Synthèse : Incidence du cancer au Canada : tendances et projections (1983-2032) - PSPMC: Volume 35, supplément 1, Printemps 2015

Synthèse

Dans cette monographie, nous présentons, pour 1983 à 2032, un historique et des projections du nombre de nouveaux cas et des taux d'incidence du cancer pour le Canada, à l'exception des cancers de la peau autres que le mélanome (c.-à -d. les carcinomes basocellulaire et spinocellulaire). Ces renseignements visent à faciliter la planification stratégique et l'affectation de ressources et d'infrastructures pour assurer la prestation future de soins de santé et de mesures de lutte contre le cancer.

Évolution projetée des taux d'incidence de cancer

De 2003-2007 à 2028-2032, les taux d'incidence normalisés selon l'âge (TINA) pour l'ensemble des cancers devraient diminuer de 5 % pour les Canadiens, passant de 464,8 à 443,2 pour 100 000 habitants, et augmenter de 4 % pour les Canadiennes, passant de 358,3 à 371,0 pour 100 000 habitants. La diminution globale des taux de cancer chez les hommes sera le résultat de la baisse des taux de cancer du poumon chez les hommes de 65 ans et plus et des taux de cancer de la prostate chez les hommes de 75 ans et plus. L'augmentation globale des taux de cancer chez les femmes correspond à la hausse prévue des taux de cancer du poumon chez les femmes de 65 ans et plus. Elle représente également la hausse prévue des cas de cancer de l'utérus, de la thyroïde, du sein (chez les femmes de moins de 45 ans), du rein et du pancréas ainsi que des cas de leucémie et de mélanome.

Parmi les changements les plus importants dans les TINA projetés sur un horizon de 25 ans, mentionnons une augmentation du nombre de cas de cancer de la thyroïde (55 % chez les hommes et 65 % chez les femmes) et de cancer du foie chez les hommes (43 %), et une diminution du nombre de cas de cancer du larynx (47 % chez les hommes et 59 % chez les femmes), de cancer du poumon chez les hommes (34 %) et de cancer de l'estomac (30 % chez les hommes et 24 % chez les femmes). Le taux d'incidence du cancer du poumon chez les femmes devrait continuer d'augmenter de 2 % entre 2003-2007 et 2008-2012, puis commencer à fléchir de 18 % au cours des 20 dernières années de projection. De tous les cancers féminins, on s'attend à ce que l'incidence du cancer du sein soit celle qui change le moins (une hausse de moins de 1 %). L'évolution prévue des taux pour le cancer colorectal est inférieure aux médianes pour l'ensemble des cancers, avec une diminution de 6 %, tant chez les hommes que chez les femmes, durant toute la période de projection. En ce qui concerne le cancer de la prostate, si la prévalence du dépistage se stabilise à l'avenir, les taux devraient demeurer stables.

Augmentation prévue du nombre de nouveaux cas de cancer

Au Canada, on prévoit que le nombre annuel de nouveaux cas de cancer augmentera de 84 % chez les hommes, passant de 80 800 en 2003-2007 à 148 400 en 2028-2032, et de 74 % chez les femmes, passant de 74 200 à 128 800.

Facteurs des variations dans les cas de cancer

La principale raison de la hausse du nombre de tous les cas de cancer nouvellement diagnostiqués sera le vieillissement de la population canadienne, et dans une moindre mesure la croissance démographique. Les variations du risque de cancer constitueront une composante relativement mineure de la hausse prévue du nombre de nouveaux cas. Les interventions préventives peuvent grandement influencer les taux d'incidence futurs de certains types de cancer.

Cancers les plus courants

Les cancers les plus courants chez les hommes — cancers de la prostate, du poumon et de la vessie, cancer colorectal et lymphome non hodgkinien — devraient demeurer inchangés entre 2003-2007 et 2028-2032, mais on prévoit que le cancer colorectal remplacera le cancer du poumon au deuxième rang des cancers les plus fréquemment diagnostiqués d'ici 2028-2032. Chez les femmes, les cancers du sein, du poumon, de l'utérus ainsi que le cancer colorectal sont les quatre principaux cancers pour lesquels de nouveaux cas seront enregistrés au cours de ces deux périodes. Toutefois, le cancer de la thyroïde prendra la place du lymphome non hodgkinien en tant que cinquième cancer en importance d'ici 2028-2032.

Incidence selon la zone géographique

Au Canada, le taux d'incidence suit un gradient géographique est-ouest. On prévoit que les taux d'incidence les plus élevés pour la plupart des cancers se situeront dans l'est du Canada (région de l'Atlantique [Nouveau-Brunswick, Île-du-Prince-édouard, Nouvelle-écosse et Terre-Neuve-et-Labrador], Québec ou Ontario), tant chez les hommes que chez les femmes. Même si on prévoit que la Colombie-Britannique continuera d'afficher les taux d'incidence les plus faibles pour la majorité des cancers chez les deux sexes, cette province continuera toutefois de connaître les taux les plus élevés de cancer de l'oesophage chez les femmes, de cancer du foie chez les deux sexes et de cancer du testicule. La région de l'Atlantique devrait enregistrer les taux les plus faibles pour les cancers du sein, de l'utérus et de l'ovaire chez les femmes, et pour le cancer du foie et la leucémie chez les deux sexes. Inversement, on prévoit que cette région connaîtra des taux d'incidence élevés chez les hommes pour environ la moitié des cancers étudiés.

Pour tous les cancers combinés, les taux d'incidence les plus élevés devraient demeurer pour les hommes dans la région de l'Atlantique et pour les femmes au Québec dans 15 ans, mais en Ontario par la suite. Les taux d'incidence les plus faibles pour tous les cancers combinés seront en Colombie-Britannique. Les différences interrégionales sont plus importantes chez les hommes que chez les femmes, peut-être en raison des variations dans le dosage de l'antigène prostatique spécifique (APS, pour la détection du cancer de la prostate) et des facteurs de risque. Tant chez les hommes que chez les femmes, les taux d'incidence du cancer colorectal demeureront les plus élevés dans la région de l'Atlantique et les plus faibles en Colombie-Britannique. On prévoit que les taux d'incidence du cancer du poumon seront les plus élevés au Québec et les plus faibles en Ontario et en Colombie-Britannique pour les deux sexes. Les taux régionaux similaires de cancer du sein chez les femmes devraient persister. On s'attend à ce que les taux considérablement plus faibles de cancer de la prostate au Québec le demeurent, tout comme les taux élevés dans la région de l'Atlantique.

Incidence selon le sexe et l'âge

Le cancer est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes, sauf chez les moins de 55 ans. Le taux d'incidence global du cancer chez les hommes de 65 ans et plus diminue et continuera de diminuer. La baisse des taux de cancer du poumon chez les hommes de 65 ans et plus, attribuable au recul du tabagisme, et la baisse des taux de cancer de la prostate chez les hommes de 75 ans et plus ont contribué à la diminution globale dans cette tranche d'âge. Chez les femmes de 65 ans et plus, les taux relativement stables découlent principalement d'une hausse de l'incidence du cancer du poumon compensée par des baisses de l'incidence pour les autres sièges de cancers. Cette tendance stable devrait se poursuivre. On peut s'attendre à ce que les efforts ciblés de prévention du cancer et les besoins particuliers pour des services de soins de santé varient à différents points de la trajectoire de l'âge, pour les hommes comme pour les femmes.

Cancers liés au tabagisme

Entre 2003-2007 et 2028-2032, on prévoit des réductions considérables du risque en ce qui concerne les principaux cancers liés au tabagisme au Canada, et ce, malgré des réductions relativement faibles ou un ralentissement retardé chez les femmes. Les écarts entre les hommes et les femmes concernant les prévisions de ces tendances de l'incidence reflètent le déclin de la prévalence du tabagisme, qui a eu lieu 20 ans plus tôt chez les hommes. Compte tenu de cet écart de 20 ans ou plus entre le recul du tabagisme et la diminution ultérieure de l'incidence de cancer, les taux d'incidence chez les femmes commenceront probablement à chuter de façon plus accentuée à long terme. Cependant, l'incidence devrait augmenter dans le même temps pour les cancers non liés au tabagisme.

Cancers associés à un excédent de poids et à la sédentarité

Au cours de la période de projection de 25 ans, on estime que les taux d'incidence des cancers associés à un excédent de poids et à la sédentarité augmenteront de 0,6 à 16 % pour, en ordre décroissant, les cancers de l'utérus, du rein, du pancréas, du sein chez la femme et de l'oesophage chez l'homme. Les taux d'incidence devraient fléchir de 2 à 6 % pour le cancer colorectal et le cancer de l'oesophage chez la femme. La prévalence accrue de l'obésité au Canada contribuerait aux tendances à la hausse de l'incidence.

Cancers les plus courants associés à des infections

Entre 2003-2007 et 2028-2032, on s'attend à une escalade des taux d'incidence du cancer du foie, presque trois fois plus rapide chez les hommes que chez les femmes (43 % contre 15 %), tandis que les taux de cancer de l'estomac et de cancer du col de l'utérus continueront de fléchir de 20 à 30 %. La tendance à la hausse constante de l'incidence du cancer du foie est peut-être liée à l'augmentation constatée par le passé et à l'incidence élevée actuelle de l'infection par le virus de l'hépatite C (VHC), au vieillissement de la population déjà infectée et à l'augmentation de l'immigration issue de zones où les facteurs de risque comme le virus de l'hépatite B (VHB) sont prévalents. La diminution constante de l'incidence du cancer de l'estomac peut s'expliquer par l'adoption d'un mode de vie plus sain, en particulier la baisse du tabagisme et un changement des habitudes alimentaires, ainsi que par une amélioration des techniques de reconnaissance et de traitement de l'infection à Helicobacter pylori. La tendance persistante à la baisse des taux de cancer du col de l'utérus est surtout attribuable au dépistage auprès de la population générale par le test de Papanicolaou (Pap) et au traitement efficace des lésions précancéreuses détectées au dépistage. La vaccination des enfants d'âge scolaire contre le virus du papillome humain (VPH) devrait réduire davantage l'incidence de cancer du col de l'utérus.

Répercussions pour les stratégies de lutte contre le cancer

On s'attend à ce que le vieillissement et la croissance de la population mènent à une hausse progressive et appréciable du nombre total de nouveaux cas de cancer au Canada au cours des 25 prochaines années. Par conséquent, le présent rapport préconise un renforcement des stratégies de lutte contre le cancer et l'allocation de ressources suffisantes pour répondre aux besoins futurs en matière de soins de santé et pour réduire le fardeau du cancer au Canada. Même si on prévoit une diminution des taux d'incidence pour de nombreux cancers, on estime que les taux de certains cancers, par exemple ceux de la thyroïde, du foie, de l'utérus, du pancréas, du rein et la leucémie, connaîtront une augmentation. Des recherches étiologiques supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les facteurs de risque et orienter les efforts de prévention.

Cette monographie souligne l'importance de prévenir le cancer par divers moyens : réduction du tabagisme, promotion d'une alimentation saine, de l'activité physique et de la gestion du poids, meilleure participation au dépistage du cancer et augmentation de la couverture vaccinale contre le virus du papillome humain (VPH). Les incidences des changements à venir dans nos profils démographiques et les tendances relatives au cancer devraient être prises en compte par l'ensemble des activités de lutte contre le cancer, que ce soit la recherche et la surveillance, la prévention et la détection précoce, le traitement ou les soins médicaux, psychosociaux et palliatifs.

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