Page 4 - Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : Document technique - Paramètres radiologiques

5.0 Exposition

Cette section résume les résultats des programmes fédéraux qui surveillent les concentrations de radionucléides dans les approvisionnements d'eau au Canada. Elle présente les radionucléides que l'on trouve le plus fréquemment dans les eaux canadiennes, leurs concentrations et les sites géologiques ou géographiques où on les trouve. Les résultats des enquêtes de surveillance provinciales et territoriales sont présentés à l'annexe C.

De 1973 à 1983, le Bureau de la radioprotection de Santé Canada a surveillé les concentrations de radionucléides naturels, soit le 226Ra, le 210Pb, et l'uranium total, dans les sources d'eau potable de 17 collectivités canadiennes (Santé Canada, 2000b). La plupart de ces collectivités utilisaient des sources d'eau de surface, et les concentrations de radionucléides étaient systématiquement faibles ou non détectables. On a mesuré les concentrations suivantes : < 0,1 à 1 µg/L d'uranium, < 0,005 à 0,02 Bq/L de 226Ra et < 0,005 à 0,02 Bq/L de 210Pb.

Après 1983, le programme n'a plus touché que trois municipalités, soit Elliot Lake et Port Hope (en raison des opération d'extraction et de traitement de l'uranium qui pourraient avoir un impact sur les sources d'eau de surface) ainsi que Régina (en raison des concentrations élevées d'uranium dans les sources d'eaux souterraines). Seules les concentrations de 226Ra et d'uranium total étaient surveillées, les concentrations de 210Pb ayant toujours été faibles ou non détectables dans les eaux de surface. Les résultats, qui englobent une période de 14 ans (de 1983 à 1996), sont résumés dans le tableau C-1 de l'annexe C. À Elliot Lake, on a noté une faible augmentation de la concentration de 226Ra au début de la période d'étude, bien que les concentrations de 226Ra et d'uranium total semblent avoir diminué progressivement vers la fin de la période. Il est probable que les niveaux décelables de 226Ra et d'uranium total d'Elliot Lake étaient dus à la présence de concentrations élevées de radionucléides naturels dans une région riche en uranium plutôt qu'aux opérations d'extraction de l'uranium. À Port Hope, les concentrations de radium sont demeurées non détectables pendant toute cette période, tandis que les concentrations d'uranium dans les sources d'eau de surface étaient considérées normales.

La concentration d'uranium dans l'eau potable de la ville de Régina a systématiquement été supérieure aux moyennes nationales, mais toujours bien en dessous de 20 µg/L. De 1983 à 1996, les concentrations de radium-226 sont demeurées au-dessous de la limite de détection de 0,005 Bq/L. Régina a toujours puisé son eau potable des eaux de surface et souterraines et ajusté les proportions du mélange selon la qualité et la disponibilité de l'eau. Par conséquent, les concentrations d'uranium varient d'une année et d'une saison à l'autre.

L'Institut national de recherche sur les eaux (Centre canadien des eaux intérieures) d'Environnement Canada a effectué une surveillance de la radioactivité des eaux de surface du Canada de 1973 jusqu'au milieu des années 1980. Une grande partie de ses travaux portaient sur les eaux libres des Grands Lacs (Durham et Joshi, 1981). On a mené un projet spécial de 1981 à 1984 pour caractériser les concentrations de 226Ra, de 137Cs, de 125Sb, de tritium et d'uranium dans 13 emplacements répartis sur le territoire canadien (Baweja et coll., 1987). Les concentrations mesurées étaient les suivantes : 0,001 à 0,013 Bq/L de 226Ra; 0,0007 à 0,006 Bq/L de 137Cs; 0,001 à 0,016 Bq/L de 125Sb; 5 à 12 Bq/L de tritium; et 0,16 à 4,7 µg/L d'uranium.

De 1962 à 1994, le Bureau de la radioprotection de Santé Canada a effectué une surveillance régulière des concentrations de 90Sr et de 137Cs dans les sources d'eau potable de collectivités situées près d'installations de réacteurs nucléaires (Santé Canada, 2000a). Le tableau C-2 de l'annexe C compare les résultats obtenus pour le 90Sr et le 137Cs dans les eaux libres avec ceux des régions situées près des centrales nucléaires de Pickering et de Bruce. Les résultats près des centrales nucléaires sont sensiblement les mêmes que ceux obtenus dans les eaux libres, confirmant la conclusion que les concentrations de 90Sr et de 137Cs sont dues aux retombées radioactives et non aux émissions des réacteurs nucléaires.

Les résultats démontrent également que les concentrations de ces radionucléides varient en fonction du temps et d'un lac à l'autre. L'élimination des radionucléides des eaux des Grands Lacs se fait progressivement par désintégration radioactive, sédimentation et renouvellement de l'eau. Tracy et Prantl (1983) ont analysé des données antérieures relatives aux lacs Supérieur et Huron et ont trouvé une demi-vie très élevée pour le 90Sr (20 ans dans le cas du lac Supérieur et 10 ans dans celui du lac Huron). Les concentrations de 137Cs ont démontré que l'élimination se faisait en deux étapes : une étape rapide pendant laquelle la plus grande partie de la radioactivité est éliminée en beaucoup moins d'un an, et une étape plus lente avec une demi-vie de plusieurs années. Tracy et Prantl attribuent la lenteur de cette dernière étape à la pénétration par les sédiments des lacs.

La surveillance des sources d'eau potable situées en aval du réacteur nucléaire de Gentilly, au Québec, n'a révélé aucun signe de contamination par des produits de fission ou d'activation. Les rejets liquides de la centrale nucléaire de Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick, pénètrent directement dans la baie de Fundy et n'affectent donc pas les sources d'eau potable.

Les concentrations moyennes de tritium dans les eaux de surface canadiennes sont de l'ordre de 5 à 12 Bq/L (Baweja et coll., 1987). Dans les eaux libres des Grands Lacs, ces concentrations ont varié de 7 à 10 Bq/L entre 1982 et 1984. Chant et coll. (1993) ont fait état de concentrations moyennes de tritium de 9 à 11 Bq/L dans les eaux du lac Ontario. Ils en ont déduit que seuls quelque 10 % de cette quantité pouvaient être attribuables aux émissions de la centrale de Pickering

Des problèmes survenant dans des centrales nucléaires ont parfois donné lieu à de brèves augmentations de la concentration de tritium dans les sources d'eau potable avoisinantes. Ces augmentations ont toujours été de courte durée, ne durant jamais plus de quelques jours. En juin 1991, Santé Canada a surveillé la concentration de tritium dans la rivière des Outaouais après un déversement des Laboratoires de Chalk River. La concentration la plus élevée mesurée dans l'eau potable était d'environ 400 Bq/L, à Petawawa. À Ottawa (à 200 km en aval), cette concentration avait chuté à environ 150 Bq/L. Des traces infimes de tritium provenant du déversement ont été détectées à Montréal, en aval du confluent de la rivière des Outaouais et du fleuve Saint-Laurent. En septembre 1983, le déversement de 222 TBq de tritium du réacteur de Douglas Point, dans la péninsule Bruce, en Ontario, a permis de modéliser la dispersion du tritium dans le lac Huron (Veska et Tracy, 1986). La circulation d'eau du lac s'effectuant principalement en sens antihoraire, le panache de tritium a été transporté vers le nord-est jusqu'à Port Elgin, où la concentration de tritium dans l'eau potable a atteint 1 600 Bq/L pendant deux jours.

Le ministère de l'Environnement de Terre-Neuve-et-Labrador (Guzzwell, 2002) a lancé un programme de détection des radionucléides naturels dans les approvisionnement publics d'eau en analysant la concentration d'uranium. Parmi les 128 approvisionnements publics d'eau souterraine, un seul présentait une concentration d'uranium supérieure à 20 µg/L (79 µg/L). Des essais supplémentaires réalisés afin de déterminer les concentrations de 210Pb et de 226Ra ont révélé des valeurs bien inférieures aux recommandations actuelles pour la qualité de l'eau potable au Canada. Un puits privé, dont l'exploitation a depuis lors été abandonnée, avait une concentration d'uranium de 160 µg/L. Des essais ont aussi été effectués dans des écoles publiques alimentées par des sources d'eaux souterraines. Deux des 68 sources mises à l'essai présentaient des concentrations supérieures à 20 µg/L (soit 51 et 78 µg/L). Dans les deux cas, les fontaines étaient fermées et d'autres sources d'eau potable avaient été mises en place.

En Nouvelle-Écosse, d'importantes minéralisations en uranium ont entraîné des concentrations élevées de radionucléides dans un certain nombre d'endroits. Lors d'une étude réalisée en 2002 (Drage et coll., 2005), 52 puits d'eau d'écoles publiques ont été analysés pour déceler la présence d'uranium total et de 14 radionucléides naturels, la plupart étant des produits de filiation de la famille de l'uranium et du thorium. Les résultats sont résumés au tableau 1.

Tableau 1. Résultats relatifs aux radionucléides présents dans 52 puits d'eau d'écoles de la Nouvelle-Écosse.
Radionucléide Concentration maximale Nombre de cas où la recommandation est dépassée

Notes de bas de page du Tableau 1

Tableau 1 note de bas de page 1

Les premiers résultats de l'échantillonnage de cette étude ont indiqué que 12 sources d'eau présentaient des concentrations de 210Pb supérieures aux recommandations; toutefois, on a établi par la suite que la désintégration du radon dans les flacons de prélèvement avait influé sur les résultats. Un échantillonnage de suivi tenant compte des effets de la désintégration du radon a indiqué qu'une seule source présentait une concentration de 210Pb supérieure à la recommandation.

Retour à la référence 1 de la note de bas de page du tableau 1

7Be < 5 Bq/L -
210Bi 0,44 Bq/L -
210Pb 0,24Tableau 1 note de bas de page 1 Bq/L 1 sur 52 (2 %)Tableau 1 note de bas de page 1
210Po 0,12 Bq/L -
224Ra < 0,01 Bq/L -
226Ra 0,04 Bq/L -
228Ra 0,14 Bq/L -
228Th < 0,01 Bq/L -
230Th 0,01 Bq/L -
232Th < 0,01 Bq/L -
234Th < 4 Bq/L -
234U 1 Bq/L -
235U 0,05 Bq/L -
238U 1 Bq/L -
Uranium total 0,081 mg/L 2 sur 52 (4 %)

Dans le cadre d'une étude de suivi (Drage et coll., 2005), 178 puits forés d'écoles publiques de la Nouvelle-Écosse ont été examinés afin de déceler la présence d'uranium total, de 210Pb et de 226Ra. Les résultats du tableau 2 indiquent que la concentration maximale de 210Pb était de 0,24 Bq/L et celle d'uranium total, de 0,12 mg/L.

Tableau 2. Résultats relatifs aux radionucléides présents dans 178 puits d'eau d'écoles de la Nouvelle-Écosse.
Radionucléide Concentration maximale Nombre de cas où la recommandation est dépassée
210Pb 0,24 Bq/L 1 sur 178 (< 1%)
226Ra 0,08 Bq/L -
Uranium total 0,12 mg/L 3 sur 178 (2%)

Les formations géologiques du Nouveau-Brunswick étant semblables à celles de la Nouvelle-Écosse, il est donc possible que des radionucléides naturels pénètrent dans les eaux souterraines. Au cours de l'été 1983, Santé Canada a réalisé une étude sur les concentrations de radionucléides dans 53 puits de collectivités du Nouveau-Brunswick. Le tableau 3 présente un résumé des résultats. Les valeurs obtenues sont typiques des concentrations de fond mesurées partout au Canada; il faut toutefois souligner que les résultats d'une autre étude révèlent que les concentrations d'uranium des puits d'au moins une collectivité, Harvey Station, variaient de 0,01 à 0,4 mg/L.

Tableau 3. Étude de 1983 portant sur des puits du Nouveau-Brunswick
Radionucléide Concentration moyenne Plage
Uranium 0,013 mg/L 0,0001 - 0,0039 mg/L
226Ra 0,0032 Bq/L 0,0001 - 0,012 Bq/L
222Rn 13,4 Bq/L 0,2 - 39 Bq/L

En Ontario, la concentration moyenne de tritium dans plus de 3000 échantillons d'eau potable prélevés de 2000 à 2006 variait de 5 à 10 Bq/L. Des valeurs de 120 Bq/L et de 24 Bq/L ont été respectivement mesurées dans des échantillons d'eau brute prélevés à Southampton et à Port Elgin, à proximité du complexe nucléaire de Bruce. Une concentration de 18 Bq/L a été mesurée à l'usine de traitement d'eau R.C. Harris, à Toronto. De 1989 à 1992, le ministère du Travail de l'Ontario a prélevé environ 530 échantillons dans des eaux de surface contaminées par les opérations d'extraction et de traitement de l'uranium (MOEE, 1993). Le tableau 4 présente les plages de concentrations mesurées de 224Ra et d'uranium. La concentration de 224Ra la plus élevée était de 12 Bq/L et celle d'uranium, de 2,9 mg/L. Il convient de préciser que ces plans d'eau ne servaient pas de sources d'eau potable.

Tableau 4. Concentrations de 224Ra et d'uranium dans les eaux de surface situées en Ontario, à proximité d'opérations d'extraction et de traitement de l'uranium, de 1989 à 1992.
Plage des concentrations de 224Ra (Bq/L) Nombre d'échantillons dans la plage Plage des concentrations d'uranium (mg/L) Nombre d'échantillons dans la plage
0 - 0,05 385 0 - 0,02 413
> 0,05 - 0,1 88 > 0,02 - 0,1 89
> 0,1 - 0,5 51 > 0,1 - 1 27
> 0,5 4 > 1 4
Nombre total d'échantillons 528 Nombre total d'échantillons 533

Des données plus récentes, recueillies de 2000 à 2006 dans le cadre du Programme de surveillance de l'eau potable du ministère de l'Environnement de l'Ontario, indiquent que le niveau le plus élevé d'activité alpha brute dans l'eau potable est de 0,95 Bq/L, celui de l'activité bêta brute, de 0,38 Bq/L et la concentration de tritium la plus élevée, de 16 Bq/L. Les concentrations correspondantes mesurées dans l'eau brute sont semblables.

En Saskatchewan, l'eau potable d'environ 16 collectivités présente des concentrations d'uranium qui sont presque systématiquement supérieures à 0,020 mg/L. La concentration maximale d'uranium mesurée dans un réseau municipal d'approvisionnement en eau, en Saskatchewan, est de 0,039 mg/L; toutefois, l'eau de ce système ne serait pas consommée.

5.1 Radon

Le radon constitue la principale source d'exposition au rayonnement naturel pour les humains. Pour l'ensemble de la population mondiale, l'exposition au radon représente 43 % de l'exposition totale au fond naturel de rayonnement; elle est suivie de l'exposition au rayonnement gamma terrestre (15 %), de celle au rayonnement cosmique (13 %) et de celle au rayonnement naturel provenant des aliments et de l'eau (8 %) (OMS, 2008). L'exposition au radon est attribuable à 95 % au radon contenu dans l'air intérieur, et à environ 1 % au radon provenant de l'eau potable (OMS, 2004).

Il existe peu de données sur les concentrations de radon dans les sources canadiennes d'eau potable. En général, l'eau tirée des sources d'eau de surface ne renferme pas de concentrations appréciables de radon, qui devraient être de l'ordre de 0,01 Bq/L. Une étude des sources canadiennes d'eaux souterraines contenant des concentrations élevées de radon a révélé que les concentrations mesurées dans le comté de Halifax, en Nouvelle-Écosse, variaient de 1700 à 13 700 Bq/L. Une seconde étude a révélé des concentrations de radon atteignant 3000 Bq/L dans l'eau de puits à Harvey, au Nouveau-Brunswick, tandis que les concentrations de radon dans l'eau de 80 % des puits étaient inférieures à 740 Bq/L. Lors d'une étude plus récente réalisée dans le cadre d'un programme d'essais sur les radionucléides effectué à l'échelle de la province, on a mesuré la concentration de radon dans l'eau potable de 16 écoles de la Nouvelle-Écosse; les valeurs mesurées variaient de 120 à 1400 Bq/L, avec une moyenne d'environ 600 Bq/L (Drage et coll., 2005). Des concentrations de radon ausssi élevées dans l'eau potable peuvent entraîner, et ce, en seulement quelques jours, d'importantes concentrations de 210Pb (Drage et coll., 2005).

La principale préoccupation, au chapitre des dangers associés au radon, est sa présence dans l'air intérieur des bâtiments et des zones de travail souterraines. Dans l'air, l'effet est en grande partie ciblé aux poumons, en raison de l'inhalation et de l'accumulation subséquente dans l'appareil respiratoire des produits de désintégration à courte demi-vie fixés aux particules de poussière inertes généralement présentes dans l'atmosphère. Bien que l'ingestion de radon présent dans l'eau potable soit possible, celui-ci est, dans une certaine mesure, transféré dans l'air ambiant et l'exposition totale au rayonnement peut, par conséquent, être imputable à l'ingestion et à l'inhalation.

La relation entre la concentration de radon dans les sources d'eau et celle dans l'air intérieur dépend de plusieurs facteurs, dont le type d'utilisation de l'eau et son débit (p. ex., eau potable, douche et lessive), la perte ou le transfert de radon de l'eau vers l'air et la ventilation de la maison. Le taux de rejet du radon contenu dans l'eau dépend de facteurs comme l'agitation, la surface et la température. De nombreux auteurs (Cothern, 1987; UNSCEAR, 1988; Life Systems Inc., 1991; U.S. EPA, 1991) ont établi un facteur de transfert eau-à-air de 10-4 pour une maison type, ce qui veut dire qu'une concentration de radon de 1000 Bq/L dans l'eau potable ferait augmenter la concentration de radon dans l'air intérieur de 100 Bq/m3 en moyenne; les pièces où le radon a été libéré présenteraient les concentrations les plus élevées (UNSCEAR, 1988). À partir de mesures prises dans des maisons et des sources d'eau aux État-Unis, Nazaroff et coll. (1987) ont estimé que les réseaux publics alimentés par des eaux souterraines et desservant une population d'au moins 1000 personnes contribuent de 2 % environ à la concentration moyenne de radon dans l'air intérieur des maisons utilisant ces sources. Selon certains calculs, la dose moyenne imputable au radon dans l'eau potable est aussi faible que 0,025 mSv/an par inhalation et 0,002 mSv/an par ingestion, comparativement à la dose de fond dans l'air de 1,1 mSv/an par inhalation (UNSCEAR, 2000).

Détails de la page

Date de modification :