Rapport sur la rougeole au Canada : 2018

RMTC

Volume 46–4, le 2 avril 2020 : Virus respiratoire syncytial (VRS)

Surveillance

Surveillance de la rougeole au Canada : 2018

Cameron Coulby1, Francesca Reyes Domingo1, Joanne Hiebert2, Diane MacDonald1

Affiliations

1 Centre de l’immunisation et des maladies respiratoires infectieuses, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON

2 Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Winnipeg, MB

Correspondance

phac.vpd-mev.aspc@canada.ca

Citation proposée

Coulby C, Reyes Domingo F, Hiebert J, MacDonald D. Surveillance de la rougeole au Canada : 2018. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2020;46(4):87–94. https://doi.org/10.14745/ccdr.v46i04a04f

Mots-clés : rougeole, santé en voyage, surveillance, élimination de la rougeole, vaccination

Résumé

Contexte : La rougeole a été éliminée au Canada en 1998. Chaque année, l’Agence de la santé publique du Canada compile des données épidémiologiques à l’intention de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) pour vérifier que la rougeole est toujours éliminée au Canada. Cet article a pour objectif de présenter un résumé épidémiologique de l’activité associé à la rougeole déclarée au Canada en 2018, et de fournir des données visant à faciliter la vérification continue du statut d’élimination de la rougeole au Canada.

Méthodes : Les données de surveillance de la rougeole ont été recueillies par le Système canadien de surveillance de la rougeole et de la rubéole (SCSRR). Une analyse descriptive des données démographiques et des facteurs de risque a été réalisée. Les caractéristiques des éclosions ont été résumées et une analyse des résultats de génotypage a été effectuée. Les données de surveillance de 2018 ont été évaluées par rapport aux critères essentiels de l’OPS pour vérifier le statut d’élimination de la rougeole.

Résultats : En 2018, 29 cas de rougeole ont été rapportés dans cinq provinces canadiennes, soit un taux d’incidence de 0,8 cas pour 1 000 000 personnes. Sur ces 29 cas, 16 ont été importés et cinq ont résulté en transmission subséquente au Canada. Le taux d’incidence ajusté selon l’âge était le plus élevé chez les personnes de moins d’un an (10,2 cas pour 1 000 000 personnes, n = 4). Seuls neuf cas ont été considérés comme étant à jour pour la vaccination contre la rougeole, et 11 cas ont été hospitalisés. Les données de génotypage étaient disponibles pour la plupart des cas de rougeole (n = 27); il s’agissait de génotypes en circulation dans le monde en 2018. Le Canada a satisfait entièrement ou partiellement trois des quatre critères de l’OPS pour la vérification de l’élimination de la rougeole.

Conclusion : Bien que l’importation de la rougeole et les zones à faible couverture vaccinale constituent un défi pour le maintien du statut d’élimination de la rougeole au Canada, les données ne démontrent pas le rétablissement de la transmission endémique du virus de la rougeole. Le Canada maintient son statut d’élimination de la rougeole.

Introduction

La rougeole est l’une des maladies infectieuses humaines les plus contagieuses. Elle était responsable d’environ 2,6 millions de décès chaque année avant l’introduction du vaccin contre la rougeole en 1963Note de bas de page 1. La rougeole a été éliminée au Canada en 1998Note de bas de page 2Note de bas de page 3. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit l’élimination comme l’absence de transmission endémique de la rougeole dans une zone géographique donnée, pendant une période supérieure ou égale à 12 mois, en présence d’un système de surveillance efficace qui permet le génotypage du virus identifié dans les cas confirmés de rougeoleNote de bas de page 3.

La rougeole reste néanmoins un important enjeu mondial de santé publique. En 2018, environ 9,8 millions de cas de rougeole et plus de 140 000 décès liés à la rougeole ont été rapportés dans le mondeNote de bas de page 4. Ceci représente une hausse de plus de 40 % du nombre de cas de rougeole et de près de 30 % du nombre de décès liés à la rougeole au niveau mondial, par rapport à 2017Note de bas de page 5. La plupart des décès liés à la rougeole sont survenus chez les enfants âgés de moins de cinq ansNote de bas de page 1.

Alors que le virus de la rougeole continue de circuler dans le monde, le risque de son importation au Canada subsiste. Le taux de couverture vaccinale pour la première dose du vaccin contenant le virus de la rougeole chez les enfants âgés de deux ans est estimé à 90 %, ce qui est inférieur au taux minimal de couverture vaccinale (95 %) nécessaire pour l’ensemble des cohortes démographiques permettant de prévenir la transmission soutenue de la rougeoleNote de bas de page 2Note de bas de page 6. La rougeole doit faire l’objet d’une surveillance nationale régulière et renforcée pour détecter rapidement les cas et les éclosions, et appliquer les mesures de santé publique nécessaires pour endiguer sa transmission. La surveillance renforcée s’exerce par l’entremise du Système canadien de surveillance de la rougeole et de la rubéole (SCSRR), lui-même coordonné par le Centre de l’immunisation et des maladies respiratoires infectieuses ainsi que le Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC). La surveillance repose sur la collecte hebdomadaire de données sur les cas confirmés de rougeoleNote de bas de page 7 auprès des 13 provinces et territoiresNote de bas de page 8.

Le Canada est engagé à éliminer la rougeole. Pour ce faire, des objectifs de couverture vaccinale et des cibles de réduction des maladies évitables par la vaccination, fondés sur les normes internationales et sur les pratiques exemplaires, ont été établis dans le cadre de la Stratégie nationale d’immunisation de 2016 à 2021Note de bas de page 9. Ces objectifs et cibles nationaux s’inscrivent dans les objectifs d’élimination des maladies de l’OMS et du Plan mondial d’action pour les vaccins, et reflètent le contexte canadien. En vertu de cette stratégie, le Canada vise une couverture vaccinale de 95 % (et, de ce fait, l’élimination de la rougeole) avec l’administration d’une dose du vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) avant l’âge de deux ans, et une couverture vaccinale de 95 % avec l’administration de deux doses du vaccin ROR avant l’âge de sept ans. Les provinces et les territoires recommandent que la première dose du vaccin contenant le virus de la rougeole soit administrée à 12 mois et que la seconde dose soit administrée entre 18 mois et six ansNote de bas de page 10. Les provinces et les territoires, à qui incombe la prestation des services de santé, notamment les programmes de vaccination, ont tous souscrit aux objectifs et cibles nationaux.

Ce rapport de surveillance a pour objectif de présenter un résumé épidémiologique de l’activité associée à la rougeole au Canada en 2018, et de fournir des données visant à faciliter la vérification continue du statut d’élimination de la rougeole au Canada.

Méthodes

Données de surveillance

Les cas confirmés de rougeole répondant à la définition nationale de casNote de bas de page 7 sont rapportés par les provinces et les territoires chaque semaine à l’ASPC par l’entremise du SCSRR. Tous les cas confirmés de rougeole dont l’éruption cutanée est apparue entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2018 sont inclus dans ce rapport. La première semaine épidémiologique se termine le premier samedi de l’année. Le Centre de l’immunisation et des maladies respiratoires infectieuses attribue les semaines épidémiologiques en fonction de la date d’apparition des éruptions cutanées. Un processus de validation des données a été mené avec l’ensemble des provinces et des territoires. Celui-ci consistait à rechercher les données manquantes, à repérer les saisies incorrectes et à confirmer les valeurs auprès des provinces et territoires déclarants. Les cas pour lesquels il manquait des données ont été inclus dans l’analyse, au besoin. Les visiteurs du Canada chez qui la rougeole a été diagnostiquée pendant leur séjour ont également été inclus dans l’analyse.

Génotypage

Le génotypage du virus est systématiquement effectué par le LNM pour tous les cas confirmés au Canada pour lesquels des échantillons viraux sont disponibles. Le génotypage consiste à séquencer certaines cibles du génome de la rougeole, conformément aux lignes directrices de l’OMSNote de bas de page 11Note de bas de page 12. Les séquences virales de la rougeole sont consignées dans la base de données Measles Nucleotide Surveillance (MeaNS) de l’OMS, puis comparées à certaines souches nommées et à des séquences documentées par d’autres membres du Réseau mondial de laboratoires sur la rougeoleNote de bas de page 12Note de bas de page 13.

Analyse

Des analyses épidémiologiques descriptives ont été réalisées à partir des champs existants de la base de données du SCSRRNote de bas de page 7. L’analyse par sous-groupes n’a pas été effectuée en raison du faible nombre de cas rapportés en 2018.

Les cas âgés d’un à six ans qui ont reçu au moins une dose (documentée) du vaccin contenant le virus de la rougeole étaient considérés comme ayant un statut vaccinal à jour. Les cas âgés de sept ans ou plus et ceux nés après 1970 étaient considérés à jour pour la vaccination contre la rougeole s’ils avaient reçu deux doses (documentées) du vaccin contre la rougeole, et sous-vaccinés s’ils avaient reçu une seule dose (documentée) du vaccin. On présume qu’un adulte né avant 1970 a acquis naturellement l’immunité contre la rougeole et est ainsi considéré à jour pour la vaccination contre la rougeoleNote de bas de page 9Note de bas de page 14. Un enfant de moins d’un an était considéré à jour, sans égard à son statut vaccinal, à moins qu’il ait voyagé à l’extérieur de l’Amérique du Nord. Dans ce cas, le vaccin peut lui être administré après l’âge de six moisNote de bas de page 15.

Un cas était considéré comme hospitalisé seulement s’il avait été admis à l’hôpital à cause de la rougeole ou à cause de complications liées à la maladie. Si le cas avait seulement été admis au service des urgences, il n’était pas considéré comme hospitalisé.

La source d’exposition a été déterminée par la province ou le territoire déclarant au cours de l’enquête de santé publique. Les sources d’exposition ont été catégorisées comme suit : extérieure du Canada (importée); au Canada et liée à un cas importé (liée à l’importation); au Canada et liée à un cas d’origine inconnue; ou source inconnue/sporadique.

Les éclosions de rougeole, définies comme l’apparition de deux cas confirmés ou plus liés sur le plan épidémiologique ou virologique, ou les deux, ont été décrites à partir des informations disponiblesNote de bas de page 14. Les taux d’incidence ont été calculés à l’aide des estimations de la population au 1er juillet 2018 de Statistique Canada.

Résultats

Au total, 29 cas confirmés de rougeole (soit un taux d’incidence de 0,8 cas pour 1 000 000 personnes), répartis sur cinq provinces, ont été rapportés au Canada en 2018. Sur ces 29 cas confirmés, 27 ont été génotypés. Les génotypes identifiés étaient B3 (n = 7) et D8 (n = 20), deux génotypes circulant dans le monde en 2018Note de bas de page 4. La figure 1 illustre la répartition des cas de rougeole par semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée, selon l’ordre chronologique des éclosions, selon le génotype et selon la province ou le territoire déclarant. Au total, 28 cas ont été confirmés en laboratoire et un cas avait un lien épidémiologique avec un cas confirmé en laboratoire.

Figure 1 : Nombre de cas de rougeole rapportés (N = 29) par semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée, selon l’ordre chronologique des éclosions, selon le génotype et selon la province ou le territoire déclarant, au Canada, en 2018

Figure 1 : Nombre de cas de rougeole rapportés (N = 29) par semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée, selon l’ordre chronologique des éclosions, selon le génotype et selon la province ou le territoire déclarant, au Canada, en 2018

Description textuelle : Figure 1

Figure 1 : Nombre de cas de rougeole rapportés (N = 29) par semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée, selon l’ordre chronologique des éclosions, selon le génotype et selon la province ou le territoire déclarant, au Canada, en 2018

Figure 1 : Nombre de cas de rougeole rapportés (N = 29) par semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée, selon l’ordre chronologique des éclosions, selon le génotype et selon la province ou le territoire déclarant, au Canada, en 2018
Semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée Nombre de cas
Alberta
génotype D8
Manitoba
génotype D8
Colombie-Britannique
génotype D8
Colombie-Britannique
génotype B3
Ontario
génotype D8
Ontario
génotype B3
Ontario
génotype inconnu
Québec
génotype B3
Québec
génotype inconnu
6 janvier 0 0 0 0 0 0 0 0 0
13 janvier 0 0 0 0 0 0 0 0 0
20 janvier 0 0 0 0 0 0 0 0 0
27 janvier 1 0 0 0 0 0 0 0 0
3 février 0 0 0 0 0 0 0 0 0
10 février 0 0 0 0 1 0 0 0 0
17 février 0 0 0 0 1 0 0 0 0
24 février 0 0 0 0 0 0 0 0 0
3 mars 0 0 0 0 0 0 0 0 0
10 mars 0 0 0 0 1 0 0 0 0
17 mars 0 0 0 0 0 0 0 0 0
24 mars 0 0 0 0 0 0 0 0 0
31 mars 0 0 0 0 0 0 0 0 0
7 avril 0 0 0 0 0 1 0 0 0
14 avril 0 0 0 0 0 0 0 0 1
21 avril 0 0 0 0 0 0 0 2 0
28 avril 0 0 0 0 0 0 0 1 0
5 mai 0 0 0 0 1 0 0 0 0
12 mai 1 0 0 0 0 0 0 0 0
19 mai 0 0 0 0 0 0 0 0 0
26 mai 0 0 0 0 0 0 0 0 0
2 juin 2 0 0 0 1 0 0 0 0
9 juin 1 0 0 0 0 0 0 0 0
16 juin 0 0 0 0 1 0 0 0 0
23 juin 0 0 0 1 0 0 0 0 0
30 juin 0 0 1 0 0 0 0 0 0
7 juillet 0 0 0 0 0 0 0 0 0
14 juillet 1 0 0 0 0 0 0 0 0
21 juillet 0 0 0 0 0 0 0 0 0
28 juillet 0 0 0 0 0 0 0 0 0
4 août 0 0 1 0 0 0 1 0 0
11 août 0 0 0 0 0 0 0 0 0
18 août 0 0 0 0 0 0 0 0 0
25 août 0 0 1 0 0 0 0 0 0
1 septembre 0 0 0 0 0 0 0 0 0
8 septembre 0 0 1 0 0 0 0 0 0
16 septembre 0 0 1 0 0 0 0 0 0
22 septembre 0 1 0 0 0 0 0 0 0
29 septembre 0 0 0 0 0 0 0 0 0
6 octobre 0 0 0 0 0 0 0 0 0
13 octobre 0 1 0 0 0 0 0 0 0
20 octobre 0 0 0 0 0 0 0 0 0
27 octobre 0 0 0 0 0 0 0 0 0
3 novembre 0 0 0 1 0 0 0 0 0
10 novembre 0 0 0 0 0 0 0 0 0
17 novembre 0 0 0 0 0 0 0 0 0
24 novembre 0 0 0 1 0 0 0 0 0
1 décembre 0 0 0 0 0 0 0 0 0
8 décembre 0 0 0 0 0 0 0 0 0
15 décembre 0 0 0 0 0 0 0 0 0
22 décembre 0 0 0 0 1 0 0 0 0
29 décembre 0 0 0 0 0 0 0 0 0

L’éclosion 1 a débuté au cours de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée se terminant le 14 avril et a pris fin au cours de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée se terminant le 28 avril.

L’éclosion 2 a débuté au cours de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée se terminant le 12 mai et a pris fin au cours de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée se terminant le 9 juin.

L’éclosion 3 a débuté au cours de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée se terminant le 2 juin et a pris fin au cours de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée se terminant le 16 juin.

L’éclosion 4 a débuté au cours de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée se terminant le 25 août et a pris fin au cours de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée se terminant le 7 septembre.

L’éclosion 5 a débuté au cours de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée se terminant le 21 septembre et a pris fin au cours de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée se terminant le 12 octobre.

L’éclosion 6 a commencé au cours de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée se terminant le 2 novembre et a pris fin au cours de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée se terminant le 23 novembre.


Les données sur l’âge, le sexe et la province ou le territoire de résidence étaient disponibles pour tous les cas de rougeole rapportés en 2018. L’âge des cas variait de moins d’un an à 53 ans, et l’âge médian était de 21 ans. Le groupe d’âge le plus touché était celui des 25 à 44 ans (n = 11), suivi de celui des 15 à 24 ans (n = 8). Le taux d’incidence le plus élevé était observé chez les moins d’un an, avec 10,2 cas pour 1 000 000 personnes (figure 2). Trois quarts des cas (n = 22) étaient des femmes.

Figure 2 : Cas confirmés de rougeole (N = 29) et taux d’incidence (pour 1 000 000 personnes) par groupe d’âge, au Canada, en 2018

Figure 2 : Cas confirmés de rougeole (N = 29) et taux d’incidence (pour 1 000 000 personnes) par groupe d’âge, au Canada, en 2018

Description textuelle : Figure 2

Figure 2 : Cas confirmés de rougeole (N = 29) et taux d’incidence (pour 1 000 000 personnes) par groupe d’âge, au Canada, en 2018

Figure 2 : Cas confirmés de rougeole (N = 29) et taux d’incidence (pour 1 000 000 personnes) par groupe d’âge, au Canada, en 2018
Groupe d’âge (années) Nombre de cas de rougeole signalés Taux d’incidence pour 1 000 000 d’habitants
Moins d’un an 4 10,2
1 à 4 3 1,9
5 à 14 2 0,5
15 à 24 8 1,7
25 à 44 11 1,1
45 à 64 1 0,1

Cinq provinces canadiennes ont rapporté des cas de rougeole en 2018 : l’Ontario (n = 9, dont un visiteur de l’Ontario), la Colombie-Britannique (n = 8), l’Alberta (n = 6), le Québec (n = 4) et le Manitoba (n = 2). Dans ces provinces, les taux d’incidence variaient de 0,5 à 1,6 cas pour 1 000 000 personnes.

Vaccination

Pour deux tiers (n = 20) des cas, le statut vaccinal n’était pas à jour selon leur âge. Parmi ceux-ci la documentation sur le statut vaccinal confirmait ce statut pour 12 cas. Trois sur les 20 cas étaient âgés entre six mois et un an et avaient voyagé à l’extérieur de l’Amérique du Nord sans avoir reçu la première dose du vaccin contre la rougeole, tel que préconisé par les recommandations vaccinales actuellesNote de bas de page 15Note de bas de page 16. Les antécédents de vaccination étaient inconnus ou manquants pour huit cas; ces derniers cas étaient nés après 1970, soit l’année utilisée pour déterminer l’immunité naturelle présumée pour la rougeoleNote de bas de page 15.

Sur les 29 cas de rougeole déclarés en 2018, neuf avaient un statut vaccinal à jour selon leur âge, et huit ont déclaré disposer de documents attestant être à jour selon leur âge (notamment un nourrisson de moins d’un an qui n’était pas vacciné et qui n’avait pas voyagé à l’extérieur de l’Amérique du Nord) (figure 3). Un cas dont les antécédents de vaccination étaient inconnus était né avant 1970 (et, par conséquent, considéré comme ayant un statut vaccinal à jour) et n’avait pas voyagé en dehors de l’Amérique du NordNote de bas de page 15.

Figure 3 : Statut vaccinal des cas confirmés de rougeole (N = 29) au Canada, en 2018

Figure 3 : Statut vaccinal des cas confirmés de rougeole (N = 29) au Canada, en 2018

Description textuelle : Figure 3

Figure 3 : Statut vaccinal des cas confirmés de rougeole (N = 29) au Canada, en 2018

Le diagramme du statut vaccinal des cas de rougeole confirmés signalés au Canada est présenté à la figure 3. Sur les 29 cas en 2018, neuf cas (31 %) avaient un statut vaccinal à jour selon leur âge, et les 20 autres cas (69 %) avaient un statut vaccinal qui n’était pas à jour selon leur âge. Huit des neufs cas ont déclaré disposer de documents attestant être à jour selon leur âge. Le neuvième cas était né avant 1970 (et, par conséquent, considéré comme ayant un statut vaccinal à jour). Parmi les 20 cas ayant un statut vaccinal pas à jour, la documentation sur le statut vaccinal confirmait ce statut pour 12 cas. Les huit autres cas étaient nés en 1970 ou après et le statut vaccinal était inconnu et par conséquent on présume que ces derniers n’étaient pas vaccinés contre la rougeole.


Hospitalisation

Les données sur les hospitalisations étaient disponibles pour 24 des 29 cas rapportés en 2018. Au total, 11 cas ont été hospitalisés, ce qui représente un taux d’hospitalisation de 0,3 cas pour 1 000 000 personnes. L’âge médian des cas hospitalisés était 15 ans (intervalle de 4 à 51 ans). Parmi les cas hospitalisés, les informations sur la vaccination étaient disponibles pour huit cas; six n’avaient pas reçu de dose (documentée) du vaccin contre la rougeole, mais deux étaient considérés complètement vaccinés.

Sources d’exposition

Seize cas ont été importés au Canada en 2018 suite à une exposition lors d’un voyage dans les pays ou les régions suivants : Inde (n = 7), Ukraine (n = 4), Brésil (n = 1), Philippines (n = 1), Roumanie (n = 1), Asie du Sud-Est (sauf Inde, n = 1) et Ouganda (n = 1). Quatorze des cas importés ont fait l’objet d’un génotypage et les génotypes détectés correspondaient à ceux endémiques dans les pays où les cas avaient été exposés, ou étaient compatibles avec ceux de la base de données MeaNS de l’OMS pour ces paysNote de bas de page 13.

Sur les 16 cas importés, cinq ont résulté en transmission subséquente au Canada, occasionnant l’apparition de sept cas. Les cas importés et liés à une importation représentaient le trois quarts (n = 23) des cas en 2018. Parmi les cas qui n’étaient ni importés ni liés à l’importation (n = 6), quatre n’avaient pas d’antécédents récents de voyage ou de liens connus avec d’autres cas confirmés de rougeole; un cas était exposé à un autre cas d’origine inconnue au Canada; un second cas ne pouvait être classé comme importé ou acquis au Canada, car la période d’exposition a eu lieu à la fois au Canada et dans un autre pays où des cas de rougeole ont été rapportés. Les six cas ont été génotypés; les génotypes détectés étaient D8 (n = 5) et B3 (n = 1), deux génotypes circulants à travers le monde.

Éclosions

Six éclosions de rougeole ont été rapportées au Canada en 2018 (voir tableau 1 pour plus de détails). Il s’agissait de petites éclosions (deux à quatre cas par éclosion) et la transmission était limitée aux contacts familiaux ou aux contacts étroits du cas index. Aucune éclosion n’a présenté une transmission au-delà de la deuxième génération. L’intervalle médian entre l’apparition de l’éruption cutanée du cas index et l’apparition des cas secondaires était de 13 jours (intervalle de neuf à 27 jours) pour toutes les éclosions. La période d’incubation pour un des cas était en dehors de l’intervalle escompté de sept à 21 jours; ce cas avait reçu des immunoglobulines peu de temps après l’exposition. Ceci aurait pu retarder l’apparition de la maladie sans la prévenir. Sur les 29 cas déclarés en 2018, 14 étaient liés à une éclosion.

Tableau 1 : Résumé des éclosions de rougeole au Canada (N = 6) selon la date d’apparition de l’éruption cutanée, en 2018
N o d’éclosion Province ou territoire Nombre de cas Date de fin de la semaine épidémiologique d’apparition de l’éruption cutanée du cas index Génotype (souche)Note a de Tableau 1 Description
1 Québec 4 15 avril B3 (MVs/Dublin.IRL/8.16/) Le cas index a rapporté avoir voyagé en Roumanie pendant la période d’exposition. Trois cas secondaires parmi les contacts familiaux du cas index ont été rapportés par la suite. Aucun des cas n’était vacciné.
2 Alberta 2 13 mai D8 Le cas index a rapporté avoir voyagé en Inde pendant la période d’exposition. Un cas secondaire, contact étroit du cas index, a été rapporté par la suite. Les antécédents de vaccination du cas index étaient inconnus. Le cas secondaire n’était pas vacciné.
3 Ontario 2 3 juin D8 (MVs/Gir Somnath.IND/42.16/) Le cas index a rapporté avoir voyagé en Ukraine pendant la période d’exposition. Un cas secondaire, contact étroit du cas index, a été rapporté par la suite. Les antécédents de vaccination du cas index étaient inconnus. Le cas secondaire n’était pas vacciné.
4 Colombie-Britannique 2 26 août D8 (MVs/Osaka.JPN/29.15/) Le cas index a rapporté ne pas avoir voyagé en dehors du Canada pendant la période d’exposition, mais a pu être exposé à un cas de rougeole international dans un port canadien. Un cas secondaire, contact du cas index, a été rapporté par la suite. Les deux cas étaient complètement vaccinés.
5 Manitoba 2 9 septembre D8 (MVs/Samut Sakhon.THA/49.16) Le cas index a rapporté avoir voyagé en Asie du Sud-Est pendant la période d’exposition. Un cas secondaire, contact étroit du cas index, a été rapporté par la suite. Le cas index n’était pas vacciné. Le cas secondaire était complètement vacciné.
6 Colombie-Britannique 2 4 novembre B3 Le cas index a rapporté avoir voyagé aux Philippines. Un cas secondaire, contact du cas index, a été rapporté par la suite. Les antécédents de vaccination du cas index étaient inconnus. Le cas secondaire était complètement vacciné.

Discussion

Épidémiologie de la rougeole au Canada en 2018

En 2018, 29 cas confirmés de rougeole ont été rapportés au Canada, ce qui est inférieur au nombre médian de cas déclarés depuis le début de la surveillance renforcée en 1998 (valeur médiane de 35 cas par an). Cette réduction du nombre de cas contrastait avec la tendance à la hausse des taux de mortalité imputables à la rougeole dans le monde. Aux États-Unis, le nombre de cas et d’éclosions de rougeole recensés en 2018 a augmenté par rapport à 2017Note de bas de page 5Note de bas de page 17. Sur les 16 cas de rougeole importés au Canada en 2018, seuls cinq ont donné lieu à une transmission secondaire, mettant ainsi en évidence l’absence de transmission soutenue.

Les cas importés et liés à l’importation constituaient la grande majorité des cas de rougeole en 2018. Ceci souligne le rôle que les voyages à l’étranger jouent dans la propagation de la rougeole au Canada. En effet la détection des deux principaux génotypes associés aux cas recensés au Canada, soit B3 et D8, étaient en circulation dans le monde en 2018. Ces génotypes circulaient également au niveau mondial en 2017 et ont été détectés au CanadaNote de bas de page 18. Cependant, les génotypes identifiés contiennent des séquences génétiquement liées et contiennent plusieurs souches. En ce qui a trait à l’épidémiologie moléculaire de la rougeole, les souches sont informatives. Les souches détectées en 2017, à l’exception de la souche nommée MVs/Dublin.IRL/8.16 du génotype B3, n’ont pas été détectées en 2018.

Plus de deux tiers des cas de rougeole déclarés en 2018 n’étaient pas à jour dans leur statut vaccinal pour leur âge. Ceci souligne l’importance de suivre les recommandations vaccinales. Il est possible que la réaction immunitaire des sept cas dont le statut vaccinal était à jour, n’était pas adaptée. Il est également possible que l’immunité conférée par le vaccin contre la rougeole ait diminué à un tel point qu’elle ne protégeait plus contre la maladie, ou alors que le vaccin ait été stocké, manipulé ou administré de manière incorrecteNote de bas de page 19Note de bas de page 20. Sur ces sept cas, deux avaient reçu des doses (documentées) du vaccin contre la rougeole dans un autre pays où les lignes directrices relatives au stockage et à l’administration du vaccin peuvent être différentes.

Plus d’un tiers (11 sur 29) des cas ont dû être hospitalisés, ce qui est conforme aux données publiées dans la littérature stipulant que l’infection à la rougeole peut mener à forme sévère de la maladieNote de bas de page 1.

Vérification de l’élimination de la rougeole par l’intermédiaire d’objectifs et de cibles nationaux et internationaux

L’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) a fixé quatre critères pour la vérification continue de l’élimination de la rougeoleNote de bas de page 21. Le Canada a satisfait entièrement ou partiellement à trois des quatre critères en 2018 (tableau 2). Les critères de l’OPS reposent sur l’enquête des cas suspects chez qui les symptômes sont compatibles à la rougeole. Cependant, au Canada, seuls les cas confirmés font l’objet d’une déclaration obligatoire. Ainsi, les données contenues dans cet article ne répondent qu’indirectement aux critères de l’OPS. Au Canada, le système national de surveillance de la rougeole est efficace puisqu’il permet de détecter les cas importés et liés à l’importation, ainsi que les cas dont la source d’exposition est inconnue. De plus, le statut d’élimination conféré par les critères internationaux permet d’affirmer que le Canada satisfait aux objectifs et cibles nationaux qu’il s’est fixés.

Tableau 2 : Critères essentiels de l’Organisation panaméricaine de la santé pour la vérification de l’élimination de la rougeole
Critère Indicateur Description
Vérifier l’interruption de la transmission de cas endémiques de rougeole pendant une période d’au moins 3 ans à partir de la date de survenue du dernier cas endémique connu, alors qu’un système de surveillance de haute qualité est en place. Aucun cas de transmission endémique. Critère satisfait.
Le Canada a obtenu le statut d’élimination de la rougeole en 1998. Depuis, les données moléculaires et épidémiologiques continuent de démontrer qu’aucune souche virale ne s’est établie pendant une période d’un anNote de bas de page 3Note de bas de page 18Note de bas de page 21Note de bas de page 22.
Maintenir un système de surveillance de qualité élevée suffisamment sensible pour détecter les cas importés et liés à l’importation. Plus de deux cas suspects par tranche de 100 000 personnes ayant fait l’objet d’une enquête adéquate. Critère partiellement satisfait.
Le SCSRR permet d’identifier les cas importés et liés à l’importation qui répondent à la définition de cas, mais pas les cas suspects.
Vérifier l’absence de souches de virus endémiques de la rougeole grâce à la surveillance virologique. Génotypage du virus de la rougeole dans 80 % des éclosions. Critère satisfait.
Des données de génotypage étaient disponibles pour l’intégralité des éclosions déclarées en 2018Note de bas de page 6. Des données de génotypage étaient également disponibles pour l’intégralité des cas sporadiques de rougeole (sans lien avec une éclosion).
Vérifier que la population est adéquatement immunisée. 95 % des cohortes âgées de 1 à 40 ans ont reçu un vaccin contre la rougeole. Critère non satisfait.
Le Canada mesure actuellement (aux deux ans) le taux de couverture vaccinale de la rougeole pour les enfants âgés de deux et sept ans. Par conséquent le Canada n’est pas en mesure d’évaluer la couverture vaccinale de la rougeole chez les personnes âgées de 1 à 40 ans. D’après l’Enquête nationale sur la couverture vaccinale des enfants de 2017, la couverture vaccinale pour la première dose du vaccin contenant la rougeole chez les enfants âgés de deux ans était estimée à 90 %Note de bas de page 6.

Le Canada ne satisfait pas au critère relatif à la couverture vaccinale de la rougeole. Le Canada mesure actuellement (aux deux ans) le taux de couverture vaccinale de la rougeole pour les enfants âgés de deux et sept ans. Par conséquent le Canada n’est pas en mesure d’évaluer la couverture vaccinale de la rougeole chez les personnes âgées de 1 à 40 ans tel qu’énoncé dans le cadre d’élimination de l’OPS. En 2017, le taux de couverture vaccinale de la rougeole chez les enfants âgés de deux ans était estimé à 90 %, ce qui est inférieur à l’indicateur établi par l’OPS (95 %)Note de bas de page 6. Cette estimation provient d’une enquête ayant collecté des données issues des carnets de vaccination conservés par les parents, et dans lesquels certains renseignements peuvent être incomplets, erronés ou tout simplement manquants. Il est fort probable que l’enquête sous-estime la couverture car les doses de vaccins administrées sans date ou avec une date invalide ne sont pas comptabilisés dans le calcul de la couverture vaccinale.

Limites

Seuls les cas de rougeole ayant été en contact avec le système de santé canadien sont inclus dans le cadre de la surveillance renforcée de la rougeole. De ce fait, il est possible que les visiteurs au Canada qui n’ont pas recours aux soins médicaux ne soient pas capturés. Cependant, la plupart des chaînes de transmission étaient le résultat de cas importés connus en 2018.

Le SCSRR ne collecte pas d’informations sur la mortalité ni sur la morbidité (p.ex. durée d'hospitalisation, séquelles), ce qui ne permet pas d’avoir un portrait global du fardeau de la rougeole.

Conclusion

Tant au Canada qu’à l’étranger, le maintien d’un taux élevé de couverture vaccinale de la rougeole nécessite un effort soutenu de santé publique et constitue un élément essentiel pour obtenir et conserver le statut d’élimination. Bien que l’importation de la rougeole et les zones à faible couverture vaccinale constituent un défi pour le maintien du statut d’élimination de la rougeole au Canada, les données ne démontrent pas le rétablissement de la transmission endémique du virus de la rougeole. Ce constat est corroboré par le fait que, dans l’ensemble, le taux de couverture vaccinale est élevé. De plus, le nombre de cas secondaires induits par les cas importés est faible, et les données de laboratoire disponibles indiquent que les cas résultent de souches virales circulant globalement en 2018.

Déclaration des auteurs

  • C. C. — Méthodologie, logiciel, analyse formelle, enquête, organisation des données, rédaction de la version initiale, rédaction de la version définitive, révision, édition, visualisation
  • F. R. D. — Conceptualisation, méthodologie, analyse formelle, rédaction de la version initiale, rédaction de la version définitive, révision, édition, administration de projet
  • J. H. — Méthodologie, validation, enquête, organisation des données, rédaction de la version initiale, rédaction de la version définitive, édition
  • D. M. — Conceptualisation, méthodologie, rédaction, révision, édition, administration de projet

Conflit d’intérêts

Aucun.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier chaleureusement leurs partenaires provinciaux et territoriaux de surveillance et d’analyse en laboratoire pour leur collaboration et leurs efforts continus visant à fournir et valider les données recueillies par le Système canadien de surveillance de la rougeole et de la rubéole (SCSRR), à acheminer les échantillons aux fins de surveillance moléculaire (génotypage) et réviser le contenu de ce rapport.

Financement

Ces travaux ont été soutenus par l’Agence de la santé publique du Canada.

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