Le pouvoir de la thérapie par l’art
31 mai 2024
« L’art est comme une autre langue dans laquelle on peut s’exprimer. Pour certains délinquants, l’art est souvent la meilleure façon de s’exprimer. »
En tant qu’enseignante en milieu correctionnel à l’Établissement de Stony Mountain, Chantille Papko a été témoin des effets thérapeutiques que peut avoir la pratique d’activités artistiques sur les détenus.
C’est ce qui l’a motivée à la suggérer comme ajout idéal aux programmes des unités d’intervention structurée (UIS).
Chantille Papko, Enseignante en milieu correctionnel à l’Établissement de Stony Mountain.
Les UIS, que l’on retrouve à 15 établissements à l’échelle du pays, sont des unités de remplacement dans lesquelles le SCC travaille avec les délinquants qui ne peuvent être gérés de façon sécuritaire au sein de la population carcérale régulière en raison du risque qu’ils posent pour leur propre sécurité ou celle des autres.
Dans le cadre d’une initiative propre à l’UIS de l’Établissement de Stony Mountain, Chantille a fait appel à un art-thérapeute qui a une expérience du travail auprès de personnes ayant vécu des traumatismes afin qu’il anime des séances d’art-thérapie pour les détenus.
Chantille croit au pouvoir de l’art comme thérapie pour les détenus étant donné son potentiel pour aider à répondre aux besoins et à atteindre les objectifs en matière de réhabilitation. Elle explique que cette thérapie présente deux avantages en un seul endroit et en une seule action.
« On atteint les objectifs du curriculum tout en favorisant la santé mentale grâce à l’aspect thérapeutique. »
Les délinquants peuvent utiliser leurs œuvres artistiques pour obtenir un crédit de cours d’arts visuels en vue d’obtenir leur diplôme d’études secondaires.
Ils ont non seulement exploré les moyens d’expression habituels, comme les collages et la peinture acrylique, mais aussi des formes créatives d’expression artistique.
Pour Chantille, un projet récent se démarque, soit un masque de papier mâché.
Un masque de papier mâché.
Intérieur d'un masque en papier mâché
Grâce à l’art-thérapie, le masque vierge devient un canevas grâce auquel le détenu peut explorer son identité et puiser dans sa créativité de manière tactile et tangible.
Ce projet a donné la chance aux participants d’illustrer le contraste entre ce que les gens voient, représenté à l’extérieur du masque, et ce qu’ils ne voient pas toujours, représenté à l’intérieur du masque, leur permettant par le fait même de réfléchir à ce contraste.
Chantille a elle aussi créé son propre masque, puis discuté avec les délinquants du symbolisme présent dans ce qu’elle a choisi d’illustrer à l’intérieur et à l’extérieur de son masque.
Quand les détenus font part de leurs réflexions par rapport à leurs masques, Chantille est touchée par ceux qui dépeignent une armure à l’extérieur, mais à l’intérieur, le lourd passé qu’ils portent et les situations difficiles qu’ils ont vécues.
« J’ai remarqué que c’est vraiment très difficile pour eux de montrer leur vulnérabilité, ce qui se cache à l’intérieur », dit-elle. « Mais quand ils le font, c’est surprenant. Leur vulnérabilité est visible, et c’est en fait une force. Quand on fait ce genre de lien, je suis comblée. »
Mais que pensent les participants de cette initiative?
Chantille remarque qu’au début, les participants hésitent parfois à montrer leur travail. Toutefois, lorsqu’ils s’investissent davantage, elle voit la fierté qu’ils ressentent à l’égard de ce qu’ils ont été capables d’exprimer au moyen de l’art.
Chantille présentera son projet d’art-thérapie en septembre 2024 lors du Symposium national sur l’éducation du SCC. Jusqu’à présent, 16 délinquants ont participé à l’initiative pendant deux blocs de séances qui ont eu lieu en mars 2023 ainsi qu’en novembre et en décembre 2023.
Un délinquant dit qu’il participe parce qu’il veut « apprendre à faire de l’art. »
Kory Abrams, le sous-directeur par intérim de l’Établissement de Stony Mountain, dit que l’initiative donne la chance aux délinquants de faire quelque chose qu’ils n’ont jamais essayé pour la plupart.
« La fierté qu’ils ressentent en découvrant et en démontrant leur talent artistique grâce à ce programme est immense », dit Kory.
« Avec l’art-thérapie, on tire naturellement des leçons de communication, d’expression émotionnelle, d’estime de soi et de confiance en soi, qui sont toutes des facteurs incroyablement importants en vue de la réinsertion sociale, qu’il s’agisse d’un retour dans la collectivité ou d’un retour en population carcérale régulière. »
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