Les Autochtones sous garde fédérale dépassent les 30 % Énoncé des enjeux et défi de l’enquêteur correctionnel

Communiqué de presse

Ottawa, le 21 janvier 2020 — Aujourd’hui, l’enquêteur correctionnel du Canada, M. Ivan Zinger, a publié un communiqué et des renseignements à l’appui indiquant que le nombre et la proportion d’Autochtones purgeant une peine fédérale ont atteint de nouveaux sommets historiques.

Dans son communiqué et ses commentaires, M. Zinger a fourni le contexte suivant : « Il y a quatre ans, mon Bureau a signalé que les personnes d’origine autochtone représentaient 25 % de la population carcérale totale.  À ce moment‑là, son personnel a indiqué que les efforts visant à réduire la surreprésentation ne fonctionnaient pas. Aujourd’hui, malheureusement, je signale que la proportion d’Autochtones derrière les barreaux dépasse maintenant les 30 %. »

Bien qu’il représente 5 % de la population canadienne en général, le nombre d’Autochtones purgeant une peine de ressort fédéral ne cesse d’augmenter depuis des décennies. Plus récemment, les taux de détention chez les Autochtones ont accéléré, malgré une baisse générale de la population carcérale. En fait, depuis avril 2010, la population carcérale autochtone a augmenté de 43,4 % (ou 1 265), alors que la population carcérale non autochtone a diminué de 13,7 % (ou 1 549) au cours de la même période. Le nombre croissant d’Autochtones derrière les barreaux compense la diminution des autres groupes, ce qui donne l’impression que le système fonctionne dans un état normal ou stable. Comme l’a fait remarquer M. Zinger, rien n’est plus loin de la vérité. 

Selon l’enquêteur correctionnel, le fait de dépasser la barre des 30 % indique une « indigénisation » de plus en plus marquée du système correctionnel du Canada. M. Zinger a qualifié ces tendances de « déséquilibres troublants et enracinés », faisant remarquer que les chiffres sont encore plus troublants pour les femmes autochtones, qui représentent maintenant 42 % de la population carcérale féminine au Canada. L’enquêteur correctionnel a attiré l’attention sur le fait que les services correctionnels fédéraux semblent imperméables au changement et insensibles aux besoins, aux antécédents et aux réalités sociales à l’origine des taux élevés de délinquance autochtone.

M. Zinger a déclaré : « À ce rythme, les Autochtones représenteront 33 % de la population carcérale fédérale totale au cours des trois prochaines années. À plus long terme, et depuis maintenant près de 30 ans, malgré les conclusions des commissions royales et des enquêtes nationales, l’intervention des tribunaux, les promesses et les engagements des dirigeants politiques précédents et actuels, aucun gouvernement, quel qu’il soit, n’a réussi à renverser la tendance à la surreprésentation des Autochtones dans les prisons canadiennes. L’indigénisation de la population carcérale du Canada n’est rien de moins qu’une parodie nationale. »

M. Zinger explique que, bien que ces chiffres soient profondément préoccupants, ils ne sont pas tout à fait surprenants étant donné les résultats toujours défavorables pour les Autochtones dans les services correctionnels fédéraux. Année après année, son Bureau a documenté que les détenus autochtones sont classés de façon disproportionnée et placés dans des établissements à sécurité maximale, surreprésentés dans les incidents de recours à la force et d’automutilation, et, historiquement, étaient plus susceptibles d’être placés et détenus plus longtemps en unités d’isolement (isolement cellulaire). Comparativement aux détenus non autochtones, les délinquants autochtones purgent une plus grande proportion de leur peine derrière les barreaux avant l’octroi d’une libération conditionnelle. Enfin, une récente étude nationale sur la récidive montre que les Autochtones récidivent ou sont réincarcérés à des niveaux beaucoup plus élevés, allant jusqu’à 70 % chez les hommes autochtones de la région des Prairies. 

Bien qu’un grand nombre des causes de la surreprésentation des Autochtones résident dans des facteurs autres que le système de justice pénale, M. Zinger a souligné que tous les résultats susmentionnés relèvent du domaine exclusif du Service correctionnel du Canada (SCC). Pendant trop longtemps, le SCC s’est récusé de toute responsabilité à l’égard de la surreprésentation des Autochtones, préférant plutôt simplement répéter que les services correctionnels, étant situés à la fin du processus de justice pénale, n’exercent aucun contrôle ni aucune compétence sur les facteurs « en amont » qui déterminent qui est envoyé en prison, pour quelles raisons ou pendant combien de temps. 

Dans ses commentaires, M. Zinger a parlé directement de ce mythe de longue date. « En ne parvenant pas à combler l’écart entre les résultats des délinquants autochtones et non autochtones, le système correctionnel fédéral apporte sa propre contribution unique et mesurable au problème de la surreprésentation. Le SCC doit accepter sa part de responsabilité, en reconnaissant qu’il ne suffit pas d’apporter des modifications mineures au système. Le Service doit apporter des changements radicaux pour réduire le nombre de réadmissions et de retours à la détention, pour mieux préparer les délinquants autochtones à respecter les premières dates d’admissibilité à la libération conditionnelle et pour mieux renvoyer les délinquants autochtones dans leur collectivité d’origine en toute sécurité. Des réformes de cette nature nécessiteront un réalignement important et proportionnel des priorités et des ressources du SCC. Le gouvernement du Canada doit diriger et orienter ces efforts. »

Les mêmes appels à l’action urgents sont soulevés dans les rapports finaux de la Commission de vérité et réconciliation, dans l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA) ainsi que dans deux études récentes du Comité parlementaire sur les peuples autochtones dans le système de justice pénale. Ces organismes ont demandé au gouvernement fédéral de mettre en œuvre les mesures recommandées par le Bureau, notamment :

  • Transférer les ressources et la responsabilité aux groupes et collectivités autochtones pour les soins, la garde et la surveillance des délinquants autochtones.
  • Nommer un commissaire adjoint responsable des services correctionnels pour les Autochtones.
  • Augmenter l’accès à des programmes correctionnels adaptés du point de vue culturel.
  • Clarifier et améliorer le rôle des Aînés autochtones.
  • Améliorer la participation des collectivités autochtones et renforcer leur capacité d’offrir des services de réinsertion sociale.
  • Améliorer l’accès au dépistage, au diagnostic et au traitement des délinquants autochtones touchés par l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale.
  • Élaborer des outils d’évaluation et de classification qui répondent aux besoins et aux réalités des Autochtones aux prises avec le système de justice pénale.

Comme l’a conclu M. Zinger : « Il est inacceptable que les Autochtones du pays connaissent des taux d’incarcération de six à sept fois supérieurs à la moyenne nationale. Il faut prendre des mesures audacieuses et urgentes pour régler l’un des problèmes les plus persistants et les plus urgents en matière de droits de la personne au Canada. »

À titre d’ombudsman auprès des délinquants sous responsabilité fédérale, le Bureau de l’enquêteur correctionnel est au service des Canadiens et contribue à ce que les services correctionnels soient sécuritaires, humains et respectueux de la loi en assurant une surveillance indépendante du Service correctionnel du Canada, notamment en effectuant en temps opportun un examen impartial et accessible des préoccupations individuelles et généralisées. Le présent communiqué de presse est accessible à : www.oci-bec.gc.ca.

Personnes-ressources

Mme Marie‑France Kingsley
Directrice exécutive
613-990-2690
Marie-France.Kingsley@oci-bec.gc.ca 

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