Recherche qualitative originale – Perception des enfants à l’égard d’un programme d’alimentation scolaire à approvisionnement centralisé dans le Sud-Ouest de l’Ontario (Canada)

Paige Colley, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Linda Miller, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Jamie A. Seabrook, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Sarah J. Woodruff, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 3; Jason Gilliland, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1

https://doi.org/10.24095/hpcdp.41.4.02f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Correspondance : Jason Gilliland, Social Science Centre, salle 2333, Université Western, 1151, rue Richmond, London (Ontario) N6A 3K7; tél. : 519-661-2111, poste 81239; courriel : jgillila@uwo.ca

Résumé

Introduction. Cette étude qualitative s’intéresse à la perception qu’ont les enfants de l’influence d’un programme d’alimentation scolaire à approvisionnement centralisé sur leurs comportements alimentaires et à leurs recommandations sur la manière d’améliorer le programme.

Méthodologie. Les observations de 208 élèves de 9 à 14 ans (de la 5e à la 8e année) provenant de 21 écoles primaires ont été recueillies au moyen de groupes de discussion en 2017 et 2018. L’intervention la plus importante a consisté en un programme de dix semaines proposant des collations quotidiennes (fruits, légumes, aliments à grains entiers, produits laitiers, substituts de viande) à des élèves d’écoles primaires du Sud-Ouest de l’Ontario (Canada).

Résultats. Dans l’ensemble, les participants ont eu une perception positive du programme. Ils ont constaté un apaisement de leur faim, une augmentation de leur niveau d’énergie et une amélioration de leur alimentation. De nombreux enfants ont estimé que le programme avait modifié leurs habitudes alimentaires à la maison et pas simplement à l’école, car il les avait notamment amenés à accroître leur consommation de fruits et de légumes. De plus, le programme de collations a permis aux enfants d’essayer des aliments sains.

Conclusion. La plupart des participants ont estimé que le programme s’avérait bénéfique pour favoriser une alimentation saine. Les participants ont recommandé d’ajouter des activités éducatives, de diversifier les aliments offerts et d’accroître la participation des enfants à la sélection et à la préparation des aliments.

Mots-clés : alimentation, santé des enfants, programme d’alimentation, comportement alimentaire, école primaire

Points saillants

  • Un programme d’alimentation scolaire à approvisionnement centralisé proposant des collations quotidiennes (fruits, légumes, aliments à grains entiers, produits laitiers, substituts de viande) constitue un moyen prometteur d’améliorer l’alimentation des enfants.
  • Les élèves des écoles primaires ayant participé à un programme de ce type dans le Sud-Ouest de l’Ontario (Canada) ont mentionné que, grâce au programme, ils mangeaient plus de fruits et de légumes, ils étaient prêts à essayer de nouveaux aliments, ils avaient amélioré leurs habitudes alimentaires à l’école et à la maison et ils se sentaient généralement en bonne santé et bien dans leur peau.
  • Les enfants ayant participé au programme d’alimentation scolaire ont formulé des recommandations utiles visant à améliorer ce dernier, comme ajouter des initiatives éducatives, offrir une plus grande variété d’aliments sains et accroître la fréquence à laquelle ces aliments sont offerts.

Introduction

Les professionnels de la santé publique sont de plus en plus préoccupés par la qualité de l’alimentation des enfantsNote de bas de page 1. En effet, seulement 10 % des enfants canadiens de 6 à 12 ans consomment 5 portions de fruits et de légumes ou plus par jourNote de bas de page 2. La consommation régulière – et excessive – d’aliments qui manquent de nutriments essentiels est associée à des conséquences néfastes pour la santéNote de bas de page 3. Les taux d’obésité ont atteint des proportions épidémiques, près d’un tiers des enfants canadiens étant en surpoids ou obèsesNote de bas de page 4. L’obésité peut entraîner des complications de santé à très long terme, notamment le diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires et des problèmes psychosociauxNote de bas de page 5. Ces tendances révèlent un problème de santé important qui mérite une attention immédiate, car les habitudes alimentaires caractérisées par une faible qualité nutritionnelle adoptées pendant l’enfance persistent souvent à l’âge adulteNote de bas de page 6.

On sait que les programmes d’alimentation scolaires sont un moyen efficace de favoriser une alimentation saineNote de bas de page 7Note de bas de page 8. Une revue systématique récente a révélé que les initiatives d’approvisionnement alimentaire à volets multiples menées dans les écoles primaires canadiennes avaient une influence positive sur la consommation d’aliments à forte densité nutritionnelle par les enfantsNote de bas de page 9. La mise en œuvre de programmes d’alimentation scolaires donne probablement de meilleurs résultats dans les écoles primaires que dans les écoles secondaires, étant donné qu’on ne vend généralement pas ou peu d’aliments dans les écoles primaires et que les restrictions concernant les repas pris en dehors de celles-ci sont plus importantes.

Bien que les programmes d’alimentation scolaires puissent avoir des effets positifs sur la santé, les études expérimentales qui s’intéressent spécifiquement aux programmes alimentaires dans les écoles primaires au Canada sont peu nombreusesNote de bas de page 9. À notre connaissance, une seule étude qualitative a été menée à l’échelle nationale sur les perceptions et les expériences des enfants associées aux programmes alimentaires dans les écoles primairesNote de bas de page 10. Il est donc grand temps et essentiel de solliciter les points de vue et les opinions des enfants visés par ces initiatives.

Cette étude a pour but d’évaluer la perception qu’ont les enfants du nouveau programme d’alimentation scolaire à approvisionnement centralisé (CPSFP, de l’anglais Centrally Procured School Food Program) du Programme ontarien d’alimentation saine pour les élèves (POASE). Le CPSFP a fait l’objet d’un projet pilote dans 30 écoles primaires du Sud-Ouest de l’Ontario en 2017 et 2018. Il s’agit d’une étude qualitative qui relève d’une évaluation élargie du programme.

Le POASE offre un réseau de financement et de soutien aux écoles primaires de la province pour permettre de fournir des déjeuners, des collations ou des repas nutritifs aux élèves. Le financement du programme est assuré par le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse du gouvernement de l’Ontario, et il est alloué à 15 organismes à l’échelle de la province. Dans la région du Sud-Ouest, ce sont les Infirmières de l’Ordre de Victoria du Canada qui sont responsables du POASE.

Les Infirmières de l’Ordre de Victoria du Canada ont mis en œuvre le CPSFP dans le Sud-Ouest de l’Ontario afin d’améliorer la qualité nutritionnelle des aliments offerts dans le cadre des programmes d’alimentation scolaires déjà en place et d’établir des stratégies d’approvisionnement alimentaire local. Après l’évaluation du projet pilote réalisée en 2017 et 2018, le CPSFP est devenu l’un des plus importants programmes d’alimentation scolaires gratuits au Canada, fournissant principalement des aliments d’origine locale.

Les écoles primaires participantes reçoivent chaque semaine des livraisons de fruits et de légumes frais, de produits laitiers, d’aliments à grains entiers et de substituts de viande pour nourrir quotidiennement des milliers d’élèves. Grâce à un menu approuvé par une diététicienne, le CPSFP offre des collations riches en nutriments et conformes aux lignes directrices nutritionnelles proposées par le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesseNote de bas de page 11. Cette initiative en milieu scolaire intègre également des stratégies d’approvisionnement alimentaire centralisé qui visent à obtenir une grande proportion d’aliments auprès d’agriculteurs locaux (au moins 20 %) dans le cadre du programme.

Cette étude contribue à enrichir la littérature canadienne sur l’alimentation scolaire en évaluant la perception et les suggestions des enfants à l’égard du CPSFP. Elle a comme objectif d’évaluer (1) la perception qu’ont les enfants des influences du CPSFP sur leur alimentation et leurs comportements alimentaires et (2) les facteurs qui contribuent ou nuisent au succès du programme ainsi que fournir des recommandations pour l’élaboration de programmes futurs.

Méthodologie

Cette étude est fondée sur une méthodologie de recherche centrée sur l’enfant et guidée par une position épistémologique selon laquelle la recherche se fait avec les enfants plutôt que sur les enfantsNote de bas de page 12. L’approche adoptée fait donc appel à des méthodes qualitatives selon lesquelles on donne la place aux points de vue et aux expériences des enfants plutôt que de supposer que les adultes chargés de l’administration du programme peuvent parler au nom des enfantsNote de bas de page 13. Les processus de collecte et d’analyse des données ont été favorisés par la formation pédagogique de l’animatrice et son expérience avec les enfants, conduisant à l’établissement d’un dialogue marqué par l’ouverture et le respect. Nous avons tenu des groupes de discussion pour créer un dialogue ouvert et constructif entre les enfants participants et ainsi recueillir leurs perceptions et leurs suggestions à l’égard du programme alimentaire.

L’étude a intégré des groupes de discussion dans les écoles primaires participant au CPSFP sous la forme d’une intervention sur 10 semaines. L’approbation éthique a été accordée par le comité d’éthique de la recherche non médicale de l’Université Western (no NMREB 108549). Les deux conseils scolaires anglophones de la région financés par des fonds publics et les directeurs de 30 écoles primaires ont approuvé l’étude.

Bien que le CPSFP ait été offert à tous les enfants de la maternelle à la 8e année, cette étude d’évaluation ne vise que les enfants de la 5e à la 8e année. L’examen d’enquêtes et de groupes de discussion a révélé qu’à cet âge, les enfants sont capables d’exprimer efficacement leurs points de vue et leurs recommandations pour améliorer leur situation à l’école et en dehors de celle-ciNote de bas de page 14Note de bas de page 15. L’équipe de recherche a offert des présentations en classe dans chaque école aux enfants de la 5e à la 8e année afin d’expliquer le processus de recherche et de répondre à leurs questions. À la suite de ces présentations, une lettre d’information et des formulaires de consentement du parent ou du tuteur et d’assentiment de l’enfant ont été envoyés à la maison (l’école avait déjà informé les parents et les tuteurs du CPSFP). Le formulaire de consentement devait être signé par le parent ou le tuteur et le formulaire d’assentiment devait être signé par l’enfant pour permettre la participation à l’étude élargie, qui comprenait des enquêtes auprès des parents ou tuteurs, des enquêtes auprès des enfants avant et après la mise en œuvre du programme, des observations directes pendant les heures de collation ainsi que des groupes de discussion avec les enfants, le personnel des écoles, les coordonnateurs du programme et les fournisseurs d’aliments.

Dans cet article, nous examinons les données provenant des groupes de discussion qui ont eu lieu avec les enfants. Le consentement du parent ou du tuteur et l’assentiment de l’enfant ont permis l’enregistrement sonore de toutes les discussions tenues dans les groupes de discussion et leur transcription mot à mot. Les participants ont été informés que des citations directes anonymisées pourraient être utilisées dans le cadre de l’étude.

Nous avons utilisé une stratégie d’échantillonnage aléatoire par grappes pour inviter les 30 écoles participant à l’évaluation sur 10 semaines du CPSFP à participer aux groupes de discussion. Sur les 30 écoles, 21 ont accepté de prendre part aux groupes de discussion de suivi. Tous les enfants de la 5e à la 8e année (âgés de 9 à 14 ans) ont été invités à participer (soit 3 432 élèves) et 647 d’entre eux ont reçu le consentement de leur parent ou tuteur. À partir d’une liste d’élèves ayant le consentement de leur parent ou tuteur, les directeurs d’école ont sélectionné de 4 à 12 enfants par école au moyen d’une approche de sélection par numéro aléatoire, ce qui a permis d’obtenir un échantillon de 208 enfants ayant fourni leur assentiment et qui ont participé aux groupes de discussion. Nous avons formé 38 groupes de discussion, chacun composé de 4 à 6 enfants, et ce, dans 21 écoles, pour les années scolaires 2017 et 2018.

Les caractéristiques sociodémographiques des participants aux groupes de discussion de l’étude qualitative ont été recueillies à partir d’enquêtes menées auprès des jeunes et de leurs parents ou tuteurs dans le cadre de l’évaluation élargie du CPSFP.

Chaque groupe de discussion a été animé par une étudiante au doctorat dûment formée, avec le soutien d’une assistante de recherche pour la prise de notes et l’enregistrement sonore des discussions. Des membres d’une équipe interdisciplinaire composée de chercheurs et d’éducateurs spécialisés dans la santé des enfants ont élaboré un guide d’entretien semi-structuré (disponible sur demande auprès des auteurs).

Les questions posées par l’animatrice dans le cadre des groupes de discussion ont favorisé les échanges entre les enfants sur leur perception du CPSFP, en particulier sur les effets observés sur leur alimentation. Les groupes de discussion ont duré entre 20 et 60 minutes (30 minutes pour la plupart). Ils ont eu lieu dans la salle de ressources, la bibliothèque, une salle de classe ou le gymnase de l’école. Tous les groupes de discussion se sont déroulés en anglais et ils ont été enregistrés puis transcrits mot à mot, avec double vérification de la transcription.

Nous avons effectué une analyse thématique pour relever les tendances dans les données. Nous avons eu recours à une méthode de codage inductive pour analyser les réponses des participants et formuler des conclusions de portée plus générale. Des codeurs ont suivi de manière indépendante le processus systématique d’analyse thématique de Braun et Clarke, qui consistait à se familiariser avec les données, à générer des codes initiaux, à rechercher, schématiser et définir des thèmes et à produire une analyse finaleNote de bas de page 16. Nous avons utilisé la version 12 du logiciel d’analyse des données qualitatives NVivo (QSR International Pty Ltd., Melbourne, Australie) pour organiser et analyser les transcriptions de chaque école.

Plusieurs protocoles ont été intégrés pour s’assurer que l’analyse demeure rigoureuse. L’animatrice des groupes de discussion a créé les codes initiaux pour veiller à ce que le contenu important reflète avec exactitude ce qui avait été observé et entendu au sein des groupes de discussion. Une codeuse secondaire – soit une assistante de recherche externe qui n’avait pas participé à l’élaboration des groupes de discussion et qui n’était pas présente à ceux-ci – a effectué un examen indépendant du code secondaire des données afin d’atténuer tout biais interne.

Les deux chercheuses, qui ont travaillé indépendamment, ont décelé un degré élevé de similarité entre les codes généraux. Dans le cas des codes manquants ou contradictoires, des discussions ont eu lieu avec le chercheur principal jusqu’à l’obtention d’un consensus. La réflexivité critique a été intégrée dans l’analyse, dans la mesure où on a tenu compte de la manière dont les hypothèses, les valeurs et les actions personnelles ont pu influencer l’interprétation des données. L’un des objectifs de l’étude était de respecter les principes centrés sur l’enfant et de réellement présenter l’analyse en fonction des points de vue et des idéologies des enfants.

Résultats

Au total, 208 élèves ont participé aux groupes de discussion, ce qui a permis d’obtenir suffisamment de données pour atteindre la saturation. L’âge moyen (écart-type) des participants était de 11,2 ans (1,2) et 64,4 % se sont déclarés de sexe féminin. La plupart des participants (75 %) résidaient dans de petites villes ou en milieu rural. Le revenu médian des ménages se situait entre 80 000 et 89 999 dollars. Les thèmes qui ont émergé au cours du processus d’analyse des données ont été organisés en deux domaines clés : la perception qu’ont les enfants des influences du CPSFP sur leurs comportements alimentaires et les recommandations visant à améliorer le CPSFP (voir le tableau 1).

Tableau 1. Principaux domaines et thèmes découlant de l’analyse des données des groupes de discussion
Influences perçues du CPSFP sur les comportements alimentaires des enfants Recommandations visant à améliorer le CPSFP
  • Favorise une bonne alimentation
  • Fournit de l’énergie
  • Apaise la faim
  • A des effets positifs sur les habitudes alimentaires à l’école et à la maison
  • Fait augmenter la consommation de fruits et de légumes
  • Réduit la consommation de collations malsaines
  • Fait naître la volonté d’essayer différents aliments
  • Ajouter des ustensiles et des outils
  • Diviser les aliments en portions
  • Améliorer la salubrité et l’hygiène alimentaires
  • Ajouter des initiatives éducatives
  • Demander aux élèves leurs préférences alimentaires
  • Accroître la participation des enfants à la préparation des aliments
  • Diversifier l’offre alimentaire

Abréviation : CPSFP, programme d’alimentation scolaire à approvisionnement centralisé.

Influences perçues du programme d’alimentation scolaire à approvisionnement centralisé sur les comportements alimentaires des enfants

Le CPSFP a été bien accueilli par la plupart des enfants. Dans l’ensemble, leur perception du programme et de son influence sur leur alimentation était positive.

« Je crois que ça permet à beaucoup d’élèves de ne pas avoir faim. » (fille, 7e année)

« Ça nous donne du carburant pour le reste de la journée, le programme de collations, parce qu’il offre tout ce qu’il faut pour nous donner de l’énergie. » (garçon, 6e année)

« [Le programme] […] permet aux enfants de bien manger. » (garçon, 6e année)

De nombreux participants ont décrit la manière dont le programme a permis d’apaiser leur faim, leur a donné de l’énergie et a encouragé l’adoption de bonnes habitudes alimentaires durant le temps passé à l’école.

De nombreux enfants ont affirmé qu’ils avaient faim le matin avant de consommer les aliments offerts par le CPSFP. Cette sensation de faim était souvent attribuable au fait qu’ils n’avaient pas déjeuné avant le début de leur journée d’école.

« Certaines personnes n’ont genre pas le temps de déjeuner le matin, alors c’est bien de pouvoir manger quelque chose à l’école. » (fille, 8e année)

Presque tous les participants souhaitaient que les collations du programme leur soient servies plusieurs fois au cours de la journée afin de combler leur faim.

« J’aimerais qu’il [le programme de collations] soit offert toute la journée pour ne pas avoir faim. » (fille, 7e année)

Des participants ont fait remarquer que les collations étaient consommées rapidement, en grande partie ou en totalité. La quantité de nourriture consommée dépendait souvent de l’aliment, des préférences pour certains aliments et du niveau de faim général.

« Il n’en reste presque plus [de nourriture]. » (garçon, 8e année)

« Parfois, ils mettent genre tous les aliments préférés et ça disparaît très vite. » (garçon, 5e année)

La plupart des participants ont indiqué souhaiter avoir davantage de collations, en particulier de collations d’aliments qu’ils aimaient.

De nombreux enfants étaient d’avis que le programme avait influencé positivement leurs habitudes alimentaires à l’école et à la maison. Ils ont dit manger plus de fruits et de légumes, et avoir réduit leur consommation de collations malsaines depuis leur participation au programme.

« J’ai commencé à préparer mon lunch très différemment. Souvent, je n’ai pas de malbouffe dans mon lunch, et je mange plus de fruits et de légumes. » (garçon, 5e année)

Quelques participants ont toutefois mentionné que le programme n’avait pas modifié leurs habitudes alimentaires, car ils estimaient avoir déjà une alimentation saine.

De nombreux enfants ont mentionné que le programme les a encouragés à essayer des aliments qu’ils n’avaient jamais mangés auparavant.

« Le programme de collations offre beaucoup d’aliments différents que je n’ai jamais mangés auparavant, alors ça m’a encouragée à manger des aliments différents. » (fille, 6e année)

« Si j’essaie quelque chose à l’école et que j’aime vraiment ça, je vais vouloir en manger à la maison; mes parents vont m’en acheter pour que je puisse en manger. » (fille, 8e année)

Les enfants ont constaté que l’accès à des aliments sains et l’expérience de consommer ces aliments pourrait avoir influencé leur volonté de goûter une plus grande variété d’aliments. Ils ont aussi remarqué avoir une influence sur les habitudes d’achat de leurs parents ou tuteurs depuis leur participation au programme.

Recommandations visant à améliorer le programme d’alimentation scolaire à approvisionnement centralisé

Un thème central lié aux mesures de mise en œuvre du programme a émergé. En effet, les enfants ont recommandé d’ajouter des ustensiles pour faciliter la consommation des aliments fournis, des glacières ou des blocs réfrigérants pour garder la nourriture au froid et des contenants pour diviser les aliments en portions. Par exemple :

« Ils devraient […] mettre le même nombre de grammes dans chaque tasse. » (garçon, 5e année)

Il a été suggéré à bon nombre d’occasions de diviser les aliments en portions recommandées.

Certains participants ont exprimé des inquiétudes au sujet des pratiques de salubrité et d’hygiène alimentaires ou de la contamination possible par d’autres enfants ayant touché aux aliments.

« Parfois, des élèves ne mangent pas certains aliments parce que, genre, d’autres élèves y ont touché avec leurs mains sales. » (fille, 6e année)

Quelques participants ont suggéré de fournir du désinfectant pour les mains, des gants ou des pinces de cuisine, ou encore d’encourager les enfants à se laver les mains.

Des participants ont recommandé de mettre en place d’autres initiatives éducatives, telles que la diffusion de messages et d’annonces sur l’alimentation saine, des cours de cuisine, des sorties scolaires, des jardins à l’école et des jeux, afin d’accroître leurs connaissances et leur motivation à maintenir une alimentation saine. Par exemple :

« Si l’école sert à se préparer à la vie, un cours de cuisine devrait être offert. On ne peut pas manger dans des restaurants rapides toute sa vie. » (garçon, 8e année)

« On devrait faire une sortie pour en apprendre plus sur l’agriculture. » (fille, 8e année)

« Je pense qu’on devrait faire […] un défi de 7 jours pour voir quelle classe va manger le plus de légumes. » (garçon, 8e année)

« On devrait avoir quelque chose comme un "mercredi melon d’eau". » (garçon, 8e année)

Si la plupart des participants ont aimé les aliments proposés dans le cadre du CPSFP, certains enfants ont affirmé vouloir participer à la sélection des aliments. Par exemple, des enfants ont recommandé de mener une enquête dans chaque école pour s’informer des préférences alimentaires des enfants.

« J’ai pensé qu’on pourrait peut-être faire un genre d’enquête pour voir quel genre de nourriture les gens aiment. » (fille, 5e année)

Les enfants ont préconisé la collecte de commentaires sur les aliments fournis et la disponibilité subséquente des aliments préférés en plus grandes quantités, notamment pour réduire le gaspillage alimentaire. En outre, certains participants ont proposé d’ajouter de nouveaux aliments (des produits à base de viande, un buffet à salades, des fruits tropicaux ou exotiques et des trempettes pour rehausser la saveur).

Les livraisons hebdomadaires d’aliments ont été préparées le plus souvent par des membres du personnel de l’école, des parents bénévoles et, dans certains cas, par des enfants. Certains participants souhaitaient participer davantage à la préparation et à la livraison des collations.

« Ils devraient prendre cinq ou six élèves pour les aider à préparer, genre, ce qu’il faut avoir pour le lendemain. » (fille, 6e année)

Beaucoup étaient conscients du temps et du travail nécessaires pour maintenir le programme de collations et plusieurs participants ont désiré mettre la main à la pâte.

Analyse

Cette étude a fait appel à des groupes de discussion pour examiner la perception qu’ont les enfants des influences du CPSFP sur leurs comportements alimentaires. Les recherches actuelles sur les programmes alimentaires dans les écoles primaires au Canada sont peu nombreusesNote de bas de page 8Note de bas de page 9. Une seule étude, qualitative, a reconnu l’importance que peut avoir le Programme de distribution de fruits et de légumes dans le Nord de l’Ontario pour favoriser la consommation de fruits et de légumes chez les enfants économiquement défavorisésNote de bas de page 10. L’évaluation du CPSFP a donné des résultats similaires, sauf que les participants de toutes les écoles ont de plus fait état d’effets positifs sur l’alimentation indépendamment du statut socioéconomique du ménage. Le CPSFP a été offert à tous les enfants des écoles participantes dans le but d’améliorer l’alimentation des enfants à l’échelle de la région.

Selon les résultats de notre analyse qualitative, de nombreux enfants estiment que le CPSFP a influencé positivement leurs habitudes alimentaires et soulagé leur faim. Plusieurs participants ont indiqué qu’ils ne déjeunaient pas avant d’aller à l’école. Une étude récente a révélé qu’en moyenne, un enfant canadien sur dix ne déjeune pas tous les joursNote de bas de page 17. Il est crucial de prendre un repas nutritif le matin pour faire le plein de nutriments essentiels nécessaires au maintien des niveaux d’énergie tout au long de la journéeNote de bas de page 17. Les participants étaient d’avis que les collations du matin amélioraient leur alimentation, apaisaient leur faim et augmentaient leur niveau d’énergie. Des recherches antérieures ont montré les avantages des programmes d’alimentation scolaires comme moyen efficace de lutter contre la faimNote de bas de page 18.

Une conclusion importante des groupes de discussion est que les enfants estimaient que le CPSFP avait changé leurs habitudes alimentaires à l’école et à la maison. En effet, le CPSFP a incité les enfants à goûter et à manger plus de fruits et de légumes, de sorte que certains d’entre eux ont jugé avoir réduit leur consommation de collations malsaines. Des études expérimentales antérieures portant sur des programmes d’alimentation scolaires ont également démontré une augmentation de la consommation de fruits et de légumes chez les enfantsNote de bas de page 19Note de bas de page 20. Parfois, l’amélioration des habitudes alimentaires s’est répercutée à la maison, certains enfants persuadant leurs parents d’acheter les aliments sains qu’ils consommaient dans le cadre du programme d’alimentation scolaire. De récentes évaluations expérimentales de programmes d’alimentation scolaires mis en œuvre au Canada ont abouti à des conclusions similairesNote de bas de page 9. Les programmes d’alimentation scolaires ont augmenté la préférence des enfants pour les aliments à haute valeur nutritive, tels que les fruits et les légumesNote de bas de page 21Note de bas de page 22, en plus de leur permettre d’améliorer leurs comportements et d’accroître leur volonté d’essayer divers alimentsNote de bas de page 8Note de bas de page 23Note de bas de page 24.

Notre étude qualitative offre des données très éclairantes sur le plan contextuel, qui permettent d’approfondir notre compréhension des effets alimentaires positifs associés aux programmes d’alimentation scolaires. Compte tenu des avantages nutritionnels mis en évidence par cette évaluation et des connaissances dont nous disposons sur les programmes d’alimentation scolairesNote de bas de page 9Note de bas de page 21, le CPSFP pourrait constituer un modèle de programme universel d’alimentation scolaire au Canada.

Les conclusions découlant des groupes de discussion ont fait ressortir plusieurs facteurs pouvant contribuer ou nuire au succès du programme ainsi que diverses recommandations pour l’élaboration de programmes futurs. Dans bien des cas, les participants ont soulevé les difficultés liées à la mise en œuvre du programme de collations. Certaines de ces difficultés seraient attribuables à un manque de ressources et de systèmes de soutien (par exemple financiers ou humains) pour assurer une mise en œuvre efficace du programme. Des études d’évaluation des processus portant sur des programmes d’alimentation scolaires ont révélé des problèmes similairesNote de bas de page 25Note de bas de page 26Note de bas de page 27 et recommandent d’établir des lignes directrices pour assurer leur mise en œuvre efficaceNote de bas de page 27Note de bas de page 28Note de bas de page 29. Les politiques d’alimentation scolaires pourraient offrir un cadre global aux écoles pour planifier et mettre en œuvre des pratiques alimentaires, en particulier l’intégration de programmes d’alimentation, qui tiennent compte des lignes directrices actuelles en matière d’alimentationNote de bas de page 30.

Les participants à l’étude souhaitaient participer davantage à la sélection des aliments dans le cadre du programme. On sait que l’accroissement de l’autonomie par la sélection et la préparation des aliments améliore les préférences et augmente la volonté d’essayer des alimentsNote de bas de page 30. Des enfants ont suggéré d’intégrer au programme des initiatives éducatives, telles que des thèmes, des jeux et un processus d’apprentissage par l’expérience liés à l’alimentation. On sait que les initiatives à volets multiples associant l’approvisionnement alimentaire à l’éducation améliorent efficacement l’alimentation des enfantsNote de bas de page 9Note de bas de page 31. Il a d’ailleurs été démontré que les programmes d’apprentissage par l’expérience (p. ex. jardins scolaires, activités de cuisine et de préparation d’aliments) constituent la stratégie la plus efficace pour encourager la consommation de fruits et de légumes et améliorer les connaissances sur l’alimentationNote de bas de page 32.

Points forts et limites

Les renseignements échangés entre les participants dans le cadre des groupes de discussion peuvent avoir été influencés par les pairs. Les groupes de discussion ont été menés dans des écoles primaires par des étudiants-chercheurs universitaires, ce qui a naturellement créé un déséquilibre de pouvoir entre les enfants et l’animatrice. Cette dynamique relationnelle a pu avoir une incidence sur l’information que les participants ont choisi de divulguer, mais on a tenté de réduire au minimum tout biais potentiel de désirabilité sociale en évitant les questions suggestives.

Bien que la sélection des élèves pour les groupes de discussion ait été effectuée aléatoirement par les directeurs d’école, il se peut que les enfants nourrissant un intérêt plus marqué pour le CPSFP aient été surreprésentés dans le groupe d’élèves ayant accepté de participer. En outre, les résultats de l’étude pourraient dépendre du contexte géographique et des caractéristiques sociodémographiques des participants. Dans le cadre de recherches futures, il serait utile d’étudier ces facteurs en relation avec les programmes d’alimentation scolaires.

La population cible de l’étude était constituée d’élèves d’écoles primaires. Leur capacité à formuler des recommandations pragmatiques visant à améliorer le programme pourrait être limitée. Néanmoins, les enfants sont les principaux bénéficiaires du programme et offrent une importante source de renseignements sur les effets du programme et les possibilités de l’améliorer.

Les résultats de l’étude fournissent de précieuses données, applicables et utiles à divers programmes d’alimentation au Canada.

Conclusion

Le CPSFP offre une approche prometteuse pour améliorer l’alimentation dans les écoles primaires. Ce programme propose des collations saines, principalement d’origine locale, qui ont été accueillies favorablement par la plupart des participants. Il a permis d’accroître la consommation de fruits et de légumes des participants ainsi que leur volonté d’essayer de nouveaux aliments, ainsi que d’améliorer leurs habitudes alimentaires et de faire en sorte qu’ils se sentent généralement plus en santé et mieux dans leur peau. Les enfants ayant participé au programme ont formulé des recommandations utiles visant à améliorer ce dernier, comme intégrer des initiatives éducatives, accroître la fréquence à laquelle les collations sont offertes et diversifier les aliments proposés.

Notre étude d’évaluation qualitative offre des résultats féconds et fondés sur des données probantes, au service de l’élaboration et du maintien de programmes d’alimentation au niveau régional ou plus largement. Des études supplémentaires sur les pratiques d’approvisionnement alimentaire centralisé utilisées dans d’autres contextes et régions du Canada permettront de déterminer dans quelle mesure ces pratiques sont aptes à soulager la faim des enfants, à accroître leur niveau d’énergie et à améliorer leur alimentation. Notre étude contribue également à l’élaboration de politiques alimentaires globales permettant d’élargir l’accessibilité à des pratiques d’approvisionnement alimentaire centralisé dans les écoles primaires du Canada.

Remerciements

Les auteurs remercient les élèves et les familles qui ont participé à l’étude, ainsi que les enseignants et les directeurs qui en ont facilité la mise en œuvre dans leurs écoles. Les auteurs remercient également leurs collaborateurs du Collège universitaire Brescia, Danielle Battram, Paula Dworatzek et Colleen O’Connor, pour leur contribution à la mise sur pied du projet, ainsi que les nombreux assistants de recherche et bénévoles du laboratoire d’analyse des environnements humains de l’Université Western qui ont contribué à la collecte et à la saisie des données. Ils sont particulièrement reconnaissants de l’apport de leurs partenaires communautaires du Programme ontarien d’alimentation saine pour les élèves (POASE) dans la région du Sud-Ouest, en particulier Stephanie Segave, qui leur ont permis d’évaluer le programme d’alimentation scolaire à approvisionnement centralisé.

L’étude a été financée par le programme de subventions pour les projets d’innovations alimentaires 2016 de George Weston Limitée et Les Compagnies Loblaw Limitée. De plus, le Children’s Health Research Institute (en 2016-2017), le gouvernement de l’Ontario (en 2018‑2019) et l’Université Western (de 2016 à 2020) ont accordé des fonds aux étudiants diplômés. Les bailleurs de fonds n’ont toutefois contribué d’aucune manière à la conception de l’étude, à la collecte et à l’analyse des données et à la rédaction ou à la publication.

Conflits d’intérêts

Aucun.

Contribution des auteurs et avis

PC a contribué à la méthodologie et était responsable de l’enquête (groupes de discussion), de la conservation des données, de l’analyse formelle et de la rédaction (rédaction de l’ébauche, relecture et révision). JAS a contribué à la méthodologie, à l’acquisition de financement pour la recherche, à la supervision et à la rédaction (relecture et révision). SW a contribué à la méthodologie, à l’acquisition de financement pour la recherche et à la rédaction (relecture et révision). LM a contribué à la rédaction (relecture et révision). JG était responsable de la conceptualisation de l’étude, de la méthodologie, de l’acquisition de financement pour la recherche, de la supervision, de l’administration du projet et de la rédaction (relecture et révision).

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