Page 7 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – la turbidité
Partie II. Science et considérations techniques (continué)
6.0 Techniques de traitement
On réduit la turbidité en enlevant les particules de l'eau par divers procédés, parmi lesquels on compte la sédimentation, la coagulation/floculation, la flottation, l'adsorption et la filtration. Une filtration adéquate peut être obtenue par diverses techniques : la filtration conventionnelle et la filtration directe, la filtration lente sur sable, la filtration à diatomées, la filtration sur membrane ou toute autre technique éprouvée.
Toutes ces techniques ont recours à la surveillance de la turbidité dans l'eau traitée comme outil d'évaluation du rendement des procédés de traitement de l'eau. Cependant, les niveaux de turbidité de l'eau traitée pouvant être obtenus et le potentiel associé d'enlèvement des pathogènes varient selon le prétraitement et la technique de filtration utilisée. Différentes LTFS sont donc établies en fonction de la technique de filtration. De plus, l'interprétation et les implications des résultats de la surveillance de la turbidité varient de façon importante d'une technique de filtration à l'autre. Par exemple, la détermination des niveaux optimaux de turbidité à maintenir dans l'eau traitée et l'interprétation des variations de la turbidité en cours de filtration diffèrent entre la filtration conventionnelle et la filtration lente sur sable. Dans ce cas précis, les deux techniques utilisent des procédés différents de réduction de la turbidité, et la relation entre la réduction de la turbidité et le niveau d'enlèvement des pathogènes est aussi différente.
De nombreux facteurs ont un impact sur l'efficacité de la réduction de la turbidité dans les procédés de filtration et dépendent du type de technique utilisé. Parmi ces facteurs, on compte la qualité de l'eau de la source d'approvisionnement, les taux de filtration, le prétraitement chimique, le type, la taille et les caractéristiques de surface du matériau filtrant, la durée de la phase de filtration, le degré de maturité des filtres, la température de l'eau, l'intégrité des filtres et les procédures de lavage des filtres à contre-courant. Les installations doivent trouver les principaux facteurs affectant la réduction de la turbidité pour la technique de filtration qu'elles utilisent, et optimiser le procédé. Veiller à ce que le rendement des procédés de filtration soit optimal aide à accroître le niveau de protection contre les contaminants qui pourraient se retrouver dans l'eau traitée, dont les pathogènes (U.S. EPA, 1998b).
Bien que la turbidité ne soit pas un indicateur direct de la présence ou de l'absence de pathogènes dans l'eau traitée, elle est reconnue comme étant le paramètre le plus facilement mesurable pour indiquer l'efficacité de la filtration (U.S. EPA, 1998a). C'est pourquoi on a réalisé des études détaillées sur l'utilisation de la turbidité comme indicateur de rendement et d'optimisation et sur sa relation avec l'enlèvement des contaminants, comme les pathogènes, pour diverses méthodes de filtration. Ce sujet est examiné de façon plus détaillée à la section 7.1.2. De nombreuses recherches se sont aussi penchées sur le niveau de turbidité de l'eau traitée habituellement atteint par les usines de filtration bien exploitées et bien entretenues et sa relation avec l'enlèvement des pathogènes. L'annexe B présente les niveaux de turbidité de l'eau traitée et les crédits d'enlèvement potentiels moyens des pathogènes pour les différentes techniques de filtration analysées ci-dessous. De son côté, l'annexe C fournit des conseils sur les programmes et les méthodes que les installations peuvent suivre pour atteindre une turbidité de moins de 0,1 UTN dans l'eau traitée.
6.1 Filtration conventionnelle et filtration directe
Le procédé de filtration conventionnelle comprend généralement le mélange de produits chimiques, la coagulation, la floculation, la sédimentation (ou la flottation à l'air dissous) et la filtration granulaire rapide. Le procédé de filtration directe comprend la coagulation et la floculation; cependant, aucune sédimentation ou flottation n'est utilisée, et l'eau floculée passe directement à la filtration. La qualité de l'eau de la source d'approvisionnement peut être très variable dans le cas de la filtration conventionnelle, mais dans le cas de la filtration directe, on ne peut habituellement utiliser que des eaux dont la turbidité est inférieure à 15 UTN (MWH, 2005).
Dans les procédés de filtration conventionnelle et directe, les particules sont enlevées par filtration physicochimique. Le prétraitement chimique au moyen de coagulants, d'un ajustement du pH et de polymères, essentiel dans les deux procédés, déstabilise les particules colloïdales chargées négativement, comme les argiles, les algues, les kystes et les virus. Cette déstabilisation favorise l'agrégation des particules par la voie d'interactions chimiques et de van der Waals, les particules résultantes étant enlevées durant la sédimentation et/ou la filtration (Stumm et O'Melia, 1968; Stumm et Morgan, 1969; Logsdon, 2008). Des sels d'aluminium et des sels ferriques sont les principaux coagulants employés. Des polymères cationiques et anioniques sont les agents de floculation les plus souvent utilisés et ces deux groupes de composés, de même que des polymères non ioniques, ont été utilisés comme adjuvants de filtration. Les filtres granulaires sont les filtres les plus communément utilisés; ils peuvent comporter un seul matériau filtrant ou deux matériaux ou plus. Dans les deux procédés de filtration, l'efficacité d'enlèvement des particules est fortement tributaire de l'optimisation du prétraitement chimique (Cleasby et coll., 1989; Logsdon, 2008). La vitesse de charge du filtre se situe généralement entre 3,0 et 15 m/h, certains filtres à grande vitesse pouvant fonctionner à 33 m/h (MWH, 2005).
Toutes les usines de filtration conventionnelle et de filtration directe doivent surveiller en continu la turbidité de l'eau à sa sortie des filtres pour juger du rendement du procédé de traitement. La surveillance en continu de la turbidité de l'eau à sa sortie de chaque filtre individuel et la surveillance en continu de la turbidité de l'eau traitée provenant de tous les filtres combinés sont considérées comme essentielles pour obtenir des données adéquates sur le rendement (Cleasby et coll., 1992; U.S. EPA, 1998b; Logsdon et coll., 2002; Logsdon, 2008). Il a été démontré que la surveillance en continu des filtres individuels est un facteur clé pour obtenir de l'eau filtrée de faible turbidité, car elle permet l'optimisation des filtres et une détection adéquate des pointes de turbidité dans leur eau filtrée individuelle (Cleasby et coll., 1989; Renner et Hegg, 1997; U.S. EPA, 1998b). La surveillance en continu est nécessaire pour s'assurer que chaque filtre fonctionne correctement, pour aider à déterminer quand mettre fin à la phase de filtration et pour détecter tout accroissement de turbidité rapide ou à court terme représentant une défaillance du processus et un risque possible pour la santé. Elle permet aussi aux installations d'obtenir une meilleure connaissance du rendement courant des filtres, et notamment de suivre l'évolution du rendement des filtres au cours de leur cycle d'utilisation et d'établir les niveaux de turbidité de la phase d'exploitation stable (Logsdon et coll., 2002). En outre, des données détaillées sur les niveaux de turbidité durant toutes les phases d'utilisation des filtres sont essentielles pour être en mesure de détecter les baisses de rendement et faciliter l'évaluation des filtres et la mise en œuvre de programmes d'optimisation.
La turbidité de l'eau filtrée issue des usines de filtration conventionnelle et de filtration directe présente généralement une évolution caractéristique, avec des segments distincts aux niveaux de turbidité variant selon la durée de la phase de filtration (Amirtharajah, 1988). Le cycle d'utilisation d'un filtre comprend une période de prématuration, durant laquelle la turbidité augmente à cause des matières présentes au-dessus du filtre et dans celui-ci après le lavage à contre-courant, suivie d'une période de maturation, dans laquelle la turbidité diminue et se rapproche du niveau maintenu durant la phase stable d'exploitation du filtre. Si le filtre est utilisé suffisamment longtemps, la turbidité se mettra à augmenter à partir d'un certain moment; on parle alors de phases de fin de cycle et de percée, où la turbidité de l'eau filtrée atteint un maximum (Amirtharajah, 1988; Cleasby et coll., 1989; Logsdon et coll., 2002). Les périodes d'exploitation des filtres correspondant à la période après lavage à contre-courant et à la période de fin de cycle sont généralement caractérisées par des accroissements de la turbidité et un risque de présence de pathogènes dans l'eau filtrée (Huck et coll., 2001; Amburgey et coll., 2005; Emelko et coll., 2005). En règle générale, tous les filtres doivent être conçus de façon à ce que l'eau filtrée produite immédiatement après leur lavage à contre-courant soit dirigée vers les eaux usées. Cependant, dans les cas où cela n'est pas possible, d'autres techniques, comme le lavage à contre-courant amélioré, le démarrage retardé et l'accroissement graduel de la vitesse de filtration peuvent atténuer la pointe initiale de turbidité (Logsdon et coll., 2002; Amburgey et coll., 2003, 2004; Logsdon, 2008). De même, durant la phase stable d'exploitation des filtres, des pointes de turbidité imprévues (hausse et baisse rapide de turbidité) peuvent se produire à cause de divers facteurs, comme un dérèglement de la dose de coagulant, un changement de pH, une poussée du débit d'eau (accroissement de la vitesse de filtration), une pointe de turbidité dans l'eau de la source d'approvisionnement et d'autres facteurs opérationnels. Ces pointes peuvent favoriser de façon importante le passage de pathogènes dans l'eau filtrée et sont traitées plus en détails à la section 7.1.2 (Nieminski et Ongerth, 1995; Patania et coll., 1995; Huck et coll., 2002; Emelko et coll., 2003, 2005; Emelko et Huck, 2004). Comme le risque de présence de pathogènes dans l'eau filtrée augmente durant les accroissements et pointes de turbidité, il est essentiel que les responsables des installations procèdent alors immédiatement à l'examen de la situation et déterminent les causes de tout changement de la qualité de l'eau filtrée.
Les installations doivent aussi veiller à ce que le procédé de filtration soit suffisamment robuste pour fournir de façon constante une eau filtrée de haute qualité et protéger le mieux possible la santé publique. De façon générale, un procédé de filtration est considéré comme étant robuste quand son rendement est bon aussi bien dans les conditions normales d'exploitation que durant les périodes où les filtres sont exposés à des conditions difficiles, par exemple quand l'eau de la source d'approvisionnement est fortement turbide ou quand la coagulation est perturbée (Huck et Coffey, 2002; Li et Huck, 2007); cependant, il faut définir soigneusement ce qu'on entend par rendement robuste, car des études récentes ont montré qu'une réduction robuste de la turbidité peut ne pas toujours s'accompagner d'un enlèvement adéquat des pathogènes par la filtration (Emelko et coll., 2003; Brown et Emelko, 2009). Il est essentiel que les installations surveillent et connaissent bien les niveaux de turbidité à chaque filtre durant tout son cycle d'utilisation pour s'assurer que soient gérées adéquatement les périodes d'exploitation stable ainsi que les périodes où la turbidité de l'eau filtrée pourrait être plus élevée. Les systèmes qui ne sont pas optimisés pour réduire au plus bas niveau possible la turbidité en conditions d'exploitation stables ni pour réduire l'ampleur et la probabilité des pointes ou des accroissements de turbidité présentent un risque particulier de passage de pathogènes dans l'eau filtrée.
6.1.1 Turbidité des eaux traitées par filtration conventionnelle et filtration directe
Les systèmes utilisant la filtration conventionnelle et la filtration directe sont capables de produire une eau de turbidité inférieure à 0,3 UTN. Des études ont montré que les usines de traitement bien exploitées et optimisées peuvent produire une eau de turbidité inférieure à 0,1 UTN de façon continue (U.S. EPA, 1997a, 1998a; McTigue et coll., 1998; PSW, 2012b). Ces études ont aussi montré que les usines utilisant la filtration conventionnelle ou directe peuvent maintenir le niveau de turbidité maximum de l'eau filtrée au-dessous de 1,0 UTN. Les systèmes de filtration conventionnelle et de filtration directe peuvent donc respecter la LTFS concernant la turbidité de l'eau potable, et on pense que la majorité de ces systèmes la respectent déjà.
Dans le cadre du processus d'adoption de son Interim Enhanced Surface Water Treatment Rule (IESWTR), l'U.S. EPA a évalué des données de rendement de la réduction de la turbidité issues de trois grands ensembles de données couvrant des usines utilisant la filtration conventionnelle ou directe réparties un peu partout aux États-Unis, pour la période 1995-1996. L'analyse a révélé qu'environ 78 % des systèmes desservant plus de 10 000 personnes ont atteint une valeur de turbidité de 95e centile de 0,3 UTN. Les valeurs de turbidité mensuelles maximales étaient inférieures à 1,0 UTN pour plus de 94 % des systèmes évalués (U.S. EPA, 1997a, 1998a). De même, une évaluation nationale de l'enlèvement des particules par filtration menée dans 100 usines de traitement des États-Unis utilisant la filtration conventionnelle ou directe dans la période 1994-1996 a montré que la turbidité médiane de l'eau filtrée ne dépassait pas 0,2 UTN (McTigue et coll., 1998). Un examen plus détaillé de la turbidité de l'eau filtrée a été mené dans un sous-ensemble de 52 usines de filtration où, en plus des données de turbidité fournies par le personnel des usines, d'autres données de turbidité ont été prises par les chercheurs. Ces données ont montré que plus de 90 % des usines ont atteint des valeurs de turbidité de 95e centile de moins de 0,3 UTN. En outre, dans plus de 85 % des usines, les valeurs de turbidité mensuelles maximales étaient de moins de 0,3 UTN. Cette étude couvrait des usines présentant une certaine diversité quant aux types de traitement (type de coagulant, matériau filtrant, etc.), aux caractéristiques de l'eau de la source d'approvisionnement et aux protocoles d'exploitation. Il est à noter que ces résultats sont tirés d'études historiques qui ont évalué le rendement des usines de filtration à l'époque; il se pourrait que les usines de filtration aient pu depuis atteindre des niveaux de turbidité inférieurs avec une optimisation appropriée de leur système.
Selon des données plus récentes recueillies par le Partnership for Safe Water (PSW), environ 99 % des usines de filtration participant à ce partenariat et utilisant de l'eau de surface ou de l'eau souterraine sous l'influence directe d'eaux de surface rapportent des valeurs de turbidité de 95e centile mensuelles de moins de 0,2 UTN (PSW, 2012b). De plus, 98 % des valeurs de turbidité mensuelles maximales étaient inférieures à 0,3 UTN. Les données de ce rapport proviennent de 404 usines de traitement des États-Unis. Le nombre de personnes desservies par ces systèmes variait de 3 500 à plus de 700 000. Bien que nombre des plus importants services publics d'eau potable des États-Unis participent au PSW, plus de 50 % des participants actuels desservent moins de 100 000 personnes. Ces données montrent que les usines de filtration conventionnelle ou directe bien exploitées ne devraient pas avoir de difficulté à maintenir la turbidité de leur eau filtrée au-dessous de 0,3 UTN (U.S. EPA, 1997a, 1998a; McTigue et coll., 1998; PSW, 2012b).
Plusieurs autres études historiques portant soit sur la conception et les pratiques opérationnelles des usines de filtration conventionnelle, soit sur le rendement de celles-ci ont montré que la production d'eau filtrée de turbidité inférieure à 0,3 UTN était réalisable pour les usines bien exploitées. Ces études ont examiné des usines réparties dans une bonne partie des États-Unis et du Canada, de tailles diverses et utilisant divers types d'eau brute (Cleasby et coll., 1992; Consonery et coll., 1997; Lusardi et Consonery, 1999; Statistique Canada, 2009).
Une enquête réalisée en 2007 sur des usines de filtration conventionnelle et directe du Canada fournissant de l'eau potable à plus de 12 millions de personnes rapportait que dans 79 % des usines, la turbidité moyenne de l'eau traitée ne dépassait pas 0,3 UTN, et que dans 80 % des usines, la valeur mensuelle maximale de la turbidité ne dépassait pas 1,0 UTN (Statistique Canada, 2009). Lusardi et Consonery (1999) ont évalué 75 usines de filtration compactes ou utilisant la filtration conventionnelle ou directe et trouvé que la turbidité de 95e centile moyenne était de 0,2 UTN, et que chez plus de 90 % des usines, la turbidité maximale mensuelle ne dépassait pas 1 UTN. Les auteurs ont observé que la plupart des usines atteignaient de façon constante de faibles niveaux de turbidité malgré certains obstacles liés par exemple à la taille des systèmes, à l'âge des usines ou à la forte turbidité de l'eau de la source d'approvisionnement. De plus, les auteurs ont noté que le type d'usine de traitement (compacte, filtration conventionnelle ou filtration directe) n'avait pas d'effet significatif sur les turbidités moyennes annuelles ou maximales mensuelles de l'eau filtrée pouvant être atteintes. Les trois types d'usine pouvaient atteindre des turbidités moyennes annuelles de 0,2 UTN ou moins. D'autres études portant sur les pratiques opérationnelles dans certaines usines ont indiqué que de faibles turbidités pouvaient être aisément atteintes dans l' eau traitée lorsque l'exploitation était effectuée avec compétence (Logsdon et coll., 2002). Il est à noter que bien que des études aient montré que les réductions de turbidité pouvant être atteintes avec la filtration conventionnelle et la filtration directe étaient comparables, d'autres études ont trouvé que la filtration directe était susceptible de donner des taux de réduction des comptes de particules et d'enlèvement des pathogènes inférieurs à ceux obtenus avec la filtration conventionnelle (Patania et coll., 1995; McTigue et coll., 1998). La section 7.1.2 traite plus en détails de l'enlèvement des pathogènes par la filtration directe.
L'U.S. EPA a effectué une analyse de petits systèmes desservant moins de 10 000 personnes pour déterminer si ces systèmes étaient capables de réduire la turbidité à 0,3 UTN ou moins (U.S EPA, 2000, 2002). Les données ont indiqué qu'environ 46 % des petits systèmes examinés dans l'ensemble des États-Unis atteignaient cet objectif, et qu'environ 70 % des systèmes assuraient une turbidité située dans cette limite pendant neuf mois de l'année. En outre, les turbidités maximales mensuelles étaient de moins de 1 UTN chez 88 % des systèmes évalués (U.S. EPA, 2000). D'autres études ayant fait l'objet de l'évaluation ont montré que 41 % à 67 % des petits systèmes atteignaient une turbidité de 0,3 UTN ou moins, y compris des systèmes entrant dans la catégorie des usines compactes ou « préfabriquées » (U.S. EPA, 2000). Ces données laissent penser que les petits systèmes pourraient plus difficilement atteindre de faibles niveaux de turbidité dans l'eau filtrée que les systèmes plus grands. On sait que les petits systèmes disposent de ressources (financières et autres) limitées, ce qui rend l'exploitation des usines de filtration plus difficile. Selon DeMers et LeBlanc (2003), les petits systèmes ont de la difficulté à atteindre de faibles niveaux de turbidité principalement à cause de problèmes d'exploitation et d'entretien.
6.1.2 Facteurs affectant la turbidité de l'eau traitée par filtration conventionnelle ou directe
De nombreux facteurs peuvent influer sur l'efficacité de la réduction de la turbidité dans les systèmes de filtration conventionnelle ou directe. Certains des principaux facteurs, comme une coagulation non optimale ou nulle, le fait que les techniques de lavage des filtres à contre- courant ne soient pas optimisées ou que l'eau filtrée produite immédiatement après ce lavage ne soit pas dirigée vers les eaux usées, une exploitation intermittente, des changements subits de la vitesse de filtration et l'exploitation des filtres après une percée entraînant une hausse de turbidité peuvent avoir un impact important sur la turbidité de l'eau filtrée (AWWA, 1991). Il existe une abondante documentation que les services publics d'eau potable peuvent consulter pour veiller à ce que leurs procédures opérationnelles permettent de réduire au minimum la turbidité de leur eau filtrée dans les conditions propres à leurs installations (Renner et Hegg, 1997; U.S. EPA, 1998b, 1999, 2004; Logsdon et coll., 2002; Logsdon, 2008). Les principales procédures jugées essentielles pour assurer l'exploitation adéquate d'une usine de filtration sont : (1) la surveillance de l'instrumentation; (2) la surveillance du rendement des filtres pendant la phase de filtration; (3) la gestion du prétraitement; (4) l'optimisation du lavage des filtres à contre-courant; et (5) l'inspection des matériaux filtrants (Logsdon et coll., 2002).
En plus des études qui ont porté sur les aspects de la conception et du déroulement des procédés pouvant influer sur l'efficacité de la réduction de la turbidité, d'autres études ont examiné les facteurs opérationnels et administratifs susceptibles d'influer sur la capacité des usines de filtration de réduire adéquatement la turbidité de l'eau filtrée. De façon générale, ces études ont démontré que les aspects opérationnels et administratifs des usines constituaient des facteurs clés pour atteindre les objectifs de turbidité fixés (turbidité de moins de 0,1 UTN) et que, dans bien des cas, la réalisation de ces objectifs ne nécessitait pas de grandes dépenses en immobilisations. Des facteurs opérationnels comme l'optimisation du prétraitement chimique (dose de coagulant et pH), l'application de techniques comme celle consistant à diriger vers les eaux usées l'eau filtrée immédiatement après le lavage des filtres à contre-courant ou d'autres techniques visant à atténuer l'impact de la pointe de turbidité initiale, l'utilisation d'adjuvants de filtration et l'optimisation du lavage des filtres à contre-courant sont importants pour obtenir une eau traitée de faible turbidité. Des facteurs administratifs comme la détermination de la direction et du personnel d'exploitation à atteindre les objectifs de turbidité et la formation adéquate du personnel d'exploitation ont aussi été reconnus comme des facteurs clés (Cleasby et coll., 1989; McTigue et coll., 1998; Lusardi et Consonery, 1999; DeMers et LeBlanc, 2003).
McTigue et coll. (1998) ont recueilli des données de turbidité de 52 usines de filtration pour évaluer le nombre d'usines qui atteignaient des niveaux de turbidité de 0,1 UTN ou moins. Parmi les usines qui n'arrivaient pas à atteindre une valeur de 95e centile de 0,1 UTN, les auteurs ont trouvé que la majorité des échecs (54 %) étaient dus à des pointes de turbidité durant la maturation des filtres ou à la fin de leur cycle. Parmi les usines qui n'arrivaient pas à atteindre une valeur de 99e centile de 0,1 UTN, les échecs étaient principalement dus à des pointes de turbidité liées à la maturation des filtres uniquement. Les auteurs ont conclu que pour bon nombre des phases de filtration, on aurait pu maintenir un niveau de turbidité plus faible en dirigeant l'eau filtrée produite immédiatement après le lavage des filtres à contre-courant vers les eaux usées ou en prolongeant cette phase de lavage, ou alors en raccourcissant la durée de la phase de filtration. Ces résultats montrent la pertinence de diriger l'eau filtrée produite immédiatement après le lavage des filtres à contre-courant vers les eaux usées ou d'optimiser le rendement des filtres après lavage à contre-courant, comme le recommandent l'U.S. EPA, l'AWWA et le PSW (Renner et Hegg, 1997; U.S. EPA, 1998b; PSW, 2011). L'optimisation du rendement du lavage des filtres à contre-courant consiste soit à diriger l'eau filtrée produite immédiatement après le lavage vers les eaux usées jusqu'à ce que la turbidité soit revenue à 0,1 UTN ou moins, soit à réduire au minimum l'ampleur et la durée de la pointe post-lavage (maturation) en la maintenant sous 0,3 UTN et en veillant à ce que la turbidité revienne à 0,1 UTN en moins de 15 minutes après le lavage (Renner et Hegg, 1997). Diverses stratégies pour réduire au minimum les hausses de turbidité dues à la maturation des filtres (après lavage à contre-courant) sont présentées dans la littérature scientifique (Cleasby et coll., 1992; Logsdon et coll., 2002, 2005a,b; Amburgey et coll., 2003, 2004; Amburgey, 2005; Amburgey et Amirtharajah, 2005; Logsdon, 2008).
Dans une étude sur 75 usines de filtration de Pennsylvanie, des variables comme la qualité de l'eau de la source d'approvisionnement, le type et la conception des usines et divers paramètres opérationnels, comme la vitesse de filtration et le coagulant utilisé, ont été examinés pour déterminer leurs effets sur la turbidité de l'eau filtrée (Lusardi et Consonery, 1999).
D'autres paramètres, comme la population desservie et l'âge des usines, ont aussi été évalués. Les usines qui n'utilisaient pas de prétraitement avec coagulant ne parvenaient pas à obtenir une eau filtrée de faible turbidité. Ce résultat va dans le sens de ceux d'autres études qui ont démontré que les usines n'utilisant pas de prétraitement ne parvenaient pas à enlever efficacement les pathogènes. L'étude a montré que les usines qui n'utilisaient pas de coagulant, desservaient de petits systèmes (moins de 3 300 personnes) ou traitaient de l'eau provenant de cours d'eau obtenaient des valeurs de turbidité statistiquement plus élevées par rapport à l'ensemble des usines examinées. Les usines utilisant un coagulant obtenaient de façon constante de faibles valeurs de turbidité, malgré l'existence possible de limitations comme la taille du système, l'âge de l'usine ou la présence d'une forte turbidité dans l'eau de la source d'approvisionnement. La turbidité moyenne annuelle de l'eau traitée pour les petits systèmes était de 0,25 UTN, et la valeur maximale mensuelle, de 0,40 UTN. Selon les auteurs, des variables comme la détermination à atteindre de faibles niveaux de turbidité, le niveau de compétence du personnel d'exploitation et la formation sont probablement importantes pour réduire adéquatement les niveaux de turbidité, cette réduction pouvant se faire sans grandes dépenses en immobilisations, par une simple optimisation des opérations. Des résultats similaires ont été obtenus dans une étude sur 21 usines de filtration conventionnelle dont la conception et les pratiques opérationnelles assuraient la production d'une eau traitée de faible turbidité. Parmi les facteurs clés relevés, on compte l'adoption d'un objectif de faible turbidité, l'optimisation du prétraitement chimique, l'utilisation d'adjuvants de filtration et la fourniture d'une bonne formation au personnel d'exploitation (Cleasby et coll., 1989).
Des résultats similaires ont été obtenus dans une étude des principaux facteurs limitant la capacité des petits systèmes en Louisiane d'atteindre des objectifs de turbidité optimaux. Selon cette étude, pour 53 % de ces systèmes, l'exploitation et l'entretien étaient les deux principaux facteurs limitant l'optimisation, et pour 43 %, l'administration était le principal facteur en cause. Les facteurs liés à la conception des usines ne constituaient la principale limitation que dans quelques cas (3,5 %) (DeMers et LeBlanc, 2003). Dans le cadre de cette même étude, six usines ont participé à des programmes de formation axés sur le rendement et ont apporté des changements opérationnels, comme l'installation de turbidimètres aux filtres individuels, aux fins d'optimisation de la filtration. La turbidité moyenne aux six usines est passée de 0,40 UTN à 0,16 UTN après la formation.
6.1.3 Optimisation de la filtration conventionnelle et de la filtration directe
Au cours des deux dernières décennies, l'utilisation d'un objectif de turbidité de moins de 0,1 UTN pour l'eau à sa sortie des filtres individuels s'est accrue comme moyen pour améliorer le traitement des sources d'eau de surface ou d'eau souterraine sous l'influence directe d'eaux de surface dans le cas des usines de filtration conventionnelle ou directe (Consonery et coll., 1997; Renner et Hegg, 1997; U.S. EPA, 1998b; Lusardi et Consonery, 1999; Logsden et coll., 2002; PSW, 2011, 2012b). D'abondantes recherches et nombre d'études réalisées en usine préconisent l'optimisation de l'enlèvement des particules dans les usines de filtration conventionnelle ou directe pour maximiser la protection des populations contre la contamination microbienne (Ongerth et Pecoraro, 1995; Patania et coll., 1995; U.S. EPA, 1998b; Huck et coll., 2000, 2001, 2002; Emelko et coll., 2001b, 2003, 2005). Il en a résulté qu'on applique aujourd'hui couramment dans le secteur une approche proactive en matière d'optimisation des usines. Dans cette approche, on vise notamment à atteindre de plus faibles niveaux de turbidité pour réduire au minimum le risque que présentent les pathogènes microbiens pour les consommateurs. La section 7.1.2 traite plus en détails de la relation entre l'optimisation des usines de filtration et l'enlèvement des pathogènes microbiens.
Les données de plusieurs études montrent que de nombreuses usines atteignent déjà depuis une bonne période de temps des niveaux de turbidité inférieurs à 0,1 UTN dans leur eau filtrée (Cleasby et coll., 1989; U.S. EPA, 1997a; McTigue et coll., 1998; Pizzi, 1998; Lusardi et Consonery, 1999). Selon une évaluation menée dans l'ensemble des États-Unis au milieu des années 1990, la turbidité médiane de l'eau filtrée de 100 usines utilisant la filtration conventionnelle ou directe était alors de 0,07 UTN. Les données de cette étude indiquent aussi que plus de 50 % des usines atteignaient déjà des niveaux de turbidité de 95e centile inférieurs à 0,1 UTN (McTigue et coll., 1998). D'autres études ont également démontré que les usines utilisant la filtration conventionnelle ou directe qui sont bien exploitées peuvent atteindre des turbidités inférieures à 0,1 UTN dans leur eau filtrée (Cleasby et coll., 1989; PSW, 2012b).
Pour parvenir plus facilement à atteindre un niveau de turbidité plus faible dans l'eau filtrée, de nombreux services publics d'eau potable participent aujourd'hui à des programmes volontaires d'optimisation, comme le Programme d'excellence en eau potable, le PSW et le Composite Correction Program de l'U.S. EPA. Ces programmes visent à ce que chaque service adopte des pratiques opérationnelles et administratives éprouvées pour l'amélioration du rendement des usines de traitement (U.S. EPA, 1998b; PSW, 2007, 2011, 2012a). Dans la plupart des cas, le rendement des usines de traitement s'en trouve notablement amélioré, notamment en matière de réduction de la turbidité des eaux traitées, sans grandes dépenses en immobilisations (Renner et coll., 1993; U.S. EPA, 1998b; Hegg et coll., 2000; Ginley, 2006; PSW, 2012b). L'une des principales composantes de ces programmes est une procédure d'auto-évaluation dans laquelle l'organisme de service public examine ses pratiques opérationnelles et évalue son rendement au regard des objectifs de turbidité fixés par le programme concerné. La procédure est systématique et permet de repérer et de corriger les facteurs qui peuvent limiter le rendement de l'usine de traitement. Ces programmes ont défini le rendement optimal des filtres suivant des objectifs spécifiques concernant la qualité de l'eau traitée. Le premier objectif d'optimisation est l'atteinte de turbidités de 0,10 UTN ou moins pour les filtres individuels, 95 % du temps. Le deuxième objectif est de réduire au minimum la pointe de turbidité de l'eau filtrée après le lavage des filtres à contre-courant à un niveau de 0,30 UTN ou moins, la turbidité devant redescendre à moins de 0,10 UTN en moins de 15 minutes après le lavage (Renner et Hegg, 1997; U.S. EPA, 1998b; AWWA, 2009; PSW, 2012b). Parmi les mesures que les services publics d'eau potable peuvent prendre pour permettre l'optimisation, on retrouve souvent l'ajustement de la dose de coagulant et du pH, des modifications de la durée de la phase de filtration, le démarrage lent ou retardé des filtres après leur lavage à contre-courant et la prolongation de la phase de subfluidisation terminale du lavage à contre-courant.
Divers rapports et études ont démontré qu'en mettant en œuvre un programme ou des outils d'optimisation, les installations pouvaient réduire considérablement la turbidité de l'eau filtrée. Les données recueillies pour le PSW indiquent qu'en 2010-2011, des usines de filtration aux États-Unis ont réduit la turbidité de l'eau traitée de plus de 60 % par rapport aux niveaux de référence après avoir suivi un programme d'auto-évaluation des filtres aux fins d'optimisation du rendement. De plus, les données indiquent qu'environ 88 % des valeurs de 95e centile mensuelles étaient inférieures à 0,1 UTN (PSW, 2012b). En outre, le Pennsylvania Department of Environmental Protection a observé que le repérage des faiblesses et l'optimisation du traitement de l'eau dans les usines de filtration ont fait passer le nombre d'usines qui parvenaient à réduire la turbidité de l'eau filtrée à moins de 0,2 UTN de seulement 60 % en 1988 à plus de 96 % en 1996 (Consonery et coll., 1997). D'autres études sur l'optimisation d'usines pleine grandeur utilisant la filtration conventionnelle en Amérique du Nord et au Royaume-Uni ont montré qu'on pouvait réduire notablement la turbidité de l'eau filtrée et la maintenir de façon constante à moins de 0,1 UTN simplement en optimisant les usines (Leland et coll., 1993; Hegg et coll., 2000; Bayley et coll., 2001; Mazloum et coll., 2003; Drachenberg et coll., 2007). Parmi les divers facteurs opérationnels et administratifs pouvant limiter le rendement des usines de filtration qui ont été observés dans les études antérieures, on compte habituellement l'absence d'un ou de plusieurs des éléments suivants : prétraitement chimique optimisé (ajustement de la dose de coagulant et du pH), dérivation de l'eau filtrée produite immédiatement après le lavage à contre- courant vers les eaux usées, lavage des filtres à contre-courant optimisé, surveillance continue des filtres individuels, formation du personnel d'exploitation et détermination des dirigeants à assurer le bon rendement de l'usine (Cleasby et coll., 1989; Renner et coll., 1993; McTigue et coll., 1998; Lusardi et Consonery, 1999; DeMers et LeBlanc, 2003).
6.2 Filtration lente sur sable
Le procédé de filtration lente sur sable consiste généralement à faire passer lentement par gravité de l'eau non traitée à travers un lit de sable poreux submergé. Sous le sable se trouve un support de gravier et un système de drainage de sortie qui collecte l'eau filtrée. Les vitesses de charge hydraulique sont habituellement beaucoup plus basses dans la filtration lente sur sable que dans la filtration granulaire rapide et se situent entre 0,05 et 0,4 m/h. Dans la méthode de filtration lente sur sable, l'efficacité du filtre dépend de la formation d'un « schmutzdecke », film biologique constitué de bactéries, d'algues et d'autres microorganismes sur la surface du sable, et de la formation d'une population biologique (biopopulation) à l'intérieur du lit de sable. Pendant que l'eau brute traverse le lit de sable, des mécanismes physiques, chimiques et biologiques enlèvent les contaminants. On a établi que ce sont les processus biologiques qui sont les plus importants à cet égard. Comme les particules sont aussi retenues de façon mécanique, une déstabilisation à l'aide de coagulants n'est pas nécessaire pour que la filtration lente sur sable soit efficace. Lorsqu'aucun prétraitement n'est effectué, l'application de ce procédé est habituellement limitée aux sources d'eau brute dont la turbidité est inférieure à 10 UTN, mais des recherches indiquent qu'une turbidité inférieure à 5 UTN est préférable (Cleasby, 1991; MWH, 2005; Logsdon, 2008). On a démontré qu'il était possible de filtrer efficacement des eaux brutes de turbidité plus élevée avec différentes formes de prétraitement (Collins et coll., 2005; Anderson et coll., 2006; DeLoyde, 2007; Gottinger et coll., 2011).
Comme la filtration granulaire rapide, la filtration lente sur sable suit un cycle. Les cycles comprennent un stade de filtration et un stade de régénération. Dans la filtration lente sur sable, il n'y a habituellement pas de percées entraînant une hausse de turbidité, et les filtres peuvent être exploités jusqu'à ce que la perte de charge ait atteint la limite prévue. L'atteinte de cette limite peut prendre des semaines ou des mois; à ce moment, le filtre est drainé et les 1 à 2 cm supérieurs de « schmutzdecke » sont enlevés et soit jetés, soit nettoyés pour réutilisation (MWH, 2005; Logsdon, 2008). Comme dans le cas de la filtration conventionnelle, il doit y avoir un système permettant de diriger vers les eaux usées l'eau filtrée immédiatement après le nettoyage des filtres, car la période initiale d'amélioration du rendement peut être d'un à deux jours.
Bien que la vitesse de filtration soit basse dans le cas de la filtration lente sur sable, le contrôle du rendement des filtres par la mesure de la turbidité demeure important pour s'assurer que le rendement des filtres est acceptable. Les niveaux de turbidité de l'eau filtrée peuvent augmenter durant l'exploitation du fait de divers facteurs, tels qu'un accroissement de la turbidité de l'eau brute et de la vitesse de charge hydraulique et une diminution de la température de l'eau. Comme dans le cas de la filtration conventionnelle, la surveillance en continu de la turbidité de l'eau à sa sortie des filtres individuels permet aux installations de se faire une meilleure idée du rendement des filtres, notamment des facteurs qui influent sur la qualité de l'eau filtrée, comme les variations de température, le degré de maturité des filtres et les fluctuations de la turbidité de l'eau de la source d'approvisionnement.
6.2.1 Turbidité des eaux traitées par filtration lente sur sable
Les chercheurs ont observé que la capacité de réduction de la turbidité des filtres à sable lents était variable; cependant, des études montrent que les usines de filtration lente sur sable peuvent produire de façon constante une eau filtrée de turbidité inférieure à 1,0 UTN. Des études ont aussi montré que les filtres à sable lents matures qui sont bien exploités produisent généralement une eau filtrée de turbidité inférieure à 0,5 UTN et souvent proche de 0,1 UTN (Cullen et Letterman, 1985; Collins et coll., 1992; Riesenberg et coll., 1995; Cleary et coll., 2008; Kelkar et coll., 2009).
Fox et coll. (1984) ont déterminé que lorsque l'eau est filtrée à 0,12 m/h, après établissement d'une biopopulation sur du sable neuf à l'issue d'une période de maturation initiale, la turbidité de l'eau traitée était régulièrement de moins de 1,0 UTN. La turbidité de l'eau non traitée variait de 0,2 à 10 UTN dans cette étude. Cleasby et coll. (1984) ont rapporté une turbidité habituelle des eaux traitées de 0,1 UTN, sauf au cours des deux premiers jours suivant le raclage du film biologique, pour des eaux qui présentaient avant traitement une turbidité variant de moins de 1 à 30 UTN. Pyper (1985) a observé que des eaux traitées par filtration lente sur sable présentaient une turbidité de 0,1 UTN ou moins dans 50 % des mesures, et une turbidité de 1,0 UTN ou moins dans 99 % des mesures; dans cette étude, la turbidité de l'eau non traitée variait de 0,4 à 4,6 UTN. Plusieurs autres études portant sur des usines pleine grandeur de filtration lente sur sable ont montré que ce procédé produit habituellement une eau filtrée dont la turbidité est inférieure à 0,3 UTN (Cullen et Letterman, 1985; Collins et coll., 1992). Cullen et Letterman (1985) ont observé que la turbidité moyenne de l'eau filtrée d'usines de filtration lente sur sable était de 0,25 UTN quand la turbidité de l'eau brute se situait entre 1 et 3 UTN.
Slezak et Sims (1984) ont indiqué que environ 45% des 27 usines pleine grandeur de filtration lente sur sable qu'ils ont examinées produisaient une eau filtrée d'une turbidité de 0,4 UTN ou moins. Pour l'ensemble de ces usines, les turbidités moyennes de l'eau brute et de l'eau traitée étaient respectivement de 4 UTN et de 0,65 UTN. Dans une étude plus récente portant sur 59 usines de filtration lente sur sable aux États-Unis, réalisée en 1991, Sims et Slezak (1991) ont observé que plus de 95 % de celles-ci produisaient une eau filtrée de turbidité inférieure à 1 UTN. Cette étude a aussi montré que les usines de filtration lente sur sable pouvaient facilement atteindre de façon constante des niveaux de turbidité de moins de 0,5 UTN, environ 80 % des usines examinées atteignant des turbidités inférieures à cette valeur (Barrett et coll., 1991).
D'autres études portant sur des usines pleine grandeur de filtration lente sur sable ont indiqué que ce procédé pouvait maintenir des niveaux de turbidité bien inférieurs à 1 UTN dans l'eau filtrée. Dans une étude, on a observé qu'au démarrage de l'usine, la turbidité était initialement de 1,4 UTN; cependant, après six mois d'exploitation, la turbidité quotidienne moyenne était de 0,4 UTN. Selon les auteurs, la forte turbidité initiale était attribuable à une présence excessive de particules fines dans le sable des filtres. Par ailleurs, la turbidité de l'eau traitée a atteint 0,75 UTN après le raclage des filtres, pour redescendre à moins de 0,5 UTN après une période de maturation des filtres d'environ deux mois (Riesenberg et coll., 1995). Kelkar et coll. (2009) ont constaté que les systèmes de filtration lente sur sable de petite échelle étaient capables de diminuer une turbidité de l'eau brute se situant entre 5 et 8 UTN à moins de 0,5 UTN à des vitesses de filtration de 0,1 et 0,2 m/h.
Des études plus récentes sur la filtration lente sur sable ont examiné des modifications pouvant être apportées, dont le prétraitement par ozonation, l'utilisation de filtres dégrossisseurs et le post-traitement au charbon actif en grains, pour faire en sorte que le procédé puisse traiter des eaux brutes de qualité plus variée (Collins et coll., 2005; Anderson et coll., 2006; Jobb et coll., 2007; Gottinger et coll., 2011). On a démontré que le procédé modifié utilisant l'ozonation ou des filtres dégrossisseurs avant la filtration lente sur sable permettait d'atteindre une turbidité inférieure à 0,3 UTN, la turbidité des eaux traitées tendant à baisser au-dessous de 0,1 UTN après deux années d'exploitation (Jobb et coll., 2007). D'autres études qui ont évalué la réduction de turbidité obtenue par une usine pilote modifiée de filtration lente sur sable ont montré que des turbidités de l'eau brute de 1 à plus de 80 UTN pouvaient être réduites à moins de 0,1 UTN dans 72 % des mesures prises dans les eaux traitées, et à moins de 0,3 UTN dans 100 % des mesures. Des accroissements de la turbidité des eaux traitées ont été observés quand la turbidité de l'eau brute augmentait à plus de 30 UTN durant des épisodes de pluie (Anderson et coll., 2006). Cependant, les épisodes de pluie entraînant de fortes turbidités dans l'eau brute ont moins d'impact sur la turbidité de l'eau filtrée plus le degré de maturité des filtres est élevé (Cleary et coll., 2008). Des usines pleine grandeur ont rapporté des réductions de turbidité à moins de 0,1 UTN à partir d'eaux brutes présentant une turbidité supérieure à 5 UTN (Gottinger et coll., 2011). Gottinger et coll. (2011) ont fourni des données sur des filtres lents à sable optimisés installés dans deux usines d'eau potable en Saskatchewan. La turbidité de l'eau traitée à la première usine (filtre dégrossisseur, filtration lente sur sable, filtration bioactive) était inférieure à 0,40 UTN dans plus de 75 % des mesures. La turbidité moyenne de l'eau traitée par l'autre usine(filtration lente sur sable et filtration biologique sur charbon actif) était de moins de 0,10 UTN.
6.2.2 Facteurs affectant la turbidité des eaux traitées par filtration lente sur sable
La filtration lente sur sable peut facilement produire une eau filtrée de turbidité inférieure à 1,0 UTN et, dans bien des cas, proche de 0,1 UTN. L'enlèvement des particules au moyen de ce procédé peut ne pas être toujours aussi élevé qu'avec la filtration conventionnelle. Cependant, il demeure important de réduire la turbidité autant que possible, avec un objectif de 0,1 UTN, pour s'assurer que l'usine est correctement conçue et exploitée. Plusieurs aspects de la conception et de l'exploitation des filtres lents à sable influent sur la turbidité de l'eau filtrée. La taille et l'uniformité des particules de sable, la vitesse de charge hydraulique, la maturité des filtres et la température de l'eau peuvent toutes influer sur la qualité de l'eau à sa sortie des filtres (Bellamy et coll., 1985a; Cleary et coll., 2008; Logsdon, 2008).
Divers paramètres de conception, comme la taille des particules de sable et l'épaisseur du lit filtrant ainsi que la qualité du lavage du matériau avant son installation, peuvent influer sur la turbidité de l'eau filtrée. Le sable fin permet généralement un meilleur enlèvement des particules, mais il entraîne une perte de charge plus importante en cours de filtration. Plusieurs études ont montré que la présence excessive de particules fines de sable ou le fait que le sable n'ait pas été préalablement nettoyé pouvaient contribuer à de fortes turbidités dans l'eau filtrée durant plusieurs mois après le démarrage de l'usine (Seelaus et coll., 1986; Leland et Damewood, 1990; Riesenberg et coll., 1995). Par ailleurs, le rendement des filtres à sable lents peut être diminué quand l'épaisseur du lit se trouve trop réduite par suite de la perte de sable due aux raclages répétés. Quand l'épaisseur du lit de sable n'est plus que d'environ 0,5 m, il faut rajouter du sable (Logsdon, 2008).
L'un des principaux paramètres opérationnels que les usines de filtration lente sur sable peuvent ajuster pour maîtriser la turbidité de leur eau traitée est la vitesse de charge hydraulique. Plusieurs études ont montré que des vitesses de charge accrues pouvaient entraîner des niveaux de turbidité accrus dans l'eau traitée (Bellamy et coll., 1985a; Riesenberg et coll., 1995; Cleary et coll., 2008). Bellamy et coll. (1985a) ont observé qu'un accroissement de la vitesse de charge de 0,12 à 0,40 m/h avait diminué la réduction de la turbidité de 32 % à environ 27 %. De même, dans une étude sur le rendement d'une usine pleine grandeur de filtration lente sur sable, on a observé que la turbidité de l'eau traitée était passée d'environ 0,5 UTN avec une vitesse moyenne de filtration de 0,024 m/h en hiver et de 0,10 m/h en été jusqu'à des niveaux pouvant atteindre 0,8 UTN avec une vitesse de filtration proche ou égale à la capacité maximale prévue de 0,24 m/h (Riesenberg et coll., 1995). Une étude pilote portant sur un filtre à sable lent multicouche a aussi montré que la turbidité de l'eau traitée était plus élevée (accroissement de 0,3 à plus de 1 UTN) quand la vitesse de charge hydraulique était accrue de 0,2 à 0,4 m/h et que la turbidité de l'eau brute atteignait des pointes de plus de 50 UTN. Cette observation a été faite durant des périodes de temps froid où la température était inférieure à 10 °C (Cleary et coll., 2008). Les auteurs ont noté qu'ultérieurement, après plusieurs mois d'exploitation, le filtre pouvait produire de façon constante une eau de turbidité inférieure à 0,3 UTN, même à la vitesse de filtration élevée de 0,4 m/h. Ce résultat a été attribué au rendement accru du filtre du fait de sa maturation et aux températures plus élevées (Cleary et coll., 2008). En général, l'efficacité des filtres décroît quand la température baisse, à cause d'une réduction de l'activité biologique dans le filtre. Les installations devront généralement apporter des ajustements, par exemple réduire la vitesse de charge hydraulique des filtres, durant les périodes où la température de l'eau est basse, de façon à maintenir le rendement global des filtres (Logsdon, 2008).
La maturité des filtres est considérée comme étant l'un des facteurs qui influent le plus sur le rendement des filtres à sable lents (Barrett et coll., 1991). Plusieurs études ont montré que tant la réduction de la turbidité que l'enlèvement des pathogènes augmentaient avec l'accroissement de l'activité biologique liée à la maturation des filtres (Bellamy et coll., 1985a,b; Anderson et coll., 2006).
6.3 Filtration à diatomées
Les filtres à diatomées consistent en un réservoir contenant de nombreux dispositifs de filtration appelés éléments filtrants. Les éléments filtrants peuvent être placés dans une cuve sous pression, ou ils peuvent être utilisés dans un réservoir ouvert si une pompe exerçant une succion est installée sur la canalisation de l'eau à sa sortie du filtre de façon à produire une différence de pression à travers les éléments filtrants. Ils comprennent une membrane ou toile poreuse appelée support, qui retient le gâteau de filtration durant la filtration. Les vitesses de filtration habituelles sont plus faibles que pour la filtration granulaire rapide et se situent entre 1,3 et 5 m/h (MWH, 2005). Lorsqu'aucun prétraitement n'est effectué, l'application de la filtration à diatomées est habituellement limitée aux sources d'eau brute dont les valeurs maximales de turbidité se situent entre 5 et 10 UTN. On estime que lorsque la turbidité est due à des particules inertes de limon ou d'argile, la filtration à diatomées peut être appliquée à des eaux dont la turbidité maximale se trouve à la limite supérieure de cette plage de valeurs; par contre, lorsque la turbidité est due à des particules organiques ou compressibles, comme un floc à base de fer ou d'alun, il serait préférable d'appliquer cette méthode aux eaux dont la turbidité maximale se trouve à la limite inférieure de la plage (Fulton, 2000).
Pour lancer une phase de filtration, on recouvre le support d'une mince couche de diatomées (précouche) d'environ 3 mm d'épaisseur. Pour empêcher l'eau turbide de bloquer le filtre, on ajoute continuellement une petite quantité de diatomées comme nourrissement destiné à maintenir un gâteau de filtration perméable. La filtration se fait à travers le gâteau vers l'intérieur de l'élément filtrant, où l'eau filtrée est canalisée vers l'extérieur de l'élément. Durant la filtration, le nourrissement et les particules présentes dans l'eau brute s'accumulent à la surface du gâteau, formant ainsi une nouvelle surface filtrante et augmentant l'épaisseur du gâteau. L'enlèvement des particules se produit principalement à la surface du gâteau par tamisage, et des particules d'aussi petite taille que 1 µm peuvent être enlevées, selon les caractéristiques des matières filtrantes utilisées. Lorsque la perte de charge du gâteau devient trop importante ou que celui-ci commence à se défaire, le filtre est mis hors service. Les matières recouvrant le support sont enlevées par lavage à contre-courant, puis jetées. Une nouvelle couche de diatomées est appliquée et le cycle est relancé (MWH, 2005; Logsdon, 2008).
Comme on l'a indiqué plus haut, la filtration à diatomées suit un cycle comprenant le stade d'installation de la précouche, la phase de filtration proprement dite et le lavage à contre- courant. Au début de la phase de filtration, la turbidité peut être légèrement élevée en raison du fait que les fines particules inertes de diatomées non encore stabilisées dans la précouche passent dans l'eau filtrée. Cependant, la turbidité diminue légèrement en général au cours de la phase de filtration au fur et à mesure que l'épaisseur du gâteau s'accroît. Une fois la phase de filtration lancée, il n'y a généralement pas de hausse subite de turbidité due à une percée tant et aussi longtemps que le courant qui retient le gâteau sur le support n'est pas interrompu. On devrait généralement arrêter la filtration en cas de perturbation du gâteau par suite d'une poussée du débit d'eau (Fulton, 2000).
La mesure en continu de la turbidité est un outil important pour s'assurer que le rendement des filtres à diatomées est acceptable. La turbidité de l'eau filtrée peut augmenter durant la filtration pour diverses raisons : précouche inégale, perturbation du gâteau, etc.; la turbidité de l'eau à sa sortie des filtres doit donc être surveillée en continu pour s'assurer que les filtres fonctionnent correctement.
6.3.1 Turbidité des eaux traitées par filtration à diatomées
Comme pour la filtration lente sur sable, les usines de filtration à diatomées bien exploitées peuvent facilement produire une eau filtrée de turbidité inférieure à 1 UTN et, dans bien des cas, inférieure à 0,1 UTN. Logsdon et coll. (1981) ont constaté des réductions de turbidité allant de 56 % à 78 %, l'eau filtrée résultante présentant une turbidité de moins de 0,5 UTN, dans une usine pilote de filtration à diatomées lorsque la turbidité des eaux non traitées variait de 0,95 à 2,5 UTN. Pyper (1985) a rapporté une réduction moyenne de la turbidité de 75 % avec obtention d'une turbidité de 0,5 UTN dans l'eau filtrée. Une étude du rendement d'une usine pleine grandeur de filtration à diatomées a montré que des turbidités de 1 à 3 UTN dans l'eau brute se trouvaient réduites à un niveau situé entre 0,3 et 0,5 UTN dans l'eau filtrée (Ongerth, 1990).
D'autres études en usine pilote visant à évaluer l'enlèvement des particules et de Cryptosporidium au moyen de la filtration à diatomées ont montré que des turbidités de 0,7 à 1,1 UTN dans l'eau brute pouvaient facilement être réduites à moins de 0,1 UTN. De façon générale, le rendement des filtres s'est amélioré au cours de la filtration, la turbidité tombant à moins de 0,1 UTN environ 20 minutes après le début de la pose de la précouche et atteignant moins de 0,07 UTN après 200 minutes de filtration (Ongerth et Hutton, 2001).
6.3.2 Facteurs affectant la turbidité des eaux traitées par filtration à diatomées
La filtration à diatomées peut facilement produire une eau filtrée de turbidité inférieure à 1,0 UTN et, dans bien des cas, proche de 0,1 UTN. L'enlèvement des particules au moyen de ce procédé peut ne pas être toujours aussi bon qu'avec la filtration conventionnelle. Cependant, il demeure important entre autres facteurs de réduire la turbidité autant que possible, avec un objectif de 0,1 UTN, pour s'assurer que l'usine est correctement conçue et exploitée. Plusieurs aspects de la conception et de l'exploitation des filtres à diatomées influent sur la turbidité de l'eau filtrée. La taille ou le calibre des particules de diatomées, l'épaisseur de la précouche, la vitesse de charge hydraulique, les fluctuations de pression et l'intégrité du gâteau de filtration peuvent toutes influer sur la qualité de l'eau à sa sortie des filtres (Lange et coll., 1986; Fulton, 2000; Ongerth et Hutton, 2001).
Lange et coll. (1986) ont observé que le calibre des particules de diatomées influait sur le rendement des filtres. Pour le calibre le plus fin, présentant une taille médiane des particules de 7,5 µm, la réduction de turbidité était de près de 100 %; cependant, pour les particules plus grosses (taille médiane de 22 µm), la réduction de turbidité n'était que de 10 %. Les auteurs ont noté que la turbidité de l'eau de la source d'approvisionnement variait entre 4 et 10 UTN et était due à des argiles colloïdales. Selon eux, on devrait obtenir une réduction accrue de la turbidité lorsque la turbidité de l'eau de la source d'approvisionnement est causée par des particules plus grosses. Schuler et Ghosh (1990) ont aussi démontré que le calibre des particules de diatomées utilisées avait un effet important sur la réduction de la turbidité.
Lange et coll. (1986) ont observé une légère baisse de la réduction de turbidité à des vitesses de charge hydraulique élevées quand des particules de diatomées plus grossières étaient utilisées comme adjuvant de filtration. Cependant, dans un autre essai en usine pilote, une hausse de la vitesse de charge de 2,5 à 5,0 m/h a entraîné une baisse mineure de la turbidité de l'eau filtrée (Ongerth et Hutton, 2001). Dans cette même étude, on a aussi observé que des fluctuations de pression au filtre (dues à des variations de l'action de la pompe péristaltique) avaient provoqué une hausse de la turbidité de l'eau traitée d'environ 0,05 à 0,2-0,4 UTN.
On a observé que l'utilisation d'un prétraitement ou l'ajout d'autres adjuvants de filtration, par exemple l'emploi de polymères ou encore de particules de diatomées enrobées d'alun, réduisait la turbidité de l'eau traitée par des usines de filtration à diatomées. Dans une étude en usine pilote, l'utilisation de particules de diatomées enrobées d'alun a permis une réduction de turbidité variant de 66 % à 98,8 %, comparativement à une réduction variant de 11 % à 17 % sans cet enrobage (Lange et coll., 1986). Dans une étude similaire en usine pilote, l'ajout de coagulants chimiques et de polymères dans la précouche et le nourrissement a accru la réduction de turbidité, et on a observé que des turbidités inférieures à 1 UTN dans l'eau brute pouvaient être réduites à moins de 0,1 UTN (Schuler et Ghosh, 1990).
Dans une étude en usine pleine grandeur de filtration à diatomées, on a observé que l'ajout d'un polymère cationique comme adjuvant de filtration avait permis d'obtenir une eau traitée de turbidité inférieure à 0,1 UTN, à partir d'une eau brute de turbidité supérieure à 6 UTN. Avant l'ajout du polymère, la turbidité moyenne de l'eau traitée dans cette usine était de 0,3-0,4 UTN; cependant, cette usine éprouvait des difficultés d'exploitation lorsque la turbidité de l'eau de la source d'approvisionnement était élevée (supérieure à 10 UTN), ce qui entraînait normalement son arrêt (Cartnick et Merwin, 2004). Dans une autre étude en usine pleine grandeur, on a démontré que l'apport de modifications à une usine existante, comme la relocalisation du point d'injection de la suspension de diatomées ainsi que le remplacement des supports des filtres, pouvait faire passer la turbidité de l'eau filtrée de près de 1 UTN à une moyenne de 0,25 UTN pour l'eau traitée (Sweed, 1999).
6.4 Filtration sur membrane
Quatre procédés de traitement à membrane sont actuellement utilisés dans l'industrie de l'eau : la microfiltration, l'ultrafiltration, la nanofiltration et l'osmose inverse. Le type de membrane le plus approprié pour le traitement de l'eau est fonction de divers facteurs, dont les matières à enlever, les caractéristiques de la qualité de l'eau de la source d'approvisionnement, les exigences de qualité pour l'eau traitée, la taille des pores de la membrane, le seuil de rétention des molécules, la matière dont est constituée la membrane, ainsi que la configuration du système de traitement (Jacangelo, 1991). La distinction entre les types de procédés à membrane peut être subjective et varier selon les fabricants de membranes; cependant, on peut de façon générale classer ces procédés comme suite (MWH, 2005; AWWA, 2007) :
Osmose inverse : procédé à membrane à haute pression initialement conçu pour retirer le sel de l'eau saumâtre. Ce procédé est fondé sur la diffusion de l'eau à travers une membrane semi-perméable sous l'action d'un gradient de concentration. Les membranes d'osmose inverse sont considérées comme non poreuses et sont utilisées pour enlever de l'eau les solides dissous, comme le sodium, l'ion chlorure et l'ion nitrate.
Nanofiltration : procédé à osmose inverse à faible pression servant à enlever les gros cations (p. ex., ions de calcium et de magnésium) et des molécules organiques. Les membranes de nanofiltration sont aussi habituellement considérées comme non poreuses, et on rapporte qu'elles retiennent les particules dont la taille se situe entre 0,5 et 2 nm.
Ultrafiltration : procédé à membrane à faible pression présentant une large plage de seuils de rétention des molécules et de tailles de pores, servant à enlever les petits colloïdes, les particules et, dans certains cas, les virus. La taille des pores des membranes d'ultrafiltration se situe habituellement entre 0,01 et 0,1 µm.
Microfiltration : procédé à membrane à faible pression servant à enlever les particules, les sédiments, les algues, les protozoaires et les bactéries. La taille des pores des membranes de microfiltration se situe habituellement entre 0,1 et 10 µm.
Comme la plupart des procédés de filtration, la microfiltration et l'ultrafiltration sont effectuées suivant des cycles répétitifs. Au début du cycle de filtration, l'eau est filtrée à travers la membrane, puis les solides commencent à s'accumuler du côté de la membrane où arrive l'eau. Cette accumulation fait qu'avec le temps, la pression transmembranaire nécessaire pour maintenir un flux constant augmente. La filtration se déroule habituellement pour une période déterminée ou jusqu'à ce qu'une pression transmembranaire prescrite soit atteinte. Un lavage à contre- courant est ensuite effectué pour enlever le gâteau de filtration qui s'est formé à la surface de la membrane durant le cycle de filtration (AWWA, 2005; MWH, 2005).
Dans l'ultrafiltration et la microfiltration, l'eau est filtrée à travers une mince paroi de matériau poreux. L'enlèvement des particules se fait principalement par tamisage (exclusion selon la taille), et les types de contaminants enlevés sont partiellement fonction de la taille des pores ou du seuil de rétention des molécules propre à la membrane. Des recherches ont également démontré que l'adsorption et la formation du gâteau de filtration sur la membrane influaient sur l'enlèvement des contaminants (AWWA, 2005; MWH, 2005).
L'osmose inverse et la nanofiltration sont des procédés à membrane à pression dans lesquels les solutés dissous sont séparés de l'eau par diffusion préférentielle. Ces deux procédés peuvent servir aussi à l'enlèvement des particules, mais ils ne sont pas spécifiquement conçus à cette fin. De fortes charges de particules peuvent encrasser rapidement ces types de membranes. C'est pourquoi l'osmose inverse et la nanofiltration sont précédées d'un prétraitement visant à enlever les particules présentes dans l'eau brute. La filtration des particules et des solides dissous se produit quand l'eau arrive sur la membrane avec une forte pression et la traverse tandis que les particules et un fort pourcentage des solides dissous sont retenus. La pression requise dans les systèmes d'osmose inverse et de nanofiltration est partiellement fonction de la concentration des solides dissous totaux et de la température de l'eau d'alimentation (MWH, 2005; AWWA, 2007). L'osmose inverse est une filtration en continu et ne comprend pas de lavage à contre-courant périodique. Il peut être nécessaire d'effectuer une préfiltration ou d'ajouter un inhibiteur d'entartrage pour protéger les membranes contre le blocage, l'encrassement ou l'entartrage. Habituellement, l'osmose inverse et la nanofiltration sont précédées d'une filtration par cartouches filtrantes à pores de 5 à 20 µm pour réduire la charge de particules sur les membranes et abaisser la turbidité de l'eau arrivant sur les membranes à moins de 1 UTN (AWWA, 2007). Il faut prévoir une dérivation de l'eau à sa sortie des membranes vers les eaux usées pour le démarrage initial du système et comme dispositif d'urgence en cas de rupture de l'intégrité d'une membrane.
En principe, la filtration sur membrane constitue une barrière absolue pour toutes les particules de taille supérieure à celle correspondant à la taille d'exclusion du système. Cependant, toute rupture de l'intégrité d'une membrane ou toute fuite dans le système peuvent permettre le passage à travers le filtre de matières particulaires telles que des pathogènes. La rupture de fibres d'une membrane ou de joints collés et les fuites de joints d'étanchéité sont parmi les ruptures d'intégrité qui peuvent entraîner le passage de microorganismes et d'autres contaminants dans l'eau traitée. C'est pourquoi les tests d'intégrité sont essentiels dans la filtration sur membrane (U.S. EPA, 2001b, 2005).
Les tests d'intégrité sont fondés sur des procédures permettant d'évaluer si le système à membrane est complètement intact ou comporte une rupture ou une fuite compromettant son rendement. Les tests d'intégrité peuvent être directs ou indirects. Les tests directs sont des procédures s'appliquant directement à la membrane ou au module de membranes et visent à déterminer s'il y a une rupture d'intégrité et, le cas échéant, sa source. Les tests indirects sont des mesures indirectes de l'intégrité consistant à surveiller la qualité de l'eau filtrée. Les tests indirects sont généralement effectués en continu, tandis que les tests directs sont effectués à une moindre fréquence, par exemple quotidiennement (U.S. EPA, 2001b, 2005). Il existe une vaste gamme de tests directs (tests axés sur la pression, tests utilisant des senseurs acoustiques, etc.) et indirects (turbidité, comptage des particules, essais d'efficacité d'enlèvement avec substitut, etc.) pour les usines de filtration sur membrane. Des études exhaustives portant sur les différentes méthodes existantes pour les tests d'intégrité sont disponibles (Sethi et coll., 2004; Guo et coll., 2010).
La surveillance de la turbidité de l'eau traitée par des systèmes de filtration sur membrane est l'une des méthodes indirectes pour tester l'intégrité de ces systèmes. Comme la qualité des eaux issus de ces systèmes est régulièrement très élevée et ne varie généralement pas suivant les fluctuations des caractéristiques de l'eau brute, un accroissement de la turbidité de l'eau filtrée, révélé par les mesures de surveillance, peut être le signe d'une rupture d'intégrité. La surveillance de la turbidité comme test d'intégrité indirect présente plusieurs avantages et inconvénients par rapport à d'autres tests. Ses principaux avantages sont les suivants : elle peut être effectuée en continu, les différents appareils de mesure de la turbidité donnent des résultats relativement uniformes, les exploitants connaissent bien cette méthode et elle est peu coûteuse. Le principal inconvénient est que les turbidimètres néphélométriques standard présentent une sensibilité relativement faible aux ruptures mineures de l'intégrité des membranes comparativement à d'autres méthodes indirectes. On a proposé d'utiliser plutôt des turbidimètres laser pour la surveillance de la turbidité dans les systèmes de filtration sur membrane, car ils présentent une limite de détection inférieure et il a été démontré dans certains cas qu'ils pouvaient beaucoup mieux détecter les ruptures de membrane que les turbidimètres néphélométriques (Banerjee et coll., 2000, 2001; U.S. EPA, 2001b; AWWA, 2005). Cette question est examinée plus en détails aux sections 5.0 et 6.4.2.
Selon diverses études, la surveillance de la turbidité ne suffirait pas à elle seule pour contrôler l'intégrité des systèmes de filtration sur membrane étant donné qu'elle n'offre pas la sensibilité nécessaire pour détecter les très petits trous dans les fibres des membranes et que la résolution des instruments n'est pas toujours suffisante pour détecter les différences de turbidité entre l'eau brute et l'eau filtrée (Sethi et coll., 2004; AWWA, 2005; MWH, 2005; Gitis et coll., 2006; Guo et coll., 2010). En général, la surveillance de la turbidité est acceptée comme élément d'un programme global de contrôle de l'intégrité comprenant des tests tant directs qu'indirects.
L'utilité de la surveillance de la turbidité pour repérer immédiatement une rupture majeure de l'intégrité des systèmes à membrane a fait que cette méthode s'est largement répandue dans les usines de filtration sur membrane. Certains organismes, tels que l'U.S. EPA, considèrent la surveillance de la turbidité comme la méthode à suivre pour la surveillance indirecte en continu de l'intégrité, à défaut d'une méthode de rechange approuvée par l'État. Selon le U. S. Long Term 2 Enhanced Surface Water Treatment Rule (LT2ESWTR), le programme global de vérification du système doit comprendre la surveillance en continu de la turbidité, en plus de tests d'intégrité directs quotidiens (U.S. EPA, 2005, 2006b).
6.4.1 Turbidité des eaux traitées par filtration sur membrane
Tous les procédés de filtration sur membrane sont très efficaces pour réduire la turbidité, dans la mesure où les membranes demeurent intactes. En général, la microfiltration et l'ultrafiltration produisent une eau filtrée de turbidité inférieure à 0,1 UTN (Adham et coll., 1996; Laine et coll., 2000; AWWA, 2005; Guo et coll., 2010). Comme l'utilisation de l'osmose inverse et de la nanofiltration pour le traitement de l'eau potable ne vise pas l'enlèvement des particules, on ne rapporte généralement pas de données de turbidité pour ces deux procédés; cependant, ils peuvent produire une eau filtrée de très faible turbidité.
L'un des principaux avantages des systèmes de microfiltration et d'ultrafiltration est leur capacité de produire de façon constante une eau filtrée de faible turbidité. L'American Water Works Association a présenté des données sur la turbidité de l'eau filtrée produite par plus de 72 usines de microfiltration et d'ultrafiltration entre 1989 et 2001. Les résultats montrent que les membranes de microfiltration et d'ultrafiltration produisent une eau de très grande qualité quelle que soit la turbidité de l'eau brute. La turbidité médiane de l'eau filtrée pour l'ensemble des usines était de 0,06 UTN, et la médiane pour la turbidité maximale rapportée était de 0,08 UTN. Cette évaluation a aussi montré que la réduction de turbidité était la même avec ou sans ajout de coagulant et pour tous les types de membranes et fabricants (AWWA, 2005). Une étude similaire sur plus de 70 usines de microfiltration et d'ultrafiltration réparties dans le monde a révélé que quel que soit le niveau de turbidité de l'eau brute, les systèmes de microfiltration et d'ultrafiltration parvenaient à réduire la turbidité à moins de 0,1 UTN (Adham et coll., 1996). L'U.S. EPA a aussi rapporté que la plupart des systèmes de microfiltration et d'ultrafiltration produisaient de façon constante une eau filtrée de 0,03 à 0,07 UTN, sur la base de mesures obtenues avec des turbidimètres classiques (U.S. EPA, 2001b, 2005).
6.4.2 Facteurs affectant la turbidité des eaux traitées par filtration sur membrane
La filtration sur membrane constitue une barrière absolue pour toutes les particules de taille supérieure à celle correspondant à la taille d'exclusion du système. Cependant, toute rupture de l'intégrité d'une membrane ou toute fuite dans le système peuvent permettre le passage de particules dans l'eau filtrée et donc en accroître la turbidité. Les causes possibles de rupture d'intégrité dans les systèmes de filtration sur membrane sont nombreuses, par exemple l'apparition de trous dans les fibres des membranes et de fuites aux joints d'étanchéité, et la capacité des mesures de surveillance de la turbidité de détecter ces ruptures peut être très variable.
Adham et coll. (1995) ont montré que divers facteurs pouvaient influer sur la capacité des mesures de turbidité de détecter une rupture, dont le type de système de microfiltration ou d'ultrafiltration, le nombre de modules associés à un même instrument de mesure, le nombre de fibres par module, la configuration hydraulique et d'autres paramètres propres aux systèmes utilisés. Quand les membranes étaient intactes, la turbidité du filtrat issu des quatre systèmes examinés se situait entre 0,02 et 0,04 UTN. Les accroissements de turbidité étaient facilement discernables même dans le cas d'une rupture d'intégrité consistant en un minuscule trou dans une fibre dans le cas de membranes à écoulement tangentiel comprenant entre 500 et 2 000 fibres; cependant, aucun changement de turbidité n'a été détecté avec divers types de ruptures dans le cas d'une membrane à écoulement transversal comprenant 22 400 fibres. Cette étude a montré que la dilution (nombre de fibres) et le mode d'écoulement dans le module constituaient des facteurs qui déterminent grandement la capacité des mesures de turbidité de détecter les ruptures d'intégrité mineures.
Deux autres études présentant des données de tests d'intégrité pour des usines pleine grandeur ont conclu que la surveillance de la turbidité avait une capacité limitée de détection des ruptures d'intégrité. Kothari et St. Peter (2000) ont montré que la coupe d'un nombre de fibres allant jusqu'à 200 dans un jeu de membranes avait entraîné un accroissement de la turbidité de seulement 0,01 UTN. De même, Landsness (2001) a rapporté un accroissement de 0,024 UTN à 0,037 UTN seulement après la coupe de 200 fibres dans une membrane. En outre, pour le train entier de huit jeux de membranes, on n'a constaté aucun changement de la turbidité, qui est demeurée à 0,012 UTN. Ces deux études montrent que la capacité de la surveillance de la turbidité de détecter les ruptures d'intégrité mineures à modérées est limitée.
Sethi et coll. (2004) ont effectué une évaluation détaillée d'outils de surveillance de l'intégrité des membranes à faible pression. Ils ont évalué plusieurs tests d'intégrité indirects et directs dans six usines pleine grandeur d'ultrafiltration ou de microfiltration, avec analyse de la sensibilité, de la fiabilité, des coûts et de l'applicabilité de chaque méthode. Les résultats ont montré que tant les turbidimètres néphélométriques standard que les turbidimètres laser n'avaient pas la sensibilité nécessaire pour détecter les ruptures examinées dans l'étude, dont l'ampleur variait de la coupe d'une fibre à celle de 0,0025 % des fibres dans un jeu de membranes. Selon ces auteurs, les méthodes de surveillance de l'intégrité les moins sensibles, comme la surveillance de la turbidité, devraient être envisagées comme méthodes d'alerte pour les pertes graves d'intégrité et non pas comme outils de surveillance régulière.
Les données rapportées par Farahbakhsh et coll. (2003) appuient la surveillance par turbidimètres conventionnels pour détecter les ruptures d'intégrité importantes dans les systèmes à membrane. Cette étude fait état des résultats d'une surveillance en ligne de la turbidité ayant révélé qu'une rupture majeure d'intégrité, soit plus de 60 fibres rompues dans une membrane comptant 28 500 fibres, a fait augmenter la turbidité de 0,04 à 0,2 UTN.
Contrairement à l'étude de Sethi et coll. (2004), plusieurs autres études ont conclu que les turbidimètres laser pourraient convenir pour la surveillance de la filtration sur membrane, leur limite de détection étant inférieure et leur sensibilité pouvant être de plusieurs ordres de grandeur supérieure à celles des turbidimètres conventionnels (Banerjee et coll., 2000, 2001; U.S. EPA, 2001b; AWWA, 2005). Banerjee et coll. (2000) ont montré qu'un turbidimètre laser arrivait à détecter une rupture intentionnelle dans un système de microfiltration : la coupe d'une seule fibre sur 5 000 dans une cartouche à membrane a été détectée par le fait que la turbidité mesurée est passée de 14 mUTN à plus de 250 mUTN. Des systèmes laser de mesure de la turbidité équipés de senseurs pouvant être installés sur chaque jeu de membranes ont aussi été utilisés pour la détection de ruptures d'intégrité à l'échelle du module et des fibres (Naismith, 2005).
Comme la plupart des systèmes de filtration sur membrane produisent de façon constante une eau filtrée de turbidité inférieure à 0,1 UTN, un dépassement soutenu de cette valeur devrait être vu comme l'indication d'une rupture d'intégrité pouvant être grave. En général, quand les installations ont recours à la surveillance de la turbidité pour tester l'intégrité de leur système, elles devraient aussi utiliser un test direct d'intégrité plus sensible, comme une mesure du taux de décroissement de pression, pour permettre la détection et la localisation d'éventuelles ruptures d'intégrité mineures (Sethi et coll., 2004; MWH, 2005).
6.5 Autres techniques
6.5.1 Filtration à poche et filtration à cartouche
La filtration à poche et la filtration à cartouche sont d'autres techniques pouvant être utilisées pour réduire les quantités de particules, et donc la turbidité, dans l'eau potable. Il n'y a pas de valeur recommandée pour ces techniques, étant donné la grande variation du niveau de réduction de la turbidité qu'elles peuvent atteindre. Les études réalisées à ce jour n'ont pu établir de relation entre l'efficacité d'enlèvement des protozoaires et la turbidité ou d'autres paramètres comme la taille des pores du matériau filtrant ou la baisse de pression (U.S. EPA, 2006b). Cependant, comme de nombreux petits systèmes de production d'eau potable utilisent la filtration à poche ou la filtration à cartouche, une brève description de ces procédés, de leur capacité de réduction de la turbidité et des mesures de surveillance de la turbidité qui leur conviennent est présentée ici.
La filtration à poche et la filtration à cartouche sont considérées comme des procédés de filtration par séparation mécanique à pression qui enlèvent les particules de taille supérieure à 1 µm au moyen d'un matériau filtrant poreux. Les poches filtrantes sont habituellement faites d'un matériau filtrant tissé et sont placées dans une cuve sous pression. L'eau circule depuis l'intérieur de la poche vers l'extérieur, la poche retenant les contaminants. Les cartouches filtrantes sont habituellement faites d'un filament bobiné rigide ou semi-rigide placé dans une cuve à pression dans laquelle l'eau circule depuis l'extérieur de la cartouche vers l'intérieur. Les systèmes peuvent comporter un ou plusieurs filtres par cuve à pression. Il est recommandé que toutes les composantes des poches et des cartouches filtrantes soient conformes à la norme 61 de NSF International (NSF) et de l'American National Standards Institute (ANSI) intitulée Drinking Water System Components-Health Effects. Cette norme assure l'innocuité des matériaux et l'efficacité des produits qui entrent en contact avec l'eau potable (NSF/ANSI, 2012a).
Les poches et les cartouches filtrantes retirent les particules de l'eau en tamisant mécaniquement celles dont la taille est supérieure à la taille des pores du matériau filtrant. La taille des pores varie habituellement de 1 à 40 µm dans le cas des poches filtrantes, et de 0,3 à 80 µm dans celui des cartouches; ainsi, le choix du type de filtre le plus approprié pour un système donné est en partie fonction de la taille des particules et du niveau de turbidité dans l'eau de la source d'approvisionnement (U.S. EPA, 1997b, 2003c).
Généralement, la filtration à poche ou à cartouche est utilisée dans les petits et les très petits systèmes d'approvisionnement en eau potable comme procédé de filtration primaire; plus récemment cependant, les poches et cartouches filtrantes ont été utilisées dans de plus grands systèmes pour la filtration secondaire après filtration primaire afin d'enlever davantage de contaminants. Quand la filtration à poche ou à cartouche est utilisée pour la filtration primaire, l'eau brute est souvent préalablement filtrée pour enlever les grosses particules. Dans certains cas, les poches ou les cartouches filtrantes sont disposées en série, avec les unités à plus gros pores (taille de plus de 10 µm) en premier, suivies des unités à plus petits pores (1-5 µm) comme unités filtrantes finales (U.S. EPA, 1997b). Quand la filtration à poche ou à cartouche est utilisée comme procédé de filtration secondaire, seules des unités à petits pores sont employées. Bien que les poches et cartouches filtrantes puissent traiter une eau brute dont la turbidité est élevée, celle- ci doit généralement être de moins de 10 UTN pour que la filtration soit efficace (U.S. EPA, 1997b; Cleasby et Logsdon, 1999).
Comme la taille des pores des poches et des cartouches filtrantes est très variable, le niveau de réduction de la turbidité atteint par ces filtres est aussi très variable. Une étude réalisée par Li et coll. (1997) a montré que, selon le type de poche filtrante utilisée, la réduction de turbidité pouvait varier de 0,03 log à 1,89 log. La turbidité de l'eau filtrée dans cette étude variait de 0,14 à 9,87 UTN. Bien que la mesure de la turbidité ait ses limitations comme indicateur de la défaillance des systèmes de filtration à poche ou à cartouche, elle est néanmoins recommandée comme indicateur de rendement pour ces systèmes. La turbidité des eaux traitées peut être contrôlée à des fréquences variables selon la qualité de l'eau de la source d'approvisionnement, mais elle doit l'être au moins une fois par jour (Cleasby et Logsdon, 1999; U.S. EPA, 2003c).
6.5.2 Stratégies supplémentaires
Parmi les stratégies supplémentaires pouvant être utilisées pour réduire la turbidité de l'eau de la source d'approvisionnement, on compte les suivantes : la filtration par les berges, l'adoucissement à la chaux, la pré-sédimentation et la filtration en deux étapes. Généralement, ces procédés sont utilisés tôt dans la séquence de traitement de l'eau potable pour réduire la concentration de particules dans l'eau qui sera soumise à un traitement subséquent, et pour améliorer la capacité globale d'enlèvement des particules d'une usine. Dans la plupart des cas, la mesure de la turbidité peut être utilisée pour surveiller l'efficacité de ces procédés. L'utilisation de ces techniques pour réduire la turbidité est traitée plus en détails dans Kawamura (2000), Ray et coll. (2002) et U.S. EPA (2010).
6.6 Traitement à l'échelle résidentielle
En règle générale, il n'est pas recommandé d'utiliser des dispositifs de traitement de l'eau potable pour effectuer un traitement additionnel de l'eau traitée par la municipalité. Dans les cas où l'eau potable d'un domicile provient d'un puits privé, un dispositif résidentiel de traitement de l'eau potable peut être utilisé pour en réduire la turbidité. Il est à noter que des mesures de turbidité régulièrement élevées ou des hausses subites de la turbidité peuvent être associées à une contamination microbiologique des approvisionnements en eau de puits. C'est pourquoi les aspects microbiologiques de la qualité de l'eau doivent être considérés avant de choisir un dispositif de traitement de l'eau potable.
Santé Canada ne recommande pas de marques particulières de dispositifs de traitement de l'eau potable, mais conseille vivement aux consommateurs de n'utiliser que les dispositifs certifiés par un organisme de certification accrédité comme étant conformes aux normes appropriées de NSF International (NSF) et de l'American National Standards Institute (ANSI). Ces normes visent à préserver la qualité de l'eau potable en aidant à assurer l'innocuité des matériaux et l'efficacité des produits qui entrent en contact avec elle. Les procédés de traitement utilisés dans les dispositifs résidentiels certifiés pour la réduction de la turbidité dans l'eau potable sont généralement la filtration sur charbon actif et l'osmose inverse.
Les organismes de certification garantissent qu'un produit est conforme aux normes applicables et doivent être accrédités par le Conseil canadien des normes (CCN). Au Canada, le CCN a accrédité les organismes suivants, qu'il autorise ainsi à homologuer les dispositifs de traitement de l'eau potable et les produits liés à l'eau qui satisfont aux normes susmentionnées de NSF et de l'ANSI :
Canadian Standards Association International (www.csa-international.org); NSF International (www.nsf.org);
Water Quality Association (www.wqa.org); Underwriters Laboratories Inc. (www.ul.com); Quality Auditing Institute (www.qai.org);
International Association of Plumbing & Mechanical Officials (www.iapmo.org).
Une liste à jour des organismes de certification accrédités peut être obtenue auprès du CCN (www.scc.ca).
La norme 53 de NSF et de l'ANSI (Drinking Water Treatment Units-Health Effects) s'applique à la réduction de la turbidité dans l'eau potable. Pour qu'un dispositif de traitement de l'eau potable satisfasse à la norme 53, il doit pouvoir réduire une turbidité de 11 UTN ± 1 UTN à 0,5 UTN ou moins (NSF/ANSI, 2011).
La norme 58 de NSF et de l'ANSI (Reverse Osmosis Drinking Water Treatment Systems) s'applique aussi à la réduction de la turbidité dans l'eau potable. Pour qu'un dispositif de traitement de l'eau potable satisfasse à la norme 58, il doit pouvoir réduire une turbidité de 11 UTN ± 1 UTN à 0,5 UTN ou moins (NSF/ANSI, 2012b). Les dispositifs d'osmose inverse certifiés sont conçus pour installation au point d'utilisation seulement. On les installe au point d'utilisation parce que l'osmose inverse exige des volumes plus importants d'eau brute pour produire le volume requis d'eau potable, vu que les dispositifs rejettent une partie de l'eau brute, ce que des dispositifs résidentiels installés au point d'entrée ne pourraient généralement pas faire. De plus, l'eau qui a été traitée par osmose inverse peut être corrosive pour la plomberie domestique, autre raison pour laquelle ces dispositifs doivent être installés au point d'utilisation.
Avant d'installer un dispositif de traitement de l'eau potable, on doit analyser l'eau pour déterminer ses caractéristiques chimiques générales et sa turbidité. Un spécialiste du traitement de l'eau doit périodiquement effectuer sur place, au moyen d'un turbidimètre portatif, des analyses de l'eau entrant dans le dispositif et de l'eau en sortant afin de vérifier l'efficacité du dispositif. Les dispositifs peuvent perdre de leur capacité de réduction avec l'usage et le temps. Il faut donc les entretenir et les remplacer au besoin. Les consommateurs doivent consulter les recommandations du fabricant pour connaître la durée de vie prévue des éléments de leur dispositif de traitement.
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