Page 14 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – les trihalométhanes

12.0 Justification

Comme les THM présents dans l'eau potable proviennent principalement de la chloration des matières organiques qui se trouvent dans les approvisionnements en eau brute, il est important de reconnaître les avantages considérables pour la santé qui découlent de la désinfection par chloration. Le chlore a presque éliminé les maladies microbiennes d'origine hydrique, parce qu'il peut détruire ou inactiver presque tous les micro-organismes entériques pathogènes. Le chlore est le désinfectant le plus facile à utiliser et à contrôler. C'est un oxydant puissant dont il est possible de maintenir un résidu dans le réseau de distribution pour empêcher la recroissance bactérienne. Même si l'utilisation du chlore peut entraîner la formation de sous-produits de désinfection comme les THM, les efforts de gestion des concentrations de THM dans l'eau potable ne doivent pas compromettre l'efficacité de la désinfection de l'eau.

Les THM et les acides haloacétiques (AHA) constituent les deux principaux groupes de SPCD que l'on trouve dans l'eau potable, et leurs concentrations y sont en général les plus élevées. Les concentrations de ces contaminants peuvent être utilisées comme indicateurs de la présence de tous les types de SPCD dans les approvisionnements d'eau potable. En l'absence d'informations sur les autres SPCD, le contrôle et la gestion des THM et des AHA devraient réduire l'exposition et le risque liés à ces autres sous-produits. Lorsque des méthodes appropriées de traitement de l'eau potable sont mises en oeuvre pour réduire les concentrations de THM et de AHA, les concentrations des autres sous-produits chlorés de désinfection peuvent également être réduites au cours du processus.

On a établi deux recommandations sur les trihalométhanes : une recommandation sur les THM, qui se fonde sur les effets du chloroforme sur la santé et s'applique à la concentration totale de chloroforme, de BDCM, de DBCM et de bromoforme; et une recommandation distincte sur le BDCM. Le BDCM peut être utilisé comme indicateur de la présence d'autres THM bromés dans l'eau potable. Les données animales ont montré de façon constante que les SPD étaient beaucoup plus toxiques que les SPD chlorés.

Des informations récentes indiquent également que l'inhalation et l'absorption cutanée par l'eau potable constituent des voies d'exposition importantes dont il faut tenir compte, ce qui se traduit par un niveau d'exposition global plus élevé à tous les THM.

12.1 Trihalométhanes (chloroforme)

On a réalisé des progrès importants depuis la formulation de la recommandation précédente sur les THM dans l'eau potable au Canada, qui était également basée sur le chloroforme. Le poids de la preuve indique maintenant que le chloroforme est un cancérogène seuil, faisant intervenir des mécanismes d'action non génotoxiques entraînant une cytotoxicité soutenue par des métabolites et la prolifération subséquente et persistante de cellules (cancer). Par conséquent, on a modifié dans la présente évaluation le classement du chloroforme, le faisant passer du groupe II (substances probablement cancérogènes pour les humains) selon le classement de la recommandation précédente, au groupe III (substances possiblement cancérogènes pour les humains). La prise en compte de voies d'exposition supplémentaires par l'eau potable, telles que l'inhalation et l'absorption cutanée, donne une exposition globale aux THM plus élevée (total de 4,11 Leq/jour pour l'ingestion et l'exposition par inhalation et voie cutanée lors de la douche et du bain) qu'on ne l'avait reconnu à l'origine, avec une valeur calculée de 80 µg/L. On a utilisé le chloroforme comme THM type aux fins de l'élaboration d'une recommandation, puisqu'il s'agit du THM pour lequel on dispose du plus grand nombre de données scientifiques et du THM prédominant dans les approvisionnements d'eau potable.

On a par ailleurs examiné des données épidémiologiques concernant l'existence possible d'un lien entre des effets sur la reproduction et l'exposition à des concentrations élevées de THM. On n'a toutefois trouvé ni de tendances dose-réponse quant à l'augmentation du risque en fonction de l'augmentation de la concentration de THM, ni de preuves claires de l'existence d'un seuil.

Atteindre la valeur recommandée de 80 µg/L pour les THM dans l'eau potable peut avoir des retombées financières importantes pour les usines de traitement. Comme on ne s'attend pas à une augmentation significative des risques pour la santé à la suite d'une exposition à des concentrations de THM allant jusqu'à 100 µg/L, le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable a établi une CMA de 0,10 mg/L (100 µg/L) pour les THM dans l'eau potable, sur base d'une moyenne annuelle. Les services de distribution d'eau devraient faire tout leur possible pour réduire les concentrations de THM au niveau le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre sans compromettre l'efficacité de la désinfection de l'eau.

12.2 Bromodichlorométhane

Comme le BDCM a été classé dans le groupe II (substances probablement cancérogènes pour les humains), on a calculé la CMA en tenant compte du risque à vie de cancer estimé et des meilleures techniques de traitement disponibles. Comme la CMA doit pouvoir être mesurée par les méthodes d'analyse disponibles, on a également tenu compte en la calculant de la LDM.

On propose donc une CMA de 0,016 mg/L (16 µg/L) pour le BDCM, calculée en tenant compte des considérations suivantes :

(1) Le risque unitaire à vie de cancer estimé associé à l'ingestion de 1 µg/L de BDCM dans l'eau potable se situe dans une plage allant de 2,06 × 10-7 (sur la base des carcinomes et polypes adénomateux [combinés] du gros intestin chez les rats femelles) à 6,33 × 10-7 (sur la base des carcinomes et polypes adénomateux [combinés] du gros intestin chez les rats mâles). Par conséquent, le risque à vie de cancer estimé associé à l'ingestion de 16 µg/L de BDCM (soit 3,3 × 10-6 à 1,0 × 10-5 ) se situe dans une plage considérée comme étant « essentiellement négligeable ».

(2) La LDM (fondée sur la capacité des laboratoires à mesurer les THM, y compris le BDCM, dans des limites raisonnables de précision et d'exactitude) est de 0,1 à 0,2 µg/L, plage nettement inférieure à la CMA.

(3) La CMA doit être mesurable et réalisable. En optimisant le processus de traitement (c'est-à-dire en améliorant les processus de traitement traditionnels de l'eau pour éliminer les composés organiques [bromés] avant la désinfection, et en ajoutant de nouveaux processus tels que l'adsorption sur charbon actif et la préoxydation), on peut ramener les concentrations de BDCM à des niveaux inférieurs à 16 µg/L.

Des études épidémiologiques appuyées en partie par des études toxicologiques ont dégagé des liens entre les effets sur la reproduction (risque accru de fausse couche ou de mortinatalité) et l'exposition au BDCM. Des études récentes ont montré que le BDCM visait les trophoblastes du placenta humain qui produisent la gonadotrophine chorionique, hormone vitale pour le maintien de la grossesse. Une diminution des concentrations bioactives de cette hormone pourrait avoir des effets indésirables sur la grossesse; il n'existe cependant pas à ce jour de données probantes concernant la plausibilité biologique d'un arrêt de grossesse provoqué par le BDCM. Bien que les niveaux les plus faibles d'exposition au BDCM associés à une perte du foetus soient de ≥20 µg/L, les données disponibles actuellement ne suffisent pas pour déterminer si le BDCM dans l'eau potable peut avoir des effets sur la reproduction chez les êtres humains, ni pour fonder la CMA sur ces effets. Ces études épidémiologiques ont été examinées attentivement et prises en compte dans l'élaboration de la recommandation, tant par le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable que par le groupe de travail sur les SPCD. Dans une perspective d'évaluation des risques, on considère que ces études épidémiologiques sont limitées pour ce qui est de leur capacité à quantifier l'exposition individuelle au BDCM ou à d'autres sous-produits spécifiques de la désinfection. On recommande donc aux services de distribution d'eau potable de toujours chercher à maintenir des concentrations de THM bromés au niveau le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre sans compromettre l'efficacité de la désinfection.

Santé Canada continuera, dans le cadre de son processus continu de révision des recommandations, à suivre les nouvelles recherches à ce sujet, et recommandera au besoin toute modification jugée appropriée.

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