Le syndrome pulmonaire à hantavirus au Canada

RMTC

Volume 41-6, le 4 juin 2015 : Les maladies à transmission vectorielle au Canada

Aperçu

Le syndrome pulmonaire à hantavirus au Canada : Aperçu du tableau clinique, des diagnostics, de l’épidémiologie et de la prévention

Drebot MA1*, Jones S1, Grolla A1, Safronetz D1, Strong JE1, Kobinger G1, Lindsay RL1

Affiliation

1 Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Winnipeg (Manitoba)

Correspondance

mike.drebot@phac-aspc.gc.ca

DOI

https://doi.org/10.14745/ccdr.v41i06a02f

Résumé

Le syndrome pulmonaire à hantavirus est une maladie causée par l'inhalation d'excréments de souris sylvestres infectées. Au Canada, la majorité des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus se manifestent dans les provinces de l'Ouest, soit la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, et la principale cause de la maladie est le virus Sin Nombre. Un seul cas de syndrome pulmonaire à hantavirus a été documenté dans l'est du Canada (au Québec); toutefois, des souris sylvestres infectées par le virus Sin Nombre ont été repérées dans l'ensemble du pays. Bien que les cas soient rares (le nombre de cas par an varie de 0 à 13, et le nombre total de cas confirmés au Canada est actuellement de 109), le taux de mortalité chez les personnes infectées est d'environ 30 %. La majorité des cas surviennent au printemps et au début de l'été, ce qui indique que les facteurs de risque d'exposition virale sont liés aux saisons. En 2013 et en 2014, on a observé une importante augmentation du nombre de cas de syndrome pulmonaire à hantavirus; toutefois, la cause de cet accroissement n'est pas élucidée. Il n'existe actuellement aucun antiviral ni aucun vaccin, et le traitement en est un de soutien. L'éducation du public, la lutte contre les rongeurs et l'utilisation de mesures de protection individuelle sont essentielles afin d'éviter les infections chez les populations à risque.

Introduction

Une Canadienne de 26 ans de la région des Prairies a été admise à l'unité de soins intensifs en raison d'une détresse respiratoire aiguë. Elle était auparavant en bonne santé et ne présentait pas d'antécédents médicaux notables autres que deux grossesses et accouchements normaux; elle n'avait pas d'allergie et ne présentait aucun antécédent familial d'asthme ni antécédent de trauma. Environ une semaine avant son admission, elle a commencé à se sentir mal, signalant un mal de tête et une fièvre de faible grade. Le jour précédant son admission, elle a commencé à avoir une toux sèche, puis à éprouver un essoufflement croissant. En réponse à un interrogatoire rigoureux, son époux a déclaré que la seule activité inhabituelle que sa femme avait menée environ deux semaines avant l'apparition des symptômes était le nettoyage de leur vieux garage, qu'elle avait complètement vidé, avant d'y passer l'aspirateur. Elle avait alors fait un commentaire sur l'abondance des excréments de souris dans le garage. Un clinicien perspicace a envoyé des échantillons de sang au Laboratoire national de microbiologie pour les soumettre à des tests diagnostiques de détection de l'hantavirus. Malgré une ventilation mécanique intense et une administration consciencieuse de liquides, la femme a fini par présenter un œdème pulmonaire considérable, est entrée en état de choc, puis est décédée, 24 heures après son admission. Son infection par le virus Sin Nombre a été établie par des tests sérologiques et moléculaires, qui ont ainsi confirmé qu'elle avait contracté le syndrome pulmonaire à hantavirus.

Le syndrome pulmonaire à hantavirus est une maladie respiratoire rare associée à l'inhalation d'excréments de rongeurs (urine et matières fécales) passés à l'état d'aérosol contaminés par des particules d'hantavirusNote de bas de page 1Note de bas de page 2. Jusqu'à récemment, seulement de quatre à six cas de syndrome pulmonaire à hantavirus étaient diagnostiqués par année au Canada. La plupart des cas se présentaient en Alberta, mais des cas ont également été signalés en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Manitoba et au QuébecNote de bas de page 3Note de bas de page 4. Au cours des deux dernières années, on a observé une augmentation importante du nombre annuel total de cas du syndrome pulmonaire à hantavirus diagnostiqués au Canada. Tous les cas sont survenus dans des milieux ruraux, et environ 70 % des cas ont été associés à des activités domestiques ou agricoles.

L'objectif du présent article est de passer en revue le tableau clinique et le diagnostic en laboratoire du syndrome pulmonaire à hantavirus et de décrire les tendances épidémiologiques qui ont été observées au Canada de 1994 à 2014.

Bien que quatre espèces de l'hantavirus aient été désignées comme agents étiologiques du syndrome pulmonaire à hantavirus en Amérique du NordNote de bas de page 5 le virus Sin Nombre est le plus souvent associé à ce syndrome au Canada et aux États-Unis, et son réservoir primaire est la souris sylvestre, Peromyscus maniculatusNote de bas de page 3Note de bas de page 6.

Virus Sin Nombre

Le virus Sin Nombre fait partie du genre hantavirus (famille Bunyaviridae)Note de bas de page 7Note de bas de page 8. La famille Bunyaviridae englobe un vaste groupe de divers virus à ARN comportant un génome tripartite composé de segments S, M et L. Cette famille compte actuellement cinq genres, soit Orthobunyavirus, Nairovirus, Phlebovirus, Tospovirus et Hantavirus, qui contiennent tous des virus importants sur les plans agricole et médical. Le genre hantavirus a été conçu en 1983 et, à l'heure actuelle, le Comité international de taxonomie des virus reconnaît plus de 20 espèces uniques au sein du genre hantavirusNote de bas de page 7Note de bas de page 8. Environ la moitié de ces espèces sont associées à des maladies humaines comme la fièvre hémorragique avec syndrome rénal et le syndrome pulmonaire à hantavirus. Les débordements sont très rares, et chaque espèce d'hantavirus est habituellement associée à un seul réservoir de rongeurs; la coévolution avec des rongeurs hôtes se produit probablement depuis les milliers, voire des millions d'annéesNote de bas de page 8Note de bas de page 9.

Incubation et transmission

Le virus Sin Nombre est le plus souvent associé à l'inhalation d'excréments contaminés, principalement d'urine et moins souvent de matières fécales de souris sylvestresNote de bas de page 4Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12 (Figure 1). Le virus se trouve également dans la salive et, par conséquent, les morsures sont une voie de transmission potentielle; toutefois, peu de cas directement associés à des morsures de souris ont été documentés. La transmission interhumaine du syndrome pulmonaire à hantavirus n'a pas été documentée en Amérique du Nord, mais elle a été associée, au Chili et en Argentine, à des infections par le virus AndesNote de bas de page 9. Il est intéressant de souligner que la transmission interhumaine du virus Andes se produit principalement dans des grappes familiales, et que le risque de transmission est associé à des contacts étroits, y compris le contact sexuel au cours de la phase prodromique de la maladie; les infections nosocomiales sont rares, mais ont été signaléesNote de bas de page 13. On a déterminé que la période d'incubation du syndrome pulmonaire à hantavirus dure de 9 à 33 jours, et que le délai médian de l'apparition des symptômes est de 14 à 17 jours après l'exposition, mais des périodes d'incubation de 46 à 51 jours ont été signalées (Note de bas de page 14, Drebot, observation non publiée).

Figure 1 : Illustration du cycle de transmission typique des virus du genre hantavirus

Figure 1 : Illustration du cycle de transmission typique des virus du genre hantavirus

Description textuelle : Figure 1

Figure 1 : Illustration du cycle de transmission typique des virus du genre hantavirus

Cette figure indique le cycle de transmission du hantavirus. Elle indique que ce virus circule principalement parmi les rongeurs avec une transmission horizontale d'un rongeur chroniquement infecté vers les autres rongeurs de façon circulaire. Les humains sont représentés comme un hôte secondaire qui dérivent du cercle et elle indique aussi que le virus est présent dans les excréments des rongeurs passés à l'état d'aérosol et que les humains sont infectés en inhalant ces excréments à l'état d'aérosol.


Tableau clinique

Le syndrome pulmonaire à hantavirus se divise en quatre phases de maladie : prodromique fébrile, cardiopulmonaire, diurétique et de convalescenceNote de bas de page 1Note de bas de page 14Note de bas de page 15. Dès l'inhalation d'excréments contaminés par le virus Sin Nombre, une importante infection des cellules endothéliales pulmonaires se produit et une virémie s'amorceNote de bas de page 14. À la suite de la période d'incubation, les personnes manifestent habituellement un prodrome fébrile, caractérisé par de la fièvre, des frissons, des maux de tête occasionnels et, parfois, des symptômes gastro-intestinaux.

La maladie clinique est caractérisée par une maladie fébrile (température corporelle supérieure à 38,3 °C) accompagnée d'un œdème interstitiel bilatéral diffus qui ressemble au syndrome de détresse respiratoire aiguë à la radiographie. La déficience respiratoire nécessitant une oxygénothérapie d'appoint apparaît souvent dans les 72 heures suivant l'hospitalisationNote de bas de page 1. Une thrombocytopénie et un hématocrite élevé sont des caractéristiques très sensibles et spécifiques de détection du syndrome pulmonaire à hantavirus chez les patients semblant présenter cette maladieNote de bas de page 16. De trois à six jours après l'apparition des symptômes initiaux, le patient entame la phase cardiopulmonaire, se manifestant généralement par la toux et l'essoufflement; un œdème pulmonaire et la détérioration de la fonction cardiopulmonaire peuvent ensuite se produire rapidement dans les 24 heures suivantes. La mort par insuffisance respiratoire, dysfonctionnement myocardique et état de choc peut survenir dans un délai de 48 heures. Les personnes qui survivent à la phase cardiopulmonaire passent à la troisième phase (diurétique), dont le pronostic est nettement plus favorable. Durant deux à quatre jours, ces patients s'améliorent rapidement; leurs symptômes et leur œdème pulmonaire disparaissent. La dernière phase (de convalescence) peut durer des mois, au cours desquels la faiblesse, la fatigue et le dysfonctionnement pulmonaire persistentNote de bas de page 1Note de bas de page 4.

Traitements et vaccins

Il n'existe actuellement aucun traitement antiviral éprouvé ni vaccin pour lutter contre le syndrome pulmonaire à hantavirusNote de bas de page 17. La prise en charge clinique est fondée sur l'administration consciencieuse de liquides et une oxygénothérapie d'appoint intense. Le cas échéant, on peut envisager l'utilisation de l'oxygénation extracorporelle en traitement du syndrome pulmonaire à hantavirus au stade avancé. Généralement, l'oxygénation extracorporelle est réservée au syndrome pulmonaire à hantavirus au stade avancé et, dans le passé, elle a été associée à de faibles taux de survie. Cette intervention a été utilisée avec un degré important de succès à l'Université du Nouveau-Mexique, où près de 70 % des cas graves se sont remis après le traitement, mais ce dernier doit être amorcé rapidement après l'apparition de l'état de choc ou de l'insuffisance respiratoireNote de bas de page 14Note de bas de page 17.

Facteurs de risque et prévention

Les facteurs de risque d'une infection par les virus du genre hantavirus comprennent habituellement la participation à des activités de plein air comme des activités associées aux régions rurales et forestières, l'infestation de l'environnement péridomestique par des rongeurs, l'exposition à de la poussière potentiellement infectée et la formation militaire menée à l'extérieurNote de bas de page 18. Aux États-Unis, des études cas-témoins ont révélé que le nettoyage péridomestique, les activités agricoles et une augmentation du nombre de petits mammifères au sein des ménages étaient des facteurs de risque de syndrome pulmonaire à hantavirusNote de bas de page 19Note de bas de page 20 tout comme le fait d'entrer dans des structures rarement utilisées infestées de rongeurs ou de nettoyer ces lieuxNote de bas de page 21. Les composantes clés de la prévention se concentrent sur la manipulation sûre des rongeurs, la désinfection et les méthodes d'exclusion des rongeursNote de bas de page 22 et la prévention de la maladie passe principalement par l'éducation du public. Les mesures de réduction des risques personnels comprennent la reconnaissance des rongeurs et des signes d'infestation de rongeurs, la prévention de l'infestation du domicile par des rongeurs, l'utilisation de méthodes appropriées (p. ex. ventilation) et l'utilisation d'équipement de protection individuelle et de désinfectants pour nettoyer les endroits contaminés par des excréments de souris ou pour entrer dans ces lieuxNote de bas de page 3Note de bas de page 22.

Diagnostic en laboratoire

Le diagnostic en laboratoire est établi par l'un ou l'autre des critères suivants : présence d'IgM dirigé contre l'hantavirus ou multiplication par quatre ou plus du titre d'anticorps IgG, résultat positif à la transcription inverse-amplification en chaîne de la polymérase (TI-ACP) de l'ARN viral ou résultat positif à une technique immunohistochimique de dépistage de l'antigène de l'hantavirus dans un tissu du patient. L'isolement du virus à partir d'échantillons cliniques est difficile à réaliser et il n'est habituellement pas effectué durant les enquêtes des cas soupçonnésNote de bas de page 1Note de bas de page 4Note de bas de page 14.

Le diagnostic de référence du syndrome pulmonaire à hantavirus est fondé sur le dépistage d'anticorps dirigés contre l'hantavirusNote de bas de page 4. Les anticorps de la classe d'immunoglobulines (Ig) M sont présents pendant les premiers stades cliniques du syndrome pulmonaire à hantavirus. Des anticorps IgG dirigés contre les protéines structurelles du virus Sin Nombre, telles que la capside nucléique ou les glycoprotéines G1 et Gn, peuvent être détectés assez souvent, même dans la phase prodromiqueNote de bas de page 1Note de bas de page 4.

Épidémiologie au Canada

Le Canada a adopté la définition de cas du syndrome pulmonaire à hantavirus recommandée par l'Organisation panaméricaine de la santéNote de bas de page 1. Un cas confirmé est une personne présentant la maladie clinique et dont l'infection a été confirmée en laboratoire. La surveillance active du syndrome pulmonaire à hantavirus a commencé en 1994, et ce syndrome est devenu une maladie à déclaration obligatoire en janvier 2000Note de bas de page 3. En date du 31 décembre 2014, un total de 109 cas de syndrome pulmonaire à hantavirus confirmés en laboratoire ont été documentés au Canada (Kobinger, Grolla, Jones, Lindsay, Drebot et Strong, observation non publiée), et plus de 600 cas ont été signalés aux États-UnisNote de bas de page 6Note de bas de page 23. En moyenne, de quatre à cinq cas de syndrome pulmonaire à hantavirus sont diagnostiqués chaque année, le nombre annuel fluctuant de 0 à 13 cas (Figure 2). Après la surveillance active instaurée en 1994, trois cas ont été rétrospectivement établis, en 1989, 1990 et 1992.

Figure 2 : Répartition et nombre total des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus (n = 109) signalés au Canada, de 1989 à 2014

Figure 2 : Répartition et nombre total des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus (n = 109) signalés au Canada, de 1989 à 2014

Description textuelle : Figure 2

Figure 2 : Répartition et nombre total des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus (n = 109) signalés au Canada, de 1989 à 2014

Années Colombie-Britannique Alberta Saskatchewan Manitoba Québec
1989 - 1 - - -
1990 - 1 - - -
1991 - - - - -
1992 - 1 - - -
1993 - - - - -
1994 4 3 1 - -
1995 1 2 - - -
1996 1 1 1 - -
1997 - 6 1 - -
1998 - 4 2 - -
1999 - 1 - 1 -
2000 - 1 1 1 -
2001 - 2 - - -
2002 1 4 2 - -
2003 - - 3 - -
2004 - 1 4 - 1
2005 1 5 1 - -
2006 1 1 2 - -
2007 1 3 - 1 -
2008 - 2 1 - -
2009 - - - - -
2010 - 3 2 - -
2011 - 1 2 - -
2012 - 4 1 1 -
2013 2 8 3 - -
2014 1 5 4 - -

En 2013 et 2014, 13 et 10 cas ont été signalés, respectivement, soit une forte augmentation du nombre de cas de syndrome pulmonaire à hantavirus, par rapport aux années précédentes (Figure 2). Des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus ont été diagnostiqués tous les mois, mais on observe que les infections atteignent un sommet évident au printemps et au début de l'été, car plus de 60 % des cas surviennent dans la période s'étendant d'avril à juillet (Figure 3). L'âge moyen des cas était de 40 ans (intervalle de 7 à 76 ans), et la majorité des cas étaient des hommes (67 %, soit 74/109). Au Canada, le taux de létalité documenté est de 29 % (30/105) (l'issue de quatre patients n'est pas connue), et le taux de mortalité observé est plus élevé chez les femmes (39 %) que chez les hommes (24 %). Le nombre de cas et les taux de mortalité sont habituellement plus faibles chez les enfants (de 0 à 10 ans) et les personnes âgées (60 ans et plus), la majorité des infections survenant chez les adolescents (de 13 à 19 ans; 9,1 % de tous les cas de syndrome pulmonaire à hantavirus), les jeunes adultes (de 20 à 40 ans; 33,6 %) et les adultes d'âge moyen (de 41 à 60 ans; 50 %). Une tendance semblable selon l'âge des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus a été observée aux États-UnisNote de bas de page 6, et on ignore pourquoi les enfants semblent être exposés à un risque réduit de contracter ce syndrome. Il convient de souligner que des cas bénins et infracliniques de syndrome pulmonaire à hantavirus peuvent se produire chez une minorité de personnes infectées; les médecins doivent être conscients que l'éventail de la gravité de la maladie est vasteNote de bas de page 24Note de bas de page 25.

Figure 3 : Distribution saisonnière des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus (SPH) au Canada (n = 109)

Figure 3 : Distribution saisonnière des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus (SPH) au Canada (n = 109)

Description textuelle : Figure 3

Figure 3 : Distribution saisonnière des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus (SPH) au Canada (n = 109)

Mois Cas de
janvier 5
février 1
mars 2
avril 10
mai 23
juin 22
juillet 15
août 8
septembre 4
octobre 8
novembre 5
décembre 7

Malgré la détection de souris infectées par le virus Sin Nombre partout au Canada, 99 % des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus se sont produits dans les quatre provinces de l'Ouest, à l'intérieur ou aux abords de la zone géographique des plaines de l'Ouest. Un seul cas a été signalé dans l'est du Canada (au Québec) (Figure 2). L'Alberta compte plus de la moitié des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus diagnostiqués, avec 60 des 109 cas signalés (55 %). Un déséquilibre semblable d'un plus grand nombre de cas de syndrome pulmonaire à hantavirus dans l'ouest est observé aux États-UnisNote de bas de page 6Note de bas de page 23Note de bas de page 26. Un regroupement spatial de cas de syndrome pulmonaire à hantavirus existe et plusieurs cas d'infection humaine associés à une exposition commune à des excréments de rongeurs (p. ex. lors d'une activité de nettoyage) ont été observés à deux occasionsNote de bas de page 27. L'analyse de la séquence des nucléotides des segments génomiques M et S du virus Sin Nombre des souris sylvestres infectées recueillies au Canada a révélé des polymorphismes et des empreintes génétiques en corrélation avec l'emplacement géographique de la collecteNote de bas de page 28. Cependant, on ignore si les souches occidentales du virus Sin Nombre sont plus virulentes que celles de l'Est, ou si d'autres facteurs encore indéterminés sont responsables du nombre disproportionné de cas de syndrome pulmonaire à hantavirus survenant dans l'ouest du Canada. La génétique des populations de souris sylvestres et les différences inhérentes de la prévalence du virus Sin Nombre sont d'autres facteurs qui peuvent jouer un rôle dans le déséquilibre de la répartition des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus au Canada et qui nécessitent une enquête approfondieNote de bas de page 28.

Deux cas importés de syndrome pulmonaire à hantavirus (un de la Bolivie et un de l'Argentine) ont également été signalés au CanadaNote de bas de page 4Note de bas de page 29. L'un des cas importés concernait un Canadien qui avait voyagé en Argentine et était tombé malade une semaine après son retour à son domicile, en Saskatchewan. On a établi par une épreuve sérologique que la personne avait été exposée à un hantavirus; elle est décédée peu de temps après avoir été identifiée comme un cas de syndrome pulmonaire à hantavirus. Le patient avait passé plusieurs semaines en Argentine, mais il est possible qu'il ait été infecté après son retour au Canada. La détermination du pays où il avait effectivement été exposé n'a pas pu être initialement vérifiée, en raison de la réactivité croisée sérologique possible des hantavirus canadien et sud-américain. L'identification et la caractérisation phylogénétique de l'ARN de l'hantavirus dans les caillots sanguins du patient ont confirmé que l'infection était associée à un hantavirus argentin relatif à la lignée du virus Andes. L'utilisation de la réaction de polymérisation en chaîne et du séquençage de l'amplicon a non seulement confirmé dans quel pays le patient avait été exposé au virus, mais a également fourni une chronologie établissant une période d'incubation de plus d'un mois entre le moment de l'exposition et celui de l'apparition des symptômes. Des modalités d'épidémiologie moléculaire semblables ont servi à identifier le cas importé de la BolivieNote de bas de page 29.

Épidémiologie moléculaire

Bien que l'identification et la caractérisation génétiques du virus de l'infection ne soient pas toujours possibles, lorsque des échantillons appropriés (p. ex. sang total prélevé pendant la phase aiguë) étaient disponibles et que l'on avait effectué un séquençage de l'amplicon par réaction en chaîne de la polymérase, le virus Sin Nombre a toujours été identifié comme l'agent étiologique du syndrome pulmonaire à hantavirus au Canada. Conformément à la caractérisation phylogénique antérieure du virus Sin Nombre de souris sylvestres infectées au Canada, le génotype du virus associé aux cas de syndrome pulmonaire à hantavirus correspond à un génogroupe (variante génétique) de l'ouest du Canada (Note de bas de page 28 Grolla et al. observation non publiée). Des enquêtes sur le terrain portant sur la comparaison des séquences du virus de souris recueillies près des lieux où les patients habitaient ou travaillaient ont démontré un haut degré de lien génétique et, dans certains cas, des correspondances exactes (Drebot et Lindsay, observation non publiée). La capacité de détecter les souris porteuses de la souche du virus associée à un cas de syndrome pulmonaire à hantavirus peut contribuer à faire la distinction entre les différents lieux d'expositions possibles (notamment à la vérification des cas importés). L'élégante enquête épidémiologique menée par Jay et ses collègues en 1995Note de bas de page 30 démontre l'utilité de l'épidémiologie moléculaire afin d'améliorer notre compréhension des facteurs de risque (et des sources d'infection) associés à l'infection à hantavirusNote de bas de page 31.

Surveillance des rongeurs

Au Canada, la souris sylvestre omniprésente est le principal réservoir du virus Sin Nombre, alors que d'autres espèces du genre hantavirus ont été détectées (p. ex. virus Prospect Hill) chez des campagnols à dos roux de gapperNote de bas de page 3. À ce jour, au Canada, la maladie n'a pas été associée à des espèces autres que le virus Sin Nombre (Strong, Golla, Kobinger et Drebot, observation non publiée). Selon la surveillance passive des virus du genre hantavirus chez les rongeurs, des souris infectées par le virus Sin Nombre ont été détectées dans toutes les provinces, à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-ÉcosseNote de bas de page 3Note de bas de page 28. À ce jour, il existe des preuves de la présence de souris infectées par le virus Sin Nombre au Yukon, mais pas dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Nunavut. Toutefois, seul un nombre limité de souris sylvestres des Territoires du Nord-Ouest a été soumis à des épreuves de dépistage et, par conséquent, le virus Sin Nombre peut être en circulation dans cette zone et d'autres régions du Canada. La répartition des souris infectées par le virus Sin Nombre est discontinue et concentrée; en effet, certaines populations de souris sylvestres ne sont pas infectées, alors que d'autres, vivant dans des secteurs relativement proches, présentent un taux élevé de séroprévalence (> 30 %Note de bas de page 3).

Discussion

Le syndrome pulmonaire à hantavirus est une maladie rare. Cependant, il y a eu une augmentation du nombre de cas signalés au cours des deux dernières années, ce qui indique que le risque d'infection persiste dans les localités canadiennes où le virus circule. La majorité des expositions au virus Sin Nombre se soldent par une maladie grave, mais les infections à hantavirus devraient également être envisagées dans le diagnostic différentiel de maladies fébriles non spécifiques. Cette recommandation est particulièrement pertinente en ce qui concerne les personnes chez qui une exposition à des rongeurs ou à leurs excréments est connue, habituellement à la suite du nettoyage de structures infestées par des rongeurs dans l'ouest du CanadaNote de bas de page 3. En outre, il est possible que des cas sans atteinte pulmonaire grave n'aient pas été diagnostiqués chez une minorité de patientsNote de bas de page 24Note de bas de page 25Note de bas de page 27.

Le virus Sin Nombre infecte des souris sylvestres partout au Canada; toutefois, presque tous les cas humains de syndrome pulmonaire à hantavirus se produisent dans les provinces de l'Ouest, soit la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba. Bien que le nombre de cas soit faible, par rapport à d'autres maladies infectieuses, le taux de mortalité demeure à environ 30 %, malgré une sensibilisation accrue relative au syndrome pulmonaire à hantavirus. Des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus ont été signalés tous les mois de l'année, mais la plupart surviennent au printemps et au début de l'été. Les facteurs de risque saisonniers liés au nettoyage de structures (p. ex. machines ou bâtiments associés à des chalets ou à des fermes) et la possibilité accrue de contact avec des excréments de souris sylvestres à cette période de l'année contribuent vraisemblablement au caractère saisonnier des cas de syndrome pulmonaire à hantavirusNote de bas de page 3Note de bas de page 6Note de bas de page 32.

Au Canada, le nombre de cas de syndrome pulmonaire à hantavirus a augmenté de façon notable au cours des deux dernières années, et cette tendance devrait faire l'objet d'une surveillance étroite. On ignore encore la raison du nombre élevé de cas de syndrome pulmonaire à hantavirus; toutefois, une hypothèse veut que la récente croissance du nombre de cas de ce syndrome puisse être attribuable à des populations de souris sylvestres exceptionnellement importantes, suite à des hivers doux et à une augmentation connexe de l'efficacité de la reproduction des populations locales de souris sylvestres. De plus grandes populations de souris infectées peuvent être à l'origine d'un nombre accru d'occasions d'exposition humaine aux excréments infectés et donc, du risque plus élevé de transmission de l'infection à hantavirus aux humainsNote de bas de page 12.

Conclusion

Le syndrome pulmonaire à hantavirus est une maladie rare transmise par les rongeurs qui survient principalement dans l'ouest de l'Amérique du Nord, en Amérique centrale et en Amérique du Sud. La prévention de cette maladie peut se faire par l'éducation du public à propos des risques associés à une exposition à des rongeurs et à leurs excréments et de l'utilisation de pratiques préventives efficaces. Les autorités de santé publique doivent continuer de mettre à jour et de modifier les messages existants en vue d'améliorer l'application de comportements de protection clés par les populations à risque au Canada. Étant donné que des cas importés de syndrome pulmonaire à hantavirus ont été signalés, on doit également rappeler aux voyageurs les risques des virus du genre hantavirus et les mesures à prendre pour prévenir une infection lorsqu'ils se trouvent à l'étrangerNote de bas de page 29Note de bas de page 1. Plusieurs questions de recherche demeurent sans réponse, notamment pourquoi le nombre de cas de syndrome pulmonaire à hantavirus a augmenté au cours des dernières années, ainsi que pourquoi la majorité des cas se produisent dans les provinces (et les États) de l'Ouest, malgré le fait que des souris sylvestres infectées par le virus Sin Nombre aient été détectées partout au Canada.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier les laboratoires provinciaux de santé publique pour leur aide dans l'investigation et la documentation des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus, ainsi que Melissa David pour son assistance technique en vue de générer les chiffres du présent article.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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