Renforcer les liens familiaux par la lecture

Renforcer les liens familiaux par la lecture
20 octobre 2023

Carla Veitch, ancienne responsable de la programmation pour enfants à la bibliothèque publique, connaît bien les livres pour enfants. Elle sait que les livres ont le pouvoir de rapprocher les lecteurs. Elle y a vu une chance pour les parents incarcérés de se rapprocher de leurs enfants en leur lisant des histoires.
En 2006, Carla a approché l’Établissement de Beaver Creek, à Gravenhurst en Ontario, pour lui proposer une idée. On enregistrerait les délinquants en train de lire un livre pour enfants à haute voix. Le livre et l’enregistrement seraient ensuite envoyés à leurs enfants, qui pourraient regarder les pages du livre tout en écoutant leur parent lire l’histoire.
« Dans le cas de certains détenus ici à Gravenhurst, leurs familles vivent à huit heures de route de l’établissement. Donc ils ne voient pas leurs enfants », dit Carla.
Kevin MacInnis, directeur exécutif de l’éducation pour la région de l’Ontario, a bien aimé l’idée de Carla. Le premier programme de lecture enfants- détenus (PLED) a vu le jour à l’Établissement de Beaver Creek. Carla et un autre bénévole visitaient l’établissement une fois par mois. Ils rencontraient les détenus dans la tranquillité de la chapelle et y enregistraient leur lecture pendant plusieurs heures.
Présentation de PLED
L’idée de lire des histoires à leurs enfants a tout de suite plu aux détenus. Carla dit qu’à chacune de ses visites, une vingtaine d’entre eux attendaient de pouvoir participer. Une table était recouverte de 60 à 70 livres illustrés, écrits pour les enfants de 2 à 12 ans. L’autre bénévole aidait les détenus à choisir un livre et les encourageait à se pratiquer à le lire à haute voix avant leur enregistrement. Cela les aidait à gagner en confiance, surtout s’ils devaient lire un livre en anglais et que l’anglais était leur langue seconde.

Au début, les lectures étaient enregistrées sur des cassettes. On envoyait la cassette et le livre à la famille par la poste. Les cassettes ont ensuite été remplacées par des disques compacts. À présent, les familles reçoivent la lecture enregistrée sur une clé USB.
« Il est important que la famille reçoive aussi le livre pour suivre l’histoire avec l’enregistrement. »
Carla dit n’avoir reçu que des commentaires positifs au sujet du programme.
« Certains détenus ont dit que leurs enfants leur relisaient le livre au téléphone. D’autres ont dit "Wow, je n’arrive pas à croire que mon enfant aime regarder les livres", ou encore "il a commencé à le lire parce que je le lis avec lui" », raconte Carla.
Kevin remarque que la lecture a un sens plus profond.
« C’est bénéfique pour le niveau d’alphabétisation des détenus », dit-il.
« Mais je dirais que c’est surtout excellent pour l’alphabétisation des enfants. C’est justement ce cycle de la criminalité intergénérationnelle que nous tentons de briser. »
Le programme a gagné en popularité, et son succès s’est répandu. Le PLED est maintenant offert dans 15 établissements au pays.
Carroll Calder facilite le PLED à l’Établissement pour femmes Grand Valley, à Kitchener en Ontario, où elle est bibliothécaire. Elle aide les bénévoles qui s’occupent du programme.
« Les programmes tels que le PLED ont des répercussions non seulement sur les enfants et leur alphabétisation — qui sont importants en soit — mais aussi sur la famille élargie de nos détenus, ceux qui s’occupent de leurs enfants comme les mères, les pères, les frères, les sœurs, etc. », explique Carroll. « J’ai eu des nouvelles de nombreuses familles, de mères, de pères, de sœurs et de tantes qui étaient ravis d’entendre leur proche faire la narration de ces livres. »
L'heure du conte et son importance
Mme L., dont le mari était incarcéré à l’Établissement de Beaver Creek, nous raconte à quel point le PLED a été important pour elle.
« Ce programme a permis à mon fils d’entretenir un lien solide avec son papa. Mon fils était toujours tellement content de recevoir son beau livre qui venait de son papa, et avait hâte d’aller au lit pour écouter l’histoire », dit-elle.
Mme L. parle aussi des bienfaits du programme pour son mari : « Ça lui a permis de se sentir proche de son enfant. Savoir que son jeune fils pouvait entendre sa voix, et qu’il prenait plaisir à écouter une histoire lue par lui, l’a aidé à traverser les périodes difficiles de son incarcération. »
Sarah, détenue à l’Établissement pour femmes Grand Valley, nous raconte ce que le programme représente pour elle.
« Je voulais trouver un moyen de continuer à faire partie de la vie de mon petit‑fils et de ma belle‑fille. Je trouve que la lecture est très importante pour les jeunes enfants, et j’aime bien l’idée qu’ils puissent entendre ma voix », explique Sarah. « C’est très difficile d’être loin d’eux. Le PLED me permet de me rapprocher d’eux de manière positive. Et de cette façon, ils n’oublieront pas le son de ma voix. »

Vito, un participant à l’Établissement de Beaver Creek, raconte : « Je voulais que mes petits‑enfants et mes filles sachent que je pense à eux. Je lis pour rester en contact avec eux. Ils peuvent entendre ma voix. Je vais bien et je veux faire partie de leurs vies. »
Vito participe au programme depuis six mois, mais certains détenus y participent depuis des années. Leurs enfants (ou petit-enfants) ont reçu de leur part des centaines de livres accompagnés de leurs enregistrements, qui ont contribué à renforcer et à maintenir le lien familial.
« Selon bien des histoires que j’ai entendues, plusieurs enfants finissent par ne pas communiquer avec leur père, ou pire, n’entretenir aucun lien avec lui », explique Mme L. « Le programme permet non seulement au père et à son enfant de rester en contact, mais permet aussi au détenu d’avoir l’impression de donner à son enfant une sorte d’éducation et un cadeau tous les mois. Ça les aide aussi à rester sur la bonne voie, celle de la réhabilitation et de la réussite. »
« On peut difficilement surévaluer la valeur d’un programme de ce genre », ajoute Kevin. « Dans l’optique de l’intervention et de la réinsertion sociale, c’est très précieux. »

Au Service correctionnel du Canada (SCC), nous sommes reconnaissants des efforts que déploient les bénévoles de la collectivité comme Carla, de leurs idées et de leur inspiration. Ce sont eux qui offrent des services de soutien tels que le PLED aux personnes dont nous avons la charge et la garde. Comme nous constatons les bienfaits que procure le PLED aux personnes incarcérées et à leurs familles, nous avons l’intention d’instaurer le programme dans un plus grand nombre d’établissements au cours des années à venir.
Le PLED n’aurait jamais vu le jour sans la générosité et les dons de livres de Book Club for Inmates, un organisme de bienfaisance enregistré qui gère 40 clubs de lecture dirigés par des bénévoles au sein de pénitenciers fédéraux dans tout le pays.


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