Recherche quantitative originale – Répercussions de la pandémie et idées suicidaires chez les adultes au Canada : une enquête populationnelle transversale
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Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Date de publication : decembre 2022
ISSN: 2368-7398
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Li Liu, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Nathaniel J. Pollock, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Gisèle Contreras, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1; Lil Tonmyr, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Wendy Thompson, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1
https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.3.01f
(publié le 14 décembre 2022)
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.
Rattachement des auteurs
Correspondance
Li Liu, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario) K1S 5H4; tél. : 613-314-1514; courriel : li.liu@phac-aspc.gc.ca
Citation proposée
Liu L, Pollock NJ, Contreras G, Tonmyr L, Thompson W. Répercussions de la pandémie et idées suicidaires chez les adultes au Canada : une enquête populationnelle transversale. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2023;43(3):113-127. https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.3.01f
Résumé
Introduction. D’après de récentes données probantes, il y aurait eu une augmentation des idées suicidaires au cours de la pandémie de COVID-19. Notre recherche visait à estimer la probabilité de la présence d’idées suicidaires chez les adultes du Canada ayant subi des répercussions de la pandémie et à caractériser l’évolution de cette probabilité tout au long de la pandémie.
Méthodologie. Nous avons analysé les données regroupées issues des deux cycles de l’Enquête sur la COVID-19 et la santé mentale, à laquelle ont participé 18 936 adultes de 18 ans et plus, qui ont répondu aux questions du 11 septembre au 4 décembre 2020 puis du 1er février au 7 mai 2021. Nous avons estimé la prévalence des idées suicidaires depuis le début de la pandémie puis nous avons évalué, par régression logistique, la probabilité d’idées suicidaires chez les adultes ayant subi des répercussions de la pandémie, en fonction de facteurs de risque sociaux, de l’état mental général, d’indicateurs de bonne santé mentale et des stratégies d’adaptation.
Résultats. Les adultes ayant eu des expériences négatives liées à la pandémie présentaient un risque significativement plus élevé d’avoir des idées suicidaires, avec une relation dose-réponse manifeste. Les personnes ayant augmenté leur consommation d’alcool ou de cannabis, se disant inquiètes de la violence à la maison ou présentant des symptômes modérés à graves de dépression, d’anxiété ou de trouble stress post-traumatique avaient également un risque significativement plus élevé d’idées suicidaires. Le risque était significativement plus faible chez les personnes se percevant comme ayant une bonne santé mentale ou ayant fait état d’un fort sentiment d’appartenance à leur communauté ou d’une grande satisfaction à l’égard de la vie, qui faisaient de l’exercice pour se maintenir en bonne santé mentale ou physique ou qui s’adonnaient régulièrement à un passe-temps.
Conclusion. La pandémie de COVID-19 a une influence sur les idées suicidaires au Canada. Les données probantes de notre étude pourront servir à mettre au point des interventions sanitaires ciblées en vue de la prévention du suicide.
Mots-clés : idées suicidaires, surveillance, pandémie de COVID-19, coronavirus, consommation de substances, violence, santé mentale, adaptation
Points saillants
- Les adultes du Canada ayant eu des expériences négatives liées à la pandémie de COVID-19 présentaient un risque significativement plus élevé de penser au suicide.
- Plus une personne avait eu d’expériences négatives liées à la pandémie, plus elle risquait de penser au suicide (c.-à-d. qu’il y avait une relation dose-réponse).
- Les adultes ayant augmenté leur consommation d’alcool ou de cannabis, se disant inquiets de la violence à la maison ou présentant des symptômes modérés à graves de dépression, d’anxiété ou de trouble stress post-traumatique (TSPT) avaient également un risque significativement plus élevé d’idées suicidaires.
- Le risque de pensées suicidaires était significativement plus faible chez les personnes se percevant comme ayant une bonne santé mentale ou ayant fait état d’un fort sentiment d’appartenance à leur communauté ou d’une grande satisfaction à l’égard de la vie, qui faisaient de l’exercice pour se maintenir en bonne santé physique ou mentale ou qui s’adonnaient régulièrement à un passe-temps.
Introduction
La pandémie de COVID-19 a suscité de vastes préoccupations en matière de santé individuelle comme de santé collective. Les préoccupations à propos de l’infection et à propos des interventions sanitaires face à la pandémie semblent s’être additionnées et avoir eu des conséquences négatives sur la santé mentale des populationsNote de bas de page 1Note de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5 par suite de l’insécurité économique, des mises en quarantaine et des restrictions de déplacement, du sentiment d’isolement social, de la fermeture des établissements d’enseignement et des lieux de travail, ainsi que des responsabilités quant aux soins à donner, des deuils et des pertes.
Au début de la pandémie, il est possible que la cohésion sociale et un sentiment d’entraide aient eu un effet « d’effort concerté »Note de bas de page 6 qui aurait modifié ou retardé les troubles mentaux et les envies suicidairesNote de bas de page 7. Par la suite, les effets négatifs sur la santé mentale sont apparusNote de bas de page 2Note de bas de page 3. Une revue systématique des études menées la première année de la pandémie a permis de constater des taux de détresse élevés et des symptômes de trouble mentalNote de bas de page 2. Au Canada, les pertes d’emploi ou de revenus, les décès de membres de la famille, d’amis ou de collègues, la consommation accrue d’alcool ou de cannabis, les préoccupations liées à la violence domestique et les conséquences de l’isolement social attribués à la pandémie de COVID-19 ont constitué des facteurs de risque indépendants relativement aux symptômes de dépression avec une relation dose-réponseNote de bas de page 3. Ces facteurs ont eu des effets semblables sur la consommation d’alcool et d’autres substancesNote de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10 mais les données n’indiquaient pas toutes la même prévalence des idées suicidairesNote de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13.
La prévalence des idées suicidaires durant les 12 mois qui ont précédé la pandémie était d’environ 2 % à l’échelle mondialeNote de bas de page 14. Une méta-analyse internationale a permis de constater que la prévalence globale des idées suicidaires pendant la pandémie s’élevait à 10,8 %Note de bas de page 13. Au Canada, la prévalence des idées suicidaires au cours de la pandémie était de 2,4 % à l’automne 2020Note de bas de page 11, puis a presque doublé pour s’établir à 4,2 % au printemps 2021Note de bas de page 15, une proportion significativement plus élevée que celle qui prévalait au pays durant les 12 mois antérieurs, en 2019, qui était de 2,7 %Note de bas de page 15.
Le stress causé par la pandémie semble avoir touché de façon disproportionnée la santé mentale des jeunes adultes, des personnes racisées et de celles qui vivent avec une maladie mentaleNote de bas de page 8Note de bas de page 11Note de bas de page 16Note de bas de page 17Note de bas de page 18Note de bas de page 19Note de bas de page 20. Les travailleurs de première ligne et les travailleurs essentiels, en particulier les professionnels de la santé, ont aussi dû affronter des risques accrus particuliers en raison de leur exposition à la COVID-19 au travail et de ses conséquences, notamment des préjudices moraux, la nécessité accrue de devoir donner des soins de fin de vie et un risque accru d’infectionNote de bas de page 21. D’après des données d’enquête, 8,4 % des travailleurs de la santé publique des États-Unis auraient eu des idées suicidaires au cours des deux semaines ayant précédé l’enquête, et plus de 30 % d’entre eux auraient eu des symptômes de dépression, d’anxiété et de trouble stress post-traumatique (TSPT) en 2021Note de bas de page 22.
Le premier objectif de notre étude était d’estimer la probabilité que des idées suicidaires soient survenues depuis le début de la pandémie, en lien avec les expériences des répercussions de la pandémie, les risques sociaux, la santé mentale et les stratégies d’adaptation. Le second objectif était de vérifier si les tendances quant aux idées suicidaires dans ces sous-groupes ont évolué lors des différentes périodes de la pandémie.
Cette veille sanitaire est nécessaire au suivi des changements dans la santé des populations au fil du temps, à la caractérisation des différences entre les sous-groupes de population et à l’évaluation des relations entre les envies suicidaires, les expériences spécifiques au contexte pandémique et d’autres facteurs de santé.
Méthodologie
Les résultats de cette étude sont rapportés conformément aux lignes directrices STROBE sur les enquêtes transversalesNote de bas de page 23.
Sources des données
Nous avons analysé les données transversales des cycles 2020 et 2021 de l’Enquête sur la COVID-19 et la santé mentale (ECSM), une enquête populationnelle représentative sur le plan nationalNote de bas de page 24Note de bas de page 25. Le premier cycle d’enquête a eu lieu du 11 septembre au 4 décembre 2020 et le second, du 1er février au 7 mai 2021. En partenariat avec l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), Statistique Canada a mené l’ECSM afin de recueillir des données au sujet des effets de la pandémie sur la santé et des facteurs de risque et de protection relativement à ces effets. Une entente de transmission des données conclue par l’ASPC et Statistique Canada nous a permis d’accéder aux données. On a demandé aux répondants la permission de communiquer à l’ASPC l’information qu’ils fournissaient. Cette étude est fondée sur les données de ces fichiers. Comme il s’agit d’une analyse secondaire, elle n’a pas à être évaluée par un comité d’éthique de la recherche.
La population de l’ECSM était formée de personnes de 18 ans et plus provenant des 10 provinces et des 3 capitales territoriales (Whitehorse, Yellowknife et Iqaluit). La base de sondage de l’ECSM a été stratifiée par province, et un échantillon aléatoire simple a été sélectionné dans chaque province et chaque capitale territoriale à partir du Fichier de l’univers des logements (FUL), puis un résident de chaque logement sélectionné a été sondé.
La base de sondage excluait les personnes vivant en établissement, dans un logement collectif ou sans adresse postale, dont le logement inscrit était inutilisé ou vacant, ou vivant dans une communauté des Premières Nations classée comme réserve fédérale ou dans une collectivité territoriale hors des capitales; ensemble, les groupes de personnes exclues représentaient moins de 2 % de la population ciblée.
La participation à l’ECSM se fait sur une base volontaire, et il est possible de répondre aux questions en ligne ou à l’occasion d’un entretien téléphonique assisté par ordinateur. On a d’abord communiqué avec les répondants par envoi postal aux logements sélectionnés en leur offrant la possibilité de répondre aux questions en ligne. On a envoyé deux lettres de rappel aux résidents afin qu’ils participent à l’enquête avant qu’un intervieweur les appelle et leur propose de répondre aux questions par téléphone.
Dans le cadre du processus de détection et de modification des erreurs, on a vérifié les données entrantes afin de s’assurer que le fichier de données ne contenait qu’un seul questionnaire par logement.
Le taux de réponse a été de 53,3 % (n = 14 689 répondants) pour le cycle de 2020 et de 49,3 % (n = 8 032 répondants) pour le cycle de 2021. Au total, nous avons analysé les données de 18 936 répondants ayant accepté que les renseignements les concernant soient communiqués à l’ASPC (n = 12 344 en 2020; n = 6 592 en 2021).
Mesures
La variable de résultat est la survenue récente d’idées suicidaires. La question posée aux répondants était : « Avez-vous sérieusement envisagé de vous suicider depuis le début de la pandémie de COVID-19? » Nous avons évalué les éventuels corrélats suivants (à titre de variables explicatives) : répercussions de la COVID-19; consommation accrue d’alcool et de cannabis; inquiétudes liées à la violence domestique; symptômes de trouble mental; événements stressants ou traumatisants; situation d’emploi; signes d’une bonne santé mentale et enfin stratégies d’adaptation. Les détails au sujet de ces variables figurent dans le tableau 1.
Facteur | Questions posées | Réponses possibles et codage des variables |
---|---|---|
Répercussions de la COVID-19 | On a demandé aux répondants : « Avez-vous subi l’une des répercussions suivantes en raison de la pandémie de la COVID-19? »
|
« oui » ou « non ». |
Consommation accrue d’alcool | On a demandé aux répondants : « En moyenne, au cours de la pandémie de COVID‑19, comment votre consommation d’alcool a-t-elle changé comparativement à avant la pandémie? » | « augmentation », « diminution » ou « aucun changement ». Nous avons codé la variable en deux catégories : « augmentation » ou « diminution/aucun changement ». |
Consommation de cannabis | On a demandé aux répondants : « Au cours des 30 derniers jours, à quelle fréquence avez-vous consommé du cannabis? » | « n’a jamais consommé de cannabis », « en a consommé précédemment, mais pas au cours des 30 derniers jours », « 1 journée dans les 30 derniers jours », « 2 ou 3 jours dans les 30 derniers jours », « 1 ou 2 jours par semaine », « 3 ou 4 jours par semaine », « 5 ou 6 jours par semaine » ou « tous les jours ». Nous avons codé « n’a jamais consommé de cannabis » comme un « non » et toutes les autres réponses comme « oui ». |
Consommation accrue de cannabis | On a demandé aux répondants qui n’avaient pas répondu « n’a jamais consommé de cannabis » : « En moyenne, au cours de la pandémie de COVID-19, comment votre consommation de cannabis a-t-elle changé comparativement à avant la pandémie? » | « augmentation », « diminution » ou « aucun changement ». Nous avons codé la variable en deux catégories : « augmentation » ou « diminution/aucun changement ». |
Inquiétudes liées à la violence domestique | On a demandé aux répondants : « Dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par la violence familiale dans votre ménage? » | « pas du tout », « quelque peu » et « beaucoup/énormément ». Nous avons codé « pas du tout » comme un « non » et « quelque peu » et « beaucoup/énormément » comme des « oui ». |
Symptômes modérés ou graves de trouble dépressif majeur | Les répondants ayant obtenu une note de 10 ou plus au questionnaire sur la santé du patient (PHQ-9). L’échelle évaluait les symptômes au cours des 2 semaines ayant précédé l’enquête. |
s.o. |
Symptômes modérés ou graves d’anxiété généralisée | Les répondants ayant obtenu une note de 10 ou plus sur l’échelle de l’anxiété généralisée (GAD-7). L’échelle évaluait les symptômes au cours des 2 semaines ayant précédé l’enquête. |
s.o. |
Symptômes modérés ou graves de TSPT | Les répondants ayant obtenu une note 33 ou plus à l’inventaire de critères du DSM-5 pour le TSPT (PCL-5). Les questions liées au TSPT portaient sur le mois ayant précédé l’enquête. |
s.o. |
Événement traumatisant ou stressant | On a demandé aux répondants : « Avez-vous déjà vécu un événement très stressant ou traumatisant au cours de votre vie? » | « oui » et « non ». |
Situation d’emploi : travailleur essentiel ou travailleur de première ligne | On a demandé à chacun des répondants si, au cours des 7 derniers jours, il était considéré comme un « travailleur essentiel ». La définition de travailleur essentiel était la suivante : « Une personne qui travaille dans un service, une installation ou un secteur d’activité nécessaire pour préserver la vie, la santé, la sécurité publique et les fonctions sociétales de base des Canadiens. Il s’agit, par exemple, des employés travaillant dans les transports (transport en commun, stations-service, etc.), les institutions financières, les soins de santé ou comme premiers intervenants (policiers, pompiers, ambulanciers, etc.), les pharmacies, les garderies, l’alimentation (épiceries, camionneurs, etc.). » On a aussi demandé à chacun des répondants si, au cours des 7 derniers jours, il était considéré comme un « travailleur de première ligne ». La définition de travailleur de première ligne était la suivante : « Une personne susceptible d’être en contact direct avec la COVID-19 en aidant ceux qui ont reçu un diagnostic d’infection par le virus. Il s’agit, par exemple, des policiers, des pompiers, des ambulanciers, du personnel infirmier ou des médecins. » |
Nous avons codé les répondants comme étant des travailleurs de première ligne s’ils répondaient que, « oui », ils étaient considérés comme des travailleurs de première ligne. Nous avons codé les répondants comme étant des travailleurs essentiels s’ils répondaient que, « oui », ils étaient considérés comme des travailleurs essentiels et que, « non », ils n’étaient pas considérés comme des travailleurs de première ligne. Nous avons codé les autres répondants comme ayant une situation d’emploi « autre ». |
Autoévaluation de la santé mentale | On a demandé aux répondants : « En général, comment décririez-vous votre santé mentale? » | « excellente », « très bonne », « bonne », « médiocre » et « mauvaise ». Nous avons codé « excellente » et « très bonne » comme « élevée » et le reste comme « faible ». |
Satisfaction à l’égard de la vie | On a demandé aux répondants : « À l’aide d’une échelle de 0 à 10, où 0 signifie "très insatisfait" et 10 signifie "très satisfait", quel sentiment éprouvez-vous en général à l’égard de votre vie? » | Nous avons codé les notes de 8 et plus comme étant « élevée » et les autres notes comme étant « faible ». |
Sentiment d’appartenance à sa communauté | On a demandé aux répondants : « Comment décririez-vous votre sentiment d’appartenance à votre communauté locale? » | « très fort », « plutôt fort », « plutôt faible » et « très faible ». Nous avons codé les réponses « très fort » et « plutôt fort » comme « élevée » et les autres réponses comme « faible ». |
Stratégies d’adaptation | On a demandé aux répondants : « Faites-vous actuellement certaines des activités suivantes pour rester en santé?
|
« oui, pour ma santé mentale », « oui, pour ma santé physique », « oui, pour ma santé mentale et physique » et « non ». Les réponses ont été codées comme « oui » ou « non ». |
Analyses
Nous avons mené les analyses à l’aide de l’application SAS Enterprise Guide, version 7.1 (SAS Institute, Cary, Caroline du Nord, É.-U.). Compte tenu de la complexité de la conception de l’enquête et afin de veiller à ce que la représentation de la population soit fidèle, nous avons ajusté les estimations en utilisant les poids d’échantillonnage fournis par Statistique Canada. Ces procédures de pondération comprennent plusieurs étapes destinées à réduire les biaisNote de bas de page 24 et tiennent compte tant de l’absence de réponse que des situations où les répondants ont refusé la communication de leurs réponses à l’ASPC. Nous avons estimé des intervalles de confiance (IC) à 95 % selon la méthode de Clopper–PearsonNote de bas de page 26 modifiée et la méthode bootstrap.
L’analyse de l’objectif principal, qui consistait à estimer la probabilité que des idées suicidaires soient survenues depuis le début de la pandémie par rapport aux expériences des répercussions de la pandémie, aux risques sociaux, à la santé mentale et aux stratégies d’adaptation, repose sur les données regroupées des cycles 2020 et 2021 de l’ECSM. Étant donné que la méthodologie des deux cycles de l’ECSM était à peu près la même et que les périodes de collecte des deux échantillons indépendants étaient rapprochées dans le temps, nous avons regroupé les ensembles de données aux fins de l’analyse en suivant les instructions du guide d’utilisation fourni par Statistique Canada. Nous avons estimé la prévalence des idées suicidaires pour l’ensemble des répercussions de la COVID-19 et nous avons appliqué des modèles de régression logistique univariés et ajustés afin de déterminer la probabilité que des idées suicidaires soient survenues au sein de la population générale par suite des répercussions de la COVID‑19. Nous avons inclus le genre, le groupe d’âge et le cycle de l’enquête dans les modèles ajustés.
Ensuite, pour ce qui est du second objectif, afin de savoir si les tendances quant aux idées suicidaires avaient changé en fonction de périodes durant la pandémie, nous avons analysé séparément les données des cycles 2020 et 2021 de l’ECSM en vue d’évaluer les changements dans la probabilité de survenue d’idées suicidaires par rapport à l’ensemble des expériences de la pandémie, des risques sociaux, des états mentaux et des stratégies d’adaptation. Nous avons utilisé des intervalles de confiance se chevauchant afin de repérer les changements statistiquement significatifs dans les rapports de cotes du cycle 2020 et du cycle 2021 de l’ECSM.
Nous avons aussi mené des analyses stratifiées pour les hommes et pour les femmes. Nous n’avons pas mené d’analyse selon les autres identités de genre, en raison du faible nombre de personnes ayant déclaré un autre genre (< 1 % de l’échantillon), mais nous avons inclus les répondants des autres identités de genre dans l’analyse générale.
Nous avons exclu les données manquantes (au maximum 4,5 % des données pour l’ensemble des estimations) des analyses. Nous avons considéré que, pour être statistiquement significatifs, les résultats devaient avoir une valeur de p inférieure à 0,05 dans toutes les analyses.
Résultats
D’après les données regroupées des 18 936 répondants des cycles 2020 et 2021 de l’ECMS, 579 répondants ont eu des idées suicidaires depuis le début de la pandémie (78 répondants n’ont pas répondu à la question sur les idées suicidaires et ont été exclus de l’analyse). Dans l’ECMS de 2020, 2,4 % des adultes (IC à 95 % : 2,0 à 2,9), soit 2,7 % des femmes (IC à 95 % : 2,2 à 3,3) et 2,1 % des hommes (IC à 95 % : 1,5 à 2,8), ont déclaré avoir eu des idées suicidaires. Dans l’ECMS de 2021, la prévalence globale était de 4,2 % (IC à 95 % : 3,4 à 5,0), avec 4,0 % chez les femmes (IC à 95 % : 3,0 à 5,2) et 4,1 % (IC à 95 % : 3,0 à 5,5) chez les hommes.
Comme on peut le voir dans le tableau 2, les caractéristiques sociodémographiques des échantillons pour les cycles 2020 et 2021 de l’ECMS étaient semblables, sauf qu’il y avait un peu moins de jeunes adultes (de 18 à 34 ans) et un peu plus d’adultes d’âge moyen (de 35 à 64 ans) dans l’ECMS de 2021.
Caractéristiques sociodémographiques | n (%)Note de bas de page b | ||
---|---|---|---|
ECMS 2020 n = 12 344 |
ECMS 2021 n = 6 592 |
Total n = 18 936 |
|
Genre | |||
Féminin | 7 063 (50,7) | 3 755 (50,6) | 10 818 (50,6) |
Masculin | 5 255 (49,1) | 2 827 (49,2) | 8 082 (49,2) |
Autre identité | 20 (0,2) | 8 (0,2) | 28 (0,2) |
Âge (en années) | |||
18 à 34 | 2 104 (28,2) | 1 161 (24,8) | 3 265 (26,5) |
35 à 64 | 6 747 (49,6) | 3 592 (53,0) | 10 339 (51,3) |
65 et plus | 3 493 (22,2) | 1 839 (22,2) | 5 332 (22,2) |
Membre d’un groupe raciséNote de bas de page a | |||
Oui | 2 119 (26,6) | 1 125 (25,8) | 3 244 (26,2) |
Non | 10 104 (73,4) | 5 403 (74,2) | 15 507 (73,8) |
Immigrant | |||
Oui | 2 173 (27,0) | 1 172 (27,6) | 3 345 (27,3) |
Non | 10 117 (73,0) | 5 391 (72,4) | 15 508 (72,7) |
Milieu de résidence | |||
Centre de population | 9 249 (82,3) | 4 956 (82,1) | 14 205 (82,2) |
Zone rurale | 2 998 (17,7) | 1 578 (17,9) | 4 576 (17,8) |
Niveau de scolarité | |||
École secondaire ou moins | 3 641 (31,2) | 1 857 (29,3) | 5 498 (30,2) |
Postsecondaire | 8 678 (68,8) | 4 716 (70,7) | 13 394 (69,8) |
Revenu médian des ménages, en milliers de $ CA (IC à 95 %) | 83,5 (80,5 à 86,5) | 83,6 (80,6 à 86,6) | 83,6 (79,5 à 87,7) |
Les personnes ayant subi des répercussions de la COVID-19 étaient significativement plus susceptibles d’avoir des idées suicidaires que les personnes n’ayant pas subi de répercussions de la pandémie et ce résultat était manifeste pour la plupart des facteurs tant chez les hommes que chez les femmes (tableau 3). Dans l’ensemble, 43,3 % des adultes au Canada ont déclaré s’être sentis seuls ou isolés pendant la pandémie. Les sentiments de solitude ou d’isolement sont l’élément qui a eu la plus grande incidence sur les idées suicidaires (rapport de cotes ajusté [RCA] = 8,1; IC à 95 % : 5,8 à 11,2), suivis par la détresse émotionnelle (RCA = 6,8; IC à 95 % : 4,7 à 9,7) et les problèmes de santé physique (RCA = 3,7; IC à 95 % : 2,7 à 5,1).
Nombre (n) de répercussions de la COVID-19 et prévalence (%) | Prévalence des idées suicidaires et rapports de cotes | |||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Ensemble (n = 18 936) | Femmes (n = 10 818) | Hommes (n = 8 082) | ||||||||
% (IC à 95 %) | RC (IC à 95 %) |
RCANote de bas de page a (IC à 95 %) |
% (IC à 95 %) | RC (IC à 95 %) |
RCANote de bas de page b (IC à 95 %) |
% (IC à 95 %) | RC (IC à 95 %) |
RCANote de bas de page b (IC à 95 %) |
||
Perte d’emploi/de revenu | ||||||||||
Non | 14 930 (75,0) | 2,5 (2,1 à 3,0) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,4 (1,9 à 3,1) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,4 (1,8 à 3,1) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 3 808 (25,0) | 5,7 (4,5 à 7,1) |
2,4 (1,8 à 3,2)Note de bas de page *** |
1,9 (1,4 à 2,6)Note de bas de page *** |
6,3 (4,8 à 8,2) |
2,7 (1,9 à 4,0)Note de bas de page *** |
2,0 (1,4 à 3,0)Note de bas de page *** |
5,2 (3,5 à 7,3) |
2,2 (1,4 à 3,6)Note de bas de page *** |
1,8 (1,1 à 2,9)Note de bas de page * |
Difficulté à respecter des obligations financières ou à répondre à des besoins essentiels | ||||||||||
Non | 16 378 (84,4) | 2,4 (2,0 à 2,9) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,6 (2,1 à 3,3) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,0 (1,5 à 2,8) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 2 558 (15,6) | 8,0 (6,4 à 9,9) |
3,5 (2,6 à 4,7)Note de bas de page *** |
2,9 (2,2 à 4,0)Note de bas de page *** |
7,4 (5,5 à 9,8) |
3,0 (2,0 à 4,4)Note de bas de page *** |
2,3 (1,5 à 3,5)Note de bas de page *** |
8,5 (6,1 à 11,5) |
4,5 (2,8 à 7,1)Note de bas de page *** |
3,8 (2,4 à 6,1)Note de bas de page *** |
Perte d’un membre de la famille/d’un ami/d’un collègue | ||||||||||
Non | 17 276 (91,3) | 3,1 (2,7 à 3,6) |
(Réf.) | (Réf.) | 3,0 (2,5 à 3,7) |
(Réf.) | (Réf.) | 3,1 (2,4 à 3,9) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 1 462 (8,7) | 5,1 (3,5 à 7,3) |
1,7 (1,1 à 2,5)Note de bas de page * |
1,5 (1,0 à 2,3) |
6,1 (3,7 à 9,4) |
2,1 (1,2 à 3,6)Note de bas de page ** |
2,0 (1,1 à 3,4)Note de bas de page * |
3,7 (1,8 à 6,5) |
1,2 (0,6 à 2,4) |
1,0 (0,5 à 2,1) |
Sentiment de solitude/d’isolement | ||||||||||
Non | 10 871 (56,7) | 0,7 (0,5 à 1,0) |
(Réf.) | (Réf.) | 0,7 (0,4 à 1,0) |
(Réf.) | (Réf.) | 0,8 (0,5 à 1,2) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 7 867 (43,3) | 6,7 (5,8 à 7,7) |
9,7 (7,0 à 13,5)Note de bas de page *** |
8,1 (5,8 à 11,2)Note de bas de page *** |
6,2 (5,1 à 7,4) |
10,0 (6,2 à 16,1)Note de bas de page *** |
8,5 (5,3 à 13,5)Note de bas de page *** |
6,9 (5,4 à 8,8) |
9,3 (5,7 à 15,3)Note de bas de page *** |
7,7 (4,8 à 12,5)Note de bas de page *** |
Détresse émotionnelle | ||||||||||
Non | 11 460 (59,7) | 0,9 (0,6 à 1,2) |
(Réf.) | (Réf.) | 1,0 (0,6 à 1,5) |
(Réf.) | (Réf.) | 0,8 (0,5 à 1,2) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 7 278 (40,3) | 6,9 (5,9 à 8,0) |
8,4 (5,9 à 11,7)Note de bas de page *** |
6,8 (4,7 à 9,7)Note de bas de page *** |
6,0 (4,9 à 7,3) |
6,4 (3,8 à 10,8)Note de bas de page *** |
5,0 (2,9 à 8,6)Note de bas de page *** |
7,6 (5,9 à 9,7) |
10,4 (6,5 à 16,7)Note de bas de page *** |
8,8 (5,5 à 14,3)Note de bas de page *** |
Problème de santé physique | ||||||||||
Non | 13 860 (72,2) | 1,7 (1,4 à 2,2) |
(Réf.) | (Réf.) | 1,8 (1,2 à 2,5) |
(Réf.) | (Réf.) | 1,7 (1,2 à 2,4) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 4 878 (27,8) | 7,4 (6,2 à 8,7) |
4,5 (3,3 à 6,1)Note de bas de page *** |
3,7 (2,7 à 5,1)Note de bas de page *** |
6,6 (5,4 à 8,1) |
3,9 (2,6 à 6,0)Note de bas de page *** |
3,3 (2,1 à 5,1)Note de bas de page *** |
7,8 (5,8 à 10,3) |
5,0 (3,2 à 7,9)Note de bas de page *** |
4,2 (2,6 à 6,6)Note de bas de page *** |
Difficultés dans les relations personnelles | ||||||||||
Non | 15 403 (79,4) | 2,3 (1,9 à 2,8) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,3 (1,7 à 2,9) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,2 (1,5 à 3,0) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 3 335 (20,6) | 7,2 (5,9 à 8,7) |
3,3 (2,5 à 4,5)Note de bas de page *** |
2,7 (2,0 à 3,7)Note de bas de page *** |
7,0 (5,4 à 9,0) |
3,3 (2,2 à 4,8)Note de bas de page *** |
2,5 (1,7 à 3,9)Note de bas de page *** |
7,1 (5,1 à 9,7) |
3,5 (2,2 à 5,5)Note de bas de page *** |
2,9 (1,8 à 4,7)Note de bas de page *** |
Nombre de répercussions de la COVID-19 subies | ||||||||||
0 ou 1 | 10 160 (51,2) | 0,6 (0,4 à 0,9) |
(Réf.) | (Réf.) | 0,7 (0,3 à 1,3) |
(Réf.) | (Réf.) | 0,5 (0,3 à 0,9) |
(Réf.) | (Réf.) |
2 | 3 265 (17,3) | 3,0 (2,0 à 4,4) |
5,3 (3,0 à 9,5)Note de bas de page *** |
4,7 (2,6 à 8,4)Note de bas de page *** |
2,9 (1,6 à 4,8) |
4,5 (1,8 à 11,1)Note de bas de page ** |
3,8 (1,5 à 9,6)Note de bas de page ** |
3,1 (1,7 à 5,4) |
6,2 (2,9 à 13,6)Note de bas de page *** |
5,5 (2,5 à 11,9)Note de bas de page *** |
3 | 2 459 (13,3) | 5,1 (3,5 à 7,1) |
9,1 (5,2 à 16,1)Note de bas de page *** |
7,1 (4,0 à 12,9)Note de bas de page *** |
3,9 (2,5 à 5,8) |
6,1 (2,7 à 14,1)Note de bas de page *** |
4,9 (2,1 à 11,7)Note de bas de page *** |
5,6 (2,9 à 9,6) |
11,5 (5,1 à 25,9)Note de bas de page *** |
10,0 (4,4 à 22,4)Note de bas de page *** |
4 | 1 645 (9,9) | 7,2 (5,4 à 9,3) |
13,2 (7,9 à 22,0)Note de bas de page *** |
10,1 (5,9 à 17,5)Note de bas de page *** |
7,8 (5,4 à 11,0) |
12,8 (5,6 à 29,3)Note de bas de page *** |
9,9 (4,2 à 23,7)Note de bas de page *** |
5,8 (3,4 à 9,1) |
11,9 (5,8 à 24,3)Note de bas de page *** |
9,3 (4,5 à 19,3)Note de bas de page *** |
5 | 765 (5,0) | 11,1 (7,7 à 15,3) |
21,3 (12,2 à 37,1)Note de bas de page *** |
16,1 (9,0 à 28,7)Note de bas de page *** |
8,0 (4,9 à 12,1) |
13,1 (5,5 à 31,0)Note de bas de page *** |
9,1 (3,6 à 23,0)Note de bas de page *** |
15,1 (8,9 à 23,4) |
34,3 (16,1 à 73,1)Note de bas de page *** |
26,2 (12,5 à 54,8)Note de bas de page *** |
≥ 6 | 444 (3,3) | 17,1 (12,2 à 22,9) |
35,2 (20,1 à 61,6)Note de bas de page *** |
25,4 (13,8 à 47,0)Note de bas de page *** |
15,9 (10,1 à 23,5) |
28,7 (12,3 à 66,9)Note de bas de page *** |
19,1 (7,4 à 49,3)Note de bas de page *** |
18,6 (10,7 à 29,1) |
44,1 (19,6 à 99,2)Note de bas de page *** |
33,6 (14,6 à 77,2)Note de bas de page *** |
≥ 2 | 8 578 (48,8) | 6,2 (5,3 à 7,1) |
11,3 (7,2 à 17,7)Note de bas de page *** |
8,7 (5,5 à 14,0)Note de bas de page *** |
5,7 (4,7 à 6,8) |
9,1 (4,3 à 19,2)Note de bas de page *** |
6,9 (3,2 à 15,1)Note de bas de page *** |
6,4 (5,0 à 8,1) |
13,2 (7,4 à 23,6)Note de bas de page *** |
10,7 (6,0 à 19,1)Note de bas de page *** |
Près de la moitié des adultes au Canada (48,8 %) ont subi deux types de répercussions ou plus de la pandémie et le risque d’idées suicidaires chez ces personnes était 8,7 fois plus élevé que chez les personnes qui n’avaient subi qu’un type de répercussions ou n’en avaient pas subi, après ajustement selon le genre, le groupe d’âge et le cycle de l’enquête.
Une relation dose-réponse entre les répercussions de la pandémie et les idées suicidaires s’est bel et bien manifestée. Dans le modèle ajusté, le risque d’idées suicidaires chez les personnes qui avaient subi six types de répercussions ou plus était 25,4 fois plus élevé que chez les personnes qui n’avaient subi qu’un type de répercussions ou n’en avaient pas subi.
Les adultes au Canada ayant augmenté leur consommation d’alcool ou de cannabis, ayant déjà consommé du cannabis ou qui s’inquiétaient d’éventuels actes de violence domestique présentaient un risque significativement plus élevé d’avoir des idées suicidaires, avec un rapport de cotes plus élevé chez les hommes que chez les femmes (tableau 4). La prévalence des idées suicidaires chez les personnes qui présentaient des symptômes modérés à graves de trouble mental, quel qu’il soit, pendant la pandémie était significativement supérieure, avec un rapport de cotes de 7,6 (IC à 95 % : 5,4 à 10,6) pour l’anxiété, de 13,7 (IC à 95 % : 9,6 à 19,5) pour la dépression et de 10,2 (IC à 95 % : 7,2 à 14,5) pour le TSPT.
Exposition à des risques sociaux ou à un trouble mental (nombre de répondants et prévalence en %) | Prévalence des idées suicidaires et rapports de cotes | |||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Ensemble (n = 18 936) | Femmes (n = 10 818) | Hommes (n = 8 082) | ||||||||
% (IC à 95 %) | RC (IC à 95 %) |
RCANote de bas de page a (IC à 95 %) |
% (IC à 95 %) | RC (IC à 95 %) |
RCANote de bas de page b (IC à 95 %) |
% (IC à 95 %) | RC (IC à 95 %) | RCANote de bas de page b (IC à 95 %) |
||
Consommation de substances | ||||||||||
Consommation accrue d’alcool | ||||||||||
Non | 15 920 (83,9) | 2,9 (2,4 à 3,4) |
(Réf.) | (Réf.) | 3,2 (2,6 à 3,9) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,4 (1,7 à 3,2) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 2 961 (16,1) |
5,7 (4,5 à 7,1) |
2,1 (1,5 à 2,8)Note de bas de page *** |
1,8 (1,4 à 2,5)Note de bas de page *** |
4,3 (3,1 à 5,8) |
1,4 (0,9 à 2,0) |
1,2 (0,8 à 1,8) |
6,8 (4,9 à 9,2) |
3,0 (1,9 à 4,7)Note de bas de page *** |
2,8 (1,8 à 4,5)Note de bas de page *** |
Consommation de cannabis au cours des 30 derniers jours | ||||||||||
Non | 13 526 (72,1) | 2,1 (1,7 à 2,6) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,3 (1,7 à 3,1) |
(Réf.) | (Réf.) | 1,8 (1,2 à 2,6) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 5 390 (27,9) |
6,4 (5,3 à 7,6) |
3,1 (2,4 à 4,2)Note de bas de page *** |
2,4 (1,8 à 3,3)Note de bas de page *** |
6,4 (5,0 à 7,9) |
2,9 (2,0 à 4,1)Note de bas de page *** |
2,1 (1,4 à 3,2)Note de bas de page *** |
6,0 (4,5 à 7,9) |
3,5 (2,2 à 5,5)Note de bas de page *** |
2,8 (1,8 à 4,5)Note de bas de page *** |
Consommation accrue de cannabis | ||||||||||
Non | 4 367 (78,3) |
5,2 (4,1 à 6,5) |
(Réf.) | (Réf.) | 5,8 (4,3 à 7,5) |
(Réf.) | (Réf.) | 4,7 (3,1 à 6,7) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 1 033 (21,7) |
10,7 (8,0 à 13,9) |
2,2 (1,5 à 3,2)Note de bas de page *** |
1,8 (1,2 à 2,7)Note de bas de page ** |
8,5 (5,6 à 12,2) |
1,5 (0,9 à 2,5) |
1,4 (0,8 à 2,4) |
11,0 (6,8 à 16,7) |
2,5 (1,4 à 4,7)Note de bas de page ** |
2,3 (1,2 à 4,3)Note de bas de page * |
Inquiétudes liées à la violence domestique | ||||||||||
Non | 18 237 (95,4) | 3,2 (2,7 à 3,7) |
(Réf.) | (Réf.) | 3,3 (2,7 à 4,0) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,9 (2,2 à 3,6) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 657 (4,6) |
6,0 (3,3 à 9,9) |
1,9 (1,1 à 3,5)Note de bas de page * |
1,8 (1,0 à 3,3) |
4,4 (2,5 à 7,0) |
1,3 (0,8 à 2,3) |
1,2 (0,7 à 2,1) |
7,4 (2,8 à 15,3) |
2,7 (1,0 à 7,2)Note de bas de page * |
2,6 (1,0 à 6,7) |
Maladie mentale | ||||||||||
Symptômes modérés ou graves d’anxiété généralisée | ||||||||||
Non | 16 141 (85,8) | 1,7 (1,3 à 2,1) |
(Réf.) | (Réf.) | 1,4 (1,0 à 1,9) |
(Réf.) | (Réf.) | 1,9 (1,3 à 2,5) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 2 454 (14,2) |
13,4 (11,3 à 15,8) |
9,2 (6,8 à 12,5)Note de bas de page *** |
7,6 (5,4 à 10,6)Note de bas de page *** |
12,7 (10,2 à 15,5) |
10,1 (6,8 à 15,0)Note de bas de page *** |
8,3 (5,4 à 12,8)Note de bas de page *** |
13,4 (9,4 à 18,1) |
8,2 (5,0 à 13,4)Note de bas de page *** |
6,8 (4,1 à 11,6)Note de bas de page *** |
Symptômes modérés ou graves de trouble dépressif | ||||||||||
Non | 15 580 (83,0) | 1,1 (0,8 à 1,4) |
(Réf.) | (Réf.) | 1,0 (0,7 à 1,5) |
(Réf.) | (Réf.) | 1,0 (0,6 à 1,5) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 2 876 (17,0) |
14,4 (12,2 à 16,8) |
15,8 (11,4 à 21,9)Note de bas de page *** |
13,7 (9,6 à 19,5)Note de bas de page *** |
12,4 (10,0 à 15,2) |
13,5 (8,7 à 20,8)Note de bas de page *** |
10,9 (6,8 à 17,3)Note de bas de page *** |
16,6 (12,8 à 21,1) |
20,2 (12,0 à 34,2)Note de bas de page *** |
17,2 (10,0 à 29,8)Note de bas de page *** |
Symptômes modérés ou graves de TSPT | ||||||||||
Non | 16 909 (93,1) | 2,0 (1,6 à 2,5) |
(Réf.) | (Réf.) | 1,9 (1,4 à 2,5) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,1 (1,5 à 2,8) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 1 220 (6,9) |
20,2 (16,8 à 24,0) |
12,2 (8,9 à 16,7)Note de bas de page *** |
10,2 (7,2 à 14,5)Note de bas de page *** |
18,1 (14,1 à 22,6) |
11,2 (7,5 à 16,7)Note de bas de page *** |
9,0 (5,8 à 14,0)Note de bas de page *** |
21,9 (15,2 à 30,0) |
13,3 (7,9 à 22,4)Note de bas de page *** |
12,1 (7,0 à 20,8)Note de bas de page *** |
Événement stressant ou traumatisant vécu | ||||||||||
Non | 6 132 (37,2) |
1,6 (1,1 à 2,3) |
(Réf.) | (Réf.) | 1,7 (0,9 à 2,9) |
(Réf.) | (Réf.) | 1,6 (0,9 à 2,5) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 12 763 (62,8) | 4,3 (3,7 à 5,0) |
2,7 (1,8 à 4,1)Note de bas de page *** |
3,0 (2,0 à 4,5)Note de bas de page *** |
4,2 (3,5 à 5,0) |
2,6 (1,4 à 4,9)Note de bas de page ** |
3,0 (1,6 à 5,5)Note de bas de page *** |
4,1 (3,2 à 5,3) |
2,7 (1,6 à 4,7)Note de bas de page *** |
3,1 (1,8 à 5,3)Note de bas de page *** |
Emploi | ||||||||||
Travailleur de première ligne | 1 381 (6,2) |
3,5 (2,3 à 5,1) |
1,1 (0,7 à 1,6) |
0,8 (0,5 à 1,2) |
3,6 (2,1 à 5,6) |
1,1 (0,6 à 1,8) |
0,8 (0,5 à 1,4) |
3,0 (1,3 à 5,9) |
0,9 (0,4 à 2,2) |
0,8 (0,3 à 1,8) |
Travailleur essentiel autre que travailleur de première ligne | 3 844 (22,9) |
3,1 (2,2 à 4,1) |
0,9 (0,6 à 1,3) |
0,7 (0,5 à 1,0)Note de bas de page * |
3,3 (2,0 à 5,1) |
1,0 (0,6 à 1,7) |
0,8 (0,4 à 1,3) |
2,6 (1,7 à 4,0) |
0,8 (0,5 à 1,3) |
0,6 (0,4 à 1,0) |
Autres | 13 670 (70,9) | 3,4 (2,8 à 3,9) |
(Réf.) | (Réf.) | 3,3 (2,7 à 4,1) |
(Réf.) | (Réf.) | 3,2 (2,4 à 4,2) |
(Réf.) | (Réf.) |
À l’inverse, il était significativement moins probable que les personnes qui se considéraient comme ayant une bonne santé mentale, un fort sentiment d’appartenance à leur communauté ou une grande satisfaction à l’égard de la vie ou qui faisaient de l’exercice pour entretenir leur santé mentale ou physique déclarent avoir récemment eu des idées suicidaires (tableau 5). Il était aussi significativement moins probable que les personnes qui s’adonnaient à des passe-temps déclarent avoir récemment eu des idées suicidaires mais, d’après les analyses stratifiées en fonction du genre, cette association n’était statistiquement significative que chez les hommes. En outre, les travailleurs de première ligne et les travailleurs essentiels autres que les travailleurs de première ligne ne risquaient pas plus que les autres personnes d’envisager le suicide (tableau 4).
Indicateurs de bonne santé mentale et de stratégies d’adaptation à la situation et prévalence (nombre de répondants et prévalence en %) | Prévalence des idées suicidaires et rapports de cotes | |||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Ensemble (n = 18 936) | Femmes (n = 10 818) | Hommes (n = 8 082) | ||||||||
% (IC à 95 %) |
RC (IC à 95 %) |
RCANote de bas de page a (IC à 95 %) |
% (IC à 95 %) |
RC (IC à 95 %) |
RCANote de bas de page b (IC à 95 %) |
% (IC à 95 %) |
RC (IC à 95 %) |
RCANote de bas de page b (IC à 95 %) |
||
Indicateurs d’une bonne santé mentale | ||||||||||
Autoévaluation de la santé mentale | ||||||||||
Élevée | 10 768 (55,7) | 0,5 (0,3 à 0,9) |
0,07 (0,04 à 0,13)Note de bas de page *** |
0,09 (0,05 à 0,16)Note de bas de page *** |
0,6 (0,3 à 1,2) |
0,09 (0,04 à 0,20)Note de bas de page *** |
0,11 (0,05 à 0,24)Note de bas de page *** |
0,4 (0,1 à 1,0) |
0,05 (0,02 à 0,16)Note de bas de page *** |
0,06 (0,02 à 0,29)Note de bas de page *** |
Faible | 8 157 (44,3) | 6,8 (5,9 à 7,8) |
(Réf.) | (Réf.) | 6,4 (5,3 à 7,6) |
(Réf.) | (Réf.) | 7,0 (5,5 à 8,7) |
(Réf.) | (Réf.) |
Sentiment d’appartenance à la communauté | ||||||||||
Élevé | 12 454 (60,5) | 1,4 (1,1 à 1,8) |
0,22 (0,16 à 0,31)Note de bas de page *** |
0,28 (0,20 à 0,38)Note de bas de page *** |
1,6 (1,1 à 2,2) |
0,25 (0,16 à 0,39)Note de bas de page *** |
0,31 (0,20 à 0,48)Note de bas de page *** |
1,2 (0,8 à 1,8) |
0,20 (0,12 à 0,33)Note de bas de page *** |
0,24 (0,15 à 0,40)Note de bas de page *** |
Faible | 6 427 (39,5) | 6,1 (5,2 à 7,2) |
(Réf.) | (Réf.) | 6,0 (4,7 à 7,4) |
(Réf.) | (Réf.) | 5,9 (4,5 à 7,7) |
(Réf.) | (Réf.) |
Satisfaction à l’égard de la vie | ||||||||||
Élevée | 9 705 (47,6) | 0,5 (0,3 à 0,9) |
0,09 (0,05 à 0,15)Note de bas de page *** |
0,10 (0,06 à 0,17)Note de bas de page *** |
0,6 (0,3 à 1,1) |
0,10 (0,05 à 0,20)Note de bas de page *** |
0,12 (0,06 à 0,26)Note de bas de page *** |
0,4 (0,2 à 0,8) |
0,07 (0,03 à 0,16)Note de bas de page *** |
0,08 (0,03 à 0,19)Note de bas de page *** |
Faible | 9 201 (52,4) | 5,8 (5,1 à 6,7) |
(Réf.) | (Réf.) | 5,7 (4,7 à 6,8) |
(Réf.) | (Réf.) | 5,7 (4,5 à 7,2) |
(Réf.) | (Réf.) |
Stratégies d’adaptation | ||||||||||
Communiquer avec des amis et des proches | ||||||||||
Non | 2 223 (12,8) | 3,9 (2,8 à 5,3) |
(Réf.) | (Réf.) | 4,8 (2,8 à 7,7) |
(Réf.) | (Réf.) | 3,4 (2,2 à 5,1) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 16 578 (87,2) | 3,2 (2,8 à 3,8) |
0,8 (0,6 à 1,2) |
0,7 (0,5 à 1,0) |
3,2 (2,6 à 3,9) |
0,7 (0,4 à 1,1) |
0,6 (0,3 à 1,0) |
3,0 (2,3 à 3,9) |
0,9 (0,5 à 1,5) |
0,8 (0,5 à 1,4) |
Méditer | ||||||||||
Non | 14 633 (77,5) | 3,1 (2,7 à 3,7) |
(Réf.) | (Réf.) | 3,5 (2,8 à 4,3) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,7 (2,1 à 3,4) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 3 995 (22,5) | 4,1 (3,1 à 5,3) |
1,3 (1,0 à 1,8) |
1,2 (0,8 à 1,7) |
3,1 (2,2 à 4,2) |
0,9 (0,6 à 1,3) |
0,8 (0,5 à 1,2) |
5,0 (3,0 à 7,8) |
1,9 (1,1 à 3,3)Note de bas de page * |
1,8 (1,0 à 3,1)Note de bas de page * |
Prier ou chercher des conseils spirituels | ||||||||||
Non | 12 776 (68,5) | 3,3 (2,8 à 3,9) |
(Réf.) | (Réf.) | 3,5 (2,8 à 4,4) |
(Réf.) | (Réf.) | 3,0 (2,3 à 3,8) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 5 877 (31,5) | 3,4 (2,6 à 4,4) |
1,0 (0,7 à 1,4) |
1,1 (0,8 à 1,6) |
3,2 (2,3 à 4,3) |
0,9 (0,6 à 1,3) |
1,1 (0,7 à 1,6) |
3,5 (2,1 à 5,4) |
1,2 (0,7 à 2,0) |
1,2 (0,7 à 2,1) |
Faire de l’exercice pour sa santé mentale ou physique | ||||||||||
Non | 3 591 (18,8) | 5,0 (3,7 à 6,6) |
(Réf.) | (Réf.) | 4,8 (3,2 à 7,0) |
(Réf.) | (Réf.) | 5,2 (3,3 à 7,7) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 15 253 (81,2) | 2,9 (2,5 à 3,4) |
0,6 (0,4 à 0,8)Note de bas de page ** |
0,5 (0,4 à 0,8)Note de bas de page *** |
3,0 (2,5 à 3,7) |
0,6 (0,4 à 1,0)Note de bas de page * |
0,6 (0,4 à 1,0)Note de bas de page * |
2,6 (2,0 à 3,4) |
0,5 (0,3 à 0,8)Note de bas de page ** |
0,5 (0,3 à 0,8)Note de bas de page ** |
Changer ses choix alimentaires | ||||||||||
Non | 7 047 (39,2) | 2,9 (2,3 à 3,5) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,9 (2,1 à 3,8) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,7 (2,0 à 3,6) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 11 638 (60,8) | 4,0 (3,3 à 4,9) |
1,4 (1,1 à 1,9)Note de bas de page * |
1,2 (0,9 à 1,7) |
4,1 (3,3 à 5,1) |
1,5 (1,0 à 2,1)Note de bas de page * |
1,2 (0,8 à 1,8) |
3,8 (2,6 à 5,4) |
1,4 (0,9 à 2,3) |
1,2 (0,7 à 2,0) |
Avoir des passe-temps | ||||||||||
Non | 7 134 (40,6) | 3,8 (3,0 à 4,7) |
(Réf.) | (Réf.) | 3,8 (2,8 à 4,9) |
(Réf.) | (Réf.) | 3,9 (2,7 à 5,4) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 11 630 (59,4) | 3,0 (2,4 à 3,6) |
0,8 (0,6 à 1,0) |
0,7 (0,5 à 1,0)Note de bas de page * |
3,1 (2,4 à 4,0) |
0,8 (0,6 à 1,2) |
0,9 (0,6 à 1,3) |
2,4 (1,7 à 3,3) |
0,6 (0,4 à 1,0) |
0,6 (0,4 à 1,0)Note de bas de page * |
Changer ses habitudes de sommeil | ||||||||||
Non | 3 515 (20,4) | 2,9 (2,4 à 3,4) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,9 (2,3 à 3,6) |
(Réf.) | (Réf.) | 2,7 (2,0 à 3,5) |
(Réf.) | (Réf.) |
Oui | 15 167 (79,6) | 5,3 (4,1 à 6,7) |
1,9 (1,4 à 2,6)Note de bas de page *** |
1,5 (1,1 à 2,1)Note de bas de page ** |
5,3 (3,7 à 7,2) |
1,9 (1,2 à 2,8)Note de bas de page ** |
1,5 (1,0 à 2,3) |
4,9 (3,2 à 7,1) |
1,8 (1,1 à 3,0)Note de bas de page * |
1,6 (1,0 à 2,6) |
En ce qui concerne le second objectif de l’étude, lorsque nous avons analysé séparément les données de l’ECSM de 2020 et celles de l’ECSM de 2021 (dont les résultats peuvent être obtenus sur demande auprès des auteurs), les rapports de cotes des travailleuses de première ligne par rapport aux autres femmes avaient diminué dans l’ECSM de 2021 (RC = 0,4, IC à 95 % : 0,1 à 1,0; RCA = 0,3, IC à 95 % : 0,1 à 0,8) par rapport à l’ECSM de 2020 (RR = 2,3, IC à 95 % : 1,2 à 4,4; RCA = 1,7, IC à 95 % : 0,9 à 3,3). Nous n’avons pas constaté de changement significatif dans les rapports de cotes des autres variables entre l’ECSM 2020 et l’ECSM 2021.
Analyse
Nous avons utilisé des données d’enquêtes populationnelles représentatives sur le plan national pour analyser l’idéation suicidaire chez les adultes ayant subi des répercussions de la pandémie au Canada. Près de la moitié des individus de l’échantillon de population de 18 ans et plus ont déclaré avoir subi deux types de répercussions ou plus et ils étaient significativement plus susceptibles de déclarer avoir sérieusement envisagé le suicide. Comme dans une étude de 2021 sur la dépression au CanadaNote de bas de page 3, une relation dose-réponse s’est clairement révélée : le risque d’idéation suicidaire augmentait avec le nombre de répercussions subies.
Le risque d’idéation suicidaire était aussi significativement plus élevé chez les personnes qui déclaraient avoir augmenté leur consommation d’alcool ou de cannabis, qui se disaient inquiètes d’éventuels actes de violence domestique ou qui avaient des symptômes modérés à graves de dépression, d’anxiété ou de TSPT. Les personnes qui se percevaient comme ayant une bonne santé mentale, qui faisaient état d’un fort sentiment d’appartenance à leur communauté ou d’une grande satisfaction à l’égard de la vie ou qui faisaient de l’exercice pour se maintenir en bonne santé mentale ou physique présentaient un risque significativement plus faible.
La pandémie a causé de nombreux stress interreliés et a amplifié les vulnérabilités préexistantes. Une enquête américaine menée en mars et en avril 2020 a permis de constater que l’idéation suicidaire était associée à des marqueurs d’insécurité socioéconomique (par exemple la difficulté à payer son loyer) et à l’isolement socialNote de bas de page 4. Selon les données d’une enquête canadienne de 2020, la peur de tomber malade ou d’infecter un membre de sa famille, les soucis financiers, l’isolement social et le risque de maladie ou de décès d’un membre de la famille ont été des sources de stress majeuresNote de bas de page 5. Avec la succession de vagues de COVID-19, ces inquiétudes sont devenues des réalités pour de nombreuses personnes. En ce qui concerne la population analysée, l’accumulation d’expériences négatives pourrait avoir amplifié les risques de problèmes de santé mentale et contribué à la forte relation dose-réponse observée quant à l’idéation suicidaire.
Nos résultats vont dans le sens de données probantes selon lesquelles la prévalence de l’idéation suicidaire a augmenté en 2021 par rapport à 2019Note de bas de page 11 au Canada et ailleursNote de bas de page 13. Cela semble indiquer qu’il pourrait y avoir une association directe entre les répercussions de la pandémie et l’idéation suicidaire, bien que les effets n’aient pas été immédiats et aient été différents d’une population à l’autre. Comme dans des enquêtes transversales antérieuresNote de bas de page 5Note de bas de page 8, nous avons constaté que la prévalence de l’idéation suicidaire était significativement plus élevée chez les personnes ayant un trouble mental que chez celles n’en ayant pas. La cohérence de tels résultats d’une étude à l’autre met en évidence la nécessité d’éliminer les obstacles connus et émergents qui se dressent devant l’accès aux services de santé mentale et justifie la mise en place rapide de traitements fondés sur des données probantes.
D’après notre analyse, les risques d’idéation suicidaire augmentent aussi avec la hausse de la consommation d’alcool et de cannabis et avec l’accroissement des inquiétudes quant à d’éventuels actes de violence domestique. De tels facteurs pourraient ainsi constituer des voies d’influence indirecte de la pandémie sur les envies suicidaires. Par exemple, les stress causés par la pandémie pourraient avoir fait croître les risques de violence familiale, en particulier pendant les périodes de confinementNote de bas de page 27Note de bas de page 28. Bien que les taux de maltraitance des enfants et de violence conjugale aient varié au cours de la pandémieNote de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 31, il s’agit de deux formes de violence qui ont lieu à la maison et qui sont fortement associées aux idées suicidaires et aux tentatives de suicideNote de bas de page 32Note de bas de page 33. Dans la mesure où les mots « préoccupations » et « craintes » (employés dans l’enquête) peuvent être des euphémismes traduisant des expériences de violence réelles, les interventions qui réduisent le risque par des mesures de soutien social, c’est-à-dire l’amélioration du suivi clinique et l’aide à l’autonomie financière des victimes de violenceNote de bas de page 28, pourraient avoir comme bénéfice secondaire de réduire les envies suicidaires.
Les travailleurs de première ligne et les travailleurs essentiels ont éprouvé des stress professionnels pendant la pandémie qui pourraient avoir eu un effet sur leur santé mentale et entraîné des comportements suicidairesNote de bas de page 21Note de bas de page 34Note de bas de page 35Note de bas de page 36. D’après notre analyse des données de l’ECSM de 2020, les travailleuses de première ligne étaient significativement plus susceptibles de faire état d’idées suicidaires que les autres femmes, mais la situation s’est inversée dans l’ECSM de 2021, où il semble que les travailleuses de première ligne aient été significativement moins susceptibles de faire état d’idées suicidaires. Une explication possible serait que les personnes ayant vécu les pires répercussions au début de la pandémie se soient retrouvées en congé pour cause de stress et n’aient donc pas travaillé pendant la seconde période d’enquête. Dans l’ensemble, les données sur la santé mentale des travailleurs de la santé sont lacunairesNote de bas de page 34, et il faudrait des études approfondies pour que l’on comprenne l’incidence des blessures morales, de l’épuisement professionnel et du stress lié à la pandémie sur les envies suicidaires au sein de ces groupes de travailleurs. La corrélation négative que nous avons observée entre, d’une part, les idées suicidaires et, d’autre part, les indicateurs d’une bonne santé mentale et l’activité physique, va dans le même sens que d’autres données probantesNote de bas de page 3Note de bas de page 37Note de bas de page 38Note de bas de page 39.
Points forts et limites
Notre étude s’est appuyée sur deux cycles d’une enquête populationnelle représentative sur le plan national et a analysé, au moyen de mesures normalisées, l’idéation suicidaire en fonction d’un large éventail de facteurs liés à la COVID-19, de risques pour la santé et de risques sociaux. Ces points forts sont similaires à ceux qui ont été mentionnés à l’occasion d’études antérieures également fondées sur l’ECSMNote de bas de page 3Note de bas de page 11. Néanmoins, il faut tenir compte de plusieurs limites dans l’interprétation de nos résultats.
Les estimations de la prévalence et des rapports de cotes reposent sur les données regroupées des deux cycles d’enquête et ne reflètent donc pas un point temporel unique de la pandémie. Une autre limite est que le laps de temps sur lequel portaient les questions à propos des idées suicidaires n’était pas le même pour les deux cycles.
De plus, les effets qu’ont pu avoir le modeste taux de réponse aux questions sur le suicide et le refus par certains répondants de partager leurs données à ce sujet avec l’ASPC ne sont pas clairs, bien que Statistique Canada ait pondéré les échantillons au moyen d’un processus de pondération poussé tenant compte des facteurs démographiques et d’autres variables et ait également procédé à une étape de contrôle de la qualité visant à réduire les biais. En outre, il s’agissait d’une enquête transversale, ce qui rend difficile la détermination de la relation temporelle entre, d’une part, les idées suicidaires et, d’autre part, les répercussions de la pandémie et d’autres facteurs indépendants. Les idées suicidaires et les troubles mentaux ont été estimés en fonction de l’autoévaluation des répondants et des réponses aux questions de sélection et non à partir de diagnostics cliniques, et les stratégies d’adaptation n’ont pas été mesurées au moyen d’outils validés spécifiques, ce qui fait que les données pourraient comporter des biais.
Enfin, la variable de résultat des idées suicidaires et plusieurs autres variables incluses dans l’étude (comme les craintes liées à la violence domestique) étaient assez peu répandues. Afin de tenir compte de cela et d’atteindre une puissance statistique maximale, nous avons utilisé un niveau alpha (signification statistique) de 0,05. Une telle approche pourrait avoir donné de faux positifs en raison du grand nombre de comparaisons effectuées au cours des travaux.
Conclusion
La pandémie de COVID-19 a été fortement associée à la présence d’idées suicidaires chez les adultes au Canada. Notre étude contribue, en temps opportun, à la compréhension de l’influence de la pandémie sur la santé mentale de la population, et les résultats de celle-ci pourraient servir à la mise au point d’interventions visant les facteurs à l’origine des envies suicidaires. Nos travaux pourraient aussi servir à l’élaboration de politiques et de programmes de santé publique ciblant en particulier les groupes de population qui risquent fortement d’avoir des idées suicidaires, par exemple les personnes ayant un trouble mental et celles qui ont subi de multiples répercussions de la pandémie et ont récemment augmenté leur consommation d’alcool ou de drogue.
Les résultats sont généralisables à la population adulte du Canada, mais certains sous-groupes de population au sein desquels la prévalence des idées suicidaires était élevée avant la pandémie ne faisaient pas partie de la base de sondage de l’ECSM (par exemple les jeunes) ou n’étaient pas distinguables au sein de l’ensemble de données (par exemple les membres de la communauté LGTBQ2+). De nouvelles études devraient explorer les idées suicidaires au sein de ces sous-groupes de population.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier Mary Sue Devereaux pour son aide en matière de rédaction.
Conflits d’intérêts
Les auteures n’ont aucun conflit d’intérêts à déclarer.
Contributions des auteurs et avis
Tous les auteurs ont donné leur avis sur la conception et l’élaboration de l’analyse. LL a mené l’analyse statistique. Tous les auteurs ont participé à l’interprétation des résultats. NJP et LL ont rédigé et revu l’article. Tous les auteurs ont participé à l’examen critique de chacune des versions de l’article et en ont approuvé la version finale.
Le contenu et les conclusions de cet article n’engagent que les auteurs et ne sont pas nécessairement représentatifs de la position officielle du gouvernement du Canada.
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