Page 8 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – la turbidité

Partie II. Science et considérations techniques (continué)

7.0 Relations entre la turbidité et les caractéristiques de la qualité de l'eau

7.1 Caractéristiques microbiologiques

La turbidité peut influer grandement sur la qualité microbiologique de l'eau. Les microorganismes sont eux-mêmes considérés comme des particules, dont la taille varie entre celle des petites particules et celle des matières colloïdales (MWH, 2005). Dans l'environnement, les microorganismes deviennent intimement associés aux particules de sol et de déchets. Ils sédimentent avec ces particules ou se fixent directement à leur surface, puis ils sont transportés dans les eaux suivant les mêmes mécanismes que les particules, qu'il s'agisse des mécanismes ayant cours dans l'environnement ou de ceux ayant cours dans les systèmes de traitement des eaux (voir plus haut le tableau 2). C'est pourquoi les mesures de la turbidité sont devenues un indicateur utile de la qualité de l'eau brute, de l'eau traitée et de l'eau circulant dans les réseaux de distribution. L'annexe B donne des précisions sur les crédits d'enlèvement logarithmique pour les microorganismes.

7.1.1 Relation entre la turbidité et la présence de microorganismes

Certains événements peuvent entraîner des fluctuations soudaines de la turbidité et des concentrations de pathogènes dans les eaux de surface. Certains de ces événements (p. ex. fortes précipitations, rejets d'eaux usées, inondations) peuvent être imprévisibles, tandis que d'autres (p. ex. fonte printanière, début d'une saison des pluies habituelle) sont saisonniers et peuvent être prévisibles dans une certaine mesure. Il est bien établi que le ruissellement associé aux pluies peut entraîner de fortes hausses de la turbidité et des concentrations d'indicateurs fécaux et de pathogènes (Ferguson et coll., 1996; Atherholt et coll., 1998; Kistemann et coll., 2002; Dorner et coll., 2007). Atherholt et coll. (1998) ont observé que les accroissements des concentrations de kystes de Giardia et d'oocystes de Cryptosporidium dus aux pluies dans le bassin d'un cours d'eau du New Jersey étaient corrélés de façon significative avec les mesures de turbidité. Curriero et coll. (2001) et Naumova et coll. (2005) ont rapporté l'existence d'associations statistiquement significatives entre des épisodes de pluies fortes ou extrêmes et des éclosions de maladies d'origine hydrique aux États-Unis et en Angleterre, respectivement. De façon générale, on peut dire qu'il peut y avoir un lien entre turbidité et pathogènes, car on sait que des sources de contamination liées aux conditions météorologiques existent dans les bassins hydrographiques; ainsi, une pointe de turbidité dans l'eau brute peut annoncer un accroissement du risque de contamination microbiologique. Cependant, on doit garder à l'esprit qu'une faible turbidité des eaux de surface ne signifie pas nécessairement une absence de pathogènes. Les recherches n'ont pu établir aucune corrélation directe entre la turbidité des eaux de surface et les concentrations de pathogènes. Toute association entre ces deux paramètres est fonction de facteurs propres à la région concernée, comme la nature et l'ampleur des apports en microorganismes pathogènes (fécaux) et les types de sols présents. Dorner et coll. (2007) ont observé de faibles corrélations entre les concentrations de pathogènes par temps humide et les mesures de turbidité dans le bassin de la rivière Grand (Ontario), et conclu que l'existence ou l'absence de corrélations était en fait associée à la variation régionale des sources de pathogènes. De même, St. Pierre et coll. (2009) n'ont pas trouvé de fortes associations entre la prévalence et les quantités de Campylobacter spp., de coliformes thermotolérants et d'E. coli et les valeurs de turbidité dans des cours d'eau de l'Estrie (Québec).

Dans l'eau souterraine, la turbidité est généralement faible et elle est souvent associée à des oxydes inorganiques de métaux, des matières minérales comme des particules d'argile et des composés macromoléculaires de carbone organique dissous comme des acides humiques (Puls et coll., 1991; Backus et coll., 1993; OMS, 2011). Dans certains cas, la turbidité élevée observée durant l'échantillonnage des puits a été associée à une teneur élevée en minéraux argileux (Puls et coll., 1993) et à des concentrations élevées de métaux, comme du fer et de l'aluminium (Abbott, 2007). La croissance de bactéries du fer ou du soufre peut accroître la turbidité par suite du dépôt de quantités importantes de précipités de fer ou de soufre et de la production d'amas visqueux de bactéries (APHA et coll., 2012). Plus récemment, une étude a observé la présence de bactéries indicatrices de coliformes fécaux dans les échantillons de puits de surveillance du substratum rocheux prélevés au début de l'échantillonnage. Dans cette étude, une turbidité comprise entre 1 et 3 UTN correspondait à la présence de coliformes fécaux et d'E. coli (Kozuskanich et coll., 2011). Dans l'ensemble, il n'y a pas assez de données scientifiques pour suggérer une valeur de turbidité spécifique qui puisse indiquer la présence de pathogènes dans l'eau souterraine. Par contre, il est préférable que la turbidité de l'eau fournie par les systèmes d'eau potable dont la source est de l'eau souterraine soit d'au plus 1,0 UTN. Cela permet d'éviter que les niveaux de turbidité interfèrent avec la désinfection et la distribution de l'eau.

Les méthodes de traitement et de désinfection peuvent produire une eau potable présentant un risque négligeable de transmission de maladie. Un faible niveau de turbidité dans l'eau filtrée est généralement une bonne indication de l'efficacité du traitement, mais la présence ou l'absence de pathogènes n'est pas associée à des valeurs précises de turbidité. Une étude menée au Canada sur les approvisionnements municipaux en eau potable et portant sur Giardia et Cryptosporidium (Wallis et coll., 1993) a révélé que des kystes et des oocystes ont pu être détectés en faible nombre dans les eaux traitées de 9 municipalités sur 10, et dans des eaux de turbidité inférieure à la LTFS de 0,3 UTN. Les échantillons positifs étaient moins communs dans le cas des municipalités qui utilisaient la filtration. Keswick et coll. (1984) ont examiné la présence de virus entériques dans de l'eau potable traitée par un procédé conventionnel et provenant d'un cours d'eau fortement pollué des États-Unis. Quatre des neuf échantillons recueillis durant la saison sèche qui satisfaisaient à la norme de turbidité de l'époque (1,0 UTN) et aux normes établies pour les coliformes totaux et le chlore résiduel renfermaient des virus cultivables (rotavirus et entérovirus). Aucun des 14 échantillons recueillis durant la saison pluvieuse ne satisfaisait aux normes en matière de turbidité, de coliformes totaux et de chlore résiduel, et tous renfermaient des virus cultivables. Par ailleurs, dans un relevé coopératif des virus visant l'eau potable de trois grandes régions urbaines du Canada (Montréal, Ottawa et Toronto) réalisé par Payment et coll. (1984), des virus ont été détectés dans 37 % à 72 % des échantillons d'eau brute, mais aucun ne l'a été dans les échantillons d'eau traitée, qui satisfaisaient à toutes les normes de turbidité (1,0 UTN), de contamination bactériologique et de chlore résiduel.

Un accroissement de la turbidité dans les réseaux de distribution peut indiquer des problèmes microbiologiques dus, par exemple, à des intrusions, au détachement de films biologiques ou à la perturbation de dépôts. Plusieurs études ont établi l'existence de corrélations entre l'augmentation des concentrations de microorganismes et une turbidité accrue (Snead et coll., 1980; Goshko et coll., 1983; Haas et coll., 1983). Un accroissement de NBH peut indiquer une défaillance d'une barrière de traitement, une détérioration de la qualité de l'eau ou une contamination post-traitement. Goshko et coll. (1983) ont noté une corrélation positive entre la turbidité et la numération des bactéries hétérotrophes dans des échantillons d'eau tirés des réseaux de distribution de plusieurs petites collectivités. De même, Power et Nagy (1999) ont noté une corrélation positive entre l'augmentation de la turbidité et l'augmentation des coliformes totaux et de la NBH dans un réseau de distribution subissant un processus de recroissance bactérienne. Des changements de pression ou de l'écoulement peuvent aussi contribuer à la libération de dépôts mous, à la remise en suspension de sédiments, au détachement de biofilms ou à l'intrusion de contaminants externes, ce qui peut accroître la turbidité et les quantités de bactéries dans les réseaux de distribution (LeChevallier et coll., 2003; Lehtola et coll., 2004, 2006). Les mesures de turbidité peuvent être utilisées comme indicateur des changements des conditions existant dans les réseaux de distribution, mais on ne doit pas automatiquement conclure que l'eau est impropre à la consommation quand il y a hausse de la turbidité. Dans une des premières études sur la relation entre la turbidité et les bactéries dans les réseaux de distribution, on n'a trouvé aucune corrélation entre les niveaux de turbidité supérieurs ou inférieurs à 1,0 UTN et la fréquence de détection des coliformes (Reilly et Kippin, 1983). Lehtola et coll. (2004) ont observé que des dépôts mous ayant une influence sur la turbidité et les concentrations de bactéries contenaient un grand nombre de bactéries hétérotrophes, mais ne renfermaient pas de coliformes ni de virus semblables à Norwalk.

Les mesures de turbidité n'indiquent pas si l'eau est sûre ou non, mais elles sont utiles pour indiquer quand un examen de la cause de la turbidité s'avère nécessaire. Ces mesures doivent être utilisées par les exploitants comme outil pour la surveillance du fonctionnement de l'usine et des conditions existant dans le réseau de distribution. Parmi les autres mesures utiles, on compte les essais visant les coliformes, la numération des bactéries hétérotrophes et les concentrations résiduelles de désinfectant.

7.1.2 Relation entre la réduction de la turbidité et l'enlèvement des microorganismes dans l'eau traitée

La filtration constitue une barrière importante pour la production d'une eau potable sûre. Selon le type de procédé de filtration utilisé, les protozoaires, les bactéries, les virus et les particules sont enlevés par fixation aux grains des matériaux filtrants poreux, par tamisage mécanique ou par des mécanismes biologiques. L'enlèvement mécanique est particulièrement important dans le cas des protozoaires entériques Giardia et Cryptosporidium et des virus entériques. Les oocystes de Cryptosporidium ne sont pas efficacement inactivés par la désinfection au chlore, et l'inactivation des kystes de Giardia avec le chlore libre exige de fortes concentrations de ce désinfectant ou de longs temps de contact (Santé Canada, 2012). La filtration est la meilleure technique pour obtenir de forts crédits d'enlèvement de ces organismes. Les virus entériques peuvent passer à travers la plupart des barrières filtrantes assez facilement du fait de leur petite taille. Des coagulants chimiques sont souvent utilisés pour adsorber les virus sur des flocons dont la taille plus grande en facilite l'enlèvement par filtration.

Il n'existe pas de relation précise entre l'ampleur de la réduction de la turbidité et l'enlèvement des pathogènes. Certains auteurs ont trouvé des corrélations positives et statistiquement significatives entre la réduction de la turbidité et l'enlèvement de parasites dans le cas de techniques de filtration granulaire rapide (LeChevallier et Norton, 1992; Nieminski et Ongerth, 1995; Dugan et coll., 2001). Cependant, le gros des données indique que la relation n'est pas proportionnelle (par relation proportionnelle, on entend une relation de un pour un). Dugan et coll. (2002) ont rapporté que dans des essais d'efficacité d'enlèvement portant sur un procédé de filtration conventionnel optimisé, le taux de réduction de la turbidité était constamment plus faible que le crédit d'enlèvement des oocystes. Huck et coll. (2002) ont observé que deux usines pilotes de conception comparable optimisées pour produire une eau de turbidité faible et similaire (moins de 0,1 UTN) ont montré une différence de 2 log entre leurs capacités d'enlèvement de Cryptosporidium. Selon Patania et coll. (1995), la réduction de la turbidité et l'enlèvement des particules et des kystes et oocystes sont largement fonction des valeurs respectives de ces paramètres dans l'eau de la source d'approvisionnement. Comme chacun de ces paramètres peut varier considérablement d'une source à l'autre, on ne peut établir de relation universelle (Patania et coll., 1995). Cela est davantage compliqué par le fait que le procédé de coagulation-floculation modifie de façon fondamentale le nombre et les caractéristiques des particules, ce qui rend difficile le suivi de la réduction de particules spécifiques.

Les différences observées entre la turbidité et l'enlèvement des pathogènes peuvent aussi s'expliquer en partie par le fait que les diverses techniques de traitement et modes d'exploitation présentent des différences intrinsèques. Par exemple, en ce qui concerne la filtration lente sur sable, en plus des caractéristiques particulières de ce procédé en termes de matériau filtrant et de taux de filtration, il y a formation d'un « schmutzdecke » comportant une communauté biologique complexe capable de dégrader certains types de matières organiques (MWH, 2005). De plus, il a été avancé que dans cette composante biologiquement active, la prédation de bactéries par certains protozoaires (Lloyd, 1996; Hijnen et coll., 2004; Unger et Collins, 2008) et la prédation de kystes ou oocystes de protozoaires par le zooplancton (Bichai et coll., 2009) pourraient jouer un rôle dans l'enlèvement des bactéries et kystes ou oocystes. On doit également signaler que la turbidité de l'eau et l'enlèvement associé des divers types de pathogènes sont aussi fonction du prétraitement et de la technique de filtration utilisée.

De façon générale, il a été démontré qu'on peut obtenir un bon niveau d'enlèvement des kystes de Giardia et des oocystes de Cryptosporidium quand l'eau produite est de faible turbidité. Diverses techniques de filtration peuvent permettre une bonne réduction de la turbidité et un bon niveau d'enlèvement des kystes et oocystes de protozoaires.

7.1.2.1 Filtration conventionnelle

La capacité de la filtration conventionnelle de réduire la turbidité et d'enlever les pathogènes de l'eau filtrée a fait l'objet de beaucoup de recherches. Les données publiées d'études en usine pleine grandeur (LeChevallier et coll., 1991; LeChevallier et Norton, 1992; Kelley et coll., 1995; Nieminski et Ongerth, 1995; McTigue et coll., 1998; Nieminski et Bellamy, 2000) et d'études en usine pilote (Logsdon et coll., 1985; Patania et coll., 1995; McTigue et coll., 1998; Dugan et coll., 2001; Harrington et coll., 2001; Emelko et coll., 2003; Huck et coll., 2004; Assavasilavasukul et coll., 2008) indiquent que la filtration conventionnelle peut atteindre des crédits d'enlèvement des kystes de Giardia et des oocystes de Cryptosporidium variant de plus de 1,4 log à plus de 5 log, et des crédits d'enlèvement des virus allant de 1,6 log à plus de 3 log.

Les données d'études réalisées en usine pilote par Patania et coll. (1995) ont montré qu'un crédit d'enlèvement de Cryptosporidium de 5 log pouvait être atteint avec des systèmes de filtration conventionnelle optimisés pour la réduction de la turbidité et l'enlèvement des particules. De même, Huck et coll. (2002) et Emelko et coll. (2003) ont observé un crédit d'enlèvement de Cryptosporidium de plus de 5 log avec des systèmes pilotes de filtration conventionnelle dans des conditions optimisées avec filtration stable (turbidités des eaux à leur sortie des filtres inférieures à 0,1 UTN). McTigue et coll. (1998) ont examiné 100 usines pleine grandeur de traitement de l'eau aux États-Unis dans le but d'obtenir des estimations nationales du rendement des usines, notamment en ce qui concerne l'enlèvement des pathogènes, et de proposer des normes à cet égard. Le taux médian d'enlèvement de Cryptosporidium rapporté pour les 100 usines a été de 1,7 log. Cependant, les auteurs ont précisé que l'estimation du crédit d'enlèvement de Cryptosporidium atteignable se trouvait limitée par le fait que l'eau brute filtrée par les usines couvertes par l'étude contenait généralement de faibles concentrations de ce protozoaire. Des mesures de turbidité n'ont été prises que dans 52 des 100 usines, la turbidité médiane n'ayant pas dépassé 0,2 UTN dans toutes les phases de filtration et dans toutes les usines.

Emelko et coll. (2005) ont passé en revue l'information existante sur les crédits d'enlèvement de Cryptosporidium obtenus par filtration sur matériau granulaire. Les auteurs ont conclu que globalement, les données recueillies indiquent que les filtres granulaires optimisés pour la réduction de la turbidité peuvent atteindre des crédits d'enlèvement de Cryptosporidium de près de 3 log ou plus.

7.1.2.2 Filtration directe

Les données d'études en usine pleine grandeur (Nieminski et Ongerth, 1995) et d'études en usine pilote (West et coll., 1994; Nieminski et Ongerth, 1995; Ongerth et Pecoraro, 1995; Patania et coll., 1995; Brown et Emelko, 2009) indiquent que la filtration directe optimisée peut atteindre des crédits d'enlèvement des kystes de Giardia et des oocystes de Cryptosporidium variant de 2 log à plus de 4 log. Dans des expériences en usine pleine grandeur et en usine pilote, Nieminski et Ongerth (1995) ont observé des crédits d'enlèvement de 3 log pour les kystes de Giardia et de près de 3 log pour les oocystes de Cryptosporidium, l'eau à sa sortie des filtres ayant présenté des turbidités de 0,1 à 0,2 UTN. Selon les auteurs, la filtration directe, quand elle est optimisée, peut atteindre un crédit d'enlèvement de Giardia et de Cryptosporidium comparable à celui obtenu avec la filtration conventionnelle. Brown et Emelko (2009) ont montré qu'un système pilote de filtration en ligne avec coagulation préalable stable optimisée (turbidité de moins de 0,1 UTN) pouvait atteindre un crédit médian d'enlèvement des oocystes de Cryptosporidium de 4 log. Une coagulation sous-optimale (dose de 50 %, 0,2-0,3 UTN) a entraîné une réduction de 2-3 log du crédit médian d'enlèvement des oocystes (Brown et Emelko, 2009). Par contre, Patania et coll. (1995) ont observé que les crédits d'enlèvement de Giardia et de Cryptosporidium par filtration directe étaient inférieurs de 0,8 à 1,8 log à ceux obtenus par filtration conventionnelle dans le cadre d'études en usine pilote. Enfin, des données montrent que la sédimentation peut permettre d'atteindre des crédits d'enlèvement de 0,5 à 1,0 log pour Cryptosporidium (Kelley et coll., 1995; Edzwald et Kelley, 1998; Dugan et coll., 2001) et de 0,5 à plus de 3 log pour les virus (Rao et coll., 1988; Payment et Franco, 1993; Havelaar et coll., 1995).

7.1.2.3 Filtration lente sur sable

On dispose de peu d'information sur les crédits d'enlèvement des pathogènes en rapport avec les turbidités atteignables dans l'eau filtrée. Des études publiées faites dans des usines pilotes de filtration lente sur sable bien exploitées ont indiqué des capacités d'enlèvement physique moyennes variant de plus de 3 log à plus de 4 log tant pour les kystes de Giardia que pour les oocystes de Cryptosporidium (Bellamy et coll., 1985a; Schuler et Ghosh, 1991; Hall et coll., 1994; Timms et coll., 1995; Hijnen et coll., 2007). On a rapporté des crédits d'enlèvement par filtration lente sur sable en usine pilote de 1 à 2 log pour les entérovirus (Slade, 1978) et de moins de 1 à 2,2 log pour le virus MS2 (Anderson et coll., 2009). Schuler et Ghosh (1991) ont indiqué que la filtration lente sur sable pouvait atteindre un crédit d'enlèvement de plus de 3 log pour Cryptosporidium et Giardia et qu'une turbidité de l'eau à sa sortie des filtres de 0,3 UTN était atteignable concurremment. Dans une série d'expériences en usine pilote de filtration lente sur sable, Hall et coll. (1994) ont observé des crédits d'enlèvement de Cryptosporidium de 2,8 à 4,3 log (moyenne de 3,8 log), la turbidité de l'eau filtrée ayant été de 0,2 à 0,4 UTN dans trois des quatre essais. Dans une autre étude en usine pilote, Bellamy et coll. (1985a) ont observé un crédit d'enlèvement de plus de 99,9 % (3 log) pour les kystes de Giardia, mais avec une réduction de la turbidité de seulement 27 % à 39 %. La faible réduction de turbidité a été attribuée à la présence de fines particules d'argile provenant de l'eau de la source d'approvisionnement utilisée dans l'essai.

Des études canadiennes récentes ont examiné des filtres lents à sable multicouches pour déterminer leur capacité de réduction de la turbidité (Anderson et coll., 2006) ou d'enlèvement de Cryptosporidium, de Giardia (DeLoyde et coll., 2006) et des virus (MS2) (Anderson et coll., 2009). Des systèmes pilotes comprenant des filtres dégrossisseurs et deux filtres à sable lents en série ont été utilisés dans les expériences. Dans les expériences concernant la turbidité (Anderson et coll., 2006), les turbidités des eaux à leur sortie des filtres à sable lents étaient de moins de 0,3 UTN dans 90,4 % (filtre 1) et 98,7 % (filtre 2) des mesures, et de moins de 1,0 UTN dans 99 % (filtres 1 et 2) des mesures. La turbidité de l'eau brute durant la période de l'étude était de moins de 5 UTN dans 61 % des mesures; cependant, des pointes de plus de 20 UTN et atteignant occasionnellement 80 UTN ont été notées (Anderson et coll., 2006). Dans les essais d'efficacité d'enlèvement concernant les protozoaires (DeLoyde et coll., 2006), on a rapporté des crédits d'enlèvement variant de 2,0 log à plus de 5,2 log pour Cryptosporidium, et de plus de 2,4 log à plus de 4,9 log pour Giardia. Les auteurs ont observé que les crédits d'enlèvement augmentaient avec la maturation des filtres et que les kystes de Giardia étaient enlevés en plus grand nombre que les oocystes de Cryptosporidium. Enfin, dans les expériences concernant l'enlèvement du virus MS2, Anderson et coll. (2009) ont observé des crédits d'enlèvement logarithmique moyens variant de 0,1 à 0,2 log pour les filtres dégrossisseurs et de 0,2 log à 2,2 log pour les filtres à sable lents. Ces derniers enlevaient moins efficacement le virus MS2 en eau froide à une vitesse de filtration élevée.

7.1.2.4 Filtration à diatomées

Un petit nombre d'études en usine pilote ont évalué l'efficacité d'enlèvement de la filtration à diatomées pour Cryptosporidium et Giardia. Logsdon et coll. (1981) ont rapporté un crédit d'enlèvement des kystes de Giardia de 2 à 4 log, l'eau à sa sortie du filtre ayant présenté une turbidité de 0,31 à 0,76 UTN. Schuler et Ghosh (1990) ont observé des crédits d'enlèvement tant de Cryptosporidium que de Giardia de plus de 3 log, l'eau à sa sortie du filtre ayant présenté une turbidité toujours inférieure à 0,2 UTN. Les auteurs ont constaté que les crédits d'enlèvement logarithmique étaient plus élevés avec Giardia qu'avec Cryptosporidium et que l'enlèvement de Cryptosporidium était accru quand un coagulant chimique (alun) était ajouté. Ongerth et Hutton (1997) ont observé des taux moyens d'enlèvement de Cryptosporidium variant de plus de 5 log à plus de 6 log dans des essais utilisant des filtres à diatomées de finesses différentes (taille médiane des pores de 5,0, 7,0 et 13,0 µm). L'efficacité d'enlèvement de Cryptosporidium augmentait avec la finesse de filtration (taille médiane des particules plus petite et perméabilité plus faible) (Ongerth et Hutton, 1997). Les auteurs n'ont pas indiqué les turbidités correspondantes.

Ongerth et Hutton (2001) ont observé des crédits d'enlèvement moyens pour Cryptosporidium de plus de 6 log avec des vitesses de filtration de 2,5 et 5 m/h et une turbidité de l'eau traitée se situant entre 0,06 et 0,12 UTN. Dans cette étude, on a aussi observé une hausse de la turbidité jusqu'à 0,4 UTN à cause d'une instabilité de la pression due au fait que les pulsations de la pompe d'alimentation péristaltique n'étaient pas amorties. Dans ces conditions, les crédits d'enlèvement de Cryptosporidium demeuraient tout de même dans la plage de 5,0 à 5,8 log. Bien que l'enlèvement des particules dans la filtration à diatomées se fasse généralement par tamisage, plusieurs auteurs ont montré que les crédits d'enlèvement de Cryptosporidium et de Giardia pouvaient demeurer de plus de 3 log même si la turbidité de l'eau traitée était supérieure à 0,4 UTN (Logsdon et coll., 1981; Ongerth et Hutton, 2001). Selon Logsdon et coll. (1981), l'enlèvement élevé de kystes observé malgré une faible réduction de la turbidité serait dû au fait que les très petites particules ont pu passer à travers le gâteau de filtration tandis que les kystes, plus gros, ont été retenus par les diatomées.

7.1.2.5 Filtration à poche et filtration à cartouche

Les poches et les cartouches filtrantes (taille habituelle des pores de 0,2 à10 µm) peuvent enlever certains kystes et oocystes de protozoaires, mais les bactéries et les virus sont suffisamment petits pour passer à travers. Dans des études publiées portant sur ces techniques, on a rapporté des crédits d'enlèvement de Cryptosporidium variant de 0,5 à 3,6 log (U.S. EPA, 2006b).

7.1.2.6 Filtration sur membrane

La microfiltration (taille des pores de 0,1 à 10 µm) et l'ultrafiltration (taille des pores de 0,01 à 0,1 µm) sont les procédés de filtration sur membrane les plus communément utilisés. Les membranes de microfiltration sont efficaces pour enlever les protozoaires et la plupart des bactéries, mais pas les virus, à moins qu'une coagulation soit préalablement effectuée. Des rapports publiés ont indiqué des crédits d'enlèvement logarithmique variant de plus de 4,0 log à plus de 6,0 log pour Cryptosporidium et Giardia, de 4,0 log à plus de 6,0 log pour E. coli et de 0,0 à 2,0 log pour les virus (MS2) (Jacangelo et coll., 1995; NSF, 2000a, 2002, 2003). Les membranes d'ultrafiltration ont des pores suffisamment petits pour enlever les protozoaires, les bactéries et les virus. Les crédits d'enlèvement logarithmique rapportés varient de plus de 5,0 log à plus de 7,0 log pour Cryptosporidium et Giardia et de 2 à plus de 6 log pour les virus (MS2); ils atteignent 7,0 à 8,0 log pour E. coli (Jacangelo et coll., 1991, 1995; NSF, 2000b,c).

Les membranes de nanofiltration (pores de 0,5 à 2 nm) et les membranes d'osmose inverse sont généralement considérées comme non poreuses et peuvent rejeter des particules de taille beaucoup plus petites que celles retenues par les membranes d'ultrafiltration. La capacité d'enlèvement des microorganismes de ces deux techniques a fait l'objet de peu d'études publiées comparativement à celle des autres techniques de filtration sur membrane. Lovins et coll. (1999) ont rapporté des résultats variables pour des essais d'efficacité d'enlèvement concernant la filtration des microorganismes par deux procédés de nanofiltration, l'un utilisant une membrane d'acétate de cellulose et l'autre, une membrane composite à film mince. Les systèmes à membrane composite à film mince ont donné des crédits d'enlèvement de plus de 4 ou 5 log pour les bactéries (spores de Clostridium perfringens), les protozoaires (oocystes de Cryptosporidium, kystes de Giardia) et les virus (MS2), tandis que la membrane d'acétate de cellulose a donné des crédits d'enlèvement de seulement moins de 2 log pour chacun de ces trois groupes. En ce qui concerne les membranes d'osmose inverse, Mi et coll. (2004) ont rapporté des crédits d'enlèvement du bactériophage MS2 de plus de 5 log, tandis que Gagliardo et coll. (1997a,b) ont observé des taux de plus de 4,8 log tant pour Cryptosporidium que pour Giardia, et de 2 log à plus de 5 log pour les virus (MS2) dans le cadre d'essais d'efficacité d'enlèvement. Lozier et coll. (2003) ont obtenu pour le virus MS2 des crédits d'enlèvement variant de plus de 6 log à 100 % avec des membranes d'osmose inverse, et de 3 à 5,5 log avec des membranes de nanofiltration.

Selon Owen (1999), les imperfections de fabrication et la distribution inhérente des tailles des pores pour tous les procédés de séparation peuvent contribuer au fait que l'enlèvement des microorganismes demeure incomplet.

7.1.3 Filtration optimisée

L'optimisation des conditions de traitement pour la réduction de la turbidité et l'enlèvement des particules optimise aussi l'enlèvement des kystes et oocystes (Hall et coll., 1994; Ongerth et Pecoraro, 1995; Patania et coll., 1995; Dugan et coll., 2001; Huck et coll., 2002). Dans une étude pilote sur les effets des conditions de coagulation sur l'enlèvement de Cryptosporidium par traitement conventionnel, Dugan et coll. (2001) ont observé que les crédits d'enlèvement logarithmique dans les conditions optimisées (turbidité moyenne de 0,08 UTN, plage de 0,02 à 0,15 UTN) étaient de plusieurs ordres de grandeur supérieurs à ceux obtenus dans des conditions sous-optimales (turbidité moyenne de 0,31 UTN, plage de 0,13 à 0,66 UTN).

Huck et coll. (2001, 2002) ont examiné les effets d'une coagulation sous-optimale et des conditions de fin de cycle dans deux usines pilotes de filtration conventionnelle. Les conditions de coagulation sous-optimales ont entraîné un accroissement de la turbidité moyenne de 0,05 UTN à 0,17 UTN, accompagné d'une réduction de 2 log du crédit d'enlèvement de Cryptosporidium, qui n'était plus que de moins de 1 log. De même, dans les conditions de fin de cycle, les crédits d'enlèvement de Cryptosporidium ont diminué d'une moyenne de 5,5 log à 2,0 log tandis que la turbidité moyenne passait de 0,03 UTN à 0,21 UTN. Ongerth et Pecoraro (1995) ont rapporté que les crédits d'enlèvement de Giardia et de Cryptosporidium par filtration directe ont été réduits de 1,5 log au cours d'une phase de filtration où des conditions de coagulation sous-optimales ont été intentionnellement maintenues. La turbidité moyenne de l'eau à sa sortie du filtre a été de 0,36 UTN pour cette phase sous-optimale, comparativement à 0,02- 0,09 UTN pour les phases optimisées. La période de maturation du filtre a aussi été identifiée comme une période d'augmentation potentielle du risque d'introduction de Cryptosporidium dans l'eau filtrée. Amburgey et coll. (2005) ont noté une tendance générale à l'augmentation du passage de Cryptosporidium durant la période de maturation qui correspondait à une augmentation de la turbidité dans l'eau à la sortie du filtre. De nouvelles études pilotes ont observé que le Cryptosporidium dans l'eau de lavage à contre-courant peut traverser les filtres durant la période de maturation et causer une perte d'enlèvement allant jusqu'à 1 log.

Les systèmes de filtration doivent être exploités de façon à réduire le plus possible les niveaux de turbidité. Les fournisseurs d'eau doivent s'efforcer de maintenir la turbidité de l'eau traitée à moins de 0,1 UTN en tout temps. Des études pilotes réalisées avec des systèmes de traitement conventionnel ont montré que l'enlèvement des kystes de Giardia et des oocystes de Cryptosporidium était maximisé lorsqu'on optimisait le traitement de façon à atteindre un objectif de turbidité de 0,1 UTN ou moins dans l'eau à la sortie du filtre (Nieminski et Ongerth, 1995; Patania et coll., 1995; Huck et coll., 2002). Cet objectif est conforme aux résultats de l'évaluation sur laquelle est fondé le LT2ESWTR de l'U.S. EPA, et aux recommandations faites par le PSW et le Programme d'excellence en eau potable. Le LT2ESWTR donne des conseils concernant les niveaux de turbidité qui permettent d'obtenir les meilleurs crédits d'enlèvement logarithmique de Cryptosporidium et spécifie des crédits d'enlèvement additionnels pour les approvisionnements publiques dont l'eau filtrée respecte la norme de turbidité de 0,15 UTN à la sortie des filtres et dont aucune mesure pour un filtre individuel ne dépasse 0,3 UTN dans deux mesures consécutives obtenues à 15 minutes d'intervalle (U.S. EPA, 2006b). De même, le PSW donne parmi ses critères d'excellence en matière de traitement de l'eau l'atteinte d'une turbidité de moins de 0,10 UTN dans l'eau filtrée pour 95 % des mesures avec une turbidité maximale de l'eau filtrée de 0,30 UTN.

Il existe peu de données concernant les capacités additionnelles d'enlèvement des pathogènes des autres types de procédés de filtration (p. ex. filtration lente sur sable ou filtration à diatomées) quand les niveaux de turbidité sont très bas. Ces procédés enlèvent les particules par des mécanismes autres que ceux agissant dans la filtration conventionnelle. En général, l'optimisation des procédés de façon à réduire le plus possible la turbidité de l'eau filtrée maximise l'enlèvement des pathogènes. Schuler et Ghosh (1990) ont observé que l'enlèvement des oocystes et la turbidité se trouvaient améliorés quand un coagulant chimique (alun) était ajouté dans le cas de la filtration à diatomées. Dans des expériences avec un système à diatomées grossières (taille médiane de 26 µm), l'ajout d'alun à des concentrations de 0,01 à 0,02 g/g de diatomées a abaissé la turbidité de l'eau filtrée de 0,16-0,20 UTN à 0,02-0,06 UTN et réduit le nombre d'oocystes détectables par 100 gallons (379 L) de 1-6 oocystes à 1 oocyste ou moins.

Des accroissements de la turbidité de l'eau filtrée durant la filtration peuvent indiquer qu'il est possible que des organismes non désirés passent dans l'eau filtrée. Des études pilotes réalisées avec des systèmes de filtration conventionnelle ont montré que dans les périodes où il y a perturbation de la coagulation ou percée d'un filtre, des hausses modérées de la turbidité peuvent s'accompagner d'un passage accru de kystes ou d'oocystes (Logsdon et coll., 1985; Patania et coll., 1995). Patania et coll. (1995) ont rapporté qu'une hausse de la turbidité de l'eau filtrée de moins de 0,1 UTN à un niveau situé entre 0,1 et 0,3 UTN se trouvait corrélée à une baisse du crédit d'enlèvement des oocystes allant jusqu'à 1 log. Emelko et coll. (2003) ont observé dans des périodes de fin de cycle et de début de percée une baisse du crédit d'enlèvement des oocystes ensemencés de 2 à 3 log tandis que la turbidité se trouvait augmentée, mais en restant inférieure à 0,1 UTN. Ces études montrent clairement qu'en cours de filtration, même quand les niveaux de turbidité sont inférieurs aux LTFS, les changements des niveaux de turbidité de l'eau filtrée constituent un indicateur important du passage éventuel d'organismes pathogènes.

Dans la filtration sur membrane, l'optimisation du filtre n'est pas centrée sur la réduction de la turbidité de l'eau filtrée; l'accent est plutôt mis sur des aspects comme la réduction des taux d'encrassement ou la réduction de la pression transmembranaire dans le but d'optimiser la production d'eau. Cependant, pour s'assurer que l'enlèvement des pathogènes est adéquat durant la filtration, on doit vérifier que les membranes sont intactes au moyen d'un ensemble de tests d'intégrité directs et indirects.

En général, pour les filtres à membrane, on peut difficilement savoir quelle sera la réduction exacte du crédit d'enlèvement logarithmique des pathogènes par suite d'une perte d'intégrité d'un degré donné (U.S. EPA, 2001b). Certaines études ont toutefois démontré que des ruptures mineures d'intégrité pouvaient avoir des impacts significatifs sur l'enlèvement des pathogènes. Jacangelo et coll. (1997) ont examiné dans des usines pilotes d'ultrafiltration et de microfiltration l'impact de ruptures artificielles sur l'enlèvement des protozoaires. La coupe d'une fibre par modules de membranes a fait passer les crédits d'enlèvement de Giardia et de Cryptosporidium de plus de 6 log à un niveau de 1,2 à 4,2 log. Les auteurs ont noté que les membranes présentant le plus grand nombre de fibres par unité et ayant un mode d'écoulement transversal étaient les moins affectées par une rupture de leur intégrité. Les accroissements de turbidité correspondants s'étant produits après les ruptures d'intégrité des membranes ont aussi varié selon l'unité de membranes. Dans certains cas, des crédits d'enlèvement logarithmique de Giardia et de Cryptosporidium nettement plus faibles (environ 2,0 à 2,5 log) ont été observés lorsque la turbidité passait d'environ 0,03 UTN à 0,07 UTN. Kitis et coll. (2003) ont étudié l'impact de ruptures d'unités d'osmose inverse et de nanofiltration sur l'enlèvement du virus MS2. Les crédits d'enlèvement logarithmique sont passés de plus de 6,0 log pour les membranes intactes à 2,9 log et moins de 2,0 log pour l'osmose inverse et la nanofiltration, respectivement.

Comme il est difficile de quantifier le risque microbien associé à divers degrés de perte d'intégrité des membranes, les installations doivent mettre l'accent sur la détection immédiate de toute rupture d'intégrité afin de réduire au minimum la possibilité d'un passage d'organismes pathogènes dans l'eau filtrée (U.S. EPA, 2001b).

7.1.4 Crédits d'enlèvement logarithmique

L'annexe B présente un tableau indiquant les crédits d'enlèvement potentiels moyens estimés pour Giardia, Cryptosporidium et les virus quand la turbidité de l'eau traitée est conforme aux LTFS spécifiées dans le présent document.

7.1.5 Effet de la turbidité sur la désinfection

La désinfection des approvisionnements en eau potable requiert le contact du désinfectant avec les microorganismes à une concentration appropriée et pour une durée appropriée. S'il y a interférence avec le contact, l'efficacité de l'inactivation des microorganismes sera réduite. Dans certains cas, cette réduction peut être importante.

Les matières particulaires peuvent protéger les virus, les bactéries et les protozoaires contre les effets de la désinfection soit en réduisant la transmission du désinfectant (p. ex. en dispersant la lumière ultraviolette [UV] ou en réagissant avec les désinfectants oxydants), soit en les soustrayant à l'action du désinfectant du fait qu'ils peuvent se fixer à la surface des particules ou s'installer à l'intérieur de la surface de ces dernières.

Les principaux facteurs affectant l'association entre les particules et les organismes sont leur taille et charge de surface respectives, le type de microorganismes et la composition chimique des particules. Les sources de turbidité tant organiques qu'inorganiques peuvent protéger les microorganismes contre la désinfection (OMS, 1984). Les sources de turbidité organiques semblent causer une plus grande interférence avec la désinfection par le chlore, tandis que les particules qui absorbent fortement les UV (qu'elles soient de nature organique ou inorganique) peuvent mieux protéger les microorganismes contre l'inactivation par les UV. Les grosses particules (de plus de plusieurs micromètres) peuvent protéger les bactéries (Berman et coll., 1988), tandis que les très petites particules (de moins de 1 µm) peuvent abriter les virus (Hejkal et coll., 1979).

Dans des études portant sur la désinfection au chlore, Hoff (1978) a rapporté que les courbes de désinfection pour l'inactivation au chlore de poliovirus adsorbés sur de la bentonite (7,1 UTN) ou précipités avec du phosphate d'aluminium (5,0 UTN) étaient semblables à celles obtenues avec le virus seul (0,15-0,28 UTN); aucun effet protecteur n'a été observé dans ces cas. En revanche, les données ont montré que l'association du virus avec des cellules Hep-2 (carcinome humain) à une turbidité de 1,4 UTN lui offrait une forte protection. Ainsi, une réduction de plus de 5 log a été atteinte en moins de 2 minutes pour le virus libre (0,15 UTN) exposé au chlore (3,0 mg/L), tandis que pour le virus associé aux cellules (1,4 UTN) exposé au chlore (plage de 2,0 à 3,0 mg/L), cette réduction n'était que de 3 log au bout de 5 minutes. En allongeant la période d'exposition pour le virus associé aux cellules, les auteurs ont observé qu'il fallait environ 20 minutes pour obtenir une inactivation de 5 log avec le chlore (concentration initiale de 3,0 mg/L), mais moins de 2 minutes pour la même réduction avec le virus libre. La concentration de chlore dans la suspension avec cellules est passée de 3,0 mg/L à 1,5 mg/L après 20 minutes. Ohgaki et Mongkonsiri (1990) ont examiné les effets d'associations virus-floc sur l'efficacité de la désinfection au chlore. Ils ont observé que le coliphage à ARN Qß floculé avec de l'alun (turbidités non indiquées) était notablement protégé contre la désinfection au chlore. Le T99 (temps de contact requis pour obtenir une inactivation à 99 %) pour le phage floculé (43 secondes) a été presque trois fois plus long que celui observé pour le phage librement dispersé (13 secondes) à une concentration de chlore de 0,4 mg/L. Barbeau et coll. (2004) ont rapporté que la kaolinite à une turbidité de 5 UTN n'avait pas un impact significatif sur l'inactivation par le chlore libre du bactériophage MS2 et des spores de Bacillus subtilis. LeChevalier et coll. (1981) ont étudié l'efficacité de la chloration pour inactiver les coliformes dans les approvisionnements d'eau non filtrée et ils ont observé une corrélation négative avec la turbidité. Un modèle prédisait qu'une turbidité qui passerait de 1 UTN à 10 UTN ferait diminuer par huit fois l'efficacité de la désinfection à une dose fixe de chlore.

Des études utilisant le dioxyde de chlore effectuées par Scarpino et coll. (1979) avancent que les poliovirus adsorbés sur la bentonite se trouvent grandement protégés contre l'inactivation à des turbidités supérieures à 3 UTN et à une température de 25°C. Les virus associés à des cellules n'étaient pas protégés à des turbidités de 1 à 3 UTN et des températures de 5 °C à 25 °C.

Dans une étude utilisant l'ozone, Sproul et coll. (1979) ont montré que l'alun et la bentonite offraient peu de protection à E. coli, aux poliovirus et aux virus Coxsackie à 1,0 et 5,0 UTN, tandis que les matières fécales, et en particulier les cellules Hep-2, leur offraient une protection certaine.

Dans des études utilisant les UV, on a examiné les impacts potentiels des particules sur la transmission de la lumière. Batch et coll. (2004) ont rapporté que quand l'absorbance des UV était prise en compte dans le calcul de la dose, les turbidités relativement faibles (0,1-0,3 UTN) n'avaient pas d'effet significatif sur l'inactivation du virus MS2 par les UV dans des échantillons d'eau potable traitée. Passantino et coll. (2004) ont rapporté que la désinfection par les UV inactivait efficacement le virus MS2 ensemencé dans des eaux de surface non filtrées présentant des turbidités de 0,1 à 10 UTN, ainsi que dans des eaux synthétiques renfermant de la montmorillonite à une turbidité de 12 UTN et des algues à une concentration de 42 000 cellules par millilitre. Les auteurs ont observé qu'il fallait des doses légèrement plus élevées d'UV pour maintenir dans les eaux naturelles le même niveau d'inactivation du phage que dans les eaux synthétiques (Passantino et coll., 2004). Dans une étude sur les effets des particules sur la transmission des UV, Christensen et Linden (2003) ont noté que la dose moyenne d'UV administrée dans des échantillons d'eau brute diminuait de l'ordre de 5 % à 33 % quand la turbidité passait de 1 à 10 UTN. Les auteurs ont par ailleurs indiqué que les accroissements de turbidité dus aux pointes de turbidité dans l'eau brute ou aux percées des filtres pouvaient affecter l'administration de la dose d'UV et compromettre la désinfection s'ils n'étaient pas convenablement pris en compte et corrigés. Dans leur présentation des résultats d'un projet de recherche effectué pour la ville de Winnipeg, Wobma et coll. (2004) ont noté que les sédiments d'eaux brutes naturelles n'ont pas modifié significativement l'inactivation du virus MS2 ni le rendement du réacteur UV à des turbidités allant jusqu'à 4,0 UTN. Cependant, l'efficacité de la désinfection par les UV a été réduite à une turbidité de 13 UTN. Dans le cadre de cette même étude (Wobma et coll., 2004), les auteurs ont indiqué que les concentrations planctoniques avaient un effet sur la transmission des UV et l'administration de la dose, et qu'une dose plus élevée était requise pour atteindre le même niveau d'inactivation du virus MS2 dans les échantillons renfermant de fortes quantités de plancton par rapport aux échantillons où les quantités n'étaient pas élevées.

L'influence des particules en matière de protection des microorganismes contre l'inactivation par les UV a aussi été étudiée. Il a été avancé (Templeton et coll., 2005) qu'il est nécessaire de favoriser la liaison des organismes avec les particules (p. ex. par une coagulation) pour étudier l'impact de l'association des microorganismes avec les particules sur la désinfection. Templeton et coll. (2005) ont observé que les flocs d'acide humique offraient aux phages MS2 et T4 une certaine protection contre l'inactivation par les UV, tandis que les flocs de kaolin n'avaient qu'un effet négligeable. Les taux d'inactivation logarithmique pour le phage MS2 (doses d'UV de 40 et 80 mJ/cm2) et le phage T4 (doses d'UV de 2 et 7 mJ/cm2) rapportés pour les échantillons témoins (absence d'acide humique ou de coagulant) étaient d'au moins 1 log supérieurs à ceux rapportés pour les échantillons floculés renfermant de l'acide humique (coagulation réalisée avec de l'alun ou du chlorure ferrique). Dans cette étude, les turbidités étaient élevées, soit de 70 à 100 UTN. Les auteurs ont observé que les particules d'acide humique absorbaient fortement les UV, tandis que les particules de kaolin les absorbaient peu (Templeton et coll., 2005). Par conséquent, ils ont conclu que le degré d'absorption des UV présenté par les particules influait de façon importante sur le taux de survie des virus associés aux particules durant la désinfection par les UV.

Templeton et coll. (2007) ont aussi étudié la désinfection par les UV pour un phage associé à des particules dans le contexte d'une filtration sur filtre bicouche (anthracite-sable). Les flocs d'acide humique-MS2 ont entraîné une réduction statistiquement significative de l'inactivation par les UV, contrairement aux flocs kaolin-MS2. Les taux médians d'inactivation logarithmique dans les échantillons floculés renfermant de l'acide humique étaient de 0,5 à 1,5 log inférieurs à ceux des échantillons floculés renfermant du kaolin pour les différents stades du cycle de filtration (maturation, phase stable, fin de cycle). Les turbidités étaient de moins de 0,3 UTN pour les échantillons recueillis durant la phase stable, et se situaient entre 0,3 et 1,0 UTN pour ceux recueillis durant la maturation et la fin du cycle. Les auteurs ont aussi observé que dans les échantillons d'eau brute non filtrée (turbidités de 4,4 à 9,4 UTN), l'inactivation du phage par les UV en présence de flocs d'acide humique était réduite d'un degré statistiquement significatif (environ 0,5 log) par rapport à celle observée dans l'eau sans particules (Templeton et coll., 2005, 2007). Templeton et coll. (2008) ont étudié la preuve des répercussions des virus associés à des particules sur les procédés de désinfection. Les auteurs ont supposé que l'efficacité de la désinfection chimique et UV pourrait davantage être fonction du type de particule (taille, structure, composition chimique) et du type de désinfectant appliqué, que des valeurs mêmes de turbidité.

Liu et coll. (2007) ont rapporté que les particules naturelles de turbidité (c.-à-d. sans coagulation ou filtration) allant de 12 à 32 UTN avait peu ou pas d'impact sur l'inactivation UV d'E. coli présent dans l'échantillon enrichi, tandis que la présence de flocs causait une réduction significative de la désinfection UV (réduction moyenne de l'inactivation de plus de 1 log). D'après ces constatations, les auteurs ont averti que la désinfection UV pourrait potentiellement être compromise si des particules floculées passaient à travers le filtre pour se rendre à l'unité UV. Gao et Hu (2012) ont également indiqué qu'il y avait un risque que les particules floculées interfèrent avec la désinfection UV, et ont indiqué qu'il y avait un effet protecteur statistiquement important des particules sur les phages MS2 installés à des valeurs de turbidité de 5 UTN.

Mamane-Gravetz et Linden (2004) ont montré que les spores de Bacillus dans des agrégats de montmorillonite (coagulation à l'alun) pouvaient être mieux protégées, à un degré statistiquement significatif, contre l'irradiation par les UV que les spores non agrégées (absence d'alun). Les auteurs ont aussi relevé que les effets protecteurs étaient plus prononcés dans les eaux de surface naturelles que dans l'eau simulée en laboratoire. Les différences de taux d'inactivation logarithmique par les UV entre les spores agrégées et les spores non agrégées étaient de 1,4 à 1,6 log pour les eaux naturelles et de 0,2 à 0,4 log pour les eaux simulées.

Les effets des particules et des agrégats dans des conditions similaires à leur état naturel ont aussi été étudiés. Plusieurs auteurs ont rapporté que les matières particulaires naturelles et les agrégats peuvent réduire le taux d'inactivation UV, mais que cela se produit surtout lorsque les concentrations de particules sont élevées, et cet effet est moins important dans les eaux de faible turbidité (Amoah et coll., 2005; Caron et coll., 2007; Liu et coll., 2007). Le rapport d'une étude effectuée pour le district régional du Grand Vancouver dans le bassin versant de Coquitlam indiquait que la lumière ultraviolette était efficace pour atteindre la réduction logarithmique cible de plus de 3 log pour Cryptosporidium à des niveaux de turbidité aussi élevés que 50 UTN (Clancy Environmental Consultants Inc., 2007). Les auteurs ont indiqué que les organismes d'essai interagissaient avec les matières particulaires par contact passif. Les données ont aussi démontré une protection des phages MS2 et des bactéries hétérotrophes contre la désinfection UV, puisqu'il a été démontré que les particules exposées aux UV libéraient des organismes viables lorsqu'elles sont soumises à une procédure de dissociation. Même si l'impact sur l'inactivation UV s'est révélé minimal, les auteurs ont recommandé la prudence en cas de pointe de turbidité causée par une fraction organique de matières en suspension. Amoah et coll. (2005) ont observé qu'une augmentation de la turbidité causée par des matières particulaires naturelles à 20 UTN était associée à des réductions de l'inactivation UV de l'ordre de 0,8 log pour Cryptosporidium et de 0,4 log pour Giardia. L'effet des particules à des valeurs de turbidité de moins de 10 UTN était faible et difficile à mesurer. Il a été noté que même si un niveau élevé d'inactivation des deux parasites a été atteint, l'élimination complète de l'infectiosité n'a été observée que dans un petit nombre d'essais sur l'exposition. Les auteurs en sont venus à la conclusion, d'après les constatations, que les interactions avec les matières particulaires naturelles pouvaient réduire l'inactivation UV, mais que la portée de l'effet dépendait des caractéristiques des particules à l'origine de la turbidité présentes dans les sources d'eau.

En utilisant un système synthétique conçu et contrôlé pour simuler la biofloculation naturelle des particules, Kollu et Örmeci (2012) ont observé que la présence de flocs était un facteur d'influence important dans l'inactivation d'E. coli à des doses élevées d'UV (40, 80 mJ/cm2) et pour les particules plus grosses (11, 25 µm). Il a également été démontré que même en l'absence de particules, les E. coli auto-agrégés peuvent survivre à une exposition d'UV de 80 mJ/cm2.

Dans une étude portant sur une eau souterraine, Templeton et coll. (2006) ont examiné l'impact des particules de fer sur l'inactivation de bactériophages par la lumière UV. Des échantillons bruts et des échantillons préservés (avec de l'acide éthylènediaminetétracétique pour empêcher la précipitation du fer) d'eau souterraine renfermant une concentration moyenne de fer de 1,3 mg/L ont été oxydés à l'air, ensemencés avec le bactériophage MS2 ou le bactériophage T4, et exposés à la lumière UV. Les auteurs ont observé que les particules d'oxyde de fer dans les échantillons bruts (2,7 UTN) protégeaient les deux phages contre l'inactivation par les UV à un degré faible mais statistiquement significatif. Plus précisément, par rapport aux taux d'inactivation logarithmique observés dans les échantillons préservés, ceux observés dans les échantillons bruts étaient inférieurs de 0,2 log pour le MS2 à une dose d'UV de 40 mJ/cm2, et d'environ 0,5 log pour le T4 à une dose d'UV de 2 mJ/cm2 (Templeton et coll., 2006). Selon les auteurs, le fait que les particules de fer ont eu un effet à une turbidité relativement faible laisse penser que certains types de particules inorganiques pourraient protéger les virus contre l'inactivation par les UV. On a aussi signalé que le fer absorbait fortement la lumière UV (Templeton et coll., 2005).

Un risque que la désinfection soit compromise peut exister en cas de pointe de turbidité ou si un agrégat de particules ou un floc abritant des pathogènes microbiens traversent le système et atteignent l'unité UV (Clancy Environmental Consultant Inc., 2007; Liu et coll., 2007). Les facteurs qui influent sur le processus de désinfection UV comprennent le nombre, la taille et la composition chimique des particules, la nature et le degré des microorganismes connexes et le type de désinfectant appliqué (Templeton et coll., 2005, 2008; Caron et coll., 2007). Il est reconnu que les différentes particules peuvent différer dans leur capacité à abriter et protéger les pathogènes, et que les caractéristiques des matières particulaires naturelles peuvent varier considérablement entre les sources d'eau.

On recommande que la turbidité de l'eau entrant dans les réseaux de distribution ne dépasse pas 1,0 UTN. Ce même objectif a été recommandé dans le passé pour assurer l'efficacité de la désinfection (LeChevallier et coll., 1981; OMS, 1984). Les données existantes indiquent que les techniques de désinfection peuvent inactiver efficacement les microorganismes à des niveaux de turbidité plus élevés. De même, il a été proposé que la nature des effets des particules sur la protection des microorganismes est un processus complexe qui n'est pas complètement compris, et qui ne peut pas être expliqué entièrement par la turbidité (Caron et coll., 2007). Par conséquent, l'ensemble actuel des données est insuffisant pour dégager des conclusions générales sur les niveaux de turbidité qui nuisent à l'efficacité du désinfectant. Cette valeur recommandée de 1,0 UTN, établie en fonction de gestion du risque, améliore le traitement et la désinfection, est facilement atteignable et correspond à un choix de gestion optimal dans un effort global de réduction du risque. On conseille aux fournisseurs d'eau potable de s'efforcer d'atteindre la turbidité la plus faible possible à tous les points de la chaîne d'approvisionnement.

7.1.6 Effet de la turbidité sur les tests microbiologiques

La présence de particules causant une turbidité peut interférer avec la détection et la numération d'indicateurs bactériologiques de la qualité de l'eau (E. coli, coliformes totaux, bactéries hétérotrophes).

Dans les tests bactériologiques utilisant une membrane filtrante, les fortes turbidités peuvent entraver la filtration au point de rendre impossible l'analyse d'un échantillon de volume approprié. De plus, le principe de la numération bactérienne suivant lequel une colonie est obtenue d'une cellule unique peut ne pas être respecté du fait que les particules peuvent avoir à leur surface de multiples cellules bactériennes. En pareil cas, une colonie unique peut se former à partir d'une particule contenant de nombreuses cellules. Il en découle une sous-estimation du nombre de bactéries étant donné qu'on enregistrera moins de cellules qu'il y en avait en réalité. Par ailleurs, les dépôts de matières particulaires sur la membrane filtrante peuvent aussi nuire à la numération bactérienne en empêchant une bonne formation des colonies (confluence des colonies) ou en masquant les réactions diagnostiques désirées (p. ex. l'apparition d'une couleur ou d'une fluorescence). Dans une des premières études sur les effets de la turbidité sur la récupération des coliformes, Herson et Victoreen (1980) ont observé que la turbidité ne gênait pas la croissance des coliformes sur les membranes filtrantes, mais rendait la reconnaissance des colonies plus difficile.

Avec la méthode de fermentation multitube, l'association des bactéries avec les particules peut aussi interférer avec la détermination du nombre le plus probable, d'où également une sous- estimation du nombre réel de bactéries.

Habituellement, on n'effectue pas régulièrement des analyses visant les pathogènes dans l'eau brute et l'eau traitée, mais on peut procéder au prélèvement et à l'analyse d'échantillons de l'eau de la source d'approvisionnement pour obtenir de l'information sur les concentrations des organismes et être en mesure de choisir les procédés de désinfection appropriés. Dans les méthodes de détection des virus entériques et des protozoaires, la turbidité peut bloquer les filtres, rendre difficile la récupération des organismes adsorbés sur les particules, et nuire à l'examen microscopique des protozoaires (U.S. EPA, 2001a, 2006a).

7.2 Caractéristiques chimiques

La turbidité peut aussi influer sur la qualité chimique de l'eau. Le tableau 1 présenté plus haut énumère certains effets communs de différents types de turbidité sur les caractéristiques chimiques de l'eau. Les particules inorganiques présentes dans l'eau peuvent influer sur le pH, l'alcalinité, les concentrations de métaux et l'activité de certains désinfectants. Dans le cas des usines utilisant des sels d'aluminium, il peut arriver que des concentrations résiduelles accrues de particules d'aluminium soient générées. Toutefois, des études ont montré que quand le traitement est adéquatement optimisé, l'eau filtrée de faible turbidité (moins de 0,15 UTN) produite renferme une très faible concentration résiduelle d'aluminium (Letterman et Driscoll, 1988; Jekel, 1991).

À cause de leur capacité d'adsorption, les particules d'argile peuvent piéger des composés organiques et inorganiques, dont des métaux et des pesticides, et influer sur les caractéristiques chimiques de l'eau. La réduction des concentrations de particules par la filtration conventionnelle ou des techniques équivalentes réduit au minimum l'effet de ces concentrations sur les caractéristiques chimiques de l'eau. De l'information technique sur les divers contaminants chimiques est présentée dans les différents documents techniques des recommandations de Santé Canada.

Les particules organiques peuvent aussi influer sur le pH, l'alcalinité et les caractéristiques chimiques de l'eau. Parmi les divers types de particules, les matières organiques naturelles (matières humiques) sont considérées comme celles qui influent le plus sur la qualité chimique de l'eau. Ces matières peuvent lier ensemble des quantités importantes de métal et d'oxydes hydratés, formant ainsi des complexes. Un examen des complexes constitués de métaux et de matières organiques naturelles (humates), du mécanisme de leur formation et de leurs propriétés a été effectué par Schnizter et Kahn (1972). Des composés organiques tels que des pesticides peuvent aussi être adsorbés sur des particules de matière organique naturelle. Certains complexes formés de substances chimiques et de matières organiques naturelles peuvent être assez fortement liés pour nuire à la récupération et à la détection des contaminants chimiques.

La chloration de l'eau contenant des matières organiques peut produire des sous-produits de désinfection (SPD), notamment des trihalométhanes (THM) et des acides haloacétiques (AHA), groupes de composés chimiques pouvant avoir des incidences sur la santé humaine. Les stratégies de réduction de la turbidité ont aussi un effet sur le contrôle de la formation possible de SPD. On peut par exemple enlever les précurseurs en optimisant la filtration, ou modifier les stratégies de désinfection (application de chlore adaptée ou utilisation d'autres désinfectants). Vrijenhoek et coll. (1998) ont examiné l'efficacité de la coagulation améliorée en matière d'enlèvement des particules et des précurseurs des THM. Les auteurs ont observé un crédit d'enlèvement des précurseurs des THM considérablement plus élevé durant la coagulation améliorée et à un pH de 5,5, et une augmentation notable du crédit d'enlèvement des particules et du taux de réduction de la turbidité à des dose d'alun supérieures à 20 mg/L.

7.3 Caractéristiques physiques

Les recherches ont montré qu'il n'y avait pas de relation spécifique entre la réduction de la turbidité et l'enlèvement des particules (Patania et coll., 1995; McTigue et coll., 1998; Huck et coll., 2002). La réduction de la turbidité ou l'enlèvement des particules sont fonction de la concentration de particules dans l'eau brute et du procédé de traitement. Il n'existe qu'une relation générale entre la turbidité et le nombre de particules : la réduction de la turbidité augmente l'enlèvement des particules, et vice-versa.

Les mesures de la turbidité et les comptes de particules constituent tous deux des indicateurs approximatifs seulement de l'enlèvement des pathogènes. Jusqu'à aujourd'hui, on a utilisé les mesures de turbidité comme principal indicateur du rendement de la filtration en raison de coûts d'instrumentation inférieurs, de la simplicité de l'information obtenue et de la facilité d'utilisation de cette méthode. Cependant, on s'intéresse de plus en plus à l'utilisation des compteurs de particules dans le cadre de la surveillance de l'efficacité des procédés de traitement de l'eau potable. Tout comme les mesures de turbidité, les comptes de particules montrent qu'il y a réduction de l'enlèvement des pathogènes quand la filtration est sous-optimale, et que les petites pointes peuvent coïncider avec un passage accru de pathogènes (Huck et coll., 2002). Les comptes de particules peuvent être vus comme un outil supplémentaire que les fournisseurs d'eau potable peuvent utiliser pour optimiser le traitement de l'eau. Par exemple, il a été avancé qu'avec les procédés de traitement conventionnel, les compteurs de particules, du fait de leur sensibilité, pouvaient signaler précocement les problèmes de turbidité survenant au début de la percée d'un filtre (Huck et coll., 2002).

Un grand nombre de données indiquent que la couleur de l'eau serait en grande partie attribuable à la présence de particules colloïdales. Ces particules minuscules ont des propriétés physiques et chimiques qui leur permettent de demeurer en suspension dans l'eau plutôt que de s'y déposer ou de s'y dissoudre. Dans des études anciennes (Black et Willems, 1961; Black et Christman, 1963), on a démontré au moyen d'études électrophorétiques l'origine essentiellement colloïdale de la couleur de l'eau; on a soutenu que la couleur de l'eau était attribuable à environ 50 % à une « fraction colloïdale » de matières organiques naturelles (substances humiques) (Pennanen, 1975). La couleur réelle de l'eau est donc définie comme étant celle obtenue après l'élimination de la turbidité (Sadar, 1998). À 5,0 UTN et plus, la turbidité commence à être perceptible à l'œil nu, ce que beaucoup de consommateurs peuvent trouver inacceptable.

On sait également depuis longtemps qu'il y a un lien entre une turbidité élevée, aussi bien dans l'eau brute que dans l'eau filtrée, et le goût et l'odeur de l'eau (Atkins et Tomlinson, 1963). Les algues, les actinomycètes et leurs débris contribuent aussi aux problèmes de goût et d'odeur (Mackenthun et Keup, 1970).

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