Crime, punition et prison pour les femmes

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Entre nous : faire entendre les histoires et les voix du SCC

Pénitencier de Kingston vers 1890. Le bâtiment plus bas, situé près du mur, fait partie du département des femmes.


Susan Turner (21), Hannah Downes (17) et Hannah Baglen (25) ont toutes les trois été condamnées de vol. Elles sont arrivées au nouveau pénitencier de Kingston le 3 septembre 1835, devenant ainsi les premières femmes incarcérées dans un pénitencier au Canada.

Le Pénitencier provincial du Haut-Canada avait ouvert ses portes en juin. En octobre, les trois détenues ont été placées sous la garde de Mme Ann Elmhirst, qui a été embauchée comme « matrone » de la section des femmes. 

Les femmes résidaient au quatrième étage du premier bloc cellulaire, tandis que les quelque 65 condamnés mâles [expression utilisée à l’époque] occupaient le reste du bâtiment. En 1853, une partie de l’aile nord du pénitencier est devenue la « prison pour femmes condamnées du Pénitencier provincial ».

Les 54 cellules du rez-de-chaussée et du premier étage avaient les mêmes dimensions que celles des hommes, soit 28 pouces de large sur 8 pieds de long et 6 pieds 7 pouces de haut. Chaque cellule était équipée d’un lit en bois, d’un pupitre et d’un seau. Les cellules de punition se trouvaient au sous-sol. L’aile comprenait également un réfectoire, les quartiers des matrones, un petit hôpital pour femmes et des salles de travail. Les femmes prenaient l’air et faisaient de l’exercice dans une cour triangulaire attenante en pierre.

Routines et vie quotidienne

Chaque jour, les femmes se réveillaient, s’habillaient et se mettaient au garde-à-vous à l’ouverture des cellules à 6 h. Elles portaient de longues robes d’uniforme rayées bleu et blanc avec un tablier à carreaux sombres. Les prisonnières étaient conduites au réfectoire pour le déjeuner, puis aux ateliers. Elles travaillaient jusqu’à midi, s’arrêtaient pour le dîner, puis travaillaient jusqu’au soir, lorsque le souper était servi, avant de retourner dans leur cellule.

Le travail étant considéré comme une activité de réhabilitation, les prisonniers, hommes et femmes, travaillaient 10 heures par jour. Les femmes effectuaient des travaux qui convenaient aux femmes, tels que le nettoyage, la blanchisserie et la production de textiles. En 1853, la matrone a indiqué que les détenues fabriquaient [traduction] « des chemises, des pantalons, des couvre-lits, des draps, de la literie, des chaussettes et des bas », en quantité suffisante pour vêtir les 500 détenus hommes et femmes.

S’il n’y avait pas de travail, les prisonniers passaient de 12 à 14 heures dans leur cellule. Le dimanche, ils travaillaient une demi-journée et se rendaient à la chapelle.

Les repas étaient préparés et servis trois fois par jour par les détenues. Selon le rapport annuel de 1849, les repas étaient [traduction] « de qualité inférieure, mais en quantité suffisante » et [traduction] « sains » : flocons d’avoine ou millet, fèves, pain noir, viandes mijotées, légumes‑racines et choucroute ou chou. Du lait était servi une fois par semaine, mais peu de fruits.

Dans l’hôpital pour femmes, les accouchements et les décès étaient aussi nombreux les uns que les autres.

Deux femmes se tiennent dans un couloir à l'extérieur de leur cellule de prison vers 1900

Les épidémies de typhus ou de diphtérie ont tué de nombreux condamnés tout au long du XIXe siècle. La pneumonie était également très fréquente dans les années 1840 en raison d’un chauffage inadéquat et d’une humidité excessive.

Le chirurgien n’intervenait que si la matrone estimait qu’un détenu était suffisamment malade. Cependant, les femmes pouvaient soumettre leur nom au cortège des malades et être prises en considération pour un traitement hospitalier ou des médicaments.

Assurer le suivi des prisonniers

La prison tenait un registre dans lequel étaient consignés les renseignements relatifs à l’arrivée du détenu, à sa description physique et à sa peine. Par exemple, Grace Marks, âgée de 16 ans, est arrivée en novembre 1843. Elle est décrite dans le registre comme mesurant 1,80 m, de teint clair et aux cheveux châtain clair. Grace a été la première femme condamnée à perpétuité pour meurtre. Elle a purgé 29 ans et a été libérée en 1872, à l’âge de 45 ans. Grace est le personnage principal du livre de Margaret Atwood, Alias Grace.

La plus jeune détenue jamais enregistrée, Sarah Jane Pierce, âgée de neuf ans, a été condamnée en 1878 à sept ans de prison au pénitencier de Kingston pour cambriolage. Elle s’est introduite dans une maison et a volé un bonnet, une cruche d’eau, un édredon, des raisins secs et de la viande de bœuf. Elle a purgé six ans.

En 1845, l’aumônier du pénitencier, sensible aux besoins des délinquantes, préconise d’élever la matrone [traduction] « au poste égal à celui de directeur ». Le directeur gagnait 375 livres par an, tandis que la matrone ne gagnait que 50,20 livres. Le gardien moyen était payé environ 63 livres, mais son salaire n’a pas été augmenté. 

Le bâtiment destiné aux femmes détenues au pénitencier de Kingston de 1913 à 1934, avant l'ouverture de la Prison des femmes de l'autre côté de la rue.

Après la Confédération en 1867, trois pénitenciers provinciaux relèvent de la compétence fédérale : Halifax (Nouvelle-Écosse), Saint John (Nouveau-Brunswick) et Kingston (Ontario) [qui devient le Pénitencier de Kingston].

Les deux premiers ferment en 1880 lorsque le Pénitencier de Dorchester, au Nouveau-Brunswick, ouvre ses portes. En 1885, les femmes détenues sont transférées de Dorchester au Pénitencier de Kingston. Dans les années 1920, toutes les femmes détenues au Canada sont transférées à Kingston.

Punition

Les détenus étaient censés rester silencieux, à moins qu’on leur ait accordé la permission de parler dans le cadre de leur travail. Cette règle était rigoureusement appliquée. Presque tous les écarts de conduite des détenues consistaient en un langage grossier ou des [traduction] « propos injurieux ».

La matrone dénonçait une détenue, mais c’est le directeur qui ordonnait la punition. Il s’agissait soit d’un petit fouet en cuir brut (comme une cravache) sur les vêtements, soit d’un bon coup de fouet sur la tête. Ou elles étaient placées dans la cabine d’isolement, une boîte en bois en forme de cercueil dont le couvercle était percé pour laisser passer l’air. Les femmes y étaient enfermées de 15 minutes à 9 heures. Ces punitions étaient généralement publiques, car les poteaux de fouet et les boîtes étaient conservés dans le réfectoire.

La Commission Brown, une enquête menée en 1848 sur la gestion de la prison, a estimé que ces punitions étaient inhumaines et inappropriées. Ces deux pratiques ont été supprimées en 1849. Le rasage de la tête, l’isolement dans des cellules sombres et la diète au pain et à l’eau pendant 24 à 72 heures devinrent les punitions habituelles.

Scolarisation et conditions

Contrairement aux détenus masculins, les femmes ne disposaient pas de leur propre salle de classe. Elles suivaient leur propre enseignement dans leur cellule, de l’enfermement du soir jusqu’à 21 heures. Des livres scolaires, des blocs-notes et des crayons leur étaient fournis pour la scolarisation. Cependant, il existe peu de données sur les programmes, les exercices ou les tests. De nombreuses détenues ont appris à lire et à écrire en prison.

Les conditions de vie n’étaient pas bonnes. En 1847, les femmes ont été déplacées de l’aile nord à l’aile ouest en raison d’une infestation [traduction] de « bestioles et vermine ». Jusqu’en 1853, les logements des femmes étaient souvent improvisés ou temporaires.

Dès 1893, des voix se sont élevées périodiquement pour réclamer un pénitencier réservé aux femmes. La proximité des femmes et des hommes détenus était également un sujet de préoccupation. En 1913, une prison pour femmes physiquement distincte a été construite dans l’angle nord-ouest du Pénitencier de Kingston. Une commission royale et une enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), menées en 1920-1921, ont critiqué en grande partie cette prison pour femmes au Pénitencier de Kingston. Elle a constaté que la scolarisation était médiocre, qu’il n’y avait pas de journaux et de revues, que les ateliers et les cellules étaient mal ventilés et que des seaux étaient utilisés pour les toilettes. Elle a également relevé [traduction] « une période d’enfermement beaucoup trop longue et inutilement imposée ».

Enfin, en mai 1925, la construction d’une prison séparée pour femmes débuta à côté de la résidence du directeur, en face du Pénitencier de Kingston. Elle fut construite par des équipes de détenus travaillant comme ouvriers. La prison pour femmes a ouvert ses portes en 1934. Pendant 60 ans, elle a été la seule prison fédérale pour femmes au pays.

La Prison des femmes de Kingston, en Ontario, a été ouverte de 1934 à 2000.

Le Musée pénitentiaire du Canada est un musée primé situé à Kingston, en Ontario. Il est entièrement consacré à la préservation et à l’interprétation de l’histoire de nos pénitenciers fédéraux.

Entre Nous

Entre Nous est une publication du Service correctionnel du Canada (SCC). Elle présente des articles, nouveaux et anciens, sur les personnes et les programmes du SCC. Ces articles offrent une fenêtre intéressante sur la façon dont le SCC remplit sa mission visant à contribuer à la sécurité publique et à faciliter la réhabilitation. Entre Nous est l’endroit où trouver des articles informatifs, des balados et des vidéos sur le SCC.

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