Info Source : Bulletin 40A - Sommaire des décisions des Cours fédérales

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Dans les sommaires ci-après, vous trouverez l’expression « contrôle judiciaire ». Il s’agit d’un mécanisme permettant aux tribunaux d’examiner les décisions administratives rendues par les fonctionnaires, y compris les positions adoptées par les commissariats à l’information et à la protection de la vie privée du Canada.

Loi sur l’accès à l’information

Cour fédérale du Canada

1. Brewster Inc. c. Canada (Environnement)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2016 CF 339

Date de la décision : Le

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Articles 19, 20 et 44

  • Article 19 – Renseignements personnels
  • Article 20 – Renseignements de tiers
  • Article 44 – Recours en révision du tiers
Résumé

En l’absence d’une preuve suffisante établissant l’application des alinéas 20(1)b), c) ou d) de la Loi sur l’accès à l’information (LAI), il a été ordonné que des communications liées à la proposition de Brewster Inc. (Brewster) pour construire la promenade de la Découverte-du-Glacier dans le parc national de Jasper et une approbation subséquente soient communiquées, sous réserve du caviardage des renseignements personnels.

Questions en litige
  • Norme de contrôle
  • Les alinéas 20(1)b), c) ou d) de la LAI s’appliquent-ils aux documents en cause?
  • L’article 19 de la LAI s’applique-t-il aux documents en cause?
Faits

Parcs Canada a reçu une demande d’accès à l’information visant à obtenir diverses communications entourant la proposition présentée par Brewster en vue de construire et d’exploiter la promenade de la Découverte-du-Glacier au parc national Jasper et le processus d’approbation.

Parcs Canada a envoyé à Brewster un avis au tiers en vertu de l’article 28 de la LAI et a rejeté la demande subséquente de Brewster visant à obtenir une prorogation du délai pour déposer des observations sur les 1 600 pages de documents en question.

Parcs Canada a décidé de communiquer les documents et Brewster a déposé la présente demande de contrôle judiciaire afin de soustraire à la communication les renseignements en cause en vertu des exceptions prévues aux alinéas 20(1)b), c) et d) de la LAI.

Décision

La demande de contrôle judiciaire a été rejetée.

Motifs
Norme de contrôle

La norme de contrôle applicable aux révisions fondées sur l’article 44 est la norme de la décision correcte (Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, au paragraphe 53).

En ce qui concerne les renseignements personnels, la Cour doit suivre un processus en deux étapes. Premièrement, la Cour détermine, selon la norme de la décision correcte, si les renseignements satisfont à la définition. Deuxièmement, la Cour examine le caractère raisonnable de toute décision discrétionnaire de communiquer des renseignements personnels. En l’espèce, Parcs Canada n’a pas exercé ce pouvoir discrétionnaire.

Les alinéas 20(1)b), c) ou d) de la LAI s’appliquent-ils aux documents en cause?

Alinéa 20(1)b) de la LAI

L’alinéa 20(1)b) de la LAI est une exception fondée sur un critère objectif. Brewster doit satisfaire objectivement aux trois critères de la disposition – le type de renseignements (commerciaux), leur qualité et la façon dont ils sont traités (de nature confidentielle) et leur provenance (fournis à une institution fédérale par un tiers).

Le type de renseignements visé par cette disposition comprend généralement les coûts, les profits, les stratégies de prix, les procédés de fabrication et les pratiques commerciales ou méthodes opérationnelles. Les détails administratifs comme la pagination, les dates, l’endroit où se trouvent les renseignements et les courriels au sujet de la planification de rencontres ou des appels téléphoniques ne sont pas des renseignements visés par l’alinéa 20(1)b) de la LAI.

Une preuve concrète établissant la nature confidentielle des renseignements est nécessaire. Brewster n’a pas démontré qu’il avait une attente raisonnable de confidentialité de la part de Parcs Canada, ni qu’il traitait, ou même tentait de traiter, lui-même les renseignements de façon confidentielle.

Enfin, Brewster n’est pas parvenu à préciser, et encore moins à démontrer, en quoi le traitement des renseignements en cause pourrait [traduction] « améliorer sa relation avec le gouvernement au profit du public ». Le bien-fondé de la demande d’exception à la communication fondée sur ce motif n’a pas été établi.

Alinéa 20(1)c) de la LAI

L’alinéa 20(1)c) est fondé sur un critère objectif. Le critère est une [traduction] « attente raisonnable d’un préjudice probable ». Un examen des renseignements en cause ne permet pas d’étayer une allégation de préjudice. La plupart des renseignements portent sur l’organisation de rencontres, l’aspect logistique de l’évaluation environnementale et le développement d’un système de suivi de chèvres dans le parc. Il n’y avait aucune présence des renseignements, dont il est souvent question dans ce genre d’affaires, qui établissent l’existence d’un lien entre les renseignements en cause, leur importance et la façon dont ces renseignements pourraient être utilisés pour nuire à Brewster ou lui causer un quelconque préjudice.

Alinéa 20(1)d) de la LAI

Il n’y a aucune preuve démontrant que la communication des documents entraverait des négociations effectivement menées en vue de contrats ou à d’autres fins commerciales. De simples hypothèses de crainte ne sont pas suffisantes.

L’article 19 de la LAI s’applique-t-il aux documents en cause?

L’article 19 constitue une exception obligatoire fondée sur un critère objectif qui est soumis à plusieurs exceptions. La Commissaire à l’information a noté un certain nombre de cas où des renseignements personnels (noms, adresses de courriel, etc.) contenus dans les documents dont la communication est contestée seraient divulgués. La Cour a donné raison au Commissaire à l’information. Il a ordonné que les documents soient examinés et que les renseignements personnels relevés par la Commissaire à l’information soient expurgés avant que les documents soient communiqués.

La décision peut être consultée à partir du site Web des décisions de la Cour fédérale, à Brewster Inc. c. Canada (Environnement), 2016 CF 339.

2. Canada (Commissariat à l’information) c. Canada (Emploi et Développement social)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2016  CF 36

Date de la décision : Le

Disposition de la Loi sur l’accès à l’information : Article 23

  • Article 23 – Secret professionnel des avocats
Résumé

Certaines parties d’un document de travail, rédigé par un non-juriste, faisant état de conseils et de considérations stratégiques qui révéleraient des renseignements sur des communications privilégiées, étaient visées par le secret professionnel des avocats; alors que les parties qui ne contenaient ou ne révélaient pas d’indice sur des communications privilégiées n’étaient pas visées par le secret professionnel des avocats.

Lorsque le dossier permet à la Cour d’être convaincue que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable, il n’est pas nécessaire de présenter un élément de preuve démontrant qu’un critère ou un facteur en particulier a été pris en considération.

Questions en litige
  • Les parties du document de travail qui demeurent litigieuses sont-elles assujetties au secret professionnel liant l’avocat à son client?
  • Le ministre a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable en refusant de communiquer certaines parties du document?
Faits

Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’alinéa 42(1)a) de la Loi sur l’accès à l’information (LAI) à l’encontre de la décision rendue par Emploi et Développement social du Canada (EDSC) de refuser la communication de certaines parties d’un document de travail à la suite d’une demande d’accès à l’information visant des documents portant sur la division des crédits de pension du Régime de pensions du Canada (le RPC).

Le document de travail en cause a vraisemblablement été rédigé entre 1988 et 1990 par un employé de la section des politiques de programme et de la législation de Santé et Bien-être social Canada, un prédécesseur d’EDSC. Il portait sur le développement du partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension sous le RPC. Après avoir consulté le ministère de la Justice, EDSC a protégé le document en entier en vertu de l’exception prévue à l’article 23 concernant le secret professionnel des avocats.

En 2008, le demandeur a déposé une plainte auprès de la commissaire à l’information (la commissaire) au sujet des exceptions qui avaient été appliquées. Les discussions entre la commissaire et EDSC ont donné lieu à la communication de certaines parties du document de travail, mais EDSC a refusé de mettre pleinement en œuvre les recommandations de la commissaire visant la communication de parties supplémentaires du document de travail. La commissaire a introduit une procédure de contrôle judiciaire au nom du demandeur.

Décision

La demande de contrôle judiciaire a été accueillie en partie sans adjudication de dépens.

Motifs
Les parties du document de travail qui demeurent litigieuses sont-elles assujetties au secret professionnel liant l’avocat à son client?

La Cour a convenu avec les parties que la norme de la décision correcte s’applique à la question de savoir si l’exception relative au secret professionnel des avocats s’applique.

En ce qui a trait à une partie donnée du document de travail, qui renferme des conseils stratégiques provenant des avis juridiques reçus par EDSC, la Cour a conclu que la divulgation de cette partie du document révélerait des renseignements portant sur des communications privilégiées et que, par conséquent, cette partie du document était donc privilégiée. De même, il a été conclu que deux phrases dévoilant des détails sur les questions posées aux conseillers juridiques étaient privilégiées puisque la communication de ces phrases révélerait les avis juridiques sollicités et fournis.

Toutefois, la Cour a conclu que la communication du résumé, qui ne comprend que des conseils stratégiques, y compris la suggestion de l’auteur principal sur l’option à préconiser, ne révélerait aucun renseignement privilégié ni d’indice sur des renseignements de ce type. Cette partie du document n’était donc pas privilégiée. De même, lorsque l’intimé n’a pas démontré en quoi une description d’une option stratégique n’était que l’opinion personnelle de l’auteur principal, la description en question n’était pas considérée comme privilégiée.

La communication des parties du document de travail qui ne contenaient ou ne révélaient aucune indication sur des renseignements privilégiés et qui renfermaient des renseignements déjà rendus publics dans d’autres parties du document et dans le Partage des crédits – Guide destiné aux membres de la profession juridique d’EDSC a également été ordonnée.

Enfin, lorsqu’ESDC n’avait pas réussi à établir que la teneur d’une partie litigieuse du document était fondée sur un avis juridique, cette partie du document n’était pas protégée par le secret professionnel qui lie un avocat à son client. Bien que l’expression « la défense du ministre, en bref, serait [...] » pourrait suggérer que le commentaire était basé sur l’avis juridique, la dernière phrase de ce passage montre que l’ensemble du segment est en fait un conseil politique.

Le ministre a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable en refusant de communiquer certaines parties du document?

L’article 23 de la LAI confère un droit de refus discrétionnaire de communiquer les renseignements protégés. La Cour a rejeté les arguments de la commissaire fondés l’arrêt Leahy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227 (paragraphes 138 à 145), selon lesquels la jurisprudence enjoint au décideur de prendre en considération des facteurs spécifiques. Contrairement à la situation dans l’arrêt Leahy, où la Cour d’appel fédérale a conclu que le dossier contenait peu d’éléments de preuve, en l’espèce, le dossier est suffisamment étayé pour permettre à la Cour d’être convaincue que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable.

La décision peut être consultée à partir du site Web des décisions de la Cour fédérale à Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Emploi et Développement social), 2016 CF 36.

3. Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Transports)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2016 CF 448

Date de la décision : Le

Disposition de la Loi sur l’accès à l’information : Alinéa 15(1)c)

  • Alinéa 15(1)c) – Affaires internationales et défense
  • Article 42 – Exercice du recours par le commissaire
Résumé

L’exception discrétionnaire de l’alinéa 15(1)c) de la Loi sur l’accès à l’information (LAI) vise spécifiquement à protéger l’information qui serait utile pour ceux qui voudraient commettre des activités hostiles ou subversives. Divulguer l’information confidentielle recherchée, soit le nombre de personnes total et le nombre de Canadiens sur la Liste de personnes précisées (LPP), permettrait à l’observateur averti d’obtenir de nouvelles données qu’il évaluera pour avancer ses fins.

Cependant, l’exercice de la discrétion de ne pas communiquer les renseignements n’a pas été effectué de façon raisonnable. Certains arguments mis de l’avant par le décideur ne sont supportés par aucune, ou presque aucune preuve, ou encore presque aucun motif. Le dossier a été retourné à un autre décideur pour un réexamen.

Question en litige
  • La Cour doit déterminer si le décideur a raisonnablement qualifié l’information comme relevant du paragraphe 15(1) de la LAI, lui permettant d’invoquer les exceptions à la règle générale voulant que l’information soit communiquée.
  • La Cour doit déterminer si l’exercice de la discrétion du représentant du ministre de refuser la communication des renseignements suite aux recommandations de la Commissaire était raisonnable.
Faits

Le , une demande d’accès à l’information a été présentée auprès de Transports Canada, afin d’obtenir la divulgation du nombre de personnes et du nombre de citoyens canadiens sur la LPP. Suivant la demande, le , Transport Canada consulte les bureaux d’accès à l’information du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) afin d’obtenir leurs positions sur la demande de renseignements.

Le SCRS recommande que l’information demandée fasse l’objection d’une exception de communication en application du paragraphe 15(1) de la LAI. Quant à elle, la GRC indique dans sa réponse ne pas être trop inquiète de la divulgation des informations. Son représentant indique que la GRC n’appliquerait pas le paragraphe 15(1) de la LAI dans ces circonstances, mais que la GRC ne s’objecte pas à ce que Transports Canada invoque l’exception.

Le , Transports Canada envoie une lettre à la demanderesse indiquant son refus de divulguer l’information demandée sur la base de l’alinéa 15(1)c) de la LAI. Le , la demanderesse dépose une plainte auprès du commissaire à l’information relativement à la décision de Transports Canada de ne pas communiquer les renseignements demandés.

La commissaire enquête et fait part de ses observations à Transports Canada le . La commissaire informe Transports Canada qu’elle n’est pas convaincue qu’un risque de porter préjudice à la détection, à la prévention, ou à la répression d’activités hostiles ou subversives découlerait de la divulgation de l’information ni que le décideur avait exercé sa discrétion en refusant la demande. La commissaire a reçu des représentations additionnelles de la part de Transports Canada.

Le , au terme de son enquête, la commissaire émet ses recommandations. Le , Transports Canada, rejette les recommandations de la commissaire et communique le refus de divulguer les informations demandées.

Avec le consentement de la demanderesse, la commissaire exerce le présent recours en révision judiciaire de la décision de Transports Canada en application de l’article 42 de la LAI.

Décision

Les demandes de contrôle judiciaire sont accordées en partie. L’exception invoquée afin de ne pas communiquer l’information recherchée, soit l’alinéa 15(1)c) de la LAI, est justifiée. Toutefois, l’exercice de la discrétion prévue au paragraphe 15(1) est déclaré déraisonnable et le dossier est retourné à un autre décideur afin qu’il exerce à nouveau la discrétion prévue selon les directives émises par la Cour.

Motifs
Cadre juridique

Qualification

Avant de se lancer dans la description des normes applicables et des fardeaux de preuve aux différentes étapes, la Cour signale qu’il importe de clarifier que la qualification et l’exercice de la discrétion sont révisés par la Cour en tenant compte de la totalité des informations ainsi que des rôles joués par les parties. La Cour a devant elle toute la preuve utilisée lors des décisions effectuées par le décideur, incluant la position prise par la commissaire ainsi que les motifs justifiant selon elle la divulgation de l’information confidentielle recherchée (ICR).

Dans ces circonstances, lorsque la commissaire participe à l’audience à huis clos et à l’audience publique afin de se prévaloir de l’exception trouvée à l’alinéa 15(1)c) de la LAI, le décideur doit démontrer qu’il était raisonnable de déterminer que l’information en cause risquerait vraisemblablement de causer un préjudice probable à la prévention ou répression d’activités hostiles ou subversives. Pour ce faire, les facteurs pertinents sont : il existe une présomption en faveur de la divulgation de l’information; les détails donnés lors de l’exercice de qualification en application de l’article 15 de la LAI doivent être précis et détaillés; le préjudice allégué ne doit pas être abstrait ou de nature spéculative.

Exercice de la discrétion

Puisque la commissaire a accès à toute l’information pertinente et a participé à toutes les instances, le fardeau incombe en premier lieu à la commissaire d’établir que l’exercice de la discrétion du décideur a été effectué de manière déraisonnable. Si la commissaire réussit à remplir son fardeau, en deuxième lieu, le fardeau est renversé et le décideur doit établir qu’il a effectivement exercé sa discrétion de manière raisonnable. Toutefois, cette norme doit tenir compte des objectifs de la LAI et le décideur doit exercer sa discrétion en tenant compte de ceux-ci.

Lors de l’évaluation du caractère raisonnable de l’exercice de la discrétion du décideur aux fins d’un contrôle judiciaire d’une décision prise sous l’égide de la LAI, la Cour doit prendre en compte les motifs de justification invoqués par le décideur, la transparence, et l’intelligibilité du cheminement décisionnel à l’égard des faits en preuve. En plus, lorsque la commissaire est une partie à l’instance, la Cour se doit de prendre en compte ses arguments, ses suggestions et d’analyser de quelle façon le décideur en discute et les prend en considération. Lorsqu’il décide, le décideur doit démontrer qu’il connaît bien les demandes d’accès, qu’il comprend les arguments en faveur d’une divulgation et qu’il considère soigneusement ces arguments tout en tenant compte des objectifs de la LAI.

La Cour réitère que le décideur ne peut simplement indiquer qu’il a considéré tous les facteurs pertinents. Il doit concrètement démontrer comment il les a pris en compte. En de telles circonstances, le décideur doit exhiber une préoccupation non seulement pour la non-divulgation, mais aussi pour la divulgation, en tenant compte, de façon complète et transparente, des arguments favorisant la divulgation. Il doit soupeser ces arguments en fonction des objectifs de la LAI. Ceci nécessite un effort intellectuel sérieux qui permet à l’observateur de constater que les arguments favorisant la divulgation ont vraiment été considérés.

La Cour doit déterminer si le décideur a raisonnablement qualifié l’information comme relevant du paragraphe 15(1) de la LAI, lui permettant d’invoquer les exceptions à la règle générale voulant que l’information soit divulguée.

Le décideur doit démontrer, dans ses motifs, que la divulgation de l’ICR risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives. Le préjudice à établir doit en être un qui est probable selon les faits et ne doit pas être hypothétique ou spéculatif. Il demeure toutefois que le préjudice ne doit pas obligatoirement se matérialiser par la divulgation, car avoir à faire une telle preuve est impossible.

Le Programme de protection des passagers de Transports Canada (PPP) est une des mesures de contrôle qui assure la protection des passagers voyageant du ou vers le Canada par avion. De plus, la LPP est unique en son genre et fait partie des plusieurs mesures de contrôle essentielles afin d’assurer la sécurité des passagers, des équipages et des aéronefs. Il est aussi important de noter que la LLP, telle que constituée, n’est pas comparable aux autres listes de voyageurs prohibés de voyager par avion. La « No Fly List » américaine et celle de l’ONU n’utilisent pas les mêmes critères de sélection que la LPP. Cette dernière a donc, dans le cadre du PPP, une vocation unique et particulière qui ne peut être remplacée par les autres listes prohibant certaines personnes à voyager par avion.

Il est évident que la justification principale du décideur pour refuser la divulgation de l’ICR est la perte de l’effet dissuasif de la LPP. Selon le décideur, cette perte répond à l’exigence de l’existence d’un préjudice nécessaire afin de qualifier l’information sous l’égide de l’alinéa 15(1)c). Le décideur explique de façon détaillée que révéler l’ICR donnerait à un observateur averti de l’information qu’il pourrait utiliser pour ses propres fins. Dans le contexte mondial moderne où la menace d’attentats violents est appréciable, l’information et sa collecte sont très importantes. Il est reconnu que certains groupes utilisent l’information, l’analysent et déterminent en conséquence leurs actions à venir, au moins en partie, sur cette base. L’alinéa 15(1)c) de la LAI vise spécifiquement à protéger l’information qui serait utile pour ceux qui voudraient commettre des activités hostiles ou subversives telles que des actes de terrorisme, ce qui inclut les détournements de moyens de transport contre le Canada, contre un État étranger ou sur leur territoire.

Dans sa lettre de , le décideur explique de façon raisonnable que publiciser l’ICR donnerait de l’information forte utile à l’observateur averti. Une telle affirmation n’est pas de la spéculation ou une hypothèse : divulguer l’ICR, soit le nombre de personnes total et le nombre de Canadiens sur la LPP, permettrait à l’observateur averti d’obtenir de nouvelles données qu’il évaluera pour avancer ses fins. Pour cet observateur, dans l’état actuel du dossier, il s’agit d’informations pertinentes et utiles. Sur cette base, le juge conclut que dévoiler l’ICR créerait un risque vraisemblable de préjudice probable; le comment et le pourquoi du préjudice sont évidents. Dans l’intérêt des Canadiens et en particulier de ceux et celles qui voyagent par voie aérienne, il n’y a pas lieu de créer ce risque probable.

Pour en arriver à cette conclusion, les arguments de la commissaire concernant l’exception de l’alinéa 15(1)c) ont aussi été pris en considération. La Cour ne peut les retenir pour les raisons mentionnées ci-haut. Toutefois, la Cour note que sa conclusion quant à la qualification est faite sur la base des données particulières à l’affaire en instance. Si les données changent à l’avenir, il se pourrait que le présent constat change aussi.

La Cour juge qu’une telle conclusion à l’étape de la qualification n’est pas déterminante en ce qui a trait à l’étape suivante, soit l’analyse de la raisonnabilité de l’exercice de la discrétion effectué par le décideur.

La Cour doit déterminer si l’exercice de la discrétion du représentant du ministre de refuser la divulgation des informations suite aux recommandations de la commissaire était raisonnable.

À l’étape de l’analyse de la raisonnabilité de l’exercice de la discrétion, la commissaire, ayant connaissance entière du dossier, a le fardeau d’établir la raisonnabilité de la décision du décideur. Pleinement informée, la commissaire peut avancer tous les arguments qu’elle estime appropriés.

La Cour conclut que l’exercice de la discrétion n’a pas été effectué de façon raisonnable. Certains arguments mis de l’avant par le décideur ne sont supportés par aucune, ou presque aucune preuve, ou encore presque aucun motif. De plus, lorsque le décideur a motivé sa décision, il ne répondait pas aux arguments soulevés par les demanderesses.

À titre d’exemple, la commissaire suggère qu’il est possible que la déclaration du ministre des Transports explicitant qu’il y avait entre 500 et 2000 personnes sur la liste, soit une « divulgation accomplie » ou encore que la décision de ne pas divulguer l’ICR vise à protéger un embarras quelconque. L’argument concernant la déclaration du ministre a été abordé par le décideur, mais de façon incomplète et sans vraiment répondre aux arguments des demanderesses à ce sujet. La Cour déclare qu’il s’agit, en de telles circonstances, d’un manque flagrant de transparence et de raisonnabilité dans l’exercice de la discrétion.

L’argument invoquant un préjudice possible aux relations internationales entre le Canada et ses alliés semble avoir été conçu de façon à impressionner le lecteur. En plus, les motifs invoqués par le décideur se basent sur la prémisse que l’ICR n’est pas connue des autorités américaines, ce qui n’a pas été établi de façon convaincante par la preuve, bien au contraire. Les motifs mis de l’avant à ce sujet ne sont pas appuyés par la preuve et ne survivent pas à son examen.

Il y a donc trois raisons qui rendent l’exercice de la discrétion déraisonnable : il y a très peu de motifs traitants du passage du temps, un refus de traiter de façon sérieuse la déclaration du ministre des Transports, et enfin un total manque de preuve pour appuyer l’argument que les relations internationales avec les États-Unis et autres seraient négativement affectées.

Pour ces raisons, le dossier est retourné à un autre décideur afin qu’il exerce la discrétion nécessaire et en arrive à une conclusion de façon informée. N’ayant pas le pouvoir d’exiger une nouvelle décision dans une période définie, la Cour juge exprime son souhait que ce soit fait à court terme (90 jours). Ces demandes ont été faites en 2010, il y a presque six (6) ans.

La décision peut être consultée à partir du site Web des décisions de la Cour fédérale à Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Transports), 2016 CF 446.

4. Canada (Commissariat à l’information) c. Administration portuaire de Toronto

Cour fédérale du Canada

Référence : 2016 CF 683

Date de la décision : Le 8 août 2016

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Alinéas 18a), 18b) et 21(1)b)

  • Alinéa 18a) – Intérêts économiques du Canada, secrets industriels ou renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques
  • Alinéa 18b) – Intérêts économiques du Canada, renseignements dont la communication risquerait de nuire à la compétitivité d’une institution fédérale ou d’entraver des négociations
  • Alinéa 21(1)b) – Comptes rendus de consultations ou délibérations
Résumé

La Loi sur l’accès à l’information (LAI) ne prévoit aucune règle précise permettant de savoir à quel moment il n’est plus loisible à une institution fédérale d’invoquer une nouvelle exception discrétionnaire et, par voie de conséquence, à quel moment l’enquête du Commissariat à l’information (CIC) sur une plainte est complétée. En cas de différend à ce sujet, la Cour examine toutes les circonstances de l’espèce, qu’elles soient subjectives ou objectives, afin de déterminer si l’exception peut être invoquée.

L’alinéa 21(1)b) de la LAI peut s’appliquer à des questions de fait lorsque ces faits servent d’assise à des consultations et délibérations que le responsable d’une institution fédérale peut refuser de divulguer. Le caractère public de certains renseignements ne fait pas obstacle à l’application de l’alinéa 21(1)b) de la LAI.

L’alinéa 21(1)b) de la LAI n’oblige pas une institution fédérale à démontrer qu’elle subira un tort ou un préjudice. Le Parlement a octroyé au responsable d’une institution fédérale le pouvoir discrétionnaire de refuser de communiquer des comptes rendus de consultations ou de délibérations par les personnes mentionnées à l’alinéa 21(1)b) de la LAI, sans réserve.

La question de savoir à qui il incombe de démontrer si l’institution fédérale a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable, en ce qui a trait aux exceptions discrétionnaires, dépend des circonstances portées à la connaissance de la Cour et, en l’espèce, puisque la commissaire à l’information était partie à la procédure et qu’elle avait eu accès aux dossiers en cause, il lui incombait de démontrer qu’une erreur susceptible de contrôle judiciaire avait été commise dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire.

Lors de l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, les institutions fédérales devraient tenir compte de facteurs tels que : l’objet de l’exception, le passage du temps, les principes et les objectifs de la LAI, le principe selon lequel on ne peut pas se servir de la LAI pour dissimuler des actes embarrassants ou illégaux, l’intérêt public et tout intérêt pertinent, ainsi que la divulgation publique préalable des renseignements.

Questions en litige
  • Quelle est la norme de contrôle applicable?
  • La demande de contrôle judiciaire est-elle prématurée?
  • Les exceptions que l’Administration portuaire de Toronto (APT) a invoquées sur le fondement des alinéas 18a), 18b) et 21b) s’appliquent-elles?
  • Si oui, quelle partie a le fardeau de démontrer que le responsable de l’APT a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire, et tel a-t-il été le cas dans la présente affaire?
  • Si la Cour détermine que la demande doit être accueillie en tout ou en partie, quelle est la réparation appropriée?
Faits

La commissaire à l’information a présenté une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’alinéa 42(1)a) de la LAI et a demandé une ordonnance enjoignant à l’Association portuaire de Toronto (APT) de divulguer le procès-verbal d’une réunion du Comité de vérification et des finances de l’APT (le Comité).

Un journaliste de La Presse canadienne (le demandeur) a déposé une demande d’accès à l’information auprès de l’APT dans laquelle il demandait, entre autres documents, [traduction] « les notes, le procès-verbal et les enregistrements » de la réunion en question. L’APT a refusé de transmettre une quelconque partie du procès-verbal au demandeur parce que des renseignements commerciaux et financiers dont la communication porterait atteinte à la position concurrentielle de l’APT y figuraient.

Le demandeur a déposé une plainte auprès du CIC. Au cours de l’enquête du CIC, l’APT a réaffirmé sa position selon laquelle elle s’appuyait sur les alinéas 18a) et 18b) de la LAI pour refuser de communiquer le procès-verbal. L’APT a aussi invoqué les alinéas 20(1)b) et 20(1)d) de la LAI dans des communications ultérieures adressées au CIC.

À la suite d’autres échanges entre le CIC, l’APT et le tiers dont les renseignements étaient visés par les observations de l’APT concernant le paragraphe 20(1), le CIC a écrit au responsable de l’APT, le , conformément au paragraphe 37(1) de la LAI, pour l’aviser que, compte tenu des observations de l’APT et des éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête, les exceptions invoquées n’étaient dans l’ensemble pas justifiées et que la plainte du demandeur était bien fondée. Le CIC a recommandé que le procès-verbal soit transmis dans son intégralité et a demandé à l’APT de lui donner avis soit des mesures prises ou envisagées pour la mise en œuvre de ses recommandations, soit des motifs invoqués pour ne pas y donner suite.

Après la recommandation effectuée en vertu du paragraphe 37(1) de la LAI, d’autres discussions ont eu lieu entre le CIC et l’APT. Dans une lettre datée du adressée au CIC, le responsable de l’APT a consenti à la divulgation d’une version expurgée du procès-verbal, en dépit du fait que l’APT maintenait sa position selon laquelle l’ensemble du procès-verbal était visé par les exceptions prévues aux alinéas 18a) et 18b) ainsi qu’au paragraphe 20(1) de la LAI. Dans cette lettre, le responsable de l’APT a également indiqué pour la première fois que l’alinéa 21(1)b) de la LAI s’appliquait. L’APT a communiqué une version expurgée du procès-verbal au demandeur en s’appuyant cette fois encore sur l’alinéa 21(1)b) de la Lai pour justifier la non-divulgation.

Par suite de la position adoptée par l’APT, il y a eu un échange de courriels entre le CIC et le demandeur en vue de déterminer si celui-ci était satisfait de la divulgation par l’APT du procès-verbal expurgé. Le CIC a informé l’APT, par courriel, que le demandeur n’était pas satisfait et a indiqué que le CIC allait, par conséquent, poursuivre le processus.

Le , le rapport et la recommandation du CIC ont été transmis au demandeur conformément au paragraphe 37(2) de la LAI. Le rapport final concluait que la plainte était bien fondée et non résolue au motif que les mesures prises par l’APT étaient inadéquates.

Dans son compte rendu final, le CIC fait remarquer que l’APT a invoqué l’exception prévue à l’alinéa 21(1)b) de la LAI pour la première fois le , après que le commissaire lui eut fait part de ses conclusions. À cet égard, le compte-rendu final conclut que l’APT ne s’est pas acquittée de son obligation de justifier l’application de l’alinéa 21(1)b) de la LAI et que rien ne permettait de conclure que les facteurs militant pour et contre la divulgation avaient été soupesés dans le cadre de l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’appliquer l’exception. Le demandeur a consenti à ce que le CIC présente à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire du refus de l’APT de divulguer le procès-verbal dans son intégralité.

Décision

La demande a été accueillie.

Motifs
Quelle est la norme de contrôle applicable?

La question de la norme de contrôle applicable n’a pas été contestée : « La question de l’application des exceptions est soumise à la norme de la décision correcte. Celle qui intéresse l’exercice convenable du pouvoir discrétionnaire répond à la norme de la décision raisonnable. » (Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CAF 104, par. 18). Lorsque la Cour examine la question de savoir si l’information relève d’une exception visée par la LAI, elle le fait de novo, mais il n’y a pas d’examen de novo lorsqu’il s’agit de l’exercice du pouvoir discrétionnaire.

La demande de contrôle judiciaire est-elle prématurée?

L’APT a fait valoir que la commissaire a prématurément déposé la demande de contrôle judiciaire parce qu’elle n’a pas fait enquête sur le recours, par l’APT, à l’exception prévue à l’alinéa 21(1)b) de la LAI. La commissaire soutient que l’APT ne peut pas s’appuyer sur l’exception prévue à l’alinéa 21(1)b) de la LAI parce qu’elle ne l’a pas invoquée avant qu’elle délivre la recommandation visée au paragraphe 37(1), le .

Il n’est nulle part indiqué dans la LAI qu’une enquête est terminée avant que le CIC fournisse au demandeur le rapport final visé au paragraphe 37(2) de la LAI, dès lors qu’il a communiqué au responsable de l’institution fédérale sa recommandation en application du paragraphe 37(1) de la LAI. La jurisprudence appuie également la proposition selon laquelle il n’existe aucune règle ferme dans la LAI quant à savoir à quel moment il n’est plus loisible à une institution fédérale d’invoquer une nouvelle exception discrétionnaire et, par voie de conséquence, à quel moment l’enquête du commissaire sur une plainte est achevée. En cas de différend, comme dans la présente affaire, la Cour examinera toutes les circonstances de l’espèce, qu’elles soient subjectives ou objectives.

Bien que la Cour n’ait pas conclu qu’il n’arrive jamais qu’une enquête soit complétée avant la remise du compte rendu au plaignant en vertu du paragraphe 37(2), les circonstances de l’espèce, notamment la conduite du CIC, l’ont amenée à conclure que ce dernier n’avait pas considéré l’enquête comme étant achevée lors de la communication à l’APT de la recommandation prévue au paragraphe 37(1) de la LAI. Cette recommandation était silencieuse sur la question de savoir si l’APT pouvait invoquer de nouvelles exceptions à ce moment-là; le CIC n’a pas informé le demandeur que l’enquête était terminée; au contraire, il l’a plutôt informé qu’il pouvait [traduction] « encore négocier avec l’APT »; et dans son rapport final produit plusieurs mois après que l’APT eut invoqué l’exception prévue à l’alinéa 21(1)b) de la LAI en réponse à la recommandation visée par le paragraphe 37(1) de la LAI, le CIC n’a pas dit que cette exception ne pouvait pas être invoquée par l’APT en , et il conclut plutôt que l’APT [traduction] « ne s’est pas acquittée de son obligation de justifier l’application de l’alinéa 21(1)b) [...] ».

Par conséquent, l’enquête du CIC était en cours, mais pratiquement achevée, en , de sorte qu’il était loisible à l’APT de se prévaloir d’une exception jusqu’alors non invoquée pour justifier la non-divulgation du procès-verbal. Toutefois, la capacité et la décision de l’APT d’invoquer l’exception prévue à l’alinéa 21(1)b) de la LAI, en , n’imposaient aucune obligation au CIC de rouvrir ou de recommencer ce qui était, en fait, une enquête quasiment terminée. Il lui était loisible de conclure qu’une enquête formelle et plus approfondie n’était pas nécessaire. Il lui était également permis de soulever le fait que l’APT n’avait pas présenté de motif valable de faire valoir l’exception prévue à l’alinéa 21(1)b) de la LAI. S’il fallait obliger la commissaire à relancer une enquête dans ces circonstances, cela risquerait de prolonger considérablement les enquêtes si une institution fédérale choisissait d’invoquer des exceptions de manière fragmentaire.

Les conditions préalables à une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 41 de la LAI, adaptée au contexte de l’article 42 de la LAI, ont toutes été remplies avant que le demandeur dépose la présente demande de contrôle judiciaire :

  1. le demandeur s’est vu « refuser l’accès » à un renseignement sous le contrôle de l’APT;
  2. le demandeur a déposé une plainte auprès du CIC;
  3. le CIC a mené une enquête sur la plainte du demandeur;
  4. le demandeur a reçu un rapport du CIC en vertu du paragraphe 37(2) de la LAI;
  5. le demandeur a donné son consentement à la commissaire pour déposer la présente demande de contrôle judiciaire.

La demande n’était donc pas prématurée.

Les exceptions que l’APT a invoquées sur le fondement des alinéas 18a), 18b) et 21(1)b) s’appliquent-elles?

Paragraphes 18a) et b) de la LAI

L’APT fait valoir que les alinéas 18a) et b) de la LAI s’appliquent aux parties du procès-verbal expurgé qui comportent des renseignements importants sur le pouvoir de signature, la stratégie en matière de dépenses en immobilisations et le processus d’achat de l’APT, entre autres choses. Selon l’APT, le fait de rendre ces informations publiques divulguerait les pratiques particulières de l’APT, ce qui donnerait à ses concurrents un avantage concurrentiel injuste.

Le CIC soutient que la plupart des renseignements du procès-verbal sont factuels, relèvent du domaine public ou sont inoffensifs et ne peuvent faire l’objet d’une exception. Les renseignements ne sont pas des renseignements commerciaux ou financiers au sens du paragraphe 18a) de la LAI et l’APT n’a pas réussi à prouver que, même s’ils étaient de nature financière ou commerciale, les renseignements ont une valeur importante ou pourraient vraisemblablement en avoir une.

Pour ce qui est de l’alinéa 18b) de la LAI, le CIC estime qu’il n’y a aucune raison de conclure que les renseignements non divulgués sont de nature à causer un préjudice qui serait au-delà d’un risque possible ou spéculatif, ou qui nuirait à la compétitivité de l’APT; la divulgation d’un procès-verbal établi il y a plus de six ans n’aura aucune incidence sur des négociations contractuelles ou autres, car aucune négociation de ce genre n’est en cours pour l’achat d’un traversier.

La Cour a conclu que l’exception prévue à l’alinéa 18a) de la LAI ne peut s’appliquer à aucun des renseignements auxquels l’APT l’a appliquée. Ce ne sont pas tous les renseignements à l’égard desquels l’alinéa 18b) de la LAI a été appliqué qui révéleraient des secrets commerciaux ou des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques. Bien que l’on puisse dire que certains des renseignements expurgés pourraient mettre en cause les intérêts « commerciaux » et « financiers » de l’APT selon le sens ordinaire de ces termes, l’APT n’a pas démontré au moyen d’une preuve directe que tous les renseignements à l’égard desquels l’alinéa 18a) de la LAI a été appliqué ont une valeur importante ou peuvent vraisemblablement en avoir une. Dans certains cas, les renseignements expurgés semblent refléter les pratiques commerciales ou professionnelles habituelles dans les cas où une entreprise commerciale engage d’importantes dépenses en immobilisations. En outre, certains renseignements qui pourraient avoir une valeur importante sont accessibles au public.

La Cour a rejeté le recours par l’APT à l’alinéa 18b) de la LAI, car la preuve ne permettait pas de conclure que le contenu du procès-verbal en question risquerait vraisemblablement de nuire à la compétitivité de l’APT, notamment parce que des renseignements connexes étaient accessibles du fait qu’ils étaient du domaine public ou parce que, par ses affirmations jugées spéculatives et non étayées par des preuves objectives, l’APT n’avait pas démontré que le préjudice risquait vraisemblablement de se produire.

Toutefois, la Cour a accepté le recours par l’APT à l’alinéa 18b) de la LAI en ce qui concerne les renseignements relatifs à une hypothèque précise, car il n’y avait aucune preuve devant la Cour quant à savoir si l’hypothèque avait été enregistrée dans les registres publics. Dans ces circonstances, la Cour a estimé que l’affirmation que la divulgation nuirait aux futures négociations relatives à des transactions immobilières ainsi que le fait que l’hypothèque n’était pas enregistrée étaient suffisants pour établir que la divulgation des modalités de l’hypothèque, incluant le taux d’intérêt applicable, pourrait vraisemblablement nuire à l’avenir à la compétitivité de l’APT.

Paragraphe 21(1)b) de la LAI

L’APT a fait valoir que l’exception discrétionnaire prévue à l’alinéa 21(1)b) s’applique à l’ensemble du procès-verbal parce que ce dernier est un compte rendu de délibérations qui décrit la manière dont l’APT exerce ses activités. Selon l’APT, le simple fait que le procès-verbal concerne des circonstances factuelles ne permet pas de conclure qu’il ne s’agit pas d’un compte rendu de délibérations. En outre, le simple fait que les circonstances factuelles soient publiques dans un autre contexte n’a pas pour conséquence de rendre également publiques les délibérations s’y rapportant.

Le CIC n’a pas enquêté sur le recours à l’alinéa 21(1)b) de la LAI. Il fait néanmoins valoir que l’exception prévue à l’alinéa 21(1)b) de la LAI ne s’applique pas lorsque les renseignements en cause sont en grande partie de nature factuelle et que l’APT avait une obligation, en vertu de l’article 25, de prélever la composante factuelle du procès-verbal et de divulguer cette information au demandeur.

La Cour a examiné le recours par l’APT à l’alinéa 21(1)b) de la LAI et l’a rejeté :

  1. lorsqu’il concernait des déclarations factuelles qui ne traduisaient pas l’existence d’un différend, ni ne trahissaient le contenu des consultations ou des délibérations qui auraient pu survenir auparavant ou dans le cadre de la réunion;
  2. lorsqu’il avait été utilisé d’une manière incohérente et sans justification;
  3. lorsque l’information en cause ne concernait qu’un échange portant sur des questions administratives ou de logistique;
  4. lorsque l’information était de nature factuelle, était le reflet de pratiques habituelles de gouvernance corporative, et ne concernait pas des délibérations, mais se rapportait plutôt à une décision, simple et non controversée, de déléguer le pouvoir de signer des chèques à un contrôleur de l’APT dont le rôle, la fonction et l’identité étaient connus publiquement.

Toutefois, la Cour a accepté l’application par l’APT de l’alinéa 21(1)b) de la LAI lorsque l’information concernait un compte rendu de consultations ou de délibérations sur des questions qui exigeraient normalement un échange d’idées ou de points de vue ou un compte rendu de questions examinées par le Comité à cette époque. La Cour a également accepté l’application de l’alinéa 21(1)b) aux questions de faits lorsque celles-ci sous-tendaient des consultations et des délibérations que le responsable d’une institution fédérale peut refuser de divulguer ou lorsqu’elles étaient directement liés aux délibérations du comité de l’APT. Enfin, la Cour a accepté l’application par l’APT de l’alinéa 21(1)b) de la LAI lorsque les renseignements visés touchaient [traduction] « de faux départs, des impasses, de mauvais virages, des changements d’avis, la sollicitation de conseils et leur rejet, ainsi que la réévaluation des priorités et de l’importance relative des facteurs pertinents quand un problème est examiné de plus près ».

La Cour a rejeté la prétention du CIC selon laquelle le caractère public de certains renseignements expurgés du procès-verbal empêchait l’APT d’invoquer l’exception prévue à l’alinéa 21(1)b) de la LAI. L’alinéa 21(1)b) de la LAI n’oblige pas une institution fédérale à démontrer qu’elle subira un tort ou un préjudice. Le Parlement a octroyé au responsable d’une institution fédérale le pouvoir discrétionnaire de refuser de communiquer des comptes rendus de consultations ou de délibérations par les personnes mentionnées à l’alinéa 21(1)b) de la LAI, sans réserve.

Si oui, quelle partie a le fardeau de démontrer que le responsable de l’APT a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire, et tel a-t-il été le cas dans la présente affaire?

La Cour a conclu que la jurisprudence (Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2000] ACF no 779, 187 DLR (4e) (CA); 3430901 Canada Inc. c. Canada (Ministre de l’Industrie), 2001 CAF 254 (Telezone), Attaran c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), 2011 CAF 182, établit que la question de savoir à qui il incombe de démontrer si la défenderesse a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable relativement aux exceptions prévues aux alinéas 18b) et/ou 21(1)b) est tributaire des circonstances portées à l’attention de la Cour.

La Cour a jugé que les circonstances de l’espèce s’apparentaient beaucoup plus à celles de Telezone CAF qu’à celles des affaires Attaran et Ruby. La demanderesse était la commissaire, et non l’auteur de la demande, et elle a eu accès au procès-verbal non expurgé et à la longue correspondance entre le CIC et l’APT. La Cour s’est en conséquence dite d’avis que la demanderesse était en mesure d’assumer le fardeau de la preuve sur la question de savoir si l’APT a omis de prendre en compte des facteurs pertinents pour parvenir à sa décision d’expurger des passages du procès-verbal.

Il n’appartient pas à la Cour de déterminer comment elle aurait exercé le pouvoir discrétionnaire de l’APT; en effet, la Cour s’en tient à un examen, en fonction des principes du droit administratif, de la légalité de l’exercice du pouvoir discrétionnaire compte tenu de l’objet de la loi et de l’exception invoquée. La Cour détermine si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi et pour un motif qui se rapporte de façon logique à la raison pour laquelle il a été accordé, et si les responsables ont tenu compte de tous les facteurs que la loi les obligeait à examiner, y compris des facteurs comme :

  1. l’objet de l’exception;
  2. le passage du temps;
  3. les principes et les objectifs de la LAI;
  4. le fait que l’on ne peut pas utiliser la LAI pour dissimuler des actes embarrassants ou illégaux;
  5. l’intérêt public, en tenant compte de tous les intérêts pertinents; et
  6. la divulgation publique préalable des renseignements (Bronskill c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2011 CF 983, confirmée sur ce point par 2012 CAF 250).

En l’espèce, le CIC a établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’APT a tenu compte de facteurs non pertinents et ignoré des facteurs pertinents dans le cadre de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, ce qui constitue une erreur susceptible de contrôle.

Premièrement, le responsable de l’APT a commis une erreur en refusant de tenir compte du passage du temps et de l’achèvement de certains processus comme facteurs dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Lorsqu’un laps de temps important s’est écoulé et qu’une grande partie de l’information relève du domaine public, le passage du temps et l’achèvement de certains processus sont des facteurs pertinents à l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Le défaut de tenir compte de ces facteurs constituait une erreur susceptible de contrôle en ce qui concerne le paragraphe 18b) et l’alinéa 21(1)b) de la LAI.

Deuxièmement, la reconnaissance par l’APT que les exceptions prévues au paragraphe 20(1) de la LAI n’entrent pas en jeu emporte implicitement qu’aucun droit des tiers privés n’était en cause. L’APT n’avait aucun intérêt privé à soupeser dans le cadre de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. La mise en balance d’intérêts privés dans ce contexte témoigne donc de la prise en compte de considérations ou de facteurs non pertinents.

En outre, en raison du fait qu’elle n’a pas invoqué l’exception prévue à l’alinéa 21(1)b) de la LAI en temps opportun ni justifié le recours à celle-ci, l’APT n’a pas explicitement exposé à la Cour les motifs pour lesquels elle a choisi d’expurger certains passages et d’en divulguer d’autres auxquels l’exception prévue à l’alinéa 21(1)b) de la LAI semble également s’appliquer. Il est devenu nécessaire que l’APT démontre comment son pouvoir discrétionnaire a été exercé en raison du fait qu’elle a attendu que l’enquête du CIC soit pratiquement terminée pour invoquer l’alinéa 21(1)b) de la LAI. En outre, les réponses données lors du contre-interrogatoire, combinées au fait que ce n’est que le 28 octobre que l’APT a invoqué de façon spécifique l’alinéa 21(1)b) de la LAI, ont conduit la Cour à conclure que, selon la prépondérance des probabilités, ce n’est qu’à la fin du processus, après avoir reçu des conseils juridiques internes, et non pas tout au long du processus comme il est indiqué par voie d’affidavit, que le responsable de l’APT a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 21(1)b) de la LAI. L’APT ne peut, pour étayer la thèse que son pouvoir discrétionnaire d’appliquer l’alinéa 21(1)b) a été exercé de façon raisonnable le , s’appuyer sur le fait qu’en novembre 2011, alors qu’elle revendiquait les exceptions prévues aux alinéas 18a) et b) de la LAI, elle a mentionné les délibérations. L’APT n’a donc pas tenu compte de tous les facteurs pertinents, surtout du caractère public de la plupart des renseignements qu’elle a choisi de ne pas divulguer.

Si la Cour détermine que la demande doit être accueillie en tout ou en partie, quelle est la réparation appropriée?

La Cour a ordonné que l’APT divulgue les passages du procès-verbal expurgé à l’égard desquels aucune exception ne s’applique et que l’affaire soit renvoyée à l’APT pour qu’elle détermine de nouveau s’il y a lieu de s’appuyer sur les exceptions discrétionnaires pouvant être invoquées à la lumière des motifs de la Cour. La Cour n’a adjugé aucuns dépens.

La décision peut être consultée à partir du site Web des décisions de la Cour fédérale à Canada (Commissariat à l’information) c. Administration portuaire de Toronto, 2016 CF 683.

5. Husky Oil Operations Limited c. Office Canada–Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers

Cour fédérale du Canada

Référence : 2016 CF 117

Date de la décision : Le

Disposition de la Loi sur l’accès à l’information : Paragraphe 19(2)

  • Paragraphe 19(2) – Cas où la divulgation de renseignements personnels est autorisée

Disposition de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Article 3

  • Article 3 – Définition de renseignements personnels
Résumé

Lorsque seuls le nom et le titre d’un employé du secteur privé sont accessibles au public, une institution fédérale peut raisonnablement exercer son pouvoir discrétionnaire en décidant de communiquer le nom et le titre de l’employé en question liés à la correspondance avec l’institution fédérale.

Question en litige
  • L’Office Canada–Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable aux termes du paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information (LAI) lorsqu’il a décidé de divulguer le nom et le titre des employés de Husky figurant dans sa correspondance?
Faits

L’Office Canada–Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (l’Office) a reçu une demande de communication visant certains dossiers, lesquels renfermaient notamment la correspondance entre l’Office et des employés de Husky. Le nom et le titre d’employés de Husky figuraient dans la correspondance en question.

Les deux parties ont convenu que le public avait accès aux renseignements en question (nom et titre des employés de Husky) sur Internet.

Husky a fait valoir auprès de l’Office que, bien que les noms et titres figurent sur Internet, le fait que les personnes concernées ont participé aux projets en cause et ont soumis des dossiers à l’Office n’a pas été divulgué sur Internet. Par conséquent, les noms et titres demeurent des renseignements personnels puisqu’aucun lien n’a été établi (publiquement) entre les personnes visées et les dossiers.

L’Office a rejeté ces arguments et a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 19(2) de la LAI de communiquer les noms et les titres disponibles sur Internet. La décision de l’Office de communiquer ces renseignements est fondée sur le fait qu’il est possible de confirmer le nom des employés et leur association avec Husky sur Internet. Ainsi, l’Office était d’avis qu’il n’y avait aucune raison de refuser la communication de ces renseignements.

Décision

La demande de contrôle judiciaire a été rejetée avec dépens.

Motifs

Le droit est clair en ce qui concerne la norme de contrôle applicable à une demande fondée sur l’article 44 de la LAI mettant en cause les paragraphes 19(1) et (2). La question de savoir si les renseignements constituent des « renseignements personnels » au sens du paragraphe 19(1) doit être examinée selon la norme de la décision correcte et la question de savoir si les renseignements sont accessibles au public et s’ils peuvent être communiqués doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable (Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 RCS 403).

Les parties reconnaissent que le nom et le titre des deux employés étaient accessibles au public.

Selon la Cour, il incombe à Husky de démontrer que l’Office avait commis une erreur de fait ou de droit ou qu’il avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable (Toronto Sun Wah Trading Inc. c Canada (Procureur général), 2007  CF 1091). Husky n’a produit aucune preuve ni analyse expliquant pourquoi les renseignements en question ne doivent pas être communiqués.

Husky semble craindre que le demandeur établisse un lien entre les noms et les titres et les projets ou les renseignements présentés à l’Office et qu’elle subisse d’une façon ou d’une autre un désavantage. Or, ce type de préoccupation met généralement en cause l’article 20 de la LAI, question qui n’a pas été soulevée en l’espèce.

La Cour n’a aucun motif d’intervenir à l’égard de la décision de l’Office.

La décision peut être consultée à partir du site Web des décisions de la Cour fédérale à Husky Oil Operations Limited c. Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, 2016 CF 117.

6. Martin c. Canada (Santé Canada)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2016 CF 796

Date : Le

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Articles 17 et 19, alinéas 20(1)b) et c) et article 44

  • Article 17 – Sécurité des individus
  • Article 19 – Renseignements personnels
  • Alinéa 20(1)b) – Renseignements de tiers, renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques
  • Alinéa 20(1)c) – Renseignements de tiers, divulgation risquerait de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité
  • Article 44 – Recours en révision du tiers

Disposition de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Article 3

  • Article 3 – Définition, renseignements personnels
Résumé

Selon la Cour, le libellé « le public y a accès » signifie que les renseignements personnels doivent être accessibles au public de manière continue. En l’espèce, la Cour n’était pas convaincue que le critère de l’accessibilité continue des renseignements personnels par le public était rempli, car les renseignements personnels étaient protégés par un mot de passe. Par conséquent, il était impossible d’y accéder de manière indépendante lorsque Santé Canada a pris la décision de communiquer les documents.

Même si les renseignements personnels étaient accessibles au public, la Cour a établi que l’exercice de la discrétion prévu à l’alinéa 19(2)b) de la Loi sur l’accès à l’information (LAI) en faveur de la communication était déraisonnable compte tenu de l’objet de l’exception et des faits en l’espèce.

Afin de déterminer si les renseignements étaient confidentiels, la Cour a appliqué le critère de confidentialité objective à trois volets entériné dans la décision Commissaire à l’information du Canada c. Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (BCEATST), 2006 CAF 157. En appliquant le critère de la décision dans BCEATST, la Cour a conclu que les documents en cause ont été communiqués à titre confidentiel par Dr Martin, le superviseur de l’étude et les autres à Santé Canada.

Question en litige
  • La question est de savoir si les documents ou les extraits de documents désignés par Santé Canada dans le cadre de la réponse à la demande d’accès à l’information sont soustraits à la communication aux termes des articles 17 et 19, et des alinéas 20(1)b) et c) de la LAI.
Faits

En , un résident canadien (superviseur de l’étude) a visité le Dr Martin aux États-Unis pour le consulter au sujet d’essais cliniques liés aux enfants qui sont touchés par un trouble du développement. Ce trouble affecte également le fils du superviseur de l’étude. Ce dernier a inscrit son fils à l’essai clinique et le Dr Martin lui a donné une solution de traitement en comprenant de Santé Canada que c’était un appareil médical à des fins personnelles qui était autorisé aux termes de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les instruments médicaux. Le superviseur de l’étude a également invité d’autres parents canadiens à participer à l’essai clinique en présumant qu’ils pouvaient également avoir recours à l’exception d’usage personnel.

Le superviseur de l’étude a lancé un site Web utilisé pour fournir de l’information aux parents participants à l’essai clinique. Le site permettait aux parents participants de raconter les progrès de leur enfant et d’échanger des témoignages au sujet des résultats de l’essai clinique. Toutefois, peu de temps après, la solution de traitement a cessé de fonctionner et des préoccupations ont été soulevées selon lesquelles les enfants auraient été mis en danger par l’essai clinique.

En , Santé Canada a reçu une plainte de deux parents concernés dont les enfants avaient participé à l’essai clinique. Dans le cadre de l’enquête, Santé Canada a fait la découverte de publicités de l’essai clinique dans lesquelles on affirmait que le ministère avait autorisé l’étude, alors que ce n’était pas le cas. Le Dr Martin et le superviseur de l’étude ont coopéré au cours de l’enquête de Santé Canada qui a mené à la cessation de l’essai clinique et à la fermeture du site Web.

En 2011, la vérificatrice générale du Canada a publié un rapport qui incluait une déclaration au sujet de l’essai clinique non autorisé de 2008. Quelques mois plus tard, Santé Canada a reçu une demande d’accès à l’information visant « Tous documents et rapports d’enquête relatifs à un essai clinique non autorisé qui avait cours en 2008 au Canada, mené par un médecin établi à l’extérieur du Canada, et qui recrutait des participants canadiens, jusqu’à ce que Santé Canada en soit averti par les parents d’un enfant-patient qui y participait. Les publicités relatives à cet essai clinique prétendaient qu’il avait été autorisé par Santé Canada ».

Santé Canada a trouvé 463 pages en réponse à la demande et elle a consulté le Dr Martin au sujet de 46 de ces pages. Après une période de consultation, Santé Canada a rendu une décision. Le Dr Martin a présenté une demande de contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour fédérale. Au cours de la préparation de la réponse à l’affidavit du Dr Martin soumis avec sa demande, on a déterminé que 100 autres pages étaient pertinentes dans le cadre de la demande d’accès à l’information. Après une période de consultation, Santé Canada a rendu une décision concernant les 100 pages. Cette décision a également donné lieu à une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. L’audience tenue devant la Cour a réuni les deux demandes. Le Dr Martin soutient que les documents ou les extraits de documents sont soustraits à la communication, car leur communication risquerait vraisemblablement de menacer la sécurité des personnes aux termes de l’article 17 de la LAI, et qu’ils constituent des renseignements personnels aux termes de l’article 19 de la LAI ou des renseignements de tiers protégés par les alinéas 20(1)b) et c) de cette même loi.

Décision

La Cour fédérale a partiellement accueilli la demande conformément aux motifs du jugement. La Cour fédérale a déterminé que certains documents ou extraits de documents sont soustraits à la communication en tant que renseignements techniques ou scientifiques de nature confidentielle fournis par un tiers aux termes de l’alinéa 20(1)b) de la LAI ou en tant que renseignements personnels aux termes de l’article 19 de la LAI. Un montant de 1 000 $ a été accordé au Dr Martin.

Motifs

À titre préliminaire, la Cour a conclu que la réparation demandée par le Dr Martin, visant la modification du rapport de 2011 de la vérificatrice générale, ainsi que de tous les autres documents pertinents, afin de supprimer les termes « non autorisé » lorsqu’ils sont utilisés en référence à l’essai clinique qui était mené au Canada, ne peut être accordée dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

Le Dr Martin soutient que certains documents qui devaient être divulgués par Santé Canada devraient faire l’objet d’une exception compte tenu du fait qu’ils contiennent des renseignements qui, s’ils étaient divulgués, pourraient vraisemblablement menacer sa sécurité, ainsi que celle du superviseur de l’étude, conformément à l’article 17 de la LAI. Le Dr Martin a soutenu que les parents ou des sympathisants mécontents pourraient conclure à tort que le superviseur de l’étude ou le Dr Martin avaient mis les enfants en danger dans le cadre de l’essai clinique. La Cour a conclu que la preuve soumise ne donnait pas ouverture à l’application de l’article 17 de la LAI. Le Dr Martin n’est pas parvenu à démontrer qu’il y avait un lien direct entre la communication des documents et le préjudice allégué, car il n’a pas soumis d’éléments de preuve détaillés et convaincants permettant d’établir que ces résultats étaient raisonnablement probables.

La Cour a appliqué à certains documents l’exception prévue à l’article 19 de la LAI, qui protège les renseignements personnels tels que définis à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements. Les renseignements personnels en cause incluaient les renseignements fournis par le Dr Martin et d’autres personnes au cours de l’enquête de Santé Canada sur l’essai clinique tels que des copies imprimées de pages de sites Web et des renseignements liés à l’essai clinique qui contenaient des renseignements personnels dans la mesure où ils portaient sur l’historique médical des participants à l’essai clinique.

La Cour n’a pas estimé que les renseignements personnels ont été accessibles au public, au sens de l’alinéa 19(2)b) de la LAI. Selon la Cour, le libellé « le public y a accès » signifie que les renseignements personnels doivent être accessibles au public de manière continue. En l’espèce, la Cour n’était pas convaincue que le critère de l’accessibilité continue des renseignements personnels par le public était rempli, car les renseignements personnels étaient protégés par un mot de passe. Par conséquent, il était impossible d’y accéder de manière indépendante lorsque Santé Canada a pris la décision de communiquer les documents. Dans la mesure où les renseignements en question étaient prétendument accessibles également sur le site Web Archive.org, la Cour a conclu que la défenderesse n’a présenté aucun élément de preuve quant aux capacités d’archivage de la « Wayback Machine », lorsqu’un mot de passe est utilisé comme mesure de sécurité sur un site Web.

Même si les renseignements personnels étaient accessibles au public, la Cour a établi que l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à l’alinéa 19(2)b) de la LAI en faveur de la communication était déraisonnable au vu de l’objet de l’exception et des faits en l’espèce. Les faits pertinents comprenaient le libellé de la demande d’accès, l’environnement confidentiel dans lequel les renseignements personnels étaient fournis et le fait que les publications Internet ne devaient pas automatiquement donner lieu à la renonciation, par les individus, de leur intérêt quant au contrôle de leurs renseignements personnels. La Cour a fourni une liste détaillée des renseignements personnels qui doivent être soustraits à la communication aux termes de l’article 19 de la LAI.

La Cour a également conclu que certains documents faisaient l’objet d’une exception aux termes de l’alinéa 20(1)b) de la LAI, qui protège les renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers. La Cour a statué que les documents contenaient des renseignements techniques liés à l’essai clinique et que des renseignements scientifiques étaient inclus dans les dépôts de demandes de brevets aux États-Unis, ainsi que dans des documents universitaires.

Afin de déterminer si les renseignements étaient confidentiels, la Cour a appliqué le critère suivant de confidentialité objective à trois volets entériné dans la décision Commissaire à l’information du Canada c. Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (BCEATST), 2006 CAF 157 :

  • a) le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef;
  • b) les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • c) les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt du public.

En appliquant le critère de la décision BCEATST, la Cour a conclu que les documents en cause ont été communiqués à titre confidentiel par le Dr Martin, le superviseur de l’étude et les autres à Santé Canada. La Cour souligne que les demandes d’accès à l’information n’ont jamais mentionné le Dr Martin, la solution de traitement et l’essai clinique d’une manière permettant leur identification. La population générale ne pouvait pas connaître ou être en mesure d’accéder à ces renseignements à moins d’en avoir pris connaissance au cours de l’enquête. La Cour a ainsi conclu que les renseignements en cause n’auraient pas pu être aisément obtenus par voie d’observation ou d’étude indépendante réalisée par un membre du public agissant de sa propre initiative et ces renseignements n’auraient pas pu être considérés comme relevant du « domaine public ». La Cour a également signalé que les documents scientifiques publiés et les demandes de brevets déposées aux États-Unis portaient sur le traitement de différentes affections qui n’étaient pas directement liées au trouble du développement examiné dans le cadre de l’essai clinique. La Cour a estimé que l’utilisation inédite d’un composé connu qui n’a pas été communiquée au public n’est pas publique en raison de publications décrivant la façon dont le composé peut être utilisé à une autre fin. La Cour a dressé une liste détaillée des documents soustraits à la divulgation aux termes de l’alinéa 20(1)b) de la LAI.

Enfin, la Cour a évalué si certains dossiers étaient protégés par le paragraphe 20(1)c) de la LAI, qui exempte de la divulgation les documents dont la communication risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou des profits financiers. La Cour indique que la preuve doit démontrer qu’il existe beaucoup plus qu’une simple possibilité qu’un préjudice soit causé. Il doit y avoir un lien direct entre la divulgation d’un renseignement précis et le préjudice allégué. En l’espèce, les éléments de preuve à cet égard ne permettaient pas d’affirmer que les documents faisaient l’objet d’une exception.

La décision peut être consultée à partir du site Web des décisions de la Cour fédérale, à Martin c. Canada (Santé Canada), 2016 CF 796.

7. Suncor Energy Inc. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers

Cour fédérale du Canada

Référence : 2016 CF 168

Date de la décision : Le

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Articles 19 et 20 et paragraphe 24(1)

  • Article 19 – Renseignements personnels
  • Article 20 – Renseignements de tiers
  • Paragraphe 24(1) – Interdictions fondées sur d’autres lois
Résumé

Lorsque le nom d’un employé du secteur privé et son association à une entreprise peuvent être confirmés au moyen de renseignements disponibles en ligne et accessibles au public, une institution fédérale peut exercer son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable afin de divulguer ces renseignements personnels en réponse à une demande d’accès à l’information.

Questions en litige
  • Quelle est la norme de contrôle applicable?
  • L’Office a-t-il commis une erreur en concluant que les dossiers devraient être divulgués?
Faits

Suncor Energy Inc. (Suncor) a demandé, en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information (LAI), le contrôle judiciaire d’une décision rendue par l’Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers (l’Office) suivant laquelle certains renseignements pouvaient être communiqués puisqu’ils n’étaient pas protégés en vertu du paragraphe 119(2) de la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada-Terre-Neuve (Loi sur l’Accord) et qu’ils constituaient des renseignements personnels auxquels le public avait accès.

Suncor est une entreprise canadienne de production d’énergie qui mène des activités d’exploration pétrolière et de forage, notamment au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador.

L’Office est un organisme statutaire qui est chargé de surveiller les activités de forage et d’extraction de pétrole au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador. Il réglemente les activités des exploitants de l’industrie pétrolière et gazière, y compris de Suncor.

L’Office a reçu une demande d’accès à l’information sollicitant : 1) [traduction] « les formulaires de demande soumis, la correspondance, la réponse de l’Office, les montants des crédits de travail et tous les autres documents et toutes les autres pièces jointes connexes pour chaque numéro de programme qui figure dans la lettre de l’OCTLHE du  » et 2) [traduction] « tous les dossiers relatifs à la visualisation, à la divulgation, aux emprunts et aux copies faites à partir de ces mêmes numéros de programme […] »

L’Office a avisé Suncor de la demande et lui a acheminé les documents pertinents afin qu’il puisse les examiner. Ces documents incluaient une demande présentée par un employé de Suncor relativement à des renseignements sur les procédures et les coûts liés à certains rapports géophysiques et géologiques commandés; les soumissions de prix pour l’impression et la reliure de ceux-ci; et une facture de l’Office pour la récupération et l’envoi des rapports. Les noms de plusieurs employés de Suncor apparaissent dans les documents.

Suncor a fait valoir que les documents en question constituaient des renseignements fournis à l’Office en vertu de la partie III de la Loi sur l’Accord, qu’ils bénéficiaient de la protection prévue par paragraphe 119(2) de cette loi et que, par conséquent, ils devaient être soustraits à la communication conformément au paragraphe 24(1) de la LAI. Subsidiairement, Suncor a fait valoir que certains renseignements devaient être prélevés conformément au paragraphe 19(1) et aux alinéas 20(1)b) et d) de la LAI. En ce qui concerne le paragraphe 19(1) de la LAI, Suncor a fait valoir que même si l’affiliation d’une personne avec Suncor constituait un renseignement accessible au public, le fait que cette personne précise ait correspondu avec l’Office ne l’était pas.

L’Office a répondu que les noms ne seraient pas caviardés puisque le statut d’employés de Suncor de ces personnes constituait un renseignement accessible au public. Dans différentes lettres adressées à Suncor, l’Office a déclaré qu’il n’existait aucun motif valable de refuser la communication de noms lorsque ceux-ci pouvaient être confirmés par Internet, mais que les numéros de téléphone et les courriels seraient caviardés. L’Office a également fait valoir que sans élément de preuve démontrant que la communication des noms et des numéros du programme entraînerait un préjudice précis, il n’y avait aucune raison d’en refuser la communication.

Suncor a déposé une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 44 de la LAI.

Décisions

La demande de contrôle judiciaire a été accueillie en partie.

Motifs
Quelle est la norme de contrôle applicable?

La question de savoir si des renseignements sont soustraits à la communication en vertu du paragraphe 19(1) de la LAI est susceptible de contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte. L’exception prévue à l’article 20 de la LAI doit aussi faire l’objet d’un contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte.

Il n’y a pas lieu de faire preuve de réserve à l’endroit des décisions qui sont susceptibles de contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte. La Cour effectue sa propre analyse et détermine si elle souscrit à la conclusion du décideur. Si elle n’y souscrit pas, elle y substituera sa propre conclusion et rendra la décision qui s’impose.

L’exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2) de la LAI est assujetti à un contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable. Conformément à la norme de la décision raisonnable, les motifs doivent être justifiables, transparents et intelligibles et s’inscrire dans un éventail de résultats possibles et acceptables.

L’Office a-t-il commis une erreur en concluant que les dossiers devraient être communiqués?

Primauté de la LAI

Suncor soutient qu’aux termes de l’article 4 de la Loi sur l’Accord, cette loi a préséance sur toute autre loi fédérale, y compris la LAI. La Cour a conclu que Suncor tirait une interprétation erronée de l’article 4 de la Loi sur l’Accord, lequel devait être interprété comme ayant préséance seulement sur les autres lois qui s’appliquent aux régions côtières de la province de Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi qu’aux règlements visant ces régions côtières concernant la province de Terre-Neuve-et-Labrador.

Article 24 de la LAI

Suncor a aussi soutenu que le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord, qui figure à l’annexe II de la LAI et qui, par conséquent, bénéficie de l’exception créée par l’article 24 de la LAI, accorde une protection contre la communication de renseignements fournis à l’Office, conformément aux parties II et III de la Loi sur l’Accord. Suncor a fait valoir que les dossiers en question contiennent des renseignements, plus précisément des rapports géologiques et géophysiques, dont elle a besoin pour mener ses activités.

D’après la Cour, la protection créée par le paragraphe 119(2) de la Loi sur l’Accord est limitée. La disposition nécessite de tirer une conclusion de fait. Premièrement, les renseignements ou les documents ont-ils été fournis à l’Office aux fins des parties II ou III de la Loi sur l’Accord et, deuxièmement, la communication de ces renseignements était-elle requise aux fins de l’administration et de l’application de ces parties de la loi?

Le degré auquel les rapports sont fondés sur les renseignements fournis par Suncor conformément à la Loi sur l’Accord n’est pas bien connu. De plus, l’article 22 de la Loi sur l’Accord impose à l’Office l’obligation de conserver les rapports géophysiques et les échantillons. Il n’oblige pas le demandeur à fournir ces renseignements. Les documents étaient liés à la demande présentée en 2009 à l’Office en vertu des parties II ou III de la Loi sur l’Accord. Il s’ensuit que Suncor n’a pas démontré avoir répondu au critère prescrit par la loi pour avoir droit à la protection prévue au paragraphe 119(2). Suncor ne pouvait donc pas soustraire les renseignements demandés à la communication en vertu de l’article 24 de la LAI.

Article 19 de la LAI

Les parties ont reconnu à juste titre que les noms, les coordonnées et les titres des employés de Suncor constituent des renseignements personnels au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels et l’Office a caviardé la plupart des coordonnées des employés de Suncor. Elle n’a toutefois pas caviardé un certain nom, numéro de téléphone et numéro de télécopieur. De l’avis de la Cour, en tenant compte de la définition des « renseignements personnels » et de leur protection conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels, ces renseignements supplémentaires auraient dû être caviardés et la décision de l’Office de divulguer ces renseignements constituait un exercice déraisonnable de son pouvoir discrétionnaire.

La question relative à l’alinéa 19(2)b) de la LAI est de savoir si l’Office a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable en concluant que les autres renseignements personnels ayant trait aux employés de Suncor pouvaient être communiqués parce qu’ils étaient du domaine public. La décision de l’Office mentionnait ce qui suit [traduction] : « dans les cas où le nom d’employés de Suncor Energy et leur association avec Suncor Energy peuvent être confirmés par Internet, ces noms et leur association avec Suncor Energy ne seront pas retenus en réponse au demandeur ».

La Cour a conclu que l’utilisation par l’Office de termes « par Internet » fait référence aux profils LinkedIn. LinkedIn est un réseau social qui s’adresse aux professionnels et qui permet à ceux-ci de communiquer par Internet. Les renseignements qui sont affichés dans LinkedIn sont clairement du domaine public. Il s’ensuit que la décision de l’Office à l’égard de la communication de ces renseignements était raisonnable.

Article 20 de la LAI

Concernant l’alinéa 20(1)b) de la LAI, Suncor a le fardeau de démontrer que les renseignements répondent aux quatre critères établis dans cette disposition. Pour s’en acquitter, il lui faut présenter des éléments de preuve concrets.

La Cour considère que l’affidavit de Suncor ne fournit pas suffisamment d’éléments de preuve pour contester la conclusion de l’Office selon laquelle l’alinéa 20(1)b) de la LAI ne permet pas de soustraire à la communication les documents demandés. Il n’y a aucun élément de preuve clair et précis soutenant l’affirmation suivant laquelle les renseignements demandés sont « techniques ». La Cour n’est pas non plus convaincue, compte tenu des éléments de preuve fournis, que les renseignements sont de nature confidentielle ou qu’ils ont été constamment traités d’une manière confidentielle par Suncor.

Pour ce qui est de l’alinéa 20(1)d) de la LAI, la Cour considère que Suncor n’a pas fourni des éléments de preuve adéquats et suffisants.

Suncor a fait valoir qu’elle ne connaissait pas l’identité de l’auteur de la demande, qu’il pourrait être une partie à un litige avec Suncor et que la communication des renseignements demandés pourrait avoir une incidence sur les négociations en vue d’un règlement. Toutefois, rien dans les éléments de preuve fournis par Suncor ne permettait d’appuyer cette affirmation. De plus, il n’y avait aucune preuve démontrant que, s’ils étaient divulgués, les renseignements demandés pourraient entraver suffisamment les négociations contractuelles ou autres.

La décision peut être consultée à partir du site Web des décisions de la Cour fédérale à Suncor Energy Inc. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, 2016 CF 168.

Cour d’appel fédérale

8. Albatal c Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour d’appel fédérale

Référence : 2016 CAF 32

Date de la décision : Le

Disposition de la Loi sur l’accès à l’information : Article 41

  • Article 41 – Révision par la Cour fédérale
Résumé

Lorsqu’une demande de contrôle judiciaire est théorique parce que le ministre a fourni tous les documents en sa possession et sous sa garde, il n’existe aucun autre fondement pour intervenir en appel.

Les soupçons de M. Albatal quant à l’existence de documents additionnels ne sont pas un motif pour ordonner au ministre de prendre d’autres mesures.

Question en litige
  • La question est de savoir s’il existe un fondement en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (LAI) pour intervenir lorsque la Cour fédérale décide que l’affaire est théorique puisque le ministre a fourni la totalité des documents qui sont en sa possession et sous sa garde.
FaitsVoir la note en bas de page 1

En 2005, alors qu’il vivait en Allemagne, M. Albatal, un ressortissant syrien, a obtenu son statut de résident permanent du Canada.

Dans le cadre de sa demande de résident permanent, M. Albatal a passé une entrevue à l’Ambassade du Canada à Berlin, où les questions portaient surtout sur son implication potentielle dans les services de renseignements syriens. M. Albatal, croyant que de faux renseignements avaient été transmis aux autorités canadiennes, a par la suite déposé deux demandes d’accès à l’information. Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a répondu en divulguant les documents demandés à l’exception de certaines parties caviardées, conformément au paragraphe 15(1) de la Loi.

Par la suite, M. Albatal a déposé une plainte auprès du Commissariat à l’information (Commissariat) pour contester la décision de CIC de caviarder des renseignements. Pendant l’enquête, CIC a divulgué les renseignements demandés dans leur intégralité, retirant ainsi le recours au paragraphe 15(1) de la LAI. Le Commissariat a conclu que la plainte était fondée, mais qu’il n’était pas nécessaire de faire des recommandations.

M. Albatal a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre. La Cour fédérale a conclu que les demandes présentées en vertu de l’article 41 de la LAI ne peuvent être accueillies que lorsqu’il y a eu refus de divulguer des renseignements. Étant donné que l’intimé a divulgué tous les documents en sa possession et sous sa garde, la demande de contrôle judiciaire de M. Albatal était théorique.

Décision

L’appel a été rejeté avec dépens.

Motifs

De brefs motifs ont été prononcés à l’audience, confirmant la décision rendue en première instance. Après avoir considéré les arguments de M. Albatal, la Cour d’appel fédérale constate qu’il n’y a aucun fondement pour justifier une intervention.

La décision peut être consultée, en anglais seulement, à partir du site Web des décisions de la Cour d’appel fédérale, à Albatal v. Canada (Citizenship and Immigration), 2016 FCA 32.

Loi sur la protection des renseignements personnels

Cour fédérale du Canada

9. Daley c. Canada (Procureur général)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2016 CF 1154

Date de la décision : Le

Dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Articles 31 et 33, alinéa 8(2)b)

  • Article 31 – Avis d’enquête
  • Article 33 – Secret des enquêtes
  • Alinéa 8(2)(b) – Cas d’autorisation de communication de renseignements personnels, fins qui sont conformes avec les lois et leurs règlements qui autorisent cette communication
Résumé

Les articles 31 et 33 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP), qui prescrivent, respectivement, qu’une institution fédérale doit être avisée lorsqu’une plainte est déposée en vertu de la LPRP, et que personne d’autre n’a le droit absolu de présenter des observations, n’ont pas pour effet d’écarter l’obligation de common law selon laquelle il faut aviser quiconque est susceptible d’être touché de manière importante et directe par une décision prise sous le régime de la LPRP.

Lorsqu’une personne a un intérêt direct et important à protéger sa réputation professionnelle, l’équité procédurale exige qu’elle soit avisée qu’une plainte a été déposée et qu’elle ait la possibilité de présenter des observations au cours de l’enquête, nonobstant le caractère non contraignant du rapport de conclusions établi sous le régime de la LPRP.

Le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) ne doit pas s’appuyer sur l’alinéa 8(2)b) de la LPRP pour administrer, interpréter ou exercer les pouvoirs qui sont conférés à un autre décideur par les autres « lois fédérales » auxquelles cette disposition fait référence. Le CPVP doit à tout le moins tenir compte de l’interprétation de cet autre décideur et de la jurisprudence pertinente dans son analyse. L’alinéa 241(3)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) doit être interprété libéralement et permettre la communication en cause, compte tenu des faits de l’espèce.

Questions en litige
  • Quelle est la norme de contrôle applicable?
  • Le CPVP a-t-il contrevenu aux règles de justice naturelle et à son obligation d’équité envers Mme Daley?
  • Le CPVP a-t-il commis une erreur en concluant que la communication faite par Mme Daley n’était pas autorisée par la LPRP et la LIR?
Faits

Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, concernant un rapport de conclusions établi par le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) et une décision de révision rendue par ce dernier à l’issue d’une plainte déposée à l’encontre de l’Agence du revenu du Canada (ARC).

Mme Daley est associée dans un cabinet d’avocats dont les services sont parfois retenus par l’ARC dans les dossiers de litige. L’ARC l’a embauchée pour défendre un de ses enquêteurs devant plusieurs tribunaux administratifs et civils. Mme Daley a également aidé une autre avocate, Mme T., dont les services ont été retenus par un témoin étranger, M. O. Mme Daley a fourni à  T., à la demande de celle-ci, une transcription de l’interrogatoire de M. O mené par un enquêteur de l’ARC, son client, dans le cadre d’une enquête de l’ARC.

En 2013, Mme Daley a appris de l’un de ses associés que le CPVP avait jugé qu’elle avait contrevenu à la LPRP, après qu’une plainte eut été déposée par une personne visée par une enquête de l’ARC, M. H., concernant la transcription qu’elle avait communiquée à Mme T.

Le CPVP a jugé que la transcription contenait des renseignements détaillés sur la relation d’affaires entre M. O et le plaignant, ainsi que des opinions sur ce dernier, et que le tout répondait à la définition de « renseignements personnels ». Le CPVP a conclu que l’ARC ne pouvait s’appuyer sur l’alinéa 241(3)b) de la LIR et sur l’alinéa 8(2)b) de la LPRP pour justifier la communication de la transcription à Mme T, parce que la communication découlait d’une procédure judiciaire qui n’était pas suffisamment liée à l’application et à la mise en œuvre de la LIR. Le CPVP a conclu que la plainte était bien fondée.

Le , la demanderesse a écrit au CPVP afin d’exprimer sa préoccupation par le fait qu’elle n’avait pas été informée de la plainte, et qu’elle n’avait pas eu la possibilité de répondre aux allégations de M. H. Elle a aussi mentionné qu’elle n’était pas à l’emploi de l’ARC et que l’information transmise à Mme T. était de nature publique. La demanderesse a demandé au CPVP de rouvrir l’enquête sur la plainte.

Le , le CPVP a invité Mme Daley à lui transmettre d’autres renseignements sur la nature publique de l’information communiquée à Mme T.

Le , après avoir pris connaissance des observations de Mme Daley, le CPVP l’a avisée qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs pour rouvrir l’enquête et que le dossier était clos. Plus précisément, le CPVP a conclu qu’il n’avait aucune raison de croire que la transcription en question et les renseignements personnels du plaignant qui y figuraient faisaient partie d’un dossier judiciaire ou qu’il s’agissait de renseignements auxquels le public avait accès.

Décision

La demande a été accueillie. Le rapport de conclusions du CPVP a été annulé et l’affaire a été renvoyée devant le CPVP pour qu’une nouvelle décision soit rendue conformément aux motifs de la Cour.

Motifs
Quelle est la norme de contrôle applicable?

La norme de contrôle applicable à la question d’équité procédurale est celle de la décision correcte. Quant à la question relative à la divulgation, Mme Daley et le Procureur général font valoir que la norme applicable est celle de la décision correcte, alors que l’intervenant, le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP), soutient que c’est plutôt la norme de la décision raisonnable qui s’applique. La Cour s’est dite d’accord avec l’intervenant.

La question de l’applicabilité de l’alinéa 241(3)b) de la LIR exige un examen approfondi des faits de l’affaire. Il s’agit donc d’une question mixte de fait et de droit qui commande de manière présumée l’application de la norme de la décision raisonnable.

Cette conclusion s’appuie sur l’analyse des quatre facteurs établis dans l’arrêt Dunsmuir. Premièrement, le CPVP ne bénéficie pas de la protection d’une clause privative. L’absence de clause privative n’est pas déterminante. Deuxièmement, la décision du CPVP visait nécessairement à atteindre l’objet de la LPRP, qui est précisé à l’article 2, ce qui porte à croire que c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique. Troisièmement, il s’agit d’une question mixte de fait et de droit. Enfin, le CPVP s’appuie sur un régime législatif distinct dans le cadre duquel il possède une expertise, ce qui tend également vers l’application de la norme de la décision raisonnable. Par conséquent, la Cour n’interviendra pas dans la décision du CPVP à moins qu’elle ne soit pas transparente, intelligible et justifiée ou qu’elle n’appartienne pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

Le CPVP a-t-il contrevenu aux règles de justice naturelle et à son obligation d’équité envers Mme Daley?

Le CPVP fait valoir que tous les principes de justice naturelle peuvent être écartés par les termes exprès de la loi ou par déduction nécessaire. Les exigences en matière de notification sont exposées en détail dans la LPRP, et la Cour devrait par conséquent s’abstenir d’en inclure d’autres.

La Cour n’est pas d’accord. Le sens ordinaire des dispositions pertinentes ne permet pas de conclure que le CPVP n’est pas tenu d’aviser les tiers ou d’autoriser ceux qui pourraient être touchés par ses décisions à présenter des observations. Tout ce que ces dispositions indiquent, c’est que l’institution fédérale doit être avisée et que personne d’autre ne bénéficie d’un droit absolu de présenter des observations. Ceci ne remplace en rien le devoir établi par la common law selon lequel les personnes susceptibles d’être touchées de façon importante et directe par la décision doivent être avisées. Que la décision ne soit pas exécutoire ne porte pas non plus à conséquence; cela ne fait pas obstacle à un redressement, et la Cour peut donc réviser cette décision.

Bien que le rapport de conclusions a été adressé à l’ARC, c’est la conduite de Mme Daley, dont les services en tant qu’avocate avaient été retenus par l’institution, qui était examinée. Mme Daley n’était pas une employée de l’ARC, mais sa conseillère juridique. À ce titre, elle avait envers l’institution des obligations différentes de celles d’une employée. Dans le contexte d’une plainte déposée en application de la LPRP, ses intérêts diffèrent donc nécessairement de ceux de l’ARC. Si une conclusion selon laquelle il y a eu violation de la LPRP a des conséquences limitées pour l’institution, elle a des répercussions plus importantes pour une avocate travaillant dans le secteur privé. L’intérêt de Mme Daley à protéger sa réputation professionnelle était direct et important et celle-ci aurait dû être avisée et avoir la possibilité de faire des observations dans le cadre de l’enquête.

La lettre relative au réexamen n’a pas remédié au manquement à l’équité procédurale. Mme Daley n’a pas eu l’occasion de présenter des observations. Qui plus est, lorsqu’elle a été invitée à présenter des observations, le mal avait déjà été fait.

Les faits de la présente affaire ne donnent pas naissance à une obligation générale d’aviser les tiers. La situation de Mme Daley, une avocate du secteur privé dont les services ont été retenus pour représenter une institution fédérale, crée une distinction entre ses intérêts et ceux de l’ARC dans le contexte précis de la plainte.

Le CPVP a-t-il commis une erreur en concluant que la communication faite par Mme Daley n’était pas autorisée par la LPRP et la LIR?

Afin d’éviter d’administrer, d’interpréter ou d’exercer les pouvoirs qui sont conférés à un autre décideur par les autres « lois fédérales » auxquelles l’alinéa 8(2)b) de la LAI fait référence, le CPVP doit, au moment d’appliquer cette disposition, tenir compte, dans son analyse, de l’interprétation donnée par cet autre décideur à l’alinéa 241(3)b) de la LIR et de la jurisprudence pertinente. Rien dans le dossier n’indique que le CPVP a tenu compte de l’avis de l’ARC quant à l’interprétation correcte de l’alinéa 241(3)b) de la LIR, en dépit des observations détaillées et des offres de discuter de la question en personne.

La Cour suprême a conclu qu’il convient de donner une interprétation libérale à l’alinéa 241(3)b) de la LIR. Le rapport de conclusions ne reflète pas cette interprétation libérale. Le CPVP a commis une erreur en ne tenant pas compte du contexte factuel et juridique des procédures opposant M. H. et M. O. N’eût été l’enquête de l’ARC, M. H. n’aurait jamais poursuivi M. O. Cela est suffisant pour satisfaire au critère du lien énoncé à l’alinéa 241(3)b) de la LIR et interprété dans la jurisprudence.

À la lumière de cette conclusion, la Cour n’a pas besoin de décider si la transcription était ou non de nature publique.

La décision peut être consultée à partir du site Web des décisions de la Cour fédérale, à Daley c. Canada (Procureur général), 2016 FC 1154.

10. Oleynik c. Canada (Commissaire à la protection de la vie privée)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2016 CF 1167

Date de la décision : Le

Dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Paragraphe 12(1), articles 22.1, 26 et 27

  • Paragraphe 12(1) – Droit d’accès aux renseignements personnels
  • Article 22.1– Renseignements obtenus par le commissaire à la protection de la vie privée
  • Article 26 – Renseignements concernant un autre individu
  • Article 27 – Secret professionnel des avocats
Résumé

La Cour fédérale n’a pas compétence en vertu de l’article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP) pour examiner les conclusions et rapports du commissaire spécial à la protection de la vie privée (CSPVP).

Il incombe au demandeur de fournir des indications suffisantes sur les renseignements demandés pour que l’on puisse les « retrouver sans problèmes sérieux »; le fait de fournir des indications suffisamment précises sur la localisation des renseignements demandés (serveur de courriel de sauvegarde) ne fait pas automatiquement ou nécessairement en sorte que l’on puisse les « retrouver sans problèmes sérieux ».

Le nom d’une personne, lorsqu’il est employé seul, ne constitue pas un renseignement personnel; il ne le devient que lorsqu’il est lié à une autre information concernant la personne ou que sa divulgation révélerait d’autres faits la concernant.

Pour que l’article 26 s’applique, les renseignements portant sur un autre individu doivent être des « renseignements personnels ». Les adresses de courriel d’affaires des entrepreneurs du secteur privé ne sont pas des renseignements personnels, et s’ils devaient l’être, la décision du Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) de les caviarder était déraisonnable parce que les caviardages ont été appliqués d’une manière contradictoire.

Le paragraphe 22.1(1) de la LPRP ne peut être invoqué à l’égard des renseignements créés par le CPVP, même s’ils peuvent faire état de renseignements obtenus d’une autre institution fédérale.

Questions en litige
  • Les rapports du CSPVP peuvent-ils être examinés dans le cadre de la présente demande fondée sur l’article 41 de la LPRP?
  • Quelle est la norme de contrôle applicable?
  • La conclusion du CPVP selon laquelle il ne pouvait « pas retrouver sans problèmes sérieux » les renseignements conservés sur ses bandes ou serveurs de sauvegarde était-elle raisonnable?
  • Le CPVP a-t-il commis une erreur en refusant de communiquer certains renseignements en vertu du paragraphe 12(1) ou des articles 22.1, 26 ou 27 de la LPRP?
Faits

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur l’article 41 de la LPRP.

Après avoir déposé diverses plaintes auprès du CPVP contre le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), le Dr Oleynik a fait plusieurs demandes d’accès à des renseignements personnels au CPVP. La demande en cause en l’espèce visait à obtenir [traduction] « tous les documents dont le CPVP a possession ou étant sous son contrôle et qui contiennent […] Oleinik ou Oleynyk [...] », y compris les [traduction] « échanges de courriels et les documents joints ». Le Dr Oleynik a demandé [traduction] « une recherche dans le serveur de courriel de sauvegarde du CPVP […] ». Cette demande a généré 18 842 pages de renseignements.

Après avoir avisé le Dr Oleynik qu’il avait besoin d’une prorogation de délai, le CPVP a éventuellement communiqué certains renseignements au Dr Oleynik, mais a refusé d’en communiquer d’autres en vertu des articles 22.1, 26 et 27 de la LPRP ainsi qu’en vertu du paragraphe 12(1) parce qu’il ne s’agissait pas de renseignements personnels du demandeur. Le CPVP a ensuite informé le Dr Oleynik qu’aucune recherche n’avait été effectuée dans son serveur de courriel de sauvegarde parce qu’il estimait ne pas pouvoir retrouver ces renseignements sans problèmes sérieux.

15 131 pages ont été communiquées sans caviardage, 456 pages ont été communiquées avec certaines parties caviardées et 1 923 pages n’ont pas du tout été communiquées au Dr Oleynik. Les pages restantes ont été considérées comme des doubles ou jugées non pertinentes.

Le Dr Oleynik s’est plaint au commissaire spécial à la protection de la vie privée (CSPVP) au sujet du non-respect par le CPVP des délais prévus par la loi, de son refus d’effectuer une recherche dans les bandes de sauvegarde malgré le fait qu’il était prêt à payer les frais de la recherche et de l’application par le CPVP de certaines exceptions prévues par la loi pour ne pas lui communiquer certains renseignements. Le CSPVP a conclu que les plaintes du Dr Oleynik étaient non fondées. Le Dr Oleynik a ensuite présenté la présente demande de contrôle judiciaire.

Décision

La demande a été accueillie en partie.

Motifs
Les rapports du CSPVP peuvent-ils être examinés dans le cadre de la présente demande fondée sur l’article 41 de la LPRP?

Selon la règle 302 des Règles des Cours fédérales, sauf ordonnance contraire de la Cour, une demande de contrôle judiciaire ne peut généralement se rapporter qu’à une seule décision. Bien qu’il demande la certification d’une question concernant les activités et l’indépendance du CSPVP, la principale demande de réparation du demandeur concerne le refus du CPVP de fournir certains renseignements ainsi que son refus de vérifier ses bandes de sauvegarde. Par conséquent, seule la décision du CPVP et non ses rapports et conclusions, est à examiner dans le cadre de la présente demande fondée sur l’article 41 de la LPRP.

De plus, la Cour n’a pas compétence en vertu de l’article 41 de la LPRP pour examiner les conclusions et rapports du CSPVP.

Comme le CPVP lui-même était l’institution fédérale qui avait refusé de communiquer certains renseignements, le CSPVP et ses rapports remplissaient le rôle qui aurait autrement été rempli par le CPVP si une institution fédérale autre avait refusé de communiquer les renseignements. La jurisprudence a clairement établi que les conclusions et rapports du CPVP, ou, en l’espèce, du CSPVP, concernant le refus d’une institution de communiquer certains renseignements ne lient pas l’institution fédérale, bien qu’ils constituent un facteur important à prendre en considération dans le cadre de la révision effectuée par la Cour au titre de l’article 41.

En outre, les conclusions et rapports du CPVP, et en l’espèce les conclusions et rapports du CSPVP, ne sont pas susceptibles de révision en vertu de l’article 41 de la LPRP puisque c’est l’institution fédérale, et non le CPVP, qui doit justifier le refus de communiquer certains renseignements. La Cour a noté que la façon dont le CSPVP a exercé le pouvoir qui lui a été délégué pourrait faire l’objet d’un contrôle judiciaire dans le cadre d’une demande distincte.

Quelle est la norme de contrôle applicable?

L’appréciation par le CPVP de la question de savoir si certains renseignements étaient visés par une exception prévue par une disposition applicable de la Loi commande un contrôle selon la norme de la décision correcte. La question de savoir si le CPVP a exercé convenablement son pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer certains renseignements commande un contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

La norme de la décision correcte s’applique pour se prononcer sur le refus du CPVP de procéder à une recherche dans ses serveurs de sauvegarde, car il faut interpréter correctement la disposition législative, plus précisément ce qu’elle sous-entend par la phrase « les retrouver sans problèmes sérieux » aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

La conclusion du CPVP selon laquelle il ne pouvait « retrouver sans problèmes sérieux » les renseignements conservés sur ses bandes ou serveurs de sauvegarde était-elle raisonnable?

Dans les circonstances en l’espèce, il était raisonnable de la part du CPVP de conclure qu’il ne pouvait « retrouver sans problèmes sérieux » les renseignements conservés dans ses systèmes de sauvegarde. La preuve démontre que pour accéder à la demande, il aurait fallu que le CPVP reconfigure ou restaure tous ses serveurs, et pas uniquement qu’il mène une recherche parmi les courriels dans les boîtes de réception sur ses bandes de sauvegarde. De plus, rien ne prouve qu’il y avait des renseignements supplémentaires ou supprimés dans les systèmes de sauvegarde du CPVP. Il convient également de souligner que, dans son rapport daté du , le CSPVP a conclu que la plainte du Dr Oleynik au sujet de l’omission du CPVP d’effectuer une recherche dans ses bandes de sauvegarde n’était pas fondée.

Il incombait au Dr Oleynik de fournir une information suffisante relativement aux renseignements qu’il recherchait afin qu’il soit possible pour le CPVP de les « retrouver sans problèmes sérieux ». Le Dr Oleynik n’avait précisé ni les dates ni les destinataires des courriels qu’il souhaitait récupérer dans sa demande au CPVP. La Cour a estimé que le Dr Oleynik a peut-être fourni des renseignements suffisamment précis quant à l’emplacement de l’information demandée, mais il n’est pas nécessairement possible de retrouver ces renseignements «  sans problèmes sérieux ».

Le CPVP a-t-il commis une erreur en refusant de communiquer certains renseignements en vertu du paragraphe 12(1) ou des articles 22.1, 26 ou 27 de la LPRP?

Paragraphe 12(1) (pas des renseignements personnels)

La Cour a souscrit à l’opinion du CPVP voulant que le nom d’une personne ne constitue pas en soi un renseignement personnel; il ne le devient que lorsqu’il est lié à d’autres renseignements personnels la concernant, ou lorsque la seule divulgation du nom révélerait des renseignements à son sujet. Selon le CPVP, le Dr Oleynik n’a pas le droit de se faire communiquer tous les documents qui contiennent son nom, mais seulement ceux qui contiennent des renseignements le concernant en plus de son nom. La Cour était d’accord avec le CPVP à l’effet que le paragraphe 12(1) de la LPRP n’est pas tant une exception à la divulgation qu’un paramètre quant à l’accès à accorder à l’information.

Après avoir soigneusement examiné tous les cas où le paragraphe 12(1) de la LPRP a été invoqué seul ou conjointement avec une autre disposition de la Loi pour refuser la communication des renseignements, la Cour n’a pas pu conclure que le CPVP avait incorrectement ou déraisonnablement invoqué cette disposition pour refuser de communiquer des renseignements personnel. Dans la plupart des cas, les renseignements personnels du Dr Oleynik apparaissaient avec ceux d’autres personnes dans des rapports internes du CPVP; c’est donc à juste titre et avec raison qu’ils ont fait l’objet d’une exception à la communication puisqu’ils concernaient d’autres personnes et non Dr Oleynik.

Article 22.1 (renseignements obtenus ou créés par le CPVP dans le cadre d’une enquête)

Le paragraphe 22.1(1) de la LPRP prévoit que les renseignements personnels obtenus ou créés par le CPVP dans le cadre d’une enquête soient exclus de la communication. La Cour note qu’une fois que l’enquête et toute instance afférente sont terminées, ce paragraphe ne peut être invoqué pour refuser de divulguer des renseignements personnels créés par le CPVP au cours d’une enquête, alors que les renseignements obtenus par le CPVP peuvent encore ne pas être divulgués.

Dans l’ensemble, les renseignements non communiqués en vertu de cette disposition ont trait à des renseignements que le CPVP a obtenus dans le cadre de ses enquêtes et la Cour a estimé que la non divulgation de ces renseignements été justifiée. Une partie des renseignements non divulgués en invoquant cette disposition étaient des renseignements personnels créés par le CPVP durant une enquête. La Cour a jugé que la communication de ces renseignements a été incorrectement et déraisonnablement refusée puisque l’enquête et les instances afférentes étaient terminées lorsque le Dr Oleynik a fait sa demande. La Cour a estimé que la communication des renseignements créées par le CPVP ne pouvait pas être refusée simplement parce qu’ils faisaient référence à des renseignements obtenus du CRSH.

Article 26 (renseignements personnels portant sur un autre individu)

L’article 26 de la LPRP prévoit que le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels qui portent sur un individu autre que celui qui fait la demande.

La Cour a estimé que dans certains cas, certains renseignements avaient été incorrectement caviardés en application de l’article 26 de la LPRP. Par exemple, la Cour a conclu que le CPVP avait incorrectement caviardé l’adresse courriel professionnelle d’une parajuriste contractuelle dont il avait retenu les services. La Cour a cité la décision de la Cour d’appel fédérale dans Bernard c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 40, dans laquelle il a été décidé que l’adresse courriel personnelle est clairement un renseignement personnel protégé, alors que le statut de l’adresse courriel professionnelle n’est pas aussi clair. Dans la présente affaire, la Cour était d’opinion que l’adresse de courriel professionnelle ou de bureau s’apparente au numéro de téléphone de bureau d’un fonctionnaire dans l’affaire Bernard, un élément expressément exclu de la définition de renseignements personnels figurant à l’article 3 de la LPRP. De plus, le CPVP avait caviardé l’adresse courriel d’affaires d’une parajuriste mais pas celle d’un conseiller juridique retenu par le CPVP; la Cour a conclu que ce traitement différent était déraisonnable parce qu’il constituait une application incohérente de l’exception prévue à l’article 26 de la LPRP.

Quant aux autres cas où le CPVP a invoqué l’article 26 de la LPRP pour refuser de communiquer des renseignements, la Cour ne pouvait conclure que le CPVP avait incorrectement ou déraisonnablement refusé de communiquer des renseignements personnels portant sur d’autres individus que le Dr Oleynik.

Art. 27 (secret professionnel de l’avocat)

L’article 27 de la LPRP prévoit que le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de renseignements visés par le secret professionnel de l’avocat.

Le CPVP a correctement refusé de communiquer plusieurs documents au Dr Oleynik sur le fondement du secret professionnel de l’avocat, mais il a commis une erreur dans les trois cas suivants :

  • dans le cas où les renseignements concernaient des renseignements généraux au sujet du Dr Oleynik et ne constituaient pas des conseils ou une stratégie juridiques fournis par les avocats du CPVP;
  • dans le cas où une décision publiée a été caviardée, bien que la discussion entre les avocats du CPVP et les conseils juridiques concernant cette affaire aient été à juste titre caviardés; et
  • dans le cas où un courriel émanant de la Cour fédérale a été caviardé, parce que le courriel ne constituait pas des conseils ou des stratégies juridiques communiqués dans le cadre d’une relation avocat-client.

La décision discrétionnaire du CPVP de refuser la communication de certains renseignements et documents au demandeur sur le fondement de l’article 27 de la LPRP était également raisonnable. Compte tenu de la nature facultative et discrétionnaire du mot « peut » figurant à l’article 27 de la LPRP, il faut faire preuve de déférence à l’égard de la décision du CPVP d’invoquer cette disposition dans les cas où il a, à juste titre, estimé que les documents étaient protégés par le secret professionnel de l’avocat. Dans ce contexte, l’éventail des issues raisonnables est relativement plus large parce qu’il incombe au CPVP de décider de renoncer ou non au secret professionnel de l’avocat.

La décision peut être consultée à partir du site Web des décisions de la Cour fédérale à Oleynik c. Canada (Commissaire à la protection de la vie privée), 2016 CF 1167.

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