Lettre à la rédaction - MCBC : Vol 34, No 4, novembre 2014

Volume 34 · numéro 4 · novembre 2014

Lettre à la rédaction

Analyse à long terme des tendances concernant l'incidence du cancer, la mortalité par cancer et la survie au cancer au Canada

https://doi.org/10.24095/hpcdp.34.4.11f

Réaction à l'article : « Tendance concernant l'incidence du cancer, la mortalité par cancer et la survie au cancer au Canada entre 1970 et 2007 », par L. Kachuri, P. De, L. F. Ellison, R. Semenciw et le Comité consultatif des statistiques sur le cancer (Maladies chroniques et blessures au Canada, vol. 33, n° 2, mars 2013, p. 69-80).

L'article « Tendance concernant l'incidence du cancer, la mortalité par cancer et la survie au cancer au Canada entre 1970 et 2007 » est une analyse des tendances à long terme au Canada pour certains cancers (prostate, sein, poumon et colorectal) réalisée au moyen de données tirées du Registre canadien du cancer, du Système national de déclaration des cas de cancer et de la Base canadienne de données sur l'état civil. L'analyse consiste en un examen des tendances à long terme de l'ensemble des cancers, puis un examen des quatre cancers les plus courants au Canada, c'est-à-dire ceux dont les tendances en matière d'incidence et de mortalité ont été marquées par les changements les plus importants au cours des dix dernières années.

Le contexte de l'analyse n'est pas présenté correctement. Les auteurs n'ont fourni aucune justification de la période choisie (1970-2007) pour l'étude des tendances à long terme. Il est essentiel de fournir des raisons convaincantes pour justifier la période choisie et pour expliquer pourquoi les années antérieures à 1970 n'ont pas été incluses dans l'analyse.

En outre, les auteurs ont utilisé plusieurs sources de données pour leur analyse, mais il est difficile de déterminer le lien qui unit ces sources de données. Ils auraient pu fournir des éclaircissements à cet égard. Par exemple, quel est le lien entre les données sur la mortalité par cancer et les données sur l'incidence du cancer utilisées dans l'analyse? On ne sait pas si la population ayant servi de base au calcul de l'incidence du cancer est la même que celle ayant servi à établir les taux de mortalité. Cela pourrait conduire à une mauvaise interprétation des résultats de l'étude. Les auteurs auraient dû expliquer plus en détail leur choix des critères pour les taux de mortalité indiqués. Il aurait aussi fallu indiquer clairement si ces taux de mortalité s'appliquaient à l'ensemble de la période 1970-2007. Il est difficile pour le lecteur de savoir quelle période ces taux de mortalité couvrent.

Dans la mesure où l'étude visait l'analyse des tendances à long terme de l'incidence du cancer et de la mortalité par cancer, il y aurait eu lieu de préciser les différentes catégories d'âge concernées. Dans ce domaine, la présentation des données selon le sexe uniquement ne permet pas d'obtenir de bonnes tendances en matière d'analyse du cancer, ce qui pourrait avoir des conséquences majeures en termes de politiques. En effet, l'interprétation des résultats de l'étude demeure limitée, dans la mesure où l'on ne tient pas compte d'autres variables individuelles susceptibles d'avoir une incidence sur les politiques.

Dans la section sur les limites de l'étude, les auteurs ont indiqué avoir tenu compte d'un certain nombre de facteurs de risque et de facteurs modifiables liés au mode de vie. Cependant, à la lecture de la section des résultats, il apparaît qu'aucun de ces facteurs n'a été intégré à l'étude. Les auteurs auraient dû indiquer de quels facteurs de risque et de quels facteurs modifiables liés au mode de vie ils avaient tenu compte dans leur analyse. Pour toutes ces raisons, les résultats de l'étude doivent être interprétés avec prudence.

En conclusion, l'article donne un aperçu des tendances et de l'incidence du cancer au Canada en présentant certaines répercussions potentielles sur les politiques. D'autres études sont nécessaires pour tenir compte d'autres facteurs (facteurs individuels et facteurs de risque) susceptibles d'avoir des répercussions sur l'incidence du cancer et sur les taux de mortalité par cancer au Canada.

Emmanuel Banchani, M.A.
Étudiant au doctorat, Université Memorial de Terre-Neuve, St John's (Terre-Neuve-et-Labrador), Canada

Réponse des auteurs

Nous tenons à remercier M. Banchani d'avoir relevé au sujet de notre étude des points demandant une explication approfondie. Cependant, certains aspects de la recherche de surveillance semblant avoir été mal compris, nous voulons aussi profiter de cette occasion pour les clarifier.

Le choix de la période d'étude a été principalement motivé par la disponibilité et l'uniformité des données sur l'incidence. Le registre national du cancer a été créé en 1969 par Statistique Canada. Au départ, il s'agissait d'une base de données axée sur les événements, le Système national de déclaration des cas de cancer, qui a été remplacé en 1992 par le Registre canadien du cancer (RCC), axé sur les patientsNote du fin du texte 1 L'année 1970 est la première année pour laquelle les données sur l'incidence nationale du cancer nous ont paru suffisamment fiables pour l'analyse. Au moment de la publication de notre article, les données sur l'incidence du cancer étaient disponibles jusqu'à l'année 2007 seulement, qui a constitué la dernière année d'observation pour notre analyse. La période d'analyse des taux de mortalité a été choisie de façon à ce qu'elle corresponde à celle des données sur l'incidence, pratique courante dans le cadre des études de surveillance.

La Base canadienne de données sur l'état civil - DécèsNote du fin du texte 2, d'où ont été tirés les taux de mortalité présentés dans notre publication, inclut les décès (y compris par cancer) de tous les résidents décédés au Canada de 1950 à 2009 (années disponibles au moment de la publication de notre article). Même si elle n'a pas été mentionnée clairement dans la section sur les sources de données, la période d'analyse des taux de mortalité (1970-2007) est clairement indiquée sur l'ensemble des tableaux et des figures. La base de données sur l'incidence et celle sur la mortalité étant toutes deux axées sur la population, elles sont étroitement liées. Toutefois, il n'y a pas de rapport direct entre les taux d'incidence et les taux de mortalité pour une année donnée car, en général, les personnes qui reçoivent un diagnostic de cancer survivent au-delà de l'année du diagnostic. En outre, certains décès observés au cours de la période étudiée peuvent être associés à des cancers diagnostiqués avant 1970. De la même manière, certaines personnes ayant reçu un diagnostic de cancer pendant la période étudiée peuvent être soit encore en vie en 2007, soit être mortes, soit être mortes d'une autre cause. Contrairement aux études de cohorte, dans le cadre desquelles on suit un groupe d'individus au fil du temps puis on examine les résultats sur le plan de leur santé, les études de surveillance permettent d'examiner les taux d'incidence et les taux de mortalité d'une maladie de façon transversale.

Les méthodes décrites dans notre article précisent que tous les groupes d'âge ont été inclus dans l'analyse des taux d'incidence et de mortalité et que les groupes d'âge de 15 à 99 ans ont été inclus dans l'analyse des taux de survie. Qui plus est, nous avons expliqué que les taux ajustés selon l'âge avaient été calculés en tenant compte de l'effet de l'âge sur les taux de cancer lors de l'examen des évolutions. Nous reconnaissons qu'une analyse stratifiée par groupes d'âge aurait augmenté notre capacité d'examen des différences selon l'âge, mais une telle analyse dépassait la portée de notre article. Notre objectif était de donner un aperçu de l'incidence du cancer, de la mortalité par cancer et de la survie au cancer et d'en discuter dans un contexte de nouvelles tendances quant aux principaux facteurs de risque modifiables au Canada. Des analyses par sous-groupes particuliers, effectuées à l'aide d'ensembles de données similaires (p. ex. tendances selon l'âge), se retrouvent ailleurs.Note du fin du texte 3

Banchani mentionne que notre analyse devrait être examinée en fonction d' « autres variables individuelles », mais ce que cela signifie n'est pas très clair. En règle générale, les registres de cancer basés sur la population ne recueillent pas de variables sociodémographiques comme le niveau de scolarité, la profession ou le revenu permettant d'effectuer des analyses stratifiées en fonction de ces facteurs. Ce n'est que tout récemment que l'on a relié le RCC et les données du recensement canadien de 1991. On prévoit que ces données permettront de réaliser des analyses sur les liens entre données sociodémographiques et données sur le cancer.

Banchani mentionne aussi que nous n'avons pas tenu compte des données sur les facteurs de risque dans notre analyse. Comme celle-ci reposait sur des données de population et non sur des données individuelles, il était impossible d'ajuster selon la prévalence des facteurs de risque. A` la place, et comme c'est l'habitude dans la majorité des études de surveillance, nous avons inséré les tendances observées à la discussion sur les facteurs de risque dont des estimations à l'échelle de la population étaient disponibles à partir d'enquêtes nationales, que ce soit la prévalence du tabagisme, de la consommation d'alcool et des maladies infectieuses chez les Canadiens ou des mesures de l'indice de masse corporelle (IMC) et de l'activité physique. La prévalence selon l'âge et le sexe de quelques facteurs de risque du cancer est disponible dans certaines enquêtes nationales sur la santé comme l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes Note du fin du texte 4.

Les études de surveillance comme la nôtre demeurent des sources d'information importantes sur le contrôle et la prévention du cancer dans la mesure où elles identifient les principales tendances touchant le cancer, ce qui permet d'orienter les besoins en matière de ressources en soins de santé et leur répartition, d'évaluer l'impact auprès de la population des activités de prévention et des traitements et enfn d'aider à prioriser les besoins des survivants du cancer.

Prithwish De, Linda Kachuri, Larry F. Ellison et Robert Semenciw

Références


1Statistique Canada. Registre canadien du cancer (RCC) [Internet]. Ottawa (Ont.) : Statistique Canada; [modifié le 3 oct. 2012; consulté le 17 janv. 2014]. http://www.23.statcan.gc.ca/imdb/p2SV_f.pl?Function=getSurvey&SDDS=3207&lang=en&db=imdb&adm=8&dis=2
2Statistique Canada. Causes de décès, [Statistique Canada, n° 84-208-X au catalogue] 2009 [Internet]. Ottawa (Ont.) : Statistique Canada; [modifié le 13 mai 2013, consulté le 17 janv. 2014]. http://www.statcan.gc.ca/pub/84-208-x/84-208-x2012001-fra.htm
3Société canadienne du cancer, Comité consultatif des statistiques canadiennes sur le cancer. Statistiques canadiennes sur le cancer 2013. Toronto (Ont.) : Société canadienne du cancer; 2013.
4Statistique Canada. Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes ñ Composante annuelle (ESCC) [Internet]. Ottawa (Ont.) : Statistique Canada; 2013 [modifié le 30 sept. 2013, consulté le 17 janv. 2014]. http://www23.statcan.gc.ca/imdb/p2SV_f.pl?Function=getSurvey&SDDS=3226&Item_Id=144171&lang=fr#a5

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