Recommandations au sujet de la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives au Canada - Indicateurs de contamination fécale : Études épidémiologiques sur les activités de contact primaire

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Études épidémiologiques

Au cours des dernières décennies, de nombreuses études épidémiologiques ont été menées dans les étendues d'eaux douces et marines utilisées à des fins récréatives, principalement en vue d'examiner le lien entre les indicateurs de contamination fécale que sont E. coli et les entérocoques et les maladies gastro-intestinales. Les études ont porté notamment sur des milieux aquatiques récréatifs touchés par des sources de contamination ponctuelles (c.-à-d. des sources identifiables et fixes) et des sources de contamination non ponctuelles (c.-à-d. des sources diffuses). La plupart des études épidémiologiques ont été effectuées sur des plages ayant des sources ponctuelles connues de contamination fécale d'origine humaine. Un moins grand nombre d'études ont porté sur les plages à vocation récréative touchées par des sources diffuses de contamination fécale (voir le tableau 4). Les zones touchées par des sources diffuses, en particulier celles où la contamination serait exclusivement d'origine non humaine, pourraient présenter un degré de risque inférieur pour les usagers des eaux récréatives aux valeurs établies dans les recommandations. Cependant, vu le manque d'information, des études supplémentaires sur les plages touchées par des sources diffuses sont nécessaires pour mieux caractériser les risques pour la santé humaine dans ces sites. Il importe de mener des études sur les lieux touchés par des sources ponctuelles et diffuses pour comprendre la variabilité des niveaux de risque pour la santé humaine et l'utilité des microorganismes indicateurs de contamination fécale dans le cadre de la gestion de la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives. Un petit nombre d'études ont porté sur d'autres paramètres liés à la santé, comme les maladies respiratoires ou cutanées. Les études les plus récentes ont été élargies pour inclure une gamme d'indicateurs (par exemple coliphages, marqueurs de source fécale comme HF183) et des méthodes de détection par PCR quantitative ou PCRq (Sánchez-Nazario et coll., 2014; Griffith et coll., 2016; Napier et coll., 2017). Plusieurs analyses des études épidémiologiques ciblant un milieu récréatif en eaux douces ou marines ont aussi été publiées (Pruss, 1998; U.S. EPA, 2002; Wade et coll., 2003; Fewtrell et Kay, 2015).

L'édition antérieure de ce document technique, publiée par Santé Canada en 2012, comprenait une analyse des études épidémiologiques publiées avant 2009. Depuis, d'autres études épidémiologiques et de nouvelles analyses statistiques d'ensembles de données existants ont été menées (tableau 4), et la définition utilisée pour caractériser les maladies gastro-intestinales a été élargie (voir Definition de maladie gastro-intestinale). Les valeurs recommandées pour les activités récréatives de contact primaire dans le présent document reposent sur toutes les études publiées présentées au tableau 4 et tiennent compte des risques pour la santé humaine et des avantages de l'utilisation des eaux à des fins récréatives sur le plan de l'activité physique et de la détente.

Tableau 4. Études épidémiologiques examinant le lien entre les maladies gastro-intestinales et les bactéries indicatrices de contamination fécale lors d'activités récréatives de contact primaire dans les eaux douces et marines (1984-2016)
Source Principales conclusions Documents de référence
Eaux douces touchées par des eaux usées domestiques (et sources diffuses)
  • Corrélation entre les symptômes de maladies gastro-intestinales et les bactéries indicatrices de contamination fécale
  • Dufour, 1984;
  • Ferley et coll., 1989;
  • Van Asperen et coll., 1998;
  • Wade et coll., 2006;
  • Wiedenmann et coll., 2006;
  • Wade et coll., 2008

Eaux douces touchées par des sources diffuses (par exemple eaux de ruissellement urbaines, agriculture, bassin hydrographique forestier), risque minimal d'incidence des eaux usées domestiques

  • Corrélation entre les symptômes de maladies gastro-intestinales et les bactéries indicatrices de contamination fécale
Marion et coll., 2010
  • Baigneurs plus à risque que les non-baigneurs
  • Aucune corrélation statistiquement significative entre les bactéries indicatrices de contamination fécale et le risque de maladies gastro-intestinales
Calderon et coll., 1991

Eaux marines touchées par des eaux usées domestiques (et sources diffuses)

  • Corrélation entre les symptômes de maladies gastro-intestinales et les bactéries indicatrices de contamination fécale
  • Cabelli, 1983;
  • Cheung et coll., 1990;
  • Alexander et coll., 1992;
  • Corbett et coll., 1993;
  • Kay et coll., 1994;
  • Prieto et coll., 2001;
  • U.S. EPA, 2010;
  • Wade et coll., 2010;
  • Colford et coll., 2012;
  • Yau et coll., 2014;
  • Lamparelli et coll., 2015;
  • Griffith et coll., 2016;
  • Benjamin-Chung et coll., 2017
  • Baigneurs plus à risque que les non-baigneurs
  • Aucune corrélation statistiquement significative entre les symptômes de maladies gastro-intestinales et les bactéries indicatrices de contamination fécale
  • von Schirnding et coll., 1992;
  • Harrington et coll., 1993;
  • Marino et coll., 1995;
  • McBride et coll., 1998;
  • Colford et coll., 2012;
  • Papastergiou et coll., 2012
Eaux marines touchées par des sources diffuses (par exemple eaux de ruissellement urbaines, agriculture, bassin hydrographique forestier), risque minimal d'incidence des eaux usées domestiques
  • Baigneurs plus à risque que les non-baigneurs
  • Aucune corrélation entre les symptômes de maladies gastro-intestinales et les bactéries indicatrices de contamination fécale
  • Colford et coll., 2007;
  • Fleisher et coll., 2010;
  • Sinigalliano et coll., 2010;
  • U.S. EPA, 2010;
  • Arnold et coll., 2013
Note de bas de page *

Exposition fondée sur le contact accidentel par opposition à la baignade

Retour à la référence de la note de bas de page *

Définition de maladie gastro-intestinale et risque de maladiesconnexe

Dans les études antérieures, le lien entre les maladies et les valeurs des indicateurs était fondé sur une définition de maladie gastro-intestinale qui comprenait les symptômes de maladies gastro-intestinales hautement crédibles (MGIHC). Les MGIHC étaient associées à des vomissements ou à de la diarrhée ou à des maux d'estomac/nausées s'accompagnant de fièvre (Cabelli, 1983). Cependant, bon nombre de virus entériques ne provoquent pas de fièvre et des études récentes ont montré que les virus entériques constituent une cause importante de maladies gastro-intestinales parmi les baigneurs (Sinclair et coll., 2009; Soller et coll., 2016). Pour cette raison, dans les études menées récemment, on utilise une définition élargie de maladie gastro-intestinale selon laquelle la maladie s'accompagne ou non de fièvre (voir Études américaines en dessous). Selon cette définition élargie, un plus grand nombre de cas de maladies gastro-intestinales serait enregistré dans une zone récréative, comparativement aux MGIHC. Par conséquent, il a fallu déterminer le nombre de cas de maladies gastro-intestinales qui équivaut au risque pour la santé humaine des MGIHC. D'après des études épidémiologiques menées récemment aux États-Unis, le risque de maladies était semblable sur les plages d'eau douce et d'eau salée, pour des concentrations comparables d'entérocoques, et correspondait aux taux de maladies tirés d'études antérieures sur les eaux douces (8 MGIHC par tranche de 1 000 personnes exposées) (U.S. EPA, 2012). En se servant des données sur les taux de maladies gastro-intestinales et de MGIHC chez les non-baigneurs, tirées des études épidémiologiques disponibles, on a calculé qu'un coefficient de 4,5 devait être appliqué au taux de MGIHC pour déterminer le taux de maladies gastro-intestinales sans fièvre qui correspond au même risque pour la santé humaine (Wymer et coll., 2013). Après application de ce coefficient, le risque de maladies dans les eaux douces et marines, selon les valeurs recommandées dans le présent document, équivaut à 36 maladies gastro-intestinales par tranche de 1 000 personnes exposées.

Plages touchées par des eaux usées domestiques

Des études épidémiologiques ont été réalisées dans le monde entier sur des plages à vocation récréative touchées par des eaux usées domestiques traitées et non traitées. Le tableau 4 présente un aperçu des diverses études menées jusqu'à maintenant et des principales conclusions qui en ressortent en ce qui a trait au lien entre les indicateurs de contamination fécale et les maladies gastro-intestinales.

Études américaines

Aux États-Unis, de nombreuses études ont été menées pour soutenir l'élaboration des critères de l'U.S. EPA liés à la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives. Au cours des années 1980, deux grandes études – l'une portant sur les eaux douces et l'autre, sur les eaux marines – ont permis de constater des taux de maladies gastro-intestinales statistiquement significatifs parmi les baigneurs et de calculer des équations de régression pour établir un lien entre les concentrations accrues de microorganismes indicateurs de contamination fécale et un risque accru de MGIHC (Cabelli, 1983; Dufour, 1984). En ce qui concerne les symptômes non liés aux maladies gastro-intestinales, aucune différence statistiquement significative n'a été observée (Cabelli, 1983; Dufour, 1984). Ces études ont servi à soutenir les critères liés à la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives définis par l'U.S. EPA en 1986 et à établir le risque de maladies dans les éditions précédentes des recommandations de Santé Canada. De 2003 à 2009, des études épidémiologiques supplémentaires ont été menées sur des plages d'eau douce et d'eau salée dans le cadre de la National Epidemiologic and Environmental Assessment of Recreational (NEEAR) Water Study (U.S. EPA, 2010; Wade et coll., 2006, 2008, 2010). Comme les études menées dans les années 1980, les études NEEAR fournissent des résultats qui sont applicables à la population humaine générale, y compris aux enfants. Les autres sous-populations vulnérables (par exemple les personnes immunodéprimées) n'ont pas été abordées dans ces études. Les études ont permis de surveiller les entérocoques à l'aide de la PCRq et de méthodes fondées sur la culture. Aucune donnée sur E. coli n'est disponible pour les lieux étudiés. Ces études ont été utilisées par l'U.S. EPA en 2012 pour l'établissement de critères liés à la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives (voir le tableau 6) (U.S. EPA, 2012) et ont servi de fondement à la mise à jour des valeurs figurant dans le présent document (voir la section Justification des recommandations pour les activités de contact primaire). Deux conclusions principales ont été tirées dans le cadre des études NEEAR : tout d'abord, en ce qui concerne les entérocoques, les résultats de la PCRq présentent une association plus forte avec les maladies gastro-intestinales que ceux des méthodes fondées sur la culture; ensuite, contrairement aux études épidémiologiques antérieures, aucune équation de régression linéaire ne correspond aux données fondées sur la culture des études NEEAR. Une équation de régression linéaire correspondait aux données de la PCRq en ce qui a trait aux entérocoques. Comme la PCRq permet de détecter l'ADN (par opposition à la viabilité), l'indice de la présence des entérocoques peut persister plus longtemps dans les sources d'eau et permet d'établir un meilleur lien avec le risque de maladies. Dans le cas des méthodes fondées sur la culture, l'absence de relation observée dans l'analyse de régression linéaire peut être attribuable à la désinfection des rejets d'eaux usées ayant une incidence sur la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives, puisque dans les études antérieures, les eaux usées étaient traitées dans une moindre mesure (U.S. EPA, 2012). Cependant, une analyse des seuils a montré que le taux de maladies gastro-intestinales était significativement différent chez les baigneurs et les non-baigneurs lorsque la moyenne géométrique de la concentration des entérocoques dépassait 30 ou 35 ufc/100 mL, ce qui correspond à un niveau de risque de 32 ou de 36 maladies gastro-intestinales (c.-à-d. 7 ou 8 MGIHC) par tranche de 1 000 baigneurs, respectivement. En ce qui a trait à la PCRq utilisée pour les entérocoques, un modèle de régression a pu être appliqué au moyen des études de la NEEAR. Selon le modèle de régression, des moyennes géométriques de 300 et 470 ece d'entérocoques par 100 mL (correspondant à un niveau de risque de 32 ou 36 maladies gastro-intestinales par 1 000 baigneurs) fournissent le niveau de protection de la santé comparable à celui des recommandations fondées sur la culture (U.S. EPA, 2012). Comme E. coli n'a pas été mesuré pendant ces études, les seuils équivalents pour les concentrations d'E. coli ont été déterminés selon l'analyse de régression de Dufour (1984). De même, des moyennes géométriques de 100 et 126 cfu d'E. coli par 100 mL correspondent aux mêmes niveaux de risque de 32 ou 36 maladies gastro-intestinales pour 1 000 baigneurs. Cette approche a été possible parce que les taux de maladies établis dans les études NEEAR pour les eaux douces et marines étaient semblables à ceux observés en eau douce dans les études épidémiologiques antérieures. Reposant sur les données des études NEEAR, les critères de l'U.S. EPA définis en 2012 s'accompagnaient également de seuils statistiques (voir le tableau 6). Les seuils statistiques reflètent le 90e centile de la distribution des résultats de la qualité de l'eau et ne devraient pas être dépassés par plus de 10 % des échantillons utilisés pour calculer la moyenne géométrique connexe. Établies selon la même distribution de la qualité de l'eau, les BAV correspondant au 75e centile sont présentées aux fins des décisions relatives à la gestion des plages (voir le tableau 6; U.S. EPA, 2012). Ces BAV constituent le fondement des valeurs recommandées dans le présent document (voir la section 6.5).

Études européennes

En Europe, de nombreuses études épidémiologiques ont également été réalisées pour analyser les liens entre les maladies et les organismes indicateurs de contamination fécale. Des essais contrôlés randomisés ont été effectués dans les eaux marines du Royaume-Uni dans les années 1990 (Kay et coll., 1994; Fleisher et coll., 1996). Ces études font état de relations dose-réponse significatives entre les streptocoques fécaux (un terme considéré comme synonyme d'entérocoques) et l'incidence des maladies gastro-intestinales et respiratoires parmi les baigneurs. Des seuils éventuels ont été établis en ce qui concerne un risque accru de gastro-entérite à une concentration de 32 streptocoques fécaux/100 mL (Kay et coll., 1994) et un risque accru de maladies respiratoires à une concentration de 60 streptocoques fécaux/100 mL (Fleisher et coll., 1996). Wiedenmann et coll. (2006) ont mené une étude de cohortes prospective randomisée et contrôlée sur des sites de baignade en eau douce en Allemagne. Les auteurs ont établi un lien entre les taux de maladies observés et les concentrations mesurées d'E. coli, d'entérocoques, de Clostridium perfringens et de coliphages somatiques. Des doses sans effet nocif observé (NOAEL) ont été signalées pour plusieurs définitions de gastro-entérite, allant de 78 à 180 E. coli/100 mL et de 21 à 24 entérocoques/100 mL. En combinant toutes les données tirées des différentes définitions de maladies gastro-intestinales étudiées, les auteurs ont proposé des valeurs de 100 E. coli/100 mL, de 25 entérocoques/100 mL, de 10 coliphages somatiques/100 mL et de 10 C. perfringens/100 mL. Bien que les auteurs proposent une valeur de 100 E. coli/100 mL, il importe de souligner que la NOAEL déclarée était de 180 E. coli/100 mL pour les maladies gastro-intestinales correspondant le mieux aux critères des MGIHC, tandis que la valeur était de 167 E. coli/100 mL pour la définition s'approchant le plus de la définition élargie de maladie gastro-intestinale (c.-à-d. qui ne s'accompagne pas nécessairement de fièvre). En outre, la répartition en quartiles et en quintiles des données, pour la définition de maladie gastro-intestinale proposée par le Royaume-Uni, montrait que les taux de maladies des baigneurs, comparés à ceux du groupe témoin, n'étaient statistiquement significatifs que lorsque la concentration en E. coli s'approchait de 245 E. coli/100 mL ou dépassait cette valeur et que la concentration en entérocoques s'approchait de 68 entérocoques/100 mL ou dépassait cette valeur. Dans une étude distincte, les concentrations d'E. coli devaient excéder une moyenne géométrique de 355 E. coli/100 mL pour que le risque de gastro-entérite soit significativement plus grand chez les baigneurs que chez les non-baigneurs (Van Asperen et coll., 1998).

Une autre vaste étude contrôlée randomisée a été menée en Europe pendant deux étés (2006 et 2007) et portait sur les plages d'eau salée (Espagne) et les plages d'eau douce (Hongrie) en vue de déterminer les liens entre les paramètres liés à la santé (maladies gastro-intestinales, maladies respiratoires, troubles cutanés) et la concentration d'E. coli ou d'entérocoques (rapport Epibathe, 2009). Dans tous les lieux étudiés, le risque de maladies gastro-intestinales était plus élevé chez les baigneurs que chez les non-baigneurs. De plus, le risque de contracter une maladie était plus élevé dans les eaux marines que dans les eaux douces, à des concentrations semblables de microorganismes indicateurs. Cela pourrait être attribuable au fait que les entérocoques vivent moins longtemps que les agents pathogènes dans les eaux marines (rapport Epibathe, 2009). Toutes les plages ayant été visées par l'étude respectaient le critère « excellent » de la qualité de l'eau, défini dans les directives sur la baignade de l'UE (voir le tableau 6). Il n'y avait pas suffisamment de données solides pour établir des relations dose-réponse positives entre E. coli ou les entérocoques et les maladies gastro-intestinales, que ce soit pour les plages d'eau douce ou les plages d'eau salée. Toutefois, les taux de maladies pour les deux types de plages étaient assez faibles comparativement à ceux établis dans les études antérieures; par conséquent, bien que le nombre de participants ait été élevé, l'étude présente une très faible puissance statistique. Pour augmenter cette dernière, les résultats de l'étude Epibathe ont été combinés à ceux observés précédemment dans les études du Royaume-Uni (eaux marines) et de l'Allemagne (eaux douces) (Kay et coll., 1994; Fleisher et coll., 1996; Wiedenmann et coll., 2006), et une méta-analyse et une analyse de régression ont été menées. Même si la méta-analyse n'a pas permis de constater l'existence d'une relation dose-réponse, elle a montré qu'il y avait un risque accru de maladies chez les baigneurs par rapport aux non-baigneurs. Par contre, la régression logistique a montré un risque accru de maladies gastro-intestinales dans les eaux marines lorsque la concentration d'entérocoques dépassait 28 ufc/100 mL. Aucun lien entre le nombre de microorganismes et les maladies n'a été constaté dans les eaux douces pour ce qui est des entérocoques, mais une concentration d'E. coli excédant 336 ufc/mL dans les eaux douces était liée à un risque accru de maladies gastro-intestinales chez les baigneurs.

Plages touchées par des sources diffuses

Études épidémiologiques

Un nombre limité d'études épidémiologiques ont été menées relativement aux plages touchées uniquement par des sources diffuses de contamination (soit aucun rejet d'eaux usées domestiques, d'où un risque minimal de contamination par des excréments humains) (voir le tableau 4). Une étude antérieure réalisée par Calderon et coll. (1991) a porté sur une plage d'eau douce sans source de contamination d'origine humaine; seules des sources de contamination diffuses (bassin hydrographique forestier) avaient une incidence sur la plage. Aucune relation n'a été observée entre le risque de maladies gastro-intestinales et les concentrations d'E. coli ou d'entérocoques. Les maladies chez les baigneurs étaient associées à une forte densité de baigneurs et à des densités élevées de staphylocoques totaux. Marion et coll. (2010) ont mené une étude de cohortes sur la plage d'un lac intérieur d'eau douce aux États-Unis, où la contamination était de source diffuse seulement. Les rejets d'eaux usées municipales étaient permis dans les affluents, mais n'étaient pas autorisés directement dans le réservoir. E. coli a été la seule bactérie indicatrice mesurée. Les résultats ont montré que la probabilité de contracter une maladie gastro-intestinale était 3,2 fois supérieure pour les personnes qui, à la plage, sont entrées dans l'eau par rapport à celles qui ne l'ont pas fait. De plus, le risque de maladies gastro-intestinales était significativement plus élevé chez les personnes consommant des aliments à la plage, ce qui pourrait s'expliquer par une durée d'exposition plus longue à la plage et par des maladies d'origine alimentaire. L'étude indiquait également qu'un risque accru de maladies gastro-intestinales ou de MGIHC était associé à des concentrations d'E. coli se situant dans les deux quartiles supérieurs (c.-à-d. > 11,3 à 59 ufc/100 mL et > 59 à 1 551 ufc/100 mL). Même si l'augmentation n'était pas toujours statistiquement significative, la tendance laisse supposer une probabilité accrue de maladie. Une vaste étude réalisée en Floride (Fleisher et coll., 2010; Sinigalliano et coll., 2010) a porté sur les plages d'eau de mer contaminées par des sources diffuses. Les auteurs ont utilisé une étude d'exposition prospective randomisée dans le cadre de laquelle les participants ont été assignés de manière aléatoire dans le groupe d'exposition à l'eau ou dans le groupe d'exposition à la plage seulement. Selon l'étude, les baigneurs affichaient un risque accru d'effets sur la santé comparativement aux personnes exposées à la plage seulement, mais aucun lien n'a été établi entre les concentrations d'entérocoques et les maladies gastro-intestinales. Les auteurs ont toutefois fait part d'une association entre les maladies cutanées et les concentrations d'entérocoques.

Évaluations quantitatives du risque microbien

L'évaluation quantitative du risque microbien (EQRM) a été utilisée dans bon nombre d'études de recherche afin de mieux comprendre les répercussions potentielles sur la santé des agents pathogènes humains en milieux récréatifs et d'enquêter sur les risques associés aux différentes sources de contamination fécale. De manière générale, la modélisation liée aux EQRM a montré que les matières fécales d'humains ou de ruminants présentent le plus grand risque pour la santé humaine, tandis que les matières fécales d'autres animaux posent un moindre risque (Schoen et Ashbolt, 2010; Soller et coll., 2010b, 2015). Dans ces études, on estime qu'à des concentrations semblables d'E. coli ou d'entérocoques, le risque pour la santé humaine posé par d'autres animaux (par exemple goélands, cochons, poulets) est de 10 à 6 000 fois inférieur à celui associé aux eaux usées municipales. Ces données appuient la recommandation selon laquelle les autorités responsables de gestion devraient élaborer des critères propres aux zones récréatives qui présentent un très faible risque lié aux agents pathogènes humains. Au Canada, la province de l'Alberta propose, dans son protocole le plus récent sur la sécurité des plages, des valeurs de référence distinctes à utiliser en l'absence d'indication d'une contamination fécale attribuable aux humains ou aux ruminants (gouvernement de l'Alberta, 2019). Des renseignements supplémentaires sur l'EQRM, notamment sur son utilisation en vue d'établir des cibles de dépistage des sources de pollution microbienne importantes pour la santé, se trouvent dans le document technique Comprendre et gérer les risques dans les eaux récréatives (Santé Canada, 2023).

Activités de contact primaire autres que la baignade

Bien que la plupart des études épidémiologiques aient mis l'accent sur la baignade en tant que voie d'exposition, il existe de nombreuses autres activités de contact primaire, dont certaines ont fait l'objet d'études limitées. Quelques études épidémiologiques menées dans les eaux douces ont traité des effets sanitaires associés au canotage en eau vive et au rafting (Fewtrell et coll., 1992; Lee et coll., 1997). Plusieurs études épidémiologiques réalisées dans les eaux marines utilisées à des fins récréatives ont porté sur les effets sanitaires liés au surf (Harrington et coll., 1993; Gammie et Wyn-Jones, 1997; Dwight et coll., 2004; Stone et coll., 2008; Tseng et Jiang, 2012). Selon les conclusions de ces études, les maladies gastro-intestinales représentent les effets néfastes sur la santé les plus fréquemment signalés – mais ce ne sont pas les seuls – pour ces types d'activités, et les facteurs liés au risque de maladies comprennent la qualité de l'eau et la fréquence d'immersion et d'ingestion d'eau.

Justification des recommandations pour les activités de contact primaire

Les recommandations pour les activités de contact primaire énoncées dans le présent document ont pour but de protéger la santé des Canadiens pendant qu'ils pratiquent des activités aquatiques récréatives. De nombreuses études ont montré que les gens faisaient face à un risque accru de maladies lorsqu'ils menaient des activités aquatiques récréatives de contact primaire, comparativement aux autres personnes. Une approche fondée sur la gestion des risques, qui comprend l'utilisation des valeurs recommandées dans le présent document relativement aux indicateurs de contamination fécale, vise à maintenir le risque pour la santé à un niveau jugé acceptable. Les valeurs recommandées correspondent à un risque potentiel de 36 maladies gastro-intestinales (équivalant à 8 MGIHC) par tranche de 1 000 personnes pratiquant des activités de contact primaire. Les Recommandations pour la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives au Canada de 2012 prévoyaient un niveau de risque acceptable de 10 à 20 MGIHC (soit de 45 à 90 maladies gastro-intestinales) par tranche de 1 000 personnes pratiquant des activités de contact primaire. Les présentes recommandations fournissent donc un degré constant de protection de la santé publique, équivalant à la fourchette inférieure des niveaux de risque acceptables des recommandations précédentes.

Les valeurs recommandées fournies dans le présent document pour les activités de contact primaire (appelées BAV) ont été adopteés de l'U.S. EPA (2012), en fonction des études épidémiologiques menées aux États-Unis (voir Plages touchées par des eaux usées domestiques). Les participants de ces études représentaient le grand public, les enfants de dix ans ou moins ayant une plus grande pondération. Les enfants ont été surreprésentés dans ces études, car ils peuvent être plus sensibles aux agents pathogènes susceptibles de se retrouver dans les eaux utilisées à des fins récréatives, ou y être davantage exposés (par exemple plus de temps passé dans l'eau, ingestion de plus grands volumes d'eau). Selon l'analyse de l'U.S. EPA, les taux de maladie chez les enfants (âgés de moins de dix ans) n'étaient pas significativement différents de ceux de la population générale, de sorte que les résultats des études sont considérés comme applicables à la population générale, y compris les enfants. Ces études ont signalé une association entre les maladies gastro-intestinales et les concentrations d'entérocoques à la fois pour les méthodes fondées sur la culture et pour celles fondées sur la PCR, ces dernières établissant un lien plus fort avec le risque de maladies gastro-intestinales. D'après cette recherche, les valeurs recommandées dans le présent document comprennent maintenant l'adoption de méthodes fondées sur la PCR pour effectuer la surveillance de la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives. Les méthodes fondées sur la PCR peuvent fournir des résultats plus rapidement en vue des décisions relatives à la gestion des plages, particulièrement pour les plages très fréquentées où une surveillance est menée quotidiennement.

Les BAV figurant aux tableaux 1 et 2 représentent le 75e centile de la distribution de la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives selon le document de l'U.S. EPA (2012). Souvent, on se sert des valeurs du 90e ou du 95e centile pour établir les valeurs de référence. Cependant, l'emploi du 75e centile est une approche plus prudente : comme il s'agit d'une valeur inférieure, les mesures requises à la plage seront déclenchées par une concentration moindre d'organismes indicateurs de contamination fécale. La mise en œuvre de BAV prudentes permet de mieux protéger la santé des enfants sur les plages (U.S. EPA, 2012). Suivant les exigences des autorités responsables, les BAV peuvent justifier la conduite d'un examen des problèmes touchant la qualité de l'eau, la publication d'avis relatifs aux plages et la prise de mesures correctives (le cas échéant). La valeur du 75e centile prévue pour les entérocoques correspond également à la concentration maximale dans un seul échantillon établie précédemment pour cet indicateur, ce qui maintient un degré constant de protection de la santé publique en fonction des recommandations de 2012 relatives aux entérocoques. Les BAV pour E. coli sont plus basses que les recommandations de 2012, mais sont fondées sur les mêmes études épidémiologiques que celles ayant servi à établir les valeurs pour les entérocoques. On trouvera à la section Élaboration des recommandations actualisées de plus amples informations sur la mise à jour des valeurs recommandées.

Bien que les BAV soient recommandées pour la prise de décisions quotidiennes concernant la gestion des plages, on peut évaluer si la zone se prête à des activités récréatives, notamment par une analyse de la qualité générale de l'eau à long terme, à l'aide de la moyenne géométrique des résultats des échantillons. Plus le nombre d'échantillons inclus dans le calcul de la moyenne géométrique est élevé, plus la valeur obtenue reflétera la qualité de l'eau. Par exemple, les moyennes géométriques des concentrations mesurées dans des échantillons recueillis sur plusieurs mois (ou saisons) peuvent aider à déterminer si la qualité de l'eau varie ou demeure stable. Les moyennes géométriques des distributions de la qualité de l'eau utilisées pour les BAV, calculées par l'U.S. EPA (2012), sont présentées dans le tableau 5. En comparant les tendances des moyennes géométriques à long terme avec les moyennes géométriques des indicateurs de contamination fécale présentées au tableau 5, les autorités responsables peuvent déterminer si la qualité de l'eau poserait le même risque de maladie que l'exposition à des eaux dont les concentrations d'indicateurs de contamination correspondent aux BAV présentées aux tableaux 1 et 2. Ce type de comparaison ne doit pas servir à la prise des décisions quotidiennes pour les plages, mais elle est recommandée pour déterminer si la zone récréative convient de manière générale aux activités récréatives. Les plans d'eau où la moyenne géométrique est constamment supérieure aux valeurs du tableau 5 peuvent présenter un risque accru pour la santé humaine et ne pas convenir aux activités récréatives de contact primaire.

Tableau 5. Valeurs des moyennes géométriques associées aux distributions de la qualité de l'eau ayant servi à calculer les BAV
Bactéries indicatrices de contamination fécale Méthodes fondées sur la culture Méthodes fondées sur la PCR
E. coli 126 ufc/100 mL S.O.
Entérocoques 35 ufc/100 mL 470 ece/100 mL
ufc
unités formant colonies
ece
équivalent cellulaire de l'étalon
S.O.
sans objet

Bien que le présent document technique recommande des BAV destinées à une application générale, les autorités responsables peuvent établir des valeurs propres à certains sites qui présentent un faible risque de contamination fécale d'origine humaine. Selon les données des EQRM, le risque lié aux agents pathogènes humains varie en fonction de la source de matières fécales, les humains et les ruminants représentant les sources dont le risque est le plus élevé (voir la section Évaluations quantitatives du risque microbien). Les études épidémiologiques ayant servi de fondement à l'établissement des BAV ont été menées dans des zones récréatives où il y avait des sources connues de contamination fécale d'origine humaine. En l'absence de telles sources, les BAV peuvent être associées à un risque plus faible que celui établi, qui est de 36 maladies par tranche de 1 000 personnes (c.-à-d. moins de 8 MGIHC). Par conséquent, les autorités responsables peuvent choisir d'élaborer d'autres valeurs, de façon à établir un équilibre entre les avantages de la participation à des activités récréatives et les risques pour la santé associés à ces activités.

Recommandations utilisées par d'autres pays/organisations

Les valeurs établies par des organisations internationales ou étrangères pour les microorganismes indicateurs de contamination fécale sont présentées au tableau 6. Ces valeurs recommandées s'appliquent aux eaux douces et marines (sauf indication contraire).

Tableau 6. Valeurs recommandées pour les concentrations d'indicateurs de contamination fécale dans les eaux douces et marines utilisées à des fins récréatives, établies par d'autres pays ou organisations
Pays/ organisation Indicateur

Valeurs recommandées

Fondement de la recommandation Document de référence

U.S. EPA

E. coli – méthodes fondées sur la culture

NGI-36Note de bas de page a NGI-32Note de bas de page a
  • Cabelli, 1983;
  • Dufour, 1984

études NEEAR:

  • U.S. EPA, 2010;
  • Wade et coll., 2006, 2008, 2010

 

U.S. EPA, 2012

MGNote de bas de page b: 126 ufc/100 mL

BAVNote de bas de page c: 235 ufc/100 mL

Seuil stat.Note de bas de page d: 410 ufc/100 mL

MGNote de bas de page b: 100 ufc/100 mL

BAVNote de bas de page c: 190 ufc/100 mL

Seuil stat.Note de bas de page d: 320 ufc/100 mL

Entérocoques – méthodes fondées sur la culture

Méthodes fondées sur la PCRqNote de bas de page e

MGNote de bas de page b: 35 ufc/100 mL

BAVNote de bas de page c: 70 ufc/100 mL

Seuil stat.Note de bas de page d: 130 ufc/100 mL

MGNote de bas de page b: 470 ece/100 mL

BAVNote de bas de page c: 1 000 ece/100 mL

Seuil stat.Note de bas de page d: 2 000 ece/100 mL

MGNote de bas de page b: 30 ufc/100 mL

BAVNote de bas de page c: 60 ufc/100 mL

Seuil stat.Note de bas de page d: 110 ufc/100 mL

MGNote de bas de page b: 300 ece/100 mL

BAVNote de bas de page c: 640 ece/100 mL

Seuil stat.Note de bas de page d: 1 280 ece/100 mL

OMSNote de bas de page * Entérocoques intestinauxNote de bas de page f

95Note de bas de page e centile/100 mL :

  • A : ≤ 40
  • B : 41-200
  • C : 201-500
  • D : > 500
Kay et coll., 2004 OMS, 2021
AustralieNote de bas de page * Entérocoques intestinauxNote de bas de page f

95Note de bas de page e centile/100 mL :

  • A : ≤ 40
  • B : 41-200
  • C : 201-500
  • D : > 500
  • Kay et coll., 1994;
  • Fleisher et coll., 1996;
  • Kay et coll., 2001
NHMRC, 2008

Union européenne

Eaux douces –

entérocoques intestinaux

95Note de bas de page e centile/100 mL :

  • Excellent : 200/100 mL
  • Bon : 400/100 mL
  • 90Note de bas de page e centile/100 mL :
  • Acceptable : 330/100 mL
  • Kay et coll., 1994;
  • Wiedenmann et coll., 2006
UE, 2006
E. coli

95Note de bas de page e centile/100 mL :

  • Excellent : 500/100 mL
  • Bon : 1 000/100 mL
  • 90Note de bas de page e centile/100 mL :
  • Acceptable : 900/100 mL
Eaux marines – entérocoques intestinaux

95Note de bas de page e centile/100 mL :

  • Excellent : 100/100 mL
  • Bon : 200/100 mL

90Note de bas de page e centile/100 mL :

  • Acceptable : 185/100 mL

95Note de bas de page e centile/100 mL :

  • Excellent : 250/100 mL
  • Bon : 500/100 mL

90Note de bas de page e centile/100 mL :

  • Acceptable : 500/100 mL
E. coli
Note de bas de page a

« NEEAR Gastrointestinal Illness (NGI)-36 » et « NGI-32 » renvoient au taux estimé de maladies (36 ou 32 maladies) par tranche de 1 000 adeptes d'activités récréatives de contact primaire associé à la baignade dans des eaux affichant les concentrations de bactéries indiquées

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Note de bas de page b

MG – moyenne géométrique

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Note de bas de page c

BAV – Les Beach Action Values (75e centile de la distribution de la qualité de l'eau) ne constituent pas des critères recommandés; il s'agit plutôt d'un outil préventif qui peut servir à prendre des décisions concernant les avis relatifs aux plages

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Note de bas de page d

Seuil stat. – Valeur du seuil statistique (90e centile de la distribution de la qualité de l'eau)

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Note de bas de page e

Avant d'appliquer les méthodes fondées sur la PCRq, il est recommandé d'évaluer le rendement de la méthode dans les eaux ambiantes

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Note de bas de page f

On préconise l'utilisation des recommandations au sujet des eaux côtières jusqu'à ce que davantage de données sur les eaux douces soient disponibles

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Note de bas de page *

Les recommandations exigent deux éléments : une enquête sanitaire concernant la probabilité de contamination par les eaux usées, ainsi qu'une évaluation microbiologique des eaux de baignade afin de déterminer leur classification

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