Rapport du Comité scientifique sur le Plan de gestion des produits chimiques des 16 et 17 novembre 2016

Comité scientifique sur le Plan de gestion des produits chimiques

Contexte

« Santé Canada (SC) et Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) sont en train d’élaborer une feuille de route pour intégrer de nouvelles approches méthodologiques (NAM), y compris les approches in silico, les essais chimiques et in vitro, avec évaluation traditionnelle des risques… La feuille de route devrait couvrir plusieurs aspects de l’évaluation des risques des produits chimiques, notamment l’établissement des priorités, la caractérisation des dangers, la caractérisation de l’exposition et la caractérisation des risques. L’élaboration de la feuille de route se déroulera en étapes et contribuera à des initiatives à court terme [en d’autres mots, le plan de gestion des produits chimiques 3 (PGPC3)] et à long terme (après 2020) ». (Extrait du Document des objectifs de la réunion du 16-17 novembre 2016.)

Le Comité scientifique du PGPC (le comité) a reçu comme mandat de fournir sa rétroaction à propos de cette approche de développement. Le comité a également reçu le mandat de répondre aux questions stratégiques suivantes :

  1. Le comité a-t-il des commentaires pour SC et ECCC alors qu’ils progressent dans le cadre de l’élaboration d’une feuille de route pour de nouvelles approches méthodologiques (NAM) et la modernisation des évaluations des risques?
  2. Le comité a-t-il des commentaires à l’intention de SC et d’ECCC sur l’utilisation des approches systématiques dans le cadre du processus d’identification des priorités d’évaluation des risques (IPER)? Existe-t-il des approches computationnelles particulières que le comité connaît qui pourraient servir afin de réduire les ressources requises pour compléter l’IPER?
  3. Le comité a-t-il des suggestions d’outils axés sur les NAM qui peuvent faire l’objet d’une étude subséquente afin d’estimer l’exposition humaine et écologique aux fins de l’établissement des priorités?
  4. a) Le comité a-t-il des suggestions d’outils axés sur les NAM qui peuvent servir à l’identification des dangers pour l’établissement des priorités? Comment ces NAM peuvent-ils être intégrés aux points de décision du processus d’IPER?

    b) Étant donné que les voies biologiques sont souvent conservées d’une espèce à l’autre, le comité a-t-il des commentaires sur la façon dont les NAM axées sur la santé humaine peuvent guider des approches écologiques d’IPER et vice versa?

    c) En tenant compte des NAM associées au danger relevées par SC et ECCC et celles identifiées par le comité (question 4a), quelles possibilités et quels défis à court terme sont associés avec la mise en œuvre des NAM pour l’identification de nouvelles priorités pour l’évaluation des risques?

  5. a) Le comité a-t-il des suggestions d’outils axés sur les NAM qui peuvent servir à l’élaboration de paramètres de risque pour l’établissement des priorités (IPER)? Comment ces NAM peuvent-ils être intégrés aux points de décision du processus d’IPER?

    b) En tenant compte des NAM associées à la mesure des risques relevées par les ministères et celles relevées par le comité (question 5a), quelles possibilités et quels défis à court terme sont associés à la mise en œuvre des NAM pour l’identification de nouvelles priorités pour l’évaluation des risques?

Présentation

Cette réunion ciblait l’examen de l’application d’outils et de méthodologies nouveaux et émergents pour l’IPER. Cette réunion avait deux objectifs pour SC/ECCC : (1) obtenir des commentaires généraux sur l’élaboration d’une feuille de route pour l’intégration des NAM au modèle d’évaluation des risques; et (2) obtenir des commentaires précis sur la façon d’améliorer les approches actuelles d’établissement des priorités grâce à l’intégration des NAM. Le comité a reçu le mandat de répondre à plusieurs questions stratégiques dans le contexte du programme d’évaluation des risques pour les substances existantes de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) [LCPE(1999)]. Ces questions figurent ci-dessus et les réponses du comité suivent.

D’un point de vue général, le comité a conclu que même si ces nouvelles approches d’évaluation évoluent encore, elles sont assez développées, dans de nombreux cas, afin de commencer à avoir une application dans le domaine de l’établissement des priorités, ainsi qu’à titre de sources de données supplémentaires dans le cadre de l’évaluation des risques et à titre d’outils d’approximation/de classification (et non d’évaluation) des risques à haut rendement (voir la figure 1). Le comité appuie donc leur utilisation à ces fins.

1) Le comité a-t-il des commentaires pour SC et ECCC alors qu’ils progressent dans le cadre de l’élaboration d’une feuille de route pour des NAM et de la modernisation des évaluations des risques?

Les méthodes traditionnelles d’évaluation des risques (estimation de l’exposition/caractérisation des dangers) se sont fiées à l’identification des paramètres directs ou calculés d’exposition (niveaux individuels dans les échantillons humains; niveaux de populations dans l’environnement) ainsi qu’à la description et à l’évaluation des effets apicaux sur un organisme ou une population. Toutefois, en plus de l’élaboration récente des NAM pour estimer l’exposition potentielle (décrite plus loin), on utilise de plus en plus les données in silico et moléculaires afin d’aider à orienter la prise de décisions, une tendance semblable à l’augmentation récente de l’utilisation des relations quantitatives structure-activité (RQSA).

À titre d’exemple, le modèle de classification des risques écologiques (CRE) est un outil conçu par ECCC pour l’établissement des priorités et l’évaluation des risques écologiques en vertu du PGPC3 (ECCC, 2016). Le modèle de CRE se fie sur la CL50 pour les poissons, la liaison au récepteur et les données QSAR ce qui représente un assemblage plutôt hétérogène. De telles pratiques sont maintenant rationalisées et des décisions sont prises en fonction de ces données. Le comité croit qu’il est raisonnable d’utiliser et d’intégrer de nouvelles méthodologies au programme d’évaluation des risques et que des améliorations subséquentes se produiront à l’avenir au fur et à mesure de l’élaboration et de la validation des NAM. Le comité n’a pas tenu compte de contraintes pratiques ni financières parce que le programme actuel prévoit utiliser des données existantes des NAM qui sont librement accessibles. On peut tenir compte de ces considérations au moment d’étudier l’élaboration d’une stratégie ultérieure (après 2020), lorsque la production future routinière de données des NAM aux fins de l’évaluation préalable et de l’évaluation pourrait devenir réalité.

Figure 1. Représentation schématique des rôles possibles des NAM dans le PGPC.

Équivalent Textuel - Figure 1:

Les termes «paramètres sociaux et réglementaires» sont au-dessus d’un entonnoir.

Au sommet de l’entonnoir, les mécanismes suivants sont listés: danger, exposition, donnée épidémiologiques, pharmacocinétique physiologique, méthodologies fondées sur une nouvelle approche (MNA) et modèles computationnels.

En se déplaçant plus bas dans l'entonnoir, ces mécanismes sont utilisés pour établir des priorités (évaluations et réévaluations). Après l’établissement des priorités, il y a plus d’utilisation du MNA pour l’évaluation du risque. Au bas de l'entonnoir, une décision de risque ou une mesure de gestion des risques est prise sur la base des résultats de l'évaluation des risques.

Une fois que la décision de risque ou la gestion des risques est prise, un «revoir et recycler» est mis en place pour informer les mécanismes susmentionnés (Une flèche directionnelle depuis le bas de l'entonnoir vers le haut).

Le comité fournit ses commentaires à SC et à ECCC sous la forme de considérations clés pour aller de l’avant avec l’élaboration d’une feuille de route pour les NAM et la modernisation de l’évaluation des risques dans le contexte des développements récents dans ce secteur. Les considérations clés sont les suivantes :

1.1) Interrogation des effets aux niveaux moléculaires et cellulaires et augmentation de la couverture biologique

Le comité reconnaît que le grand nombre de substances à évaluer dans le PGPC nécessitera un virage vers l’utilisation des NAM qui peuvent inclure une gamme d’approches in vitro et in silico afin d’interroger les effets aux niveaux moléculaires et cellulaires. Toutefois, une caractérisation complète des effets potentiels d’une substance nécessitera l’application et le développement continus de technologies ayant une couverture biologique accrue (par exemple, les technologies transcriptomiques et d’autres approches à débit élevé). Actuellement, l’une des principales tâches consiste à annoter l’espace biologique occupé par de nombreuses NAM utilisées ainsi qu’en cours d’élaboration et de validation (Zuang et coll., 2016). Le portefeuille de NAM devrait être « mis à jour en continu » (maintenir le pas avec les circonstances en évolution) et itératif afin d’assurer une couverture importante de l’espace biologique.

1.2) Insérer les résultats dans un contexte posologique et d’exposition

Le comité met l’accent sur le fait que l’utilisation des données moléculaires et des systèmes in vitro pour l’établissement des priorités axé sur le risque requiert d’intégrer les résultats dans un contexte posologique et d’exposition. Les valeurs d’activité dérivées de ces approches devraient soit être comparées directement avec les concentrations sanguines (en utilisant des approches d’équivalents de biosurveillance), soit être converties en valeurs de dose administrée (en utilisant des méthodes de dosimétrie inverse) et comparées avec des estimations d’exposition. Le comité reconnaît que SC et ECCC ont activement considéré les essais toxicocinétiques à haut rendement (ETHR) et des modèles d’extrapolation in vitro-in vivo (EIVIV) afin d’intégrer les données in vitro dans un contexte posologique. Toutefois, le comité comprend que le PGPC utilise principalement des données, des modèles et des méthodes traditionnelles d’exposition afin de fournir le contexte d’exposition. De plus, le document sur les objectifs soulignant la feuille de route pour l’intégration des NAM avec une évaluation traditionnelle des risques a été essentiellement axé sur la caractérisation des dangers. Étant donné ces considérations, le comité suggère que SC et ECCC considèrent la nécessité d’élaborer une stratégie des NAM pour l’évaluation de l’exposition.

1.3) Élaboration de NAM axées sur le client

Le comité croyait que les NAM devraient être « puisées » par les utilisateurs finaux (autorités de réglementation/clients) plutôt que d’être motivées par les créateurs du domaine. Autrement dit, les utilisateurs finaux devraient décrire ce qu’ils veulent et ce dont ils ont besoin. Quels sont les descripteurs précis requis afin d’être en mesure de prendre des décisions informées? De quels « lampions » (décrits ultérieurement à la question stratégique 4a-c) les utilisateurs finaux ont-ils besoin de tenir compte au moment de porter un jugement informé au sujet de l’établissement des priorités de l’évaluation préalable? En fonction de ces descripteurs, les créateurs de NAM auraient ainsi le mandat de les élaborer ou de les modifier afin de satisfaire ces besoins. Le comité encourage également les utilisateurs finaux à reconnaître que les NAM peuvent générer des possibilités d’identifier des questions précédemment obscurcies par un manque de méthodes et d’information et d’y répondre permettant ainsi des évaluations axées sur les risques plus holistiques.

Une considération à plus long terme dans le domaine de l’établissement des priorités chimiques, et de l’élaboration des NAM, peut être exprimée sous la forme du fardeau relatif sur la santé publique d’une exposition en termes de concept du fardeau lié à la maladie [par exemple, l’année de vie ajustée en fonction de l’incapacité (AVAI), ou l’année de vie ajustée en fonction de la qualité (AVAQ)] associé à une substance ou à un groupe de substances.

1.4) Caractérisation de l’incertitude et de la variabilité

Les incertitudes associées aux NAM sont différentes de celles associées aux modèles animaux traditionnels. Le comité suggère que SC et ECCC caractérisent rigoureusement l’incertitude et la variabilité des données des NAM et intègrent ces données dans le processus de prise de décision. On suggère également la nécessité d’établir de nouveaux outils/nouvelles méthodes pour soutenir les NAM à haut rendement qui évaluent l’exposition; d’augmenter les modifications afin de permettre des différences individuelles (génétiques et autres) au sein des populations humaines; et de traiter les différences entre les espèces pour les prévisions écologiques.

1.5) Bâtir la confiance et la transparence scientifique

À court terme, l’utilisation des données existantes pour l’établissement des priorités chimiques est particulièrement soutenable; elle bâtit sur l’expérience et les compétences et évite le risque de prise de décisions fondées sur des faux négatifs parce qu’une décision de dépriorisation peut être facilement infirmée. À moyen terme, le comité suggère que SC et ECCC explorent la création de capacités afin de recueillir des données liées au NAM qui sont connexes aux besoins du PGPC, et évaluent l’applicabilité des NAM pour les décisions prises aux échelons supérieurs à titre de rétroaction parmi plusieurs sources de données (comme en fait foi la figure 1). Le comité suggère également que l’utilisation des NAM dans le cadre du processus décisionnel soit transparente.

1.6) Collaboration avec d’autres organisations internationales

Les ententes collaboratives avec les organisations internationales peuvent réduire les ressources requises pour l’IPER (voir la question stratégique 2) et accélérer son intégration dans les programmes actuels. Par exemple, le développement de relations/d’ententes officielles avec l’Agence européenne des produits chimiques faciliterait l’acquisition de ses renseignements sur l’utilisation des substances chimiques ainsi que d’autres données. La collaboration avec l’Environmental Protection Agency des États-Unis (EPA É.-U.) fournira des données d’évaluations préalables in vitro à haut rendement et des données toxicocinétiques sur les substances d’intérêts pour le PGPC. Le comité reconnaît que plusieurs telles ententes sont déjà en vigueur; étendre leur portée à l’avenir pourrait constituer une priorité.

2) Le comité a-t-il des commentaires pour SC et ECCC au sujet de l’utilisation des approches systémiques dans le cadre du processus d’IPER? Existe-t-il des approches computationnelles particulières que le comité connaît qui pourraient servir afin de réduire les ressources requises pour compléter l’IPER?

En plus de la suggestion précédente visant à cibler les approches collaboratives, le comité suggère également que l’on tienne compte de plusieurs approches systématiques au sein du processus d’établissement des priorités. Parmi celles-ci, on remarque plusieurs suggestions connexes à la collecte automatisée de données, notamment les analyses bibliométriques, afin de relever des renseignements précis. Des exemples de collecte automatisée de données comprennent : l’exploration de texte; l’utilisation de la collecte automatisée; le catalogage, le tri et la priorisation des approches de nouvelles données, impliquant possiblement des discussions directes avec les propriétaires d’outils et de moteurs de recherche axés sur le Web; l’utilisation de mises à jour automatiques systématiques des inventaires de produits chimiques; et « l’approvisionnement par la foule » ou l’obtention de la soumission de résultats de recherche de la part des chercheurs et du public, ainsi que la justification de leur importance. Les NAM sont disponibles pour faciliter plusieurs de ces approches. Par exemple, le prolongement du logiciel Dragon ToolkitMC pour l’exploration de textes est une approche qui a été adoptée par l’EPA É.-U. et l’Institut national américain de recherches en santé du milieu – Programme de toxicologie national. Les descripteurs de Dragon peuvent être utilisés pour évaluer les relations moléculaires structure-activité ou structure-propriété, ainsi que pour l’analyse de similitude et l’évaluation préalable à haut rendement des bases de données moléculaires.

SC et ECCC utilisent actuellement (ou songent à utiliser) plusieurs NAM particulières dans le cadre de l’établissement des priorités de l’évaluation préalable des substances. Le Chemistry Dashboard (tableau de bord des produits chimiques) (disponible en anglais seulement) et la base de données ToxCast (disponible en anglais seulement) de l’EPA É.-U. fournissent un accès aux structures chimiques, aux données conservées sur les propriétés physicochimiques, aux données d’évaluation préalable in vitro à haut rendement, à l’information sur l’utilisation et aux données d’exposition. L’approche d’indice d’établissement des priorités toxicologiques (ToxPiMC) (Reif et coll., 2010) permet de recueillir plusieurs sources de données d’exposition ou de données toxicologiques et favorise leur visualisation d’une façon qui facilite les communications. L’utilisation d’autres outils et extrants liés aux NAM, comme le seuil de préoccupation toxicologique (SPT), le SPT écologique (SPTéco) et l’approche de CRE, est soutenue par le comité. Nous notons que ces outils et extrants sont utilisés ou font l’objet de test dans des études de cas au sein du PGPC et font l’objet d’une discussion plus détaillée ailleurs dans ce rapport.

3) Le comité a-t-il des suggestions d’outils axés sur les NAM qui peuvent faire l’objet d’une étude subséquente afin d’estimer l’exposition humaine et écologique aux fins de l’établissement des priorités?

Comme précédemment indiqué, le comité comprend que le PGPC utilise principalement des données, des modèles et des méthodes traditionnelles d’exposition afin de fournir le contexte d’exposition. Le comité suggère que ces données et modèles puissent être rehaussés au moyen de modèles d’exposition empiriques et mécanistes à haut rendement. Un exemple d’un modèle d’exposition empirique à haut rendement est le cadre de l’ExpoCast Systematic Empirical Evaluation of Models (SEEM) de l’EPA É.-U. qui utilise actuellement le volume de production et les descripteurs binaires de quatre catégories d’utilisation afin de fournir des estimations d’exposition pour presque 8 000 produits chimiques (Wambaugh et coll., 2014). Les estimations empiriques d’exposition sont étalonnées en utilisant des données sur la biosurveillance humaine et ont des estimations quantitatives de l’incertitude. Un exemple de modèle d’exposition mécaniste à haut rendement est le Stochastic Human Exposure and Dose Simulation – High Throughput (SHEDS-HT) qui utilise une approche de mécanismes d’exposition afin de fournir des estimations d’exposition pour environ 2 500 produits chimiques (Isaacs et coll., 2014). Il convient de noter que les modèles SEEM et SHEDS-HT sont des outils appropriés pour l’établissement des priorités, plutôt que de servir à titre de substituts pour des estimations d’exposition individuelles et holistiques dans un contexte d’évaluation des risques. Finalement (et distinctement des enquêtes traditionnelles de collecte de renseignements du PGPC pour l’importation, la production et les quantités d’utilisation des substances en cours d’évaluation), il pourrait être utile de mobiliser l’industrie afin de fournir des estimations sur la production, l’importation et l’utilisation à partir desquelles il pourrait être possible de modéliser les émissions et les expositions des substances dans le contexte de l’élaboration de nouvelles méthodologies. Dans une certaine mesure, les suggestions ci-dessus peuvent être secondaires à notre suggestion connexe à la question stratégique No 1 visant à ce que SC et ECCC créent une stratégie d’exposition générale liée aux NAM.

Même s’ils ne constituent pas des outils axés sur les NAM, l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé, l’Enquête sur les profils d’activité humaine au Canada (EPAHC), les programmes d’évaluation préalable des nouveau-nés et les banques de sang de cordon sont des sources possibles de données canadiennes sur la surveillance humaine/d’exposition pour certaines substances. Ces sources peuvent être utilisées afin d’étalonner les modèles d’exposition empiriques à haut rendement qui sont propres au Canada. Les données des centres antipoisons peuvent également être disponibles, même si ces renseignements ont tendance à être axés sur les produits plutôt que sur les substances.

4. a) Le comité a-t-il des suggestions d’outils axés sur les NAM qui peuvent servir à l’identification des dangers pour l’établissement des priorités? Comment ces NAM peuvent-elles être intégrées aux points de décision du processus d’IPER?

4. b) Étant donné que les voies biologiques sont souvent conservées d’une espèce à l’autre, le comité a-t-il des commentaires sur la façon dont les NAM axées sur la santé humaine peuvent guider des approches écologiques d’IPER et vice versa?

4. c) En tenant compte des NAM axées sur le danger relevées par SC et ECCC et celles relevées par le comité (question 4.a), quelles possibilités et quels défis à court terme associe-t-on avec la mise en œuvre des NAM pour l’identification de nouvelles priorités pour l’évaluation des risques?

On prévoit qu’ECCC et SC intègreront les outils d’évaluation des dangers (ED) axée sur les NAM à l’approche progressive actuelle d’évaluation chimique au Canada, particulièrement à court terme et à des fins d’établissement des priorités. L’objectif principal de ces outils consiste à signaler les substances qui requièrent une évaluation plus approfondie. Idéalement, les données d’ED axée sur les NAM permettraient non seulement de signaler les substances d’intérêt, mais guideraient également dans une certaine mesure l’évaluation de suivi. Dans ce contexte, les données sur les NAM qui pointent vers une association possible avec une limite toxicologique particulière visée par la réglementation, grave et réversible présentent un intérêt, mais ne sont pas essentielles.

Les évaluations du PGPC sont actuellement principalement dépendantes de l’utilisation des données existantes de sources tierces et de données qui peuvent être analysées à l’aide de méthodes computationnelles internes. Par conséquent, les ED résultantes seront limitées dans leur portée sur le plan des effets toxicologiques qu’elles peuvent couvrir. Toutefois, il serait utile de tenter de préciser et de concevoir une ED idéale depuis le début puisqu’on pourrait ainsi mettre en perspective les évaluations des dangers disponibles à court terme (en fonction des données disponibles) et relever les lacunes et les priorités en matière de connaissances pour l’élaboration future des nouvelles NAM. Tenir compte des priorités à court et à long terme en même temps pourrait être bénéfique, autrement dit, ce que nous pouvons faire maintenant et, idéalement, ce que nous devrions faire à l’avenir.

Toute ED axée sur les NAM devrait être en mesure de signaler les substances d’intérêt pour la santé humaine ou les espèces/groupes d’espèces précis dans l’environnement. Même si les aspects liés à la toxicocinétique ne sont pas nécessairement requis dans une ED qualitative, toute activité d’établissement des priorités axé sur le risque, comme le rapport bioactivité-exposition (RBE), nécessitera une compréhension des aspects liés à la toxicocinétique. Au niveau le plus élevé, l’ED devrait être décrite en fonction de l’espace toxicologique qu’elle représente ou couvre. Sinon, parce qu’on prévoit que les ED seront fondées de plus en plus (au fil du temps) sur le profilage mécaniste en aval, plutôt que prédictives des limites toxicologiques typiques, on pourrait décrire l’ED en fonction de l’espace biologique perturbable qu’elle représente (par exemple sur le plan des voies biologiques). Toutefois, la majorité des produits chimiques environnementaux et industriels d’intérêt dans le PGPC sont extrêmement infidèles (en d’autres termes, ils n’ont pas une spécificité pharmacologique unique ou sélective) et interagissent avec de nombreuses cibles/voies biologiques dans une fourchette posologique étroite (Thomas et coll., 2013b). Par conséquent, le comité suggère que la proposition d’utiliser l’essai le plus sensible retenu comme fiable à titre de base pour le RBE est raisonnable par défaut à moins que la substance semble être relativement sélective sur le plan de son activité biologique. Pour une substance sélective, le calcul du RBE devrait être fondé sur la(es) voie(s) pertinente(s).

Au niveau suivant, l’ED peut être décrite en fonction des NAM qu’elle intègre et de la façon dont ces dernières lient les effets/voies toxicologiques/biologiques qu’elles représentent/récapitulent. Pour faciliter le tout, les NAM devraient être identifiées et annotées de façon appropriée afin de servir cette fin; la base technologique de la NAM est moins préoccupante. Ainsi, on pourrait comparer une NAM à un lampion illuminant un sous-domaine défini d’espace toxicologique (ou espace biologique perturbable); au fur et à mesure où plus de NAM sont regroupées, une plus grande partie du domaine d’intérêt actuel peut être couvert au sein du filtre de danger, ce qui permet d’éclairer plus d’espace et d’augmenter la compréhension. Dans cette optique, il est important que la collection de NAM couvre de façon exhaustive la plus grande partie du domaine possible afin de réduire les faux négatifs et que la frontière couverte du sous-domaine soit décrite de façon appropriée. On effectue actuellement beaucoup de recherches sur les NAM et leurs composantes (par exemple, les cellules souches pluripotentes induites, la modélisation tridimensionnelle (3D) des tissus, la transcriptomique, les modèles toxicocinétiques, la caractérisation des voies de toxicité) et, par conséquent, il est probable qu’en théorie, un espace biologique/toxicologique appréciable puisse être couvert. Toutefois, beaucoup de ces NAM en sont à l’étape du développement ou ont été déployées dans une mesure très limitée.

Même si, à ce stade, le PGPC se fie sur l’intégration des NAM pour lesquelles les données sont déjà disponibles dans son ED pour les substances d’intérêt, il existe de nombreuses possibilités de coopération avec les partenaires internationaux afin de relever des sources ultérieures de NAM et de données des NAM pertinentes, ainsi que d’explorer la possibilité de générer de nouvelles données des NAM. L’initiative de l’EPA É.-U. de réunir les acteurs internationaux de réglementation afin d’accélérer l’évaluation des risques a été mentionnée à titre de plateforme potentiellement utile pour une telle coopération, tout comme l’ont été certains groupes et projets de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

5. a) Le comité a-t-il des suggestions d’outils axés sur les NAM qui puissent servir à l’élaboration de paramètres de risque pour l’établissent des priorités? Comment ces NAM peuvent-elles être intégrées aux points de décision du processus d’IPER?

Les membres du comité ont soutenu l’utilisation du RBE à titre d’approche transversale qui devrait être utile dans des applications écologiques et liées à la santé humaine. Même aujourd’hui, en l’absence de tout autre signalement de danger, un grand RBE (par exemple, plusieurs ordres de grandeur) soutiendra la dépriorisation d’une substance particulière. D’un point de vue écologique, l’analogue environnemental du RBE est la charge corporelle critique ou la charge tissulaire. SC propose d’utiliser le RBE à titre de mesure logique afin d’établir la priorité/de trier les substances lorsque les données sur la bioactivité et l’exposition sont disponibles. Dans l’approche de RBE, le numérateur se fie généralement sur les valeurs d’activité dérivées des NAM (par exemple, les essais in vitro à haut rendement). Dans la majorité des cas, l’essai in vitro le plus sensible est utilisé afin d’estimer le numérateur du RBE. Toutefois, lorsque les essais in vitro ou les NAM fournissent suffisamment de données pour le parcours de résultats néfastes probable ou le mode d’action, le comité suggère que le numérateur du RBE soit fondé sur les valeurs d’activité de l’essai pertinent ou de la NAM plutôt que sur la valeur la plus sensible.

Afin d’élaborer des mesures de risques pour l’établissement des priorités, les valeurs d’activité doivent être converties en valeurs de dose administrée, en utilisant des méthodes de dosimétrie inverse. Les chercheurs ont commencé à générer des données pour la liaison aux protéines plasmatiques et la clairance intrinsèque hépatique en utilisant des ETHR afin de paramétrer les modèles d’EIVIV et de fournir un contexte posologique (Wetmore et coll., 2014). SC a généré des données supplémentaires sur des produits chimiques du PGPC en utilisant les mêmes approches. Le comité soutient l’élaboration continue et l’application de ces approches et d’autres approches pharmacocinétiques afin de favoriser l’établissement des priorités axé sur les risques.

Les mesures de bioactivité ajustée en fonction de la dose sont comparées avec les estimations d’exposition traditionnelles ou à haut rendement afin de fournir un RBE. Lorsque disponibles, les données d’exposition propres au Canada (ou les modèles d’exposition traditionnels axés sur les paramètres propres au Canada) devraient être utilisées; dans les cas où elles ne sont pas disponibles, le comité suggère de tenir compte des approches de modélisation d’exposition à haut rendement, comme ExpoCast de l’EPA É.-U. (Wambaugh et coll., 2013). Le comité suggère également de tenir compte du jumelage d’approches d’évaluation préalable analytiques non ciblées avec les échantillons canadiens de biosurveillance afin de fournir des données d’exposition expérimentales pour une gamme de substances. Un membre du comité a déclaré que même s’il existe de l’enthousiasme pour l’évaluation préalable analytique non ciblée des échantillons canadiens de biosurveillance, les ressources disponibles à ce jour sont limitées.

Les approches d’apprentissage automatique sont également d’intérêt. Pour une substance sans données, il peut être possible d’identifier des substances (par exemple, cinq) qui comptent des données de bioactivité (B) pertinentes/substitutives et un nombre semblable de substances qui ont des données d’exposition (E) substitutives. Les produits chimiques substitutifs pour les propriétés de B et d’E peuvent être différents. Cette approche pourrait être mise à l’essai en utilisant un groupe de produits chimiques bien caractérisés (par exemple, ToxCast) ou en éliminant intentionnellement des données de B ou d’E pour une substance donnée.

Le comité avait précédemment noté que la CRE est un outil conçu par ECCC pour l’évaluation des risques écologiques en vertu du PGPC3. On a exprimé un certain intérêt à l’égard de l’utilisation d’une approche semblable à la CRE afin d’orienter l’établissement des priorités axé sur les risques pour la santé humaine. De plus, l’utilité de la CRE pourrait être validée en fonction d’un groupe de substances de test afin de déterminer l’espace/le domaine toxicologique que l’outil couvre. Le SPT, le SPTéco et les études in vitro à court terme avec caractérisation transcriptomique afin d’estimer les points de départ constituent d’autres nouvelles approches de valeur (Thomas et coll., 2013a; Thomas et coll., 2013b; Thomas et coll., 2011). L’application des technologies transcriptomiques à l’évaluation des risques a été évaluée par SC (Bourdon-Lacombe et coll., 2015).

5. b) Si l’on tient compte des NAM axées sur le danger relevées par SC et ECCC et celles relevées par le comité (question 5a), quelles possibilités et quels défis à court terme associe-t-on avec la mise en œuvre des NAM sur le plan de l’identification de nouvelles priorités pour l’évaluation des risques?

À court terme, il est possible pour le PGPC de s’associer avec d’autres organisations internationales en ce qui a trait aux méthodes et aux substances d’intérêts usuelles dans le cadre de l’application des NAM, comme le RBE pour l’établissement des priorités axé sur les risques (voir la suggestion ultérieure du comité).

Les défis à court terme de l’approche de RBE sont le manque de lien direct avec les limites apicales, le développement d’un sentiment de confiance de la communauté scientifique à l’égard du RBE à titre de mesure de l’établissement des priorités et le besoin d’intégrer l’incertitude dans le numérateur et le dénominateur du RBE. Relever le premier et le deuxième défi requerra la poursuite continue de nouvelles études de cas en cours et potentielles qui comparent le RBE avec les valeurs de la marge d’exposition des évaluations de risques traditionnelles en utilisant les données in vivo. De plus, un dialogue continu entre les intervenants sera requis afin de veiller à ce que les chercheurs, les scientifiques de l’industrie, les évaluateurs et le public comprennent les forces et les limites de l’approche de RBE. Une suggestion du comité consistait à lier le RBE avec un outil visuel (comme ToxPi) afin de fournir une représentation graphique de l’étude traditionnelle in vivo et des données des NAM qui sont disponibles pour une substance particulière.

L’approche de RBE peut inclure les bandes de confiance où le RBE est élevé, ce qui aidera à communiquer les incertitudes associées avec l’extrant; la variabilité impartiale (en d’autres termes, naturelle) ne devrait pas constituer un enjeu. Les faux négatifs (en raison des limites de l’évaluation préalable des NAM) sont potentiellement sérieux et nécessitent une expansion constante des domaines d’activité biologique couverts, jumelée à une philosophie de mise à jour en continu dans le cadre de laquelle toutes les substances qui ont été évaluées passent dans le système élargi. Par exemple, les évaluations préalables in vitro actuelles ne couvrent pas très bien certains mécanismes de toxicité aigüe, même si cela n’a pas été, et ne devrait pas être, un enjeu usuel dans les évaluations du PGPC.

L’intégration de l’incertitude dans le RBE sera nécessaire pour l’application aux décisions de réglementation et pour l’instauration de la confiance scientifique chez les intervenants. L’intégration de l’incertitude au sein des estimations du potentiel de bioactivité, la modélisation des ETHR, ainsi que les estimations d’exposition à haut rendement ont fait l’objet d’examen par l’EPA É.-U. Par exemple, l’incertitude des estimations de potentiel peut être évaluée en utilisant les approches d’autoamorçage (par exemple, ToxBoot [disponible en anglais uniquement]; des approches pour estimer l’incertitude dans les ETHR et la modélisation d’EIVIV sont en cours d’élaboration. L’incertitude dans les estimations d’exposition à haut rendement a déjà été intégrée aux modèles ExpoCast (Wambaugh et coll., 2015). Le comité suggère que l’incertitude soit intégrée au numérateur et au dénominateur du RBE pour une application réglementaire.

Respectueusement soumis au nom des membres du Comité,
Barbara Hales et Geoff Granville, coprésidents
23 décembre 2016

POST-SCRIPTUM

  1. Le comité souhaite souligner la participation des trois membres ad hoc, Niladri Basu (Université McGill), Russell Thomas (EPA des États-Unis) et Maurice Whelan (direction générale Centre commun de recherche de la Commission européenne) et leur importante contribution à ce rapport.
  2. Les discussions du comité en petits groupes de discussion ont principalement porté sur le concept général et la conception d’une approche d’évaluation préalable axée sur les NAM qui respecterait les besoins de SC/ECCC. Les suggestions et les renseignements connexes aux NAM particulières dont SC/ECCC pourraient souhaiter tenir compte seront fournis par les membres individuels du comité après la réunion.

Documents de référence

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