ARCHIVÉ - Maladies chroniques au Canada

 

Volume 30, no. 4, Septembre 2010

Compte rendu d’ouvrage — Culture and Health: Applying Medical Anthropology

G. Ko, B. Sc. H., M.D. (en cours) (1); A. Kukaswadia, M. Sc. (1)

https://doi.org/10.24095/hpcdp.30.4.08f

Rattachement

  1. Queen's University, Kingston, Ontario

Auteur : Michael Winkelman, M.H.P., Ph. D.

Éditeur : Jossey-Bass, É.-U.

Date de publication : novembre 2008

Nombre de pages : 512

Format :livre à couverture souple

Prix : 90 $ CAN

ISBN (13): 978-0-4702-8355-4

ISBN (10): 0-4702-8355-6

Culture and Health: Applying Medical Anthropology compare le modèle biomédical occidental et les autres modèles de santé en usage dans le monde. Le texte va au-delà de l’analyse des facteurs individuels ayant une incidence sur les soins de santé pour explorer également l’échelle macroéconomique (politiques gouvernementales ou questions économiques par exemple). Bien que ce livre soit destiné à des lecteurs ayant des connaissances en science de la santé, le jargon scientifique n’est utilisé qu’en cas de réel besoin, et l’auteur tente d’exposer clairement les différents points de vue ethnoculturels à propos de la santé.

Les questions d’auto-évaluation placées à la fin de chaque chapitre sont principalement destinées aux étudiants. Elles incitent néanmoins tous les lecteurs à réfléchir à leur expérience personnelle et à évaluer de façon critique leurs propres compétences culturelles à l’aune des éléments fournis dans le texte. Ce dernier est enrichi et illustré de profils de professionnels, d’études de cas et d’exemples de concepts culturels dans le domaine de la santé : c’est la partie la plus intéressante de l’ouvrage.

Les dix chapitres du livre peuvent être répartis en deux catégories : les cinq premiers chapitres présentent l’anthropologie médicale et ses concepts, les suivants étant consacrés à l’explication concrète des facteurs culturels, écologiques, politiques et psychologiques complexes ayant une incidence sur les réactions physiologiques et la santé.

Dans les deux premiers chapitres, l’auteur compare les concepts culturels de santé et de maladie, mettant l’accent sur les influences des milieux physiques et culturels. Bien que notre compréhension de la santé s’avère efficace dans certaines situations, ces chapitres illustrent la façon dont la définition biomédicale d’une maladie est extrêmement limitée et s’enrichirait des apports des milieux culturels des sujets. Ce principe est illustré par l’exemple de l’augmentation des maladies cardiovasculaires chez les Afro-Américains par rapport aux taux observés chez les Hispano-Américains.

Dans les chapitres 3 et 4, l’auteur analyse les répercussions des compétences culturelles en soins de santé, dans les activités de promotion, en recherche et en administration. Il traite également de l’établissement de lignes directrices dans l’élaboration des politiques et des programmes adaptés aux réalités culturelles, ainsi que des mesures susceptibles d’être prises par les collectivités pour renforcer les traitements et contribuer au processus de guérison.

Dans le chapitre 5 sont présentés les systèmes ethnomédicaux en soins de santé, l’auteur examinant les modalités d’interprétation des symptômes en fonction des différentes cultures et analysant les remèdes traditionnels et la médecine parallèle. Il souligne que le secteur professionnel de la médecine peut être considéré comme une culture en soi du fait des traditions qu’il respecte. Dans le chapitre 6, l’auteur utilise la psychiatrie transculturelle pour illustrer les différents points de vue ethnoculturels sur la psychologie et la psychiatrie, ainsi que pour montrer à quel point la définition d’un comportement « normal » dépend du contexte culturel. L’exemple approfondi choisi pour mettre en lumière ce principe est particulièrement intéressant, compte tenu des politiques en cours d’élaboration actuellement au Canada pour lutter contre la stigmatisation associée à la maladie mentale.

Dans les chapitres 7 et 8, l’auteur approfondit la question des facteurs écologiques ayant une incidence sur la santé, comme la race, l’ethnicité et les contextes sociaux. Il articule son raisonnement autour de l’analyse de l’alcoolisme, en adoptant le point de vue d’une anthropologie médicale critique. Les professionnels de la santé mettent souvent l’accent sur l’individu, avec notamment l’emploi d’expressions comme « leur problème de consommation », et ne tiennent pas compte des facteurs historiques et sociétaux pouvant prédisposer un individu à l’alcoolisme. Ces facteurs devraient pourtant être intégrés, selon l’auteur, à toute démarche de conception d’interventions et de programmes.

Le chapitre 9 porte sur la dynamique psychobiologique de la santé, plus particulièrement sur les répercussions de la religion, des rituels et de la guérison symbolique sur nos fonctions corporelles. Dans ce chapitre, la question des réactions physiologiques à différents symboles est abordée à travers une discussion sur les effets des placébos et d’autres médicaments en vente libre. L’auteur présente à la fin la psychoneuroimmunologie, un domaine plutôt récent qui met l’accent sur la manière dont les symboles, les attentes personnelles et les relations sociales influent sur notre système immunitaire.

Le livre traite pour terminer du chamanisme, un concept plutôt étranger à la médecine occidentale. L’auteur démystifie les pratiques des chamans en expliquant comment ils arrivent à obtenir un état altéré de conscience. À la fin du chapitre, il met l’accent sur les bienfaits du chamanisme sur les pratiques actuelles en psychothérapie, détaillant les éléments du chamanisme utilisés aujourd’hui.

L’auteur a rédigé ce livre pour montrer que de nombreux problèmes ayant des répercussions sur les collectivités multiculturelles ont des origines sociales, économiques et culturelles. Les solutions cliniques ou pharmacologiques classiques n’offrent que des simulacres de guérison : pour résoudre complètement ces problèmes, il faudrait tenir compte des conditions socioculturelles ayant une incidence sur la santé. Cette analyse, alimentée par une abondante littérature, ouvre la voie à une nouvelle conceptualisation de l’étiologie de la maladie.

Étant étudiants et chercheurs en médecine, nous avons trouvé particulièrement pertinents pour notre travail les exemples de concepts culturels en santé, en soins de santé et dans la définition des maladies, ainsi que leurs interactions bioculturelles. Cette vision, qui n’est pas mise en valeur dans la formation médicale occidentale, devrait être envisagée comme une alternative aux pratiques médicales actuelles. Elle pourrait conduire à l’adoption de nouvelles méthodes de recherche interdisciplinaire traitant des problèmes relatifs aux soins de santé.

Le principal point faible du livre réside dans le manque de diversité des profils des professionnels de la santé. Peut-être intéressants pour les étudiants en anthropologie, ces profils, surtout consacrés à des chercheurs universitaires réputés, ne fournissent aucune méthode concrète utilisable par les personnes œuvrant dans un domaine autre que l’anthropologie et par celles susceptibles de concevoir des interventions ou des programmes de recherche. L’auteur pourrait envisager, pour les éditions ultérieures du livre, d’ajouter des profils de professionnels de la santé de première ligne et de se pencher sur les enjeux culturels qu’ils ont dû affronter au cours de leur carrière.

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