Augmentation de Neisseria meningitidis du sérogroupe W, 2019

RMTC

Volume 45-6, le 6 juin 2019 : La grippe : mise à jour

Surveillance

Hausse des cas de méningococcie invasive à Neisseria meningitidis ST-11 de sérogroupe W au Canada, de 2016 à 2018

RS Tsang1, L Hoang2, GJ Tyrrell3, J Minion4, P Van Caeseele5, JV Kus6,7, B Lefebvre8, D Haldane9,10, R Garceau11, G German12, G Zahariadis13,14, B Hanley15

Affiliations

1 Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Winnipeg (Manitoba)

2 BC Public Health Microbiology and Reference Laboratory, Vancouver (Colombie-Britannique)

3 Provincial Laboratory for Public Health, Edmonton (Alberta)

4 Saskatchewan Disease Control Laboratory, Regina (Saskatchewan)

5 Laboratoire provincial Cadham, Winnipeg (Manitoba)

6 Santé publique Ontario, Toronto (Ontario)

7 Department of Laboratory Medicine and Pathobiology, University of Toronto, Toronto (Ontario)

8 Laboratoire de santé publique du Québec, Institut national de santé publique du Québec, Sainte-Anne-de-Bellevue (Québec)

9 Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse, Halifax (Nouvelle-Écosse)

10 Université Dalhousie, Halifax (Nouvelle-Écosse)

11 Unité de contrôle des maladies transmissibles, Ministère de la Santé, gouvernement du Nouveau-Brunswick, Fredericton (Nouveau-Brunswick)

12 Ministère de la Santé, gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard, Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)

13 Provincial Public Health Laboratory, Eastern Health Microbiology Services, St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

14 Department of Laboratory Medicine, Faculty of Medicine, Memorial University of Newfoundland, St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

15 Centre de lutte contre les maladies transmissibles, Ministère de la santé et des affaires sociales, Whitehorse (Yukon)

Correspondance

raymond.tsang@canada.ca

Citation proposée

Tsang RS, Hoang L, Tyrrell GJ, Minion J, Van Caeseele P, Kus JV, Lefebvre B, Haldane D, Garceau R, German G, Zahariadis G, Hanley B. Hausse des cas de méningococcie invasive Neisseria meningitidis ST-11 du sérogroupe W au Canada, de 2016 à 2018. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2019;45(6):181–7. https://doi.org/10.14745/ccdr.v45i06a04f

Mots-clés : méningococcie invasive, Neisseria meningitidis, type de séquence, complexe clonal, type de séquence 11, sérogroupe W, Canada

Résumé

Contexte : De nombreux pays ont enregistré une hausse des cas de méningococcie invasive causée par une souche de Neisseria meningitidis de sérogroupe W (MenW) du complexe clonal (CC) de séquence type multilocus (ST)11. Le premier cas canadien de MenW a été signalé en Ontario en 2014. En 2016, cette souche avait entraîné des cas de méningococcie invasive dans cinq provinces et était responsable de 18,8 % des cas de méningococcie invasive au Canada.

Objectif : Faire le bilan sur l’infection à MenW invasive au Canada, notamment les caractéristiques de cette souche, la source des isolats du spécimen, l’âge, le sexe et la répartition géographique des cas.

Méthodologie : Des N. meningitidis provenant de cas de méningoccoccie invasive à culture positive sont régulièrement envoyées au Laboratoire national de microbiologie (LNM) aux fins d’analyse de sérogroupe, sérotype, séro-sous-type et type de séquence. Les données du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 ont été analysées en calculant la proportion de cas de méningococcie invasive causées par la MenW par rapport aux autres sérogroupes. De plus, des tendances fondées sur l’âge, le sexe et la répartition géographique des cas et de la source des isolats ont été analysées en fonction des renseignements figurant sur les formulaires de demande de spécimen.

Résultats : Au cours de cette période de trois ans, 292 isolats individuels de méningococcie invasive ont été analysés. Le pourcentage d’isolats de méningococcie invasive de type MenW a plus que doublé, passant de 19 % (n = 15) à 44 % (n = 51) en 2018, lorsque la MenW est devenue le sérogroupe le plus courant, dépassant le nombre de souches MenB, MenC et MenY. Au total, 93 isolats de MenW ont été relevés; 91 % (n = 85) appartenant au CC ST-11. Cette hausse de la MenW a touché toutes les tranches d’âge (mais était plus courante chez les personnes âgées de plus de 60 ans), les deux sexes et a été enregistrée dans l’ensemble du pays, mais de manière plus fréquente dans l’ouest du Canada. La source de spécimen la plus courante était le sang.

Conclusion : En 2018, MenW était le sérogroupe le plus courant pour les isolats reçus au LNM provenant de cas de méningococcie invasive à culture positive au Canada. Plus de 90 % des isolats du sérogroupe MenW appartenaient au CC ST-11. Le vaccin anti-méningococcique conjugué quadrivalent ACWY protège contre la méningococcie invasive causée par des souches des sérogroupes A, C, W et Y et peut donc protéger contre la méningococcie invasive causée par la nouvelle souche MenW ST-11; de plus amples recherches sont cependant nécessaires. L’émergence d’autres souches souligne l’importance de la caractérisation de la souche en matière de surveillance et de recherches relatives à la méningococcie invasive.

Introduction

La méningococcie invasive causée par la bactérie Neisseria meningitidis est une maladie à déclaration obligatoire (MADO) dans la plupart des pays, notamment le Canada, ainsi que selon l’Organisation mondiale de la SantéNote de bas de page 1. Les formes les plus graves de la méningococcie invasive comprennent la méningite et la septicémie, mais cette bactérie peut également entraîner une pneumonie, de l’arthrite septique et des infections localisées comme une conjonctivite et l’urétrite. Avant l’introduction de la vaccination courante contre le sérogroupe méningococcique C (MenC) au Canada, les taux d’incidence de méningococcie invasive étaient d’environ 1,0 cas pour 100 000 habitants; les taux augmentant lors d’éclosions d’infections à MenCNote de bas de page 2. Entre 1989 et 1993, par exemple, l’incidence de méningococcie invasive étaient de 1,4 à 1,6 cas pour 100 000 habitantsNote de bas de page 3. Depuis l’introduction des vaccins conjugués contre la MenC au milieu des années 2000, le taux d’incidence moyen global de méningococcie invasive au Canada a diminué pour s’établir à environ 0,6 pour 100 000 habitants, la plupart des cas étant dus aux souches MenB et MenY. Historiquement, la MenW n’est pas une cause majeure de méningococcie invasiveNote de bas de page 4.

Au Canada, la plupart des cas de méningococcie invasive sont confirmés par culture et/ou réaction en chaîne de la polymérase (PCR) dans des hôpitaux locaux et des laboratoires provinciaux de la santé publique provinciaux. Des isolats de la N. meningitidis invasive sont également couramment soumis au Laboratoire national de microbiologie (LNM) pour typage plus approfondit, notamment aux fins d’analyse antigénique et d’analyse clonale génétique.

Classification de la bactérie Neisseria meningitidis

Douze sérogroupes N. meningitidis ont été relevés en fonction de l’antigénicité de leurs polysaccharides capsulaires de surface. La plupart des méningococcies invasives sont causées par les six sérogroupes A (MenA), B (MenB), C (MenC), W (MenW), X (MenX) et Y (MenY)Note de bas de page 5Note de bas de page 6. La prévalence des divers sérogroupes varie en fonction des régions géographiquesNote de bas de page 5 et parfois également selon les programmes de vaccination locauxNote de bas de page 7.

Outre le polysaccharide capsulaire du sérogroupe contribuant à la virulence, la plupart des souches pouvant causer des éclosions ou des épidémies de méningococcies invasives appartiennent à un nombre limité de clones ou de lignées hypervirulents et sont classées par séquence type (ST). Les types de séquence apparentés sont regroupés en complexes clonaux (CC). Certains des clones hypervirulents bien établis ont été décrits sous les formes ST-11, ST-32et autres types de séquenceNote de bas de page 5Note de bas de page 8. Deux antigènes protéiques de la membrane externe, PorB et PorA, servent à classer plus précisément les souches, respectivement en sérotypes et séro-sous-typesNote de bas de page 9. Lorsque ces protéines de membrane externe sont utilisées avec l’antigène capsulaire, les souches peuvent être classées selon leur formule antigénique, par exemple, sérogroupe B : sérotype 4 : séro-sous-type P1.7,4. Cela permet d’effectuer le suivi de multiples variantes ainsi que l’épidémiologie de cette maladie.

Émergence de la méningite MenW

Des données recueillies au LNM au cours des cinq dernières années ont signalé l’émergence d’une souche clone ST-11 MenW au Canada, se caractérisant par les antigènes W:2a:P1.5,2. Ce clone a été détecté pour la première fois en Ontario en 2014Note de bas de page 10. En 2016, quatre autres provinces avaient déclaré des cas de méningococcie invasive due à ce clone MenWNote de bas de page 11.

Dans cette étude, nous présentons la caractérisation des isolats de cette méningococcie invasive soumis au LNM entre 2016 et 2018. Nous avons analysé les souches par typage antigénique et génétique ainsi que les tendances en fonction de l’âge, du sexe, de la répartition géographique des cas et de la source des spécimens.

Méthodologie

Isolats bactériens

Des N. meningitidis invasives cultivées et identifiées dans des hôpitaux locaux et des laboratoires de diagnostic sont couramment soumises à leur laboratoire de santé publique provincial respectif aux fins de détermination ou de confirmation du sérogroupe. Les provinces et les territoires transmettent de tels isolats au LNM pour un typage supplémentaire dans le cadre de la surveillance nationale de la méningococcie invasive.

La présente étude a utilisé des isolats de N. meningitidis obtenus de cas individuels de méningococcie invasive et n’a pas inclus de cas diagnostiqués par PCR ou détection d’antigène. La plupart des isolats que reçoit le LNM proviennent de cas de méningococcie invasive à culture positive. Des études antérieures ont indiqué que 90 % des cas de méningococcie invasive relevés par les provinces et territoires correspondaient à des isolats reçus au LNMNote de bas de page 12Note de bas de page 13, ce qui suggère que le LNM possède un échantillon robuste et représentatif.

La présente étude a inclus tous les isolats N. meningitidis invasifs obtenus de cas de méningococcie invasive confirmée par culture soumis au LNM entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2018. Les isolats en double de mêmes patients ont été retirés de l’analyse.

Typage de la Neisseria meningitidis

Au LNM, les isolats ont été caractérisés par des méthodes standards, afin de déterminer leur formule antigénique (sérogroupe:sérotype:séro-sous-type). Le typage par séquençage multilocus (MLST) a été effectué selon les procédures précédemment décritesNote de bas de page 14Note de bas de page 15 et les isolats ont été classés en types de séquence et complexes clonaux conformément aux procédures décrites sur lesite Web Neisseria MLSTNote de bas de page 16.

Données démographiques et source de spécimen

Les renseignements sur l’âge et le sexe de chaque patient ainsi que l’origine géographique et la source de chaque spécimen proviennent de formulaires de demande fournis avec les spécimens par les laboratoires de santé provinciaux publics. Pour l’origine géographique, nous avons combiné les données pour le Canada atlantique (Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard) ainsi que pour le Nord du Canada (Territoires du Nord-Ouest, Nunavut, Yukon).

Résultats

Entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2018, 292 isolats de cas individuels au total ont été envoyés au LNM : 80 en 2016, 97 en 2017 et 115 en 2018.

Répartition des sérogroupes

La répartition des sérogroupes des cas de méningococcie invasive confirmée par culture a varié au cours de cette période de trois ans. Le nombre d’isolats de MenC est demeuré faible, fluctuant entre trois et huit isolats par an. La proportion des isolats de méningococcie invasive de type MenB et MenY a enregistré une tendance à la baisse au cours de cette période de trois ans. Le nombre d’isolats de type MenW a augmenté, passant de 15 en 2016 à 51 en 2018 et a dépassé le nombre d’isolats MenB ou MenY en 2018 (figure 1).

Figure 1 : Répartition des sérogroupes de Neisseria meningitidis provenant de cas de méningococcie invasive au Canada, de 2016 à 2018

Figure 1 : Répartition des sérogroupes de Neisseria meningitidis provenant de cas de méningococcie invasive au Canada, de 2016 à 2018

Description textuelle : Figure 1

Figure 1 : Répartition des sérogroupes de Neisseria meningitidis provenant de cas de méningococcie invasive au Canada, de 2016 à 2018

Cette figure est une représentation graphique identifiant le nombre d’isolats (axe des ordonnées) reçus par le Laboratoire national de microbiologie par année (axe des abscisses). Ce graphique identifie que le nombre d’isolats de cas de MenC a été faible (trois en 2016; huit en 2017; quatre en 2018). Le nombre d’isolats de cas de MenB a légèrement diminué (28 en 2016; 38 en 2017; 33 en 2018). Le nombre d’isolats de cas de MenY est resté relativement stable (21 en 2016; 24 en 2017; 24 en 2019). Le nombre d’isolats de cas de MenW a augmenté (15 en 2016; 27 en 2017; 51 en 2018).


Caractéristiques des souches

Sur les 93 isolats de MenW, 85 (91 %) ont été déterminés comme de CC ST-11, six (6 %) de CC ST-22 et un de CC ST-60 (ST-11739); un isolat n’a été affecté à aucun complexe clonal connu (ST-1308). Le type ST-11 a été déterminé pour la majorité (n = 83, soit 98 %) des isolats de MenW CC ST-11; seulement deux ont été identifiés comme variantes à locus unique de ST-11. Parmi ces variantes, l’une était de type ST-12818 et l’autre de type ST-13250. Il a été déterminé que la plupart des MenW de CC ST-11 présentaient l’antigène de sérotype 2a (n = 76; 89 %) et la plupart était de type 2a:P1.5,2 (n = 42; 49 %) ou 2a:P1.2 (n = 31; 36 %). Les six MenW de CC ST-22 étaient de type NT (non typable):P1.6. La MenW ne pouvant être classée dans aucun des CC connus a reçu le type 4:P1.16 et la MenW de CC ST-60 a été typée 2a:P1.5,2.

Cinq types de séquence ont été relevés parmi les six MenW de CC ST-22 : un isolat de ST-22, deux de ST-184 et un de ST-1158, de ST-1124 et de ST-8974. Pour les cinq isolats non ST-22, six des sept gènes constitutifs des types de séquence étaient identiques à ceux de ST-22 (variantes à locus unique de ST-22).

Données démographiques et source de spécimen

Entre 2016 et 2018, plus de la moitié (n = 55, 65 %) des cas de MenW CC ST-11 concernait des adultes de plus de 30 ans (notamment 34 cas, c'est-à-dire 40 %, de plus de 60 ans), alors que 19 % (n = 16) étaient de 16 à 30 ans (tableau 1). En 2018, neuf (19 %) des 47 cas étaient de moins de six ans; cinq étant de moins de 12 mois (tableau 1). En revanche, seuls deux cas de moins de six ans ont été enregistrés pour la période combinée de 2016 et 2017. Sur les 85 cas au cours de la période de l’étude, 46 étaient des femmes.

Tableau 1 : Répartition selon l’âge et le sexe des cas de méningococcie invasive causée par le sérogroupe W Neisseria meningitidis (MenW) de complexe clonal ST-11, de 2016 à 2018, au Canada
Âge et sexe des cas Nombre de cas par an Nombre total de cas
2016 2017 2018
Sexe Homme 9 12 18 39
Femme 4 13 29 46
Âge Moins de 12 mois 0 1 5 6
1 à 5 ans 1 0 4 5
6 à 15 ans 1 2 0 3
16 à 30 ans 2 7 7 16
31 à 60 ans 3 5 13 21
Plus de 60 ans 6 10 18 34
Tous les âges 13 25 47 85

L’augmentation de la MenW a été particulièrement significative dans l’Ouest du Canada (tableau 2). La proportion de MenW parmi tous les isolats de méningococcie invasive entre 2016 et 2018 était de 57 % en Colombie-Britannique, 50 % en Alberta, 43 % en Saskatchewan et 46 % au Manitoba, alors que les pourcentages globaux des isolats de méningococcie invasive de type MenW étaient de 25 % en Ontario et 17 % au Québec. Dans le Canada atlantique, seul un isolat de cas de MenW a été enregistré au cours de cette même période de trois ans. Le LNM n’a reçu qu’un seul MenW sur un total de deux isolats de méningococcie invasive du Nord du Canada.

Tableau 2 : Répartition temporelle et géographique des méningococcies invasives de culture positive pour des isolats de tous les sérogroupes et du sérogroupe W Neisseria meningitidis (MenW) au Canada, selon le complexe clonalNote a de Tableau 2
Région 2016 2017 2018 2016 à 2018
Tous les isolats de méningococcie invasive MenW ST-11 MenW non ST-11 Tous les isolats de méningococcie invasive MenW ST-11 MenW non ST-11 Tous les isolats de ménin-gococcie invasive MenW ST-11 MenW non ST-11 Nombre total d’isolats de méningococcie invasive
C.-B. 11 2 0 23 13 1 22 14 2 56
Alb. 7 1 1 8 4 0 19 11 0 34
Man., Sask. 6 2 1 8 2 0 6 3 1 20
Ont. 24 5 0 26 4 0 31 11 0 81
Qc 25 3 0 24 2 1 26 6 1 75
N.-B., T.-N. L., N.-É., Î.-P.-É. 6 0 0 8 0 0 10 1 0 24
T.N.-O., Nt, Yn 1 0 0 0 0 0 1 1 0 2
Total 80 13 2 97 25 2 115 47 4 292

La source des spécimens des MenW de CC ST-11 a été principalement des hémocultures (n = 79 ou 93 %); trois ont été trouvés dans du liquide céphalorachidien (y compris un à la fois dans du sang et du liquide céphalorachidien). En 2018, deux cas de CC MenW ST-11 ont été trouvés dans du liquide synovial; pour un cas, l’organisme a été isolé d’un spécimen sous-arachnoïdien.

Discussion

Au cours des trois dernières années, le nombre d’isolats de N. meningitidis invasive reçus au LNM a augmenté de 44 %, passant de 80 isolats en 2016 à 115 en 2018. Cette hausse est principalement due à la bactérie MenW, dont le nombre d’isolats a plus que triplé, passant de 15 en 2016 à 51 en 2018. Cette augmentation de la MenW a modifié la répartition des sérogroupes de méningococcie invasives au Canada, qui, depuis l’introduction des vaccins conjugués contre la MenC, était principalement la MenB. La hausse de la MenW au Canada est due à l’expansion et à la diffusion continues de l’hypervirulent CC ST-11. Cette augmentation a été particulièrement évidente dans les provinces de l’Ouest, où la MenW a représenté de 43 % à 57 % des isolats de méningococcie invasive.

Ces isolats de MenW de CC ST-11 au Canada sont similaires aux souches circulant actuellement dans le mondeNote de bas de page 17. Des découvertes parallèles ont été signalées en AustralieNote de bas de page 18, dans des régions des États-UnisNote de bas de page 19Note de bas de page 20 et en République centrafricaineNote de bas de page 21. En Australie, 44 % des cas de méningococcie invasive en 2016 étaient dus à la MenW; c’est-à-dire de près du triple depuis 2015Note de bas de page 18. En République centrafricaine, 65 % des cas de méningococcie invasives à culture positive ont été dus à la MenW; l’âge médian des patients touchés par la MenW étant de 60 ans en 2015 et de 66 ans en 2016Note de bas de page 21.

La prédominance de la souche CC ST-11 est relativement nouvelle, mais des changements émergent dans son antigène de sérotype. Avant 2014, la souche prédominante était le CC ST-22Note de bas de page 10Note de bas de page 11. Entre 2009 et 2016, 100 % des MenW de CC ST-11 présentaient l’antigène de sérotype 2a. Entre 2017 et 2018, cependant, neuf des 72 isolats (13 %) n’exprimaient pas l’antigène de sérotype 2a. Auparavant, nous avions observé un point chaud de mutation de l’antigène de sérotype 2a des souches MenCNote de bas de page 22.

Notre découverte d’un CC ST-60 invasif (isolat W:2a:P1.5,2 de ST-11739) dans la MenW était inhabituelle, puisque la plupart des méningococcies de CC ST-60 au Canada sont dues à la MenB Note de bas de page 23Note de bas de page 24 et les études antérieures de la MenC ou de la MenW exprimant l’antigène de sérotype 2a étaient principalement de type CC ST-11Note de bas de page 11Note de bas de page 25. D’autres études sont nécessaires pour comprendre l’origine de cette souche W:2a:P1.5,2 ST-11739 inhabituelle.

Limites

Certaines limites de notre étude doivent être prises en compte lors de l’interprétation des résultats. Tout d’abord, nous avons uniquement examiné des cas confirmés par culture et n’avons pas inclus de cas diagnostiqués par des moyens moléculaires uniquement (c.-à-d. PCR). Même si cela peut influer sur la proportion des cas de méningococcie invasive causés par la MenW, les cas diagnostiqués par PCR ne représentant qu’environ 10 % de tous les cas de méningococcie invasive relevés au CanadaNote de bas de page 4, l’effet général sur les résultats ne devrait probablement pas modifier la tendance actuelle de l’augmentation des cas de méningococcie invasive à MenW.

Ensuite, nous n’avons pas recueilli de données cliniques ni relevé l’évolution de la maladie pour les cas de MenW et ne savons donc pas si les taux de mortalité étaient aussi élevés que ceux déclarés dans d’autres pays ou régions (24 % en Géorgie aux États-Unis, 20 % en Angleterre au Royaume-Uni et 21 % en Australie)Note de bas de page 19Note de bas de page 26Note de bas de page 27. De la même manière, nous ne savons pas si les cas canadiens présentaient un tableau clinique inhabituel, comme des symptômes gastro-intestinaux ou une épiglottiteNote de bas de page 26Note de bas de page 28.

Répercussions cliniques et de santé publique

Le vaccin anti-méningococcique conjugué quadrivalent ACWY protège contre la méningococcie invasive causée par des souches exprimant les antigènes des sérogroupes A, C, W ou Y. En théorie, il devrait donc protéger contre la méningococcie invasive causée par la souche MenW ST-11. En 2017, une épidémie en Colombie-Britannique a incité à l’immunisation des personnes âgées de 15 à 19 ans dans la région touchée avec le vaccin anti-méningococcique conjugué quadrivalent ACWYNote de bas de page 29. Cette immunisation a eu lieu en plus du rappel courant du vaccin anti-méningococcique conjugué quadrivalent administré aux élèves de neuvième année, mis en œuvre en septembre 2016Note de bas de page 30. Bien que la plupart des provinces et des territoires disposent désormais de programmes de vaccin anti-méningococcique conjugué quadrivalent ACWY pour les élèves d’établissements primaires ou secondairesNote de bas de page 31, certaines populations ne sont pas couvertes, notamment les adultes âgés de plus de 30 ans, la tranche d’âge la plus touchée au cours des trois dernières années de la collecte de données.

Conclusion

Entre 2016 et 2018, on a observé une hausse des cas de MenW invasive qui a modifié la répartition des sérogroupes de cas de méningococcie invasive confirmés par culture au Canada. Le vaccin anti-méningococcique conjugué quadrivalent ACWY protège contre la méningococcie invasive causée par des souches des sérogroupes A, C, W ou Y. Ce vaccin peut également protéger contre la méningococcie invasive causée par la nouvelle souche MenW ST-11, mais des recherches supplémentaires sont nécessaires. L’émergence de types clonaux plus récents et de souches inhabituelles souligne l’importance de la caractérisation de la souche en matière de surveillance et de recherches relatives à la méningococcie invasive.

Déclaration des auteurs

Tous les auteurs (R. S. T., L. H., G. J. T., J. M., P. V. C., J. V. K., B. L., D. H., R. G., G. G., G. Z. et B. H.) participent à la surveillance de la méningococcie invasive au Canada. R. S. T. a préparé la première version et tous les auteurs ont contribué à la version finale au moyen de commentaires et de suggestions.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Remerciements

Nous remercions le personnel des laboratoires provinciaux de santé publique d’avoir identifié et soumis des isolats de N. meningitidis au Laboratoire national de microbiologie (LNM). Nous remercions en outre D. Law, J. Zhou et S. Deng d’avoir fourni une assistance laboratoire pour l’analyse des souches ainsi que le service essentiel d’ADN du LNM d’avoir fourni de l’aide pour la détermination des séquences nucléotidiques.

Pour la présente publication, nous avons eu recours au site Web de typage par séquençage multilocus de NeisseriaNote de bas de page 16 développé par K. Jolley et hébergé par l’université d’Oxford. Le développement de ce site a été financé par le Wellcome Trust et l’Union européenne.

Aide financière

La surveillance par laboratoire de la méningococcie invasive est soutenue par l’Agence de la santé publique du Canada.

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