Stratégie sur l’alimentation et la nutrition de l’Ontario : établissement d'indicateurs de l’accès aux aliments et de l’alphabétisme alimentaire pour un premier suivi de l’environnement alimentaire
Beatrice A. Boucher, M. Sc. S. (1,2); Elizabeth Manafò, M. Sc. S., Dt. P. (3); Meaghan R. Boddy, M.S.P., RD (1); Lynn Roblin, M. Sc., Dt. P. (4); Rebecca Truscott, M. Sc. S., Dt. P. (1)
https://doi.org/10.24095/hpcdp.37.9.06f
Rattachement des auteurs :
1. Prévention et lutte contre le cancer, Action cancer Ontario, Toronto (Ontario), Canada
2. Département des sciences de la nutrition, Faculté de médecine, Université de Toronto, Toronto (Ontario), Canada
3. Université Ryerson, Toronto (Ontario), Canada
4. Association pour la santé publique de l’Ontario, Toronto (Ontario), Canada
Correspondance : Beatrice Boucher, Action cancer Ontario, 620, avenue University, Toronto (Ontario) M5G 2L7; tél. : 416‑978‑9800; téléc. : 416‑971‑6888; courriel : beatrice.boucher@cancercare.on.ca
Rebecca Truscott, Action cancer Ontario, 620, avenue University, Toronto (Ontario) M5G 2L7; tél. : 416‑978‑9800; téléc. : 416‑971‑6888; courriel : rebecca.truscott@cancercare.on.ca
Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada
Résumé
Introduction : Une approche intergouvernementale multilatérale globale en matière d’élaboration de politiques est essentielle pour permettre aux Canadiens et aux Canadiennes de faire face aux défis que pose leur environnement alimentaire. Des indicateurs de l’environnement alimentaire sont nécessaires pour évaluer l’état et l’évolution de la population. La Stratégie sur l’alimentation et la nutrition de l’Ontario (SANO), qui regroupe les secteurs de l’alimentation, de l’agriculture et de la nutrition, vise à améliorer la santé de la population ontarienne par des interventions favorisant des systèmes et des environnements alimentaires sains. Cet article décrit le processus d’établissement d'indicateurs pour 11 secteurs d’intervention de la SANO dans deux orientations stratégiques : l’accès à des aliments sains et l’alphabétisme et les compétences alimentaires.
Méthodologie : Le groupe consultatif sur les indicateurs de la SANO a suivi un processus en cinq étapes pour choisir les indicateurs : 1) choix des indicateurs potentiels dans les sources de données provinciales et nationales, 2) catégorisation des indicateurs par orientation stratégique, par secteur d’intervention et par type de données, 3) établissement, essai pilote et finalisation des critères de sélection, 4) application des critères finaux pour améliorer la liste des indicateurs et 5) établissement des indicateurs prioritaires après cette application finale des critères de sélection.
Résultats : Soixante‑neuf indicateurs potentiels ont été recensés au départ, mais un grand nombre d’entre eux offraient des mesures individuelles et non collectives. Après l’application finale des critères de sélection, ont été jugés prioritaires un indicateur individuel et six indicateurs collectifs associés à cinq secteurs d’intervention, aucun indicateur n’étant disponible pour les six autres secteurs d’intervention.
Conclusion : Les limites des données existantes laissent penser qu’on ne peut sans doute pas qualifier certaines caractéristiques importantes de l’environnement alimentaire, d’où l’importance de prendre des mesures et d’allouer des ressources pour améliorer les indicateurs collectifs et d’appuyer le suivi de l’environnement alimentaire et de la santé alimentaire tant en Ontario que dans le reste du Canada.
Mots‑clés : politique sur la nutrition, surveillance de la santé publique, alimentation saine, approvisionnement alimentaire, promotion de la santé, santé environnementale, environnement alimentaire
Points saillants
- La Stratégie sur l’alimentation et la nutrition de l’Ontario (SANO), qui vise à améliorer la santé de la population ontarienne par la mise en œuvre de politiques et de programmes favorisant des systèmes et des environnements alimentaires sains, implique de connaître les principales caractéristiques des environnements alimentaires.
- Après avoir examiné des données accessibles au public, le groupe consultatif sur les indicateurs de la SANO a choisi sept premiers indicateurs en matière d’accès à des aliments sains et d’alphabétisme alimentaire, mais la disponibilité et la qualité des données demeurent limitées.
- Les limites des données existantes laissent penser qu’on ne peut sans doute pas caractériser certains aspects importants de l’environnement alimentaire, d’où l’importance de prendre des mesures et d’allouer des ressources pour améliorer les indicateurs collectifs et d’appuyer le suivi de l’environnement alimentaire et de la santé alimentaire tant en Ontario que dans le reste du Canada.
Santé de la population canadienne et environnement alimentaire : la nécessité d'un suivi et d'une surveillance
La contribution de l’alimentation à l’état de santé global et à la survenue du cancer et d’autres maladies chroniques est bien connueNote de bas de page 1-3 Pourtant, de manière générale, les Canadiens et les Canadiennes ne suivent pas systématiquement les recommandations et conseils en matière de saines habitudes alimentairesNote de bas de page 4-7. Un certain nombre de facteurs économiques et sociaux, comme la scolarité, le revenu et l’insécurité alimentaire, influent aussi notoirement sur l’alimentation, sur la santé de la population canadienne et sur les coûts en santéNote de bas de page 8-10.
Bien que des facteurs individuels comme les préférences et les compétences alimentaires influent sur les décisions en matière d’alimentation et sur l’apport alimentaire, ils le font au sein d'un environnement alimentaire – c’est‑à‑dire de l’ensemble des contextes, des possibilités et des conditions physiques, économiques, politiques et socioculturelles qui déterminent les choix alimentaires et l’état nutritionnelNote de bas de page 11 Note de bas de page 12. L’environnement alimentaire du Canada a considérablement évolué au cours des dernières décennies, notamment en raison de la croissance des systèmes alimentaires mondiaux, qui incluent les commerces de détail à grande surface, les restaurants‑minute et les produits alimentaires hautement transformés, lesquels peuvent avoir des incidences négatives sur la santéNote de bas de page 13-15 . Ces changements touchent les quatre caractéristiques de base de l’environnement alimentaire : 1) l'accès géographique aux aliments; 2) la disponibilité; 3) un prix abordable et 4) la qualité. Chacune de ces caractéristiques influe sur les choix et les habitudes alimentairesNote de bas de page 16 Note de bas de page 17 et interagissent avec les inégalités socioéconomiquesNote de bas de page 18 qui affectent la santé de la population canadienne.
Pour réduire les défis auxquelles les Canadiens et les Canadiennes sont confrontés dans leur environnement alimentaire, il est essentiel d’adopter une approche intergouvernementale multilatérale coordonnée pour l’élaboration des politiques alimentaires. Ce type d'approche, qui doit prendre en compte les influences générales de l’environnement sur la santé et sur le bien‑êtreNote de bas de page 11 Note de bas de page 12 Note de bas de page 19 , repose sur la prise de décisions fondées sur des données probantes et sur la capacité de surveiller et de comparer les résultats des recherches, des programmes et des politiques concernant l’environnement alimentaire. Des rapports récemment publiés au Canada et à l’étranger ont fait ressortir l’importance d’un suivi régulier et rigoureux de l’environnement alimentaire, ainsi que des mesures portant sur l’alimentation, la santé et les inégalités, pour évaluer l’état de la population et adapter les politiques et les programmesNote de bas de page 11 Note de bas de page 12 Note de bas de page 16 . Bien que des évaluations de l’environnement alimentaire aient déjà été menées au CanadaNote de bas de page 16, il ne semble exister aucune mesure provinciale ou fédérale qui intègre l’alimentation, l’agriculture et la nutrition ni qui tienne compte des nombreux facteurs liés à l’environnement alimentaire et à la santé. Cet article, qui décrit une initiative ontarienne intégrant un certain nombre de secteurs et de facteurs et qui passe en revue les indicateurs disponibles, vise à encourager l’élaboration de méthodes et de systèmes de surveillance pour l'ensemble du Canada, à l’échelle tant provinciale que nationale, afin d'améliorer l’environnement alimentaire et la santé de la population canadienne. Une description détaillée de cette initiative a déjà été publiée ailleursNote de bas de page 20 Note de bas de page 21.
Stratégie sur l’alimentation et la nutrition de l’Ontario
La Stratégie sur l’alimentation et la nutrition de l’Ontario (SANO) est une stratégie fondée sur des avis d’experts et sur des données probantes, qui vise à améliorer la santé et le bien‑être de la population ontarienne par la mise en œuvre de politiques et de programmes alimentaires contribuant à réduire le fardeau financier des maladies chroniquesNote de bas de page 21. La SANO est le fruit d’une collaboration entre des représentants de 26 organisations clés des milieux de l’agriculture, de l’alimentation, de la santé, de l’éducation ainsi que des intérêts autochtones. De nombreuses consultations ont aussi eu lieu entre 2009 et 2016 pour intégrer les contributions d’un vaste groupe d’intervenants. Cinquante‑neuf organisations représentant le milieu universitaire, les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral, la santé publique et la société civile ont fourni des commentaires lors de réunions en personne et de consultations en ligne (237 propositions en ligne ont été reçues). À l’issue de ce processus d’élaboration de grande envergure, la SANO a conçu une approche coordonnée multilatérale globale pour l’élaboration des politiques alimentaires, applicable aux secteurs de l’alimentation, de l’agriculture et de la nutrition. L’objectif visé est de faire des aliments sains le choix le plus naturel pour les Ontariens et les Ontariennes en favorisant des systèmes et des environnements alimentaires diversifiés, sains et résilients qui amélioreront l’alimentation et la santé et contribueront à une économie équitable et prospère.
Dans ce but, la SANO a défini trois grandes orientations stratégiques (OS)Note de bas de page 21 ,p.6 :
- accès à des aliments sains (OS1) : accès à des aliments salubres, sains, locaux et culturellement acceptables ainsi qu’à des moyens pour les choisir et se les procurer;
- alphabétisme et compétences alimentaires (OS2) : ensemble des renseignements, des connaissances, des compétences, des relations, des capacités et des conditions favorisant une alimentation saine et des choix santé dans les lieux d’activité, de rassemblement, de travail, d’apprentissage et de jeu des Ontariens;
- systèmes alimentaires sains (OS3) : systèmes diversifiés, sains et résilients favorisant la santé et contribuant à une économie équitable et prospère.
Les trois orientations stratégiques englobent 25 secteurs d’intervention ciblés, qui sont décrits dans un autre rapportNote de bas de page 21.
Bien que certains aspects de l’environnement alimentaire soient visés par les trois orientations stratégiques de la SANO, cet article se limite aux travaux menés pour choisir les premiers indicateurs qui permettront de suivre et d’orienter les progrès réalisés dans les 11 secteurs d’intervention de l’accès à des aliments sains (OS1) et de l’alphabétisme et des compétences alimentaires (OS2). Les caractéristiques de base de l’environnement alimentaire – à savoir l’accès, la disponibilité, le prix abordable et la qualité des aliments – sont clairement incluses dans l’OS1, mais elles font aussi partie de l’OS2 quant aux restrictions concernant la publicité, la facilitation de l’accès à des renseignements sur l’alimentation saine ainsi que d’autres facteurs environnementaux qui influent sur l’alphabétisme alimentaire et qui affectent les résultats alimentaires et la santéNote de bas de page 22-25. Les caractéristiques de base de l’environnement alimentaire doivent être mesurées à l’aide d’indicateurs provinciaux valides et fiables mais, en raison du caractère relativement récent de ce domaine, les définitions et les indicateurs de cet environnement alimentaire sont appelés à évoluer dans les rapports à venir, pour rendre compte de la complexité des facteurs influant sur les choix alimentairesNote de bas de page 16 Note de bas de page 17.
Processus de détermination des premiers indicateurs de l’environnement alimentaire
Un groupe consultatif sur les indicateurs de la SANO (ci‑après le « groupe consultatif ») réunissant des représentants de conseils municipaux de santé, d’organisations gouvernementales provinciales et nationales, du milieu universitaire et d’organisations non gouvernementales a été formé afin de déterminer les sources de données existantes et les meilleurs indicateurs de l’accès à des aliments sains et de l’alphabétisme alimentaire pouvant servir de mesures initiales pour l’Ontario. Le projet visait également à faire ressortir les lacunes en matière de données et à définir les éléments à prendre en compte dans les collectes de données à venir pour favoriser l’efficacité du suivi et de l’évaluation des facteurs influant sur l’accès aux aliments et sur l’alphabétisme alimentaire. Le groupe consultatif a choisi, en se fondant sur les critères du Service national britannique de la santé, des indicateurs pouvant servir de mesures succinctes pour décrire et aider les utilisateurs à comprendre, à comparer et à améliorer le système et l’environnement alimentaires actuelsNote de bas de page 26,p.5.
Le groupe consultatif a suivi un processus en cinq étapes pour définir, réviser, sélectionner et évaluer la priorité des indicateurs en matière d’accès à des aliments sains ainsi que d’alphabétisme et de compétences alimentaires (figure 1). Ce processus a notamment conduit à utiliser des critères de qualité pour la sélection des indicateurs (figure 2). L’étape 1 a consisté en une analyse des rapports provinciaux et nationaux ainsi que d’autres publications et sources de données ayant produit des renseignements et des indicateurs à l’échelle collective, fondés sur les comportements et les connaissances, et qui concernaient l’une des orientations stratégiques de la SANO et de ses secteurs d’intervention. Bien que le but principal ait été de choisir des indicateurs collectifs, un large éventail de données a été utilisé au début de la collecte de données au cas où aucun indicateur collectif ne serait disponible. L’étape 2 a consisté à extraire des indicateurs potentiels et à les catégoriser par secteur d’intervention et par type de données dans des feuilles de calcul détaillées pour chaque orientation stratégique. L’étape 3 a consisté à évaluer les critères de sélection des indicateursNote de bas de page 26-28 en les appliquant à un échantillon d’indicateurs potentiels (ce qui a été réalisé par un sous‑groupe du groupe consultatif). Les critères finaux sont fondés sur des enjeux fondamentaux relatifs à la possibilité et à la faisabilité de collecte des données, à leur validité apparente ainsi qu’à leur importance et à leur pertinence pour la santé publiqueNote de bas de page 29 Note de bas de page 30. L’étape 4 a consisté à utiliser les critères de sélection finaux pour établir une liste restreinte d’indicateurs pour chaque orientation stratégique. Enfin, à l’étape 5, on a jugé du caractère prioritaire ou non des indicateurs de la liste restreinte à l’aide d’une méthode de consensus, après que chaque sous‑groupe du groupe consultatif eut appliqué de nouveau, indépendamment, les critères de sélection et évalué l’importance des indicateurs pour chaque secteur d’intervention. Ce processus a abouti à la liste finale d'indicateurs pour chaque orientation stratégique.
Figure 1 - Processus de sélection des indicateurs et résultats pour deux orientations stratégiques de la Stratégie sur l’alimentation et la nutrition de l’Ontario, 2016
Figure 1 - Équivalent textuel
La figure 1 illustre le processus en cinq étapes suivi par le groupe consultatif pour définir, réviser, sélec¬tionner et évaluer la priorité des indicateurs en matière d’accès à des aliments sains ainsi que d’alphabétisme et de compé¬tences alimentaires. L’étape 1 a consisté en une anal¬yse des rapports provinciaux et nationaux ainsi que d’autres publications et sources de données ayant produit des renseigne¬ments et des indicateurs à l’échelle collec¬tive, fondés sur les comportements et les connaissances, et qui concernaient l’une des orientations stratégiques de la SANO et de ses secteurs d’intervention. Bien que le but principal ait été de choisir des indica¬teurs collectifs, un large éventail de don¬nées a été utilisé au début de la collecte de données au cas où aucun indicateur collec¬tif ne serait disponible. L’étape 2 a consisté à extraire des indicateurs potentiels et à les catégoriser par secteur d’intervention et par type de données dans des feuilles de calcul détaillées pour chaque orientation stratégique. L’étape 3 a consisté à évaluer les critères de sélection des indicateurs en les appliquant à un échantillon d’indicateurs potentiels (ce qui a été réalisé par un sous-groupe du groupe consultatif). Les critères finaux sont fondés sur des enjeux fondamentaux relatifs à la possibil¬ité et à la faisabilité de collecte des don-nées, à leur validité apparente ainsi qu’à leur importance et à leur pertinence pour la santé publique. L’étape 4 a consisté à utiliser les critères de sélection finaux pour établir une liste restreinte d’indicateurs pour chaque orientation stratégique. Enfin, à l’étape 5, on a jugé du caractère priori¬taire ou non des indicateurs de la liste restreinte à l’aide d’une méthode de con¬sensus, après que chaque sous-groupe du groupe consultatif eut appliqué de nou¬veau, indépendamment, les critères de sélection et évalué l’importance des indica-teurs pour chaque secteur d’intervention. Ce processus a abouti à la liste finale d'indicateurs pour chaque orientation stratégique.
Au total, 69 indicateurs ont été proposés à l’issue de l’analyse de la documentation et ils ont été répartis en 11 secteurs d’intervention. L’évaluation initiale a entraîné l’exclusion de 34 éléments, princi¬palement des mesures de comportements et de connaissances individuels en matière de nutrition, ce qui a réduit la liste prélimi¬naire à 35 indicateurs. La première applica¬tion des critères de sélection a réduit le nombre d’indicateurs à 28. Parmi ces der¬niers, ont été jugés prioritaires 6 indica¬teurs collectifs et 1 indicateur individuel « global » des compétences alimentaires (capacité de cuisiner avec des ingrédients simples). Les 3 indicateurs jugés prioritaires pour l’accès à des aliments sains, à savoir les mesures collectives de l’insécurité alimentaire des ménages, le coût du Panier de provisions nutritif31 et les politiques municipales et provinciales en matière d’alimentation saine, ont chacun été associés à un secteur d’intervention différent parmi les six possi¬bles. Quant aux 4 indicateurs jugés prioritaires pour l’alphabétisme ali-mentaire, 3 étaient des mesures collectives (enseignement des compétences alimen¬taires aux élèves, accès aux diététistes et offre de diététistes), le dernier étant une mesure individuelle des compétences générales en cuisine.
Figure 2 - Critères de qualité et organigramme de sélection des indicateurs pour deux orientations stratégiques de la Stratégie sur l’alimentation et la nutrition de l’Ontario, 2016
Figure 2 - Équivalent textuel
Ce processus a notamment conduit à utiliser des critères de qualité pour la sélection des indicateurs en matière d’accès à des aliments sains ainsi que d’alphabétisme et de compé¬tences alimentaires.
Pour ce qui est de la possibilité et de la faisabilité : Des données crédibles sont-elles déjà disponibles ou peut-on en collecter à un coût relativement faible ?
En termes de validité (apparente) : Cet indicateur mesure-t-il vraiment ce facteur (secteurs d’intervention) ? L’indicateur pourra-t-il détecter et faire ressortir un changement (sensibilité) ?
Pour mesurer l’importance et la pertinence : L’indicateur mesure-t-il une question ou un service suffisamment important pour le secteur d’intervention ?
Au total, 69 indicateurs ont été proposés à l’issue de l’analyse de la documentation et ils ont été répartis en 11 secteurs d’intervention. L’évaluation initiale a entraîné l’exclusion de 34 éléments, principalement des mesures de comportements et de connaissances individuels en matière de nutrition, ce qui a réduit la liste préliminaire à 35 indicateurs. La première application des critères de sélection a réduit le nombre d’indicateurs à 28. Parmi ces derniers, ont été jugés prioritaires 6 indicateurs collectifs et 1 indicateur individuel « global » des compétences alimentaires (capacité de cuisiner avec des ingrédients simples; OS2). Les 3 indicateurs jugés prioritaires pour l’accès à des aliments sains, à savoir les mesures collectives de l’insécurité alimentaire des ménages, le coût du Panier de provisions nutritif31 et les politiques municipales et provinciales en matière d’alimentation saine, ont chacun été associés à un secteur d’intervention différent parmi les six possibles (tableau 1). Quant aux 4 indicateurs jugés prioritaires pour l’alphabétisme alimentaire, 3 étaient des mesures collectives (enseignement des compétences alimentaires aux élèves, accès aux diététistes et offre de diététistes), le dernier étant une mesure individuelle des compétences générales en cuisine. Ces 4 indicateurs ont été répartis dans 2 des 5 secteurs d’intervention (tableau 2). Aucun indicateur n’a été trouvé pour 6 des 11 secteurs d’intervention. Globalement, bien que certains indicateurs potentiels de l’accès à des aliments, de l’alphabétisme alimentaire et de l’environnement alimentaire aient été recensés, la rareté générale des données collectives et les nombreuses lacunes dans les données collectées laissent penser que les données actuellement accessibles au public ne sont pas suffisantes, tant en matière de signification que de portée, pour mesurer les les principales caractéristiques de l’environnement alimentaire et en faire un suivi approfondi.
Secteur d’intervention | Indicateur | Source de données | |
---|---|---|---|
1.1 Amélioration de la sécurité alimentaire à l’échelle individuelle et familiale | 1 | Pourcentage de ménages ontariens en situation d’insécurité alimentaire, par degré d’insécurité alimentaire (marginale, modérée, grave) | ESCC |
1.2 Amélioration de l’accès à des aliments salubres, sains, locaux et culturellement acceptables | Aucun indicateur disponible | ||
1.3 Accroissement de l’utilisation d’aliments locaux sains par les organisations du secteur public | Aucun indicateur disponibleTableau 1 - Note de bas de page a | ||
1.4 Accroissement de la distribution et de la promotion d’aliments locaux sains vendus à des prix équitables | 2 | Coût du Panier de provisions nutritif dans la régionTableau 1 - Note de bas de page b | MSSLDO |
1.5 Réduction de l’accès aux aliments, aux boissons et aux collations à teneur élevée en calories et faible en nutriments | 3 | Nombre de politiques provinciales et municipales de prévention des facteurs de risque de mauvaise alimentation | PCCC |
1.6 Amélioration de l’accès aux aliments par la planification et la gestion de l’utilisation des terres | Aucun indicateur disponible | ||
Source: Adapté de : Ontario Food and Nutrition Strategy Indicator Advisory Group. Determining food access and food literacy indicators for the Ontario Food & Nutrition Strategy; 2016. p. 13. PDF téléchargeable à partir du lien : https://sustainontario.com/custom/uploads/2012/04/OFNS-Final-Report-v3.1-April-8-2016.pdf Abréviations : ESCC, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes; MSSLDO, Ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario; PCCC, Partenariat canadien contre le cancer. Notes de bas de page
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Secteur d’intervention | Indicateur | Source de données | |
---|---|---|---|
2.1 Augmentation des connaissances, des compétences et des capacités relatives à l’alimentation saine | 1 | Pourcentage d’élèves du secondaire en Ontario qui ont reçu au moins un crédit de cours ayant abordé les compétences alimentaires | MEO |
2 | Capacité personnelle de cuisiner avec des ingrédients simplesTableau 2 - Note de bas de page a | ESCC | |
2.2 Amélioration de l’accès aux renseignements publics sur l’alimentation saine par l’entremise des détaillants et des services alimentaires | Aucun indicateur disponible | ||
2.3 Restriction des publicités d’aliments, de breuvages et de collations malsains destinées aux enfants | Aucun indicateur disponible | ||
2.4 Augmentation de l’offre de services de nutrition professionnels | 3 | Nombre de personnes consultant un ou une diététiste de Saine alimentation Ontario (par téléphone ou par courriel) | SAO |
4 | Nombre de diététistes pratiquant dans des équipes de santé familiale et dans des centres de santé communautaire | ODO | |
2.5 Augmentation des services pour les populations à risque | Aucun indicateur disponible | ||
Source: Adapté de : Ontario Food and Nutrition Strategy Indicator Advisory Group. Determining food access and food literacy indicators for the Ontario Food & Nutrition Strategy; 2016. p. 14. PDF téléchargeable à partir du lien : https://sustainontario.com/custom/uploads/2012/04/OFNS-Final-Report-v3.1-April-8-2016.pdf Abréviations : ESCC, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes; MEO, Ministère de l’Éducation de l’Ontario; ODO, Ordre des diététistes de l’Ontario; SAO, Saine alimentation Ontario. Notes de bas de page
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Limites et perspectives pour la détermination des indicateurs en Ontario et ailleurs
L'un des principaux défis liés à la détermination des indicateurs pour la SANO était la nécessité de recourir aux sources de données existantes, qui présentaient plusieurs limites sur le plan de la disponibilité comme de la qualité. Un grand nombre d’indicateurs potentiels se sont avérés restreints (p. ex. fondés sur une validité apparente plutôt que sur des critères de validité plus rigoureux), et les données collectives étaient insuffisantes pour de nombreux secteurs d’intervention. Les enquêtes nationales ont été considérées comme des sources potentielles de données provinciales indirectes, mais elles ne semblent pas comporter de variables sur l’environnement alimentaire autres que l’insécurité alimentaire, ce qui conduit à conclure que cette absence de données collectives est valable également à l’échelle nationale.
De plus, bien que de nombreux indicateurs aient été proposés à la suite de l’analyse initiale de la documentation, la plupart d’entre eux n’ont pas été retenus : plusieurs se sont avérés des mesures en aval, portant sur des connaissances ou des comportements spécifiques en matière d’alimentation (p. ex. compétences en matière d’épluchage, de découpage et de tranchage de fruits et de légumes), plutôt que des indicateurs en amont, portant sur le système alimentaire et l’environnement alimentaire. Dans l’ensemble, ces limites mettent en relief la nécessité d’indicateurs collectifs provinciaux diversifiés, solides et fondés sur des mesures dont la validité et la fiabilité ont été rigoureusement vérifiéesNote de bas de page 17. Par ailleurs, même si les membres du groupe consultatif savaient que des initiatives provinciales avaient récemment été proposées pour collecter des données sur l’environnement alimentaire, par exemple dans le secteur d’intervention en faveur d’une utilisation accrue d’aliments locaux sains par les organisations du secteur public (tableau 1), la disponibilité réelle des données était incertaine. Cela indique qu’une meilleure communication et une meilleure coordination vont être nécessaires entre les partenaires pour collecter et échanger des données pertinentes et pour établir un plan de suivi complet.
Conscient des limites de ces données, le groupe consultatif a classé comme prioritaires les indicateurs qu’il jugeait les « meilleurs disponibles », même si certains d'entre eux ne reflètent pas totalement adéquatement les caractéristiques essentielles de l’environnement alimentaire, ni ne rendent complètement compte de son impact, de ses tendances ou de son évolution. De plus, bien que cet article décrive le processus de sélection des indicateurs et ses difficultés connexes seulement pour l’Ontario, il importe de rappeler que les autres provinces canadiennes sont confrontées à des problèmes similaires en matière d’accès à des données régulières, cohérentes et valides sur l’environnement alimentaire, comme l'a laissé entendre un rapport récent de Santé CanadaNote de bas de page 16.
Prochaines étapes pour la Stratégie sur l’alimentation et la nutrition de l’Ontario
La Stratégie sur l’alimentation et la nutrition de l’OntarioNote de bas de page 21, qui a été lancée en janvier 2017 et sera mise en œuvre à l’aide d’un modèle de responsabilité partagée, selon lequel les groupes d’intervenants et les partenaires dirigent et appuyent les travaux dans les secteurs d’intérêt et d’expertise qu’ils auront eux‑mêmes déterminés. Les sept indicateurs jugés prioritaires dans cet article vont former le cadre de surveillance initial pour deux des orientations stratégiques de la SANO. Si le financement le permet, les données de ces indicateurs feront l’objet d’une analyse destinée à fournir une modeste évaluation de base de l’accès aux aliments, de l’alphabétisme alimentaire et de l’environnement alimentaire en Ontario, puis d’une seconde analyse visant à estimer l’importance des changements au fil du temps. Ce portrait initial aidera à cibler les secteurs où efforts et ressources seront investis pour améliorer la surveillance et les résultats, ce qui inclut l’élaboration de politiques provinciales et nationales. Des possibilités de financement additionnel seront examinées afin de permettre la détermination d’indicateurs pour la troisième et dernière orientation stratégique (systèmes alimentaires sains) et pour soutenir les stratégies favorisant la collecte systématique et continue de données provinciales et nationales concernant toutes les interventions de la SANO.
À notre connaissance, peu d’autres provinces, voire aucune, ont établi des stratégies approfondies en matière d’alimentation, d’agriculture et de nutrition s’attaquant à la complexité des déterminants de l’environnement alimentaire et de la santé. Cette lacune semble aussi présente à l’échelle fédérale, où des politiques séparées (et non intégrées) sont en cours d'élaboration dans les secteurs de l’alimentation et de l’agroalimentaireNote de bas de page 32 Note de bas de page 33. Cela étant dit, les limites des données décrites dans cet article pourraient inciter plusieurs intervenants à demander la création de systèmes de surveillance solides qui tiennent compte d’une partie ou de la totalité des caractéristiques liées aux secteurs d’intervention de la SANONote de bas de page 21, d’autant plus que plusieurs rejoignent d’autres initiatives provinciales, nationales et internationales, par exemple le Bulletin sur les environnements alimentaires sains et sur la nutrition des enfants au CanadaNote de bas de page 34 et le Réseau pour l’aide à la recherche, au suivi et à l’action sur l’alimentation et l’obésité/les maladies non transmissibles (INFORMAS)Note de bas de page 11 Note de bas de page 12. Ce chevauchement dans les actions ouvre la voie à des possibilités et à des synergies pour l’établissement, la vérification et la mise en œuvre de mesures valides et globales de l’accès aux aliments, de l’alphabétisme alimentaire et de l’environnement alimentaire, qui permettront de suivre et d’orienter les programmes provinciaux, nationaux et internationaux et, au final, d’améliorer l’alimentation et la santé de la population canadienne.
Remerciements
Les auteurs souhaitent remercier Ahalya Mahendra (Agence de la santé publique du Canada), Brian Cook (Bureau de santé publique de Toronto), Colleen Smith (Ag‑Scape), Jocelyn Sacco (Santé publique Ontario), June Matthews et Paula Dworatzek (Collège universitaire Brescia à l’Université Western Ontario), Leslie Whittington‑Carter (Les diététistes du Canada), Lisa Mardlin VandeWalle (diététiste autorisée, pratique privée), Lyndsay Davidson (Bureau de santé publique de Chatham‑Kent), Rhona Hanning (Université de Waterloo) et Ryan Turnbull (Eco‑Ethonomics) pour leur participation au groupe consultatif sur les indicateurs de la SANO et pour leur volonté de définir des indicateurs et d’évaluer leur priorité pour ce projet.
Ces travaux ont été rendus possibles par le soutien financier de l’Agence de la santé publique du Canada et par le soutien en nature d’Action cancer Ontario et de l’Association pour la santé publique de l’Ontario. L’adaptation des figures et des tableaux a été autorisée par le Ontario Food and Nutrition Strategy Group et le Indicators Advisory Group de la SANO. Des descriptions détaillées de la stratégie et du travail sur les indicateurs sont disponibles ailleursNote de bas de page 20 Note de bas de page 21.
Conflits d’intérêts
Les auteurs déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêts.
Contributions des auteurs
RT, LR, EM, et BAB ont contribué au plan de l’étude; BAB, EM, RT, MRB et LR ont participé à l’analyse et à l’interprétation des données; BAB et EM ont rédigé l’ébauche du manuscrit; BAB, EM, RT, MRB et LR ont révisé le contenu. Tous les auteurs ont approuvé la version finale du manuscrit.
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