Page 2 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique - protozoaires entériques : Giardia et Cryptosporidium

Partie I. Vue d'ensemble et application

1.0 Recommandation

Lorsque la présence de protozoaires entériques nécessite un traitement de l'eau, la recommandation pour Giardia et Cryptosporidium est un objectif de traitement basé sur la santé correspondant à une élimination et (ou) à une inactivation d'au moins 3 log des kystes et des oocystes. Selon la qualité de la source d'eau, une élimination ou une inactivation logarithmique plus importante pourrait être nécessaire. Des techniques de traitement et des mesures de protection des bassins versants ou des têtes de puits reconnues pour leur efficacité à réduire le risque de maladies d'origine hydrique doivent être mises en œuvre et maintenues si la source d'eau est susceptible d'être contaminée par des matières fécales ou a déjà causé, par le passé, des éclosions de maladies d'origine hydrique imputées à Giardia ou à Cryptosporidium.

2.0 Sommaire

Les protozoaires constituent un groupe diversifié de microorganismes. Ce sont, pour la plupart, des organismes libres qui peuvent vivre dans l'eau douce et qui ne présentent aucun risque pour la santé humaine. Cependant, certains protozoaires entériques, comme Giardia et Cryptosporidium, sont pathogènes et ont été associés à des éclosions de maladies liées à l'eau potable. Ils peuvent se retrouver dans l'eau à la suite d'une contamination directe ou indirecte par les matières fécales d'humains ou d'animaux. La transmission de Giardia et de Cryptosporidium se fait souvent de personne à personne.

Santé Canada a récemment terminé son examen des risques pour la santé liés à la présence de protozoaires entériques dans l'eau potable. Le présent document technique examine et évalue les risques pour la santé qui ont été relevés et qui sont associés à la présence de protozoaires entériques dans l'eau potable. Il comprend une évaluation des nouvelles études et approches compte tenu des limites des méthodes de détection des protozoaires dans l'eau potable. Partant de cet examen, une recommandation a été formulée pour les protozoaires dans l'eau potable, à savoir un objectif de traitement basé sur la santé correspondant à une réduction d'au moins 3 log des protozoaires entériques.

2.1 Effets sur la santé

Les effets sur la santé associés à l'exposition à Giardia et à Cryptosporidium, comme ceux causés par d'autres pathogènes, dépendent des caractéristiques de l'hôte, du pathogène et de l'environnement. Le statut immunologique de l'hôte, l'infectiosité des kystes et des oocystes et le degré d'exposition sont tous des facteurs déterminants de l'infection et de la maladie. L'infection par Giardia ou Cryptosporidium peut causer à la fois des effets aigus et chroniques sur la santé.

En théorie, un seul kyste de Giardia suffirait à causer une infection. Cependant, des études ont montré que la dose infectieuse requise est habituellement supérieure à un seul kyste et qu'elle dépend de la virulence de la souche. Giardia est habituellement non invasif et cause des infections asymptomatiques. La giardiase symptomatique peut se manifester par des nausées, une diarrhée (généralement soudaine et explosive), une anorexie, une sensation de gêne dans la partie supérieure de l'intestin, un malaise et parfois une température subfébrile ou des frissons. La phase aiguë de l'infection prend souvent fin de façon spontanée et les microorganismes disparaissent généralement des fèces. Certains patients (p. ex. les enfants) souffrent d'accès récurrents de la maladie pouvant persister pendant des mois, voire des années.

Comme c'est le cas pour Giardia et d'autres pathogènes, un seul microorganisme de Cryptosporidium peut potentiellement causer une infection, bien que des études aient montré qu'il faut, en général, plus d'un microorganisme. Les personnes infectées par Cryptosporidium risquent davantage d'être atteintes d'une maladie symptomatique que celles infectées par Giardia. Les symptômes comprennent une diarrhée aqueuse, des crampes, des nausées, des vomissements (particulièrement chez les enfants), une température subfébrile, une anorexie et une déshydratation. La durée de l'infection dépend de l'état du système immunitaire. Les sujets immunocompétents sont généralement porteurs de l'infection pendant une durée maximale de 30 jours. L'infection peut mettre en danger la vie des personnes qui sont immunodéprimées et peut se prolonger pendant toute la durée de l'immunodépression.

2.2 Exposition

Les kystes de Giardia et les oocystes de Cryptosporidium peuvent survivre dans l'environnement pendant de longues périodes, selon les caractéristiques de l'eau. On a constaté qu'ils pouvaient résister à divers stress environnementaux, notamment la congélation et l'exposition à l'eau de mer. On trouve couramment des kystes et des oocystes dans les sources d'eau au Canada. L'afflux soudain et rapide de ces microorganismes dans les sources d'eau, pour lesquelles les procédés existants de traitement de l'eau peuvent ne pas être suffisants ou adéquats, est probablement responsable du risque accru d'infection associé à la transmission par l'eau potable.

Giardia et Cryptosporidium sont des causes fréquentes d'éclosions de maladies d'origine hydrique; Giardia est le protozoaire entérique le plus souvent déclaré au Canada, en Amérique du Nord et dans le monde entier.

2.3 Analyse et traitement

L'approche à barrières multiples est la plus efficace pour réduire les protozoaires entériques et d'autres pathogènes d'origine hydrique dans l'eau potable. Les évaluations des sources d'eau doivent faire partie des évaluations régulières de la vulnérabilité et (ou) des enquêtes sanitaires. Elles doivent comprendre la surveillance régulière et ciblée de la présence de Giardia et de Cryptosporidium. La surveillance des protozoaires dans l'eau à la source peut être ciblée en utilisant l'information sur les sources potentielles de contamination fécale d'une enquête sanitaire en combinaison avec les données historiques sur les chutes de pluie, la fonte des neiges, le débit fluvial et la turbidité, ce qui aidera à identifier les conditions pouvant mener à une contamination élevée. Il existe une méthode, validée pour l'eau de surface, qui permet la détection simultanée de ces protozoaires. Lorsqu'il est impossible d'exercer une surveillance régulière de la présence de Giardia et de Cryptosporidium (p. ex. petits systèmes d'approvisionnement en eau), on peut effectuer une estimation des concentrations de kystes et d'oocystes. Les estimations doivent être fondées sur l'information issue de l'évaluation de la source d'eau ainsi que d'autres paramètres de la qualité de l'eau qui peuvent nous renseigner sur le risque et (ou) le degré de contamination fécale dans la source d'eau.

Une fois que l'on a caractérisé la qualité des sources d'eau, on peut établir des objectifs d'élimination des pathogènes et adopter des procédés de traitement efficaces afin d'assurer la salubrité de l'eau potable traitée. En général, il faut désinfecter toutes les sources d'approvisionnement en eau et maintenir en tout temps une concentration résiduelle de désinfectant suffisante dans l'ensemble du réseau de distribution. La méthode la plus efficace pour réduire le nombre de protozoaires dans l'eau potable consiste à combiner l'élimination physique (p.ex., la filtration) et la barrière de désinfection de l'eau (p.ex., les rayons UV), étant donné leur résistance aux désinfectants couramment utilisés, tel le chlore. Les systèmes de traitement de l'eau qui utilisent seulement le chlore comme procédé de traitement auraient besoin de valeurs CT élevées pour inactiver efficacement les kystes de Giardia. Dans le cas du Cryptosporidium, les valeurs CT devraient être extrèmement élevées, ce qui empêcherait l'utilisation du chlore pour l'inactivation des oocystes de ce parasite.

Bien que l'absence d'Escherichia coli et de coliformes totaux n'indique pas forcément l'absence de protozoaires entériques, ceux-ci demeurent les indicateurs les plus fiables pour vérifier la qualité microbiologique de l'eau potable,. L'application et le suivi d'une approche à barrières multiples « de la source au robinet », en association avec la surveillance d'un certain nombre d'indicateurs (p.ex., turbidité, chlore résiduel, E. coli), peuvent être utilisés pour vérifier si l'eau a été convenablement traitée et si elle est, par conséquent, d'une qualité microbiologique acceptable.

2.4 Évaluation quantitative du risque microbien

On peut avoir recours à une évaluation quantitative du risque microbien (ÉQRM) dans le cadre d'une approche à barrières multiples pour aider à mieux saisir le risque inhérent à un système d'approvisionnement en eau. L'ÉQRM utilise les données disponibles sur la qualité de la source d'eau et les procédés de traitement ainsi que les caractéristiques propres aux pathogènes pour estimer la charge de morbidité associée à l'exposition aux microorganismes pathogènes dans une source d'eau potable. Grâce à cette évaluation, il est possible de déterminer la contribution des variations de la qualité de la source d'eau et du rendement du traitement au risque global. Cette analyse peut servir à évaluer si les mesures de contrôle mises en œuvre sont adéquates et si l'on doit recourir à des procédés de traitement additionnels ou optimiser ceux existants, de même qu'elle peut aider à établir des limites applicables aux points de contrôle critiques.

L'ÉQRM examine différents protozoaires entériques qui constituent, en raison de leurs caractéristiques, de bons représentants de tous les protozoaires pathogènes similaires, afin de sélectionner un protozoaire de référence parmi eux. On présume que si le traitement est efficace contre le protozoaire de référence, il le sera contre tous les protozoaires préoccupants similaires. Cryptosporidium parvum et Giardia lamblia ont été choisis comme protozoaires de référence aux fins de la présente évaluation du risque, étant donné leurs taux de prévalence élevés, leur potentiel de causer des poussées de maladies, leur résistance à la désinfection au chlore et la disponibilité d'un modèle dose-réponse pour chacun d'eux.

3.0 Application de la recommandation

Remarque : Des conseils spécifiques concernant l'application des recommandations doivent être obtenues auprès de l'autorité appropriée en matière d'eau potable dans le secteur de compétence concerné.

Il convient de limiter l'exposition à Giardia et à Cryptosporidium en mettant en œuvre une approche « de la source au robinet » pour protéger la qualité de l'eau potable. Cette approche comporte l'évaluation du système d'approvisionnement en eau potable dans son ensemble, de la source d'eau jusqu'au consommateur, en passant par les techniques de traitement et le réseau de distribution, afin de déterminer les risques et les mesures visant à atténuer ces derniers.

Les évaluations des sources d'eau doivent faire partie des évaluations régulières de la vulnérabilité et (ou) des enquêtes sanitaires. Elles doivent inclure une surveillance régulière de la présence de Giardia et de Cryptosporidium, afin d'établir des niveaux de références. La surveillance des protozoaires dans l'eau à la source peut être ciblée en utilisant l'information sur les sources potentielles de contamination fécale d'une enquête sanitaire en combinaison avec les données historiques sur les chutes de pluie, la fonte des neiges, le débit fluvial et la turbidité, ce qui aidera à identifier les conditions pouvant mener à une contamination élevée. Les évaluations devraient aussi inclure l'identification des sources potentielles de contamination fécale d'origine humaine et animale dans le bassin versant ou l'aquifère de même que les voies potentielles et (ou) les événements (risque faible à élevé) qui pourraient faire en sorte que les protozoaires atteignent la source d'eau et affectent la qualité de l'eau. Les sources de matières fécales humaines, comme les effluents d'usines d'épuration des eaux usées, les décharges des bassins de stabilisation des eaux usées et les fosses septiques mal entretenues, peuvent être des sources importantes de Giardia et de Cryptosporidium. Les matières fécales provenant d'animaux d'élevage, d'animaux sauvages et d'autres animaux sont aussi considérées comme une source importante d'espèces de Giardia et de Cryptosporidium capables de causer des maladies chez les humains.

Il est important de réaliser une évaluation complète des sources d'eaux souterraines afin de les classer comme étant assujetties à l'influence directe des eaux de surface ou considérées moins vulnérables à la contamination fécale (c.-à-d. celles qui ne sont pas sous l'influence directe des eaux de surface). Ces évaluations doivent inclure au minimum une étude hydrogéologique, une évaluation de l'intégrité du puits et une enquête sanitaire des caractéristiques physiques de la région et des activités qui y sont menées. Les eaux souterraines considérées moins vulnérables à la contamination fécale, lorsqu'elles sont classées convenablement, ne devraient pas contenir de protozoaires. Cependant, même ces sources d'eaux souterraines présentent un degré de vulnérabilité et doivent être réévaluées périodiquement.

Les évaluations de la qualité de l'eau doivent envisager le scénario du « pire cas » pour chaque source d'eau. Par exemple, il peut y avoir une brève période où la qualité de la source d'eau est mauvaise après un orage. Cette dégradation à court terme de la qualité de l'eau peut en fait représenter la plus grande partie du risque dans un système d'approvisionnement en eau potable. Le prélèvement et l'analyse d'échantillons de la source d'eau pour détecter la présence de Giardia et de Cryptosporidium peuvent fournir des renseignements importants afin de déterminer le degré de traitement nécessaire ainsi que les mesures d'atténuation (gestion des risques) qui devraient être mises en œuvre pour réduire la concentration de kystes et d'oocystes à un niveau acceptable. S'il est impossible d'échantillonner et d'analyser l'eau de la source d'approvisionnement afin de détecter la présence de Giardia et de Cryptosporidium (p.ex., petits systèmes d'approvisionnement en eau), on peut effectuer une estimation des concentrations de kystes et d'oocystes. Les estimations doivent tenir compte de l'information issue de l'évaluation de la source d'eau ainsi que d'autres paramètres de la qualité de l'eau qui peuvent nous renseigner sur le risque et (ou) le degré de contamination fécale dans la source d'eau. Comme ces estimations comportent un grand degré d'incertitude, il convient d'appliquer d'autres facteurs de sécurité au cours de la conception technique ou de la modernisation de l'usine de traitement, ou une réduction logarithmique plus importante que celle calculée en utilisant l'approche de l'ÉQRM, afin de garantir la production d'une eau potable d'une qualité microbiologique acceptable.

L'information issue des évaluations de la source d'eau est un élément essentiel des évaluations des risques propres à un site. Cette information devrait être utilisée en conjonction avec l'information sur le traitement et le réseau de distribution pour aider à évaluer les risques de la source au robinet. Dans le présent document, on suggère d'utiliser l'ÉQRM en guise d'outil pouvant aider à mieux comprendre le système d'approvisionnement en eau en évaluant les effets de la variation de la qualité de la source d'eau et du rendement du procédé de traitement sur le risque global, notamment l'impact potentiel d'événements dangereux, comme des orages, des contaminations ou la défaillance d'un procédé de traitement. L'analyse ainsi obtenue peut servir à déterminer si les mesures de contrôle mises en œuvre sont efficaces et si l'on doit recourir à des procédés de traitement additionnels ou optimiser ceux existants, de même qu'elle peut aider à établir des limites pour les points de contrôle critiques.

Lorsque le traitement de l'eau est nécessaire, une élimination et (ou) une inactivation d'au moins 3 log des kystes de Giardia ou des oocystes de Cryptosporidium est requise. Pour de nombreuses sources d'eau de surface, une réduction logarithmique plus importante pourrait s'imposer.

Les réductions peuvent être obtenues au moyen de procédés d'élimination physique, comme la filtration, et (ou) de procédés d'inactivation, comme la désinfection aux rayons ultraviolets (UV). En général, le traitement des approvisionnements alimentés par des eaux de surface ou des eaux souterraines assujetties à l'influence directe d'eaux de surface doit comprendre, au minimum, une filtration (ou des techniques équivalentes) et une désinfection adéquates. Afin de déterminer la nature et le niveau du traitement indiqué, il faut prendre en compte les fluctuations potentielles de la qualité de l'eau, y compris la dégradation de la qualité de l'eau à court terme et la variabilité du rendement du traitement. Des essais pilotes ou d'autres procédés d'optimisation peuvent être utiles pour déterminer la variabilité du traitement. Dans les systèmes comportant un réseau de distribution, il faudrait maintenir en tout temps une concentration résiduelle de désinfectant.

Dans le cadre de l'approche à barrières multiples, on doit surveiller régulièrement divers indicateurs (p. ex. la turbidité, la concentration résiduelle de chlore et la présence d'E. coli) pour vérifier que l'eau a été convenablement traitée et qu'elle atteint, par conséquent, l'objectif de traitement basé sur la santé. Ces indicateurs peuvent également servir à évaluer le réseau de distribution et à vérifier que la bonne qualité microbiologique de l'eau est maintenue dans l'ensemble du réseau, jusqu'au robinet du consommateur.

Détails de la page

Date de modification :