Page 8 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – le tétrachlorure de carbone

Partie II. Science et considérations techniques - suite

7.0 Techniques de traitement

7.1 Échelle municipale

Les usines municipales de filtration de l'eau qui utilisent des méthodes de traitement classiques (coagulation, décantation, filtration et chloration), ne réussissent généralement pas à réduire les concentrations de COV dans l'eau potable (Love et coll., 1983; Robeck et Love, 1983). Deux méthodes de traitement courantes permettent de réduire la concentration de tétrachlorure de carbone dans l'eau potable, soit l'adsorption sur charbon actif granulaire (CAG) et le strippage à l'air (Love et coll., 1983; U.S. EPA, 1985, 1991a,b; AWWA, 1991; Lykins et Clark, 1994). Dans une moindre mesure, l'oxydation et le traitement par osmose inverse pourraient aussi permettre de réduire la concentration de COV dans l'eau potable.

Le choix d'un procédé de traitement approprié dans le cas d'un approvisionnement en eau particulier dépendra de nombreux facteurs, dont les caractéristiques de la source d'eau et les conditions opérationnelles de la méthode de traitement en cause. Ces facteurs doivent être pris en considération si l'on veut s'assurer que le procédé de traitement choisi permettra de réduire la concentration de tétrachlorure de carbone dans l'eau potable.

7.1.1 Adsorption sur charbon actif

L'adsorption sur CAG est souvent employée pour réduire les concentrations de COV dans l'eau potable. On estime que cette méthode permet de réduire de 99 % (U.S. EPA, 1985, 2003b; Lykins et Clark, 1994) les concentrations de tétrachlorure de carbone et d'obtenir ainsi des concentrations inférieures à 1 µg/L dans l'eau traitée lorsque les conditions opérationnelles sont raisonnables (O'Brian et coll., 1981; Lykins et coll., 1984; AWWA, 1991).

Des données d'une étude à pleine échelle ont démontré que l'utilisation d'un système d'adsorption au CAG, avec un débit de 40 gallons par minute (0,22 ML/jour), un temps de contact en fût vide (TCFV) de 130 minutes et un taux d'utilisation de 11,6 lb de carbone/1 000 gallons (1,4 kg/m³), pouvait réduire la concentration de tétrachlorure de carbone de 72,9 mg/L dans l'eau brute à une concentration inférieure à 1 µg/L dans l'eau traitée (O'Brian et coll., 1981). Selon les données d'une autre installation de traitement utilisant un système d'adsorption au CAG en courant descendant, avec un débit de 0,23 million de gallons par jour (0,87 ML/jour), un TCFV de 35 minutes et d'une hauteur de couche de 9 pieds (2,7 m), la concentration de tétrachlorure de carbone ont passé de 6 µg/L dans l'eau brute à une concentration inférieure à 1 µg/L dans l'eau traitée (AWWA, 1991).

Adams et Clark (1991) ont estimé les critères de conception pour le traitement au CAG en phase liquide du tétrachlorure de carbone dans l'eau potable. Le taux d'utilisation de carbone pour réduire la concentration de tétrachlorure de carbone de 100 µg/L dans l'eau brute à 5 µg/L dans l'eau traitée est de 0,25/1 000 gallons (0,03 kg/m³), pour un TCFV de 15 minutes et une durée de vie du lit de 168 jours. Dans ces conditions, il est possible de réduire de 95 % la concentration de tétrachlorure de carbone dans l'eau potable.

La capacité d'adsorption des COV sur le charbon actif dépend de divers facteurs, dont la concentration, le pH, la compétition d'autres contaminants, la concentration de matière organique naturelle et les propriétés physicochimiques des COV et du carbone (Speth et Miltner, 1990). L'efficacité de la filtration sur CAG dépend aussi du TCFV, du débit et du temps de filtration.

7.1.2 Strippage à l'air

Le strippage à l'air est une méthode couramment utilisée pour réduire la concentration des COV dans l'eau potable (Cummins et Westrick, 1990; U.S. EPA, 1991b; OMS, 2004b; Dyksen, 2004). Bien qu'il existe différents types d'équipement de strippage, l'aération par tour à garnissage (ATG) est reconnue comme la méthode la plus efficace pour réduire la concentration de tétrachlorure de carbone dans l'eau potable. On estime qu'une efficacité de réduction de 99 % en utilisant l'ATG (U.S. EPA, 1985, 2003b) est réalisable afin de réduire la concentration de tétrachlorure de carbone à une concentration inférieure à 1 µg/L dans l'eau traitée.

Les facteurs pris en considération lors de la conception des systèmes d'ATG sont notamment la température de l'air et de l'eau, les caractéristiques physicochimiques du contaminant, le ratio air-eau, le temps de contact et la surface disponible pour le transfert de masse (Adams et Clark, 1991; U.S. EPA, 1991b; Crittenden et coll., 2005; Dyksen, 2004). L'ATG constitue une méthode optimale pour éliminer les COV dans l'eau, car elle permet d'obtenir des ratios air-eau plus élevés que les systèmes classiques d'aération diffuse. Comme l'ATG provoque le transfert des COV de l'eau à l'air, il pourrait être nécessaire de traiter le gaz dégagé de la tour à garnissage avant l'évacuation afin de réduire la concentration de contaminants (Crittenden et coll., 1988; Adams et Clark, 1991).

Des installations d'ATG types et modélisées pour l'élimination des COV courants ont été décrites par plusieurs auteurs (Crittenden et coll., 1988; Adams et Clark, 1991). Selon Crittenden et coll. (1988), pour les installations pleine échelle types (>8,17 ML/jour), les critères de conception aux fins de la réduction du tétrachlorure de carbone comprennent un ratio air-eau de 6,2, un appareil de strippage à l'air de 13,7 m de long et une tour de garnissage de 1,5 m de diamètre. Dans ces conditions, une réduction de 99 % de la concentration de tétrachlorure de carbone dans l'eau potable pourrait être obtenue : de 100 µg/L dans l'eau brute, une concentration de 1 µg/L dans l'eau traitée serait réalisable.

Après évaluation des coûts des systèmes d'ATG et d'adsorption sur CAG pour réduire les concentrations de certains COV dans l'eau, Adams et Clark (1991) ont indiqué que les critères de conception rentable pour les systèmes d'ATG dans les usines d'une capacité de traitement variant de 1 à 100 ML/jour comprenaient un ratio air-eau de 20 et un garnissage d'une épaisseur de 31,5 pi (9,6 m) aux fins de la réduction de la concentration de tétrachlorure de carbone. Dans ces conditions, il est possible de réduire de 99 % la concentration de tétrachlorure de carbone, qui passerait de 100 µg/L dans l'eau brute à 1 µg/L dans l'eau traitée. Selon ces auteurs, il semble que l'ATG soit une méthode de traitement plus rentable que l'adsorption du contaminant sur CAG en phase liquide, même lorsque les gaz dégagés par les tours à garnissage doivent être traités sur CAG en phase vapeur.

D'autres méthodes de traitement par strippage à l'air pourraient permettre de réduire la concentration de tétrachlorure de carbone dans l'eau potable, notamment l'aération diffuse, l'aération par barbotage à étapes multiples, l'aération par plateaux et l'aération par plateaux peuprofonds. Ces technologies peuvent être particulièrement utiles pour les petits systèmes où le traitement par CAG ou ATG n'est pas possible (U.S. EPA, 1998).

La combinaison de l'ATG suivi par l'adsorption sur CAG en tant que traitement en deux étapes a été proposée comme étant la méthode la plus efficace pour obtenir de faibles concentrations de COV dans l'eau traitée. Dans une usine municipale de traitement employant ces procédés combinés, le strippage à l'air est utilisé pour réduire la plus grande partie des COV dans l'eau, et le charbon actif, à la deuxième étape, pour réduire davantage la concentration des COV résiduels (McKinnon et Dyksen, 1984; Stenzel et Gupta, 1985; U.S. EPA, 1991b). De plus, l'utilisation du strippage à l'air avant l'adsorption sur CAG peut prolonger de façon significative la durée de vie du lit de charbon.

7.1.3 Osmose inverse

L'osmose inverse est une méthode prometteuse en raison de sa capacité d'éliminer les COV de l'eau potable (Clark et coll., 1988). Des études en banc d'essai ont démontré que certaines membranes d'osmose inverse pouvaient réduire de 70 à 100 % la concentration de tétrachlorure de carbone dans l'eau (Fronk et coll., 1990; Lykins et Clark, 1994; OMS, 2004b).

La capacité de l'osmose inverse d'éliminer d'autres substances organiques de synthèse dépend de divers composants du système, dont le type de membrane, le flux, la récupération, la solubilité des substances chimiques organiques, la charge et le poids moléculaire (Taylor et coll., 2000).

7.1.4 Techniques de traitement émergentes

Il existe plusieurs nouvelles techniques de traitement de l'eau potable visant à éliminer le tétrachlorure de carbone, dont les suivantes :

  1. Irradiation par faisceau d'électrons à haute énergie : Cette technique consiste à injecter des électrons à haute énergie dans une solution aqueuse de contaminants après la formation d'espèces hautement réactives comme des électrons aqueux, des radicaux hydroxyle et des radicaux hydrogène, qui minéralisent les molécules organiques. Des expériences à l'échelle pilote ont permis de réduire à 3,38, 6,15 et 174 µg/L (dans l'eau traitée), respectivement, des concentrations initiales de tétrachlorure de carbone de 133, 848 et de 8 490 µg/L, soit des taux de réduction de 97,5 %, de 99,3 % et de 98,0 % (Mak et coll., 1997).
  2. Pervaporation : Cette technique implique l'enlèvement des COV par la perméation d'un liquide à travers une membrane, suivi de l'évaporation des COV en phase vapeur. Quoiqu'elle soit considérée comme une nouvelle technique pour le traitement de l'eau contaminée par les COV, on ne possède aucune information sur l'élimination du tétrachlorure de carbone en particulier (Lipski et Cote, 1990; Uragami et coll., 2001).
  3. Strippage à l'air sur membrane : Le strippage à l'air des COV au moyen de membranes à fibres creuses microporeuses en polypropylène est une technique de rechange à l'ATG (Semmens et coll., 1989; Castro et Zander, 1995). Des études pilotes font état de taux d'élimination du tétrachlorure de carbone allant jusqu'à 85 % et de coefficients de transfert de masse plus élevés qu'avec l'utilisation de tours de strippage classiques (Zander et coll., 1989).

7.2 Échelle résidentielle

En général, on ne recommande pas de traiter à domicile l'eau potable provenant d'une usine de traitement municipal. L'utilisation de dispositifs résidentiels de traitement est principalement un choix personnel. Dans les cas où l'eau potable d'une résidence provient d'un puits privé, un dispositif de traitement de l'eau potable résidentiel pourrait être une solution pour réduire les concentrations de tétrachlorure de carbone dans l'eau potable.

Santé Canada ne recommande pas de marques particulières de dispositifs de traitement de l'eau potable, mais conseille vivement aux consommateurs de n'utiliser que les dispositifs certifiés par un organisme de certification accrédité ou dont les composantes sont certifiées par un organisme de certification accrédité comme étant conformes aux normes appropriées de la NSF International (NSF) et de l'American National Standards Institute (ANSI) régissant les produits liés à l'eau potable. Ces normes visent à préserver la qualité de l'eau potable en aidant à assurer l'innocuité des matériaux et l'efficacité des produits qui entrent en contact avec elle. Les organismes de certification, qui doivent être accrédités par le Conseil canadien des normes (CCN), garantissent qu'un produit ou un service est conforme aux normes en vigueur. Au Canada, les organismes suivants sont accrédités par le CCN pour la certification de la conformité aux normes de la NSF/ANSI des dispositifs de traitement de l'eau potable et des produits qui entrent en contact avec l'eau potable (CCN, 2008) :

  • CSA International (www.csa-international.org);
  • NSF International (www.nsf.org);
  • Water Quality Association (www.wqa.org);
  • Underwriters Laboratories Inc. (www.ul.com);
  • Quality Auditing Institute (www.qai.org);
  • International Association of Plumbing & Mechanical Officials (www.iapmo.org).
    On peut obtenir une liste à jour des organismes de certification accrédités auprès du CCN (www.scc.ca).

Les dispositifs de traitement capable d'éliminer le tétrachlorure de carbone de l'eau non traitée (comme celle des puits privés) peuvent être certifiés pour l'élimination du tétrachlorure de carbone ou de divers COV, y compris le tétrachlorure de carbone. Ils sont conçus pour être installés sur le robinet (point d'utilisation) ou à l'entrée de la résidence (point d'entrée). Les systèmes installés au point d'entrée sont préférables pour les COV tels que le tétrachlorure de carbone, car ils fournissent de l'eau traitée pour le bain et la lessive en même temps que pour la cuisine et la boisson. Seuls les dispositifs certifiés pour l'élimination des COV permettent d'obtenir la garantie qu'une concentration finale de tétrachlorure de carbone inférieure à 1,8 µg/L est atteinte. Les dispositifs certifiés spécifiquement pour l'élimination du tétrachlorure de carbone ne garantissent qu'une concentration finale de 5 µg/L, ce qui est supérieur à la CMA de 0,002 mg/L.

Pour qu'un dispositif de traitement de l'eau potable soit certifié conforme à la norme 53 de la NSF/ANSI (Drinking Water Treatment Units - Health Effects) pour l'élimination du tétrachlorure de carbone, le dispositif doit pouvoir réduire de plus de 98 % une concentration de tétrachlorure de carbone de 0,078 mg/L dans l'influent (provocation); la concentration finale maximale dans l'eau traitée doit donc être inférieure à 0,0018 mg/L (NSF/ANSI, 2009a). Les dispositifs de traitement certifiés comme pouvant éliminer les COV conformément à la norme 53 de la NSF/ANSI utilisent généralement la technique d'adsorption sur charbon actif. Les systèmes d'osmose inverse certifiés conformes à la norme 58 de la NSF/ANSI (Reverse Osmosis Drinking Water Treatment Systems) peuvent aussi être certifiés pour la réduction des COV à une concentration finale de moins de 0,0018 mg/L (NSF/ANSI, 2009b). Cette norme s'applique uniquement aux systèmes d'osmose inverse installés au point d'utilisation.

Un certain nombre de dispositifs de traitement résidentiel offerts par divers fabricants peuvent réduire la concentration de tétrachlorure de carbone dans l'eau potable à une concentration inférieure à 1,8 µg/L. Des dispositifs certifiés de traitement au point d'utilisation, ainsi qu'un choix limité de dispositifs certifiés au point d'entrée, sont actuellement offerts pour la réduction des concentrations de COV, dont le tétrachlorure de carbone. Lorsqu'il est impossible d'acheter un dispositif certifié de traitement au point d'entrée, des systèmes peuvent être conçus et construits au moyen de matériaux certifiés. Il faut soumettre périodiquement à l'analyse par un laboratoire agréé, à la fois l'eau brute ainsi que celle qui est traitée par le dispositif de traitement pour vérifier son efficacité. Comme il faut les entretenir ou les remplacer. Comme ces dispositifs peuvent perdre de leur efficacité avec l'usage et le temps, il doivent donc être entretenus ou remplacés. Les consommateurs doivent procéder à la vérification de la longévité et à l'entretien des composantes de leur dispositif de traitement conformément aux recommandations du fabricant.

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