Page 5 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – paramètres radiologiques

6.0 Méthodes d'analyse

Les sections ci-après contiennent un résumé des méthodes permettant d'analyser les radionucléides les plus répandus dans les sources canadiennes d'eau potable et pour lesquels des CMA ont été établies. Les méthodes approuvées par la U.S. EPA sont indiquées dans ce document sont. Certaines d'entre elles n'ont pas été élaborées par la U.S. EPA, mais sont approuvées par cet organisme et figurent dans son site Web (U.S. EPA, 2008). Le cas échéant, les méthodes utilisées ou élaborées par Santé Canada sont indiquées, bien qu'elles soient généralement utilisées dans le cadre de recherches.

6.1 Plomb-210

Les méthodes d'analyse du 210Pb comportent généralement une première purification du plomb par précipitation (Chiu et Dean, 1986). Après qu'il se soit écoulé suffisamment de temps pour permettre la croissance de 210Bi ayant une demi-vie de cinq jours, le bismuth est isolé par la méthode d'extraction par solvant, puis précipité (p. ex., sous forme d'oxychlorure de bismuth). Le précipité est recueilli sur un papier filtre et la détection des particules bêta de haute énergie est effectuée à l'aide d'un compteur proportionnel à gaz à faible bruit de fond (Chiu et Dean, 1986). Des limites de détection de 0,005 à 0,02 Bq/L peuvent être régulièrement obtenues pour un échantillon d'eau de un litre.

Le 210Pb étant un produit de désintégration du 222Rn, la présence de radon dissous dans les eaux souterraines peut influer sur la mesure du 210Pb et donner des résultats supérieurs aux valeurs réelles. Ceci peut se produire si l'échantillon est conservé dans un contenant étanche ou les concentrations de radon sont très élevées. Dans le cadre de la surveillance des sources d'eaux souterraines visant à déterminer la présence de radionucléides, le 210Pb doit être extrait d'échantillons fraîchement prélevés ou le radon dissous doit être éliminé avant qu'une importante désintégration du 210Pb ne se produise.

Aucune méthode d'analyse approuvée par la U.S. EPA n'a pu être identifiée pour le 210Pb.

6.2 Radium-226

La méthode de détection traditionnelle du 226Ra comporte une étape de coprécipitation en présence de sulfate de baryum, suivie du comptage des particules alpha à l'aide d'un compteur proportionnel à gaz ou d'un spectromètre alpha (Chiu et Dean, 1986). La limite de détection de cette méthode est généralement de 0,005 Bq/L.

Une méthode d'analyse plus rapide élaborée par Santé Canada comprend une séparation par colonne d'échange d'ions répétée, suivie du comptage par scintillation liquide pour la croissance de 222Rn. La limite de détection obtenue est de 0,002 Bq/L.

Les méthodes d'analyse approuvées par la U.S. EPA pour le 226Ra comprennent les méthodes d'analyses radiochimiques EPA 903.0 et Ra-03, et les méthodes EPA 903.1 et Ra-04 utilisant la technique d'émanation du radon. Les méthodes d'analyse approuvées par la U.S. EPA pour le 228Ra comprennent les méthodes d'analyses radiochimiques EPA 904.0 et Ra-05 (U.S. EPA, 2008).

6.3 Uranium total

La méthode d'analyse traditionnelle de l'uranium total dans l'eau comporte une étape de fusion de l'uranium avec une pastille de fluorure de sodium. L'uranium est ensuite excité par rayonnement ultraviolet et la fluorescence émise mesurée à l'aide d'un photomultiplicateur. L'utilisation de cette méthode dans les laboratoires de Santé Canada a permis d'obtenir une limite de détection de 0,1 µg/L (Santé Canada, 2000a). Une autre méthode consiste à former un complexe avec l'uranium présent dans l'eau et l'acide phosphorique (Bring et Miller, 1992). Le complexe uranyle est excité par rayonnement laser et la phosphorescence émise mesurée afin de déterminer la concentration d'uranium dans l'échantillon. La limite de détection de cette méthode est généralement de 0,5 µg/L.

Les méthodes de spectrométrie alpha (EML, 1983) et de spectrométrie de masse couplée à un plasma induit (Igarashi et coll., 1989) peuvent être utilisées pour déterminer la composition isotopique de l'uranium.

Les méthodes d'analyse approuvées par la U.S. EPA pour l'uranium comprennent la méthode d'analyse radiochimique EPA 908.0, la méthode fluorimétrique EPA 908.1 et la méthode EPA 00-07 utilisant la spectrométrie alpha (U.S. EPA, 2008).

6.4 Tritium

La désintégration du tritium s'accompagne de l'émission d'une particule bêta de faible énergie (18,6 keV), sans émission de rayons gamma ou X. La méthode de mesure la plus efficace du tritium dans l'eau est le comptage par scintillation liquide, qui prévient les pertes par auto-absorption du rayonnement bêta. Une limite de détection d'environ 10 Bq/L est généralement obtenue dans les laboratoires de Santé Canada (Santé Canada, 2000a).

Les méthodes d'analyse approuvées par la U.S. EPA pour le tritium comprennent la méthode EPA 906.0 utilisant la scintillation liquide (U.S. EPA, 2008).

6.5 Strontium-90

La désintégration du strontium-90 s'accompagne uniquement d'émission de particules bêta ayant une énergie maximum de 546 keV. Comme elle ne s'accompagne pas de rayonnement gamma permettant de clairement l'identifier, il faut normalement effectuer une séparation chimique du strontium avant de mesurer le rayonnement à l'aide d'un détecteur de particules bêta. La méthode traditionnelle utilisée par Santé Canada (Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, 1977) comprend la précipitation du carbonate du groupe alcalino-terreux, suivie de la dissolution dans l'acide nitrique, de l'élimination du baryum et du radium par précipitation du chromate et finalement de la précipitation du strontium sous forme de carbonate. Le comptage des particules bêta de strontium est effectué à l'aide d'un compteur proportionnel à gaz. La limite de détection est généralement de 0,001 Bq/L.

Santé Canada a récemment mis au point une méthode d'analyse plus rapide afin de pouvoir traiter un grand nombre d'échantillons en cas d'urgence nucléaire. Cette procédure consiste à effectuer la séparation du strontium présent dans de nombreux échantillons d'eau dans un collecteur d'échange de cations, puis une purification par chromatographie par échange d'ions à haute pression. Le comptage des particules bêta de strontium peut se faire immédiatement par scintillation liquide, ou plus tard à l'aide d'un détecteur Cerenkov. La méthode basée sur la scintillation liquide est plus rapide, mais sa limite de détection n'est que de 0,2 Bq/L d'eau. La méthode en différé doit permettre la croissance de Y-90 ayant une demi-vie de 2,7 jours et sa limite de détection est de 0,02 Bq/L.

Les méthodes d'analyse approuvées par la U.S. EPA pour le 89Sr et le 90Sr comprennent la méthode d'analyse radiochimique EPA 905.0 (U.S. EPA, 2008).

6.6 Iode-131

Les isotopes radioactifs de l'iode, de l'iode-131 à l'iode-135, peuvent être facilement détectés et mesurés par spectrométrie gamma. Les limites de détection sont comparables à celles du césium-137.

Les méthodes d'analyse approuvées par la U.S. EPA pour l'iode radioactif comprennent la méthode d'analyse radiochimique EPA 902.0 et la méthode EPA 901.1 utilisant la spectrométrie gamma (U.S. EPA, 2008).

6.7 Césium-137

Le césium-137 peut être facilement détecté par spectrométrie gamma, grâce à son rayonnement gamma caractéristique de 661,6 keV. Dans les laboratoires de Santé Canada, le procédé de comptage après évaporation d'un volume d'eau de 60 L permet d'obtenir une limite de détection de 0,001 Bq/L.

Les méthodes d'analyse approuvées par la U.S. EPA pour le césium sont la méthode d'analyse radiochimique EPA 901.0 et la méthode EPA 901.1 utilisant la spectrométrie gamma (U.S. EPA, 2008).

6.8 Radon

Deux méthodes sont approuvées et une autre est recommandée par la U.S. EPA (1999) pour mesurer le radon dans l'eau potable; toutes trois utilisent le comptage par scintillation. Les méthodes approuvées sont la Standard Method 7500-Rn B - Liquid Scintillation (APHA et coll., 2005) et la méthode de dégazage de la U.S. EPA (1987). L'autre méthode recommandée est la méthode D5072-92 de l'ASTM (1998). Toutes ces méthodes exigent un échantillonnage minutieux en raison du dégagement rapide du radon contenu dans l'eau lorsque celle-ci est agitée et que sa surface est en contact avec l'air ambiant.

La méthode Standard Method 7500-Rn B consiste à injecter directement de l'eau dans une solution de scintillation et à effectuer le comptage dans un compteur à scintillation liquide automatique; la concentration minimale détectable est de 18 pCi (0,67 Bq/L) (APHA et coll., 2005). Lors de la méthode de dégazage, le radon est dégazé de l'eau et transféré dans une cellule de Lucas; la limite de détection de la méthode est d'environ 0,05 Bq/L (Crawford-Brown, 1989). La méthode D5072-92 de l'ASTM (1998) permet de mesurer des concentrations de radon dans l'eau potable supérieures à 0,04 Bq/L.

6.9 Mesures de l'activité alpha et bêta brutes

L'analyse de l'eau potable visant à déterminer les activités alpha et bêta brutes (excepté le radon) peut être réalisée en évaporant un volume connu de l'échantillon jusqu'à siccité et en mesurant l'activité du résidu. Le rayonnement alpha étant facilement absorbé par une mince couche de matière solide, la fiabilité et la sensibilité de la méthode de détermination de l'activité alpha peuvent être réduites dans le cas d'échantillons à forte teneur en matières dissoutes totales (MDT).

Il faut, dans la mesure du possible, employer des méthodes normalisées pour déterminer les concentrations d'activités alpha et bêta brutes. Les méthodes normalisées basées sur l'évaporation comprennent la méthode ISO 9696:2007 portant sur la mesure de l'activité alpha brute (ISO, 2007) et la méthode ISO 9697:2008 portant sur la mesure de l'activité bêta brute (ISO, 2008). La détermination de l'activité bêta brute au moyen de la méthode d'évaporation doit tenir compte de la contribution du 40K. Si la valeur de détection de l'activité bêta brute est dépassée, il faudrait effectuer une autre analyse du potassium total. La méthode basée sur l'évaporation est utilisée pour les eaux souterraines ayant une teneur en MDT supérieure à 0,1 g/L. Sa limite de détection varie de 0,02 à 0,1 Bq/L.

Une autre méthode normalisée, la technique de coprécipitation (APHA et coll., 1998), exclut la contribution du 40K et, de ce fait, ne requiert pas le dosage du potassium total. Cette méthode ne permet pas d'analyser les échantillons d'eau qui contiennent certains produits de fission comme le 137Cs; mais il faut souligner que les concentrations de produits de fission dans les sources d'eau potable sont généralement extrêmement faibles. Les MDT ne constituent pas un problème ici. La limite de détection de cette méthode est de 0,02 Bq/L (APHA et coll., 1998).

Bien que la détection de l'activité alpha et bêta brutes permette de réduire le nombre d'analyses coûteuses de radionucléides particuliers, elle constitue tout de même un outil de mesure présentant certains inconvénients. Ceux-ci comprennent l'obtention de résultats faussement positifs, particulièrement lorsque l'activité alpha brute doit être mesurée en présence de radon dissous. Il n'est pas rare de mesurer des concentrations de dizaines de becquerels par litre; mais dans la plupart de ces cas, des analyses détaillées révèlent qu'aucun radionucléide ne présente une concentration supérieure à la CMA correspondante. Des résultats faussement négatifs peuvent aussi être obtenus lorsque d'importantes quantités de MDT sont présentes dans l'échantillon d'eau. Lorsque l'échantillon est évaporé jusqu'à siccité, l'auto-absorption des particules peut entraîner une réduction importante du taux de comptage. Les laboratoires qui effectuent des mesures de l'activité brute signalent régulièrement d'importantes variations du taux de comptage, et ce, même pour des échantillons prélevés d'une même source. Si les détecteurs de l'activité brute sont utilisés en mode alpha et bêta afin de détecter simultanément les deux types d'activité brute, il peut se produire un chevauchement ou un débordement des composantes alpha et bêta, ce qui aurait pour effet d'accroître, de façon imprévisible, les erreurs d'analyse. Malgré ces inconvénients, la détection de l'activités alpha et bêta brutes est utile lorsqu'il s'agit de détecter des changements dans une source d'eau potable dont la composition a déjà été clairement caractérisée au moyen de dosages antérieurs des radionucléides. Afin de réduire le nombre d'analyses coûteuses et répétitives de radionucléides particuliers, un organisme peut décider d'établir ses propres niveaux de dépistage en se fondant sur des mesures de radioactivité brute.

Si un échantillon d'eau potable dépasse le niveau de dépistage pour l'activité alpha brute (0,5 Bq/L) ou pour l'activité bêta brute (1 Bq/l), il est recommandé de répéter l'analyse afin de confirmer la validité du résultat. Si le résultat est confirmé, il conviendrait alors d'analyser l'échantillon pour les radionucléides spécifiques dont la présence est soupçonnée, selon le type et l'emplacement de l'approvisionnement en eau potable. Par exemple, il est peu probable qu'un approvisionnement provenant d'une source d'eau souterraine éloignée de toute installation nucléaire contienne des radionucléides artificiels. Elle devrait cependant être analysée pour la présence de radionucléides naturels, c'est-à-dire le 210Pb, le 226Ra et l'uranium total. Si ces radionucléides ne sont pas présents en quantité suffisante pour expliquer les niveaux d'activité alpha brute ou d'activité bêta brute, il faudrait alors élargir les analyses pour y inclure d'autres membres de la famille radioactive, notamment le 228Ra et le 222Rn dissout. Ce dernier n'est pas considérer un risque dans l'eau potable, mais sa présence peut expliquer un niveau élevé d'activité alpha ou bêta brute et devrait provoquer un échantillonage de l'air intérieur.

Par contre, si un échantillon provient d'une source d'eau de surface située à proximité d'une installation nucléaire, il devrait faitre l'objet d'analyses pour la présence de radionucléides qui pourraient provenir de cette installation. Dans le cas d'un réacteur nucléaire, il faudrait commencer l'analyse par les quatre radionucléides articifiels - tritium, 90Sr, 131I, et 137Cs - que l'on s'attendrait à trouver dans les rejets d'un réacteur. Si leurs niveaux ne sont pas assez élevés pour expliquer les niveaux d'activités alpha et bêta brutes, il faudrait alors considérer la présence d'autres produits de fission. Dans la plupart des cas, il s'agit d'une détermination facile qui ne nécessite aucune analyse additionnelle. Si les rayonnements gamma ont été mesurés avec une méthode assez sensible pour déceler le 131I et le 137Cs au niveau de dépistage pour l'activité bêta de 1 Bq/L, alors tout autre produits de fission qui émet des rayonnements gamma présent dans l'échantillon sera aussi décelé.

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