Surveillance dans les collectivités du Nord

le 3 janvier, 2025


Tous les jours, à l’échelle du Canada, les agents de libération conditionnelle exercent une influence positive en aidant les délinquants à réussir leur réinsertion sociale tout en protégeant la population canadienne. Dans le Nord canadien, toutefois, ils ont plusieurs défis supplémentaires à surmonter.

Quatre agents de libération conditionnelle affectés dans le Nord nous racontent comment ils en sont arrivés à exercer ces fonctions uniques, et nous expliquent les changements qu’ils ont dû faire pour s’adapter à ces conditions.

Rebecca Austin, agente de libération conditionnelle, Bureau de libération conditionnelle des Territoires du Nord-Ouest

Personne tenant un chien dans la neige. En arrière-plan, il y a un paysage hivernal.

En 2015, alors qu’elle était agente de libération conditionnelle à Saskatoon, Rebecca Austin a eu la possibilité d’aller travailler dans le Nord. Pendant son enfance, elle allait à Yellowknife pour rendre visite à des membres de sa famille. Ainsi, quand on lui a demandé si elle aimerait être agente de libération conditionnelle dans les Territoires du Nord-Ouest, elle a sauté sur l’occasion et n’est jamais repartie.

« C’est difficile à croire, mais ça va faire 10 ans l’été prochain », dit Rebecca.

La région lui était déjà quelque peu familière, mais elle a tôt fait d’en apprendre davantage sur les Territoires du Nord-Ouest : les aspects de la vie dans un endroit éloigné, la noirceur en hiver et comment s’y faire, ainsi que la taille des corbeaux (énormes).

L’une des facettes les plus marquantes de son travail à Yellowknife a été de découvrir les cultures autochtones diversifiées du Nord. Rebecca dit qu’elle a eu la chance d’en savoir plus sur les Dénés, les Gwitchin et les Inuvialuit. Ces connaissances l’aident à défendre les intérêts des délinquants et à travailler auprès d’eux au sein du système correctionnel fédéral.

« Pour s’assurer que le SCC respecte les normes et droits culturels des Autochtones, il est très important de connaître les différences entre ces cultures, surtout quand on envoie des délinquants de ces groupes dans des établissements au sud du pays. En effet, les cultures autochtones du Nord peuvent être très différentes de celles du sud du pays ».

Comme le territoire est vaste et la population est très dense à Yellowknife, la plupart des agents de libération conditionnelle des Territoires du Nord-Ouest ne quittent pas la ville. Ils comptent plutôt sur les partenaires dans la collectivité pour les aider à surveiller les libérés conditionnels dans les collectivités plus éloignées grâce à un accord d’échange de services avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. De plus, les agents de libération conditionnelle travaillent étroitement avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC), l’Armée du Salut (centre résidentiel communautaire), les bureaux de probation, les responsables des services correctionnels territoriaux et les groupes autochtones. Étant donné que le bureau compte seulement deux agents de libération conditionnelle, il est primordial pour le SCC d’avoir de bonnes relations avec toutes ces parties pour faire son travail dans le Nord.

Rebecca constate une autre grosse différence depuis qu’elle travaille à Yellowknife : son superviseur travaille au Bureau de libération conditionnelle d’Edmonton, au sein du district de l’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest. En travaillant de façon indépendante dans un milieu éloigné comme celui-là, les agents de libération conditionnelle du bureau de Yellowknife ont une grande responsabilité, car ils doivent « jouer plusieurs rôles, pas seulement celui d’agent de libération conditionnelle ». Pour Rebecca, c’est gratifiant de voir qu’on lui accorde autant de confiance, et ça l’inspire à continuer d’exercer une influence positive tous les jours.

Philip Dai, agent de libération conditionnelle, Bureau de libération conditionnelle de Thompson

Quand Philip Dai a eu la possibilité de travailler comme agent de libération conditionnelle, il savait que c’était un emploi qui lui permettrait d’exercer une influence positive, même s’il devait quitter sa résidence à Calgary pour s’installer à Thompson, dans le nord du Manitoba.

« On décrivait l’expérience comme assez unique », explique Philip. « C’est un bon endroit où commencer sa carrière, car les défis sont variés, m’a-t-on dit. »

Bien que Philip ait moins de délinquants à sa charge que la moyenne des agents de libération conditionnelle dans le sud du Canada, il doit toutefois passer plus de temps à se déplacer. Un agent de libération conditionnelle qui travaille dans un centre urbain peut visiter plusieurs libérés conditionnels par jour, mais Philip passe souvent des heures sur la route pour se rendre dans des collectivités loin du bureau de Thompson. Une seule visite peut donc lui prendre une journée complète.

Quand on a un si petit groupe d’agents de libération conditionnelle dans une région aussi vaste, on peut être confrontés à plusieurs défis.


Image de profil de Philip.

Dans les situations où les agents de libération conditionnelle font des visites à deux pour des raisons de sécurité, Philip est souvent accompagné par un agent de la GRC.

Étant donné les circonstances uniques des collectivités de chaque délinquant, Philip doit parfois refuser des plans de surveillance dans la collectivité qui auraient été approuvés dans un contexte urbain. Par contre, il y a toujours moyen de travailler avec les libérés conditionnels et la collectivité pour trouver une solution qui fonctionne. Pour Philip, les liens qui sont noués dans ces circonstances sont des plus gratifiants.

« Je vois le changement s’opérer chez ces délinquants », dit-il. « C’est beau de les voir faire de vrais efforts pour changer et rétablir leur relation avec leur collectivité. C’est une expérience gratifiante. »

Erin Jamieson, agente de libération conditionnelle, Bureau secondaire du territoire du Yukon

Depuis qu’elle s’est installée à Whitehorse en 2012, Erin Jamieson s’est enraciné dans la collectivité. Comme elle est la seule agente de libération conditionnelle du territoire, elle a tissé des liens profonds avec les libérés conditionnels et les partenaires communautaires à l’échelle du Yukon.

« Au Yukon, on est très en contact avec les services locaux et les collectivités », dit-elle. « On voit vraiment les conséquences des infractions sur les victimes, la collectivité et les membres de la famille du délinquant. On comprend vraiment les traumatismes et les difficultés que ces personnes ont vécus avant d’être admises dans un établissement fédéral. »

Image de profil de Erin.

Avant de déménager dans le Nord, Erin a travaillé comme agente de libération conditionnelle dans plusieurs villes en Colombie-Britannique. Elle connaissait bien le travail, mais a tout de même dû s’adapter aux principales différences qui existent entre le nord et le sud du pays dans le travail de libération conditionnelle. Dans les vastes territoires à faible population, les services de counseling et autres sont souvent difficiles à obtenir, et parfois, il y a de longues listes d’attente.

Erin raconte que, pendant son séjour à Whitehorse, elle a été témoin des avantages extraordinaires que peut procurer une petite collectivité unie, non seulement pour favoriser la réinsertion sociale des délinquants, mais aussi pour garantir la sécurité de la collectivité dans son ensemble.

« C’est peut-être parce que je suis ici depuis très longtemps, ou parce que c’est une très petite collectivité, mais je vois vraiment le changement positif… Je crois vraiment que les gens ont la capacité de surmonter les plus grands défis de leur vie. »

Hamza Al-Baghdadi, ancien responsable des agents de libération conditionnelle, Nunavut

Hamza Al-Baghdadi a travaillé pendant sept ans comme responsable des agents de libération conditionnelle au Nunavut presque par accident.

Personne portant un chapeau de fourrure, avec de la neige sur le visage.

Au début, il avait l’intention d’occuper le poste pendant seulement quelques mois, mais il a rapidement accueilli ses fonctions et est devenu une figure omniprésente du SCC dans le territoire.

« Il faut jouer plusieurs rôles », explique Hamza en parlant de son séjour au Nunavut. Comme il était le seul agent de libération conditionnelle du territoire, Hamza dit qu’il était le « visage non officiel du SCC » au Nunavut.

Pour se rendre à Kugluktuk à l’extrémité ouest du territoire à partir d’Iqualuit dans l’est, Hamza devait prendre l’avion depuis Iqaluit jusqu’à Rankin Inlet, puis jusqu’à Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest avant de prendre l’avion en direction de Kugluktuk. L’allée retour durait quatre jours.

Plusieurs des collectivités ne comptaient que quelques centaines de résidents. Les relations qu’il a établies avec un large éventail de personnes dans une région aussi vaste sont donc extrêmement importantes.

Hamza dit que le travail qu’il a accompli n’aurait pas été possible sans les partenaires locaux. Les services correctionnels territoriaux, les comités locaux sur la justice, les responsables des municipalités locales et la GRC aident à créer des liens inestimables avec les collectivités, permettant au SCC de mener ses activités.

De plus, les comités locaux sur la justice et les responsables des municipalités locales ont beaucoup contribué en aidant le SCC à élaborer des plans de mise en liberté. L’article 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition permet à la collectivité d’origine d’un délinquant autochtone de participer à la coordination de sa réinsertion sociale. Ainsi, on collabore avec les collectivités locales pour élaborer des plans adaptés à la culture et aux valeurs sociétales inuites en plus de faciliter et favoriser le processus de réinsertion sociale.

Les autorités locales et les agents de règlements municipaux aident aussi avec les aspects particuliers de la vie dans le Nord, entre autres en émettant des avertissements de blizzards ou d’ours polaires dans la région.

Bien que ce travail ne soit pas pour tout le monde, il peut s’avérer très gratifiant selon Hamza.

« Il faut embrasser la culture inuite », explique Hamza.

« Il faut s’immerger dans les valeurs sociétales inuites comme le respect, l’interconnectivité et le bien-être de la communauté. Pour s’épanouir dans ce milieu, il faut faire preuve d’ouverture et de souplesse. Il faut s’adapter et être prêt à apprendre des Aînés, à comprendre le savoir traditionnel et en intégrer les principes dans son approche. C’est une expérience gratifiante pour les personnes qui souhaitent s’épanouir et adopter une autre façon de vivre. »

À présent, Hamza travaille à l’administration centrale comme gestionnaire dans l’équipe des Opérations correctionnelles de la Division des opérations de réinsertion sociale, au sein de la Direction des programmes pour délinquants et de la réinsertion sociale.

Dans l’exercice de ses fonctions, et en tant que membre du Comité consultatif sur la sécurité et les opérations dans la collectivité, Hamza peut mettre à profit l’expérience qu’il a acquise dans les services correctionnels du Nord pour militer en faveur de mesures et de solutions qui avantageront les agents de libération conditionnelle et les libérés conditionnels dans le Nord.

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