Page 6 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – paramètres radiologiques
Partie II : Science et considérations techniques
Il existe plusieurs technologies qui permettent de ramener les concentrations de contaminants radiologiques présents dans l'eau potable à des niveaux qui ne présentent pas de risques pour la santé humaine. Il convient de noter que les propriétés chimiques du tritium empêchent son élimination de l'eau, ce qui met en évidence l'importance de prévenir toute contamination de la source d'eau.
Comme de nombreux facteurs tels que les caractéristiques chimiques d'une source d'eau particulière et la nature des contaminants influent sur l'élimination de divers radionucléides, il est essentiel de réaliser les essais avec des échantillons d'eau devant être traitée avant de choisir une technologie de traitement appropriée. La manutention et l'élimination des déchets issus du traitement doivent être sérieusement étudiées lors de l'élimination des radionucléides de l'eau potable.
La plupart des radionucléides peuvent être efficacement éliminés dans des installations municipales de traitement de l'eau. Parmi les technologies éprouvées d'élimination des radionucléides qui y sont généralement utilisées, on compte l'échange d'ions, l'osmose inverse et l'adoucissement à la chaux (U.S. EPA, 2000b). Les caractéristiques chimiques de l'eau influent sur l'efficacité d'élimination. L'efficacité d'élimination signalée de la méthode de l'osmose inverse varie de 70 à 99 % (Annanmäki, 2000; Santé Canada, 2004). Le procédé d'échange d'ions dépend également du type d'échangeur d'ions utilisé; l'efficacité d'élimination peut atteindre 95 %. L'efficacité signalée du traitement d'adoucissement à la chaux pour l'élimination du radium varie de 80 à 95 % (U.S. EPA, 2000a). La stratégie à adopter, dans le cas de radionucléides artificiels comme le tritium, devrait consister à empêcher toute contamination de la source d'eau.
Parmi les technologies éprouvées d'élimination du 226Ra et du 228Ra, outre l'échange d'ions, l'osmose inverse et l'adoucissement à la chaux, mentionnons la filtration au sable vert, la précipitation au sulfate de baryum, l'électrodialyse et l'électrodialyse inverse, et la filtration à l'hydroxyde de manganèse (U.S. EPA, 2000b). Le procédé d'échange d'ions permettant d'éliminer le radium utilise un milieu échangeur de cations régénéré par une solution acide, cette dernière étant préparée avec du sel ordinaire (chlorure de sodium) ou encore un sel de potassium (Annanmäki, 2000).
Il existe aussi des technologies éprouvées d'élimination de l'uranium, soit l'alumine activée (efficacité d'élimination signalée pouvant atteindre 99 %), et la coagulation et la filtration améliorées (U.S. EPA, 2000b). Le procédé d'échange d'ions permettant d'éliminer l'uranium utilise un milieu échangeur d'ions régénéré par une solution fortement basique, la plus couramment utilisée étant celle d'hydroxyde de sodium (Annanmäki, 2000).
Selon la U.S. EPA, l'aération de haute performance constitue la meilleure technologie existante permettant d'éliminer le radon présent dans les sources d'eaux souterraines. Les méthodes de ce type, notamment l'aération en tour à garnissage et l'aération par barbotage multiétage, peuvent atteindre un taux d'élimination de 99 %. L'emploi de ces méthodes peut toutefois créer une source importante de radon atmosphérique.
L'adsorption sur charbon actif en granulés (CAG), avec ou sans échange d'ions, permet aussi d'obtenir un taux élevé d'élimination du radon, mais son efficacité est moindre et elle requiert de grandes quantités de CAG, la rendant ainsi peu adéquate pour des systèmes de grande capacité. Dans certaines circonstances particulières propres aux systèmes de très petite capacité, l'emploi du CAG et son utilisation aux points d'entrée pourraient convenir (U.S. EPA, 1999). Cette technologie comporte toutefois deux problèmes potentiels, soit la création de champs intenses de rayonnement gamma à proximité de la colonne et l'élimination des résidus de traitement qui constituent des déchets.
Les eaux usées et les déchets solides issus du traitement de l'eau doivent être analysés afin de déterminer le niveau de rayonnement et être éliminés conformément aux règlements applicables.
Le traitement de l'eau à l'échelle municipale est conçu de façon à ramener les concentrations de contaminants à des valeurs égales ou inférieures aux recommandations pertinentes. Par conséquent, l'utilisation de dispositifs résidentiels pour traiter l'eau provenant d'installations municipales n'est généralement pas nécessaire, mais constitue plutôt un choix personnel. Dans le cas de ménages dont l'eau potable provient de puits privés, les dispositifs résidentiels de traitement de l'eau peuvent constituer une solution en matière d'élimination des radionucléides présents dans l'eau.
Les dispositifs de traitement disponibles sur le marché sont abordables et permettent d'éliminer certains radionucléides de l'eau potable pour la rendre conforme aux recommandations applicables. Un laboratoire accrédité devrait effectuer des essais périodiques de l'eau entrant dans le dispositif de traitement et de celle qui en sort afin de vérifier l'efficacité de ce dernier. Ces dispositifs peuvent perdre de leur efficacité d'élimination avec l'usage et le temps et doivent être entretenus et/ou remplacés. Les consommateurs devraient toujours consulter les recommandations du fabricant sur la durée de vie prévue des divers composants de leur dispositif de traitement.
Les types de dispositifs résidentiels d'élimination de radionucléides de l'eau potable les plus couramment utilisés sont les systèmes d'échange d'ions et d'osmose inverse (Santé Canada, 2004). L'efficacité des technologies de traitement de l'eau potable au point d'utilisation et au point d'entrée est généralement semblable à celle du traitement à l'échelle municipale. Les adoucisseurs d'eau utilisent le principe de l'échange d'ions qui permet d'éliminer les radionucléides (les personnes qui suivent un régime pauvre en sodium devraient consulter leur médecin avant de boire de l'eau adoucie artificiellement). Comme pour l'échange d'ions à l'échelle municipale, la nature de la solution de régénération requise peut varier en fonction des contaminants présents. Ainsi, l'élimination de l'uranium exige une solution de régénération fortement basique, alors que celle du radium requiert une solution acide. La régénération des adoucisseurs d'eau est effectuée avec une solution de sel ordinaire (chlorure de sodium), ce qui peut entraîner une forte augmentation de la teneur en sodium de l'eau. Il faut donc tenir compte de ce facteur lors du choix du procédé de traitement le plus approprié.
Il n'existe pas de procédé de traitement certifié pour l'élimination du 210Pb. Toutefois, comme l'isotope de plomb se comporte chimiquement comme le plomb élémentaire, tout procédé d'élimination du plomb stable devrait aussi éliminer l'isotope radioactif. Les systèmes certifiés d'élimination du plomb sont l'adsorption (charbon), l'osmose inverse et la distillation (NSF International, 2005a). Bien qu'il n'existe pas actuellement de produits certifiés de réduction de l'uranium, l'osmose inverse, la distillation ou les résines échangeuses d'ions devraient permettre de l'éliminer de l'eau potable.
Un certain nombre de dispositifs résidentiels de traitement permettent de ramener la concentration de radon dans l'eau potable à des valeurs inférieures à 11 Bq/L. Des système de filtration peuvent être installés sur le robinet (le point d'utilisation) ou à tout endroits où l'eau pénètre dans la maison (le point d'entrée). Il est recommandé d'employer des systèmes au point d'entrée dans le cas du radon, car l'eau traitée est tout autant utilisée pour les bains et la lessive que pour la cuisine et comme eau potable. Si des dispositifs certifiés de traitement au point d'entrée ne sont pas disponibles, ils peuvent être conçus et construits à partir de matériaux certifiés.
Santé Canada ne recommande pas de marques particulières de dispositifs de traitement, mais conseille vivement aux consommateurs de s'assurer que les dispositifs ont été certifiés par un organisme de certification accrédité comme répondant aux normes appropriées de la NSF International (NSF) et de l'American National Standards Institute (ANSI). Ces normes visent à préserver l'eau potable en s'assurant de l'innocuité des matériaux et de l'efficacité des produits qui entrent en contact avec elle. Les organismes de certification, accrédités par le Conseil canadien des normes (CCN), garantissent qu'un produit ou service est conforme aux normes en vigueur. Au Canada, le CCN a accrédité les organismes suivants, qu'il autorise ainsi à certifier les dispositifs de traitement de l'eau qui satisfont aux normes NSF/ANSI :
- CSA International;
- NSF International;
- Water Quality Association;
- Underwriters Laboratories Inc;
- Quality Auditing Institute; and
- International Association of Plumbing & Mechanical Officials.
On trouve sur le site Web du Conseil canadien des normes une liste à jour des organismes de certification accrédités.
Les dispositifs de traitement de l'eau certifiés pour l'élimination du 226Ra de l'eau non traitée (par exemple celle de puits privés) utilisent l'échange d'ions et l'osmose inverse. Les consommateurs ne devraient utiliser que des dispositifs de traitement certifiés garantissant de faire passer la concentration moyenne influente de 25 pCi/L (925 mBq/L) à un maximum de 5 pCi/L (185 mBq/L) dans l'effluent (NSF International, 2005b).
Les dispositifs de traitement certifiés pour l'élimination du radon sont généralement fondés sur la technologie d'adsorption sur charbon actif. La certification relative à l'élimination du radon exige que le dispositif fasse passer la concentration influente de radon de 4000 pCi/L (148 Bq/L) à une valeur finale inférieure à 300 pCi/L (11 Bq/L) dans l'effluent (NSF International, 2005b).
Lorsqu'on traite de l'eau potable présentant des concentrations naturelles de radionucléides, les déchets liquides produits par les traitements aux points d'entrée et aux points d'utilisation peuvent généralement être éliminés dans les réseaux d'égouts ou les fosses septiques et les déchets solides dans les décharges municipales. Les consommateurs doivent toutefois consulter les autorités compétentes avant d'entreprendre quoi que ce soit à cet égard.
La radioprotection exige d'établir un lien entre l'exposition aux rayonnements et les effets biologiques. Ce lien est représenté par la dose absorbée ou la quantité d'énergie transmise par le rayonnement ionisant à une masse unitaire de tissu. L'unité du système international d'unités (SI) de dose absorbée est le gray (Gy) qui correspond à l'absorption d'un joule d'énergie par kilogramme de tissu.
L'étendue des dommages biologiques dépend non seulement de la dose absorbée, mais aussi du type et de la qualité du rayonnement. Une dose donnée de rayonnement alpha provoquera des dommages biologiques beaucoup plus importants que la même dose de rayonnement X ou gamma, en raison de son potentiel d'ionisation plus élevé. Afin de pouvoir comparer tous les rayonnements ionisants quant à leurs dommages biologiques, la CIPR (1996) a élaboré la série suivante de facteurs de pondération des rayonnements :
- 1 pour les rayons bêta, gamma et X;
- 10 pour les neutrons; et
- 20 pour les particules alpha.
La dose équivalente, exprimée en sieverts (Sv), est égale au produit de la dose absorbée en grays par un facteur de pondération des rayonnements. Un sievert constitue en fait une dose très importante. En effet, l'exposition au fond naturel de rayonnement varie entre 2 et 3 mSv/an au Canada. L'exposition, lors d'une radiographie pulmonaire, est d'environ 0,01 mSv. Par souci de simplicité, le terme dose sera utilisé pour désigner la doseéquivalente dans le reste du document.
La dose de rayonnement provenant de l'ingestion d'un radionucléide présent dans les aliments ou l'eau potable dépend d'un certain nombre de facteurs, notamment :
- la quantité d'activité absorbée par l'organisme;
- l'énergie et le facteur de pondération du rayonnement;
- le pourcentage d'absorption du tractus gastro-intestinal;
- la répartition du radionucléide dans les différents organes de l'organisme;
- la période de rétention du radionucléide dans l'organisme.
Selon ses propriétés chimiques et biologiques, un radionucléide peut subsister dans l'organisme pendant des périodes variant de quelques jours à plusieurs années. L'exposition interne est donc mesurée sous forme de dose intégrée ou engagée. Les périodes standard d'intégration sont de 50 ans pour les adultes et de 70 ans pour une exposition à vie. La CIPR a élaboré une série de coefficients de dose pour les radionucléides les plus courants, en tenant compte de tous ces facteurs; ces coefficients fournissent la dose engagée provenant de l'ingestion ou de l'inhalation d'une unité de radioactivité.
La radioactivité désigne les particules émises par un noyau atomique instable. Les rayonnements les plus courants sont les rayonnements alpha, bêta et gamma. Les particules alpha sont constituées de deux protons et de deux neutrons liés en une particule identique au noyau de l'hélium; ces particules sont émises par des noyaux radioactifs comme l'uranium ou le radium par le biais d'un processus nommé désintégration alpha. Les particules bêta sont des électrons ou des positrons de haute énergie et de grande vitesse émis par certains types de noyaux radioactifs comme le 40K; la production de particules bêta est appelée désintégration bêta. Les émetteurs alpha et bêta diffèrent par l'importance de leurs effets biologiques. Les particules alpha interagissent très fortement, par transfert d'énergie, avec les tissus humains. Comme les particules bêta interagissent moins fortement que les particules alpha, elles peuvent se déplacer plus profondément dans les tissus avant de transférer leur énergie. La différence entre les effets de ces deux types de particules est donc la concentration des dommages causés aux tissus. Les particules alpha peuvent endommager de nombreuses molécules sur une courte distance, tandis que les particules bêta peuvent endommager des molécules réparties sur une plus grande distance. L'importance des dommages dépend de l'énergie émise par les particules alpha ou bêta particulières. Le rayonnement gamma est une forme de rayonnement électromagnétique ou d'émission de lumière à une fréquence particulière qui découle d'interactions de particules subatomiques comme la désintégration radioactive. Le rayonnement gamma est généralement considéré comme la lumière présentant la fréquence et l'énergie les plus élevées ainsi que la longueur d'onde la plus courte du spectre. Il peut causer de sérieux dommages lorsqu'absorbé par des cellules vivantes, en raison de son niveau d'énergie élevé.
Lorsqu'un rayonnement ionisant traverse la matière, les atomes et les molécules neutres acquièrent une charge électrique à la suite d'interactions au cours desquelles de faibles quantités d'énergie sont transférées aux atomes de la matière. Si la matière est un tissu de l'organisme, les structures biologiques sensibles peuvent subir des altérations.
Les rayonnements endommagent les tissus humains ou toute autre matière par le biais de l'ionisation des atomes. Un rayonnement ionisant absorbé par un tissu humain a assez d'énergie pour arracher les électrons des atomes dont sont constituées les molécules du tissu. En termes très simples, lorsqu'un électron partagé par des atomes formant un lien moléculaire est délogé, le lien se brise et la molécule se dissocie. Le processus peut se produire à la suite d'un impact direct subi par ces atomes ou, de manière indirecte, après la formation de radicaux libres causée par l'irradiation de molécules adjacentes. La molécule d'ADN, la structure la plus sensible de la cellule, contient l'empreinte génétique de celle-ci et de tout l'organisme d'ailleurs. Si les dommages causés à l'ADN par le rayonnement ne sont pas réparés, les cellules peuvent mourir ou ne pas se reproduire. Un nombre insuffisant de cellules peut entraîner la perte de tissus ou de fonctions organiques. D'autre part, les dommages subis peuvent n'être que partiellement ou incorrectement réparés, ce qui permet aux cellules de poursuivre leur division et de devenir transformées ou cancéreuses.
Les effets des rayonnements sur l'organisme humain se classent en deux grandes catégories : les effets déterministes et les effets stochastiques. Les effets déterministes n'apparaissent que lorsque la dose atteint une certaine valeur seuil. Au-delà de cette valeur, les effets se produisent de manière certaine et la gravité des dommages augmente avec la dose. Les effets déterministes comprennent la nausée, les vomissements, la diarrhée, la perte de cheveux, les hémorragies, la perte de la fonction immunitaire, des dommages au système nerveux et la mort. Chez les humains, la valeur seuil de ces effets est d'environ 500 mSv délivrés durant une courte période de temps(de quelques heures à quelques jours). Heureusement, de telles doses sont extrêmement rares et ne proviennent pas d'expositions environnementales comme l'ingestion de radionucléides dans l'eau potable.
Quant aux effets stochastiques, leur probabilité d'apparition augmente avec la quantité de rayonnement reçue. Ils peuvent apparaître à des doses bien en deçà du seuil des effets déterministes. Chez les humains, les principaux effets stochastiques sont le cancer chez les personnes exposées et des effets génétiques possibles chez leurs descendants. Les types de cancer les plus fréquemment associés à l'exposition aux rayonnements sont la leucémie et les tumeurs solides du poumon, du sein, de la thyroïde, des os, des organes digestifs et de la peau. La période de latence entre l'exposition et la constatation du cancer peut varier de 5 ans à plusieurs décennies (CIPR, 1991). Il n'existe pas de preuve concluante quant aux effets héréditaires des rayonnements chez les humains, bien que des études expérimentales sur les plantes et les animaux semblent indiquer que de tels effets se produisent.
Il n'est pas possible de distinguer les cancers radio-induits de ceux provenant d'autres causes. La corrélation entre les rayonnements et l'induction du cancer ne peut être démontrée que sous forme d'incidence accrue de cancers par rapport à l'incidence de fond dans de larges populations irradiées. Les principales sources de données épidémiologiques portant sur les risques et les effets associés aux rayonnements proviennent d'études de personnes ou de groupes de personnes ayant subi des expositions relativement élevées :
- des survivants des bombes atomiques de Hiroshima et Nagasaki;
- des patients traités à l'aide de doses élevées de rayonnement, à des fins diagnostiques ou thérapeutiques;
- des travailleurs exposés professionnellement, y compris les mineurs d'uranium et les peintres de cadrans au radium.
Comme il est impossible d'établir avec certitude la forme de la relation dose-réponse pour les effets stochastiques, particulièrement pour de faibles doses et débits de dose, il est généralement admis que la fréquence d'apparition est proportionnelle à la dose et sans seuil (hypothèse de linéarité sans seuil). L'absence de seuil implique qu'aucune dose, aussi faible soit-elle, ne peut être considérée comme sans danger. Cette hypothèse est simple et reste prudente (c.-à-d. qu'elle est plus susceptible de surestimer que de sous-estimer les risques). La CIPR a publié, en 1996, un ensemble révisé de coefficients de doses pour les personnes. Cette révision est basée sur des mesures plus récentes et des modèles métaboliques plus précis d'absorption et de rétention de radionucléides par les différents organes de l'organisme. Les coefficients de dose révisés servant à déterminer les CMA du présent document technique sont basés sur l'hypothèse de linéarité sans seuil.
La CIPR (1991) a déterminé que le risque à vie de cancers mortels résultant d'une seule exposition à une dose et un débit de dose faibles est de 5 % par sievert. Si les calculs tiennent compte des risques héréditaires et des cancers non mortels pondérés selon la gravité, le risque à vie atteint alors 7,3 % par sievert. La CCSN a établi une limite de dose de 1 mSv/an pour les membres du public (pour les sources artificielles excluant le fond naturel de rayonnement et les traitements médicaux). L'hypothèse de linéarité sans seuil suppose qu'une exposition à un rayonnement de 1 mSv/an correspond à un risque à vie additionnel de cancer de 7,3 × 10-5 par année d'exposition. L'évaluation des radionucléides dans l'eau potable est basée sur une dose de référence qui correspond au dixième de la limite de dose. Même si l'hypothèse de linéarité sans seuil est valide, les effets sur la santé dus à cette faible exposition seraient noyés dans le contexte statistique d'occurrences spontanées.
Aucune étude expérimentale ou épidémiologique n'a permis de lier l'ingestion du radon à des effets sur la santé chez les humains; il a été conclu, à la suite d'études expérimentales sur des animaux, que le risque lié à l'ingestion est généralement négligeable par rapport à celui lié à l'inhalation. Selon le U.S. National Research Council (1999a), le risque de décès par cancer de l'estomac, suite à l'exposition à vie à 1 Bq/L de radon par ingestion, serait de 2,0 × 10-12, en se basant sur des calculs réalisés au moyen de modèles de projection du risque associés à des sièges particuliers du cancer. Il semble que le radon absorbé dans l'eau pénètre rapidement dans le courant sanguin à partir de l'estomac (Crawford-Brown, 1989) et qu'il est ensuite distribué dans toutes les cellules de l'organisme (Gosink et coll., 1990). En raison de sa liposolubilité (IRC, 1928; von Dobeln et Lindell, 1965), le radon ne se répartit pas uniformément dans l'organisme (Hursh et coll., 1965). La clairance du radon présent dans le sang est relativement rapide, sa demi-vie étant de quelques minutes (Underwood et Diaz, 1941; Lindell, 1968).
La plupart du radon inhalé est exhalé et ne demeure dans les poumons que pendant une courte période de temps. Le 218Po , un produit de filiation du radon, est très réactif et se lie par attraction électrostatique aux fines particules présentes dans l'air. Ces particules sont inhalées et se déposent dans les poumons. Les produits de filiation du radon se désintègrent ensuite successivement en émettant des particules alpha et bêta nuisibles. Ce sont donc les descendants du radon, et non le radon lui-même, qui endommagent l'épithélium des bronches, car ce sont les seuls à demeurer assez longtemps dans les poumons pour se désintégrer de façon importante.
Le radon est classé comme cancérogène humain (CIRC, 1988). Ce classement est basé sur les résultats fiables d'études sur le cancer du poumon chez des mineurs de fond exposés à des concentrations élevées de radon (Lubin et coll., 1994; U.S. NRC, 1999b). Une analyse combinée de 11 cohortes comportant plus de 65 000 mineurs de fond, réalisée par Lubin et ses collaborateurs (1994), et une mise à jour effectuée par le U.S. NRC (1999b), offrent une évaluation approfondie des risques de cancer du poumon associés au radon. Les études de cohortes indiquent qu'environ 40 % des plus de 2700 décès liés au cancer du poumon parmi les 65 000 mineurs sont imputables au radon (Lubin et coll., 1995). En extrapolant les données de la cohorte de mineurs aux concentrations plus faibles de radon dans les maisons, on obtient un rapport de cotes de 1,12 (intervalle de confiance à 95 % situé entre 1,02 et 1,25) par 100 Bq/m3.
Des études plus récentes sur l'exposition à des concentrations plus faibles de radon dans l'air intérieur des maisons viennent confirmer le lien entre le cancer du poumon et l'exposition au radon. Darby et ses collaborateurs (2005) ont publié une analyse combinée de 13 études européennes traitant de 7148 cas de cancer du poumon et de 14 208 témoins appariés. Les résultats fournissent un rapport de cotes de 1,08 (intervalle de confiance à 95 % situé entre 1,03 et 1,16) par 100 Bq/m3 de radon dans l'air. Si les mesures liées au radon sont ajustées statistiquement afin de tenir compte des observations aberrantes, le rapport de cotes atteint 1,16 (intervalle de confiance à 95 % situé entre de 1,05 et 1,31) par 100 Bq/m3 de radon.
Un rapport de Krewski et ses collaborateurs (2005) a analysé sept études nord-américaines traitant de 3663 cas de cancer du poumon et de 4966 témoins appariés; les résultats ont démontré l'existence d'un lien important entre le radon dans les maisons et le cancer du poumon, avec un rapport de cotes de 1,11 (intervalle de confiance à 95 % situé entre 1,00 et 1,28) par 100 Bq/m3 de radon. Si ces données sont limitées aux sujets ayant vécu dans une ou deux maisons seulement au cours des 5 à 30 ans précédant leur recrutement et pour lesquelles des données de surveillance effectuées au moyen de détecteurs de traces alpha existent depuis plus de 20 ans, le rapport de cote atteint 1,18 ( intervalle de confiance à 95 %, de 1,02 à 1,43) par 100 Bq/m3 de radon.
Les analyses combinées de Darby et ses collaborateurs (2005) et de Krewski et ses collaborateurs (2005) ainsi que l'extrapolation vers le bas provenant des études sur les mineurs indiquent un excès de risque relatif d'environ 10 % par 100 Bq/m3 de radon dans l'air.
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