Réunion du groupe d’experts sur les effets à la santé du fluorure dans l’eau potable : Rapport sommaire

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Organisation : Santé Canada

Date publiée : janvier 2024
Cat. : H144-120/2024F-PDF
ISBN : 978-0-660-69865-6
Pub. : 230737

Les 8 et 9 juin 2023

Sur cette page

Contexte

Santé Canada collabore avec les provinces et les territoires à l'élaboration des Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Les provinces, les territoires et les autorités fédérales utilisent ces recommandations lorsqu'ils établissent leurs exigences en matière de qualité de l'eau potable en fonction des besoins et du contexte.

Tous les quatre ou cinq ans, Santé Canada détermine les priorités en matière de substances chimiques dans l'eau potable. Le processus de priorisation des substances chimiques tient compte de nombreuses sources d'information, dont les suivantes :

Le processus de priorisation de Santé Canada a donné lieu à l' ajout du fluorure dans le groupe 1 d'évaluation des priorités, en fonction du risque à la santé, des méthodes de traitement et d'analyse, et des besoins identifiés par les autorités fédérales, provinciales et territoriales. La recommandation actuellede 1,5 mg/L pour le fluorure dans l'eau potable a été établie en 2010Note de bas de page 1.

Santé Canada en est aux premières étapes de la révision des Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada en ce qui concerne le fluorure. Cet examen comprend l'évaluation de nouvelles études scientifiques sur les effets potentiels de l'exposition au fluorure sur la santé. De nouvelles études scientifiques sont régulièrement examinées afin que le gouvernement puisse continuer à fonder ses décisions sur le poids global de la preuve et à protéger au mieux la santé de la population canadienne.

Pour étayer son examen, Santé Canada a chargé six experts d'étudier les données scientifiques et de formuler des recommandations sur l'exposition au fluorure (par l'eau potable et d'autres sources), la fluorose dentaire et les effets potentiels sur le développement neurocognitif des enfants. Ils ont également été chargés de formuler des recommandations scientifiques que Santé Canada prendra en compte dans le calcul d'une valeur basée sur la santé pour le fluorure dans l'eau potable. Les experts se sont réunis à Ottawa (Ontario) les 8 et 9 juin 2023.

Le groupe d'experts a reçu des documents d'information sur la manière dont Santé Canada calcule une valeur basée sur la santé, des données sur l'exposition au fluorure, des données scientifiques sur la fluorose dentaire et sur les effets neurocognitifs chez les enfants, une revue de littérature commandée sur le fluorure et ses effets à la santé selon les données obtenues chez les humains, les animaux et in vitro, ainsi qu'un certain nombre d'autres références pertinentes qui tiennent compte des nouvelles données scientifiques. Un résumé de ces informations est présenté ci-dessous pour chaque question, suivi des déclarations consensuelles formulées par le groupe d'experts.

Le groupe d'experts a discuté de plusieurs enjeux, avec l'objectif de formuler des déclarations consensuelles, des déclarations à l'appui et des recommandations à l'intention de Santé Canada. Le groupe d'experts a examiné les données relatives à l'évaluation des risques à la santé humaine liés à la présence de fluorure dans l'eau potable. Le groupe d'experts n'a pas abordé la question des bienfaits du fluorure ou de la concentration optimale de fluorure dans l'eau potable. Le groupe d'experts n'a pas non plus tenu compte de la gestion des risques. Santé Canada et le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable tiendront compte de tous les besoins en matière de gestion des risques (tels que les coûts ou le rendement du traitement de l'eau potable) pendant l'élaboration de la nouvelle recommandation pour le fluorure dans l'eau potable.

Le groupe d'experts a été invité à présenter des recommandations à Santé Canada sur les questions suivantes :

Membres du groupe d'experts

David Bellinger, Harvard University et Boston Children's Hospital, Départements de neurologie et de psychiatrie. Harvard T. H. Chan School of Public Health, Département de santé environnementale.

John Fawell, Organisation mondiale de la Santé (Comité d'experts de l'OMS sur les Directives de qualité pour l'eau potable, consultant indépendant).

Lynne Haber, Département des sciences de la santé environnementale et publique, University of Cincinnati College of Medicine.

Steven Levy, University of Iowa, Département de dentisterie préventive et communautaire, Collège de dentisterie, Département d'épidémiologie, Collège de santé publique.

David Savitz, Brown University School of Public Health, Département d'épidémiologie.

Rita Schoeny, consultante en évaluation des risques et en politiques scientifiques. Anciennement conseillère scientifique principale de l'Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis, Office of Science Policy, Office of Research and Development et directrice du Risk Assessment Forum au sein de l'Office of the Science Advisor de l'EPA.

Des représentants de Santé Canada et de Risk Sciences International (une firme de consultants) ont également participé à la réunion, ainsi que des observateurs virtuels/en ligne de Santé Canada, de l'Agence de la santé publique du Canada et des représentants du Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable. Risk Sciences International a été chargée d'animer la réunion et de servir d'intermédiaire entre le groupe d'experts et Santé Canada, pour garantir l'indépendance du groupe. Risk Sciences International a également réalisé une revue systématique indépendante intitulée « Critical Review of Potential Adverse Health Effects of Fluoride in Drinking water » (Examen critique des effets néfastes potentiels sur la santé du fluorure dans l'eau potable). Cette revue a servi à l'élaboration, par Santé Canada, des documents de discussion destinés à la réunion, et informera la rédaction de la recommandation révisée pour l'eau potable.

Exposition au fluorure

Résumé des informations fournies au groupe d'experts par Santé Canada

Pour la population générale, les principales sources d'exposition aux fluorures sont l'eau potable, les boissons et les aliments préparés avec de l'eau potable, et les produits dentaires. Les fluorures peuvent également être présents, dans une moindre mesure, dans l'atmosphère et le sol. Un facteur d'attribution est un nombre qui représente la proportion de l'exposition totale au fluorure qui peut être attribuée à l'eau potable pour la sous--population la plus affectée. Il est utilisé pour calculer la valeur basée sur la santé, qui est la valeur numérique à laquelle des effets sur la santé pourraient être observés.

Déclarations consensuelles du groupe d'experts

Fluorose dentaire

Résumé des informations fournies au groupe d'experts par Santé Canada

La fluorose dentaire est l'effet à la santé le plus étudié et le plus reconnu résultant de l'exposition au fluorure par voie orale. Une étude de 1942, menée par un scientifique nommé H.T. Dean, est toujours considérée comme l'étude fournissant les meilleures données pour évaluer le risque de fluorose dentaire lié à l'exposition au fluorure dans l'eau potable. La fluorose dentaire est causée par une hypominéralisation des dents pendant la période de développement de l'émail, ce qui peut se traduire par un émail tacheté, d'aspect blanc crayeux, ou par des taches brunes ou des piqûres dans les zones des dents où les concentrations de fluorure sont élevées. La forme très légère de la fluorose dentaire est difficile à détecter, même par le personnel dentaire expérimenté. Cette forme n'est pas associée à des conséquences pour la santé, à l'exception d'une diminution de la prévalence des caries dentaires. En règle générale, la fluorose très légère ou légère n'a pas d'effets sur le plan esthétique. La fluorose dentaire modérée peut être associée à des taches; cependant, cette forme n'a pas été associée à des effets sur la santé, par exemple une perte de fonction dentaire, comme c'est le cas pour la fluorose dentaire sévère. La fluorose dentaire modérée a été définie à l'aide de l'indice de Dean (un guide permettant d'évaluer la présence de fluorose dentaire et sa gravité) comme suit : « toutes les surfaces de la dent sont touchées; usure marquée des surfaces de contact; présence possible de taches brunes ». Elle est considérée comme un effet néfaste aux fins de la présente évaluation des risques, en raison des problèmes d'ordre esthétique qu'elle peut entraîner.

L'étude de 1942 de DeanNote de bas de page 2 a fourni les données essentielles pour estimer la limite inférieure de la dose de référence (à utiliser comme point de départ), qui indique l'exposition à laquelle les taux de fluorose dentaire modérée et sévère augmentent de 1 % dans la population. Cette valeur a été estimée à 1,56 mg de fluorure/L dans l'eau potable.

Déclarations consensuelles du groupe d'experts

Déclaration à l'appui

En ce qui concerne les effets sur le plan esthétique, la période la plus sensible relativement à l'exposition au fluorure dans l'eau potable est la période de développement/minéralisation des dents permanentes les plus visibles (les 4 incisives maxillaires). Ce phénomène se produit de la naissance à l'âge de 4 ans, et plus particulièrement entre 1 et 3 ans, les effets néfastes sur le plan esthétique se manifestant plus tard dans la vie, une fois que les dents définitives ont fait leur apparition. Les autres dents permanentes particulièrement visibles sont les deux canines maxillaires et, dans ce cas, la période de risque la plus sensible se situe entre l'âge de 2 et 7 ans. Après l'âge de 8 ans, il n'y a pratiquement plus de risque de fluorose dentaire. Il n'y a donc pas de risque accru de fluorose dentaire lié à l'apport de fluorure vers la fin de l'enfance, à l'adolescence ou à l'âge adulte.

Effets neurocognitifs

Résumé des informations fournies au groupe d'experts par Santé Canada

De plus en plus de données montrent que le fluorure dans l'eau potable serait associé à une réduction des scores de QI chez les enfants à des concentrations qu'on pourrait trouver dans l'eau potable au Canada. Santé Canada a commandé une revue systématique indépendante qui a conclu que, selon le poids de la preuve, le dysfonctionnement cognitif (en particulier la réduction des scores de QI chez les enfants) devrait être considéré comme un effet potentiel dans le calcul d'une valeur basée sur la santé pour le fluorure dans l'eau potableNote de bas de page 3.

Un rapport du National Toxicology Program (NTP) des National Institutes of Health des États-Unis- suggère que les données probantes relatives aux effets neurologiques du fluorure chez les enfants sont moins cohérentes à des concentrations inférieures à 1,5 mg de fluorure/L qu'à des concentrations supérieures, sur la base d'une revue de nombreuses études épidémiologiquesNote de bas de page 4. À la suite de sa revue systématique de la documentation disponible, y compris le rapport du NTP, Risk Sciences International (2023) a identifié un point de départ provisoire de 1,5 mg de fluorure/L pour les effets neurocognitifsNote de bas de page 5. Risk Sciences International a reconnu que le point de départ réel de cet effet pourrait être considérablement plus bas (en fonction d'analyses récentes qui comprenaient une cohorte de naissances au Canada de haute qualité)Note de bas de page 6. Bien qu'il ait été signalé que le fluorure affecte la régulation de diverses enzymes, aucun mécanisme spécifique n'a été trouvé pour expliquer les effets du fluorure sur l'apprentissage, la mémoire ou d'autres paramètres cognitifs ou neurodéveloppementaux.

Déclaration consensuelle du groupe d'experts

Déclaration à l'appui

Plusieurs études ont soulevé des inquiétudes concernant les effets neurocognitifs potentiels du fluorure aux concentrations auxquelles sont exposées les communautés, mais des questions subsistent quant à savoir si le poids de la preuve corrobore une relation de cause à effet. Certaines de ces études révèlent des effets néfastes à des niveaux d'exposition inférieurs à ceux qui provoquent la fluorose dentaire, et cette possibilité ne doit pas être ignorée. Il convient d'accorder moins d'importance aux études écologiques et transversales qu'aux quelques études de cohortes prospectives d'individus exposés à des concentrations de fluorure dans la fourchette préoccupante, avec des mesures longitudinales de la fonction neurocognitive. Les connaissances scientifiques concernant les effets neurocognitifs du fluorure évoluent rapidement, et il convient de s'intéresser aux nouvelles études à mesure qu'elles deviennent accessibles.

Le type de données suivant pourrait aider à trancher la question des effets neurocognitifs possibles de l'exposition au fluorure dans la fourchette de doses qui nous intéresse. Il faudrait envisager d'exploiter les cohortes existantes ou de mettre sur pied de nouvelles études pour traiter cette question. Ces études supplémentaires de grande envergure et de haute qualité devraient inclure des mesures longitudinales depuis la conception, avec des observations sur les expositions les plus faibles couvrant la fourchette à laquelle sont exposées les sous-populations les plus affectées qui nous intéressent, en suivant les enfants jusqu'à la fin de l'enfance. Les études devraient intégrer davantage de domaines liés aux fonctions cognitives (par exemple, les fonctions exécutives, les aptitudes visuo-spatiales, la résolution de problèmes). Les études devraient idéalement inclure des profils d'exposition personnels détaillés représentant l'exposition au fluorure par toutes les voies pertinentes. La collecte des urines de 24 heures, selon une procédure normalisée sur plusieurs jours, devrait être envisagée en tant que biomarqueur de l'exposition au fluorure. Il convient de prêter attention aux facteurs de confusion potentiels (par exemple, le plomb, l'arsenic, le manganèse) et aux modificateurs d'effets (par exemple, le calcium et l'iode) qui pourraient brouiller ou modifier l'association entre le fluorure et d'éventuels effets sur les fonctions cognitives.

Il serait utile de comprendre le mode d'action par lequel le fluorure induirait des effets neurocognitifs, et cette information pourrait aider à interpréter les résultats des études épidémiologiques.

Calcul de la valeur basée sur la santé

Résumé des informations fournies au groupe d'experts par Santé Canada

Selon le poids de la preuve provenant d'une revue systématique d'études épidémiologiques, d'études chez l'animal et d'études in vitro, la fluorose dentaire et les effets neurocognitifs (en particulier, les déficits de QI chez les enfants) sont les effets préoccupants dénotant la plus grande sensibilité pour la mise à jour du document technique des recommandations de Santé Canada sur le fluorure dans l'eau potable.

Le choix d'un point de départ est une étape cruciale dans l'élaboration d'une valeur basée sur la santé. Le point de départ pour les effets neurocognitifs (c'est-à-dire la baisse du QI) n'est pas encore bien défini en raison d'incertitudes, notamment la forme de la courbe exposition-réponse aux faibles concentrations de fluorure dans l'eau potable. Par conséquent, la fluorose dentaire modérée a été choisie comme principal critère d'effet préoccupant, avec un point de départ de 1,56 mg de fluorure/L dans l'eau potable.

L'apport quotidien tolérable est normalement calculé en divisant l'apport quotidien en µg/kg/jour par un facteur d'incertitude. Étant donné que, dans ce cas, le point de départ est déjà une valeur mesurée dans l'eau potable, cette étape (et le calcul de la valeur basée sur la santé) peut être simplifiée par l'application directe d'un facteur d'incertitude au point de départ, pour tenir compte du manque de données disponibles sur l'apparition potentielle d'une neurotoxicité due à l'exposition à de faibles doses de fluorure.

Par conséquent, la concentration dans l'eau potable (CEP) est calculée en divisant le point de départ (PD) par le facteur d'incertitude (FI).

CEP = PD/FI

Une valeur basée sur la santé (VBS) pour le fluorure dans l'eau potable serait calculée en multipliant cette CEP par un facteur d'attribution (FA) pour tenir compte de l'exposition au fluorure provenant d'autres sources.

VBS = CEP × FA

Déclarations consensuelles

Résumé des principales recommandations pour l'élaboration d'une valeur basée sur la santé

Comme indiqué ci-dessus, le groupe d'experts est parvenu à un consensus sur les réponses à plusieurs questions clés qui orienteront le calcul d'une valeur basée sur la santé pour le fluorure dans l'eau potable. Le groupe d'experts a convenu des points suivants :

  1. Un effet sur la santé pertinent, à savoir la fluorose dentaire modérée, comme principal effet sur lequel fonder une évaluation des risques pour la santé humaine liés à la présence de fluorure dans l'eau potable;
  2. Un point de départ de 1,56 mg/L;
  3. Un facteur d'attribution de 0,5 (représentant la part relative de l'eau potable parmi toutes les sources d'exposition au fluorure);
  4. La nécessité d'appliquer un facteur d'incertitude au calcul pour tenir compte du manque de données disponibles sur les effets neurocognitifs potentiels.

Le groupe d'experts n'est pas parvenu à un consensus concernant l'ampleur du facteur d'incertitude à appliquer et laisse à Santé Canada le soin de déterminer cette valeur.

Références

Note de bas de page 1

Santé Canada (2010). Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – fluorure. Disponible à l'adresse suivante : https://www.canada.ca/content/dam/canada/health-canada/migration/healthy-canadians/publications/healthy-living-vie-saine/water-fluoride-fluorure-eau/alt/water-fluoride-fluorure-eau-fra.pdf

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Note de bas de page 2

Dean, T. (1942). The investigation of physiological effects by the epidemiological method. National Institute of Health, U.S. Public Health Service, Bethesda, MD.

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Note de bas de page 3

Risk Sciences International (2023). Critical Review of Potential Adverse Health Effects of Fluoride in Drinking Water. Rapport préparé pour Santé Canada (non publié).

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Note de bas de page 4

National Toxicology Program. 2022. DRAFT NTP Monograph on the State of the Science Concerning Fluoride Exposure and Neurodevelopmental and Cognitive Health Effects: A Systematic Review (version de septembre 2022); [consultation le 17 avril 2023]. https://ntp.niehs.nih.gov/whatwestudy/assessments/noncancer/ongoing/fluoride/index.html.

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Note de bas de page 5

Risk Sciences International (2023).

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Note de bas de page 6

Risk Sciences International (2023).

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