Le Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec (SISMACQ), une approche novatrice - MCBC : Vol 34, No 4, novembre 2014

Volume 34 · numéro 4 · novembre 2014

Le Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec (SISMACQ), une approche novatrice

C. Blais, Ph. D. (1, 2); S. Jean, Ph. D. (1, 3, 4); C. Sirois, Ph. D. (1, 5); L. Rochette, M. Sc. (1); C. Plante, M. Sc. (1); I. Larocque, M. Sc. (1); M. Doucet, Ph. D. (1, 3); G. Ruel, Ph. D. (1, 6); M. Simard, M. Sc. (1); P. Gamache, B. Sc. (1); D. Hamel, M. Sc. (1); D. St-Laurent, M. Sc. (1); V. Émond, M. Sc. (1)

https://doi.org/10.24095/hpcdp.34.4.06f

Cet article a fait l'objet d'une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs :

  1. Institut national de santé publique du Québec, Québec (Québec), Canada
  2. Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec), Canada
  3. Faculté de médecine, Université Laval Québec (Québec), Canada
  4. Département de médecine, Université de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec), Canada
  5. Département de sciences infirmières, Université du Québec à Rimouski, Lévis (Québec), Canada
  6. Population Research Outcome Studies (PROS), University of Adelaide, Adelaide (South Australia), Australie

Correspondance : Valérie Émond, Institut national de santé publique du Québec, 945, avenue Wolfe, Québec (Québec) G1V 5B3; tél. : 418-650-5115 poste 5720; téléc.: 418-643-5099; courriel : valerie.emond@inspq.qc.ca

Résumé

Introduction: Avec l'accroissement du fardeau des maladies chroniques, la surveillance est fondamentale pour améliorer la prévention et la prise en charge de ces dernières. L'Institut national de santé publique du Québec a donc développé un système novateur de surveillance des maladies chroniques, le Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec (SISMACQ), dont les principales caractéristiques, les forces et les limites sont présentées ici.

Méthodologie : Le SISMACQ est le résultat du jumelage de cinq fichiers médicoadministratifs. Mises à jour annuellement, ses données couvrent actuellement la période du 1er janvier 1996 au 31 mars 2012. Trois étapes en caractérisent le modèle opérationnel : 1) l'extraction et le jumelage des données médico-administratives grâce à divers critères de sélection; 2) les analyses (principalement la validation des définitions) et la production des mesures de surveillance et 3) l'interprétation, le dépôt et la diffusion de l'information. Le SISMACQ permet actuellement l'étude des maladies chroniques suivantes : diabète, maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires, ostéoporose, maladies ostéoarticulaires, troubles mentaux et Alzheimer et maladies apparentées. Il permet également l'analyse de la multimorbidité et de la polypharmacie.

Résultats : Pour 2011-2012, le SISMACQ contenait des données sur 7 995 963 Québécois, et leur moyenne d'âge était de 40,8 ans. Parmi eux, 95,3 % répondaient à au moins un critère de sélection permettant l'application de définitions de cas pour la surveillance des maladies chroniques. Cette proportion variait avec l'âge : de 90,1 % chez les Québécois de 19 ans et moins à 99,3 % chez ceux de 65 ans et plus.

Conclusion: Le SISMACQ permet la production de données, à l'échelle de la population, sur le fardeau de plusieurs maladies chroniques, sur l'utilisation des services de santé et sur la consommation de médicaments. Il rend possible l'étude intégrée de la combinaison de plusieurs maladies, une approche jusqu'à présent rarement mise en oeuvre dans un contexte de surveillance populationnelle. Le SISMACQ répond aux attributs essentiels d'un système de surveillance et aide à la diffusion de l'information auprès des décideurs en vue d'actions en santé publique.

Mots-clés : surveillance, maladies chroniques, fichiers médico-administratifs, modèle de surveillance, santé publique

Introduction

D'après l'Organisation mondiale de la santé (OMS)Footnote 1 et les Nations unies,Footnote 2 le fardeau des maladies chroniques s'accroît et va continuer à s'accroître. Diverses stratégies de prévention et de contrôle sont nécessaires pour lutter contre cet état de fait, et le développement de la surveillance est le fondement de ces stratégies.Footnote 3 En effet, les données issues de la surveillance permettent d'identifier des sous groupes d'individus atteints de maladies chroniques (ou à haut risque de les développer) et de cerner leurs besoins. Elles servent de guide lors de la mise en place des programmes de prévention, facilitent la planification des services de santé et orientent le choix des priorités en santé publique.

Le vieillissement de la population que connaît le Québec entraîne une charge importante sur le système de santé en regard des maladies chroniques. Celles-ci doivent ainsi faire l'objet d'une surveillance accrueFootnote 4 particulièrement les plus fréquentes, invalidantes, ou celles associées à une mortalité prématurée, telles que le diabè te, les maladies cardiovasculaires (MCV), les maladies respiratoires, les maladies ostéoarticulaires, l'ostéoporose, les troubles mentaux ainsi que l'Alzheimer et les maladies apparentées. C'est dans ce contexte que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) du Québec a mandaté l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pour développer et mettre en oeuvre la surveillance des maladies chroniques au Québec à partir de données médico-administratives.

Dans un système de santé universel comme celui du Québec, les données sur la santé colligées à des fins administratives constituent en effet une source précieuse pour la surveillance des maladies chroniques.Footnote 5 Ces données permettent l'obtention de mesures fiables et valides,Footnote 6, Footnote 7 de façon continue et systématique. De plus, le jumelage de plusieurs bases de données permet l'étude des issues de santé et de l'utilisation des ressources. Leur exploitation s'avère pratique, relativement simple, accessible et peu coûteuse. Généralisables à l'échelle de la population, elles permettent de minimiser les biais associés aux études réalisées sur la base d'échantillons (en particulier les biais de sélection, de rappel et de non-réponse).Footnote 8, Footnote 9 Cependant, comme ces fichiers de données sont conçus pour répondre à des besoins d'ordre administratif, leur utilisation à des fins de surveillance épidémiologique nécessite de respecter des standards de qualité rigoureux.

C'est ainsi que l'INSPQ a créé le Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec (SISMACQ), dont nous dressons ici le portrait. Nous présentons son contenu et nous en décrivons les forces, les limites et les possibilités. Le choix d'une approche intégrée lors de la création du système s'est avéré essentiel pour répondre non seulement aux objectifs traditionnels de surveillance des maladies individuelles, mais également à ceux liés au cumul des maladies. Initialement développée pour la surveillance du diabè te, cette méthode a permis également au Québec de participer, avec les autres provinces et territoires, au Système national de surveillance du diabète (SNSD), qui visait à combler des lacunes en matière d'information sur la prévalence et les effets du diabète au Canada.Footnote 10, Footnote 11, Footnote 12 Cette méthodologie a depuis été mise à profit pour la surveillance d'autres maladies chroniques, notamment au sein du Système canadien de surveillance des maladies chroniques (SCSMC).

Méthodologie

Sources des données

Les données du SISMACQ sont extraites de cinq fichiers médico-administratifs jumelés et mis à jour annuellement (figure 1, partie du haut) : le fichier d'inscription des personnes assurées (FIPA), le fichier des hospitalisations MED-ÉCHO (Maintenance et exploitation des données pour l'étude de la clientèle hospitalière), le fichier des décès du registre des événements démographiques, le fichier des services médicaux rémunérés à l'acte et le fichier des services pharmaceutiques (pour les personnes de 65 ans et plus). Parmi l'ensemble des variables présentes dans ces fichiers, seules celles nécessaires à la surveillance des maladies chroniques sont intégrées au SISMACQ. Le numéro d'assurance maladie (NAM) est utilisé comme clé de jumelage des fichiers. À l'automne 2013, les données disponibles couvraient la période du 1er janvier 1996 au 31 mars 2012, hormis le fichier des décès (jusqu'au 31 décembre 2009).

FIGURE 1
Modèle opérationnel du SISMACQ

Modèle opérationnel

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FIGURE 1
Modèle opérationnel du SISMACQ

La figure 1 illustre le modèle opérationnel du SISMACQ , qui repose sur trois étapes, en lien avec les trois composantes des systèmes de surveillance: l'extraction et le jumelage des données, l'analyse et la production des mesures ainsi que l'interprétation et la diffusion de l'information.

Extraction et jumelage des données médico-administratives
Les données du SISMACQ . sont extraites de cinq fichiers médico-administratifs jumelés et mis à jour annuellement. L'INSPQ reçoit, pour les variables sélectionnées, des identifiants uniques anonymes avec une information individuelle complète pour toute la population du Québec pour trois des fichiers : le fichier d'inscription des personnes assurées (FIPA), le fichier des hospitalisations MED-ÉCHO (Maintenance et exploitation des données pour l'étude de la clientèle hospitalière) et le fichier des décès du registre des événements démographiques.

Analyses et production des mesures
L'identification des personnes atteintes d'une maladie chronique se fait en utilisant des définitions de cas spécifiques à chaque maladie. Les études de validation sont essentielles afin de sélectionner des définitions qui minimisent les erreurs de classification.

Interprétation, dépôt et diffusion des informations
Parmi les modes de diffusion associés au SISMACQ, mentionnons la transmission de données agrégées aux différents acteurs de la santé publique (notamment les régions sociosanitaires) à partir du site Internet sécurisé de l'Infocentre de santé publique du Québec, l'envoi de données agrégées sommaires à l'Agence de la santé publique du Canada dans le cadre du SCSMC et la publication de différents types de documents (par exemple, des séries thématiques, dont la collection Surveillance des maladies chroniques, des rapports méthodologiques et des articles scientifiques).

Abréviation : SISMACQ, Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec.

  • Le FIPA, administré par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ),Footnote 13 contient des données individuelles démographiques et géographiques sur les personnes ayant un NAM valide et en vigueur, ainsi que des renseignements sur leur éligibilité et leur admissibilité aux régimes publics d'assurance maladie et d'assurance médicaments.
  • Le fichier des hospitalisations (MED-ÉCHO) regroupe l'information relative aux séjours en centres hospitaliers québécois dispensant des soins généraux ou spécialisés. Les données concernent les soins de courte durée et les chirurgies d'un jour et elles portent sur
    1. le séjour hospitalier lui-même (lieu, durée, provenance et destination de l'individu),
    2. les diagnostics (diagnostic d'admission, diagnostic principal, diagnostics secondaires et diagnostic de décès),
    3. les services (décrits en fonction du lieu [chambre], de la spécialité du médecin ou du diagnostic),
    4. les soins intensifs et
    5. les interventions (thérapeutiques, diagnostiques, chirurgicales et obstétricales).
    Les diagnostics sont codés selon la neuvième Classification internationale des maladies (CIM-9) jusqu'au 31 mars 2006, et selon la CIM-10-CA depuis. Cette dernière répertorie 25 diagnostics secondaires, contre 15 pour la CIM-9. Les interventions sont codées selon la Classification canadienne des actes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicaux (CCADTC) en association avec la CIM-9 et selon la Classification canadienne des interventions en santé (CCI) avec la CIM-10-CA. Le nombre d'interventions est de 10 avec la CCADTC et de 20 avec la CCI. Ce sont des archivistes médicaux qui codent les données sommaires fournies par les médecins.
  • Le fichier des décès enregistre tous les décès de Québécois, y compris ceux survenus à l'extérieur de la province. L'information provient du médecin qui constate le décès ou du coroner et elle inclut la date du décè s, sa cause principale et, depuis le 1er janvier 2000, jusqu'à 10 causes contributives. Avant cette date, une seule cause additionnelle pouvait être inscrite en lien avec les décès attribuables à une cause externe. Les causes de décès sont codifiées conformément à la CIM, le 1er janvier 2000 étant la date de transition entre la CIM-9 et la CIM-10.
  • Le fichier des services médicaux rémunérés à l'acte rassemble les données liées à la facturation à l'acte des professionnels, c'est-à-dire les demandes de paiement transmises à la RAMQ par les professionnels de la santé. Chaque enregistrement comprend le code de l'acte médical rendu et, optionnellement, dans 91 % des réclamations de 1996-1997 à 2011-2012, un code de diagnostic associé codifié selon la CIM-9. Sont également présentes des données relatives aux professionnels de la santé eux-mêmes (professionnels traitant ou référant) et aux lieux des services.
  • Le fichier des services pharmaceutiques centralise quant à lui les demandes de remboursement de médicaments dans le cadre du régime public d'assurance médicaments. Les données relevant des régimes privés d'assurance (auxquels souscrit une part importante de la population québécoise) ne s'y retrouvent donc pas. Les personnes de 65 ans et plus y sont présentes à plus de 90 % (sauf celles couvertes par des régimes privés ou vivant en institution), en raison de l'admissibilité automatique au régime public à partir de cet âge. Sont inscrits les médicaments prescrits (code du médicament, dose, nombre de renouvellements, durée du traitement, etc.) et les informations sur les professionnels de la santé (classe du prescripteur, spécialité).

Étant donné que les fichiers contiennent peu d'information à caractère socioéconomique, le SISMACQ intègre l'indice de défavorisation matérielle et sociale développé à l'INSPQ, un substitut écologique du statut socioéconomiqueFootnote 14. Créé à partir de six indicateurs du recensement canadien à l'échelle de l'aire de diffusion (AD), la plus petite unité géographique pour laquelle des données censitaires sont produites, l'indice est assigné à chaque individu grâce à un fichier de correspondance entre les AD et les codes postaux à six positions du FIPA. Les six indicateurs retenus sont :

  1. la proportion de personnes n'ayant pas obtenu un diplôme d'études secondaires,
  2. le rapport emploi population,
  3. le revenu personnel moyen,
  4. la proportion de personnes veuves, séparées ou divorcées,
  5. la proportion de personnes vivant seules et
  6. la proportion de familles monoparentales.
Les trois premiers indicateurs renseignent sur la dimension matérielle de cet indice, tandis que les trois derniers renseignent sur sa dimension sociale. Footnote 14
Modèle opérationnel

Le modèle opérationnel du SISMACQ repose sur trois étapes, en lien avec les trois composantes des systèmes de surveillance : l'extraction et le jumelage des données, l'analyse et la production des mesures ainsi que l'interprétation et la diffusion de l'information. Sa description ayant été publiée ailleursFootnote 15, nous en offrons une présentation très synthétique ici.

Extraction et jumelage des données médicoadministratives

L'INSPQ reçoit, pour les variables sélectionnées, des identifiants uniques anonymes avec une information individuelle complète pour toute la population du Québec pour trois des fichiers (FIPA, fichier des hospitalisations et fichier des décès) et, en raison de restrictions concernant l'accès à l'information, une information individuelle pour seulement les personnes à risque d'au moins l'une des maladies chroniques étudiées pour les deux autres fichiers. Ces personnes sont identifiées à partir de critères de sélection basés sur des codes de diagnostic, des codes d'actes, des codes d'interventions hospitalières ou des codes pharmaceutiques. Même si nous obtenons l'intégralité du fichier des décès et des hospitalisations, nous appliquons également des critères de sélection des individus à risque lors de l'extraction des données, ce qui permet d'obtenir un historique les concernant dans les autres fichiers. Les codes de diagnostic ou de décès utilisés pour la sélection sont présentés dans le tableau 1. Les listes de codes de médicaments, d'actes et d'interventions hospitalières sont disponibles sur demande.

TABLEAU 1
Liste des codes diagnostiques ou de décès utilisés pour sélectionner les individus potentiellement atteints de maladies chroniques dans le SISMACQ
Maladie CIM-9 CIM-10-CA/CIM-10
Diabète 250; 648.0; 648.8; 790.2 E10–E14; O24; O99.8; R73
Maladies cardiovasculaires et facteurs de risque associés 272, 278, 305.0, 305.1, 357.5, 362, 362.11, 362.3, 390–459, 514, 518.4, 584.5, 584.9, 585, 586.9, 745–747, 785–786, 788.5, 797–799, 989.84, V158.2, V451 E66, E78, F10, F17, G45, G62.1, H34, I00–I99, J81, M30.3, N17, N18–N19, Q20–Q28, R00–R09, R34, R54, R57, R96–R98, T65.2, Z50.2, Z71.4, Z72.0, Z99.2
Maladies respiratoires 490–493, 496, 460–462, 464–466, 480–486 J20, J45–J46, J40–J44, J00–02, J04–06, J12–18, J21–22
Ostéoporose 733, 805–814, 818–825, 827–829, 905, 731 M80–M81, S12, S22, S32, S42, S52, S62, S72, S82, S92, T02, T08, T10, T12, T14, T911–T912, T921–T922, T931–T932, T940, M88
Maladies ostéoarticulaires 710-729, 274, 446, 696 M00-M99
Troubles mentaux, Alzheimer et maladies apparentées 046, 290–319, 331, 332, 797 F00–F99, A81, B24, G10, G20, G30, G31, G35

Abréviations : CIM-9, Classification internationale des maladies, neuvième révision; CIM-10, Classification internationale des maladies, dixième révision; CIM-10-CA, Classification internationale des maladies, dixième révision, adaptation canadienne; SISMACQ, Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec.

Remarque : Le fardeau global inclut toutes ces maladies.

À l'INSPQ, certains critères sont appliqués au FIPA pour créer le registre des personnes assurées du SISMACQ. Les données d'un individu inscrit au FIPA pour l'année à l'étude sont conservées si les critères d'éligibilité et d'admissibilité de cet individu sont respectés pour au moins une journée au cours de l'année en question (c'est-à-dire que son NAM est en vigueur). Les périodes d'inéligibilité correspondent au décès, à l'émigration, à la période de transition avant l'immigration et aux départs de la province pour 6 mois ou plus. Sont exclues également les périodes d'inadmissibilité au cours desquelles une personne n'a pas de carte d'assurance maladie en vigueur. Toutefois, afin d'obtenir un dénombrement similaire aux données démographiques officielles, le critère d'admissibilité n'est pas appliqué aux femmes de 18 à 25 ans et aux hommes de 18 à 29 ans, car une proportion assez élevée de membres de ces groupes ne renouvelle pas leur carte. Soulignons que la majorité de la population québécoise est inscrite au FIPA. Par conséquent, le registre du FIPA peut servir d'outil de dénombrement de la population, car ses données sont similaires aux données démographiques officielles publiées par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ).Footnote 16

Le processus de création du SISMACQ et l'accès aux données respectent tous deux des critères élevés de sécurité et de protection des renseignements personnels. Aussi bien les organismes gouvernementaux possédant légalement les fichiers (RAMQ et MSSS) que le comité d'éthique de santé publique et la Commission d'accès à l'information du Québec ont évalué et approuvé ce processus de création. Les données sont entreposées dans un serveur sécurisé à l'INSPQ. L'accès aux données est journalisé et il est limité au personnel autorisé de l'Unité de surveillance des maladies chroniques et des traumatismes, selon différents niveaux d'accès.

Analyses et production des mesures

L'identification des personnes atteintes d'une maladie chronique se fait en utilisant des définitions de cas spécifiques à chaque maladie. Les études de validation sont essentielles afin de sélectionner des définitions qui minimisent les erreurs de classification. Le tableau 2 présente quelques exemples de définitions de cas appliquées aux données du SISMACQ, ainsi que les références des études de validationFootnote 17, Footnote 18, Footnote 19, Footnote 20, Footnote 21.

TABLEAU 2
Exemples de définitions de cas utilisées dans le SISMACQ
Maladie Âge (ans) Définition de cas Code diagnostique Intervention Études de validation
CIM-9 CIM-10-CA
Cardiopathies ischémiques 20 et plus Deux diagnostics de cardiopathies ischémiques
inscrits au fichier des services médicaux
rémunérés à l'acte en 1 an (365 jours)
OU un diagnostic (principal ou secondaire) OU
un code d'intervention des cardiopathies ischémiques enregistré au fichier MED-ÉCHO
410 à 414 I20 à I25 CCADTC Footnote 2.1
48.02, 48.03,
48.11–48.19
CCI Footnote 2.2
1.IJ.50,
1.IJ.57.GQ,
1.IJ.54, 1.IJ.76
Tu et collab., 2010Footnote 19
Diabète, hypertension 1 et plus (diabète)

20 et plus (hypertension)
Deux diagnostics de diabète (ou d'hypertension) inscrits au fichier des services médicaux rémunérés à l'acte en 2 ans (730 jours)
OU
un diagnostic (principal ou secondaire) de diabète (ou d'hypertension) enregistré au fichier MED-ÉCHO
Exclusion des cas de diabète (ou d'hypertension) gestationnelFootnote 43
250
(diabète) 401 – 405
(hypertension)
E10 à E14
(diabète)

I10 à I15
(hypertension)
  Ouhoummane
et collab., 2010Footnote 44
Hux et collab.,
2002Footnote 17
Quan et collab.,
2009Footnote 20
Tu et collab.,
2007Footnote 21
Fractures
ostéoporotiques
50 et plus Un acte médical inscrit au fichier des services médicaux rémunérés à l'acte correspondant à une réduction ouverte, une réduction fermée ou une immobilisation de fracture
OU
un acte médical de visite principale ou d'une consultation avec orthopédiste avec un diagnostic de fracture + au moins un autre acte médical de consultation avec un diagnostic de fracture au même site en 4 mois
  Voir référenceFootnote 18   Jean et collab.,
2012Footnote 18

Abréviations : CCADTC, Classification canadienne des actes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicaux; CCI, Classification canadienne des interventions en santé; CIM-9, Classification internationale des maladies, neuvième révision; CIM-10-CA, Classification internationale des maladies, dixième révision, adaptation canadienne; SISMACQ, Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec.

Grâce à sa large couverture de la population du Québec, le SISMACQ permet de décrire l'ampleur des maladies chroniques aux échelles provinciale et régionale, en fonction de divers déterminants (âge, sexe, défavorisation), d'en analyser les évolutions et de réaliser des projections. L'approche intégrée favorise le développement de nouveaux indicateurs portant sur les issues d'une maladie (excès de mortalité, taux de complications), la comparaison de l'utilisation des services hospitaliers entre les personnes atteintes d'une maladie chronique et celles n'en étant pas atteintes ainsi que les analyses sur le continuum de la maladie et les trajectoires de soins. Le SISMACQ offre également, outre la production de mesures de surveillance conventionnelles, la possibilité de produire des mesures novatrices, notamment sur la multimorbidité et la polypharmacie.

Interprétation, dépôt et diffusion des informations

L'interprétation des données et le transfert des connaissances font partie intégrante de la surveillanceFootnote 5, Footnote 22. Parmi les modes de diffusion associés au SISMACQ, mentionnons la transmission de données agrégées aux différents acteurs de la santé publique (notamment les régions sociosanitaires) à partir du site Internet sécurisé de l'Infocentre de santé publique du Québec, l'envoi de données agrégées sommaires à l'Agence de la santé publique du Canada dans le cadre du SCSMC et la publication de différents types de documents (par exemple, des séries thématiques, dont la collection Surveillance des maladies chroniques, des rapports méthodologiques et des articles scientifiques).

Résultats

Le premier dépôt de données du SISMACQ à l'INSPQ, effectué en 2010, portait sur la période du 1er janvier 1996 au 31 mars 2009. Depuis, une mise à jour annuelle est effectuée chaque été. Ainsi, à l'automne 2013, la couverture du SISMACQ s'étendait jusqu'au 31 mars 2012.

Le tableau 3 présente diverses caractéristiques de la population inscrite au registre des personnes assurées du SISMACQ. Pour l'année financière 2011-2012, 7 995 963 Québécois ont été éligibles et admissibles à la RAMQ (moyenne d'âge de 40,8 ans), ce qui représente 99,1 % de la population selon les données officiellesFootnote 16. La part de la population âgée de 65 ans et plus était de 16,0 %. Cette proportion a augmenté entre 2001-2002 et 2011-2012. Plus de la moitié de ce sous-groupe était constitué de femmes (56,2 %) et 89,9 % étaient inscrits à l'assurance médicaments. Près de la moitié des Québécois vivaient dans la région métropolitaine de recensement de Montréal (48,2 %). Seule la population vivant en zone rurale tend à diminuer légèrement avec le temps. Entre 2,5 % des individus en 2001-2002 et 1,3 % en 2011-2012 ne sont pas associés à une zone géographique, en raison de l'absence du code postal ou d'un code postal erroné. Bien que la proportion de personnes inscrites à l'assurance médicaments diminue légèrement entre 2001-2002 et 2011-2012, le nombre d'inscrits augmente.

TABLEAU 3
Caractéristiques de la population éligible et admissible à la RAMQ (registre des personnes assurées du SISMACQ), selon l'année et le sexe
Caractéristiques 2001-2002 2006-2007 2011-2012
Ensemble
n (%)
Hommes
n (%)
Femmes
n (%)
Ensemble
n (%)
Hommes
n (%)
Femmes
n (%)
Ensemble
n (%)
Hommes
n (%)
Femmes
n (%)
Total 7 462 734 3 671 680 3 791 054 7 693 005 3 788 475 3 904 530 7 995 963 3 944 033 4 051 930
Âge (ans)
0 à 19 1 809 881 (24,2) 924 135 (25,2) 885 746 (23,4) 1 769 931 (23,0) 903 109 (23,8) 866 822 (22,2) 1 774 008 (22,2) 904 998 (22,9) 869 010 (21,4)
20 à 34 1 489 603 (20,0) 757 321 (20,6) 732 282 (19,3) 1 513 723 (19,7) 768 269 (20,3) 745 454 (19,1) 1 570 545 (19,6) 794 491 (20,1) 776 054 (19,2)
35 à 49 1 867 632 (25,0) 935 077 (25,5) 932 555 (24,6) 1 781 591 (23,2) 893 773 (23,6) 887 818 (22,7) 1 644 967 (20,6) 827 610 (21,0) 817 357 (20,2)
50 à 64 1 314 602 (17,6) 648 868 (17,7) 665 734 (17,6) 1 539 363 (20,0) 761 368 (20,1) 777 995 (19,9) 1 730 025 (21,6) 857 495 (21,7) 872 530 (21,5)
65 à 74 550 633 (7,4) 252 505 (6,9) 298 128 (7,9) 583 269 (7,6) 273 945 (7,2) 309 324 (7,9) 702 847 (8,8) 336 325 (8,5) 366 522 (9,0)
75 et plus 430 383 (5,8) 153 774 (4,2) 276 609 (7,3) 505 128 (6,6) 188 011 (5,0) 317 117 (8,1) 573 571 (7,2) 223 114 (5,7) 350 457 (8,6)
20 et plus 5 652 853 (75,7) 2 747 545 (74,8) 2 905 308 (76,6) 5 923 074 (77,0) 2 885 366 (76,2) 3 037 708 (77,8) 6 221 955 (77,8) 3 039 035 (77,1) 3 182 920 (78,6)
65 et plus 981 016 (13,1) 406 279 (11,1) 574 737 (15,2) 1 088 397 (14,1) 461 956 (12,2) 626 441 (16,0) 1 276 418 (16,0) 559 439 (14,2) 716 979 (17,7)
Zone de résidence
Région métropolitaine de Montréal 3 494 352 (46,8) 1 703 296 (46,4) 1 791 056 (47,2) 3 697 988 (48,1) 1 805 106 (47,6) 1 892 882 (48,5) 3 854 436 (48,2) 1 882 226 (47,7) 1 972 210 (48,7)
Autre région métropolitaine 1 355 600 (18,2) 657 155 (17,9) 698 445 (18,4) 1 487 679 (19,3) 723 752 (19,1) 763 927 (19,6) 1 553 851 (19,4) 758 107 (19,2) 795 744 (19,6)
Agglomération de taille moyenne 849 668 (11,4) 415 180 (11,3) 434 488 (11,5) 919 989 (12,0) 451 586 (11,9) 468 403 (12,0) 943 244 (11,8) 462 976 (11,7) 480 268 (11,9)
Zone rurale 1 579 561 (21,2) 799 839 (21,8) 779 722 (20,6) 1 512 145 (19,6) 767 632 (20,3) 744 513 (19,1) 1 539 409 (19,3) 782 331 (19,8) 757 078 (18,7)
Non déterminée 183 553 (2,5) 96 210 (2,6) 87 343 (2,3) 75 204 (1,0) 40 399 (1,1) 34 805 (0,9) 105 023 (1,3) 58 393 (1,5) 46 630 (1,1)
Population inscrite à l'assurance
médicaments (65 ans et plus) Footnote 3.1
896 015 (91,3) 371 076 (91,3) 524 939 (91,3) 981 267 (90,2) 414 220 (89,7) 567 047 (90,5) 1 147 415 (89,9) 499 499 (89,3) 647 916 (90,4)

Abréviation : RAMQ, Régie de l'assurance maladie du Québec; SISMACQ, Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec.

Les individus potentiellement atteints d'au moins l'une des maladies chroniques à l'étude ont été sélectionnés dans les différents fichiers médico-administratifs à partir de plusieurs critères. Le tableau 4 présente le nombre et la proportion d'individus répondant à au moins un critère de sélection, en fonction de leur âge et de l'année. Une grande proportion de la population, particulièrement au sein des tranches d'âge les plus élevées, est incluse dans le SISMACQ, étant donné la prévalence élevée de plusieurs maladies chroniques et le choix des critères de sélection. Pour 2001-2002, ce sont 97,9 % des inscrits au registre des personnes assurées qui répondent à au moins un critère de sélection et cette proportion atteint 99,7 % pour les personnes de 65 ans ou plus. Pour 2011-2012, 95,3 % des individus répondent à au moins un critère de sélection. Cette légère diminution par rapport à 2001-2002 pourrait être attribuable à une période de suivi plus courte, ce qui diminue la probabilité de satisfaire à au moins un critère de sélection, entre autres chez les jeunes (90,1 % chez les 19 ans et moins). Rappelons que les individus satisfaisant aux critères de sélection sont potentiellement à risque, mais que tous ne sont pas affectés par une maladie chronique. Par exemple, pour la surveillance des MCV, les critères de sélection ont permis d'identifier 6 164 006 (77,1 %) individus en 2011-2012. Dans les faits, pour cette même année, 1 483 168 individus de 20 ans et plus (23,8 % prévalence brute) ont satisfait la définition de cas de l'hypertension artérielle présentée dans le tableau 2, permettant d'évaluer l'ampleur de cette problématique en termes d'incidence et de prévalence.

TABLEAU 4
Nombre et proportion d'individus répondant à au moins un critère de sélection Footnote 4.1 du SISMACQ, selon l'année et l'âge
Caractéristiques 2001–2002 2006–2007 2011–2012
Total (registre des
personnes assurées)
n
Au moins un critère
de sélection
n (%)
Total (registre des
personnes assurées)
n
Au moins un critère
de sélection
n (%)
Total (registre des
personnes assurées)
n
Au moins un critère
de sélection
n (%)
Total 7 462 734 7 307 855 (97,9) 7 693 005 7 511 892 (97,6) 7 995 963 7 617 930 (95,3)
Âge (ans)
0 à 19 1 809 881 1 764 479 (97,5) 1 769 931 1 710 415 (96,6) 1 774 008 1 599 191 (90,1)
20 à 34 1 489 603 1 435 025 (96,3) 1 513 723 1 453 093 (96,0) 1 570 545 1 464 750 (93,3)
35 à 49 1 867 632 1 830 421 (98,0) 1 781 591 1 744 230 (97,9) 1 644 967 1 586 085 (96,4)
50 à 64 1 314 602 1 299 876 (98,9) 1 539 363 1 519 958 (98,7) 1 730 025 1 700 141 (98,3)
65 et plus 981 016 978 054 (99,7) 1 088 397 1 084 196 (99,6) 1 276 418 1 267 763 (99,3)

Abréviation : SISMACQ, Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec.

Analyse

La surveillance représente une étape fondamentale dans la mesure de l'évolution de l'état de santé de la population. Au Québec, la cueillette de données sur les événements de santé a évolué et touche aujourd'hui principalement trois aspects : la collecte elle-même, l'analyse et l'interprétation de ces données et la diffusion en temps opportun de l'information auprès des décideurs en vue du contrôle et de la prévention des maladies. Les sources de données les plus pertinentes que le Québec possède pour effectuer une surveillance des maladies chroniques sont les fichiers médico-administratifs : ils sont alimentés de façon continue et systématique, ils peuvent être jumelés et ils nécessitent peu d'efforts ou de coûts supplémentaires.

Le SISMACQ se révèle être ainsi une source inestimable d'information sur le fardeau des maladies chroniques au Québec, puisqu'il couvre l'ensemble des services de santé utilisés par la population, de la consultation médicale au décès en passant par l'hospitalisation et la consommation de médicaments. La mise en place de ce système permet une surveillance des maladies chroniques actualisée, qui tient compte de leur cooccurrence et de l'organisation des soins et des services, ce qui est très important dans un contexte de vieillissement de la population. En effet, les données du SISMACQ répondent à des besoins grandissants en information sur les populations vulnérables face à la maladie chroniqueFootnote 23, Footnote 24. Avec des données disponibles depuis 1996 et des mises à jour annuelles, ce système facilite les analyses d'utilisation de servicesFootnote 25, de tendance et de projections à partir de cohortes populationnellesFootnote 26, Footnote 27. L'information obtenue à partir du SISMACQ contribue à la compréhension du continuum allant de la prévention de la maladie à sa progression, ses traitements et les résultats (effets des programmes de santé publique, consommation de soins, adhésion aux traitements, etc.), ce qui aide à planifier les ressources et les interventions en santé publique.

Attributs essentiels et forces du SISMACQ

Le SISMACQ répond très bien aux cinq exigences de base des systèmes de surveillance en santé publiqueFootnote 5, Footnote 22, Footnote 28 :

  1. simplicité et flexibilité,
  2. acceptabilité,
  3. sensibilité et valeur prédictive positive,
  4. représentativité et enfin
  5. promptitude.
  • Dans un contexte où les ressources humaines et matérielles sont limitées, l'utilisation secondaire de données recueillies à des fins administratives est relativement simple et peu coûteuse. Par l'ajout annuel de nouveaux codes de sélection et de cas potentiels, le SISMACQ demeure flexible. Cependant, cette flexibilité est limitée en raison des contraintes légales. De plus, le système ne permet pas de réagir rapidement à des changements dans l'organisation des soins et à des nouveautés comme l'ajout de maladies ou de sources de données (p. ex. : banque de données sur les groupes de médecine familiale).
  • L'acceptabilité du SISMACQ est, pour sa part, excellente. Les organismes responsables des fichiers médicoadministratifs acceptent que les données soient utilisées pour la surveillance. Les décideurs utilisent déjà l'information issue de ce système et ils en réalisent la pertinence. De plus, les acteurs régionaux de surveillance, qui utilisent beaucoup les informations du SISMACQ, désirent s'impliquer activement dans les activités liées à ce système.
  • Les mesures de validité que sont la sensibilité et la valeur prédictive positive varient d'une maladie à l'autre et dépendent des définitions de cas. Dans un contexte de surveillance à l'échelle d'une population, on recherche un équilibre entre ces deux mesures de validité pour chaque maladie et définition de cas.
  • Le SISMACQ se distingue par ailleurs au niveau de la représentativité, puisqu'il jumelle plusieurs sources de données issues d'un système universel de santé. Sa couverture permet de généraliser l'information à l'ensemble de la population, de décrire les caractéristiques sociodémographiques, économiques et géographiques et de minimiser plusieurs biais de sélection. Cette capacité du SISMACQ à établir un lien entre différentes sources de données a également pour effet de rehausser la qualité et l'utilité de l'information qui en est issue.
  • Quant à la promptitude, ce n'est pas un critère aussi critique pour la surveillance des maladies chroniques que pour d'autres systèmes de surveillance (p. ex. ceux portant sur les maladies infectieuses). Avec sa mise à jour annuelle, le SISMACQ peut produire des mesures d'incidence en temps opportun et ainsi contribuer à l'intervention dans des délais raisonnables.

En résumé, le SISMACQ répond adéquatement à l'ensemble des attributs exigibles d'un système de surveillance et, comme il est basé sur la consommation de services de santé d'un système universel, il répond au principe fondamental de la surveillance, c'est-à-dire la présence d'un systè me de santé fonctionnelFootnote 5.

Parmi les autres forces du SISMACQ, mentionnons l'accès à des données sources, c'est-à-dire brutes, ce qui permet un contrôle de la qualité aux différentes étapes de traitement et d'analyse de ces données. En effet, bien que la RAMQ soit responsable d'appliquer elle-même certains des critères de sélection, d'extraction et de jumelage et qu'elle soit aussi responsable du cryptage du NAM, l'INSPQ reçoit tout de même les données sous forme d'enregistrements individuels. De plus, l'ajout de l'indice de défavorisation fait du SISMACQ une précieuse source d'information sur les impacts des inégalités sociales en santéFootnote 23, Footnote 24. Par ailleurs, le SISMACQ permet à l'INSPQ de produire des mesures agrégées de surveillance des maladies chroniques pour le Québec harmonisées avec celles des autres provinces et territoires canadiens participant également au SCSMC, une initiative coordonnée par l'Agence de la santé publique du Canada. Finalement, le fait que les données soient collectées à des fins administratives peut, notamment dans le cas du fichier des services pharmaceutiques, représenter un avantage pour la qualité. En effet, selon Tamblyn et collab. Footnote 29, ce type de fichier fournit des données assez exactes et remarquablement complètes puisque les demandeurs peuvent se voir refuser leur paiement si des champs sont mal remplis dans leur réclamation.

Comparaison du SISMACQ avec d'autres systèmes de surveillance

Le SISMACQ tire avantage d'une comparaison avec les systèmes de surveillance déployés dans le monde. Aux États-Unis, l'Institute of Medicine a élaboré un cadre national de surveillance des maladies cardiovasculaires et pulmonaires chroniques et a critiqué sévèrement dans ce contexte l'absence d'un système de surveillance opérant sur une base nationale et susceptible d'outiller les décideurs en temps opportunFootnote 30. En effet, bien que les sources de données américaines comprennent, entre autres, des enquêtes de population (comme la National Health and Nutrition Examination Survey [NHANES]), des registres de maladies spécifiques, des cohortes populationnelles comme celle de Framingham ou de RochesterFootnote 31) ou encore des données de réclamations déposées auprès de compagnies d'assurance, aucune de ces sources ne pouvait, jusqu'à tout récemment, être jumelée afin de fournir un portrait national et procurer de l'information sur l'incidence. Le National Center for Health Statistics jumelle présentement plusieurs enquêtes de population avec, entre autres, les certificats de décès, les données des services de Medicare and Medicaid et l'historique des données sur la sécurité socialeFootnote 32. L'Australie effectue quant à elle la majorité de sa surveillance à partir de données d'enquêtes, en particulier l'Australian Bureau of Statistics National Health Survey (NHS)Footnote 33. La stratégie de surveillance de la population du Royaume-Uni repose également sur l'intégration et l'exploitation de nouvelles sources de données comme les registres de maladies aigües et chroniques ainsi que sur le suivi des comportements liés à la santé (tabagisme, alimentation, exercice, etc.)Footnote 34. Étant donné sa flexibilité, on peut tout à fait envisager l'intégration d'information de ce type au SISMACQ. D'ailleurs, d'autres provinces, notamment l'OntarioFootnote 35 et le ManitobaFootnote 36, non seulement ont accès aux données jumelées des fichiers médicoadministratifs, mais intègrent également des données d'enquêtes dans leurs systè mes de surveillance.

Limites du SISMACQ

La principale limite du SISMACQ relève de la nature des sources de données utilisées. En effet, comme les fichiers médicoadministratifs ont été conçus par définition pour répondre à des besoins d'ordre administratif, une validation de la banque de donnéesFootnote 37 et des définitions de casFootnote 17, Footnote 18, Footnote 19 est nécessaire dans le cas d'une utilisation en épidémiologie. Par ailleurs, même si les études de validation peuvent attester de la qualité de la définition de cas choisie, seules les personnes qui ont recours aux services de santé et qui sont diagnostiquées sont incluses dans les analyses, ce qui constitue une sous-estimation de la véritable ampleur des maladies. Par exemple, une personne pourrait ne pas savoir qu'elle a subi un infarctus du myocarde et ne jamais être allée consulter un médecin, de sorte que cet infarctus ne sera pas comptabilisé dans le SISMACQFootnote 38.

De plus, certaines données sont absentes des fichiers du SISMACQ, par exemple celles concernant les membres des Forces canadiennes, dont les services médicaux sont payés par le gouvernement fédéralFootnote 39. Les actes des Québécois traités dans une autre province par des médecins non inscrits à la RAMQ ne se retrouvent pas non plus dans le SISMACQ actuellement. Des travaux sont cependant en cours afin d'intégrer des fichiers complémentaires sur les hospitalisations et les services reçus à l'extérieur de la province, ce qui permettrait de minimiser la sous-estimation des services reçus, particulièrement dans les régions limitrophes (par exemple l'Outaouais). Aucune information n'est disponible non plus sur l'hébergement pour soins de longue durée, et l'information pour les services pharmaceutiques est limitée aux personnes de 65 ans et plus.

Enfin, certains médecins québécois ne sont pas rémunérés à l'acte, ce qui entraîne une sous-estimation des services reçus et une diminution de la sensibilité du SISMACQFootnote 39. Les autres formes de paiement sont les rémunérations à salaire, à forfait (p. ex.prime de prise en charge pour les omnipraticiens), à honoraires forfaitaires (per diem ou à vacation) ou, depuis le 1er septembre 1999, selon une rémunération mixte (à l'acte et à honoraires forfaitaires). Pour 2010-2011, l'ensemble des autres formes de rémunération représentait 24 % de la rémunération des médecins, contre 16 % pour 1999-2000. L'augmentation de la popularité de la rémunération mixte depuis son introduction en 1999 pour les spécialistes explique en grande partie ce changement : l'honoraire forfaitaire relié à ce type de rémunération représente maintenant 11,6%de l'ensemble des paiements cliniques faits aux médecins, alors que, pour leur part, les salaires ne représentent que 1,9 %Footnote 40. Quoique les modes de rémunération autres que celui à l'acte soient proportionnellement en augmentation, le nombre de services médicaux à l'acte a augmenté de 8,8 % entre 2001 et 2007, l'année 2001 étant celle en présentant le plus faible nombre en 18 ans. Les effets des rémunérations alternatives se manifestent surtout dans les localités éloignées. Pour ces populations, des sources de données alternatives ou des enquêtes sont nécessaires pour améliorer la surveillance. Par exemple, dans les collectivités autochtones des Terres-Cries-de-la-Baie-James, où l'ensemble des omnipraticiens est rémunéré par des ententes alternatives, un projet pilote de jumelage avec le Système d'information sur le diabète cri (SIDC) a permis de constater que le SISMACQ n'identifiait que 60 % des diabétiques de cette région, et avec un délai moyen de 2,3 années après la date d'incidence de la maladie. Ce jumelage ayant permis de limiter le manque d'information sur les autres modes de rémunération, il est envisagé de jumeler ces deux systèmes de manière récurrente. Par ailleurs, la présence du secteur privé dans le système de santé québécois demeure somme toute marginale et affecte principalement le fichier des services médicaux et le fichier des services pharmaceutiques pour les personnes de moins de 65 ans.

Enfin, la définition de chacune des maladies chroniques étudiées dans le SISMACQ a ses limites. L'étude de la multimorbidité s'en trouve ainsi complexifiée. Par ailleurs, les données médico-administratives ne permettent généralement pas de connaître la sévérité de la maladie ou de confirmer le diagnostic par des informations cliniques. Les fichiers médicoadministratifs renferment aussi très peu de données sur les facteurs de risque des maladies chroniques, et aucune information sur les résultats des examens de laboratoire ou sur les habitudes de vie ayant un lien avec les maladies chroniques (alimentation, activité physique, tabagisme, consommation d'alcool). Le fichier des hospitalisations se révèle cependant être une excellente source d'information pour certains facteurs de risque et certaines comorbidités, puisqu'il tient compte des diagnostics secondaires présents et de ceux ayant contribué au séjour hospitalier (25 possibilités depuis le 1er avril 2006).

Conclusion

Avec le vieillissement de la population et l'augmentation de l'espérance de vie, le fardeau des maladies chroniques va continuer de croître et de se complexifier. On doit donc actualiser la surveillance de ces dernières afin de connaître la population à risque et la population qui en est atteinte et afin de suivre l'évolution de ces maladies et les enjeux qui leur sont associés. Le SISMACQ se révèle être la façon la plus appropriée d'assurer cette surveillance au Québec. Il permet de maximiser l'utilisation des systèmes d'information disponibles, s'avère peu coûteux et fournit des données fiables à l'échelle de la population. Il contient des données individuelles, hospitaliè res, médicales et socioéconomiques et sur les causes de décès pour près de 8 millions de Québécois pour 2011-2012, de tous les âges et de toutes les régions, ce qui permet l'étude exhaustive du fardeau des principales maladies chroniques. Par ailleurs, le SISMACQ est conforme au modèle intégré de prévention et de gestion des maladies chroniquesFootnote 41. Dans cette perspective, la surveillance ne concerne pas seulement chaque maladie prise séparément, mais aussi le cumul de maladies et les complications qui lui sont associées.

Le SISMACQ remplit les fins d'un système de surveillance intégré, efficient et tourné vers l'avenir, que des bonifications futures pourront enrichirFootnote 42. En effet, il faudra envisager d'intégrer de l'information sur les facteurs de risque et sur les habitudes de vie associés aux maladies chroniques. Est déjà prévu pour les années à venir le jumelage avec d'autres fichiers médicoadministratifs (notamment les fichiers des naissances et mortinaissances), avec des données d'enquête sur la santé et avec des systèmes d'information comme celui du diabète chez les Cris. Le modèle décrit dans ce document sera ainsi résolument évolutif et pourra s'adapter aux besoins exprimés. Notons pour terminer que, dans un souci de rigueur scientifique, le SISMACQ devra être régulièrement évalué afin de s'assurer que la surveillance effectuée avec ce système est efficiente et utile pour la prise de décision et l'action en santé publique.

Remerciements

Les auteurs remercient l'Agence de la santé publique du Canada et le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec pour leur contribution financière.

Références

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