L’héritage du Dr Emerson Douyon

le 7 decembre, 2017

Le Service correctionnel du Canada (SCC) est de plus en plus sensible aux besoins des délinquants ethnoculturels, et c’est en grande partie grâce au travail novateur du Dr Emerson Douyon et du regretté Marcel Kabundi, ancien membre du personnel du SCC.

Le Dr Douyon a participé à la mise sur pied du Comité consultatif régional ethnoculturel (CCRE) du SCC en 1999, et en a assumé la présidence pendant plus de dix ans. Par la suite, un CCRE a été mis en place dans chacune des cinq régions du Service, et le Comité consultatif national ethnoculturel a vu le jour.

Image d’Emerson Douyon souriant

Ces comités ont pour mandat de conseiller le SCC sur les services et interventions nécessaires à la réinsertion sociale réussie des délinquants ethnoculturels.

De par ses réflexions, ses études, ses conseils et ses recommandations, le Dr Douyon a permis d’améliorer la situation du multiculturalisme au sein de l’organisation ainsi que les services offerts aux délinquants ethnoculturels. C’est d’ailleurs le comité consultatif qui est à l’origine de la Formation sur la diversité et la compétence culturelle, qui est maintenant obligatoire pour le personnel du SCC.

Après avoir pris sa retraite de l’enseignement à l’École de criminologie de l’Université de Montréal en 2011, le psychologue et professeur de renommée internationale a accepté d’enregistrer ses réflexions sur son expérience de travail auprès du SCC. Son livre, intitulé « Les minorités ethnoculturelles et le système correctionnel canadien », a été publié à titre posthume par le SCC en 2017, peu après le décès du Dr Douyon en 2016.

Dans l’introduction, le Dr Douyon présente son ouvrage comme « une modeste contribution à la mémoire institutionnelle du SCC ». Mais pour le commissaire Don Head, qui en signe la préface, il s’agit aussi d’une « contribution personnelle et importante sur l’idée ethnoculturelle [...] et sur son développement au SCC ».

Marianne Harvey, qui a partagé sa vie avec le Dr Douyon pendant plus de 40 ans, raconte avec beaucoup d’admiration que son défunt mari a toujours eu le plus grand respect pour l’être humain. Pour lui, les délinquants étaient des personnes avant d’être définis comme membres d’une minorité. Tout intéressait Emerson, mais ce qu’il souhaitait plus que tout, c’était de venir en aide aux minorités en difficulté.

D’ailleurs, le Dr Douyon le souligne dans l’introduction de son livre : « Derrière chaque type de crime que sanctionne la loi, il y a l’être humain avec ses traditions, ses valeurs, son parcours migratoire et l’histoire de sa confrontation à la culture des autres. »

C’est dans cette optique qu’il a collaboré, pendant plusieurs années, avec de multiples personnes et organismes engagés auprès des clientèles vulnérables, et particulièrement auprès des jeunes contrevenants issus de minorités culturelles.

Ayant grandi et travaillé, au début de sa carrière, comme psychologue en Haïti, le Dr Douyon avait une profonde compréhension des conditions de détention déplorables des enfants incarcérés avec des adultes. Plus tard, il s’est investi auprès des minorités ethnoculturelles au Québec.

« Il savait à quel point devoir s’expatrier et s’adapter ailleurs peut constituer un grand défi et combien le parcours peut être semé d’embûches pour un jeune ‘différent’ », partage également Marianne Harvey.

L’ouvrage du Dr Douyon aborde évidemment la particularité des besoins des délinquants ethnoculturels, mais aussi le profilage racial et la délicate question des accommodements raisonnables, en plus de retracer l’émergence de l’idée ethnoculturelle au SCC.

À titre d’expert agréé par l’Ordre des psychologues du Québec, Emerson Douyon a été chargé à l’époque d’explorer la possibilité de communiquer avec des psychologues du SCC pour effectuer une inspection professionnelle de routine.

Autre fait intéressant, plusieurs employés du SCC ont eu le Dr Douyon comme professeur à l’université. C’est le cas notamment de Donat-Tshibasu Bilomba, un agent principal de projet qui a travaillé avec le Dr Douyon de 2002 à 2016. « C’était une personne très respectée, affirme M. Bilomba. Un homme sage qui écoutait beaucoup et qui donnait de bons conseils, basés sur son expérience. »

Il s’est montré dévoué jusqu’à la fin, en écrivant son livre à la main. Quand son médecin lui a conseillé de cesser d’écrire, il a dicté le reste du livre!

M. Bilomba mentionne que le Dr Douyon l’a marqué par plusieurs de ses enseignements.

« Il n’était pas d’accord quand les gens prétendaient qu’on ne pouvait rien contre des lois ou certaines règles qui pouvaient s’avérer problématiques. Il disait souvent que les lois avaient été écrites par des êtres humains, et que ça prenait donc des êtres humains pour les améliorer », se souvient M. Bilomba.

En 2010, le Dr Douyon est devenu le premier lauréat du Prix du multiculturalisme du SCC, qui a été renommé, deux ans plus tard, Prix du multiculturalisme Emerson Douyon, en son honneur. En juin de chaque année, ce prix récompense la contribution d’une personne qui travaille au SCC ou qui a des rapports avec le Service, et vise à reconnaître ses efforts en vue d’accroître la sensibilité aux différences culturelles et d’améliorer les relations interraciales au sein du Service. 

Chose certaine, le Dr Douyon a tout donné pour défendre les minorités ethnoculturelles et faire reconnaître l’importance d’être à l’écoute de leurs besoins, particulièrement dans le système carcéral.

Même s’il s’agit d’un enjeu en constante évolution, il semblait avoir eu le sentiment du devoir accompli en écrivant que : « Sous le leadership éclairé de Don Head, le Service correctionnel est devenu un modèle pour l’équité à l’égard du personnel, la formation, l’équilibre des jurys et le type de relation entre les délinquants ethnoculturels et le personnel. »

Le livre du Dr Emerson Douyon est disponible dans les deux langues officielles, sur le site Web du SCC

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