Recherche quantitative originale – Améliorer l’aide à l’arrêt du tabagisme offerte aux fumeurs québécois : évaluation de la ligne téléphonique d’aide du Québec

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Christine Stich, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1, Benoit Lasnier, M. Sc.2, Ernest Lo, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2

https://doi.org/10.24095/hpcdp.41.7/8.03f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs
Correspondance

Christine Stich, Université McGill, 1020, avenue des Pins Ouest, Montréal (Québec) H3A 1A2; tél. : 514-398-7363; courriel : christine.stich@mcgill.ca

Citation proposée

Stich C, Lasnier B, Lo E. Améliorer l’aide à l’arrêt du tabagisme offerte aux fumeurs québécois : évaluation de la ligne téléphonique d’aide du Québec. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2021;41(7/8):246-254. https://doi.org/10.24095/hpcdp.41.7/8.03f

Résumé

Introduction. Les lignes téléphoniques d’aide à l’arrêt du tabagisme constituent une intervention importante et largement répandue en matière de soutien aux fumeurs dans leur démarche d’arrêt du tabagisme et d’encouragement à obtenir des services de traitement. Au Québec, la ligne téléphonique d’aide à l’arrêt du tabagisme, la ligne J’ARRÊTE, est en service depuis 2002. Cette étude vise à évaluer la portée du traitement, à décrire les caractéristiques des appelants et à présenter les données issues des mesures des résultats.

Méthodologie. Nous avons recueilli des données à l’évaluation initiale en vue d’estimer le volume de nouveaux appelants, les caractéristiques des appelants et la portée du traitement. Nous avons appliqué un modèle quasi expérimental à groupe unique pour estimer, lors du suivi à 6 mois, les taux d’arrêt du tabagisme à 30 jours et à 6 mois. Les données initiales ont été recueillies après de 1 292 nouveaux appelants de la ligne d’aide de 18 ans et plus, sur une période d’un an.

Résultats. Les résultats indiquent que le service a permis de rejoindre 9 fumeurs québécois sur 10 000. Par rapport à la population totale de fumeurs au Québec, l’utilisation de la ligne d’aide était proportionnellement plus élevée chez les femmes, chez les personnes de 55 ans et plus et chez les personnes ayant une scolarité égale ou inférieure au diplôme d’études secondaires. Lors du suivi, le taux d’abstinence ponctuelle à 30 jours était de 26,7 %, tandis que le taux d’abstinence continue à 6 mois était de 18,8 %.

Conclusion. D’après ces résultats, la ligne d’aide a permis d’aider les appelants à cesser de fumer. Ces résultats sont conformes aux résultats d’études portant sur d’autres lignes d’aide au Canada et aux États-Unis. Cependant, par comparaison, la portée de la ligne d’aide pour fumeurs est limitée, ce qui donne à penser que des investissements supplémentaires dans les efforts de promotion et dans la recherche de façons de joindre les populations ayant pas ou peu accès au service permettraient d’accroître les bénéfices pour la santé publique.

Mots-clés : arrêt du tabagisme, ligne téléphonique d’aide à l’arrêt du tabagisme, intervention en santé des populations, promotion de la santé, évaluation de programme

Points saillants

  • Cette étude révèle un taux d’arrêt du tabagisme de 26,7 % au moment du suivi à six mois chez les fumeurs ayant utilisé les services téléphoniques d’aide d’arrêt du tabagisme du Québec.
  • La ligne téléphonique d’aide à l’arrêt du tabagisme du Québec permet de rejoindre 9 fumeurs québécois sur 10 000 (0,09 %), ce qui la place dans la fourchette inférieure des lignes d’aide à l’arrêt du tabagisme canadiennes, dont la portée varie entre 0,07 % et 1,45 %.
  • Si la ligne d’aide pour fumeurs atteint un nombre proportionnellement plus élevé d’appelants ayant une scolarité égale ou inférieure au diplôme d’études secondaires, il demeure que les hommes, les jeunes adultes et les personnes ayant un niveau de scolarité supérieur sont des sous-groupes de fumeurs pour lesquels une meilleure promotion des services téléphoniques d’aide à l’arrêt du tabagisme semble nécessaire.

Introduction

Le tabagisme demeure l’une des principales causes de maladies et de décès évitables au Canada et ailleurs dans le mondeNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3. Les lignes d’aide constituent une intervention importante et répandue, fondée sur des données probantes, qui permet de soutenir les fumeurs dans leur démarche d’arrêt du tabagisme et de les amener à obtenir des services de traitementNote de bas de page 4Note de bas de page 5. Les fumeurs peuvent utiliser les lignes d’aide en appelant directement la ligne (méthode réactive) ou en s’inscrivant pour recevoir un appel (méthode proactive) d’un conseiller en arrêt du tabagisme. Le service de soutien offre de l’information, des conseils et de l’aide pour les fumeurs désireux d’arrêter de fumer.

Partout dans le monde, les lignes d’aide font désormais partie des infrastructures nationales de lutte contre le tabagisme fournissant aux fumeurs des services à l’échelle de la populationNote de bas de page 6Note de bas de page 7. De nombreuses données probantes montrent que ces lignes d’aide constituent une stratégie d’intervention efficaceNote de bas de page 5

OwenNote de bas de page 8 a constaté que, après un an, 22 % des fumeurs déclaraient avoir arrêté de fumer (intervalle de confiance [IC] à 95 % : 18,4 % à 25,6 %; taux d’arrêt du tabagisme ajusté en fonction des refus et des échecs à la validation biomédicale estimés à 20 % : 15,6 %), 41 % des ex-fumeurs affirmaient qu’ils continuaient à ne pas fumer (IC à 95 % : 34,3 % à 47,7 %; taux d’arrêt du tabagisme ajusté : 29 %) et, parmi les personnes ayant recommencé à fumer, 28 % fumaient moins qu’avant. En comparant le service proactif et le service réactif de la ligne téléphonique d’aide à l’arrêt du tabagisme nationale suédoise, Nohlert et ses collègues ont constaté que les deux services étaient d’une efficacité similaire. La prévalence ponctuelle était de 27 % et l’abstinence continue de 21 % lorsque les non-répondants étaient considérés comme fumeurs, et elles étaient respectivement de 47 % et 35 % dans les analyses portant uniquement sur les répondantsNote de bas de page 9.

La revue Cochrane la plus récente sur le sujet, rassemblant 104 essais et portant sur 111 653 participants, a permis de recueillir des données probantes de qualité modérée selon lesquelles les services de counseling proactif par téléphone sont utiles aux fumeurs qui appellent les lignes téléphoniques d’aide pour obtenir du soutienNote de bas de page 5. Selon les cotes de qualité des données probantes du groupe de travail GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation), des données probantes de qualité modérée signifient que des recherches plus poussées auront probablement une incidence importante sur l’estimation de l’effetNote de bas de page 10. La revue a également révélé que les services de counseling proactif par téléphone augmentent les taux d’arrêt du tabagisme chez les fumeurs, indépendamment de leur motivation à arrêter de fumer ou du fait qu’ils aient reçu ou non d’autres types d’aide pour arrêter de fumer. Dans l’ensemble, les personnes ayant reçu des appels téléphoniques étaient de 11 à 14 % plus susceptibles d’arrêter de fumer. Par rapport aux autres services d’aide à l’arrêt du tabagisme, les lignes téléphoniques d’aide se sont avérées plus efficaces que les interventions minimales telles que les brochures d’autoassistance et aussi efficaces que la prestation de brefs conseils sur l’arrêt du tabagismeNote de bas de page 5.

Il a aussi été démontré que les lignes d’aide sont des interventions rentablesNote de bas de page 11. Dans un essai randomisé d’un an visant à évaluer la rentabilité du service téléphonique d’aide à l’arrêt du tabagisme de l’American Cancer Society, McAlister et ses collèguesNote de bas de page 12 ont constaté que les services de counseling doublaient presque les chances qu’avaient les fumeurs d’arrêter de fumer et de ne pas recommencer à fumer sur une période d’un an. Les coûts directs liés à chaque cas d’arrêt définitif du tabac attribuable à la ligne d’aide étaient d’environ 1 300 $ CANote de bas de page 12.

Aux États-Unis, la portée moyenne du traitement a atteint un sommet de 1,19 % en 2009 et un creux de 0,87 % en 2017Note de bas de page 13. Au Canada, les lignes d’aide à l’arrêt du tabagisme ont tendance à avoir une portée inférieure et, de ce fait, à avoir un effet relatif moindre. Les derniers chiffres disponibles indiquent que les 10 lignes d’aide canadiennes ayant répondu à l’enquête sur les 12 lignes sollicitées ont permis de joindre 0,30 % de la population d’adultes fumeurs et de leur offrir un traitement, la portée des diverses lignes d’aide provinciales variant en 2011 entre 0,07 % et 1,45 %Note de bas de page 14.

Cette étude rend compte des résultats de la première évaluation portant sur la ligne d’aide du Québec depuis sa création. Les objectifs étaient (a) d’évaluer la portée du traitement, (b) de décrire les caractéristiques des appelants et (c) de présenter les données issues des mesures des résultats en matière d’arrêt du tabagisme.

Méthodologie

Description de l’intervention

Créée en 2002, la ligne J’ARRÊTE du Québec est un service téléphonique gratuit, bilingue (« I QUIT NOW » en anglais) et confidentiel qui offre des renseignements et un soutien personnalisé en matière d’arrêt du tabagisme. Ce service est fondé sur le modèle transthéorique du changementNote de bas de page 15. D’après ce modèle, les fumeurs passent par une série d’étapes motivationnelles avant de modifier leurs comportements en matière de tabagisme. Ces étapes sont la précontemplation (ne pas penser à arrêter de fumer), la contemplation (penser à arrêter de fumer), la préparation (se préparer à arrêter de fumer dans les 30 prochains jours) et l’action (réussir à arrêter de fumer sur une période allant jusqu’à 6 mois)Note de bas de page 16. Les membres du personnel de la ligne J’ARRÊTE utilisent des techniques d’entretien motivationnelNote de bas de page 17 pour aider les appelants qui souhaitent arrêter de fumer et posent une foule de questions liées à la consommation de cigarettes de l’appelant (p. ex. effets négatifs sur la santé, symptômes de sevrage, pharmacothérapie, exposition à la fumée secondaire). De plus, la ligne d’aide offre des trousses contenant des renseignements sur la consommation de cigarettes, des outils interactifs pour soutenir les efforts d’arrêt du tabagisme et des renseignements sur le défi québécois « J’arrête, j’y gagne », une initiative annuelle qui offre la chance aux fumeurs qui arrêtent de fumer pendant au moins six semaines de gagner trois prix. Enfin, elle dirige les appelants vers d’autres services d’aide à l’arrêt du tabagisme offerts dans le cadre de la stratégie québécoise de lutte contre le tabagisme, comme le soutien en personne proposé par les centres locaux de services communautaires du Québec. Le service téléphonique d’aide à l’arrêt du tabagisme est disponible durant les jours de semaine, à raison de 64 heures par semaine. Il est financé par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec et administré par la Société canadienne du cancer (SCC).

Devis de l’étude

Pour cette étude, nous avons suivi le protocole du North American Quitline Consortium (NAQC) relatif à l’évaluation des lignes d’aideNote de bas de page 18 et nous avons utilisé un modèle quasi expérimental à groupe unique pré-intervention et post-intervention pour évaluer l’efficacité du service téléphonique d’aide à l’arrêt du tabagisme du Québec. Nous avons recueilli des données à deux moments : (1) les membres du personnel de la ligne d’aide ont recueilli des données à l’évaluation initiale, lors du premier contact des fumeurs avec la ligne, puis (2) nous avons mené des entrevues téléphoniques assistées par ordinateur (ETAO) lors du suivi à six mois. Le suivi à six mois permet d’évaluer les taux d’arrêt du tabagisme à six mois, une mesure couramment utilisée dans les essais cliniques sur l’arrêt du tabagismeNote de bas de page 19. Les données des ETAO ont été recueillies sept mois après le premier appel d’une personne à la ligne d’aide, un intervalle qui tient compte d’une période de traitement d’un mois suivie d’une enquête de suivi six mois après la fin approximative du traitementNote de bas de page 20. Pour joindre un nombre suffisant d’appelants lors du suivi, nous avons fait jusqu’à 20 tentatives d’appel pour entrer en contact avec les appelants qui avaient consenti à participer à l’entrevue de suivi. Les données de l’évaluation initiale, qui ont été recueillies entre octobre 2014 et octobre 2015, ont servi à calculer la portée et à décrire le profil des appelants de la ligne d’aide. Les données de suivi à six mois ont été recueillies entre juin 2015 et mai 2016 et elles ont servi à évaluer les résultats du service. Les entrevues ont duré en moyenne 7,5 minutes et ont été menées en français uniquement.

Mesures

Nous avons recueilli des données en utilisant la version 2012 du Minimal Data Set [ensemble minimal de données] conçu par le NAQC pour la collecte de données initiales et de suivi auprès des appelants des lignes d’aideNote de bas de page 21. L’ensemble minimal de données pour l’arrêt du tabagisme offre un instrument et un protocole normalisés qui permettent de comparer et d’interroger les données de l’ensemble des lignes d’aideNote de bas de page 22Note de bas de page 23. Il constitue une « pratique exemplaire » dans le domaine de l’évaluation des lignes d’aideNote de bas de page 22Note de bas de page 23 et il est régulièrement revu et enrichi en fonction des données probantes et de l’expérienceNote de bas de page 22Note de bas de page 24.

Caractéristiques sociodémographiques

Les données relatives à l’âge, au sexe et à la scolarité ont été recueillies à l’évaluation initiale chez les nouveaux appelants.

Tabagisme et mesures de promotion

Les données sur le statut tabagique (fumeur quotidien ou fumeur occasionnel), sur la consommation de cigarettes et sur l’intention d’arrêter de fumer ont été recueillies à l’évaluation initiale chez les nouveaux appelantsNote de bas de page 22Note de bas de page 25. Pour évaluer les méthodes de promotion les plus efficaces, nous avons demandé aux appelants comment ils avaient appris l’existence de la ligne d’aide. Les données sur le statut tabagique et sur la consommation de cigarettes ont été utilisées pour calculer les scores du Heaviness of Smoking Index (HSI)Note de bas de page 26 attribués aux fumeurs.

Au moment de l’évaluation, le personnel de la ligne d’aide a défini comme fumeurs les individus qui fumaient des cigarettes. Les autres produits du tabac et les dispositifs de vapotage tels que les cigarettes électroniques ont été considérés comme « d’autres produits du tabac » et n’ont pas été directement traités dans le cadre de ces interventions. De ce fait, dans cette étude, le tabagisme s’applique à la consommation de cigarettes uniquement, à l’exclusion des autres produits du tabac et des dispositifs de vapotage.

Admissibilité à l’étude

Outre l’âge, le statut tabagique et l’intention d’arrêter de fumer au moment de l’évaluation initiale, les questions suivantes ont été utilisées pour déterminer l’admissibilité à l’étude : « Comment puis-je vous aider? », « Est-ce la première fois que vous appelez la ligne d’aide dans les 12 derniers mois? » et « Appelez-vous pour vous-même, au nom d’une autre personne ou pour aider quelqu’un d’autre? ». Les données administratives de la SCC ont servi à déterminer si les clients avaient effectivement reçu un traitement fondé sur des données probantes de la part de la ligne d’aide, défini comme étant du counseling quelconque.

Mesures de l’abstinence vis-à-vis du tabac

Pour que la ligne d’aide soit considérée comme une aide efficace auprès des fumeurs décidés à arrêter de fumer, ses utilisateurs doivent présenter un taux d’arrêt du tabagisme supérieur à celui de la population de fumeurs québécois (au Québec, en 2015-2016, ce taux d’arrêt était de 8,9 % chez les fumeurs adultesNote de bas de page 27). De plus, les taux d’abstinence ponctuelle à 30 jours doivent être comparables à ceux des autres lignes d’aide. À titre de référence, les taux d’abstinence ponctuelle à 30 jours pour les lignes d’aide aux États-Unis sont de 28,5 %Note de bas de page 14.

Pour évaluer l’abstinence vis-à-vis du tabac lors du suivi et déterminer le taux d’arrêt du tabagisme, qui est notre principale mesure des résultats, nous avons posé trois questions. Nous avons d’abord demandé aux participants si, à l’heure actuelle, ils fumaient « quotidiennement », « occasionnellement » ou « pas du tout ». Ensuite, pour évaluer le taux d’abstinence à 30 jours, nous avons demandé à ceux ayant indiqué être non-fumeurs au moment du suivi s’ils avaient fumé une cigarette, ne serait-ce qu’une bouffée, au cours des 30 derniers jours. Enfin, pour évaluer le taux d’abstinence continue à 6 mois, nous avons demandé aux participants qui avaient indiqué ne pas avoir fumé au cours des 30 derniers jours s’ils avaient fumé une cigarette, ne serait-ce qu’une bouffée, au cours des 6 derniers mois. Les trois mesures ont démontré un certain degré de validité convergente et ont permis d’établir une validité prédictive en ce qui concerne les avantages à long terme pour la santéNote de bas de page 28.

Méthodes et aides à l’arrêt du tabagisme utilisées

Lors du suivi, nous avons demandé aux utilisateurs de la ligne d’aide d’indiquer quelles méthodes et aides, autres que la ligne d’aide, ils avaient utilisés pour arrêter de fumer depuis leur premier appel à la ligne d’aide. Pour les aides non pharmacologiques, les options de réponse étaient le matériel d’autoassistance, les groupes de soutien avec animateur, l’hypnose ou l’acupuncture, le matériel audio, Internet, les groupes d’autoassistance, le traitement au laser, les vidéos et un autre soutien. Pour les aides pharmacologiques, les options de réponse étaient l’inhalateur de nicotine, les gommes de nicotine, les timbres de nicotine, la cigarette électronique et Zyban.

Portée du traitement

Pour déterminer dans quelle mesure les fumeurs québécois ont eu recours à la ligne téléphonique d’aide à l’arrêt du tabagisme afin d’arrêter de fumer, nous avons calculé la portée du traitement, définie comme étant le nombre de nouveaux appelants admissibles au cours de la période de référence de 12 mois qui ont reçu un traitement fondé sur des données probantes, divisé par le nombre total de fumeurs au sein de la population du QuébecNote de bas de page 18. La prévalence du tabagisme au Québec a été calculée à partir des données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC)Note de bas de page 27 portant sur les fumeurs de 18 ans et plus pour le cycle 2015-2016. Alors que les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis estiment que les lignes d’aide devraient être en mesure de traiter 6 % de tous les fumeurs adultesNote de bas de page 29, les dernières données sur les lignes d’aide canadiennes indiquent qu’elles ont joint entre 0,07 % et 1,45 % des fumeurs en 2012Note de bas de page 14. Nous nous attendions à ce que la portée du traitement de la ligne d’aide du Québec se situe dans la fourchette des autres lignes d’aide canadiennes, bien qu’une portée supérieure soit évidemment souhaitable.    

Critères d’inclusion

Conformément aux recommandations du NAQCNote de bas de page 30, nous avons analysé les données recueillies à l’évaluation initiale pour tous les nouveaux appelants de la ligne d’aide pour fumeurs (1) âgés de 18 ans et plus, (2) qui fumaient des cigarettes quotidiennement ou occasionnellement et qui avaient l’intention d’arrêter de fumer dans les 6 mois à venir ou qui n’avaient pas arrêté de fumer depuis plus de 30 jours à l’évaluation initiale, (3) qui cherchaient de l’aide pour arrêter de fumer et (4) qui ont reçu un traitement fondé sur des données probantes de la part de la ligne d’aide pour fumeurs. De plus, seuls les appelants ayant consenti à participer ont été inclus dans les enquêtes de suivi.

Analyses statistiques

Conformément aux recommandations du NAQCNote de bas de page 30, nous avons calculé à titre de mesure primaire le taux d’abstinence à 30 jours, en divisant le nombre de répondants ayant déclaré ne pas avoir fumé de cigarette, pas même une bouffée, au cours des 30 derniers jours lors du suivi à 6 mois par le nombre de participants joints lors du suivi. Nous avons calculé le taux d’abstinence ponctuel en divisant le nombre de répondants ayant mentionné être non-fumeurs lors du suivi par le nombre de participants joints lors du suivi. Enfin, nous avons calculé le taux d’abstinence continue à 6 mois en divisant le nombre de répondants ayant indiqué ne pas avoir fumé de cigarette, pas même une bouffée, dans les 6 mois ayant précédé le suivi par le nombre de participants joints lors du suivi. Ces deux dernières mesures constituent des mesures secondaires des résultats.

Pour tenir compte de l’impact des participants ayant abandonné l’étude en cours de route sur les estimations des taux dans cette étude, nous avons calculé des taux selon l’intention de traiter (IDT), qui supposent pour toutes les mesures d’abstinence que tous les non-répondants n’ont pas cessé de fumerNote de bas de page 30. Ces taux selon l’IDT constituent les limites inférieures conservatrices des taux d’arrêt du tabagismeNote de bas de page 31. En outre, nous avons calculé des taux imputés en fonction d’une série de variables liées au service, à la santé et aux caractéristiques sociodémographiques mesurées au départ. Ces taux tiennent compte de l’effet des différences entre les caractéristiques des répondants et celles des participants qui ont abandonné l’étude, et ont été calculés à l’aide du progiciel mice (Multiple Imputation by Chained Equations) dans RNote de bas de page 32. Les taux selon l’IDT et les taux imputés constituent des limites possibles des valeurs des taux d’abandon et donnent un aperçu de l’ampleur potentielle des effets de biais de sélectionNote de bas de page 31Note de bas de page 33.

Nous avons utilisé les critères suivants pour sélectionner les covariables ou les caractéristiques des appelants aux fins du modèle d’imputation : (1) une association statistiquement significative (test du chi carré) avec l’abandon de l’étude (c.-à-d. données manquantes ou absence de réponse lors du suivi), (2) une corrélation statistiquement significative (coefficient de Pearson rNote de bas de page 2) avec la probabilité d’abstinence et (3) une association perçue avec l’abstinence fondée sur les connaissances a priori et la littérature scientifique (ce critère s’est traduit par l’ajout de trois covariables).

Nous avons retenu les variables suivantes pour le modèle d’imputation : le sexe, l’âge, la scolarité, le fait que l’appelant ait été dirigé ou non vers le service, l’utilisation antérieure de méthodes ou d’aides pharmacologiques d’arrêt du tabagisme, l’utilisation actuelle de méthodes de cessation tabagique ou d’aides pharmacologiques, le nombre de symptômes de sevrage, le fait d’avoir au moins une personne de soutien dans son réseau personnel, le nombre de problèmes médicaux, le nombre de problèmes de santé mentale, l’expérience de situations qui incitent à recommencer à fumer, la réception de matériel promotionnel d’arrêt du tabagisme, le nombre d’éléments d’aide à l’arrêt du tabagisme reçus, le fait que la ligne téléphonique d’aide ait répondu ou non aux attentes et le statut tabagique à l’évaluation initiale.

La fonction mice dans R a été utilisée de façon à calculer 20 imputations multiples pour les variables de résultats (abstinence); le nombre d’itérations a été fixé à 25, et la convergence a été vérifiée à l’aide de la fonction stripplot dans RNote de bas de page 32.

Résultats

Au cours de la période d’évaluation d’un an, le personnel de la ligne d’aide a recueilli des données initiales auprès de 1 292 nouveaux appelants. De ce nombre, 1 030 ont accepté de participer à l’enquête de suivi à 6 mois, et 494 y ont effectivement participé, soit un taux de réponse de 48 %.

La portée du traitement de la ligne J’ARRÊTE pour l’année d’évaluation de référence était de 0,09 %, ce qui signifie que le service a fourni un traitement d’arrêt tabagique fondé sur des données probantes à 9 fumeurs québécois sur 10 000. Selon une analyse des moyens par lesquels les appelants ont accédé au service, 29,3 % d’entre eux avaient été dirigés vers la ligne d’aide par des professionnels de la santé dans le cadre d’accords de service avec des hôpitaux, des cliniques ou des centres de santé, par l’intermédiaire d’ordonnances collectives ou par voie électronique dans le cadre du programme québécois Service de Messagerie Texte pour Arrêter le Tabac (SMAT). Dans la majorité des cas (57,8 %), les appelants dirigés vers le service d’aide téléphonique provenaient de la région de Montréal. Les autres régions contribuaient dans une fourchette variant entre 0,8 % et 5,8 %.

Les appelants qui n’avaient pas été dirigés vers le service d’aide téléphonique ont indiqué avoir appris l’existence de ce dernier principalement grâce au numéro de la ligne d’aide affiché sur leur paquet de cigarettes (47,2 %), une mesure que le gouvernement fédéral a introduite dans l’ensemble du Canada en 2012. Les autres moyens mentionnés étaient le site Internet J’ARRÊTE (10,3 %), le cabinet de leur médecin (4,8 %), la famille et les amis (4,1 %), le défi québécois « J’arrête, j’y gagne » (2,8 %), les centres d’arrêt du tabagisme (2,8 %), les pharmacies (2,6 %) et le site Internet du défi « J’arrête, j’y gagne » (2,4 %).

Caractéristiques des appelants

Le tableau 1 présente les caractéristiques des appelants au départ par rapport à celles des adultes québécois fumeurs et ex-fumeurs récents (ceux ayant cessé de fumer au cours des 12 mois précédant l’enquête). Comme l’illustre le tableau, par rapport aux fumeurs actuels de 18 ans et plus au Québec, les appelants de la ligne d’aide étaient plus souvent des femmes (56,7 % contre 46,2 % dans la population). Les appelants des groupes d’âge de 18 à 24 ans et de 25 à 34 ans étaient sous-représentés, tandis que les appelants des groupes d’âge de 55 à 64 ans et de 65 ans et plus étaient surreprésentés. Les appelants ayant une scolarité égale ou inférieure au diplôme d’études secondaires étaient aussi surreprésentés parmi les appelants de la ligne d’aide pour fumeurs (53,4 % contre 41,8 %). Les appelants ont également montré un niveau de dépendance à la nicotine plus élevé que la population québécoise de fumeurs quotidiensNote de bas de page 27 (score HSI élevé : 52,3 % contre 28,8 % dans la population). Des 1 292 appelants, 1 272 ont indiqué qu’ils parlaient français. Une comparaison entre les caractéristiques des appelants lors de l’évaluation initiale et les caractéristiques des appelants lors du suivi à 6 mois n’a révélé aucune différence statistiquement significative pour les variables sociodémographiques.

Tableau 1. Caractéristiques des nouveaux appelants de la ligne d’aide à l’arrêt du tabagisme, d’octobre 2014 à octobre 2015, au départ (évaluation initiale), par rapport aux adultes québécois (18 ans et plus) fumeurs et ex-fumeurs récents, ESCC 2015-2016
Caractéristiques des appelants Appelants de la ligne d’aide au départ
(N = 1 292)
% (n)
Adultes québécois fumeurs et ex-fumeurs récents
(ESCC 2015-2016)
(IC à 95 %)
Sexe
Hommes 43,1 (557) 53,8 (51,9 à 55,8)
Femmes 56,7 (733) 46,2 (44,2 à 48,1)
Âge (ans)
18 à 24  5,6 (72) 11,4 (9,9 à 12,8)
25 à 34  13,1 (169) 21,9 (20,2 à 23,7)
35 à 54  35,2 (455) 36,6 (34,7 à 38,6)
55 à 64  28,2 (364) 18,7 (17,1 à 20,2)
65  et plus 18,0 (232) 11,4 (10,4 à 12,5)
Niveau de scolarité
Études secondaires non terminées 27,2 (351) 20,2 (18,5 à 21,8)
Diplôme d’études secondaires 26,2 (339) 21,6 (19,9 à 23,4)
Études postsecondaires 43,4 (561) 58,2 (56,1 à 60,3)
Tabagisme
Fumeurs quotidiens 65,8 (850) 65,8 (63,6 à 68,0)
Fumeurs occasionnels 0,5 (7) 25,3 (23,3 à 27,2)
Ex-fumeurs récents 33,7 (435) 8,9 (7,6 à 10,3)
Score HSI (fumeurs quotidiens)
0 ou 1 (faible) 11,2 (92) 32,8 (30,3 à 35,3)
2 ou 3 36,4 (298) 38,3 (35,9 à 40,8)
4 à 6 (élevé) 52,3 (428) 28,8 (26,4 à 31,3)
Nombre de cigarettes fumées (fumeurs quotidiens) 20,6 (ET = 14,2) 15,1 (ET = 8,5)

Abréviations : ESCC, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes; ET, écart-type; HSI, Heaviness of Smoking Index; IC, intervalle de confiance.
Remarque : Il est possible que les pourcentages ne totalisent pas 100 en raison de données manquantes (absence de réponse).

Arrêt du tabagisme

Taux d’arrêt du tabagisme

Lors du suivi à 6 mois, le taux d’abstinence à 30 jours était de 26,7 %. Le taux d’abstinence ponctuelle (c.-à-d. les appelants ayant déclaré être non-fumeurs) était de 29,8 %. Le taux d’abstinence continue à 6 mois (c.-à-d. les appelants ayant déclaré ne pas avoir fumé de cigarette, pas même une bouffée, au cours des 6 derniers mois) était de 18,8 %. Ces taux directs ainsi que les valeurs selon l’IDT et les valeurs imputées connexes sont présentés dans le tableau 2.

Tableau 2. Taux d’arrêt du tabagisme directs, taux selon l’IDT et taux imputés pour le taux d’abstinence ponctuelle, le taux d’abstinence ponctuelle à 30 jours et le taux d’abstinence continue à 6 mois lors du suivi à 6 mois pour 1 292 appelants de la ligne téléphonique d’aide à l’arrêt du tabagisme du Québec, octobre 2014 à octobre 2015
Taux Taux direct
(%)
Taux selon l’IDT
(%)
Taux imputé
(%)
Taux d’abstinence ponctuelle 29,8 11,4 28,4
Taux d’abstinence ponctuelle à 30 jours 26,7 10,2 26,0
Taux d’abstinence continue à 6 mois 18,8 7,2 19,7

Abréviation : IDT, intention de traiter.

Autres méthodes et aides à l’arrêt du tabagisme utilisées

Un peu plus de trois appelants sur quatre (76,9 %) ont dit avoir utilisé au moins une aide pharmacologique pour arrêter de fumer ou pour ne pas recommencer à fumer. Les aides pharmacologiques à l’arrêt du tabagisme le plus souvent utilisées étaient les timbres de nicotine (47,4 %), suivis des cigarettes électroniques avec nicotine (30,2 %) et des gommes de nicotine (28,3 %). Les autres outils d’aide à l’arrêt du tabagisme mentionnés étaient les pastilles de nicotine (16,4 %), la varénicline (7,3 %), les inhalateurs de nicotine (4,3 %), les vaporisateurs de nicotine (3,6 %) et le bupropion (3,2 %). Près de quatre appelants sur cinq (79,4 %) ont mentionné avoir utilisé au moins une autre méthode de soutien pour les aider à arrêter de fumer, soit du matériel d’information (55,5 %), les services d’un professionnel de la santé (48,2 %) ou d’autres services d’arrêt du tabagisme fournis en vertu de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme du Québec (52,8 %).

Analyse

Cet article fait état des résultats de la première évaluation de la ligne téléphonique d’arrêt du tabagisme du Québec depuis sa création. Les résultats de l’évaluation montrent que la ligne d’aide pour fumeurs du Québec a permis de rejoindre, sur une période d’un an, 9 fumeurs québécois sur 10 000 en 2014-2015. Comparativement à l’ensemble de la population de fumeurs au Québec, les fumeurs ayant utilisé le service étaient principalement des femmes, des adultes plus âgés (55 ans et plus) et des personnes ayant une scolarité égale ou inférieure au diplôme d’études secondaires. Les résultats en matière d’arrêt du tabagisme, mesurés par le taux d’abstinence continue à six mois, indiquent que 18,8 % (taux direct) des fumeurs québécois ont réussi à arrêter de fumer après avoir eu recours à la ligne d’aide. Ce taux baisse à 7,2 % si on utilise le taux selon l’IDT et il monte à 19,7 % si on utilise le taux imputé.

La portée du traitement est une mesure importante car elle peut donner une idée de l’efficacité avec laquelle une intervention et les campagnes promotionnelles connexes atteignent la population viséeNote de bas de page 18. Les dernières données indiquent qu’en 2012 les lignes téléphoniques d’aide canadiennes ont joint entre 0,07 % et 1,45 % des fumeursNote de bas de page 14. Ainsi, à 0,09 %, la portée de la ligne d’aide pour fumeurs du Québec pendant l’année d’évaluation se situe dans la fourchette des autres lignes d’aide pour fumeurs au Canada. Cependant, l’utilisation des lignes téléphoniques d’aide au Canada n’est pas aussi élevée qu’aux États-Unis, où elle se situait entre 0,16 % et 4,41 % en 2012Note de bas de page 14, et elle est bien inférieure au pourcentage de l’ensemble des adultes fumeurs que les lignes téléphoniques d’aide devraient être en mesure de traiter, soit 6 % selon les estimations des CDCNote de bas de page 29. Divers facteurs pourraient expliquer la portée accrue de ces lignes d’aide aux États-Unis, en particulier l’offre d’aides pharmacologiques gratuites et les dépenses supérieures destinées aux efforts de promotion et de sensibilisation (aux États‑Unis, les dépenses par fumeur sont plus de 10 fois supérieures à celles du Canada). Enfin, dans de nombreux États américains, les lignes d’aide constituent un élément clé des programmes d’arrêt du tabagisme financés par le gouvernement, de telle sorte qu’elles occupent une place centrale dans les stratégies globales de lutte contre le tabagismeNote de bas de page 34.

Au fil des ans, les chercheurs ont envisagé différentes façons d’augmenter la portée des lignes d’aide. Au Canada, l’impression du numéro sans frais d’une ligne d’aide pour fumeurs sur les paquets de cigarettes en 2012 a permis d’augmenter la portée de la ligne dans l’année initiale, mais cette augmentation a ensuite quelque peu diminué au cours de chacune des années qui ont suiviNote de bas de page 34. Parmi les autres stratégies susceptibles d’accroître la portée des lignes d’aide figurent les campagnes médiatiques, l’offre d’une thérapie de remplacement de la nicotine sans exiger la participation à des séances de counseling téléphonique, l’ajout de programmes par messagerie texte, la prestation de programmes d’arrêt du tabagisme en ligne et l’ajout de programmes de soutien par courrielNote de bas de page 35.

En fait, en raison de l’essor des technologies Internet et mobiles et de leur diffusion, un nombre croissant de nouvelles méthodes novatrices destinées à promouvoir l’arrêt du tabagisme ont récemment été mises au point, que ce soit les services de messagerie texte sur téléphone cellulaire, dont il a été question précédemment, ou les services de soutien comportemental sur Internet. La vaste portée et l’accessibilité de ces méthodes en font des interventions prometteusesNote de bas de page 11. Certains de ces services ont d’ailleurs été élaborés et intégrés par des lignes d’aide à l’arrêt du tabagisme partout dans le mondeNote de bas de page 11, y compris au Québec, où le programme SMAT a été ajouté aux services d’arrêt du tabagisme déjà en place.

Une comparaison entre les caractéristiques des appelants de notre étude et les données les plus récentes fournies par le NAQC en ce qui concerne les lignes d’aide à l’arrêt du tabagisme aux États-Unis et au CanadaNote de bas de page 14 montre que les femmes sont surreprésentées chez les utilisateurs non seulement au Québec (56,7 %) mais dans l’ensemble de l’Amérique du Nord (58 % aux États-Unis et 55 % au Canada). L’âge moyen des utilisateurs de la ligne d’aide du Québec était de 50,6 ans, ce qui est plus élevé que l’âge moyen des appelants des lignes d’aide des États-Unis (44,2 ans; pour 52 lignes) et semblable à l’âge moyen des appelants des autres lignes d’aide du Canada (51,1 ans; pour 10 lignes)Note de bas de page 14.

Le fait que la ligne d’aide du Québec rejoint moins de fumeurs ayant fait des études postsecondaires que la population générale de fumeurs adultes du Québec (43,4 % contre 58,2 %) semble également caractéristique des lignes d’aide en Amérique du Nord. Les appelants à ces lignes d’aide qui ont fait des études postsecondaires représentent environ 45 % des appelants aux États-Unis et 39,7 % pour les autres lignes du CanadaNote de bas de page 14. Ces résultats indiquent que ces lignes d’aide atteignent relativement bien au moins un des groupes qui subissent de façon disproportionnée le fardeau du tabagisme sur leur santé, à savoir les personnes ayant une scolarité égale ou inférieure au diplôme d’études secondaires (53,4 % contre 41,8 % dans la population de fumeurs québécois). Dans l’ensemble, cependant, ces résultats soulignent que des efforts doivent être faits pour atteindre certains segments de la population où les taux de tabagisme sont alarmants, notamment les jeunes hommes adultes.

En ce qui concerne les résultats en matière d’arrêt du tabagisme, les appelants de la ligne d’aide du Québec ont obtenu de meilleurs résultats que l’ensemble des fumeurs de la province : ils présentent un taux d’abstinence continue à six mois de 18,8 %, contre 8,9 % chez les fumeurs adultes du QuébecNote de bas de page 27. De plus, une comparaison des taux d’abstinence à 30 jours montre que le taux de 26,7 % pour ces appelants est comparable au taux de 28,5 % mesuré pour les appelants des lignes d’aide aux États-UnisNote de bas de page 14. Ainsi, bien que l’ampleur des taux d’abstinence associés à la ligne d’aide pour fumeurs du Québec soit modérée, ces taux sont comparables à ceux des lignes d’aide en Amérique du Nord.

La combinaison d’une faible portée et de taux d’arrêt modérés indique que le nombre de fumeurs québécois qui bénéficient de la ligne d’aide est, dans l’ensemble, faible. Les services d’aide à l’arrêt du tabagisme sont donc sous-utilisés au Québec (comme dans les autres provinces et partout en Amérique du Nord), ce qui montre que des améliorations importantes doivent être apportées pour atteindre davantage de fumeurs. En outre, les caractéristiques individuelles des appelants révèlent un niveau d’utilisation variable parmi les populations prioritaires.

Les données probantes indiquent qu’il est primordial de fournir des services de sensibilisation et de traitement de qualité aux fumeurs des populations prioritairesNote de bas de page 36. Les stratégies visant à atteindre certaines populations spécifiques portent sur la prestation de services d’aide à l’arrêt du tabagisme dans différentes langues, le lancement de communications de masse en matière de santé comprenant le numéro d’une ligne téléphonique d’aide, l’offre d’aides pharmacologiques gratuites et la création de systèmes de référence destinés aux systèmes et fournisseurs de soins de santé. Parmi les exemples de campagnes promotionnelles adaptées ciblant des populations spécifiques dans leurs efforts de sensibilisation, citons le recours à des messagers de confiance tels que les organisations confessionnelles, les organisations de services communautaires et sociaux, les chefs ou aînés des collectivités, les fournisseurs de soins de santé, les cliniques et les agents de santé communautaire au sein des populations prioritaires. Les partenariats visant à mobiliser de nouveaux alliés peuvent également accroître la portée des lignes d’aideNote de bas de page 36.

Enfin, pour améliorer leurs services, les lignes d’aide pourraient offrir à leur personnel une formation destinée spécifiquement à certaines populations (comme les personnes qui présentent des problèmes de santé mentale ou des maladies chroniques, les personnes handicapées, les personnes en situation de pauvreté ou d’itinérance, les personnes ayant un faible niveau de scolarité ou appartenant à des groupes ethniques ou à des groupes d’identité sexuelle particuliers) et une formation sur les techniques de counseling adaptées à la cultureNote de bas de page 36. Les recherches en cours sur l’efficacité d’approches novatrices en matière d’arrêt du tabagisme, comme les services de messagerie texte sur téléphone cellulaire et les services de soutien comportemental sur Internet, permettront d’établir si ces méthodes peuvent atteindre les populations mal desservies et à risque élevé.

Forces et limites

La force la plus notable de nos travaux est le fait qu’il s’agit de la première étude d’évaluation de la ligne d’aide du Québec depuis sa création. En suivant les lignes directrices du NAQC sur la portée et l’efficacité des lignes d’aide pour fumeurs, nous avons fait preuve de rigueur méthodologique pour atteindre nos objectifs tout en assurant la comparabilité de notre étude avec d’autres études sur les lignes d’aide menées autre part. Une autre force de notre étude est que nous avons utilisé une procédure d’imputation multiple pour estimer les limites des taux d’arrêt plausibles.

Toutefois, un certain nombre de limites doivent être prises en compte. D’abord, pour déterminer la part du taux d’arrêt attribuable à l’utilisation de la ligne d’aide, il faudrait effectuer une étude randomisée contrôlée ou inclure un groupe de comparaison. Cependant, il est difficile de procéder à une évaluation rigoureuse des services des lignes téléphoniques d’aide, car les fournisseurs de services sont réticents à mener des essais randomisés contrôlés qui exigent de refuser des appelants qui communiquent avec la ligne d’aide pour obtenir du soutienNote de bas de page 7. Ainsi, les chercheurs ont tendance à utiliser des modèles quasi expérimentaux à groupe unique pour évaluer les lignes d’aide en Amérique du Nord et à suivre les lignes directrices du NAQCNote de bas de page 18. L’absence de groupe de comparaison dans le modèle quasi expérimental fragilise la validité interne, en particulier du fait des biais d’autosélection, d’antécédents et de maturation.

Deuxièmement, la proportion de participants perdus au suivi était de 52 %. Même si ce pourcentage est élevé, il est caractéristique des études sur les lignes d’aideNote de bas de page 37Note de bas de page 38 et proche du seuil de 50 % recommandé par le NAQCNote de bas de page 30.

Troisièmement, bien que la ligne d’aide du Québec offre des services en anglais et en français, les enquêtes de suivi ont été menées uniquement en français. Ainsi, la généralisation des résultats pourrait être limitée, quoique l’effet soit sans doute faible étant donné que seuls 20 des 1 292 fumeurs pour lesquels des données initiales avaient été recueillies ne parlaient pas français.

Conclusion

Au cours des quatre dernières décennies, de plus en plus de données probantes ont étayé l’efficacité de diverses interventions de santé publique visant à lutter contre le tabagisme, comme la taxation, les lois antitabac, la restriction de la commercialisation des produits du tabac, les campagnes médiatiques de masse et l’aide à l’arrêt du tabagismeNote de bas de page 11. Ces données probantes montrent également l’efficacité des lignes téléphoniques d’aide à l’arrêt du tabagismeNote de bas de page 5, qui font désormais partie intégrante des stratégies provinciales et nationales de lutte contre le tabagisme en Amérique du Nord et ailleurs dans le mondeNote de bas de page 6Note de bas de page 7. Le fait que relativement peu de fumeurs utilisent les ressources disponibles en matière d’arrêt du tabagisme, telles que les lignes téléphoniques dédiées, signifie que la promotion de ces services doit être améliorée, en particulier auprès des segments de la population présentant une prévalence du tabagisme plus élevée. Les lignes d’aide doivent également être adaptées aux besoins spécifiques de ces populations et inclure dans leurs services certaines approches novatrices d’arrêt du tabagisme qui font appel aux technologies Internet et mobiles (p. ex. services de counseling sur Internet, programmes par messagerie texte). Enfin, le succès des mesures d’aide à l’arrêt du tabagisme est intimement lié aux dépenses effectuées, ce qui renforce la nécessité d’augmenter le financement accordé aux lignes d’aide à des niveaux correspondant aux objectifs provinciaux en matière d’arrêt du tabagismeNote de bas de page 39 et de les intégrer à une stratégie globale de lutte contre le tabagisme.

Remerciements

L’évaluation du programme qui fait l’objet de cet article a été réalisée dans le cadre d’une étude d’assurance de la qualité et d’amélioration de la qualité financée par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec; il n’a pas été nécessaire de la soumettre à un examen déontologique. 

Conflits d’intérêts

Les auteurs étaient tous employés par l’Institut national de santé publique du Québec au moment de la collecte des données. Ils déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

CS a contribué à la conception de l’étude, à l’administration du projet, à l’acquisition, à l’analyse et à l’interprétation des données ainsi qu’à la rédaction de la version initiale de l’article. BL a contribué à l’analyse et à l’interprétation des données ainsi qu’à la rédaction de la version initiale. EL a contribué à l’analyse et à l’interprétation des données ainsi qu’à la révision et à la correction de la version initiale.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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