Facteurs associés au diagnostic tardif d'un trouble de l'humeur et/ou d'anxiété - PSPMC: Volume 37-5, mai 2017
Volume 37 · numéro 5 · mai 2017
Facteurs associés au diagnostic tardif d'un trouble de l'humeur et/ou d'anxiété
Ricky Cheung, Ph. D.Note de bas de page a; Siobhan O'Donnell, M. Sc.Note de bas de page a; Nawaf Madi, Ph. D.Note de bas de page b ; Elliot M. GoldnerNote de bas de page d , M.D.Note de bas de page c
https://doi.org/10.24095/hpcdp.37.5.02f
Cet article a fait l'objet d'une évaluation par les pairs.
Rattachement des auteurs :
Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada
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Correspondance : Siobhan O'Donnell, Agence de la santé publique du Canada; 785, avenue Carling, IA : 6806B, Ottawa (Ontario) K1A 0K9; tél. : 613-301-7325; téléc. : 613-941-2057; courriel : siobhan.odonnell@phac-aspc.gc.ca
Résumé
Introduction : Cette étude examine les relations entre le délai écoulé avant l'établissement d'un diagnostic et les caractéristiques sociodémographiques et cliniques, ainsi que les relations entre ce délai de diagnostic et l'état de santé physique et mental des adultes canadiens ayant déclaré avoir reçu un diagnostic de trouble de l'humeur et/ou d'anxiété.
Méthodologie : L'Enquête sur les personnes ayant une maladie chronique au Canada - Composante sur les troubles de l'humeur et d'anxiété de 2014 a été utilisée pour cette étude. L'échantillon de l'étude (n = 3 212) a été divisé en trois sous-groupes en fonction du délai de diagnostic : long (plus de 5 ans), modéré (1 à 5 ans) et court (moins d'un an). Nous avons réalisé des analyses de régression logistique multivariées descriptives et multinomiales. Nous avons pondéré toutes les estimations afin que les données soient représentatives de la population canadienne adulte vivant en logement privé dans l'une des 10 provinces et ayant déclaré avoir reçu un diagnostic de troubles de l'humeur et/ou d'anxiété.
Résultats : La plupart (61,6 %) des adultes canadiens ayant déclaré avoir reçu un diagnostic de trouble de l'humeur et/ou d'anxiété ont dit avoir reçu leur diagnostic plus d'un an après l'apparition des symptômes (délai modéré : 30,0 %; délai long : 31,6 %). Après ajustement des caractéristiques individuelles, nous avons constaté qu'un délai modéré était significativement associé à la présence d'un faible nombre de comorbidités physiques ou d'aucune, qu'un délai long était significativement associé à un âge plus avancé, et qu'un délai long ou modéré étaient significativement associés à l'apparition de symptômes à un jeune âge. Finalement, un délai long était significativement associé à une santé mentale perçue comme « mauvaise » ou « passable » et à un nombre plus élevé de limitations d'activité.
Conclusion : Ces résultats confirment qu'un long délai de diagnostic est associé à des résultats de santé négatifs chez les adultes canadiens atteints de trouble de l'humeur et/ou d'anxiété. Le délai de diagnostic est particulièrement sous-optimal chez les adultes plus âgés et les personnes dont les symptômes sont apparus à un jeune âge. La mise en œuvre de stratégies adaptées facilitant l'établissement d'un diagnostic précoce chez les personnes les plus susceptibles d'obtenir un diagnostic tardif, surtout chez celles dont les symptômes sont apparus à un jeune âge, est nécessaire.
Mots-clés : troubles de l'humeur, troubles d'anxiété, diagnostic tardif, état de santé, enquêtes de santé, surveillance de la population, Enquête sur les personnes ayant une maladie chronique au Canada
Points saillants
- Seule une minorité (38,4 %) des adultes canadiens atteints d'un trouble de l'humeur et/ou d'anxiété diagnostiqué(s) ont déclaré avoir reçu leur diagnostic dans un délai cliniquement acceptable, c.-à-d. moins d'un an après l'apparition de leurs symptômes.
- Les Canadiens atteints d'un trouble de l'humeur et/ou d'anxiété diagnostiqué chez qui le délai de diagnostic était modéré (1 à 5 ans) étaient plus susceptibles de n'avoir aucune ou peu de comorbidités physiques. Ceux chez qui le délai de diagnostic était long (plus de 5 ans) étaient plus susceptibles d'être plus âgés. Ceux chez qui le délai de diagnostic était modéré ou long étaient plus susceptibles d'avoir vu leurs symptômes apparaître à un jeune âge.
- Un long délai de diagnostic était associé à de moins bons résultats de santé physique et mentale.
- Il est primordial de mettre en œuvre des stratégies adaptées facilitant l'établissement d'un diagnostic précoce chez les personnes les plus susceptibles d'obtenir un diagnostic tardif.
Introduction
L'établissement d'un diagnostic précoce et l'amorce d'un traitement en temps opportun sont essentiels pour optimiser la santé et le bien-être généraux des personnes atteintes de troubles de l'humeur ou d'anxiétéNote de base de page 1Note de base de page 2Note de base de page 3. Malgré l'existence de traitements efficaces, chez une grande proportion de Canadiens atteints de ces troubles, le diagnostic est pourtant posé tardivement ou aucun diagnostic n'est établiNote de base de page 4Note de base de page 5Note de base de page 6Note de base de page 7Note de base de page 8Note de base de page 9. Divers facteurs individuels ont une influence sur l'état de santé de ces personnes, notamment un faible niveau de connaissance en matière de santé mentale, la crainte de la stigmatisation et une préférence pour l'autogestion de sa propre santé, de même que certains facteurs liés au système de santé, notamment un accès limité aux services de santé mentale et un manque de connaissances, de compétences ou de temps chez les professionnels de la santéNote de base de page 5Note de base de page 6Note de base de page 7.
Compte tenu de la prévalence élevée des troubles de l'humeur et d'anxiété au Canada comme ailleurs dans le mondeNote de base de page 10, un retard ou une absence de diagnostic ont des conséquences importantes sur la santé publique, car l'établissement du diagnostic est une condition habituellement préalable au traitement. Un retard dans l'amorce d'un traitement de ces troubles communs est associé à de moins bons résultats en matière de santé, notamment une dégradation de l'état de santé mentale, le développement d'autres troubles de santé mentale et un risque accru de suicideNote de base de page 3Note de base de page 11Note de base de page 12. De plus, l'apparition précoce de troubles mentaux non traités est liée à de nombreuses difficultés sociales, comme l'échec scolaire, une grossesse à l'adolescence, la violence conjugale ou une incapacité à conserver son emploi ou à entretenir des relationsNote de base de page 13Note de base de page 14Note de base de page 15.
Plusieurs études internationales ont tenté de quantifier le délai de diagnostic moyen et d'examiner les facteurs susceptibles d'expliquer les retards dans l'établissement d'un diagnostic et dans l'amorce d'un traitement après l'apparition des premiers symptômes de trouble de l'humeur et/ou d'anxiétéNote de base de page 16Note de base de page 17Note de base de page 18Note de base de page 19. À notre connaissance, la seule étude canadienne sur le sujet a été publiée il y a presque 20 ans et reposait uniquement sur les données tirées de l'Enquête sur la santé en Ontario. Ses résultats ne sont donc pas représentatifs de la population canadienneNote de base de page 20.
Notre étude, fondée sur les données de l'Enquête sur les personnes ayant une maladie chronique au Canada, 2014 - Composante sur les troubles de l'humeur et d'anxiété (EPMCC-THA), avait deux objectifs : déterminer les caractéristiques sociodémographiques et cliniques associées au délai écoulé avant l'établissement du diagnostic et examiner la relation entre le délai de diagnostic et l'état de santé physique et mentale, au sein d'un échantillon représentatif de la population adulte vivant en logement privé et ayant déclaré avoir reçu un diagnostic de troubles de l'humeur et/ou d'anxiété.
Méthodologie
Source des données et échantillon
L'EPMCC-THA de 2014 a été menée auprès de Canadiens âgés d'au moins 18 ans vivant dans un logement privé dans l'une des 10 provinces et ayant répondu « oui » à la question de l'Enquête sur la santé des collectivités canadiennes (ESCC) - Composante annuelle de 2013 qui leur demandait s'ils avaient reçu d'un professionnel de la santé un diagnostic de trouble de l'humeur et/ou d'anxiété ayant persisté (ou dont on s'attendait à ce qu'il persiste) six mois ou plus (n = 3 361; taux de réponse = 68,9%)Note de base de page 21. Ont été exclus de l'enquête les résidents des trois territoires, les personnes vivant dans une réserve indienne ou sur des terres de la Couronne, celles vivant en établissement, les membres des Forces armées canadiennes travaillant à temps plein et les résidents de certaines régions éloignées, soit au total environ 3 % de la population cible. La méthodologie utilisée dans le cadre de l'EPMCC-THA de 2014 et le profil sociodémographique de l'échantillon final sont décrits ailleursNote de base de page 22. Dans cette étude, l'expression « troubles de l'humeur et/ou d'anxiété » signifie que le répondant a déclaré avoir reçu un diagnostic établi par un professionnel de la santé soit de trouble de l'humeur uniquement, soit de trouble d'anxiété uniquement, soit de troubles concomitants de l'humeur et d'anxiété.
Mesures pour l'étude
Sous-groupes liés au délai de diagnostic
Nous avons calculé pour chacun des répondants le délai écoulé avant l'établissement de son diagnostic en retranchant l'âge auquel les premiers symptômes sont apparus de l'âge auquel il a reçu son diagnostic. Chez les répondants atteints de troubles concomitants de l'humeur et d'anxiété, le délai de diagnostic a été calculé en soustrayant l'âge au moment de l'apparition des symptômes du trouble qui est survenu le plus tardivement de l'âge au moment du diagnostic le plus tardif, et ce, qu'il s'agisse ou non du même trouble. Nous avons ensuite classé les répondants en quatre sous-groupes mutuellement exclusifs en fonction du délai de diagnostic ainsi calculé : (1) symptômes apparus plus de cinq ans avant l'établissement du diagnostic (délai long); (2) symptômes apparus entre un et cinq ans avant l'établissement du diagnostic (délai modéré); (3) apparition des symptômes et établissement du diagnostic dans la même année (délai court); et (4) symptômes apparus après l'établissement du diagnostic. Le choix de l'intervalle de temps pour la création des sous-groupes repose sur des études antérieures qui ont révélé que l'apparition des symptômes et l'obtention d'un diagnostic au cours de la même année sont associées à de meilleurs résultats de santé chez les personnes atteintes de troubles de l'humeur et/ou d'anxiétéNote de base de page 1,Note de base de page 2,Note de base de page 12.
Après exclusion des répondants dont les symptômes étaient apparus après l'établissement du diagnostic, en raison de la petite taille de ce sous-groupe (n = 50), ainsi que de ceux n'ayant pas répondu à l'une des questions permettant de calculer le délai de diagnostic (n = 99), l'échantillon final de l'étude était de 3 212 personnes (figure 1).
Figure 1
Classement des répondants en sous-groupes mutuellement exclusifs en fonction du délai de diagnostic, EPMCC-THA de 2014
Abréviations : DD, délai de diagnostic; EPMCC-THA, Enquête sur les personnes ayant une maladie chronique au Canada, 2014 - Composante sur les troubles de l'humeur et d'anxiété; n, fréquence non pondérée.
Figure 1 : Équivalent textuel
La figure 1 illustre comme les répondants ont été classes en sous-groupes mutuellement exclusifs en fonction du délai de diagnostic. Après exclusion des répondants dont les symptômes étaient apparus après l'établis-sement du diagnostic, en raison de la petite taille de ce sous-groupe (n = 50), ainsi que de ceux n'ayant pas répondu à l'une des questions permettant de calculer le délai de diagnostic (n = 99), l'échantillon final de l'étude était de 3 212 personnes.
Caractéristiques sociodémographiques
Les caractéristiques sociodémographiques analysées étaient l'âge des répondants au moment de l'enquête (groupes d'âges : 18 à 34 ans, 35 à 49 ans, 50 à 64 ans et 65 ans et plus; âge moyen), leur sexe (femme, homme), leur état matrimonial (célibataire ou jamais marié(e); veuf(ve), séparé(e) ou divorcé(e); marié(e) ou conjoint(e) de fait), leur plus haut niveau de scolarité (études secondaires partielles, diplôme d'études secondaires/aucunes études postsecondaires, études postsecondaires partielles, diplôme d'études postsecondaires), le quintile de suffisance du revenu corrigé de leur ménage (déciles calculés par Statistique CanadaNote de base de page * convertis en quintiles), le milieu de résidence (rural, urbain), la zone géographique (région de l'Atlantique, Colombie-Britannique, Ontario, région des Prairies, Québec), le statut d'immigration (immigrant, non-immigrant) et l'identité autochtone (autochtone, non-autochtone).
Caractéristiques cliniques
Les caractéristiques cliniques analysées étaient l'âge à l'apparition des symptômes (groupes d'âge : 19 ans et moins, 20 à 29 ans et 30 ans et plus; âge moyen à l'apparition des symptômes), le nombre de comorbidités physiques (0, 1 à 2 et 3 ou plus) et le type de trouble (trouble de l'humeur uniquement, trouble d'anxiété uniquement, troubles concomitants de l'humeur et d'anxiété). L'établissement de l'âge à l'apparition des symptômes reposait sur les réponses fournies aux questions « Quel âge aviez-vous quand vous avez ressenti pour la première fois des symptômes liés à votre trouble de l'humeur? » et « Quel âge aviez-vous quand vous avez ressenti pour la première fois des symptômes liés à votre trouble d'anxiété? ». Le choix des trois groupes d'âge caractérisant l'âge à l'apparition des symptômes reposait sur les données d'études antérieures, et ces groupes correspondent à trois étapes de la vie : enfance et adolescence (19 ans et moins), début de l'âge adulte (20 à 29 ans) et âge adulte (30 ans et plus)Note de base de page 19,Note de base de page 24,Note de base de page 25. Nous avons déterminé le nombre de comorbidités physiques à partir des réponses portant sur les troubles diagnostiqués par un professionnel de la santé ayant persisté (ou dont on s'attendait à ce qu'ils persistent) six mois ou plus, c.-à-d. : asthme, arthrite, problèmes de dos, maladie pulmonaire obstructive chronique, diabète, maladies du cœur, cancer, accident vasculaire cérébral, maladies intestinales (maladie de Crohn ou colite) et enfin maladie d'Alzheimer ou démence. Chaque affection a été comptabilisée comme une comorbidité physique. Le type de trouble a été défini en demandant aux répondants s'ils étaient atteints ou avaient déjà été atteints d'un trouble de l'humeur (comme la dépression, le trouble bipolaire, la manie ou la dysthymie) et s'ils étaient atteints ou avaient déjà été atteints d'un trouble d'anxiété (comme la phobie, un trouble obsessionnel-compulsif ou un trouble panique) diagnostiqués par un professionnel de la santé.
État de santé physique et mentale
Les mesures de l'état de santé physique et mentale analysées étaient le degré d'incapacité (grave, modérée, légère, nulle), le nombre de limitations d'activités (3 ou plus, 1 à 2, 0), la santé globale perçue, la santé mentale perçue et la satisfaction à l'égard de la vie en général. Les degrés d'incapacité ont été définis à partir de l'indice de l'état de santé Health Utilities Index (HUI), qui mesure l'état de santé fonctionnelle selon huit dimensions : vision, ouïe, parole, mobilité, dextérité, émotion, cognition et douleurNote de base de page 26. Les quatre catégories d'incapacité que nous avons choisies sont fondées sur ces scores globaux de santé fonctionnelle et ont été proposées par Feeny et FurlongNote de base de page 27, puis validées par Feng et ses collaborateursNote de base de page 28 à partir de données canadiennes. La catégorisation liée au nombre de limitations d'activité repose sur le nombre de fois où un répondant a indiqué avoir déjà vécu, au cours des 12 mois précédant l'enquête, « beaucoup » de restrictions en raison de ses troubles de l'humeur et/ou d'anxiété, dans le cadre de sept activités prédéfinies : « activités récréatives, activités de loisir et passe-temps », « exercice ou sport », « activités sociales avec la famille ou les amis », « tâches ménagères », « commissions ou magasinage », « voyage ou vacances » et « prendre soin de soi (comme l'habillement, le bain ou les soins d'hygiène personnelle) ». La santé globale perçue et la santé mentale perçue ont été mesurées en demandant aux répondants d'évaluer leur santé globale et mentale comme « excellente », « très bonne », « bonne », « passable » ou « mauvaise ». Quant à la satisfaction générale à l'égard de la vie, les répondants devaient indiquer sur une échelle de 0 à 10 dans quelle mesure ils étaient satisfaits de leur vie, 0 signifiant « très insatisfait » et 10, « très satisfait ».
Les caractéristiques sociodémographiques et cliniques ainsi que les mesures de l'état de santé correspondaient toutes à « l'état actuel » des répondants au moment de l'enquête.
Analyse statistique
Nous avons effectué des analyses croisées pour décrire les caractéristiques sociodémographiques et cliniques ainsi que l'état de santé physique et mentale en fonction des sous-groupes liés au délai de diagnostic. Nous avons réalisé des tests du chi carré (pour les variables nominales) et des analyses de régression logistique (pour les variables numériques discrètes, c.-à-d. l'âge et l'âge à l'apparition des symptômes) pour préciser les associations entre les sous-groupes liés au délai de diagnostic et les caractéristiques et l'état de santé des répondants. Nous avons aussi mené des analyses de régression logistique multivariées et multinomiales pour examiner les associations indépendantes entre les caractéristiques des répondants et le délai de diagnostic, après ajustement de toutes les autres caractéristiques des répondants, ainsi que les associations entre les facteurs liés à l'état de santé et le délai de diagnostic, après ajustement de l'ensemble des caractéristiques des répondants.
Nous avons également réalisé plusieurs analyses supplémentaires pour évaluer (1) la distribution des répondants en fonction du sous-groupe lié au délai de diagnostic et du type de trouble, ainsi que le délai de diagnostic médian par type de trouble; (2) l'association entre les caractéristiques sociodémographiques et cliniques (variables numériques discrètes : âge des répondants et âge à l'apparition des symptômes) et le délai de diagnostic (variable numérique discrète), au moyen d'une analyse de régression binominale négative; et (3) l'association entre l'état de santé physique et mentale et le délai de diagnostic (variable numérique discrète), par le biais d'une analyse de régression logistique multivariée et multinomiale. Quant au calcul du délai médian de diagnostic, nous avons exclu les répondants classés dans le sous-groupe du délai court (c.-à-d. inférieur à 1 an) de façon à pouvoir comparer les résultats avec ceux d'études antérieuresNote de base de page 16,Note de base de page 17,Note de base de page 18,Note de base de page 19,Note de base de page 29. Les données tirées de ces analyses supplémentaires sont disponibles auprès de l'auteur-ressource.
Pour tenir compte de la répartition de l'échantillon et de la conception de l'enquête, nous avons pondéré toutes les estimations avec les poids d'enquête générés par Statistique CanadaNote de base de page †, afin que les données soient représentatives de la population canadienne adulte vivant en logement privé dans l'une des 10 provinces et ayant déclaré avoir reçu un diagnostic de troubles de l'humeur et/ou d'anxiété. Nous avons également produit des estimations de la variance (intervalles de confiance à 95 % et coefficients de variation) en utilisant les poids de rééchantillonnage bootstrap fournis avec les donnéesNote de base de page 30. Seuls les résultats dont le coefficient de variation était inférieur à 33,3 % sont présentés, conformément aux lignes directrices de Statistique CanadaNote de base de page 21. Les valeurs p inférieures à 0,05 ont été considérées comme statistiquement significatives. Toutes les analyses statistiques ont été réalisées à l'aide de la version 5.1 du logiciel SAS Enterprise Guide (SAS Institute Inc., Cary, Caroline du Nord, États-Unis).
Résultats
La majorité (61,6 %) des adultes canadiens atteints d'un trouble de l'humeur et/ou d'anxiété diagnostiqué ont déclaré avoir reçu leur diagnostic de trouble de l'humeur et/ou d'anxiété plus d'un an après l'apparition de leurs symptômes. Parmi eux, 30,0 % ont reçu un diagnostic entre un et cinq ans après l'apparition de leurs symptômes (délai modéré) et 31,6 % plus de cinq ans après (délai long) (tableau 1). Après exclusion des répondants ayant reçu un diagnostic dans l'année de l'apparition de leurs symptômes, le délai de diagnostic médian était de 5,0 ans chez les répondants atteints de troubles de l'humeur uniquement, de 5,4 ans chez ceux atteints de troubles d'anxiété uniquement et de 5,2 chez ceux atteints des deux troubles concomitants (données disponibles sur demande).
Caractéristiques sociodémographiques et cliniques (nom.) | Sous-groupes liés au délai de diagnostic | Test du chi carré valeur p |
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CourtTableau 1 note de base de page a (n = 1 330; 38,4 %) % (IC à 95 %) | ModéréTableau 1 note de base de page b (n = 882; 30,0 %) % (IC à 95 %) | LongTableau 1 note de base de page c (n = 1 000; 31,6 %) % (IC à 95 %) | ||||||
Âge des répondants (ans) | < 0,001Tableau 1 note de base de page * | |||||||
65 et plus | 19,0 (16,5 à 21,4) | 8,2 (6,3 à 10,2) | 14,7 (11,7 à 17,6) | |||||
50 à 64 | 35,8 (31,7 à 39,9) | 23,8 (18,9 à 28,7) | 32,4 (27,7 à 37,1) | |||||
35 à 49 | 25,1 (21,3 à 28,9) | 27,1 (21,8 à 32,4) | 33,0 (27,5 à 38,6) | |||||
18 à 34 | 20,1 (16,7 à 23,5) | 40,9 (35,4 à 46,4) | 19,9 (15,1 à 24,7) | |||||
Sexe | 0,902 | |||||||
Femme | 64,5 (60,0 à 69,0) | 63,9 (58,6 à 69,3) | 62,7 (57,3 à 68,1) | |||||
Homme | 35,5 (31,0 à 40,0) | 36,1 (30,7 à 41,4) | 37,3 (31,9 à 42,7) | |||||
État matrimonial | < 0,001Tableau 1 note de base de page * | |||||||
Célibataire ou jamais marié(e) | 22,3 (18,6 à 25,9) | 34,7 (29,0 à 40,5) | 22,9 (18,7 à 27,1) | |||||
Veuf(ve), séparé(e) ou divorcé(e) | 19,7 (16,5 à 22,9) | 11,0 (7,8 à 14,1) | 21,4 (17,1 à 25,8) | |||||
Marié(e) ou conjoint(e) de fait | 58,0 (53,8 à 62,2) | 54,3 (48,4 à 60,3) | 55,7 (50,2 à 61,2) | |||||
Plus haut niveau de scolarité des répondants | 0,054 | |||||||
Études secondaires partielles | 16,0 (12,8 à 19,1) | 10,3 (7,8 à 12,8) | 10,0 (6,5 à 13,4)Tableau 1 note de base de page d | |||||
Diplôme d'études secondaires/aucunes études postsecondaires | 22,5 (18,3 à 26,7) | 22,1 (17,6 à 26,5) | 19,2 (15,0 à 23,4) | |||||
Études postsecondaires partielles | 4,6 (2,8 à 6,4)Tableau 1 note de base de page d | 6,7 (4,0 à 9,5)Tableau 1 note de base de page d | 5,7 (3,3 à 8,1)Tableau 1 note de base de page d | |||||
Diplôme d'études postsecondaires | 57,0 (52,2 à 61,7) | 60,9 (55,5 à 66,4) | 65,2 (60,0 à 70,4) | |||||
Quintile de suffisance du revenu pour le ménage | 0,004Tableau 1 note de base de page * | |||||||
Q1 | 25,1 (21,1 à 29,1) | 19,8 (15,3 à 24,3) | 22,7 (18,4 à 26,9) | |||||
Q2 | 22,5 (18,5 à 26,5) | 17,0 (12,7 à 21,3) | 13,8 (10,5 à 17,2) | |||||
Q3 | 21,3 (17,1 à 25,5) | 25,9 (20,3 à 31,6) | 19,9 (15,5 à 24,3) | |||||
Q4 | 14,6 (11,8 à 17,5) | 20,1 (15,2 à 25,0) | 25,0 (20,1 à 29,9) | |||||
Q5 | 16,5 (13,0 à 20,0) | 17,2 (12,9 à 21,5) | 18,7 (14,0 à 23,3) | |||||
Milieu de résidence | 0,332 | |||||||
Rural | 17,8 (14,9 à 20,8) | 19,0 (15,8 à 22,8) | 15,5 (12,4 à 18,7) | |||||
Urbain | 82,2 (79,3 à 85,1) | 81,0 (77,2 à 84,7) | 84,5 (81,3 à 87,6) | |||||
Zone géographique | < 0,001Tableau 1 note de base de page * | |||||||
Colombie-Britannique | 12,1 (9,1 à 15,2) | 16,3 (12,0 à 20,5) | 13,5 (10,3 à 16,7) | |||||
Région des Prairies | 16,3 (13,3 à 19,2) | 18,6 (14,4 à 22,8) | 17,4 (13,3 à 21,5) | |||||
Ontario | 35,4 (31,1 à 39,7) | 41,5 (35,6 à 47,3) | 44,3 (39,1 à 49,5) | |||||
Québec | 27,8 (24,0 à 31,6) | 17,5 (13,1 à 21,8) | 12,9 (9,4 à 16,4) | |||||
Région de l'Atlantique | 8,4 (6,9 à 10,0) | 6,2 (4,6 à 7,7) | 12,0 (9,5 à 14,5) | |||||
Statut d'immigration | 0,283 | |||||||
Immigrant | 15,2 (10,4 à 20,0) | 11,6 (6,9 à 16,2)Tableau 1 note de base de page d | 10,5 (6,5 à 14,5)Tableau 1 note de base de page d | |||||
Non-immigrant | 84,8 (80,1 à 89,6) | 88,4 (83,8 à 93,1) | 89,5 (85,5 à 93,5) | |||||
Identité autochtone | 0,102 | |||||||
Autochtone | 4,3 (2,7 à 6,0)Tableau 1 note de base de page d | 6,9 (3,7 à 10,1)Tableau 1 note de base de page d | 3,9 (2,3 à 5,5)Tableau 1 note de base de page d | |||||
Non-autochtone | 95,7 (94,0 à 97,3) | 93,1 (89,9 à 96,3) | 96,1 (94,5 à 97,7) | |||||
Âge à l'apparition des symptômes (ans) | < 0,001Tableau 1 note de base de page * | |||||||
19 ou moins | 13,4 (10,3 à 16,4) | 35,3 (29,4 à 41,2) | 55,2 (49,7 à 60,7) | |||||
20 à 29 | 20,9 (17,3 à 24,5) | 29,4 (23,4 à 35,5) | 21,4 (17,0 à 25,9) | |||||
30 ou plus | 65,8 (61,5 à 70,0) | 35,3 (30,2 à 40,3) | 23,4 (18,6 à 28,1) | |||||
Comorbidités physiques (nombre) | < 0,001Tableau 1 note de base de page * | |||||||
0 | 34,5 (29,7 à 39,3) | 50,8 (44,7 à 56,8) | 39,0 (33,7 à 44,3) | |||||
1 à 2 | 49,7 (45,0 à 54,3) | 42,0 (36,3 à 47,8) | 46,6 (40,9 à 52,2) | |||||
3 ou plus | 15,8 (12,7 à 18,9) | 7,2 (5,3 à 9,2) | 14,4 (11,1 à 17,8) | |||||
Type de trouble | 0,936 | |||||||
Troubles concomitants de l'humeur et d'anxiété | 29,9 (25,5 à 34,3) | 31,5 (26,4 à 36,6) | 32,5 (27,1 à 37,9) | |||||
Trouble d'anxiété uniquement | 23,7 (19,9 à 27,5) | 24,0 (18,4 à 29,6) | 24,3 (19,6 à 29,0) | |||||
Trouble de l'humeur uniquement | 46,4 (42,0 à 50,8) | 44,5 (38,6 à 50,3) | 43,2 (37,5 à 48,8) | |||||
Caractéristiques sociodémographiques (num.) | Moyenne | ET (valeur p)Tableau 1 note de base de page e | Moyenne | ET (valeur p)Tableau 1 note de base de page e | Moyenne | ET (valeur p)Tableau 1 note de base de page e | ||
Âge des répondants (ans) | 49,8 | 0,6 (Réf) | 41,2 | 0,8 (< 0,001)Tableau 1 note de base de page * | 48,5 | 0,7 (0,184) | ||
Âge à l'apparition des symptômes (ans) | 37,5 | 0,7 (Réf) | 28,1 | 0,7 (< 0,001)Tableau 1 note de base de page * | 20,6 | 0,6 (< 0,001)Tableau 1 note de base de page * | ||
Abréviations : EPMCC-THA, Enquête sur les personnes ayant une maladie chronique au Canada, 2014 - Composante sur les troubles de l'humeur et d'anxiété; ET, erreur-type; IC, intervalle de confiance; n, fréquence non pondérée; nom., variable nominale; num., variable numérique discrète; Q, quintile; Réf, groupe de référence. Remarque : Les taux, les IC à 95 %, les moyennes et les ET sont fondés sur des données pondérées. Court = délai de diagnostic inférieur à 1 an. Modéré = délai de diagnostic compris entre 1 et 5 ans. Long = délai de diagnostic supérieur à 5 ans. Variabilité de l'échantillonnage élevée (coefficient de variation compris entre 16,6 % et 33,3 %). Analyses de régression linéaire. Degré de signification statistique établi à p < 0,05. |
Caractéristiques sociodémographiques et cliniques en fonction des sous-groupes liés au délai de diagnostic
Les relations se sont révélées significatives entre d'une part les différents sous-groupes liés au délai de diagnostic et d'autre part l'âge, l'état matrimonial, la suffisance de revenu du ménage, la zone géographique, l'âge à l'apparition des symptômes et le nombre de comorbidités physiques (tableau 1). De plus, nous avons constaté que l'âge moyen à l'apparition des symptômes diminuait avec l'augmentation du délai de diagnostic (37,5 ans pour un délai de diagnostic court, 28,1 ans pour un délai de diagnostic modéré et 20,6 ans pour un délai de diagnostic long).
Après ajustement pour tenir compte de toutes les caractéristiques sociodémographiques et cliniques, les adultes canadiens atteints d'un trouble de l'humeur et/ou d'anxiété diagnostiqué pour qui le délai de diagnostic était modéré (par opposition à court) étaient plus susceptibles d'avoir vu leurs symptômes apparaître pendant l'enfance ou l'adolescence ou encore au début de l'âge adulte (rapport de cotes ajusté [RC] = 3,5 et 1,9 respectivement) et de n'être atteints que de quelques comorbidités physiques ou d'aucune (RC ajusté = 2,5 et 1,8 respectivement) (tableau 2). Quant aux personnes pour qui le délai de diagnostic était long (par opposition à court), elles étaient plus susceptibles d'appartenir aux cohortes plus âgées (RC ajusté = 7,5 pour les 65 ans et plus, 7,6 pour les 50 à 64 ans et 5,5 pour les 35 à 49 ans) et à avoir vu apparaître leurs symptômes pendant l'enfance ou l'adolescence ou au début de l'âge adulte (RC ajusté = 33,7 et 3,7 respectivement). Nous avons observé une diminution d'environ 8,0 % du délai de diagnostic pour chaque année supplémentaire de l'âge à l'apparition des symptômes, et une hausse de 5,0 % du délai de diagnostic pour chaque année supplémentaire de l'âge des répondants (données disponibles sur demande).
Caractéristiques sociodémographiques et cliniques | Sous-groupes liés au délai de diagnostic | Analyse de l'effet de type 3 valeur p |
|||
---|---|---|---|---|---|
ModéréTableau 2 note de base de page a (n = 882) vs courtTableau 2 note de base de page b (n = 1 330) RCTableau 2 note de base de page d (IC à 95 %) |
valeur p | LongTableau 2 note de base de page c (n = 1 000) vs courtTableau 2 note de base de page b (n = 1 330) RCTableau 2 note de base de page d (IC à 95 %) |
valeur p | ||
Âge des répondants (ans) | < 0,001Tableau 2 note de base de page * | ||||
65 et plus | 0,8 (0,4 à 1,5) | 0,456 | 7,5 (3,4 à 16,4) | < 0,001Tableau 2 note de base de page * | |
50 à 64 | 1,1 (0,6 à 1,9) | 0,825 | 7,6 (3,8 à 15,2) | < 0,001Tableau 2 note de base de page * | |
35 à 49 | 1,3 (0,8 à 2,2) | 0,324 | 5,5 (2,6 à 11,5) | < 0,001Tableau 2 note de base de page * | |
18 à 34 | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Sexe | 0,662 | ||||
Femme | 1,1 (0,7 à 1,5) | 0,752 | 0,9 (0,6 à 1,3) | 0,500 | |
Homme | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
État matrimonial | 0,103 | ||||
Célibataire ou jamais marié(e) | 1,1 (0,7 à 1,7) | 0,599 | 0,7 (0,4 à 1,2) | 0,235 | |
Veuf(ve), séparé(e) ou divorcé(e) | 0,8 (0,5 à 1,3) | 0,413 | 1,4 (0,9 à 2,2) | 0,177 | |
Marié(e) ou conjoint(e) de fait | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Plus haut niveau de scolarité des répondants | 0,742 | ||||
Études secondaires/partielles | 0,7 (0,5 à 1,1) | 0,137 | 0,7 (0,4 à 1,3) | 0,270 | |
Diplôme d'études secondaires/aucunes études postsecondaires | 1,0 (0,7 à 1,4) | 0,818 | 0,8 (0,5 à 1,2) | 0,349 | |
Études postsecondaires partielles | 1,2 (0,6 à 2,5) | 0,688 | 1,1 (0,5 à 2,5) | 0,896 | |
Diplôme d'études postsecondaires | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Quintile de suffisance du revenu pour le ménage | 0,152 | ||||
Q1 | 1,0 (0,6 à 1,7) | 0,925 | 0,8 (0,4 à 1,4) | 0,372 | |
Q2 | 0,9 (0,5 à 1,6) | 0,781 | 0,7 (0,4 à 1,3) | 0,214 | |
Q3 | 1,3 (0,7 à 2,1) | 0,390 | 0,9 (0,5 à 1,8) | 0,843 | |
Q4 | 1,4 (0,8 à 2,4) | 0,274 | 1,5 (0,8 à 2,7) | 0,224 | |
Q5 | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Milieu de résidence | 0,089 | ||||
Rural | 1,1 (0,8 à 1,6) | 0,438 | 0,7 (0,5 à 1,1) | 0,089 | |
Urbain | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Zone géographique | 0,001Tableau 2 note de base de page * | ||||
Colombie-Britannique | 2,3 (1,3 à 4,1) | 0,007Tableau 2 note de base de page * | 1,8 (1,0 à 3,3) | 0,072 | |
Région des Prairies | 1,7 (1,0 à 2,8) | 0,063 | 1,5 (0,9 à 2,8) | 0,146 | |
Ontario | 1,9 (1,2 à 2,9) | 0,007Tableau 2 note de base de page * | 2,1 (1,3 à 3,5) | 0,004Tableau 2 note de base de page * | |
Région de l'Atlantique | 1,2 (0,7 à 1,9) | 0,582 | 2,5 (1,5 à 4,3) | 0,001Tableau 2 note de base de page * | |
Québec | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Statut d'immigration | 0,472 | ||||
Immigrant | 1,4 (0,4 à 5,5) | 0,625 | 2,4 (0,6 à 9,7) | 0,220 | |
Non-immigrant | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Identité autochtone | 0,335 | ||||
Autochtone | 1,5 (0,7 à 2,9) | 0,293 | 0,9 (0,4 à 1,8) | 0,701 | |
Non-autochtone | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Âge à l'apparition des symptômes (ans) | < 0,001Tableau 2 note de base de page * | ||||
19 ou moins | 3,5 (2,1 à 6,0) | < 0,001Tableau 2 note de base de page * | 33,7 (17,6 à 64,7) | < 0,001Tableau 2 note de base de page * | |
20 à 29 | 1,9 (1,2 à 3,0) | 0,007Tableau 2 note de base de page * | 3,7 (2,2 à 6,3) | < 0,001Tableau 2 note de base de page * | |
30 ou plus | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Comorbidités physiques (nombre) | 0,019Tableau 2 note de base de page * | ||||
0 | 2,5 (1,5 à 4,3) | 0,001Tableau 2 note de base de page * | 1,5 (0,9 à 2,4) | 0,152 | |
1 à 2 | 1,8 (1,1 à 2,9) | 0,013Tableau 2 note de base de page * | 1,0 (0,7 à 1,7) | 0,859 | |
3 ou plus | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Type de trouble | 0,472 | ||||
Troubles concomitants de l'humeur et d'anxiété | 1,1 (0,8 à 1,5) | 0,650 | 1,4 (0,9 à 2,2) | 0,114 | |
Trouble d'anxiété uniquement | 0,8 (0,5 à 1,3) | 0,444 | 1,1 (0,7 à 1,7) | 0,690 | |
Trouble de l'humeur uniquement | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Abréviations : EPMCC-THA, Enquête sur les personnes ayant une maladie chronique au Canada, 2014 - Composante sur les troubles de l'humeur et d'anxiété; IC, intervalle de confiance; n, fréquence non pondérée; Q, quintile; RC, rapport de cotes; Réf, groupe de référence. Remarque : Les RC et les IC à 95 % sont fondés sur des données pondérées. Modéré = délai de diagnostic compris entre 1 et 5 ans. Court = délai de diagnostic inférieur à 1 an. Long = délai de diagnostic supérieur à 5 ans. Ajusté pour tenir compte de toutes les autres caractéristiques sociodémographiques et cliniques du modèle. Degré de signification statistique établi à p < 0,05. |
État de santé physique et mentale en fonction du sous-groupe lié au délai de diagnostic
Nous avons observé une relation significative entre les sous-groupes liés au délai de diagnostic et les cinq mesures de l'état de santé (degré d'incapacité, nombre de limitations d'activité, santé globale perçue, santé mentale perçue et satisfaction générale à l'égard de la vie) (tableau 3). Après ajustement en fonction des caractéristiques individuelles, les adultes canadiens atteints d'un trouble de l'humeur et/ou d'anxiété diagnostiqué pour qui le délai de diagnostic était long (par opposition à court) étaient plus susceptibles de déclarer un plus grand nombre de limitations d'activités (3 ou plus) ainsi qu'une santé mentale « mauvaise » ou « passable » (RC ajusté = 2,1 et 2,3, respectivement) (tableau 4). Pour chaque augmentation d'un an du délai de diagnostic, on a observé une probabilité accrue du nombre le plus élevé de limitations d'activité (par opposition à aucune) ainsi que d'une santé mentale « mauvaise » ou « passable » (par opposition à « très bonne » ou « excellente »), soit respectivement 5,0 % et 4,0 % (données disponibles sur demande).
Facteurs liés à l'état de santé physique et mentale | Sous-groupes liés au délai de diagnostic | Test du chi carré valeur p | ||
---|---|---|---|---|
CourtTableau 3 note de base de page a (n = 1 330) % (IC à 95 %) |
ModéréTableau 3 note de base de page b (n = 882) % (IC à 95 %) |
LongTableau 3 note de base de page c (n = 1 000) % (IC à 95 %) |
||
Degré d'incapacité | 0,032Tableau 3 note de base de page * | |||
Grave | 38,9 (34,4 à 43,4) | 29,3 (24,0 à 34,5) | 40,0 (34,6 à 45,4) | |
Modérée | 22,8 (18,3 à 27,3) | 22,7 (17,9 à 27,4) | 23,0 (18,2 à 27,8) | |
Légère | 27,0 (23,1 à 31,0) | 36,5 (30,4 à 42,5) | 25,3 (20,8 à 29,7) | |
Nulle | 11,3 (8,0 à 14,6) | 11,6 (8,1 à 15,1) | 11,7 (8,2 à 15,3) | |
Limitations d'activité (nombre) | 0,001Tableau 3 note de base de page * | |||
3 ou plus | 15,1 (11,8 à 18,4) | 13,7 (9,9 à 17,4) | 25,2 (19,7 à 30,7) | |
1 à 2 | 17,2 (13,8 à 20,7) | 20,0 (15,0 à 24,9) | 18,7 (14,7 à 22,7) | |
0 | 67,7 (63,4 à 72,0) | 66,4 (60,8 à 71,9) | 56,1 (50,5 à 61,7) | |
Santé globale perçue | 0,045Tableau 3 note de base de page * | |||
Mauvaise ou passable | 29,7 (25,4 à 34,1) | 19,1 (15,1 à 23,2) | 25,3 (20,6 à 30,1) | |
Bonne | 33,5 (28,7 à 38,3) | 37,8 (32,0 à 43,7) | 36,5 (31,0 à 41,9) | |
Très bonne ou excellente | 36,8 (32,2 à 41,3) | 43,1 (36,6 à 49,6) | 38,2 (32,6 à 43,9) | |
Santé mentale perçue | 0,021Tableau 3 note de base de page * | |||
Mauvaise ou passable | 22,5 (18,4 à 26,7) | 25,0 (20,3 à 29,7) | 31,3 (25,7 à 36,9) | |
Bonne | 43,8 (38,9 à 48,6) | 40,9 (35,0 à 46,8) | 43,8 (38,0 à 49,5) | |
Très bonne ou excellente | 33,7 (29,6 à 37,8) | 34,1 (28,4 à 39,8) | 25,0 (20,8 à 29,2) | |
Satisfaction à l'égard de la vie en général | 0,005Tableau 3 note de base de page * | |||
Très insatisfait ou insatisfait | 11,0 (8,4 à 14,1) | 6,3 (3,7 à 9,0) | 12,1 (8,5 à 15,7) | |
Ni satisfait ni insatisfait | 13,5 (10,1 à 17,0) | 7,5 (4,5 à 10,5) | 12,2 (8,9 à 15,6) | |
Très satisfait ou satisfait | 75,5 (71,4 à 79,6) | 86,2 (82,3 à 90,1) | 75,7 (71,0 à 80,4) | |
Abréviations : EPMCC-THA, Enquête sur les personnes ayant une maladie chronique au Canada, 2014 - Composante sur les troubles de l'humeur et d'anxiété; IC, intervalle de confiance; n, fréquence non pondérée. Remarque : Les taux et les IC à 95 % sont fondés sur des données pondérées. Modéré = délai de diagnostic compris entre 1 et 5 ans. Court = délai de diagnostic inférieur à 1 an. Long = délai de diagnostic supérieur à 5 ans. Degré de signification statistique établi à p < 0,05. |
Facteurs liés à l'état de santé physique et mentale | Sous-groupes liés au délai de diagnostic | Analyse de l'effet de type 3 valeur p |
|||
---|---|---|---|---|---|
ModéréTableau 4 note de base de page a (n = 882) par rapport à courtTableau 4 note de base de page b (n = 1 330) | LongTableau 4 note de base de page c (n = 1 000) par rapport à courtTableau 4 note de base de page b (n = 1 330) | ||||
RCTableau 4 note de base de page d (IC à 95 %) | valeur p | RCTableau 4 note de base de page d (IC à 95 %) | valeur p | ||
Degré d'incapacité | 0,269 | ||||
Grave | 0,9 (0,5 à 1,6) | 0,741 | 0,9 (0,5 à 1,7) | 0,746 | |
Modérée | 1,2 (0,7 à 2,1) | 0,528 | 1,1 (0,5 à 2,1) | 0,880 | |
Légère | 1,2 (0,7 à 2,0) | 0,501 | 0,7 (0,4 à 1,3) | 0,246 | |
Nulle | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Limitations d'activité (nombre) | 0,036Tableau 4 note de base de page * | ||||
3 ou plus | 0,9 (0,6 à 1,5) | 0,788 | 2,1 (1,2 à 3,5) | 0,007Tableau 4 note de base de page * | |
1 à 2 | 1,1 (0,8 à 1,7) | 0,535 | 1,4 (0,9 à 2,3) | 0,186 | |
0 | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Santé globale perçue | 0,386 | ||||
Mauvaise ou passable | 1,0 (0,6 à 1,7) | 0,919 | 1,0 (0,6 à 1,7) | 0,964 | |
Bonne | 1,4 (0,9 à 2,0) | 0,159 | 1,4 (0,9 à 2,2) | 0,098 | |
Très bonne ou excellente | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Santé mentale perçue | 0,008Tableau 4 note de base de page * | ||||
Mauvaise ou passable | 1,2 (0,8 à 1,8) | 0,483 | 2,3 (1,5 à 3,6) | 0,000Tableau 4 note de base de page * | |
Bonne | 1,0 (0,7 à 1,4) | 0,804 | 1,4 (1,0 à 2,2) | 0,077 | |
Très bonne ou excellente | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Satisfaction à l'égard de la vie en général | 0,156 | ||||
Très insatisfait ou insatisfait | 0,7 (0,4 à 1,4) | 0,304 | 1,2 (0,6 à 2,4) | 0,601 | |
Ni satisfait ni insatisfait | 0,6 (0,3 à 1,0) | 0,035Tableau 4 note de base de page * | 1,1 (0,6 à 2,0) | 0,739 | |
Très satisfait ou satisfait | 1,0 (Réf) | 1,0 (Réf) | |||
Abréviations : EPMCC-THA, Enquête sur les personnes ayant une maladie chronique au Canada, 2014 - Composante sur les troubles de l'humeur et d'anxiété; IC, intervalle de confiance; n, fréquence non pondérée; RC, rapport de cotes; Réf, groupe de référence. Remarque : Les RC et les IC à 95 % sont fondés sur des données pondérées. Modéré = délai de diagnostic compris entre 1 et 5 ans. Court = délai de diagnostic inférieur à 1 an. Long = délai de diagnostic supérieur à 5 ans. Ajusté pour tenir compte de l'âge, du sexe, de l'état matrimonial, du plus haut niveau de scolarité obtenu (répondant), de la suffisance de revenu du ménage, du milieu de résidence, de la zone géographique, du statut d'immigration, de l'identité autochtone, de l'âge à l'apparition des symptômes, du nombre de comorbidités physiques et du type de trouble. Degré de signification statistique établi à p < 0,05. |
Analyse
Cette étude est à notre connaissance la première à examiner, au moyen d'un échantillon représentatif de la population, les facteurs associés au délai de diagnostic chez les adultes canadiens ayant déclaré avoir reçu un diagnostic de trouble de l'humeur et/ou d'anxiété. Les résultats ont révélé que seule une minorité (38,4 %) d'entre eux ont obtenu un diagnostic dans un délai cliniquement acceptable, c.-à-d. moins d'un an après l'apparition de leurs symptômes. Ces résultats cadrent avec ceux tirés d'une étude internationale portant sur 11 pays, d'après laquelle 40 % des répondants atteints de troubles de l'humeur et/ou d'anxiété avaient sollicité un traitement dans l'année où les symptômes étaient apparusNote de base de page 25. L'EPMCC-THA de 2014 excluant les personnes n'ayant pas encore reçu de diagnostic d'un professionnel de la santé, nos résultats surestiment probablement la proportion de personnes ayant reçu un diagnostic en temps opportun.
Certaines études indiquent que les personnes atteintes d'un trouble de l'humeur consultent, en général, un professionnel de la santé et obtiennent un diagnostic plus rapidement que celles atteintes d'un trouble d'anxiété. Par exemple, le délai de diagnostic médian (excluant les personnes ayant reçu un diagnostic dans l'année d'apparition des symptômes) s'établissait, pour les troubles de l'humeur et d'anxiété respectivement, à 1 et 16 ans en BelgiqueNote de base de page 19, à 1 et 21 ans en ChineNote de base de page 31, à 4 et 23 ans aux États-UnisNote de base de page 29, à 4 et 29 ans en AustralieNote de base de page 18 et à 14 et 30 ans au MexiqueNote de base de page 17. Si les résultats de notre analyse supplémentaire ont révélé un délai médian de diagnostic relativement similaire chez les adultes canadiens atteints de troubles de l'humeur et ceux atteints de trouble d'anxiété (respectivement 5,0 et 5,4 ans), nous avons constaté des différences plus importantes dans les délais médian de diagnostic en fonction de types précis de troubles de l'humeur et d'anxiété, par exemple entre la dépression (4,4 ans) et le trouble d'anxiété généralisé (6,2 ans) (données disponibles sur demande). Ces résultats peuvent s'expliquer à partir de ce que nous savons sur ces troubles en matière de gravité des symptômes du patient (la gravité des symptômes est un facteur prédictif du recours aux services de santé) et en matière de besoin perçu et de tendance à aller chercher de l'aide (les troubles de l'humeur et les troubles concomitants de l'humeur et d'anxiété sont des facteurs prédictifs importants du besoin perçu)Note de base de page 32Note de base de page 33.
Nos résultats en matière d'association entre diverses caractéristiques sociodémographiques et cliniques et le délai de diagnostic sont, en général, corroborés par la littérature. Par exemple, nous avons constaté que l'âge à l'apparition des symptômes était associé à un diagnostic plus tardif : les adultes canadiens atteints d'un trouble de l'humeur et/ou d'anxiété diagnostiqué dont les symptômes étaient apparus durant l'enfance ou l'adolescence (19 ans ou moins) et le début de l'âge adulte (20 à 29 ans) étaient plus susceptibles que ceux ayant reçu un diagnostic à un âge plus avancé (30 ans ou plus) d'être classés dans les sous-groupes de délais de diagnostic modéré et long que dans le sous-groupe de délai de diagnostic court, ce qui était également le cas dans des études antérieuresNote de base de page 16Note de base de page 17Note de base de page 18Note de base de page 19Note de base de page 20Note de base de page 25Note de base de page 34Note de base de page 35. Les résultats d'une analyse supplémentaire ont confirmé aussi cette association : pour chaque augmentation d'une année de l'âge à l'apparition des symptômes, on a observé une diminution de 8,0 % du délai de diagnostic après ajustement pour tenir compte de toutes les autres caractéristiques des répondants (données disponibles sur demande).
Parmi les explications possibles à ce résultat, notons que les jeunes (1) dépendent de l'aide d'adultes pour consulter en santé mentaleNote de base de page 36, (2) ont souvent une capacité limitée à faire état de leurs problèmes de santé mentale, ce qui n'induit pas de préoccupations suffisantes pour qu'on les envoie consulter un professionnel en santé mentaleNote de base de page 34, (3) sont portés à développer des stratégies d'adaptation, comme des changements de comportement, pour réduire les répercussions sur leur vie de leur trouble de santé mentaleNote de base de page 16, (4) sont moins susceptibles que les adultes de consulter des médecins praticiens, surtout des médecins en soins primaires pourtant souvent à l'origine du diagnostic initialNote de base de page 37, et enfin (5) ont des connaissances et des compétences limitées en matière de troubles de santé mentale, notamment concernant les symptômes associés aux troubles de l'humeur ou d'anxiété.
Outre l'âge à l'apparition des symptômes, sa cohorte s'est révélée également associée à un diagnostic plus tardif. Autrement dit, les cohortes plus âgées (les 65 ans et plus, les 50 à 64 ans et les 35 à 49 ans) étaient plus susceptibles que la cohorte la plus jeune (les 18 à 34 ans) de faire partie du sous-groupe de délai de diagnostic long (par opposition à court). Les résultats d'une analyse supplémentaire ont reconfirmé cette association : pour chaque augmentation d'une année de l'âge du répondant, le délai de diagnostic augmentait de 5,0 %, après contrôle de toutes les autres caractéristiques individuelles (données disponibles sur demande). Ces résultats cadrent avec ceux de rapports antérieurs révélant qu'une cohorte plus âgée et un âge précoce d'apparition des symptômes étaient associées à un retard de plus d'un an dans les démarches en vue d'amorcer un premier traitementNote de base de page 16Note de base de page 17Note de base de page 18Note de base de page 19Note de base de page 20Note de base de page 25Note de base de page 34Note de base de page 35. Globalement, ces résultats tendent à indiquer que les Canadiens au début de l'âge adulte atteints de troubles de l'humeur et/ou d'anxiété sont plus enclins à consulter un professionnel en vue de recevoir des soins que les Canadiens plus âgés, du fait d'une plus forte tendance à rechercher de l'aide observée depuis plusieurs années chez les cohortes plus jeunes. Ce comportement pourrait être partiellement attribuable aux récentes campagnes de sensibilisation à la santé mentale visant spécifiquement les jeunes, dans le but de réduire la stigmatisation et d'accroître la sensibilisation à l'égard de la maladie mentale. Il a été démontré que des mesures de ce type ont une influence positive sur la tendance à rechercher de l'aide chez les personnes atteintes de troubles de santé mentaleNote de base de page 38.
Nous avons constaté que les adultes canadiens atteints d'aucune comorbidité physique et, dans une moindre mesure, ceux atteints d'une ou deux comorbidités physiques seulement étaient plus susceptibles de faire partie du sous-groupe de délai de diagnostic modéré (par opposition à court) que les répondants atteints de 3 comorbidités physiques ou plus. Cette observation est étayée par des études antérieures montrant que les personnes sans comorbidité physique avaient moins souvent recours aux services de soins de santé et, par conséquent, étaient moins nombreuses à recevoir un diagnostic de trouble de santé mentale et un traitement adapté que les personnes souffrant déjà d'une affection physique chroniqueNote de base de page 39Note de base de page 40.
En ce qui concerne l'état de santé des répondants, ceux ayant reçu un diagnostic tardif étaient plus nombreux à déclarer le plus grand nombre (3 ou plus) de limitations d'activité et une santé mentale « mauvaise » ou « passable ». Les résultats d'une analyse supplémentaire ont corroboré ce fait : pour chaque augmentation d'une année du délai de diagnostic, on a observé une hausse de 5,0 % de la probabilité d'avoir trois limitations d'activité ou plus (comparativement à aucune limitation d'activité) et une hausse de 4,0 % de la probabilité de déclarer une santé mentale « mauvaise » ou « passable » (par rapport à une santé mentale « très bonne » ou « excellente »), après ajustement pour tenir compte de toutes les autres caractéristiques des répondants (données disponibles sur demande). L'absence de résultats de santé négatifs chez les répondants pour qui le délai de diagnostic était modéré (par opposition à court) pourrait s'expliquer partiellement par un effet potentiel de seuil touchant les limitations d'activité et l'état de santé mentale : il peut s'écouler jusqu'à cinq ans (avec des taux respectifs de 5,0 % et de 4,0 % par an) avant de pouvoir en observer des répercussions significatives sur la santé.
Quant à nos résultats sur l'âge à l'apparition des symptômes en lien avec le délai de diagnostic, ils revêtent une grande importance en matière de santé publique, car près de la moitié des adultes canadiens ont vu leurs symptômes de maladie mentale apparaître durant leur enfance ou leur adolescenceNote de base de page 41. De plus, l'apparition précoce de problèmes de santé mentale s'est révélée étroitement associée à des expériences sociales négativesNote de base de page 13Note de base de page 14Note de base de page 15, plus fortes et plus éprouvantes que celles vécues par les répondants chez qui les symptômes sont apparus plus tardNote de base de page 42. En outre, les répondants dont les troubles de santé mentale sont apparus à un jeune âge sont plus susceptibles de développer des comorbidités secondaires, qui peuvent à leur tour aggraver les symptômes du trouble mental principal et nuire à la réponse au traitement de ce dernierNote de base de page 43. De ce fait, des politiques et programmes de santé publique visant les jeunes, les parents et les éducateurs sont essentiels afin de contribuer à une détection plus précoce des symptômes de trouble de l'humeur et/ou d'anxiété apparus pendant l'enfance et l'adolescence et à permettre ainsi de poser un diagnostic en temps opportun. Plusieurs initiatives nationales ont ainsi été mises en œuvre, notamment l'Initiative canadienne de collaboration en santé mentaleNote de base de page 44, l'initiative de Centre de médecine de familleNote de base de page 45 et le programme ACCESS (Adolescent/young adult Connections to Community-driven, Early, Strengths-based and Stigma-free services)Note de base de page 46, ainsi que diverses initiatives provincialesNote de base de page 47Note de base de page 48. Outre ces politiques et programmes de santé publique visant les jeunes, d'autres initiatives importantes ont été lancées, notamment des programmes de prévention et d'intervention précoce misant sur la réduction des facteurs de risque associés à la maladie mentale et sur la consolidation des facteurs de protection chez les personnes dont les symptômes sont encore infracliniquesNote de base de page 49.
Certains pays ont réussi à mener auprès des jeunes des campagnes novatrices de lutte contre la stigmatisation misant sur les comportements axés sur le recours aux services de santé mentale. Par exemple, en Allemagne, un festival de films et de documentaires portant sur la maladie mentale est parvenu à réduire la stigmatisation et à améliorer les attitudes de recours aux services chez les adolescentsNote de base de page 50. De même, une campagne de sensibilisation dans les collectivités à l'égard de la santé mentale chez les jeunes, menée en Australie et visant à accroître les connaissances en matière de santé mentale et à inciter les jeunes à demander rapidement de l'aide, s'est révélée efficace pour accroître la sensibilisation à l'égard de la maladie mentale et pour réduire les obstacles perçus au recours à de l'aideNote de base de page 51. De plus, un certain nombre de pays ayant mis en œuvre des programmes d'accès aux services en santé mentale s'adressant aux jeunes ont fait état de résultats positifs. Par exemple, un programme australien appelé Headspace visant à promouvoir et à soutenir les mesures d'intervention précoce chez les jeunes de 12 à 25 ans atteints de troubles de santé mentale a obtenu un taux de satisfaction de 93 % parmi ses usagersNote de base de page 52. De même, des programmes communautaires de dépistage du Royaume-Uni ont permis, grâce au Strengths and Difficulties Questionnaire [questionnaire sur les points forts et les points faibles, SDQ], de faciliter le dépistage précoce de troubles psychiatriques chez les enfantsNote de base de page 53.
Points forts et limites
Cette étude comporte un certain nombre de points forts, notamment un large échantillon représentatif de la population et le fait que l'enquête ait été administrée par du personnel formé et compétent, mais il convient d'interpréter ses résultats en tenant compte d'un certain nombre de limites.
Premièrement, l'estimation du délai de diagnostic peut donner lieu à un biais de mémoire et à des erreurs de datation, car le calcul repose sur la capacité des répondants à se souvenir de l'âge auquel leurs premiers symptômes sont apparus et de l'âge auquel ils ont reçu leur diagnostic de trouble de l'humeur et/ou d'anxiété. Le type d'erreur de datation le plus courant est le télescopage, qui a lieu lorsque quelqu'un attribue à certaines expériences passées des dates plus récentes que celles auxquelles elles ont eu réellement lieu. Cet effet de télescopage est plus présent chez les adultes plus âgésNote de base de page 54 et peut conduire à une sous-estimation du délai de diagnosticNote de base de page 16. À cet égard, la nature variable des troubles de l'humeur et d'anxiété constitue un défi particulier, car les répondants sont plus susceptibles de se rappeler de leurs expériences les plus récentes et les plus marquantes.
Deuxièmement, il n'a pas été possible de stratifier nos principales analyses par type de trouble, en raison des limites liées à la taille de l'échantillon. Si nous avions pu le faire, il aurait été plus facile de repérer et d'interpréter les différences potentielles par type de trouble dans les associations entre le délai de diagnostic et les caractéristiques individuelles ainsi que leur état de santé physique et mentale. De plus, s'il est vrai que la recherche a révélé une association allant d'acceptable à bonne entre les états de santé physique autodéclarés et les diagnostics posés par des médecinsNote de base de page 55, il n'y a eu aucune validation de l'aptitude des questions posées dans le cadre de l'ESCC de 2013 et l'EPMCC-THA de 2014 à vérifier les diagnostics de troubles de l'humeur et d'anxiété autodéclarés ni de celles posées dans le cadre de l'EPMCC-THA de 2014 à recenser les sous-types de troubles de l'humeur et d'anxiété autodéclarés.
Troisièmement, même si l'ethnicité est susceptible de constituer un facteur important de traitement tardifNote de base de page 16, nous n'avons pas pu analyser son incidence sur le délai de diagnostic, en raison des limites associées à la taille de l'échantillon.
Quatrièmement, la prise en compte des variations interprovinciales dans l'accès aux services de santé mentale en raison des différences au niveau des politiques de soins de santé, de l'accès aux services de santé mentale ou de leur disponibilité dépassait la portée de cette étude.
Cinquièmement, dans les cas où les symptômes rapportés étaient infracliniques, le délai écoulé depuis l'apparition des symptômes peut avoir mené à un délai de diagnostic tardif de manière erroné, car le fait de rapporter l'apparition de tels symptômes infracliniques aurait alors prolongé indûment le délai de diagnostic.
Conclusion
D'après nos résultats, un long délai avant l'établissement du diagnostic est associé à un état de santé physique et mentale sous-optimal chez les adultes canadiens atteints de troubles de l'humeur et/ou d'anxiété. Parmi les nombreux facteurs associés à ces longs délais, se révèle particulièrement important le fait que les symptômes soient apparus pendant l'enfance et l'adolescence ou au début de l'âge adulte. Outre la nécessité de mieux sensibiliser le public à l'importance d'une détection précoce des symptômes, les initiatives de santé publique devraient viser les enfants et les adolescents ainsi que leur réseau de soutien afin de les amener à rechercher de l'aide en cas de besoin, ce qui faciliterait l'établissement d'un diagnostic précoce et l'amorce d'un traitement en temps opportun. D'autres recherches permettant une stratification plus poussée par type de trouble sont nécessaires pour mieux comprendre les facteurs liés à l'établissement d'un diagnostic précoce et aux résultats sur la santé qui en dépendent. Enfin, il serait pertinent de mener des essais longitudinaux évaluant les effets à long terme d'une approche dynamique visant à sensibiliser davantage la population à l'importance de recevoir un diagnostic en temps opportun, surtout les enfants et les adolescents.
Remerciements
L'EPMCC-THA de 2014 a été financée par l'Agence de la santé publique du Canada et conçue en collaboration avec Statistique Canada. Les membres du Comité consultatif sur la surveillance de la santé mentale et de la maladie mentale de l'ASPC ont consacré temps et expertise à sa création. L'ESCC de 2013 a été menée par Statistique Canada en partenariat avec Santé Canada et l'ASPC, grâce à l'appui financier du gouvernement fédéral du Canada.
Aucun soutien financier ou matériel externe n'a été obtenu pour cette étude.
L. Loukine et H. Orpana ont fourni des conseils techniques en matière d'analyse statistique.
Conflits d'intérêts
Les auteurs n'ont aucun conflit d'intérêts à déclarer.
Contributions des auteurs
R. Cheung a participé à la conception de l'étude; il a mené l'analyse des données et la rédaction du manuscrit. S. O'Donnell a participé à la conception de l'étude et à la rédaction du manuscrit. Tous les auteurs ont fourni leur soutien lors de l'analyse des données et de l'interprétation des résultats. Ils ont mené un examen critique du manuscrit et en ont approuvé la version finale.
Références
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