Maladies chroniques au Canada

Volume 31 · supplément 1 · automne 2011
L’utilisation des services de santé dans les régions rurales du Canada

Analyse et conclusion

Nous avons présenté dans les sections précédentes des données concernant les consultations de médecins et l’utilisation des services hospitaliers et d’autres services de santé par les Canadiens vivant dans des collectivités urbaines et dans différents contextes ruraux. Nous allons maintenant analyser ces résultats et leurs répercussions à la lumière de trois interrogations :

  • Que signifient ces résultats sous l’angle de la santé rurale?
  • Les résultats offrent-ils un éclairage neuf sur les liens entre le lieu de résidence et la santé, l’équité en matière de santé et la relation entre le système de santé canadien et les soins de santé ruraux?
  • Quelles sont les incidences de ces résultats sur les recherches futures dans le domaine de la santé rurale?

Nous nous sommes fondés sur de multiples sources d’information, dont des données d’enquête et des données administratives tirées de différentes sources, pour examiner l’utilisation des services de santé des Canadiens ruraux. Nous avons enquêté sur la relation possible entre le lieu de résidence et l’utilisation des services de santé aux échelles nationale et provinciales à l’aide de données nationales et de données provinciales provenant de la Nouvelle-Écosse, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, en nous assurant que les résultats n’étaient pas le fait d’un travers méthodologique attribuable à une source de données d’une compétence territoriale donnée.

La quantité des données crée inévitablement des variations entre les résultats selon la base de données utilisée, la compétence territoriale, la catégorie de maladies, les services de santé et la population à l’étude. Toutefois, un certain nombre de grandes tendances se sont dégagées et semblent constantes. Par ailleurs, nous avons évité de considérer le Canada rural comme une entité homogène. De nombreux chercheurs et de nombreux planificateurs des soins de santé ont examiné les différences entre les régions rurales et les régions urbaines, mais peu se sont arrêtés à l’hétérogénéité du Canada rural du point de vue des différentes utilisations des services de santé. Pour corriger cette situation, nous avons « désagrégé » le Canada rural en catégories plus fines, en fonction du degré de ruralité et de l’éloignement des centres urbains.

La présentation synthétique des résultats a fait ressortir certaines tendances générales de l’utilisation des services de santé en milieu rural. Au premier coup d’œil, les relations entre le lieu de résidence et l’utilisation des services de santé semblent varier beaucoup et refléter des situations spécifiques, des préférences individuelles de patients, des styles de pratiques médicales différents ou des profils de prestation de services variant selon les maladies. Mais au niveau national comme au niveau provincial (au moins dans les trois provinces étudiées dans cette étude) et par rapport aux grandes catégories de maladies, certains profils se dégagent de l’utilisation des services : les résidents ruraux consultent en général moins souvent les médecins que les résidents urbains, mais affichent en revanche des risques relatifs d’hospitalisation plus élevés. Ces tendances sont particulièrement nettes chez les personnes qui vivent dans les ZIM faibles et les ZIM nulles. Il y a quelques exceptions en Colombie-Britannique, qui tiennent peut-être au fait que l’analyse des consultations médicales dans cette province portait surtout sur des maladies précises, tandis que l’analyse faite en Nouvelle-Écosse et en Ontario était axée sur des grandes catégories de maladies.

Nous allons maintenant analyser la signification et l’incidence des résultats obtenus.

La « ruralité » n’est pas un concept monolithique

Les régions rurales n’utilisent pas toutes les services de santé de la même manière. Parfois, les différences entre les types de régions rurales sont plus grandes qu’entre les collectivités rurales et les collectivités urbaines. Par exemple, les ZIM fortes semblent différer des autres régions rurales quant à l’état de santé et à l’utilisation des services de santé. Les résidents des ZIM fortes ont en général une longue espérance de vie (hommes : 77,4 ans; femmes : 81,5 ans) et une longue espérance de vie corrigée en fonction de la santé (hommes : 68,7 ans; femmes : 71,3 ans)Note de bas de page 1c comparativement à la population canadienne en général. Cette situation pourrait se traduire par des risques relatifs de consultation chez le médecin moins grands. Du point de vue de l’accès aux services de santé, les résidents des ZIM fortes ont peut-être moins besoin de soins de santé, se heurtent à moins d’obstacles en termes d’accessibilité ou sont mieux en mesure de surmonter les obstacles éventuels.

Inversement, et peut-être est-ce tout naturel, ce sont les résidents des ZIM nulles qui ont en général à leur disposition le moins de ressources en santé et le plus de difficultés à se prévaloir de services de santé. Pourtant, les résidents de ces régions sont en général en moins bonne condition physique. Ils ont l’espérance de vie la plus courte (hommes : 74,0 ans; femmes : 81,4 ans) et l’espérance de vie corrigée en fonction de la santé la plus courte (hommes : 65,5 ans; femmes : 69,9 ans)Note de bas de page 1d. Du point de vue de la planification des soins de santé, les Canadiens des ZIM nulles (et, dans une certaine mesure, ceux des ZIM faibles) ont sans doute le plus besoin d’aide pour surmonter les difficultés d’accès aux soins et pour améliorer leur état de santé. Comme la Commission Romanow l’a soulignéNote de bas de page 24:

En fait, on pourrait dire que l’offre de soins est régie par une « loi inverse ». Les habitants des collectivités rurales ont une moins bonne santé et des besoins en soins de santé primaires plus grands que les habitants des centres urbains, mais ils sont moins bien desservis et ils ont plus de mal à avoir accès aux services de santé. (p. 178)

Utilisation différenciée des services

L’accès aux services de santé et l’utilisation des services de santé diffèrent grandement entre les collectivités urbaines et les collectivités rurales. Par exemple, plus le degré de ruralité augmente, plus les taux d’hospitalisation augmentent, mais plus la durée moyenne des séjours à l’hôpital diminue. De plus, les ruraux font état en plus grande proportion de soins en services d’urgence ou dans des cliniques externes. Ces résultats témoignent non seulement de différences sur le plan de l’état de santé ou des besoins en soins de santé mais peut-être aussi de différences dans la manière dont les services de santé sont organisés ou fournis dans les régions non urbaines, ou de disparités quant à la disponibilité des ressources en santé, y compris les ressources humaines.

Par exemple, Pong et PitbladoNote de bas de page 3b ont décrit les différences entre les pratiques des médecins de famille en milieu rural et des médecins de famille en milieu urbain. Les médecins de famille en milieu rural ont en général un champ d’activité beaucoup plus étendu, ils sont davantage susceptibles de travailler dans des types variés d’établissements de soins de santé et ils sont proportionnellement plus nombreux à assurer des services cliniques et à effectuer des traitements qui seraient généralement fournis par des spécialistes dans les grands centres urbains. En l’absence relative de spécialistes dans les régions rurales, la dépendance plus grande des résidents ruraux à l’égard des soins hospitaliers et des services d’urgence pourrait être attribuable au manque d’établissements de soins ambulatoires communautaires, comme les cliniques sans rendez-vous et les centres de santé communautaire.

Les consultations auprès d’une infirmière sont plus fréquentes chez les résidents ruraux. Les habitants des ZIM modérées, faibles et nulles sont proportionnellement plus nombreux que les gens de la ville à consulter une infirmière et ceux des ZIM nulles encore plus. Les collectivités éloignées ou les très petites collectivités sont dotées de postes d’infirmières itinérantes ou d’infirmières praticiennes qui offrent un large éventail de services de santé, dont le diagnostic et le traitement de maladies mineures, les médecins assurant le suivi et la consultation à distance ou par consultations de proximité périodiques.

Ces divergences d’utilisation ne sont pas une aberration, elles sont au contraire prévisibles. Il importe de faire la distinction entre les variations régionales dans l’utilisation des services de santé et les disparités régionales dans l’état de santé ou les résultats des soins. Les premières ne sont pas nécessairement préjudiciables, dans la mesure où elles ne reflètent que des moyens différents de parvenir aux mêmes fins et où les secondes sont réduites au minimum. Toutefois, si des disparités régionales notables persistaient dans l’état de santé, il faudrait remettre en question la méthode de prestation de services ou les niveaux de consommation des services. Ceci dit, même si nous avons utilisé les RMR et les AR comme groupe de référence aux fins de comparaison avec les catégories rurales, nous n’estimons pas pour autant que les taux d’utilisation observés dans les régions urbaines devraient être la norme vers laquelle les régions rurales devraient tendre.

Système de santé et santé rurale

Quoique des différences existent entre les collectivités rurales et les collectivités urbaines, il ne faudrait pas en exagérer l’importance, pas plus qu’il ne faudrait en déduire que la situation dans les régions rurales est toujours mauvaise ou, du moins, est pire que celle qui prévaut dans les régions urbaines. Si, de manière générale, les résidents ruraux ont un accès moins facile à certains types de services de santé ou utilisent moins certains types de services, pour le reste il n’y a pas de différence notoire entre les régions rurales et urbaines. Parfois, les résidents ruraux utilisent même davantage certains types de services que ne le font les résidents urbains.

Le système de santé canadien, qui garantit l’universalité des soins hospitaliers et des soins médicaux fondamentaux, et la Loi canadienne sur la santé, qui compte l’« accessibilité » parmi ses cinq principes, visent à ce que les ressources financières ne soient pas une condition d’obtention de soins hospitaliers et de soins médicaux fondamentaux. Toutefois, l’universalité des soins ne veut rien dire si les praticiens et les services ne sont pas disponibles ou très difficiles à trouver dans certaines zones du pays. C’est pour cette raison que presque tous les gouvernements provinciaux et territoriaux ont créé des programmes spéciaux (p. ex. le Programme des services aux régions insuffisamment desservies en Ontario, le Fly-In Program de la J.A. Hildes Northern Medical Unit au Manitoba et le Travel Assistance Program en Colombie-Britannique) destinés à ceux qui doivent parcourir de grandes distances pour se faire soigner. Ces programmes (et d’autres) aident les résidents ruraux, particulièrement des régions les plus éloignées, à obtenir un accès plus facile aux services de santé et contribuent ainsi à réduire l’iniquité. Tous ces efforts témoignent de la vigueur du système de santé canadien.

Néanmoins, il faut noter que la présente étude s’est surtout concentrée sur les services de santé assurés, en particulier ceux fournis par les médecins et les hôpitaux. Les services non couverts par le système de santé, par exemple la réadaptation fonctionnelle, les soins à domicile, les soins dentaires et la santé mentale communautaire, n’ont pas été examinés en détail, principalement en raison de la difficulté d’obtenir des données. Par conséquent, on ne sait pas encore très bien si, à l’échelle nationale, les résidents ruraux ont un meilleur ou un moins bon accès à ces services que les résidents urbains, et s’ils utilisent ces services dans la même mesure que les résidents urbains. Il faudra poursuivre les recherches lorsque les données seront disponibles.

On ignore aussi si les résidents urbains et ruraux ont la même facilité (ou difficulté) à se prévaloir des services de santé. Si, en théorie, tous les Canadiens ont accès aux soins hospitaliers et médicaux fondamentaux, certains pourraient n’y avoir accès qu’au prix de beaucoup de désagréments et de difficultés. Par exemple, les résidents des collectivités éloignées ont le même droit aux soins de spécialistes que ceux qui vivent dans les grands centres urbains, mais ils ont souvent une grande distance à parcourir pour bénéficier d’une consultation. Cela pourrait les conduire à des absences au travail, des pertes de revenu, des frais de déplacement importants et une plus grande détresse émotionnelle. En d’autres mots, l’accessibilité est une chose, mais son prix (financier et psychologique) en est une autre. En raison du manque de données, nous n’avons pas pu traiter ces questions dans cette étude.

Causes des variations régionales d’utilisation

Conformément au modèle d’AndersenNote de bas de page 2e, les variations régionales dans l’utilisation des services pourraient tenir, entre autres, à des besoins médicaux différents et à des variations dans la disponibilité des ressources en soins de santé. Par exemple, nous avons observé des risques relatifs de consultations chez le médecin et d’hospitalisation pour cause de traumatismes ou d’intoxications plus grands dans les régions rurales, tant à l’échelle nationale que dans les trois provinces examinées. Ces risques plus élevés traduisent peut-être la probabilité accrue de subir des accidents ou des blessures en raison des métiers associés à l’agriculture, à la pêche, à l’exploitation forestière ou à l’extraction minière. De même, le risque relatif beaucoup plus élevé de consultations ambulatoires liées au diabète dans les ZIM nulles observé dans les trois provinces pourrait être attribuable à la prévalence plus grande du diabète chez les Autochtones, lesquels composent une grande proportion de la population des régions les plus éloignées.

Les différences observées dans la disponibilité des ressources et dans les modèles de prestation des services influent beaucoup sur l’utilisation des services. Par exemple, l’offre limitée en soins communautaires, la charge de morbidité plus lourde et d’autres facteurs comme l’éloignement des services pourraient accroître la dépendance à l’égard des hôpitaux chez les Canadiens ruraux.

Rôle du « lieu » en santé

Est-ce que le lieu de résidence influe sur l’accès aux services de santé et leur utilisation? D’après les résultats de la présente étude et ceux de la précédente, intitulée Comment se portent les Canadiens vivant en milieu rural?Note de bas de page 1e, il faut répondre à cette question par l’affirmative : « Oui, le lieu de résidence importe, dans certains cas ». Une série d’analyses de régression multivariées a montré, lorsqu’on tient compte de divers facteurs sociodémographiques, de certaines maladies et des comportements en matière de santé, que le lieu de résidence, qu’il soit urbain ou rural, a un effet indépendant sur un certain nombre d’aspects de l’utilisation des services de santé.

Mais l’importance du lieu de résidence dépend également des variables choisies. C’est un facteur important dans certains cas, négligeable dans d’autres. Par exemple, les données tirées de l’Enquête sur l’accès aux services de santé révèlent que le lieu de résidence a un effet indépendant sur le fait de ne pas avoir de médecin de famille seulement dans les ZIM nulles, les autres variables étant contrôlées (figure 2). Par ailleurs, le lieu de résidence a un effet indépendant sur la probabilité d’être hospitalisé dans toutes les ZIM sauf dans les ZIM fortes (tableau 9).

Mais quelles caractéristiques du lieu de résidence font qu’il influe sur les comportements et les résultats en matière de santé? C’est une question tout aussi importante, et à laquelle il est sans doute plus difficile de répondre. Comme nous l’avons déjà vu, le « lieu » a de multiples significations : l’environnement physique, la population, les conditions socioéconomiques, les activités professionnelles, la culture, les coutumes, la structure communautaire, les relations sociales, etc. Par conséquent, lorsque nous parlons du rôle du lieu de résidence en santé, nous parlons en fait de la façon dont la santé est influencée par des facteurs interactifs qui se retrouvent réunis dans des endroits géographiques donnés. Puisque la présente étude, ainsi que d’autres, a établi qu’il importe de tenir compte du lieu pour comprendre la santé, il nous appartient d’aller au-delà de la simple ruralité et d’examiner comment ces facteurs interactifs influent sur la santé – et sont influencés par elle – dans le Canada rural.

De plus, la « ruralité » n’est qu’un aspect du « lieu » en lien avec la santé. On s’intéresse de plus en plus à d’autres aspects du lieu de résidence et à leurs rapports avec la santé, comme l’illustre le nombre croissant d’ouvrages sur la santé urbaine en général, la santé en centre-ville, la santé circumpolaire et la santé frontalière (p. ex. dans les régions longeant la frontière américano-mexicaine). Nous comprendrions mieux la santé rurale si nous en savions davantage sur la santé dans les quartiers, dans les centres-villes, dans les banlieues, aux frontières, dans les régions isolées, etc.

Que faire maintenant?

Si cette étude, tout comme la premièreNote de bas de page 1f, a traité de très nombreux points, on ignore encore beaucoup de choses à propos de la santé des Canadiens ruraux et de la façon dont ils utilisent les services de santé. Voici quelques points qui pourraient guider les travaux futurs, pour une meilleure compréhension de la santé rurale et de l’utilisation des services de santé.

  • La « ruralité » n’est pas un concept monolithique. Sur le plan de l’accès aux services de santé et de leur utilisation, les ZIM fortes ressemblent davantage aux villes, les ZIM nulles étant à l’autre extrémité et les ZIM modérées et faibles quelque part entre les deux. Doit-on accorder une attention et un soutien tout particuliers aux habitants des ZIM nulles et faibles, étant donné que ce sont eux qui pourraient avoir le plus besoin d’aide et disposer de moins de choix? En ce cas, quels types de soutien devraient être accordés et quelles autres données devraient être recueillies pour déterminer avec précision ces besoins et ce soutien?
  • Les différences dans la prestation et l’utilisation des services de santé entre les régions rurales et urbaines ne sont pas nécessairement préjudiciables et pourraient même témoigner de conditions et de besoins différents. Ce qui est efficace dans les grandes villes ne l’est pas nécessairement dans les collectivités éloignées. Ce qui est indispensable dans les régions urbaines ne l’est peut-être pas dans les régions rurales. Il faut pousser davantage les recherches pour découvrir si les modes de prestation des services utilisés dans les régions rurales sont adaptés à la situation sociale et à l’état de santé des habitants. Il serait aussi intéressant de déterminer si certaines méthodes adoptées par les collectivités rurales pourraient servir de modèles aux régions urbaines canadiennes.
  • Des variations régionales dans la prestation des services de santé sont acceptables, mais pas des disparités importantes et persistantes dans l’état de santé de la population. De nombreuses études sur la santé rurale, y compris Comment se portent les Canadiens vivant en milieu rural?Note de bas de page 1g, ont fait état du moins bon état de santé des Canadiens ruraux. Des variations régionales importantes et persistantes dans l’état de santé de la population devraient être interprétées comme un signe de problème ou de dysfonctionnement dans les stratégies de prestation des soins de santé. Cela devrait nous inciter à suivre sur des périodes plus longues l’évolution des conditions de santé en milieu rural et à faire des études longitudinales de l’état de santé de la population rurale.
  • La présente étude a surtout porté sur les services de santé assurés, étant donné que les données sur ces services sont plus facilement disponibles. Les différences sont peut-être encore plus grandes entre les Canadiens ruraux et urbains en ce qui a trait à l’accès aux services non assurés et à l’utilisation des services non assurés (tels que les soins dentaires, les soins de la vue et la réadaptation fonctionnelle), étant donné que ces services ne sont généralement pas remboursés et que certains sont très peu accessibles dans les collectivités rurales. Les futures recherches sur la santé rurale ne devraient pas se borner aux services couverts par le régime national d’assurance-santé. Il faudrait mettre rapidement sur pied un meilleur système de collecte des données portant sur les services autres que ceux des médecins et des hôpitaux.
  • À cause du manque de données, la présente étude ne s’est pas focalisée non plus sur la promotion de la santé, la prévention des maladies, l’intervention précoce ou les mesures de prévention des accidents, des blessures et des suicides. Du point de vue de la santé de la population, ces services préventifs sont aussi importants que les services curatifs. Si les services curatifs et correctifs sont essentiels, il importe néanmoins de s’attaquer aux déterminants négatifs ayant un effet néfaste sur la santé de la population. Nous en savons encore moins sur ces soins non curatifs en région rurale, d’où la nécessité d’en faire une priorité de recherche.
  • Les variations dans l’accès et dans l’utilisation des services de santé dépendent vraisemblablement de nombreux facteurs, pas simplement de l’absence de services ou de ressources à proximité. Par exemple, le manque de moyens de transport pourrait dissuader certains résidents ruraux de se prévaloir de soins qui ne sont offerts que dans des centres urbains éloignés. Cela signifie que les solutions ne relèvent pas exclusivement du domaine de la santé, et que l’amélioration des transports pourrait par exemple être tout aussi importante. C’est pourquoi les recherches en santé rurale devraient se pencher sur des facteurs généralement non reliés à la santé, mais pouvant néamoins éclairer les modalités d’accès des Canadiens ruraux aux services de santé et à leur utilisation.
  • La nature des données et des méthodes utilisées dans cette étude ne permet pas de démêler les relations complexes qui existent entre les ressources en soins de santé, les modes de prestation des services de santé et la charge de morbidité, ni de déterminer leur incidence relative sur l’utilisation des services. De plus, il est impossible d’estimer ici dans quelle mesure l’utilisation des services de santé est un déterminant de l’état de santé chez les Canadiens ruraux. Cependant, si on peut dire sans risque d’erreur que les services de santé sont importants pour l’amélioration de l’état de santé des Canadiens en milieu rural, notamment en raison de la charge de morbidité généralement plus lourde, il est plus difficile de déterminer l’ampleur de cette importance. Ces éléments comptent dans la recherche et la planification en santé rurale et il faut les examiner de plus près.
  • Il est probablement impossible d’obtenir une égalité parfaite dans la répartition des ressources en santé et l’accès aux soins, mais nous ne savons pas quel degré d’inégalité est acceptable. Cette question relève de la politique tout autant que de la philosophie ou de l’éthique. La société pourrait avoir à trouver un équilibre entre la facilité d’accès, d’une part, et la viabilité économique, l’aspect pratique et la qualité des soins, d’autre part. Les Canadiens ruraux devraient être écoutés à ce propos. Les personnes qui s’intéressent à l’éthique en santé devraient aussi participer à cet important débat et lancer des recherches sur les enjeux éthiques en santé rurale.
  • Comme nous l’avons mentionné, la « ruralité » n’est qu’un caractère du « lieu ». On s’intéresse de plus en plus à la façon dont différents aspects du « lieu » influent sur l’état de santé et sur les comportements en matière de santé. Au bout du compte, on aimerait savoir s’il existe des principes sous-jacents ou des cadres théoriques communs susceptibles de guider la recherche en santé rurale, en santé dans les centres-villes, en santé dans les régions éloignées, en santé circumpolaire, etc., et susceptibles également d’aider à mieux comprendre les relations entre le « lieu » et la santé. À cette fin, les chercheurs en santé rurale doivent travailler de concert avec les chercheurs en santé s’intéressant à d’autres aspects du « lieu », pour créer une synergie dans la recherche et progresser sur le plan théorique.

Pour accroître l’équité en santé pour tous les Canadiens quel que soit leur lieu de résidence, nous devons mieux comprendre les variations dans l’état de santé et dans l’utilisation des services de santé. Pour cela, nous nous sommes ici attardés aux variations dans l’utilisation des services de santé, tandis que le premier rapport Comment se portent les Canadiens vivant en milieu rural?Note de bas de page 1h, s’est surtout penché sur les variations dans l’état de santé. Nous avons examiné en détail la façon dont les Canadiens ruraux accèdent à un large éventail de services de santé et utilisent ces services. Nous nous sommes servis de plusieurs sources de données, de différents types (données d’enquête ou administratives), et avons fait des analyses à l’échelle nationale et provinciale. Nous avons examiné l’utilisation des services de santé à grande échelle et en rapport avec un certain nombre de catégories de maladies. Allant au-delà de la simple dichotomie rural-urbain, nous avons scindé le milieu rural en catégories plus fines pour mieux comprendre les variations intrarurales dans la consommation des soins de santé. Nous espérons qu’en offrant un éclairage neuf sur les modalités d’utilisation des services en soins de santé et en répondant aux questions laissées précédemment en suspens, la présente étude contribuera à l’amélioration des soins de santé fournis aux Canadiens ruraux et à une meilleure compréhension du rôle du lieu.

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