Recherche quantitative originale – Facteurs déterminants du bien-être psychologique et social chez les jeunes au Canada : étude des associations avec les facteurs sociodémographiques, le contexte psychosocial et la consommation de substances

Colin A. Capaldi, Ph. D.; Mélanie Varin, M. Sc.; Raelyne L. Dopko, Ph. D.

https://doi.org/10.24095/hpcdp.41.2.02f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs

Agence de la santé publique du Canada, Ottawa (Ontario), Canada

Correspondance : Colin Capaldi, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario)  K1S 5H4; tél. : 613-299-7714; courriel : colin.capaldi@canada.ca.

Résumé

Introduction. Une santé mentale positive est un élément essentiel du développement sain des jeunes. Par exemple, une santé mentale positive est associée à une meilleure santé physique autodéclarée, à des relations plus étroites et à moins de problèmes de comportement chez les jeunes. La promotion d’une santé mentale positive est une priorité de santé publique, il est donc important d’en examiner les facteurs déterminants potentiels.

Méthodologie. Nous avons analysé les données d’élèves de la 7e à la 12e année (1re à 5e année du secondaire au Québec) de neuf provinces canadiennes ayant participé à l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves de 2016-2017. Le bien-être psychologique et social a été évalué à l’aide de l’Échelle de satisfaction des besoins intrinsèques des enfants (questionnaire CINSS). Nous avons effectué des analyses de régression linéaire pour déterminer les associations des variables sociodémographiques, psychosociales et liées à la consommation de substances avec les scores globaux du questionnaire CINSS (n = 37 897).

Résultats. En général, les jeunes au Canada ont fait état d’un bien-être psychologique et social assez élevé. Après correction pour toutes les variables incluses, le fait d’être dans un niveau scolaire supérieur, le fait d’être victime d’intimidation, le fait d’intimider les autres, le signalement de problèmes de comportement et le fait d’avoir fumé la cigarette, vapoté ou consommé du cannabis au moins une fois au cours des 30 derniers jours sont associés à des scores globaux inférieurs au questionnaire CINSS chez les élèves des deux sexes. Le signalement de comportements prosociaux a été associé à des scores globaux élevés pour les deux sexes.

Conclusion. Un certain nombre de facteurs sociodémographiques, psychosociaux et liés à la consommation de substances sont associés au bien-être psychologique et social chez les jeunes au Canada. Des études prospectives longitudinales et d’intervention pourraient examiner si les changements dans ces facteurs potentiels de risque et de protection se répercutent sur la santé mentale positive.

Mots-clés : bien-être psychologique, bien-être social, bien-être eudémonique, santé mentale positive, jeunes, consommation de substances, intimidation, facteurs démographiques

Points saillants

  • Cette étude a examiné les corrélats du bien-être psychologique et social chez les jeunes de la 7e à la 12e année (1re à 5e année du secondaire au Québec) au Canada.
  • Le bien-être psychologique et social était plus faible chez les élèves des niveaux scolaires supérieurs.
  • Les problèmes de comportement, le fait d’être intimidé et le fait d’intimider les autres étaient associés à un bien-être psychologique et social inférieur, tandis que les comportements prosociaux (p. ex. aider, partager) étaient associés à un bien-être psychologique et social supérieur.
  • Avoir récemment fumé la cigarette, vapoté et consommé du cannabis ont été associés à un bien-être psychologique et social inférieur.

Introduction

La prévention des maladies mentales et la promotion d’une santé mentale positive ont été établies comme priorités clés au Canada et dans le mondeNote de bas de page 1Note de bas de page 2. L’Agence de la santé publique du Canada définit la santé mentale positive comme « la capacité qu’a chacun d’entre nous de ressentir, de penser et d’agir de manière à améliorer notre aptitude à jouir de la vie et à relever les défis auxquels nous sommes confrontés »Note de bas de page 3. Une santé mentale positive peut réduire la probabilité de souffrir d’une maladie mentale et peut aider les personnes atteintes de troubles mentaux à se rétablirNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7. En outre, une santé mentale positive semble être un facteur de protection contre l’apparition et la progression de certaines maladies physiques et la mortalitéNote de bas de page 8Note de bas de page 9. Chez les jeunes aux États-Unis, on a constaté que des résultats positifs en matière de santé mentale sont associés à une image de soi plus positive, à des relations interpersonnelles plus étroites, à un sentiment d’appartenance à l’école plus fort, à une meilleure santé physique autodéclarée et à moins de problèmes de comportement (p. ex. consommation de substances, absentéisme scolaire, arrestation)Note de bas de page 10Note de bas de page 11.

Les conceptualisations et les opérationnalisations de la santé mentale positive et du bien-être sont variées, mais une distinction clé revient souvent, celle établie entre bien-être hédonique et bien-être eudémoniqueNote de bas de page 12. Le bien-être hédonique est souvent défini et mesuré comme l’expérience d’émotions positives et la satisfaction à l’égard de la vieNote de bas de page 12. Le bien-être eudémonique, quant à lui, est souvent défini et mesuré en tant que fonctionnement psychologique positif (bien-être psychologique) et comprend des éléments tels que la croissance personnelle, le but/la signification de la vie, l’autonomie et la maîtrise/connaissance de l’environnement ainsi que certains aspects du fonctionnement social positif (bien-être social) tels que les relations positives avec les autres, l’appartenance sociale, l’intégration sociale, l’acceptation sociale, la contribution sociale, la réalisation sociale et la cohérence socialeNote de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14.

Dans cet article, nous nous concentrons sur la conceptualisation eudémonique du bien-être et examinons, avec une perspective relevant de la théorie de l’autodétermination, le bien-être psychologique et social des jeunes au Canada, mesuré par le biais de l’Échelle de satisfaction des besoins intrinsèques des enfants (Children’s Intrinsic Needs Satisfaction Scale ou questionnaire CINSS)Note de bas de page 15.

La théorie de l’autodétermination postule l’existence de trois besoins psychologiques fondamentaux : le besoin d’autonomie (se sentir libre de ses choix), le besoin de compétence (se sentir efficace et capable) et le besoin d’appartenance sociale (se sentir soutenu, aimé et connecté aux autres)Note de bas de page 16Note de bas de page 17. La satisfaction de ces besoins fondamentaux peut être considérée comme un indicateur du bien-être psychologique et socialNote de bas de page 12Note de bas de page 16Note de bas de page 17.

Dans cet article, nous suivons l’approche adoptée dans le Cadre d’indicateurs de surveillance de la santé mentale positive (CISSMP) pour les jeunesNote de bas de page 18 en considérant l’autonomie et la compétence comme des indicateurs de bien-être psychologique et l’appartenance sociale comme un indicateur de bien-être social.

Des recherches antérieures menées auprès d’enfants et de jeunes de Montréal ont montré que ceux ayant mentionné une plus grande satisfaction de leurs besoins psychologiques de base (c.-à-d. un bien-être psychologique et social supérieur) faisaient état de moins de symptômes dépressifs et d’émotions négatives et plus d’émotions positives simultanément et six semaines plus tardNote de bas de page 15. À l’instar de recherches portant sur d’autres résultats positifs en matière de santé mentaleNote de bas de page 19Note de bas de page 20Note de bas de page 21, l’étude montréalaise a révélé une baisse générale du bien-être psychologique et social dans les groupes d’élèves les plus âgés.

Dans un large échantillon représentatif de jeunes Canadiens, l’implication récente dans des actes d’intimidation (c.-à-d. le fait d’être intimidé ou d’intimider les autres) ainsi que d’autres comportements problématiques ont été associés à une baisse du bien-être psychologique et social, tandis que l’adoption de comportements prosociaux a été associée à un bien-être psychologique et social supérieurNote de bas de page 22. L’étude n’a pas relevé de grandes différences de bien-être psychologique et social entre les garçons et les fillesNote de bas de page 22.

Bien que ces études révèlent la façon dont quelques facteurs sociodémographiques et psychosociaux peuvent être corrélés au bien-être psychologique et social, elles n’en examinent pas simultanément les nombreux déterminants potentiels. D’autres recherches récentes ont examiné comment les mesures du bien-être eudémonique sont corrélées à la consommation de substances chez les jeunes, mais les échantillons ne sont pas représentatifs ou les analyses n’incluent le bien-être qu’en tant que variable explicativeNote de bas de page 23Note de bas de page 24Note de bas de page 25.

Notre objectif était d’examiner si divers facteurs sociodémographiques, psychosociaux et liés à la consommation de substances sont associés au bien-être psychologique et social dans un échantillon représentatif de jeunes. Outre sa contribution à la littérature sur les corrélats du bien-être psychologique et social, notre recherche pourrait permettre une meilleure compréhension de la répartition du bien-être psychologique et social par rapport à un grand nombre de caractéristiques et de comportements et également une meilleure identification des sous-populations de jeunes (p. ex. ceux qui vont à l’école dans des régions rurales plutôt qu’urbaines) qui pourraient tirer profit d’interventions cibléesNote de bas de page 26Note de bas de page 27.

Méthodologie

Données et participants

Nous avons analysé les données du cycle 2016-2017 de l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves (ECTADE). Un échantillon de 52 103 élèves de la 7e à la 12e année (1re à 5e année du secondaire au Québec) ont participé à ce cycle; ces élèves fréquentaient un total de 699 écoles publiques, privées et catholiques relevant de 117 conseils scolaires dans neuf provinces canadiennes. (Le Nouveau-Brunswick a refusé de participer.) Les données n’ont pas été recueillies auprès d’élèves fréquentant d’autres types d’écoles (p. ex. dans les réserves des Premières Nations et les bases militaires, les écoles virtuelles et internationales, les écoles pour les personnes ayant des besoins spéciaux ou les personnes ayant une déficience auditive ou visuelle), les écoles des trois territoires canadiens ou les écoles comptant moins de 20 élèves dans un niveau scolaire admissible.

Le taux de réponse des écoles a été de 78 % et celui des élèves de 76 %. Le refus de réponses des élèves était dû au refus des parents/tuteurs de donner leur permission, au refus des élèves de participer ou à leur absence le jour où l’enquête était menée dans leur école.

Les élèves ont répondu volontairement à une enquête sur papier pendant une période de cours. Il fallait 40 minutes maximum pour y répondre. L’ECTADE a reçu l’approbation éthique du Comité d’éthique de la recherche de Santé Canada, des comités d’examen éthique des institutions provinciales affiliées, des comités d’examen éthique des conseils scolaires et du Bureau d’éthique de la recherche de l’Université de WaterlooNote de bas de page 28.

Mesures

Bien-être psychologique et social

L’Échelle de satisfaction des besoins intrinsèques des enfants à 18 énoncésNote de bas de page 15 a été utilisée pour mesurer le fonctionnement psychologique et social positif. Les élèves ont indiqué dans quelle mesure chaque affirmation du questionnaire CINSS s’appliquait à eux sur une échelle de quatre points allant de 1 (« complètement faux pour moi ») à 4 (« complètement vrai pour moi »).

Six énoncés ont évalué l’autonomie (p. ex. « Je me sens libre de m’exprimer à la maison »), six énoncés ont évalué la compétence (p. ex. « Je pense que je réussis bien à l’école ») et six énoncés ont évalué l’appartenance sociale (p. ex. « Mes amis m’aiment et se préoccupent de moi ») dans trois domaines (à la maison, à l’école et avec les pairs). Bien que des recherches antérieures aient validé la structure à trois facteurs du questionnaire CINSS chez les jeunes au Canada, les sous-échelles de l’autonomie, de la compétence et de l’appartenance sociale relèvent toutes d’un facteur d’ordre supérieurNote de bas de page 22 et sont fortement corrélées entre elles dans le cycle actuel (≥ 0,78). Nous avons calculé les scores globaux du bien-être psychologique et social pour chaque élève en additionnant les réponses aux 18 énoncés du questionnaire CINSS (α de Cronbach = 0,93).

Facteurs déterminants potentiels

Les facteurs déterminants potentiels du bien-être psychologique et social ont été définis à partir de l’ECTADE et ont été regroupés en trois grandes catégories. La première catégorie – facteurs sociodémographiques – comprend le sexe de l’élève (masculin/féminin), le niveau scolaire (7 à 12) et le caractère urbain ou rural de la région où se situe l’école de l’élève. La région a été déterminée en fonction du code postal de l’école. Pour les élèves du Québec, la 1re à la 5e année du secondaire ont été recodées pour correspondre aux classes de la 7e à la 11e année.

L’ECTADE a également mesuré l’origine ethnique autodéclarée, mais nous n’avons pas pu analyser cette variable, car nous n’avions pas accès aux données à diffusion restreinte.

La deuxième catégorie comprend des variables qui évaluent des aspects du contexte psychosocial et du comportement de l’élève. Il s’agit notamment des données autodéclarées sur l’intimidation subie (avoir été victime d’intimidation au moins une fois au cours des 30 derniers jours/ne pas avoir été victime d’intimidation), l’intimidation infligée à d’autres (avoir intimidé d’autres élèves au moins une fois au cours des 30 derniers jours/ne pas avoir intimidé d’autres élèves), le comportement prosocial et les problèmes de comportement.

Le comportement prosocial a été mesuré à l’aide de cinq énoncés qui demandaient aux élèves s’ils étaient prêts à aider, à être généreux et à s’intéresser aux autres (p. ex. « J’aide souvent les gens sans qu’on me le demande »).

Les problèmes de comportement ont été mesurés à l’aide de sept énoncés qui interrogeaient les élèves sur leur respect des limites, des routines et des règles sociales (p. ex. « Je saute des cours ou m’absente de l’école »).

En ce qui a trait au comportement prosocial et aux problèmes de comportement, les élèves ont indiqué dans quelle mesure chaque énoncé les décrivait bien sur une échelle de 1 (« pas du tout comme moi ») à 6 (« tout à fait comme moi »). Les scores globaux pour le comportement prosocial (α = 0,91) et les problèmes de comportement (α = 0,85) ont été obtenus en additionnant les résultats correspondant à leurs énoncés respectifs. Les énoncés relatifs au comportement prosocial et aux problèmes de comportement ont initialement été élaborés et validés pour être utilisés dans l’Enquête sur les comportements liés à la santé des enfants d’âge scolaire (ECSES)Note de bas de page 22Note de bas de page 29Note de bas de page 30.

La troisième catégorie comprend des variables liées à la consommation de substances autodéclarée : usage de la cigarette (a fumé une cigarette au moins une fois au cours des 30 derniers jours/n’a pas fumé de cigarette), vapotage (a vapoté au moins une fois au cours des 30 derniers jours/n’a pas vapoté), consommation d’alcool (a bu de l’alcool au moins une fois au cours des 30 derniers jours/n’a pas bu d’alcool) et consommation de cannabis (a consommé du cannabis au moins une fois au cours des 30 derniers jours/n’a pas consommé de cannabis). Nous nous sommes concentrés sur l’utilisation autodéclarée par l’élève de chacune des substances au cours des 30 derniers jours, car nous avons supposé que l’utilisation récente serait plus fortement associée aux niveaux actuels de bien-être psychologique et social et que les élèves s’en souviendraient bien. Cette approche nous a également permis d’examiner l’association entre bien-être psychologique et social d’une part et expériences de consommation de substances et intimidation au cours de la même période d’autre part.

Analyse statistique

Nous avons effectué des analyses de régression linéaire pour examiner l’association entre le bien-être psychologique et social et les variables sociodémographiques, les variables psychosociales et celles liées à la consommation de substances dans l’échantillon global et séparément pour les garçons et les filles.

La première série d’analyses de régression a examiné chaque facteur déterminant potentiel séparément (résultats non ajustés), tandis que la seconde analyse a examiné tous les facteurs déterminants potentiels ensemble (résultats entièrement ajustés). Dans les deux séries d’analyses de régression, nous avons utilisé les poids d’échantillonnage pour tenir compte de la méthode d’échantillonnage de l’ECTADE et pour rendre les résultats représentatifs des jeunes de la population cibleNote de bas de page 28. La variance a été estimée à l’aide de la méthode de rééchantillonnage bootstrap avec 500 répétitions pour tenir compte de la complexité du plan d’échantillonnage. Les analyses ont été réalisées au moyen du progiciel de statistiques SAS Enterprise Guide, version 7.1 (SAS Institute Inc., Cary, Caroline du Nord, États-Unis).

Pour que la composition de l’échantillon soit constante dans les analyses avec et sans ajustement, nous avons exclu des analyses de régression linéaire les élèves dont les réponses à l’une des questions pertinentes étaient manquantes. Dans les modèles ajustés, il n’y avait aucune indication d’hétéroscédasticité, de multicolinéarité ou d’extrême asymétrie dans la distribution des résidus.

Résultats

Le tableau 1 présente les caractéristiques de l’échantillon relativement aux facteurs sociodémographiques, psychosociaux et liés à la consommation de substances.

Tableau 1 (partie 1 de 2). Caractéristiques de l’échantillon et statistiques descriptives du questionnaire CINSS, échelle de comportement prosocial et échelle des problèmes de comportement, ECTADE, 2016-2017
Variable Pourcentage pondéré (IC à 95 %)
Sexe (n = 52 103)
masculin 51,33 (51,33 à 51,33)
féminin 48,67 (48,67 à 48,67)
Niveau (n = 52 103)
7e année 16,37 (16,37 à 16,37)
8e année 16,26 (16,25 à 16,26)
9e année 17,11 (17,11 à 17,11)
10e année 17,08 (17,08 à 17,08)
11e année 17,01 (17,00 à 17,01)
12e année 16,18 (16,18 à 16,18)
Région (n = 52 103)
rurale 16,00 (14,26 à 17,74)
urbaine 84,00 (82,26 à 85,74)
Intimidé par d’autres (n = 49 543)
Non 76,53 (76,18 à 76,87)
Oui 23,47 (23,13 à 23,82)
A intimidé les autres (n = 49 781)
Non 86,79 (86,51 à 87,07)
Oui 13,21 (12,93 à 13,49)
Cigarette (n = 52 031)
Non 93,82 (93,54 à 94,09)
Oui 6,18 (5,91 à 6,46)
Vapotage (n = 51 719)
Non 89,02 (88,74 à 89,29)
Oui 10,98 (10,71 à 11,26)
Consommation d’alcool (n = 49 336)
Non 72,87 (72,39 à 73,35)
Oui 27,13 (26,65 à 27,62)
Consommation de cannabis (n = 50 867)
Non 89,11 (88,74 à 89,48)
Oui 10,89 (10,52 à 11,26)

Abréviations : CINSS, Échelle de satisfaction des besoins intrinsèques des enfants; ECTADE, Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves.

Tableau 1 (partie 2 de 2). Caractéristiques de l’échantillon et statistiques descriptives du questionnaire CINSS, échelle de comportement prosocial et échelle des problèmes de comportement, ECTADE, 2016-2017
Variable Moyenne pondérée (IC à 95 %)
Comportement prosocial (n = 49 016) 19,49 (19,46 à 19,53)
Problèmes de comportement (n = 49 537) 10,75 (10,71 à 10,78)
Questionnaire CINSS (n = 45 130) 59,09 (59,02 à 59,15)

Abréviations : CINSS, Échelle de satisfaction des besoins intrinsèques des enfants; ECTADE, Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves.

De manière générale, la distribution du bien-être psychologique et social est négativement désaxée, car les jeunes Canadiens ont déclaré un bien-être psychologique et social assez élevé avec un score moyen de 59,09 sur l’échelle du questionnaire CINSS (plage de l’échelle : 18 à 72, des scores élevés indiquant un bien-être supérieur).

Résultats non ajustés

Dans l’échantillon global, toutes les variables ont été associées de manière significative au bien-être psychologique et social lorsque des analyses de régression linéaire distinctes ont été effectuées (voir la colonne « Non ajusté » des résultats pour les deux sexes dans le tableau 2). Le fait d’être une fille, la fréquentation d’une école située dans une région urbaine et la déclaration de comportements prosociaux étaient liés de manière significative à un bien-être psychologique et social élevé. Plusieurs variables (être dans un niveau scolaire supérieur, être intimidé, intimider les autres, signaler des problèmes de comportement et avoir fumé la cigarette, vapoté ou consommé de l’alcool ou du cannabis au moins une fois au cours des 30 derniers jours) ont été associées de façon significative à un faible bien-être psychologique et social.

Tableau 2. Modèles de régression linéaire examinant comment les scores globaux du questionnaire CINSS sont associés aux variables sociodémographiques, psychosociales et liées à la consommation de substances, ECTADE, 2016-2017
Variable Les deux sexes
(= 37 897)
Garçons
(= 18 302)
Filles
(= 19 595)
Non ajusté Ajusté Non ajusté Ajusté Non ajusté Ajusté
BNote de bas de page a
(IC à 95 %)
BNote de bas de page a
(IC à 95 %)
BNote de bas de page a
(IC à 95 %)
BNote de bas de page a
(IC à 95 %)
BNote de bas de page a
(IC à 95 %)
BNote de bas de page a
(IC à 95 %)
Sexe
masculin (Réf.) (Réf.)
féminin 0,73Note de bas de page ***
(0,64 à 0,82)
−0,11Note de bas de page **
(−0,19 à −0,03)
Niveau scolaire −0,56Note de bas de page ***
(−0,60 à −0,53)
−0,30Note de bas de page ***
(−0,33 à −0,28)
−0,59Note de bas de page ***
(−0,64 à −0,55)
−0,26Note de bas de page ***
(−0,29 à −0,23)
−0,52Note de bas de page ***
(−0,57 à −0,47)
−0,36Note de bas de page ***
(−0,41 à −0,31)
Région de l’école
rurale (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.)
urbaine 0,25Note de bas de page **
(0,09 à 0,41)
−0,33Note de bas de page ***
(−0,43 à −0,23)
0,55Note de bas de page ***
(0,33 à 0,76)
−0,14
(−0,28 à 0,002)
−0,03
(−0,24 à 0,19)
−0,55Note de bas de page ***
(−0,73 à −0,37)
Intimidé par les autres
Non (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.)
Oui −4,75Note de bas de page ***
(−4,90 à −4,59)
−4,20Note de bas de page ***
(−4,34 à −4,05)
−4,54Note de bas de page ***
(−4,80 à −4,28)
−3,75Note de bas de page ***
(−3,98 à −3,51)
−5,15Note de bas de page ***
(−5,30 à −4,99)
−4,54Note de bas de page ***
(−4,71 à −4,38)
A intimidé les autres
Non (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.)
Oui −4,88Note de bas de page ***
(−5,04 à −4,72)
−0,68Note de bas de page ***
(−0,88 à −0,49)
−4,83Note de bas de page ***
(−5,13 à −4,53)
−0,94Note de bas de page ***
(−1,25 à −0,63)
−4,90Note de bas de page ***
(−5,11 à −4,69)
−0,49Note de bas de page ***
(−0,72 à −0,27)
Comportement prosocial 0,34Note de bas de page ***
(0,34 à 0,35)
0,35Note de bas de page ***
(0,34 à 0,35)
0,36Note de bas de page ***
(0,35 à 0,38)
0,37Note de bas de page ***
(0,36 à 0,38)
0,33Note de bas de page ***
(0,32 à 0,34)
0,31Note de bas de page ***
(0,30 à 0,32)
Problèmes de comportement −0,59Note de bas de page ***
(−0,61 à −0,58)
−0,43Note de bas de page ***
(−0,45 à −0,42)
−0,57Note de bas de page ***
(−0,60 à −0,53)
−0,43Note de bas de page ***
(−0,45 à 0,40)
−0,62Note de bas de page ***
(−0,64 à −0,60)
−0,45Note de bas de page ***
(−0,47 à −0,43)
Cigarette
Non (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.)
Oui −6,17Note de bas de page ***
(−6,45 à −5,90)
−1,95Note de bas de page ***
(−2,14 à −1,75)
−5,78Note de bas de page ***
(−6,18 à −5,39)
−1,27Note de bas de page ***
(−1,51 à −1,03)
−6,59Note de bas de page ***
(−6,88 à −6,30)
−2,84Note de bas de page ***
(−3,15 à −2,54)
Vapotage
Non (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.)
Oui −3,91Note de bas de page ***
(−4,11 à −3,71)
−0,41Note de bas de page ***
(−0,58 à −0,24)
−3,76Note de bas de page ***
(−4,06 à −3,47)
−0,25Note de bas de page *
(−0,50 à −0,01)
−3,96Note de bas de page ***
(−4,15 à −3,77)
−0,57Note de bas de page ***
(−0,76 à −0,38)
Consommation d’alcool
Non (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.)
Oui −2,46Note de bas de page ***
(−2,57 à −2,35)
−0,04
(−0,16 à 0,08)
−2,79Note de bas de page ***
(−3,00 à −2,59)
−0,48Note de bas de page ***
(−0,64 à −0,31)
−2,12Note de bas de page ***
(−2,30 à −1,95)
0,43Note de bas de page ***
(0,26 à 0,60)
Consommation de cannabis
Non (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.) (Réf.)
Oui −4,80Note de bas de page ***
(−5,02 à −4,59)
−1,39Note de bas de page ***
(−1,60 à −1,19)
−4,80Note de bas de page ***
(−5,09 à −4,51)
−1,52Note de bas de page ***
(−1,80 à −1,24)
−4,71Note de bas de page ***
(−4,92 à −4,50)
−1,22Note de bas de page ***
(−1,45 à −0,98)

Abréviations : CINSS, Échelle de satisfaction des besoins intrinsèques des enfants; ECTADE, Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves; Réf., groupe de référence.
Remarque : Un codage fictif a été utilisé pour créer les groupes de référence pour les variables catégorielles.

Note de bas de page a

B est le coefficient de régression non-standardisé.

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Note de bas de page *

< 0,05

Retour à la référence de la note de bas de page *

Note de bas de page **

< 0,01

Retour à la référence de la note de bas de page **

Note de bas de page ***

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Le sens et l’importance statistique de ces associations sont restés inchangés lorsque les résultats ont été stratifiés par sexe, à une exception près toutefois : la situation de l’école fréquentée, en région urbaine par rapport à en région rurale, n’a pas été associée de façon significative au bien-être psychologique et social chez les élèves de sexe féminin (voir les colonnes « non ajusté » des résultats pour les élèves de sexe masculin et féminin dans le tableau 2).

Résultats ajustés

Dans les trois modèles entièrement ajustés, le fait d’être dans un niveau scolaire supérieur, le fait d’être victime d’intimidation, le fait d’intimider les autres, le signalement de problèmes de comportement et le fait d’avoir fumé la cigarette, vapoté ou consommé du cannabis au moins une fois au cours des 30 derniers jours sont tous associés de manière significative à un faible bien-être psychologique et social, tandis que le signalement de comportements prosociaux est associé de manière significative à un bien-être psychologique et social élevé (voir les colonnes de résultats « ajusté » du tableau 2).

La fréquentation d’une école dans une région urbaine est associée de façon significative à un bien-être psychologique et social inférieur dans l’ensemble de l’échantillon et pour les élèves de sexe féminin, mais l’association n’est pas significative chez les élèves de sexe masculin.

La consommation récente d’alcool n’a pas été associée de façon significative au bien-être psychologique et social dans l’ensemble de l’échantillon. En revanche, une association négative significative entre la consommation récente d’alcool et le bien-être psychologique et social a été constatée pour les élèves de sexe masculin, tandis qu’une association positive significative a été constatée entre ces variables pour les élèves de sexe féminin.

Enfin, le fait d’être de sexe féminin est associé de façon significative à un bien-être psychologique et social inférieur dans l’ensemble de l’échantillon. Collectivement, l’ensemble des variables explique un cinquième de la variance du bien-être psychologique et social dans les modèles entièrement ajustés (R2 ajusté = 0,20).

Analyse

L’objectif de cette recherche était d’examiner comment les variables sociodémographiques, les variables psychosociales et celles liées à la consommation de substances sont associées au bien-être psychologique et social chez les jeunes au Canada. Les résultats ont révélé que la plupart de ces facteurs étaient associés significativement au bien-être psychologique et social lorsqu’ils étaient examinés individuellement et après ajustement.

En ce qui concerne le contexte psychosocial des jeunes au Canada, à la fois chez les garçons et les filles, les problèmes de comportement, le fait d’être intimidé et le fait d’intimider les autres étaient associés à un bien-être psychologique et social inférieur, tandis que le comportement prosocial était associé à un bien-être psychologique et social supérieur. Ces variables présentaient aussi une association significative avec le bien-être psychologique et social dans les modèles ajustés. Ces résultats enrichissent ceux présentés par Orpana et ses collaborateurs, qui avaient utilisé un cycle antérieur de l’ECTADE et n’avaient pas tenu compte d’autres facteurs déterminants potentielsNote de bas de page 22.

L’association positive entre comportement prosocial et bien-être psychologique et social que nous avons observée dans cette étude vient compléter les observations antérieures sur le soutien interculturel assez constant en faveur d’un bien-être hédonique élevé chez les personnes (de 15 ans et plus) qui ont un comportement prosocial (c.-à-d. qui font du bénévolat ou des dons à des organismes de bienfaisance)Note de bas de page 31. Cette étude va également dans le même sens que des recherches menées auprès d’adultes américains qui ont montré des relations positives entre un comportement prosocial et certains aspects plutôt eudémoniques du bien-être, tels que le sens de la vieNote de bas de page 32Note de bas de page 33.

Les problèmes de comportement ont également été fortement associés au bien-être psychologique et social. Ce résultat n’est pas surprenant, car les comportements d’extériorisation (p. ex. l’agression, le non-respect des règles) sont communs à un certain nombre de troubles mentaux de l’enfance et de l’adolescenceNote de bas de page 34.

Les résultats actuels s’ajoutent à un vaste corpus de recherches publiées dans le monde qui montrent un lien entre le fait d’être intimidé/d’intimider et certaines conséquences négatives sur la santé mentale (p. ex. les idées suicidaires)Note de bas de page 35Note de bas de page 36Note de bas de page 37. Il semble ainsi que certains aspects d’un fonctionnement psychologique et social positif peuvent être atteints de façon négative par le fait d’être victime d’intimidation ou d’intimider les autres. Des recherches futures pourraient examiner si les interventions qui sont efficaces pour réduire les comportements d’intimidation et la victimisationNote de bas de page 38 ou d’autres problèmes de comportementNote de bas de page 39 s’accompagnent d’une hausse du bien-être psychologique et social.

Cependant, étant donné la nature transversale des données de l’ECTADE et le fait que certains facteurs de protection contre l’intimidation chevauchent certains aspects du bien-être psychologique et socialNote de bas de page 40, il est important de mentionner que notre recherche ne permet pas d’établir de causalité et que le lien entre intimidation et bien-être psychologique et social est probablement bidirectionnel. Une mise en garde similaire s’applique à la relation entre bien-être psychologique et social et comportement prosocial et problèmes de comportement.

Au-delà du contexte psychosocial, le bien-être psychologique et social est généralement inférieur chez les jeunes qui ont récemment consommé des substances. Nous avons remarqué cette tendance pour l’usage de la cigarette, le vapotage et la consommation de cannabis dans le modèle global et dans les modèles stratifiés par sexe, non ajustés et ajustés. Autrement dit, la consommation de chacune de ces substances au cours des 30 derniers jours a été spécifiquement associée à un faible bien-être psychologique et social chez les jeunes Canadiens. Comme le développement du cerveau se poursuit pendant l’adolescence et peut être perturbé par la consommation de substances pendant cette période sensibleNote de bas de page 41, il n’est pas surprenant que le fonctionnement psychologique/social puisse également être affecté.

L’association négative entre usage de la cigarette et bien-être psychologique et social rejoint les résultats de l’ECSESNote de bas de page 29. L’ECSES a révélé que les jeunes au Canada qui ont indiqué qu’ils ne fument jamais étaient moins susceptibles de signaler des problèmes émotionnels et plus susceptibles de signaler un bien-être émotionnel élevéNote de bas de page 29. Le bien-être psychologique et social inférieur observé chez les jeunes Canadiens qui ont récemment consommé du cannabis est conforme à certains résultats antérieurs (non représentatifs) chez des élèves de l’Ontario et de la Colombie-Britannique : Butler et ses collaborateursNote de bas de page 23 ont constaté que la probabilité d’avoir déjà consommé du cannabis ou d’en consommer plus fréquemment augmentait chez les élèves dont les réponses indiquaient de faibles niveaux d’épanouissement.

Le lien entre vapotage et faible bien-être psychologique et social est particulièrement à souligner, compte tenu de l’augmentation des taux de vapotage chez les adolescents canadiensNote de bas de page 42Note de bas de page 43Note de bas de page 44 et des cas de maladies pulmonaires associées au vapotage au Canada et aux États-UnisNote de bas de page 45. L’association spécifique entre bien-être psychologique et social et vapotage dans notre recherche donne à penser que l’effet négatif du vapotage ne se limite sans doute pas à la santé physique.

La prudence est toutefois de mise lorsqu’il s’agit de déduire un lien de causalité à partir des données transversales actuelles, surtout sachant qu’il a été établi que des problèmes de santé mentale préexistants sont un facteur de risque de consommation de substances et de dépendanceNote de bas de page 41Note de bas de page 46. Bien que l’abstention ou la réduction de la consommation de substances pendant l’adolescence puisse favoriser un meilleur fonctionnement psychologique/social, il est également plausible que la satisfaction des besoins intrinsèques puisse agir comme un facteur de protection contre la consommation de substances pendant cette période du développement. À l’aide des données du cycle 2014-2015 de l’ECTADE, Enns et OrpanaNote de bas de page 25 ont constaté que la consommation d’alcool et de cannabis est relativement peu fréquente chez les jeunes qui déclarent des niveaux élevés de compétence et d’appartenance sociale. Nous avons décidé d’inclure dans nos analyses des variables de consommation de substances parmi les variables explicatives car la consommation de substances fait partie des déterminants d’une santé mentale positive dans le CISSMP pour les jeunesNote de bas de page 18. De futures recherches longitudinales prospectives pourraient examiner la relation potentiellement bidirectionnelle entre consommation de substances et bien-être psychologique et social.

En matière de consommation d’alcool, le fait d’avoir bu de l’alcool au cours des 30 derniers jours a également été associé à un bien-être psychologique et social inférieur dans les résultats non ajustés, mais a été associé de manière incohérente au bien-être psychologique et social dans les résultats ajustés. Des recherches canadiennes récentes fournissent également des résultats incohérents. Par exemple, Butler et ses collaborateursNote de bas de page 24 ont constaté que les résultats positifs et négatifs en matière de santé mentale n’étaient pas associés de manière significative à la consommation excessive d’alcool chez les élèves du secondaire en Ontario et en Colombie-Britannique. Enns et OrpanaNote de bas de page 25, en analysant un cycle précédent de l’ECTADE, ont constaté que l’association entre bien-être psychologique et social et consommation d’alcool dépendait de la sous-échelle du questionnaire CINSS et de l’inclusion/exclusion de covariables. Il pourrait être avantageux pour les futures recherches sur ce sujet d’adopter une perspective cognitive plutôt que comportementale et d’examiner les associations entre les motifs qui sous-tendent les comportements de consommation d’alcool et le bien-être psychologique et social chez les jeunesNote de bas de page 47.

En ce qui concerne les facteurs sociodémographiques, le fait d’être une fille est associé à un bien-être psychologique et social supérieur dans le modèle non ajusté, mais à un bien-être psychologique et social inférieur après ajustement. Le résultat non ajusté est relativement cohérent avec une analyse d’un cycle antérieur de l’ECTADE qui a révélé que la satisfaction des besoins d’appartenance sociale était nettement plus élevée chez les élèves de sexe fémininNote de bas de page 22. Néanmoins, le sexe n’explique pas une grande partie de la variance du bien-être psychologique et social dans le modèle non ajusté de notre étude (R2 = 0,002), ce qui donne à penser que les différences dans le fonctionnement psychologique et social des élèves de sexe masculin et féminin au Canada sont d’une ampleur assez négligeable. L’inversion de l’association entre le sexe et le bien-être psychologique et social dans le modèle ajusté peut être due au fait que l’on a contrôlé pour des variables (p. ex. les problèmes de comportement extériorisés) qui ont tendance à être plus fréquentes chez les garçons au Canada, et non pas pour les problèmes intériorisés (p. ex. la tristesse ou le désespoir) qui ont tendance à être plus fréquents chez les filles au CanadaNote de bas de page 29Note de bas de page 48. Dans la mesure du possible, les recherches futures devraient examiner simultanément les problèmes d’internalisation et d’externalisationNote de bas de page 49.

Un autre facteur sociodémographique pour lequel les résultats semblent incohérents est le cadre urbain ou rural de l’école fréquentée. Plus précisément, les élèves qui fréquentaient une école en région urbaine tendaient à déclarer un bien-être psychologique et social plus élevé que celui des élèves dont l’école se situait en région rurale dans le modèle non ajusté, avec la tendance inverse constatée après ajustement. Étant donné que des recherches canadiennes antérieures ont relevé des preuves mitigées de différences dans les résultats positifs en matière de santé mentale dans les régions urbaines par rapport aux régions ruralesNote de bas de page 50Note de bas de page 51Note de bas de page 52 et qu’aucune association entre milieu scolaire rural/urbain et fonctionnement psychologique/social n’a été repérée de manière cohérente dans les analyses stratifiées par sexe, nous hésitons à considérer le milieu scolaire comme un facteur déterminant potentiellement important du bien-être psychologique et social chez les jeunes Canadiens.

Contrairement au sexe et à la région de l’école, les résultats pour le troisième facteur sociodémographique – le niveau de scolarité – étaient cohérents entre analyses non ajustées et analyses ajustées. Plus précisément, le bien-être psychologique et social diminuait chez les élèves des deux sexes dans les niveaux scolaires supérieurs. Cette constatation s’ajoute à celles de travaux de recherche antérieurs, reposant sur les données de l’ECSES, qui ont révélé, en moyenne, une baisse de la satisfaction de vie et une hausse des problèmes de santé subjectifs chez les jeunes plus âgés en Europe et au CanadaNote de bas de page 19Note de bas de page 20Note de bas de page 21. Pour améliorer la santé mentale positive des jeunes Canadiens, les interventions pourraient cibler les élèves des niveaux scolaires supérieurs, car le bien-être semble être moins élevé à l’école secondaire qu’à l’école intermédiaire (bien qu’une recherche longitudinale prospective soit nécessaire pour confirmer avec fiabilité les changements en matière de santé mentale positive chez une personne).

Forces et limites

Comme il a été mentionné précédemment, en raison de la nature transversale des données de l’ECTADE, nous ne pouvons pas établir de causalité. Une autre limite est l’utilisation de questions d’autodéclaration pour mesurer les concepts d’intérêt : des biais de désirabilité sociale et de rappel ne peuvent être exclus (p. ex. les élèves peuvent volontairement ou involontairement commettre des erreurs de déclaration concernant la fréquence de leur consommation de substances ou leurs expériences d’intimidation).

Bien que nous ayons pu tenir compte de l’effet de nombreuses variables, notre recherche des facteurs déterminants potentiels n’a pas été exhaustive et a été limitée par la disponibilité des éléments mesurés dans l’ECTADE, en particulier par le manque de variables sociodémographiques. Il pourrait y avoir d’autres variables confusionnelles ou importantes que nous n’avons pas pu prendre en compte, ou des effets d’interaction, qui auraient modifié les résultats (p. ex. le revenu du ménage, l’origine ethnique, le statut vis-à-vis de l’immigration, l’orientation sexuelle, l’intériorisation des problèmes, le sommeil, l’activité physique, le temps passé devant un écran)Note de bas de page 49Note de bas de page 53Note de bas de page 54Note de bas de page 55. Des analyses plus complètes pourraient être menées à l’aide des données récemment publiées de l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes.

Comme nous n’avons examiné les résultats globaux que pour neuf provinces, il n’est pas certain que toutes les associations observées se reproduisent dans chaque province, territoire ou autre pays. Si la théorie de l’autodétermination considère l’autonomie, la compétence et l’appartenance sociale comme des besoins universels, elle reconnaît que les moyens de satisfaire ces besoins peuvent dépendre du contexteNote de bas de page 16. Ainsi, de futures recherches pourraient étudier les similitudes et les différences des facteurs déterminants du bien-être psychologique et social des jeunes entre les provinces ou territoires et les pays.

Enfin, nous avons appelé la variable masculin/féminin « sexe » par souci de cohérence avec l’étiquetage des données de l’ECTADE et les recherches antérieuresNote de bas de page 22Note de bas de page 25Note de bas de page 28, mais cette variable pourrait être interprétée comme mesurant le « genre », car les répondants devaient simplement répondre à la question « Es-tu une fille ou un garçon? ».

Au-delà de ces limites, le vaste échantillon représentatif, la puissance statistique élevée, l’examen de différents types de consommation de substances et l’inclusion de mesures validées du fonctionnement des jeunes (p. ex. le questionnaire CINSS) sont les principaux atouts de l’ECTADE et de notre recherche.

Conclusion

Notre étude révèle qu’une variété de facteurs sociodémographiques, de facteurs psychosociaux et de facteurs liés à la consommation de substances sont associés au bien-être psychologique et social chez les jeunes Canadiens. Un bien-être psychologique et social inférieur a été constaté chez les garçons et chez les filles qui étaient dans les niveaux scolaires supérieurs, qui ont été la cible d’intimidation ou qui ont intimidé d’autres personnes, qui ont signalé des problèmes de comportement ou qui ont fumé la cigarette, vapoté ou consommé du cannabis au moins une fois au cours des 30 derniers jours. Les garçons et les filles qui ont fait état de comportements prosociaux tendaient à avoir un bien-être psychologique et social supérieur.

Le recensement de ces facteurs déterminants potentiels du bien-être psychologique et social chez les jeunes Canadiens est une contribution importante à la littérature et pourrait s’avérer utile pour éclairer les politiques et les interventions en santé publique.

Remerciements

Nous tenons à remercier Heather Orpana et Lil Tonmyr pour leurs commentaires sur les versions antérieures de ce manuscrit. Les données utilisées dans cette étude ont été tirées de l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves (ECTADE) de Santé Canada, qui a été réalisée par le Centre Propel pour l’avancement de la santé des populations de l’Université de Waterloo pour le compte de Santé Canada. Santé Canada n’a ni examiné, ni approuvé, ni soutenu cette étude.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

MV a conçu le projet. CC, MV et RD ont décidé de l’approche analytique. MV et CC ont effectué les analyses statistiques. CC, MV et RD ont interprété les résultats. CC a rédigé et révisé le manuscrit en réponse aux commentaires de MV et RD.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteures; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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