Résumé : Rapport de l’administrateur en chef de la santé publique sur l’état de la santé publique au Canada 2012

Résumé

Le présent rapport annuel sur l’état de la santé publique au Canada est le cinquième que produit l’administrateur en chef de la santé publique. Il porte sur l’influence que le sexe (caractéristiques biologiques) et le genre (facteurs socioculturels) exercent sur la santé publique et l’état de santé des Canadiens. Il examine comment ces deux facteurs interagissent entre eux et avec d’autres déterminants de la santé et influencent les comportements liés à la santé ainsi que les symptômes, les effets des traitements et l’accès aux soins. On y présente, en outre, des interventions, des politiques et des programmes qui ont permis, jusqu’ici, de maintenir et d’améliorer la santé et le bien‑être des Canadiens ou qui permettraient de le faire à l’avenir. Le rapport met également en lumière les domaines où le Canada aurait intérêt à mieux intégrer les questions de sexe et de genre afin de réduire les inégalités en santé.

État de la santé publique au Canada

En 2011, le Canada comptait environ 33,5 millions d’habitants, répartis presque également entre les hommes et les femmes. Bien que la proportion homme-femme varie légèrement entre les groupes d’âge, la proportion de femmes dépasse celle des hommes à partir de 65 ans.

L’espérance de vie des Canadiens a considérablement augmenté au cours du dernier siècle, au point où un garçon né au Canada aujourd’hui peut s’attendre à vivre jusqu’à environ 79 ans, et une fille, jusqu’à environ 83 ans. Bien que les femmes avaient, depuis toujours, une longévité supérieure à celle des hommes, l’écart d’espérance de vie à la naissance entre les hommes et les femmes au Canada a diminué.

De nombreux Canadiens de tous les âges considèrent être en bonne santé. En effet, la majorité des Canadiens de 12 ans et plus ont déclaré être en excellente santé (22 %) ou en très bonne santé (38 %). La majorité des Canadiens indiquent qu’ils ont une excellente santé mentale (37 %) ou une très bonne santé mentale (37 %). Cependant, toutes les années de leur vie ne seront pas nécessairement vécues en bonne santé. L’espérance de vie en fonction de la santé (2004-2006) montre que les hommes peuvent s’attendre à vivre environ 69,6 ans en santé et les femmes, environ 72,1 ans.

En 2010, 55 % des Canadiens de 12 ans et plus ont déclaré au moins un problème de santé chronique, les plus communs étant les maux de dos (19 %), l’hypertension (18 %) et l’arthrite (16 %). Les maux de dos, tels que la scoliose, la sciatique et la hernie discale, peuvent entraîner une douleur physique, parfois invalidante, comme c’est aussi le cas des quelque 100 types d’arthrite, qui touchent principalement les femmes (61 %). Près du quart (24 %) des Canadiens de 30 ans et plus ont indiqué faire de l’hypertension, un facteur de risque majeur pour les maladies cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux; cette proportion augmente avec l’âge et s’établit à 51 % chez les 65 ans et plus.

Par ailleurs, un certain nombre de Canadiens sont atteints d’une forme quelconque de maladie mentale. En 2010, les troubles de l’humeur, comme la dépression et le trouble bipolaire, étaient les problèmes de santé mentale les plus souvent rapportés; ils touchaient 6,9 % des Canadiens de 15 ans et plus (8,2 % de femmes et 5,0 % d’hommes). C’était toutefois chez les 55 à 64 ans (8,3 %) et les Autochtones vivant hors réserve (11,7 %) que les taux de déclaration étaient les plus élevés.

Plusieurs facteurs économiques et sociaux, comme la scolarité, l’emploi et le revenu, agissent directement sur la santé. Entre les années scolaires 1990‑1991 et 2010‑2011, le taux de réussite des études secondaires est passé de 81 % à 90 % chez les Canadiens âgés de 20 à 24 ans (92 % chez les femmes et 89 % chez les hommes). Par ailleurs, le pourcentage des Canadiens âgés de 25 à 34 ans diplômés d’études postsecondaires a également augmenté pendant la même période, passant de 44 % à 72 % chez les femmes et de 45 % à 64 % chez les hommes. En 2011, 14,2 % des jeunes de 15 à 24 ans étaient chômeurs, les hommes (15,9 %) étant surreprésentés par rapport aux femmes (12,4 %). Chez les 25 à 54 ans, le taux de chômage s’établissait à 6,2 %, et on notait une légère différence entre les hommes et les femmes. En 2010, 32 % des travailleurs âgés de 30 à 54 ans ont déclaré vivre du stress lié au travail; les taux étaient semblables chez les hommes et les femmes.

Le tabac, l’alcool et le cannabis sont les substances intoxicantes les plus consommées par les Canadiens de 15 ans et plus. Bien que le taux global de tabagisme ait diminué au fil des années, en 2010, il s’établissait à 17 %, avec une proportion systématiquement plus élevée chez les hommes que chez les femmes, et ce, dans tous les groupes d’âge. La même année, 77 % des Canadiens ont indiqué avoir consommé de l’alcool dans la dernière année et 47 % d’entre eux buvaient au moins une fois par semaine (54 % d’hommes et 40 % de femmes). Par ailleurs, un Canadien sur dix a déclaré avoir fait usage de cannabis dans la dernière année (15 % d’hommes et 7 % de femmes). Au Canada, on trouve les plus hauts taux de consommation de tabac, d’alcool et de cannabis chez les jeunes adultes âgés de 20 à 29 ans.

Au cours des 15 dernières années, les taux déclarés d’infections transmissibles sexuellement (ITS) ont augmenté dans l’ensemble de la population canadienne. Les moins de 30 ans continuent d’afficher les plus hauts taux de chlamydia, de gonorrhée et de syphilis infectieuse. De tous les nouveaux cas de VIH enregistrés en 2008, 74 % ont été diagnostiqués chez les hommes, et en particulier chez les 40 à 49 ans (32 %). Les femmes représentaient une proportion croissante de toutes les personnes déclarées positives au VIH au Canada et comptaient pour 26 % de tous les nouveaux cas enregistrés en 2008. Les 30 à 39 ans représentaient à elles seules 35 % de tous les cas d’infection déclarés chez les femmes.

On sait que les personnes physiquement actives sont moins prédisposées aux problèmes de santé. Toutefois, en 2007‑2009, moins de un adulte sur cinq et moins de un enfant sur dix respectaient les objectifs d’activité physique établis dans les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la Santé et du Canada. Une alimentation moins saine (y compris la surconsommation), combinée à un manque d’activité physique, peut mener à une augmentation pondérale. D’ailleurs, les taux d’obésité et d’embonpoint sont en croissance au Canada. En 2007‑2009, 24 % des adultes au Canada étaient considérés comme obèses et 37 % faisaient de l’embonpoint. Il s’agit d’une augmentation par rapport à 1978‑1979, où ces taux s’établissaient à 12 % et 32 % respectivement. Aussi bien chez les adultes que chez les enfants, les taux d’obésité et d’embonpoint étaient supérieurs pour le sexe masculin que pour le sexe féminin.

Sexe, genre et santé publique

Même s’il n’existe aucune définition unanimement acceptée, le terme sexe renvoie habituellement aux caractéristiques biologiques et physiologiques qui distinguent les hommes et les femmes, alors que le terme genre fait plutôt référence aux facteurs socioculturels attribués à chacun des deux sexes. Cependant, la plupart des éléments servant à décrire le sexe et le genre ne se limitent pas au concept traditionnel binaire (homme-femme ou garçon-fille); ils coexistent sur un continuum qui permet de rendre compte de toute une gamme de comportements et de caractéristiques.

La santé publique vise à promouvoir, appuyer et assurer la santé de tous les Canadiens. Le sexe et le genre revêtent une importance capitale dans tous les domaines de la santé publique, y compris la recherche, les politiques et les programmes. Les liens entre le sexe, le genre et les autres déterminants de la santé peuvent, à tout moment dans la vie des hommes, des femmes, des garçons et des filles, influencer de différentes façons les risques, les possibilités, les comportements et les résultats en matière de santé.

Une perspective axée sur le sexe et le genre aide à repérer les tendances et les lacunes dans la façon dont ces deux facteurs peuvent influer sur la santé. L’analyse comparative fondée sur le sexe et le genre est une façon systématique d’aborder la recherche, les politiques et les programmes de manière à tenir compte des similarités et des différences biologiques (fondées sur le sexe) et socioculturelles (fondées sur le genre) qui existent entre les hommes et les femmes, les garçons et les filles. Cette façon de faire assure des interventions plus efficaces et plus ouvertes à la diversité.

Sexe, genre et résultats de santé

Les différences biologiques et sociales entre les hommes et les femmes, en interagissant, viennent influer sur leur prédisposition à certains problèmes de santé, sur leur propension à réclamer des soins ainsi que sur les résultats et les effets des traitements. En examinant les résultats sur la santé physique (notamment l’hypertension), la santé mentale (par exemple, la dépression) et la santé sexuelle (les ITS), il est possible d’observer en quoi ces différences sont attribuables au sexe et au genre et pourquoi elles surviennent.

Les changements biologiques et physiologiques qui se produisent au cours de la vie influencent la probabilité qu’une personne présente certains risques pour la santé et la façon dont celle-ci réagit aux événements marquants de sa vie et aux différentes étapes de son développement. Le fait que les hommes et les femmes ne présentent pas les mêmes taux d’hypertension (pression artérielle élevée) et de dépression semble indiquer que les hormones sexuelles pourraient avoir un rôle important à jouer à cet égard. L’augmentation du taux d’androgènes (comme la testostérone) à la puberté cause une pression artérielle plus élevée chez les garçons que chez les filles. Inversement, les hormones sexuelles féminines (comme l’estrogène) peuvent protéger les femmes contre l’hypertension. De la puberté à la ménopause, le taux de dépression est deux ou trois fois plus élevé chez la femme que chez l’homme. Lorsque le niveau d’estrogènes baisse après la ménopause, la prévalence de l’hypertension augmente et le taux de dépression diminue. De fortes fluctuations hormonales pendant et après la grossesse peuvent également causer de l’hypertension et augmenter le risque de dépression chez les femmes.

Par ailleurs, les différences biologiques entre les hommes et les femmes font en sorte que leur organisme réagit différemment aux pathogènes et aux bactéries. Ainsi, en raison de leur anatomie, les femmes sont généralement plus vulnérables aux infections transmissibles par certains types de contact sexuel. Le sexe influe également sur les façons de réagir à un traitement ou à un médicament (par exemple, les médicaments antihypertenseurs sont généralement moins efficaces chez les femmes) ainsi que sur les signes et les symptômes déclarés (les femmes atteintes de dépression ont davantage tendance à exprimer un sentiment de détresse, d’inutilité ou de tristesse persistante, tandis que les hommes se disent découragés, irritables et en colère).

Le genre joue un rôle clé dans la propension à réclamer des soins. De façon générale, les femmes sont davantage portées à consulter que les hommes. Par conséquent, elles sont aussi plus susceptibles de passer un examen de routine ou un test de dépistage et de se faire traiter pour des maladies comme l’hypertension, la dépression et les ITS. L’attitude à l’égard du test de dépistage des ITS, la méconnaissance des procédures, la difficulté à détecter les symptômes, la confidentialité et la stigmatisation sont autant de facteurs qui peuvent dissuader les hommes et les femmes de tous les âges de subir des tests. Aussi, le fait que, socialement, on attend des hommes qu’ils se montrent forts et solides peut inciter ces derniers à taire leurs problèmes et les empêcher d’obtenir un diagnostic ou un traitement. Les rôles établis par la société selon le genre peuvent également avoir une influence sur les sources de stress vécues par les hommes et les femmes et augmenter leur risque d’hypertension ou de problèmes de santé mentale (comme la dépression). Enfin, les relations de pouvoir entre les partenaires sexuels ont également une influence sur la capacité de négocier l’utilisation de préservatifs et les décisions prises à cet égard (par exemple, le refus d’utiliser un condom), ce qui peut avoir une influence sur les risques, les incidences et les résultats des ITS.

Intégration du sexe et du genre dans les interventions en santé

Il est possible d’améliorer la santé d’une population grâce aux interventions générales ou ciblées (recherche, politiques, programmes ou mesures) qui ont été mises de l’avant au Canada ou ailleurs dans le but de s’attaquer à certains problèmes ou facteurs de risque, et dont l’élaboration ou l’exécution tient compte du sexe et du genre. Une approche fondée sur le sexe et le genre fait partie des interventions planifiées systématiquement qui sont conformes à l’approche axée sur la santé de la population.

Le Canada s’est donc engagé à tenir compte du sexe et du genre lorsque les données suggéraient que cette lacune dans la recherche, les politiques et les programmes risquait d’engendrer des écarts ou des inégalités. En ratifiant la Déclaration de Beijing, le Canada a convenu d’inclure une dimension d’équité entre les sexes dans ses politiques et ses programmes (notamment dans la Politique en matière d’analyse comparative fondée sur le sexe et le genre du portefeuille de la Santé). Les interrelations entre le sexe, le genre et le vaste éventail de déterminants de la santé doivent être intégrées aux pratiques courantes de santé publique.

Sexe, genre et santé physique

La prévention et la gestion des maladies chroniques doivent tenir compte des différences entre les hommes, les femmes, les garçons et les filles afin d’éliminer ou de réduire au mieux les résultats de santé néfastes. L’embonpoint et l’obésité peuvent favoriser le développement de nombreuses maladies chroniques. C’est pourquoi la sensibilisation aux problèmes de poids doit s’effectuer en bas âge. Les interventions fondées sur le genre qui sont entreprises en milieu scolaire constituent une bonne façon de s’attaquer aux différences observées entre les garçons et les filles au chapitre de l’activité physique et des habitudes de consommation (aliments et boissons). Les expériences, les stéréotypes et les attentes sociales fondés sur le genre peuvent influencer la façon d’envisager l’activité physique. En effet, la perception de ce qui constitue un sport ou une activité « de garçon » ou « de fille » peut influencer la pratique de l’activité physique tout au long de la vie. D’ailleurs, dans certaines collectivités au Canada, des programmes de sensibilisation sont offerts aux filles et aux femmes afin de les encourager à pratiquer un sport et d’éliminer, parallèlement, l’homophobie et les stéréotypes fondés sur le genre.

Le fait que les maladies cardiovasculaires ont longtemps été considérées comme des « maladies d’homme » a eu un effet sur la santé des femmes, qui étaient sous‑représentées dans la recherche, le traitement et les mesures de prévention. Ce n’est que tout récemment qu’elles apparaissent comme l’une des principales causes de maladie et de mortalité chez les femmes canadiennes. Si des facteurs comme le sexe agissent sur la nature des symptômes et le dépistage de la maladie, le genre, lui, peut influencer l’accès aux soins et même la réaction des professionnels de la santé à l’égard des symptômes. Les organismes en santé cardiovasculaire au Canada ont commencé à cibler les femmes dans leurs programmes de sensibilisation, de marketing social et de promotion de la santé afin de les inciter à se renseigner sur la santé cardiaque.

Sexe, genre et santé mentale

Dans sa première stratégie de promotion de la santé mentale, le Canada reconnaît le genre et la sexualité comme des aspects prioritaires à considérer pour éliminer les inégalités dans ce domaine. Pour aborder la santé mentale suivant une approche fondée sur le sexe et le genre, il est nécessaire d'obtenir une meilleure compréhension de la question, d’offrir des services qui tiennent compte du sexe et du genre, de réduire les facteurs de risque pour la santé mentale des femmes et d’améliorer la capacité des organisations œuvrant auprès des lesbiennes, des gais, des bisexuels, des transsexuels et des personnes en questionnement à s’attaquer à la stigmatisation et à offrir du soutien. Il est généralement reconnu que les rôles fondés sur le genre, les expériences et les facteurs de risque liés à des événements marquants de la vie contribuent aux problèmes de santé mentale qui frappent les femmes de manière disproportionnée. Les problèmes de santé reproductive, et tout particulièrement la dépression postnatale (DPN), peuvent compromettre à long terme la santé de la mère et de son enfant. L’étude des effets de la dépression maternelle exige une meilleure compréhension des interactions complexes entre la santé mentale et une série d’autres facteurs. C’est pourquoi des efforts sont actuellement consentis afin d’aider la population à mieux connaître et comprendre la DPN et d’offrir des services de soutien pour favoriser la guérison. Les examens et les évaluations systématiques ont révélé que les programmes qui offrent aux nouveaux parents des services de soutien personnalisés afin de les aider à se familiariser à leurs nouvelles responsabilités sont propices à améliorer le bien‑être de la mère et les soins prodigués à l’enfant. En outre, de plus en plus de programmes reconnaissent que les expériences vécues par les hommes ont des répercussions sur la grossesse et la santé mentale de leur conjointe de même que sur leur propre santé mentale lorsqu’ils deviennent parents. Souvent, la dépression est détectée tardivement chez les nouveaux pères, car les outils de diagnostic actuels, les mêmes que ceux qu’on utilise pour évaluer les femmes, nécessitent quelques modifications afin de mieux refléter les critères symptomatologiques des hommes. D’autres recherches sur la DPN doivent être réalisées, mais cette fois sur la situation des pères dans différents contextes culturels et socioéconomiques.

Récemment, certains programmes et travaux de recherche ont révélé que les hommes sont prédisposés à divers problèmes de santé mentale, souvent sous‑diagnostiqués et sous‑déclarés. À titre d’exemple, quatre suicides sur cinq sont commis par des hommes. Cependant, les mesures de prévention se heurtent à quelques difficultés, étant donné que les taux de suicide et d’idées suicidaires diffèrent d’un sexe à l’autre. Par conséquent, pour s’attaquer aux problèmes de santé mentale, il faut prendre en considération plusieurs facteurs, notamment le fait que les garçons et les hommes ont du mal à reconnaître les symptômes dépressifs, qu’ils sont incapables de révéler ce qu’ils perçoivent comme une faiblesse, qu’ils ont une faible littératie en santé mentale et qu’ils sont susceptibles de masquer leurs problèmes par des comportements à risque, comme la violence et la consommation de substances nocives. De plus en plus, la promotion de la santé des hommes se fait en milieu communautaire. Les stratégies et les programmes comme Men’s Sheds se sont avérés efficaces pour résoudre certains problèmes de santé chez les hommes, tout en favorisant la socialisation et l’acquisition de compétences pratiques. Un examen des pratiques en santé mentale a révélé que les hommes atteints d’un problème de santé mentale seraient plus enclins à demander de l’aide si les programmes étaient adaptés aux hommes qui tiennent des rôles masculins traditionnels. Par ailleurs, les vastes campagnes médiatiques qui remettent en question les normes masculines traditionnelles doivent être menées de façon intensive et cibler les populations à risque. Certaines administrations ont intégré à leur stratégie de prévention du suicide des initiatives de portée générale et des initiatives ciblées.

La stigmatisation associée à la santé mentale continue d’empêcher certaines personnes de consulter et de se faire traiter. Une approche axée sur la santé de la population est nécessaire pour traiter des facteurs de risque fondés sur le genre et pour améliorer la mise en œuvre des politiques et des programmes de santé mentale. L’éducation précoce et la sensibilisation aux troubles mentaux peuvent provoquer une remise en question des idées fausses concernant la maladie mentale.

Sexe, genre, relations saines et santé sexuelle

Une sexualité saine suppose l’acquisition de connaissances, de compétences et de comportements favorables à une bonne santé sexuelle et reproductive, mais c’est aussi avoir des options pour éviter les conséquences non désirées (comme une ITS ou une grossesse imprévue). Les interventions qui favorisent les relations saines doivent être menées en bas âge de sorte que les jeunes hommes et les jeunes femmes mesurent la valeur et l’importance du respect, de l’égalité et de l’harmonie dans les relations. Pour être efficaces, les programmes qui ciblent les jeunes à risque doivent aborder toute une gamme d’expériences individuelles et tenir compte de facteurs tels que le genre, la culture et l’orientation sexuelle. Les collectivités et les écoles jouent également un rôle important en mettant en place des interventions qui visent à aider les jeunes à établir des relations saines, y compris sur le plan sexuel, ou en donnant une plus large portée aux mesures existantes. Les interventions qui parviennent, dans une certaine mesure, à prévenir la violence dans les relations intimes sont celles qui fournissent des outils pour assurer la sécurité des victimes et des victimes potentielles et qui abordent la violence dans un contexte plus vaste d’égalité, de droits et de responsabilités. Les relations saines qui tiennent compte des préoccupations des minorités sexuelles et de genre peuvent également remettre en question la compréhension hétéronormative des relations (c’est-à-dire le fait de considérer l’hétérosexualité comme étant l’orientation sexuelle normale ou à privilégier) et offrir la possibilité d’aborder, dans le cadre de l’éducation sexuelle, les relations saines chez les jeunes et les adultes appartenant à une minorité sexuelle ou de genre.

Les relations saines reposent aussi sur une image de soi valorisante et une perception positive de la santé sexuelle. L’exposition répétée à des images sexualisées peut nuire au développement cognitif et émotionnel des garçons et des filles et les amener à dévaloriser leur image corporelle, réduire leur estime de soi, favoriser l’apparition de troubles de l’alimentation et conduire à la dépression. Les interventions en milieu scolaire ont l’avantage d’atteindre un grand nombre d’enfants et de jeunes; il a d’ailleurs été démontré qu’elles contribuent à réduire, à long terme, les risques de grossesses imprévues, de VIH/sida et d’autres ITS. Cependant, des obstacles continuent de compromettre l’efficacité des programmes d’éducation sur la santé sexuelle en milieu scolaire, notamment le temps consacré à l’enseignement, l’accessibilité du matériel pédagogique et l’indisposition des élèves, des enseignants, des familles et de la collectivité. Certains programmes semblent offrir de meilleures chances de réussite, notamment ceux qui portent à la fois sur les risques inhérents à la sexualité, les facteurs de protection et d’autres facteurs non sexuels, ceux qui permettent aux parents et aux membres de la communauté proches des jeunes d’acquérir de nouvelles compétences et connaissances et, enfin, ceux qui donnent aux jeunes un accès aux services de santé adaptés à la diversité.

La santé sexuelle des adultes plus âgés est un sujet qui est rarement évoqué. Même si les taux d’ITS augmentent chez les groupes plus âgés, les mesures de prévention conçues expressément pour eux se font rares. L’adoption de comportements sexuels sans risque peut dépendre de l’accès aux soins et des renseignements pertinents, mais aussi de la capacité à aborder le sujet avec un professionnel de la santé. La stigmatisation associée à certains sujets en matière de santé sexuelle, en particulier les ITS, est un obstacle important au dépistage, au diagnostic précoce, aux soins et à l’accès à un traitement et à du soutien pour les personnes de tous les âges, de tous les genres et de toutes les orientations sexuelles. Les campagnes de marketing social et les programmes d’éducation sur la santé sexuelle peuvent aider à changer l’image négative entourant la santé sexuelle, l’âge et le genre, mais pour cela ils doivent tenir compte de l’évolution des tendances sociales et des pratiques sexuelles des adultes plus âgés.

Sexe, genre et déterminants socioéconomiques

Le fait de considérer le sexe et le genre en fonction de certains résultats de santé ne montre qu’une partie de la vaste réalité, car de nombreux facteurs socioéconomiques, souvent cumulatifs, influent directement ou indirectement sur la santé d’une personne tout au long de la vie. Parmi les déterminants socioéconomiques présentés dans le rapport, le travail, l’éducation et le rôle parental ont été choisis en raison de leur influence potentielle sur d’autres facteurs, notamment le revenu. Par exemple, l’incidence du genre sur la façon dont les problèmes de santé au travail sont vécus, exprimés, définis et pris en charge peut aider à cerner les facteurs de risque tant chez les hommes que chez les femmes. Les stéréotypes fondés sur le genre (par exemple, qui fait quoi, la valeur attribuée à certains emplois et la perception des risques associés au travail) peuvent compromettre la santé des hommes et des femmes. Les risques de blessures et de maladies peuvent être influencés par des facteurs biologiques, mais aussi par l’ancienneté, le statut social, l’âge, la nature des tâches, les aptitudes techniques et les expériences de vie en dehors du milieu de travail. Pour pouvoir cerner les blessures, les maladies et les douleurs associées au travail et en faire un suivi, il faut mettre en place un programme de santé et sécurité qui surveille les activités. L’absence d’un tel programme, combinée à d’autres facteurs (par exemple, le refus de l’employé ou de l’employeur de signaler un problème), fait en sorte que les questions de santé en milieu de travail ne sont pas rapportées ou ne le sont qu’en partie. Les interventions en milieu de travail doivent tenir compte des réalités du travail, y compris les risques, l’emplacement et le rôle joué par les facteurs de confusion (comme l’environnement et les hypothèses). La lutte contre les stéréotypes et les préjugés fondés sur le genre est nécessaire pour attirer et maintenir en poste les travailleurs dans les secteurs non traditionnels (par exemple, les soins infirmiers). Une vaste analyse comparative des expériences vécues en milieu de travail en fonction du genre est nécessaire pour favoriser la conciliation vie personnelle et vie professionnelle et ainsi fidéliser les effectifs.

De nombreux Canadiens exécutent de façon informelle un travail non rémunéré, y compris ceux qu’on appelle les aidants naturels. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à prodiguer des soins informels, et le nombre d’heures qu’elles y consacrent est plus de deux fois supérieur à celui des hommes. La proportion d’hommes aidants connaît une augmentation. En effet, les hommes sont plus nombreux qu’auparavant à prendre soin de leur conjointe ou de leur conjoint atteint de démence ou d’un autre problème de santé mentale. Cependant, leur accès au soutien communautaire et aux services sociaux est généralement plus restreint, et la recherche sur les programmes de soutien aux hommes aidants se fait rare en raison du peu de reconnaissance qu’on leur attribue. Au Canada, plusieurs programmes appuient les aidants en leur offrant, par exemple, un soutien communautaire ou financier (rémunération, allègements fiscaux et politiques de travail). D’après les résultats d’une méta-analyse, les mesures de soutien aux aidants se révèlent efficaces, mais leur succès repose sur une série de facteurs, y compris le genre, l’origine ethnique et les conditions du programme (comme la durée et le lieu).

L’éducation est un déterminant sous-jacent qui peut avoir des répercussions futures sur certains résultats de santé. Comme c’est le cas d’autres déterminants sociaux, le sexe et le genre peuvent modifier les perceptions par rapport à l’éducation et, par conséquent, ils peuvent entraîner des effets sur la santé à long terme. Le nombre de Canadiens qui terminent leurs études secondaires et poursuivent une éducation, une formation ou une certification postsecondaire a augmenté au cours des deux dernières décennies. Malgré les réussites du système d’éducation, on ignore toujours pourquoi les garçons réussissent moins bien que les filles à l’école. Pour examiner le rendement scolaire selon une perspective axée sur le sexe et le genre, il faut considérer un ensemble d’éléments : l’absence de préjugés de genre dans les critères utilisés pour mesurer la réussite; les facteurs qui favorisent la participation en classe, les pratiques pédagogiques et la pertinence des activités en fonction du genre et de la diversité; les rôles et les attentes après l’obtention du diplôme selon le genre; les perceptions concernant la réussite; les méthodes d’enseignement et leur pertinence selon les styles d’apprentissage des deux sexes, les comportements et les modes de gestion. Tous les enfants ont besoin, à la maison, de solides modèles de comportement afin de réussir leur vie scolaire et sociale. Chez les garçons en particulier, les modèles masculins peuvent influer positivement sur leur rendement.

Il ne faut pas sous-estimer le rôle des pères dans l’éducation des enfants et dans l’établissement de relations saines. Les pères qui participent de façon positive ont un effet bénéfique sur le bien-être cognitif, émotionnel, relationnel et physique des enfants. Le Canada, en tant que société, a amélioré au fil des années son soutien à la recherche et aux programmes axés sur la paternité. Les interventions qui ciblent les pères continuent d’évoluer et de reconnaître l’importance du rôle qu’ils jouent dans la santé et le bien-être des Canadiens. Toutefois, il est possible d’en faire davantage pour s’assurer que les connaissances sur l’engagement paternel sont transmises aux professionnels et aux décideurs qui souhaitent soutenir les familles et favoriser le développement sain de l’enfant.

Sexe, genre et santé publique — La voie à suivre

La plupart des Canadiens sont en excellente ou en bonne santé physique et mentale, et vivent plus longtemps et en meilleure santé qu’auparavant. Cependant, il existe des inégalités en matière de santé entre les hommes, les femmes, les garçons et les filles au Canada. Pour expliquer ces disparités, il faut mieux comprendre les nombreux facteurs qui contribuent à ces différences. Puisque le sexe et le genre jouent un rôle si important et si complexe dans les comportements adoptés par rapport à la santé ainsi que dans la santé et le bien‑être de la population, ils doivent être pris en compte dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des travaux de recherche, des politiques et des programmes.

Le sexe et le genre ont une incidence déterminante sur la vie de chaque personne; par conséquent, il n’existe pas de façon universelle d’aborder la question. Il faut parvenir à une compréhension générale et évolutive du sexe et du genre en tant que principaux déterminants de la santé.

Au Canada, la santé publique est une responsabilité partagée. En tant que société, nous devons comprendre l’importance de prévenir les maladies et de promouvoir la santé et le bien‑être. Les mesures destinées à assurer la santé et le bien‑être des Canadiens doivent être le fruit d’un travail collectif et coordonné afin de bien refléter l’étendue de la géographie et la diversité du Canada. Ces mesures doivent s’inscrire dans la durée et ne pas se limiter à des efforts ponctuels qui n’auront que des effets à court terme. Pour ce faire, nous devons nous inspirer des mesures déjà en place et évaluer les progrès accomplis de manière à pouvoir instaurer les changements souhaités. Si nous voulons continuer d’améliorer la santé des Canadiens, nous devons comprendre ce qui fait le succès de certains programmes et certaines initiatives et l’adapter à la diversité canadienne. Comme société, le Canada est à même de comprendre et de satisfaire les besoins de sa population diversifiée de sorte que tous ses citoyens puissent mener la vie la plus saine possible.

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