Corrélats de la violence entre conjoints et en milieu familial chez les Canadiens âgés : une approche fondée sur les parcours de vie - PSPMC: Volume 36-3, mars 2016
Volume 36 · numéro 3 · mars 2016
Corrélats de la violence entre conjoints et en milieu familial chez les Canadiens âgés : une approche fondée sur les parcours de vie
M. Miszkurka, Ph. D.Note de bas de page i Note de bas de page ii ; C. Steensma, M. Sc.Note de bas de page i Note de bas de page ii ; S. P. Phillips, M.D.Note de bas de page iii
https://doi.org/10.24095/hpcdp.36.3.01f
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.
Rattachement des auteurs :
Correspondance : Malgorzata Miszkurka, 200, boul. René-Lévesque Ouest, Tour Est, Bureau 1102, Montréal (Québec) H2Z 1X4; tél. : 514-283-4081; téléc. : 514-496-7012; courriel : malgorata.goshia.miszkurka@phac-aspc.gc.ca
Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada
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Résumé
Introduction : La connaissance des corrélats personnels et interpersonnels de la violence chez les aînés canadiens est limitée. Cette étude établit les corrélats de la violence actuelle et passée infligée par un conjoint ou un membre de la famille chez les aînés canadiens résidant dans la collectivité, en tenant compte des conditions défavorables dans l'enfance.
Méthodologie : Nous avons procédé à une analyse de régression logistique des données de base d'une étude longitudinale sur des personnes de 65 à 74 ans résidant dans la collectivité à Kingston (Ontario) et à Saint-Hyacinthe (Québec). La violence familiale a été mesurée avec l'outil d'évaluation du risque Frapper-Insulter-Menacer-Crier (FIMC) (Hurt-Insult-Threaten-Scream, HITS). Les rapports de cotes (RC) ont été établis avec un intervalle de confiance (IC) à 95 %.
Résultats : Dix-huit pour cent des sujets de l'échantillon ont déclaré subir de la violence de nature psychologique. Les femmes présentaient un risque plus élevé que les hommes de subir ou d'avoir subi de la violence de la part d'un membre de leur famille (violence actuelle : RC ajusté = 1,83; IC à 95 % : 1,02 à 3,30) et de la part d'un conjoint au cours de leur vie (RC ajusté = 2,48; IC à 95 % : 1,40 à 4,37). Les facteurs de risque accumulés au cours de la vie associés systématiquement à la violence actuelle et passée sont d'avoir été témoin de violence domestique dans l'enfance (violence au cours de la vie infligée par un membre de la famille : RC ajusté = 9,46; IC à 95 % : 5,11 à 17,52) ainsi que des relations de mauvaise qualité avec le conjoint, la famille et les amis.
Conclusion : Notre recherche documente les conséquences à long terme de conditions défavorables dans l'enfance sur la violence conjugale et familiale au Canada. Nos résultats isolent certains facteurs évitables associés à la violence psychologique actuelle et passée chez les personnes âgées résidant dans la collectivité au Canada.
Mots-clés : violence interpersonnelle, personnes âgées, parcours de vie, adversité.
Points saillants
- Savoir ce qui conduit à la maltraitance envers les aînés peut aider à développer des programmes cernant, prévenant et réduisant la violence. Cela va être de plus en plus nécessaire avec le vieillissement de la population canadienne.
- Parmi les aînés de 65 à 74 ans vivant dans la collectivité, 9,6 % ont déclaré avoir subi de la violence de la part d'un membre de leur famille et 18% de la violence psychologique de la part de leur conjoint au cours des six derniers mois.
- Davantage de femmes que d'hommes ont déclaré avoir subi de la violence physique ou psychologique de la part de leur conjoint ou d'un membre de leur famille.
- Les personnes ayant été témoin de violence domestique durant leur enfance ou ayant de mauvaises relations avec leur conjoint, leur famille et leurs amis sont davantage susceptibles de subir ou d'avoir subi de la violence au cours de leur vie.
- Les mesures de prévention devraient tenter de briser le cycle de la violence à ses premières étapes.
Introduction
Selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé, la violence englobe toutes les formes de maltraitance physique et psychologique qui imposent un fardeau aux personnes, aux familles et aux collectivités Note de bas de page 1. Ses formes courantes, outre la violence physique, sont la négligence, la violence verbale et l'exploitation financière Note de bas de page 2 et, dans le cas de la violence conjugale, la violence psychologique Note de bas de page 3. Les personnes âgées sont davantage susceptibles de subir de la violence conjugale et familiale. Près de 7 % des aînés canadiens ne vivant pas en institution déclarent avoir subi une forme de maltraitance Note de bas de page 4. La violence a des conséquences graves sur la santé des personnes âgées et elle constitue un problème de santé publique pour les collectivités.
La violence interpersonnelle dépend du développement de la personne, de ses relations familiales et du soutien reçu et elle a des conséquences négatives sur ces éléments Note de bas de page 5. Les caractéristiques associées à la santé et à l'âge, notamment le déficit cognitif, les maladies chroniques et le besoin d'aide pour accomplir les activités de la vie quotidienne sont d'importants prédicteurs de maltraitance, ce qui est également le cas des problèmes interpersonnels, en particulier des conflits avec des membres de la famille et des amis Note de bas de page 6. Les femmes présentent un risque plus élevé d'être victimes de violence de la part d'un conjoint, celles vivant avec un handicap courant un risque particulièrement élevé de violence grave Note de bas de page 7.
L'exposition à la violence dans l'enfance peut conduire à un mauvais état de santé, à une dépendance à l'alcool et à de la violence conjugale Note de bas de page 8. De même, le fait d'avoir vécu des expériences de violence au cours de sa vie est associé à un faible bien-être mental et physique Note de bas de page 9 et peut constituer un prédicteur du fait de subir des agressions Note de bas de page 10. Pourtant, peu d'études sur la violence envers les personnes âgées ont adopté une approche fondée sur le parcours de vie, qui suppose qu'une exposition précoce à des conditions défavorables ou à la violence soit un prédicteur de violence chez les personnes âgées. De plus, il y a une lacune d'études originales sur les corrélats de la violence chez les Canadiens âgés en général ainsi que d'analyses comparatives examinant la violence interpersonnelle infligée par un conjoint ou un membre de la famille, en particulier chez les personnes âgées. Ce type d'information peut pourtant contribuer à l'élaboration de politiques et de mesures visant à cerner, prévenir et réduire la violence chez les personnes âgées, ce qui va être de plus en plus nécessaire avec le vieillissement de la population canadienne.
Notre étude examine les corrélats à la fois personnels (comportement, santé et facteurs socioéconomiques) et interpersonnels (relations avec le conjoint et les membres de la famille) de la violence physique et psychologique passée et actuelle subie par les aînés canadiens, en tenant compte des conséquences à long terme des conditions défavorables vécues dans l'enfance.
Méthodologie
Nous avons analysé les données de base (2012) des deux sites Internet canadiens de l'Étude internationale sur la mobilité au cours du vieillissement (IMIAS) qui porte sur des personnes de 65 à 74 ans résidant dans la collectivité. Les participants ont été invités à participer à l'IMIAS par une lettre de leur médecin de famille. Environ 30 % de ceux qui ont reçu un courrier ont communiqué avec l'équipe de chercheurs soit de Kingston en Ontario (398 personnes; 186 hommes et 212 femmes) soit de Saint-Hyacinthe au Québec (401 personnes; 191 hommes et 210 femmes). Le taux de participation à la suite de ce premier contact a été de 95 %. Les participants présentant un risque élevé d'être atteint de démence à la suite d'un test standardisé ont été exclus. Tous les modules du questionnaire ont été validés et traduits en français. La formation de l'enquêteur et les directives du protocole étaient identiques pour les deux sites.
Nous avons obtenu les approbations déontologiques de l'Université Queen's et de l'Université de Montréal.
Measures
Variable réponse : Nous avons évalué la violence familiale au moyen de l'outil d'évaluation du risque Frapper-Insulter-Menacer-Crier (FIMC) qui a d'abord été validé auprès d'échantillons de femmes et d'hommesNote de bas de page 11. On a demandé aux participants si, au cours de leur vie ou des six derniers mois, un conjoint ou un membre de leur famille avait crié sur eux, les avait menacés, insultés, dénigrés ou blessés physiquement. On a traité séparément les réponses sur la violence physique et psychologique actuelle et passée et selon l'auteur des actes de violence (conjoint ou membre de la famille). Pour cette étude, des catégories dichotomiques de réponse ont été créées comme suit : ont été codées « oui » les réponses « parfois », « assez souvent » et « fréquemment » pour la violence physique et les réponses « assez souvent » et « fréquemment » pour la violence psychologique. À partir de là, quatre regroupements ont été faits : violence psychologique actuelle exercée par un conjoint, violence psychologique actuelle exercée par un membre de la famille et (en combinant violence physique passée et violence psychologique passée) violence au cours de la vie infligée par un conjoint et violence au cours de la vie infligée par un membre de la famille.
Caractéristiques individuelles. Les caractéristiques sociodémographiques étaient l'âge, le statut vis-à-vis de l'immigration, l'état matrimonial, le sexe, le niveau de scolarité, la profession, le revenu annuel et la suffisance du revenu pour les besoins de base déclarée par le participant. Deux mesures de l'état de santé ont été utilisées : l'indice de masse corporelle (IMC) et le nombre cumulatif moyen de maladies chroniques importantes (hypertension artérielle, arthrite, ostéoporose, maladie pulmonaire, cancer, maladie du cœur, maladie cérébrovasculaire et diabète). On a identifié, grâce à un indicateur des activités de la vie quotidienne, les personnes incapables de prendre un bain, de s'habiller, d'assurer leur hygiène personnelle, de se déplacer ou de s'alimenter sans aideNote de bas de page 12. Le questionnaire Nagi a été utilisé pour quantifier les limitations autoévaluées de mobilitéNote de bas de page 13 et l'Échelle de confiance dans la capacité d'éviter les chutes (Falls Efficacy Scale International ou FES-I) a permis de calculer le nombre de chutes au cours des douze derniers moisNote de bas de page 14. Les comportements liés à la santé ont été mesurés par la consommation d'alcool, le tabagisme et l'IMC.
Caractéristiques interpersonnelles. Les données de l'IMIAS fournissent les conditions de logement (vivre seul, avec conjoint seulement, avec des enfants et/ou un conjoint et/ou d'autres personnes). Nous avons défini une cote d'activités sociales fondée sur la fréquentation de centres communautaires ou de loisirs, d'associations de personnes âgées, de magasins ou centres commerciaux et sur la participation à des activités religieuses au cours des douze derniers mois, et nous avons quantifié la qualité des relations à partir de la satisfaction des relations avec les amis et la famille. Une cote de qualité de l'union a synthétisé les réponses sur le sentiment d'être aimé et apprécié de son conjoint, d'être écouté par lui et de compter pour lui.
Expériences de vie difficiles. L'IMIAS évalue les expériences difficiles vécues au cours des 15 premières années de vie en se basant sur l'Étude sur la santé, le bien-être et le vieillissement (Survey on Health, Well-Being and Aging, SABE)Note de bas de page 15. Nous avons utilisé des mesures de la pauvreté, de la faim, du chômage prolongé d'un parent, du fait d'avoir été témoin de violence domestique, d'abus d'alcool ou de drogue par un parent et du divorce des parents durant l'enfance.
Analyses statistiques
La sélection des facteurs potentiels associés à la violence chez les aînés a été orientée par un cadre d'environnement global pour la prévention de la violenceNote de bas de page 16 qui tient compte de l'influence réciproque complexe des facteurs individuels, relationnels, collectifs et sociétaux. La catégorisation de certaines variables peut différer légèrement entre les modèles, car les catégories, nombreuses, ont parfois été regroupées.
Nous avons utilisé le test de Student et le test du chi carré pour étudier les différences entre les hommes et les femmes dans la répartition des caractéristiques personnelles et interpersonnelles et celles de la violence. Afin de vérifier la pertinence de la prise en compte des expériences de violence au cours de la vie, nous avons créé un tableau croisé de la violence actuelle et passée pour voir quelle proportion de l'échantillon déclarait subir ou avoir subi de la violence. Nous avons utilisé une analyse de régression linéaire pour confirmer l'existence d'une colinéarité entre les variables indépendantes, en faisant une requête de colinéarité pour chaque modèle de régression multiple. L'élaboration du modèle s'est faite en quatre étapes principales. D'abord, des analyses de régression logistique bivariée ont été réalisées afin de vérifier les associations entre les variables indépendantes personnelles et chacune des quatre catégories de violence. Les variables associées à la violence (p < 0,05) ont ensuite été intégrées aux modèles multivariés. On a tenu compte de l'âge en tant que covariable, mais on ne l'a intégré ni aux modèles bivariés ni aux multivariés, étant donné qu'il exerce peu d'influence sur eux et présente un faible intérêt dans le contexte de la population à l'étude, en raison du faible écart d'âge. Nous avons élaboré trois modèles de régression logistique multivariés pour chacune des quatre catégories de violence. Le premier modèle incluait toutes les caractéristiques personnelles et interpersonnelles. Les variables associées aux expériences de violence au cours de la vie ont ensuite été intégrées progressivement au deuxième modèle, puis les indicateurs de conditions défavorables durant l'enfance ont été intégrés au troisième modèle. Afin d'examiner les différences entre les expériences de violence vécues par les hommes et celles vécues par les femmes, nous avons ajouté à chaque modèle des termes d'interaction entre le sexe et les facteurs sélectionnés pour connaître leur importance statistique : nous n'avons constaté aucune interaction importante. Tous les modèles ont été ajustés en fonction du lieu de naissance, du revenu annuel, du niveau de scolarité et de la profession. On a considéré les résultats comme statistiquement significatifs si la valeur p était inférieure à 0,05. On a calculé les rapports de cotes (RC) et les rapports de cotes ajustés (RCA) avec des intervalles de confiance (IC) établis à 95 %. Les analyses ont été effectuées à l'aide de la version 21 de SPSS (IBM, Chicago, Illinois, É.-U.).
Résultats
Les différences entre les sexes dans les caractéristiques et les conditions de vie des participants canadiens à l'IMIAS sont présentées dans le tableau 1.
Caractéristiques | Pourcentage (n) | Valeur p | ||
---|---|---|---|---|
Ensemble (n = 799) |
Hommes (n = 377) |
Femmes (n = 422) |
||
Personnelles | ||||
État matrimonial | ||||
Célibataire (jamais marié) | 4,6 % (37) | 3,2 % (12) | 5,9 % (25) | 0,000 |
Marié/conjoint de fait | 66,1 % (528) | 77,5 % (292) | 55,9 % (236) | |
Veuf ou veuve | 10,6 % (85) | 4,2 % (16) | 16,4 % (69) | |
Séparé/divorcé | 18,6 % (149) | 15,1 % (57) | 21,8 % (92) | |
Revenu considéré comme | ||||
Insuffisant | 6,4 % (51) | 4,0 % (15) | 8,5 % (36) | 0,009 |
Convenable | 41,1 % (328) | 39,3 % (148) | 42,7 % (180) | |
Suffisant | 52,6 % (420) | 56,8 % (214) | 48,8 % (206) | |
Maladies chroniques (nombre moyen) | 1,79 | 1,65 | 1,92 | 0,004 |
Difficulté à parcourir 400 mètres | 14,3 % (114) | 11,5 % (43) | 16,9 % (71) | 0,056 |
Chute durant la dernière année | 30,5 % (244) | 28,6 % (108) | 32,2 % (136) | 0,154 |
Activités de la vie quotidienne : au moins une limitation | 19,3 % (154) | 16,2 % (61) | 22,0 % (93) | 0,087 |
Consommation d'alcool | ||||
Aucune | 22,2 % (177) | 16,8 % (63) | 27,1 % (114) | 0,000 |
Moins d'une fois par semaine | 29,4 % (234) | 24,5 % (92) | 33,6 % (142) | |
Hebdomadaire | 45,3 % (361) | 53,5 % (201) | 38,0 % (160) | |
Quotidienne | 3,1 % (25) | 5,3 % (20) | 1,2 % (5) | |
Importance de la consommation d'alcool (nombre moyen de consommations/occasion) | 3,58 | 4,08 | 3,13 | 0,000 |
Fumeur | 7,3 % (58) | 7,7 % (29) | 6,9 % (29) | 0,661 |
Indice de masse corporelle | ||||
Poids insuffisant | 2,8 % (22) | 1,3 % (5) | 4,0 % (17) | 0,016 |
Normal | 28,2 % (225) | 24,9 % (94) | 31,0 % (131) | |
Embonpoint | 31,4 % (251) | 34,2 % (129) | 28,9 % (122) | |
Obésité | 37,7 % (301) | 39,5 % (149) | 36,0 % (152) | |
Conditions défavorables dans l'enfance | ||||
Pauvreté | 27,8 % (222) | 29,4 % (111) | 26,3 % (111) | 0,181 |
Faim | 5,0 % (40) | 4,8 % (18) | 5,2 % (22) | 0,453 |
Parents au chômage | 8,4 % (67) | 9,3 % (35) | 7,6 % (32) | 0,443 |
Divorce des parents | 3,4 % (27) | 3,2 % (12) | 3,6 % (15) | 0,846 |
Toxicomanie parentale | 14, 6 % (117) | 13,0 % (49) | 16,1 % (68) | 0,230 |
Témoin de violence domestique | 13,5 % (108) | 9,3 % (35) | 17,3 % (73) | 0,001 |
Relations interpersonnelles | ||||
Contexte de vie | ||||
Vit seul | 28,9 % (231) | 17,5 % (66) | 39,1 % (165) | 0,000 |
Avec conjoint | 55,4 % (443) | 58,9 % (222) | 52,4 % (221) | |
Avec conjoint et enfant | 12,5 % (100) | 21,5 % (81) | 4,5 % (19) | |
Avec enfant | 1,8 % (14) | 0,5 % (2) | 2,8 % (12) | |
Avec d'autres personnes | 1,4 % (11) | 1,6 % (6) | 1,2 % (5) | |
Relations interpersonnelles (moyenne) | 12,06 | 12,28 | 11,90 | 0,039 |
Cote de qualité de l'union (moyenne) | 17,73 | 18,05 | 17,33 | 0,006 |
Cote d'activités sociales (moyenne) | 5,18 | 4,99 | 5,35 | 0,035 |
Au total, 18 % des participants ont déclaré avoir été victimes de violence de la part d'un conjoint au cours des six derniers mois (tableau 2). On ne constate aucune différence entre les sexes dans les déclarations de violence récente de la part d'un conjoint. Cependant, un plus grand nombre de femmes que d'hommes ont déclaré avoir subi au cours de leur vie de la violence conjugale psychologique (16,6 % contre 10,3 %, p < 0,01) et physique (7,1 % contre 0,8 %, p < 0,0001). La violence psychologique passée exercée par un membre de la famille était plus de deux fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes (12,1 % contre 4,8 %, p < 0,0001).
Forme de violence physique et psychologique | Percentage (number) | Valeur p | ||
---|---|---|---|---|
Ensemble n = 799 |
Hommes n = 377 |
Femmes n = 422 |
||
1 épisode au moins de violence vécu au cours des six derniers mois | ||||
Violence psychologique exercée par un conjoint (n= 533 ayant un conjoint) | 18,0% (96) | 18,2% (54a) | 17,8% (42b) | 0,1 |
Violence physique infligée par un conjoint (n= 533 ayant un conjoint) | 0,4% (1) | 0,6% (1a) | 0% (0b) | — |
Violence psychologique exercée par un membre de la famille | 9,6% (77) | 7,2% (27) | 11,8% (50) | 0,030 |
Violence physique infligée par un membre de la famille | 0,4% (3) | 0,8% (3) | 0% (0) | — |
1 épisode au moins de violence vécu au cours de la vie | ||||
Violence psychologique exercée par un conjoint (assez souvent ou fréquemment) | 13,6% (109) | 10,3% (39) | 16,6% (70) | 0,010 |
Violence physique infligée par un conjoint (parfois, assez souvent ou fréquemment) | 4,1% (33) | 0,8% (3) | 7,1% (30) | 0,000 |
Violence psychologique exercée par un membre de la famille (assez souvent ou fréquemment) | 8,6% (69) | 4,8% (18) | 12,1% (51) | 0,000 |
Violence physique infligée par un membre de la famille (parfois, assez souvent ou fréquemment) | 6,4% (51) | 5,0% (19) | 7,6% (32) | 0,150 |
Remarque : Les proportions concernant la violence physique et psychologique exercée par un conjoint au cours des six derniers mois sont calculées pour les personnes ayant indiqué avoir un conjoint, soit 533 (ahommes = 297; bfemmes = 236). |
Les tableaux 3 à 6 présentent les associations non ajustées et ajustées pour chacune des quatre catégories de violence : violence psychologique actuelle exercée par un conjoint, violence passée infligée par un conjoint, violence psychologique actuelle exercée par un membre de la famille et violence passée infligée par un membre de la famille.
Rapport de cotes (intervalle de confiance à 95 %) | ||||
---|---|---|---|---|
Modèles bivariés (non ajustés) | Modèle 1 multivarié ajusté | Modèle 2 multivarié ajusté | Modèle 3 multivarié ajusté | |
Vit avec conjoint et enfants ou autres personnes | 1,82** (1,09 à 3,03) | 2,13** (1,21 à 3,76) | 2,16** (1,19 à 3,86) | 2,07** (1,14 à 3,76) |
Qualité de l'union | 0,88** (0,83 à 0,94) | 0,83** (0,77 à 0,90) | 0,84** (0,77 à 0,91) | 0,84** (0,78 à 0,91) |
Consommation quotidienne d'alcool | 2,35* (1,13 à 4,88) | 2,65* (1,14 à 6,20) | 2,63* (1,10 à 6,31) | 2,25** (1,07 à 6,15) |
Difficulté à parcourir 400 mètres | 4,13** (1,46 à 11,7) | 5,45** (1,81 à 16,38) | 5,01** (1,56 à 16,09) | 5,00** (1,53 à 16,29) |
Au moins deux chutes au cours des 12 derniers mois |
2,02* (1,05 à 3,90) | 1,25* (0,66 à 2,38) | 1,67 (0,79 à 3,47) | 1,71 (0,82 à 3,60) |
Violence au cours de la vie exercée par un conjoint |
5,87** (3,22 à 10,70) | 5,36** (2,76 à 10,38) | 5,29** (2,71 à 10,33) | |
Témoin de violence domestique dans l'enfance | 2,06* (1,13 à 3,75) | 2,10* (1,06 à 4,17) | ||
Remarques : Les catégories de référence sont les suivantes : vit avec son conjoint seulement, aucune difficulté à parcourir 400 mètres, aucune consommation d'alcool, aucune chute au cours des douze derniers mois, aucune violence conjugale passée, n'a pas été témoin de violence domestique dans l'enfance. Le premier modèle multivarié intègre de nombreuses caractéristiques sociodémographiques et établit une corrélation entre l'état de santé et le comportement lié à la santé. Le deuxième modèle est basé sur le modèle 1 avec ajout de la violence au cours de la vie infligée par un conjoint ou un membre de la famille. Le troisième modèle est basé sur le modèle 2 avec ajout des conditions défavorables durant l'enfance. Tous les modèles multivariés ont été ajustés pour tenir compte du statut vis-à-vis de l'immigration (né à l'extérieur du Canada), du niveau de scolarité, de la profession et du revenu. * p < 0,05; **p < 0,01. |
Violence psychologique actuelle exercée par un conjoint
Des difficultés importantes à parcourir 400 mètres, avoir fait au moins deux chutes au cours des douze derniers mois et une consommation quotidienne d'alcool sont des variables étroitement associées à la violence psychologique exercée par un conjoint au cours des six derniers mois (tableau 3). Une expérience de violence passée de la part d'un conjoint et avoir été témoin de violence domestique durant l'enfance sont aussi des variables étroitement liées à la violence psychologique actuelle exercée par un conjoint. À l'opposé, le fait de vivre seul avec un conjoint (et non avec des enfants ou d'autres personnes) semble être un facteur de protection, de même que des relations de grande qualité.
Dans les modèles multivariés, tous les corrélats demeurent associés de manière indépendante à la variable réponse, à l'exception des chutes. L'expérience de violence passée de la part d'un conjoint et les difficultés à marcher sont les corrélats indépendants les plus importants de la violence psychologique actuelle exercée par un conjoint. Les personnes ayant déclaré avoir été victimes de violence de la part d'un conjoint au cours de leur vie étaient plus de cinq fois plus susceptibles d'avoir subi de la violence psychologique de la part de leur conjoint au cours des six derniers mois (RCA = 5,29; IC à 95 % : 2,71 à 10,33). Les personnes ayant des difficultés à parcourir 400 mètres sont cinq fois plus susceptibles de subir de la violence actuelle de la part d'un conjoint (RCA = 5,00; IC à 95 % : 1,53 à 16,29) que celles qui n'ont aucune limitation de mobilité. L'expérience de violence passée infligée par un conjoint n'a qu'une faible valeur explicative par rapport au lien entre consommation importante d'alcool et violence psychologique actuelle exercée par un conjoint. L'ajout du fait d'avoir été témoin de violence domestique durant l'enfance modifie peu les autres associations mais demeure un facteur important en soi.
Violence au cours de la vie infligée par un conjoint Le fait d'être une femme, une consommation quotidienne d'alcool, l'obésité, vivre avec des enfants, des difficultés en lien avec la mobilité ou l'accomplissement des activités de la vie quotidienne, des chutes, une consommation excessive d'alcool ou de drogue par un parent et le divorce des parents durant l'enfance sont toutes des variables associées de manière indépendante à la violence infligée par un conjoint au cours de la vie ainsi qu'à des mauvais traitements infligés dans le passé par un membre de la famille (RC = 4,16; IC à 95 % : 2,52 à 6,85) (tableau 4).
Rapport de cotes (intervalle de confiance à 95 %) | ||||
---|---|---|---|---|
Modèles bivariés (non ajustés) | Modèle 1 multivarié ajusté | Modèle 2 multivarié ajusté | Modèle 3 multivarié ajusté | |
Femme | 1,67* (1,10 à 2,54) | 2,61** (1,49 à 4,53) | 2,42** (1,38 à 4,25) | 2,48** (1,40 à 4,37) |
Vit avec un enfant | 3,81* (1,28 à 11,39) | 2,17* (1,13 à 4,18) | 1,92 (0,99 à 3,75) | 1,85 (0,95 à 3,63) |
Difficulté à parcourir 400 mètres | 6,57** (1,86 à 23,13) | 0,70 (0,27 à 1,13) | 0,67 (0,22 à 2,02) | 0,70 (0,23 à 2,09) |
Au moins une limitation dans les AVQ | 3,08** (1,58 à 6,01) | 2,72* (1,12 à 6,62) | 2,30 (0,92 à,5,75) | 2,14 (0,85 à 5,39) |
Au moins deux chutes | 2,51* (1,17 à 5,38) | 1,38 (0,74 à 2,57) | 1,40 (0,75 à 2,64) | 1,40 (0,74 à 2,65) |
Consommation quotidienne d'alcool | 4,70** (1,88 à 11,74) | 7,02** (2,43 à 20,29) | 6,53** (2,21 à 19,26) | 6,83** (2,30 à 20,23) |
IMC : obésité | 2,16** (1,23 à 3,80) | 2,25** (1,27 à 4,00) | 2,26** (1,97 à 6,40) | 2,22** (1,23 à 4,00) |
Violence au cours de la vie infligée par un membre de la famille | 4,16** (2,52 à 6,85) | 3,55** (1,97 à 6,40) | 3,07** (1,66 à 5,67) | |
Toxicomanie parentale | 2,16** (1,33 à 3,52) | 1,48 (0,82 à 2,67) | ||
Divorce des parents dans l'enfance | 3,32** (1,45 à 7,59) | 2,79* (1,06 à 7,31) | ||
Abréviations : AVQ, activités de la vie quotidienne; IMC, indice de masse corporelle. Remarques : Les catégories de référence sont les suivantes : homme, jamais marié ou célibataire, vit avec le conjoint seulement, aucune difficulté à parcourir 400 mètres, aucune difficulté à accomplir les activités de la vie quotidienne, aucune chute au cours des douze derniers mois, aucune consommation d'alcool, IMC normal, aucune violence au cours de la vie infligée par un membre de la famille, n'a pas été témoin de consommation excessive d'alcool ou de drogues par les parents, pas de divorce des parents durant l'enfance. Le premier modèle multivarié intègre de nombreuses caractéristiques sociodémographiques et établit une corrélation entre l'état de santé et le comportement lié à la santé. Le deuxième modèle est basé sur le modèle 1 avec ajout de la violence au cours de la vie infligée par un membre de la famille. Le troisième modèle est basé sur le modèle 2 avec ajout des conditions défavorables durant l'enfance. Tous les modèles multivariés ont été ajustés pour tenir compte du statut vis-à-vis de l'immigration (né à l'extérieur du Canada), du niveau de scolarité, de la profession et du revenu. *p < 0,05; **p < 0,01. |
Dans les analyses multivariées, le sexe, une consommation quotidienne d'alcool (RCA = 6,83; IC à 95 % : 2,30 à 20,23), l'obésité, une expérience de violence infligée par un membre de la famille ou le divorce des parents durant l'enfance demeurent des variables associées de manière indépendante à la violence exercée par un conjoint au cours de la vie. Une expérience de violence psychologique passée exercée par un membre de la famille semble expliquer en partie l'association entre une consommation quotidienne d'alcool et la violence infligée par un conjoint au cours de la vie (voir la différence entre les modèles multivariés 1 et 2). Les expériences négatives vécues durant l'enfance (divorce des parents ou consommation par eux d'alcool ou de drogues) expliquent aussi en partie l'association entre la violence passée infligée par un membre de la famille et la violence infligée par un conjoint au cours de la vie (voir la différence entre les modèles multivariés 2 et 3).
Violence psychologique actuelle exercée par un membre de la famille Les corrélats personnels à la violence psychologique exercée par un membre de la famille au cours des six derniers mois sont le fait d'être une femme, l'autoévaluation d'un revenu insuffisant, vivre avec un enfant, des relations de mauvaise qualité avec les membres de la famille et les amis et avoir été témoin de violence physique entre les membres de la famille durant l'enfance (tableau 5). Le fait d'avoir subi de la violence au cours de la vie accroît également la probabilité d'être victime de violence psychologique actuelle de la part d'un membre de la famille (RC = 2,68; IC à 95 % : de 1,54 à 4,61). L'association entre le fait de vivre avec un enfant ou d'autres personnes et la variable réponse est considérablement réduite dans le modèle multivarié ajusté en fonction des caractéristiques personnelles ou interpersonnelles (modèle 1) et elle n'a plus d'importance dans le modèle définitif. L'ajout des variables de l'expérience de violence passée et des conditions défavorables durant l'enfance n'a pas modifié les associations entre les caractéristiques actuelles et la variable réponse.
Rapport de cotes (intervalle de confiance à 95 %) | ||||
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Modèles bivariés (non ajustés) | Modèle 1 multivarié ajusté | Modèle 2 multivarié ajusté | Modèle 3 multivarié ajusté | |
Femme | 1,74* (1,07 à 2,84) | 2,00* (1,12 à 3,56) | 1,84* (1,03 à 3,30) | 1,83* (1,02 à 3,30) |
Revenu considéré comme insuffisant | 2,76** (1,31 à 5,83) | 2,30 (0,97 à 5,48) | 2,16 (0,90 à 5,18) | 2,17 (0,90 à 5,24) |
Vit avec enfants ou autres personnes | 4,79** (1,48 à 15,47) | 2,04* (1,06 à 3,92) | 1,88 (0,97 à 3,64) | 1,80 (0,92 à 3,50) |
Relations de mauvaise qualité | 2,11** (1,30 à 3,42) | 2,06** (1,24 à 3,42) | 2,01** (1,21 à 3,36) | 1,95* (1,16 à 3,26) |
Violence au cours de la vie infligée par un conjoint | 2,68** (1,54 à 4,61) | 2,34** (1,31 à 4,20) | 2,29** (1,27 à 4,12) | |
Témoin de violence au foyer dans l'enfance | 2,33** (1,33 à 4,09) | 2,20* (1,19 à 4,07) | ||
Remarques : Les catégories de référence sont les suivantes : homme, revenu considéré comme suffisant, vit avec conjoint seulement, très bonnes relations, aucune expérience antérieure de violence infligée par un conjoint, n'a jamais été témoin de violence domestique. Le premier modèle multivarié intègre de nombreuses caractéristiques sociodémographiques et établit une corrélation entre l'état de santé et le comportement lié à la santé. Le deuxième modèle est basé sur le modèle 1 avec ajout de la violence au cours de la vie antérieure infligée par un membre de la famille. Le troisième modèle est basé sur le modèle 2 avec ajout des conditions défavorables durant l'enfance. Tous les modèles multivariés ont été ajustés pour tenir compte du statut vis-à-vis de l'immigration (né à l'extérieur du Canada), du niveau de scolarité, de la profession et du revenu, * p < 0,05; **p < 0,01. |
Violence au cours de la vie infligée par un membre de la famille Le fait d'être une femme, d'être veuve, séparée ou divorcée, l'autoévaluation d'un revenu insuffisant, des difficultés en lien avec la mobilité ou l'accomplissement des activités de la vie quotidienne et enfin le tabagisme sont toutes des variables qui augmentent le risque d'être victime de violence au cours de la vie de la part d'un membre de la famille, tout comme une piètre qualité et une faible quantité de relations (tableau 6). Des conditions éprouvantes vécues durant l'enfance comme la faim, le divorce des parents, la toxicomanie parentale et le fait d'avoir été témoin de violence domestique sont d'importants prédicteurs de violence au cours de la vie de la part d'un membre de la famille. Dans le modèle multivarié intégrant toutes les caractéristiques actuelles (modèle 1), le fait d'être une femme, d'avoir peu d'amis et des relations de mauvaise qualité avec sa famille et ses amis ainsi que de connaître des limitations dans les activités de la vie quotidienne sont toutes des variables associées de manière indépendante à la violence au cours de la vie infligée par un membre de la famille. Une expérience de violence au cours de la vie infligée par un conjoint s'est révélée étroitement liée à la violence exercée par un membre de la famille au cours de la vie (RCA = 3,58; IC à 95 % : de 1,88 à 6,83). Le fait d'être témoin de violence domestique durant l'enfance demeure le plus important facteur de risque de subir de la violence au cours de la vie de la part d'un membre de la famille (RCA : 9,46; IC à 95 % : de 5,11 à 17,52).
Rapport de cotes (intervalle de confiance à 95 %) | ||||
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Modèles bivariés (non ajustés) | Modèle 1 multivarié ajusté | Modèle 2 multivarié ajusté | Modèle 3 multivarié ajusté | |
Femme | 2,28** (1,41 à 3,69) | 2,12** (1,17 à 3,82) | 1,90* (1,05 à 3,45) | 1,96* (1,02 à 3,78) |
Veuve | 2,34* (1,22 à 4,51) | 1,64 (0,79 à 3,40) | 1,61 (0,76 à 3,37) | 1,79 (0,79 à 4,05) |
Divorcée ou séparée | 2,63** (1,55 à 4,44) | 1,62 (0,89 à 2,96) | 1,23 (0,65 à 2,32) | 1,17 (0,58 à 2,36) |
Revenu convenable | 2,46** (1,51 à 4,01) | 2,28** (1,31 à 3,97) | 2,22** (1,27 à 3,88) | 2,24* (1,19 à 4,22) |
Revenu insuffisant | 3,41** (1,55 à 7,53) | 1,95 (0,71 à 5,31) | 1,95 (0,71 à 5,36) | 2,39 (0,76 à 7,46) |
Peu de relations | 4,51** (1,97 à 10,34) | 4,22** (1,65 à 10,78) | 4,28** (1,64 à 11,17) | 3,92* (1,34 à 11,42) |
Mauvaises relations | 2,47** (1,54 à 3,97) | 2,27** (1,34 à 3,84) | 2,22** (1,30 à 3,78) | 2,11* (1,15 à 3,86) |
Difficulté à parcourir 400 mètres | 3,01** (1,41 à 6,41) | 1,07 (0,35 à 2,95) | 1,01 (0,34 à 2,98) | 1,08 (0,31 à 3,77) |
Au moins une limitation dans les AVQ | 4,70** (2,44 à 9,05) | 2,48* (1,05 à 5,84) | 2,13 (0,89 à 5,10) | 1,53 (0,58 à 4,05) |
Fumeur | 2,90** (1,52 à 5,54) | 2,15 (1,00 à 4,63) | 2,16 (1,00 à 4,69) | 1,94 (0,82 à 4,62) |
Violence au cours de la vie infligée par un conjoint | 4,16** (2,52 à 6,85) | 3,48** (1,96 à 6,19) | 3,58** (1,88 à 6,83) | |
Faim durant l'enfance | 4,46** (2,20 à,9,01) | 1,61 (0,58 à 4,44) | ||
Toxicomanie parentale | 4,03** (2,46 à 6,60) | 1,57 (0,81 à 3,04) | ||
Divorce des parents durant l'enfance | 3,69** (1,57 à 8,71) | 1,89 (0,60 à 5,97) | ||
Témoin de violence domestique durant l'enfance | 12,54** (7,63 à 20,6) | 9,46** (5,11 à 17,52) | ||
Abréviation : AVQ, activités de la vie quotidienne. Le premier modèle multivarié intègre de nombreuses caractéristiques sociodémographiques et établit une corrélation entre l'état de santé et le comportement lié à la santé. Le deuxième modèle est basé sur le modèle 1 avec ajout de la violence antérieure infligée par un membre de la famille. Le troisième modèle est basé sur le modèle 2 avec ajout des conditions défavorables durant l'enfance. Tous les modèles multivariés ont été ajustés pour tenir compte du statut vis-à-vis de l'immigration (né à l'extérieur du Canada), du niveau de scolarité, de la profession et du revenu. *p < 0,05; **p < 0,01. |
Analyse
Dans cette étude canadienne sur les aînés résidant dans la collectivité, nous rendons compte des corrélats personnels et interpersonnels de la violence en adoptant une approche fondée sur le parcours de vie. À notre connaissance, il s'agit de la première étude à utiliser un vaste éventail d'indicateurs liés à des expériences éprouvantes durant l'enfance pour déterminer les corrélats de la violence envers les aînés. Nos résultats permettent de cerner les facteurs de risque de violence potentiellement modifiables. Nos estimations de la fréquence de la violence donnent à penser qu'un grand nombre de personnes ayant été victimes de violence physique et psychologique par le passé continuent de risquer de subir de la violence en vieillissant. Nous avons constaté des taux de violence semblables à ceux rapportés dans la littératureNote de bas de page 6, selon lesquels la violence psychologique est plus fréquente que la violence physique. En outre, la violence au cours de la vie infligée par un membre de la famille s'est révélée plus répandue que la violence au cours de la vie exercée par un conjoint, alors que la violence actuelle infligée par un conjoint s'est révélée plus fréquente que la violence actuelle infligée par un membre de la famille.
Nous avons repéré plusieurs facteurs systématiquement associés à la violence psychologique actuelle et à la violence au cours de la vie ainsi qu'un certain nombre de facteurs associés à l'une ou à l'autre. À l'exception des risques associés à la violence psychologique actuelle exercée par un conjoint, les femmes participant à notre étude présentaient un risque plus élevé que les hommes, constatations comparables à celles d'autres études selon lesquelles les femmes présentent un risque plus important de subir toutes les formes de mauvais traitementsNote de bas de page 17 et des actes de violence verbale et physiqueNote de bas de page 18,Note de bas de page 19. Deux études constatent que les hommes présentent un risque accru de mauvais traitementsNote de bas de page 20,Note de bas de page 21 et une autre ne décèle aucune différence selon le sexe22, mais il est difficile d'interpréter leurs résultats étant donné que, dans l'uneNote de bas de page 20, les facteurs de confusion possible comme la condition de vie et l'état de santé n'ont pas été vérifiés et que, dans une autreNote de bas de page 22, on n'a sans doute pas été en mesure de détecter un effet en raison de la faible proportion d'hommes dans la population à l'étude. Chose intéressante, le fait d'être une femme est une variable qui n'était pas associée au risque de violence psychologique actuelle de la part d'un conjoint. Cela s'explique peut-être par le fait que les conflits relationnels se règlent de plus en plus souvent par un divorce ou une séparation ou encore par la mort au fur et à mesure que nous vieillissons. Nous avons aussi fait l'hypothèse que certains risques associés à la violence actuelle infligée par un conjoint s'appliquent indifféremment aux hommes et aux femmes ou sont plus courants chez les hommes (p. ex. le stress lié à la cohabitation de la personne soignante et de la victime, l'isolement social, l'abus d'alcool ou d'autres drogues par l'auteur des actes de violence, l'altération des fonctions mentales ou la déficience physique)Note de bas de page 23.
Plusieurs facteurs sont systématiquement associés à la violence psychologique actuelle et à la violence au cours de la vie. Les aînés participant à notre étude couraient un risque accru de vivre un épisode de violence physique ou psychologique impliquant un membre de leur famille s'ils avaient été victimes de violence conjugale, été témoins de violence entre les membres de leur famille au cours de leur enfance et eu de mauvaises relations avec leur famille et leurs amis. Ces risques de violence familiale étaient présents que l'épisode de violence se soit produit au cours des six derniers mois ou antérieurement. Pour ce qui est de la violence conjugale, la consommation quotidienne d'alcool s'est révélé le seul facteur associé systématiquement à des épisodes de violence actuelle et passée de cette nature. Cependant, une expérience antérieure de violence s'est révélée aussi être un facteur commun, étant donné que la violence conjugale passée est associée à la violence conjugale actuelle et que la violence familiale passée est associée à la violence conjugale au cours de la vie.
Nous avons également constaté que l'établissement et l'entretien de relations étroites tout au long de la vie étaient associés à un taux plus faible de violence conjugale et familiale.
À notre connaissance, notre étude est la première à traiter du rôle que joue la qualité de la relation avec le conjoint dans la violence à l'égard des aînés. Plusieurs petites études sur les pourvoyeurs de soins aux aînés qui n'établissent aucune différence entre les types de pourvoyeurs de soins (conjoint ou une autre personne) constatent que les personnes usant de violence verbale sont plus susceptibles de faire état d'une mauvaise relation avec la victime avant son handicap que celles n'usant pas de violenceNote de bas de page 24. La qualité de l'union des participants à notre étude a été évaluée par des questions abordant le sentiment de respect, d'appréciation et de compréhension de la part du conjoint, et cette qualité de l'union compte parmi les corrélats de violence conjugale actuelle les plus importants. Cette constatation rejoint celle d'autres études démontrant une augmentation importante du risque de violence physique, psychologique et générale chez les aînés faisant état de fréquentes disputes ou de mauvaises relations avec leur familleNote de bas de page 6,Note de bas de page 17,Note de bas de page 21. Ceci montre bien que les relations entre conjoints sont un facteur de préoccupation essentiel quand on s'attaque à la violence conjugale, sachant que cette association est indépendante du comportement individuel et de l'état fonctionnel lié à la santé.
Nos résultats révèlent à quel point le parcours de vie est un facteur important d'explication des corrélats de la violence conjugale et familiale chez les aînés canadiens. En fait, une expérience de violence au cours de la vie et des conditions défavorables durant l'enfance semblent être de manière indépendante les corrélats de la violence psychologique actuelle chez les aînés les plus importants. Selon deux autres études canadiennes abordant la violence à l'égard des aînés dans une perspective incluant le parcours de vie, une expérience antérieure de violence augmente considérablement le risque de violence actuelle. D'après une étude sur les 55 ans et plus, les personnes ayant déclaré avoir été victimes de mauvais traitements avant l'âge de 18 ans présentaient un risque plus important de subir des mauvais traitements à un âge avancé, indépendamment des autres facteursNote de bas de page 22. De même, d'après un échantillon davantage représentatif de Canadiens de 65 à 80 ans résidant dans la collectivité, les personnes ayant déclaré un incident d'agression sexuelle avant l'âge de 60 ans présentaient un risque accru d'avoir été récemment victime d'une agression physiqueNote de bas de page 7. Selon les recherches actuelles, avoir subi des agressions durant l'enfance a une influence sur les relations intimes ultérieures et accroît la probabilité de subir des agressions plus tard, surtout chez les femmes25. Comme de nombreux aînés sont ou ont été victimes de violence familiale et conjugale au cours de leur vie, les efforts de prévention et les politiques devraient viser à briser le cycle de la violence à ses premières étapes.
Notre étude est l'une des premières à documenter les conséquences à long terme des circonstances éprouvantes en début de vie sur la violence conjugale et familiale ultérieure chez les aînés canadiens. Au sein de notre cohorte, les personnes ayant vu leurs parents divorcer durant leur enfance étaient près de trois fois plus nombreuses à déclarer une expérience de violence conjugale au cours de leur vie, ce qui donne à penser que l'éclatement précoce d'une famille est un indicateur de difficultés générales durant l'enfance et qu'il a des effets à long terme. En outre, même si la consommation d'alcool ou de drogues par les parents pendant l'enfance a peu d'importance par rapport à d'autres facteurs, elle semble avoir des conséquences ultérieures, accroissant ainsi le risque d'exposition à la violence conjugale et familiale au cours de la vie. En particulier, le fait d'être témoin durant l'enfance de violence entre les membres de la famille est le prédicteur le plus important de violence familiale à l'âge adulte. D'autres études ne portant pas sur des aînés en particulier semblent renforcer ce fait : les mauvais traitements subis durant l'enfance ou le fait d'être témoin de violence entre les parents sont étroitement et de manière indépendante associés à de la violence physique et émotionnelle récente infligée par un conjointNote de bas de page 26. Nos constatations sont conformes à celles d'une littérature de plus en plus abondante qui décrit bien comment le fait de vivre des expériences difficiles durant l'enfance a des conséquences cumulatives, persistantes et néfastes sur de nombreux aspects du bien-être physique et mental des adultesNote de bas de page 27.
Notre étude révèle également un certain nombre de corrélats indépendants de la violence psychologique actuelle et de la violence au cours de la vie, dont les conditions de logement et un mauvais état de santé ou fonctionnel. Le fait d'habiter avec un conjoint et des enfants et/ou d'autres personnes constitue un corrélat indépendant de violence conjugale, ce qui semble indiquer la présence de tensions liées aux espaces communs et une dépendance économique des aînés par rapport aux autres membres du ménage. En fait, les tensions associées au couple, à la famille et aux enfants ainsi qu'à la santé comptent parmi les facteurs de stress les plus fréquemment cités comme étant à l'origine des agressions entre conjointsNote de bas de page 28. De plus, les problèmes fonctionnels, comme les chutes (plus de deux chutes au cours des douze derniers mois) et les problèmes de mobilité (difficulté à parcourir 400 mètres) sont fortement corrélés à la violence conjugale actuelle. Ces résultats donnent à penser que les éléments de stress additionnels liés aux incapacités découlant du vieillissement peuvent être éprouvants pour une relation. Ces constatations sont appuyées par la littérature : les personnes vivant avec un handicap, dont les aînés, risquent généralement davantage de subir des agressions que les personnes physiquement aptes. Ainsi, les aînés handicapés ou ayant besoin d'aide pour accomplir les activités de la vie quotidienne pourraient être particulièrement vulnérables à des agressions de la part de leurs pourvoyeurs de soins, en l'occurrence leur conjointNote de bas de page 29. Cette association entre l'état fonctionnel et la violence peut indiquer que les éléments de stress inhérents à l'incapacité peuvent se traduire par de la violence conjugale. Trouver des moyens d'atténuer la pression sur le pourvoyeur de soins pourrait donc avoir un effet bénéfique et réduire le risque de violence.
Limites
Nos méthodes d'échantillonnage peuvent avoir contribué à l'existence d'un biais léger à moyen de sélection dans l'étude, entraînant une sous-estimation ou une surestimation du degré d'association entre certaines variables et la violence. Notre échantillon, composé de personnes volontaires, n'est peut-être pas représentatif de la population des aînés résidant dans la collectivité en ce qui a trait aux variables mesurées. Par exemple, les critères d'exclusion fondée sur l'état cognitif ont écarté de l'étude les aînés souffrant d'un handicap grave. Pour ce qui est du biais de non-réponse possible, nous pensons que le taux de réponse à notre étude est plus élevé chez les personnes plus instruites. Si les personnes moins instruites de notre échantillon avaient déclaré plus fréquemment avoir été victimes de violence, ces différences dans le taux de réponse auraient effectivement joué sur nos estimations. Les déclarations rétrospectives de violence au cours de la vie et d'expériences difficiles durant l'enfance pourraient aussi avoir fait l'objet d'un biais de rappel, mais l'exclusion des personnes susceptibles d'être atteintes de démence devrait l'avoir réduit au minimum. La désirabilité sociale menant à une sous-déclaration de la violence ne peut être exclue en raison de la possibilité réelle que des participants n'aient pas voulu révéler les comportements négatifs de leur conjoint ou des membres de leur famille. Nous avons dû combiner dans notre étude la violence physique et psychologique interpersonnelle afin d'augmenter le nombre de cas par catégorie. Une revue systématique récente donne à penser que de nombreux facteurs de risque sont associés à la violence qu'elle qu'en soit la forme (psychologique, physique, sexuelle, financière ou négligence)Note de bas de page 30. Néanmoins, des recherches ultérieures devraient analyser soigneusement les différences potentielles dans les corrélats spécifiques à chaque forme de violence interpersonnelle. La faible prévalence absolue de violence physique dans nos résultats devrait également être interprétée avec prudence.
De plus, en raison de la capacité limitée de notre étude, nous n'avons pas pu rendre compte de l'effet des interactions entre les corrélats de l'étude sur les mesures d'association estimées. Les autres facteurs déterminants qui n'ont pas été pris en compte sont l'état de dépendance de la victime à l'égard de l'auteur d'actes de violence (et vice versa), les caractéristiques de l'auteur d'actes de violence (p. ex. santé mentale et stress associé à la charge que représentent les soins) ainsi que d'autres caractéristiques personnelles et socioculturellesNote de bas de page 31.
Conclusion
Le nombre de recherches canadiennes traitant de la violence interpersonnelle spécifiquement chez les aînés est faible. Nous avons créé une liste exhaustive, pour les aînés canadiens résidant dans la collectivité, des corrélats potentiels personnels et interpersonnels à la violence interpersonnelle et nous avons mesuré les associations les plus constantes à la violence actuelle et au cours de la vie que les participants avaient déclaré avoir subie. Déterminer quels facteurs agissent sur les plans personnel et interpersonnel pourrait aider à prévenir la violence psychologique actuelle, par exemple en usant de stratégies destinées à promouvoir les attitudes, convictions et comportements permettant de réduire les conflits et d'encourager les aptitudes à résoudre les problèmesNote de bas de page 16. Le fait que certains aînés aient été victimes de violence à la fois conjugale et familiale au cours de leur vie illustre l'existence de parcours de violence cumulative. Comme Johannesen et LoGiudiceNote de bas de page 32 l'affirment, les liens entre les types de violence à différentes étapes du parcours de vie et les différents modes de maltraitance doivent être cernés et mieux compris afin d'élaborer des programmes de prévention appropriés et de réaliser des interventions adaptées aux enfants, aux femmes et aux familles.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier les collaborateurs suivants de l'Agence de la santé publique du Canada pour leur assistance technique et leur aide à la conception de l'étude : Simone Powell, gestionnaire des politiques sur les aînés, Pamela Ponic, analyste principale de la section Prévention des blessures et Suzanne Hindmarch, gestionnaire de la section Politique, planification et affaires intergouvernementales au bureau régional de l'Ontario. Cette recherche a été financée par les instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Nous tenons à remercier tous les participants à l'étude pour leur engagement et le temps qu'ils ont consacré à cette recherche.
Références
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