu et le 241Am, dans les retombées des essais d'armes nucléaires. La dose totale reçue par les habitants de la zone tempérée Nord (40 à 50° de latitude nord) jusqu'en l'an 2000, à la suite de tous les essais atmosphériques d'armes nucléaires réalisés entre 1945 et 1980, serait d'environ 2,1 mSv (UNSCEAR, 1982).

Les radionucléides issus d'essais d'armes nucléaires pénètrent essentiellement dans l'environnement par l'atmosphère. Les essais de faible puissance (moins de 100 kt de TNT) introduisent surtout des matières radioactives dans la troposphère, lesquelles se répandent à l'ensemble de la planète en quelques jours ou semaines. Par contre, les essais thermonucléaires de forte puissance peuvent soulever du fait de l'énorme chaleur qu'ils génèrent les matières radioactives jusqu'à la stratosphère (à plus de 10 km d'altitude), où elles peuvent demeurer pendant des mois ou même des années avant de redescendre dans les couches inférieures de l'atmosphère et finalement se déposer au le sol sous forme de retombées radioactives sèches - sédimentation par gravité - ou humides - entraînement par la pluie. En raison de la circulation et du brassage verticaux et horizontaux de l'air, on peut trouver des traces de retombées radioactives pratiquement partout sur la planète, dans l'eau, les sols et les végétaux.

Ces retombées radioactives peuvent pénétrer dans les sources d'eau potable par dépôt direct sur les surface des cours d'eau et des lacs, ou par écoulement de matières précédemment déposées au sol. L'impact a lieu essentiellement au niveau des sources d'eau de surface, contrairement aux radionucléides naturels, comme nous l'avons décrit précédemment. Les retombées radioactives qui s'infiltrent dans les sols ou les sédiments se lient généralement aux particules situées près de la surface et n'atteignent donc pas les sources d'eaux souterraines profondes.

4.2.2 Émissions des réacteurs nucléaires

En plus des retombées des essais d'armes nucléaires, les émissions des réacteurs nucléaires constituent une source potentielle de radionucléides artificiels dans l'environnement. Bien qu'une contamination étendue de l'environnement puisse se produire dans le cas peu probable d'un accident grave, une telle situation d'urgence dépasse le cadre du présent document.

Il existe sept centrales électriques nucléaires au Canada : les centrales nucléaires Bruce A et Bruce B, situées à Kincardine, Ontario, sur les bords du lac Huron; les centrales nucléaires Pickering A et Pickering B, situées à Pickering, Ontario, sur les bords du lac Ontario; la centrale nucléaire Darlington,située à Bowmanville, Ontario, sur les bords du lac Ontario; la centrale nucléaire Gentilly-2, située à Gentilly, Québec, sur les rives du fleuve St-Laurent; et la centrale nucléire de Point Lepreau, située à Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick, dans la Baie de Fundy. Il existe aussi plusieurs réacteurs non producteurs de puissance, qui sont utilisés pour la recherche scientifique et la création de certains radio-isotopes destinés à la médecine. Parmis ceux-ci, il y a notamment les Laboratoires de Chalk River, dont les activités comprennent des réacteurs non producteurs de puissance, la production d'isotopes, la recherche et la fabrication de combustible, le traitement du tritium, la gestion et le traitrement des déchets, et qui se situe à Chalk River, Ontario, sur les bords de la rivière des Outaouais (CCSN, 2010). Il y a 12 autres centrales nucléaires du côté américain du bassin des Grands Lacs qui pourraient avoir un effet sur la qualité de l'eau des Grands Lacs.

Il y a formation de grandes quantités de produits de fission dans les barres de combustible des réacteurs nucléaires de puissance; on trouve également de grandes quantités de produits d'activation dans les matériaux de structure et les circuits de refroidissement. Normalement, tous ces produits de fission sont stockés dans leur presque totalité dans des enceintes de confinement jusqu'à ce qu'ils subissent une désintégration radioactive et deviennent stables. De faibles quantités de radionucléides sont régulièrement libérées dans l'environnement dans des conditions contrôlées et surveillées selon le type et le modèle de réacteur. Parmi les émissions atmosphériques, citons le tritium, l'iode radioactif, les gaz rares de fission (88Kr, 133Xe), les gaz d'activation (14C, 16N, 35S, 41Ar) et les particules en suspension, comme le 60Co, le 90Sr et le 137Cs. Les radionucléides libérés dans le milieu aquatique comprennent le tritium et d'autres produits de fission et de corrosion activés (UNSCEAR, 1988). Les réacteurs canadiens à deutérium-uranium (CANDU) émettent principalement du tritium sous forme gazeuse et liquide.

Les rejets dans les cours d'eau et les lacs peuvent nuire à la qualité des sources d'eau de surface. En raison de leur faible hydrosolubilité, bon nombre de ces radionucléides sont facilement adsorbés sur les particules en suspension et éliminés de la colonne d'eau par sédimentation. Citons, comme exemple, les isotopes du césium, du manganèse, du fer et du cobalt, de même que les actinides (y compris le thorium et l'uranium). Parmi les éléments qui demeurent généralement en solution dans l'eau, citons le strontium, le chrome et l'antimoine.

La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) réglemente l'ensemble des activités nucléaires au Canada. Les règlements établis en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires touchent le développement, la production et l'utilisation de l'énergie nucléaire au Canada; la production, la possession, l'utilisation et le transport des substances nucléaires; ainsi que la production, la possession et l'utilisation de l'équipement et des renseignements réglementés. Les règlements établissent également des limites de dose pour le public et les travailleurs de l'énergie nucléaires, ces dernières tenant compte de la durée d'exposition (CCSN, 2010).

4.2.3 Autres sources de radionucléides artificiels

Il peut également y avoir libération de radionucléides artificiels dans l'environnement lors d'activités relatives au cycle des combustibles non nucléaires dans le secteur industriel et le milieu de la recherche, de même que dans le cadre de la médecine diagnostique et thérapeutique. Les installations canadiennes qui utilisent des radionucléides sont autorisées par la CCSN; leurs émissions de radionucléides dans l'environnement sont généralement négligeables. La faible activité et la courte demi-vie des radionucléides généralement utilisés font en sorte qu'il est généralement possible de les éliminer en les diluant et en les déversant dans les systèmes d'égout municipaux. Les études réalisées pour évaluer l'importance de ces sources démontrent que la majorité des radionucléides présents dans les eaux d'égout est d'origine naturelle ou associée aux retombées radioactives (Durham et Joshi, 1981).

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