Un monument attendu depuis longtemps : comment la communauté du SCC a mobilisé des appuis pour ériger le nouveau monument commémoratif en hommage aux employés disparus

Image d'un grand mur commémoratif orné de plaques se dresse derrière une cloche et des bancs de pierre avec du texte qui lit « Un monument attendu depuis longtemps : comment la communauté du SCC a mobilisé des appuis pour ériger le nouveau monument commémoratif en hommage aux employés disparus »

Le 24 novembre 1994, Dave St. Onge regarda par la fenêtre de son bureau au Musée pénitentiaire du Canada, situé en face du Pénitencier de Kingston, son regard se posant sur l’entrée principale. Il y vit une femme et un homme debout au grand froid sur la rive du lac Ontario, brandissant des pancartes. Il leur apporta du chocolat chaud et entama une conversation avec elle.

Il apprit que Daphne Jenkins et Michael Wentworth effectuaient une veillée pour leur père, le gardien William Wentworth, qui fut tué au Pénitencier de Kingston le 24 novembre 1961. Son meurtre ne fut jamais résolu, mais en 1993, de nouvelles preuves virent le jour qui semblaient permettre d’identifier le détenu responsable. L’affaire fut portée devant les tribunaux, mais fut rejetée, car trop de temps s’était écoulé entre le crime et le dépôt des accusations.

L'année suivante, Daphne commença à effectuer des veillées annuelles à la date d’anniversaire du décès de son père. Malheureusement, Michael ne put jamais voir où mènerait la simple veillée de lui et sa sœur puisqu’il décéda en 1996.

Les membres du personnel du Pénitencier de Kingston étant habitués à des démonstrations, des protestations ou autres devant le bâtiment, Daphne fut largement ignorée jusqu’à ce que Dave lui parle. Après, la veillée commença à attirer plus d’attention et des membres du personnel se joignirent à Daphne pour honorer la mémoire de son père et des autres employés disparus, tout en exigeant que leur sacrifice soit plus reconnu et qu’on assure une meilleure protection du personnel et un meilleur soutien à leurs familles.

un portrait en noir et blanc du gardien William Wentworth en uniforme
Le meurtre tragique de William Wentworth au Pénitencier de Kingston en 1961 pousse sa fille Daphne à se consacrer à la défense des intérêts, menant éventuellement à la consécration d’un monument commémoratif aux employés disparus du SCC.

« Nous avons décidé de faire du piquetage pour dire “regardez, ce qui est arrivé à mon père peut arriver à d’autres gardiens. Accordons-leur plus de protection” », affirme Daphne.

Inspiré par Daphne et Michael, Dave se mit à faire des recherches sur les employés disparus du SCC. Au fil des ans, il découvrit cinq membres du personnel omis du dénombrement officiel du SCC en raison d’une tenue moins uniformisée des dossiers au tout début des services correctionnels au Canada. Grâce à ses recherches et à ses efforts de défense des intérêts, Dave réussit à faire inscrire Anton Fladeby, John Williams, Joseph Purcell, Stanley Blyth et Gabriel Childs sur des monuments commémoratifs à l’administration centrale et aux administrations régionales du SCC partout au pays, ainsi que sur le monument commémoratif des policiers et agents de la paix canadiens sur la Colline du Parlement.

« Je fais constamment de la recherche ici. J’en fais depuis des années. Et de temps en temps, je tombe sur un nom qui ne figure pas sur la liste et je fais le nécessaire pour corriger la situation », explique-t-il.

Des bénévoles faisant des recherches généalogiques ont aussi découvert certains des noms manquants. Lorsqu’ils tombent sur un renvoi aux services correctionnels, ils l’acheminent à Dave pour examen.

Le 6 octobre 2004, l’agente de libération conditionnelle dans la collectivité Louise Pargeter fut tuée tragiquement dans l’exercice de ses fonctions à Yellowknife. Son décès provoqua des réformes sur le plan de la sécurité en lien avec le travail des agents et agentes de libération conditionnelle dans les régions éloignées du Nord, et suscita un regain d’intérêt à honorer les employés décédés dans l’exercice de leurs fonctions.

En 2006, un comité fut officiellement mis sur pied pour recueillir des fonds en vue de l’édification permanente d’un monument commémoratif national du SCC à Kingston. Le comité inaugural fut composé de Daphne, de Dave, d’agents correctionnels du Pénitencier de Kingston, soit Gord McLeod (le premier président du comité), Jimmy Joyce, Matt Smith (qui devint président du comité plus tard) et Scott Ritchie, de la directrice du Pénitencier de Kingston, Donna Morrin, et de Donna Maillet. Le père de Scott Ritchie, Roy Ritchie, dessina le concept initial, qui était très similaire à ce qui se trouve maintenant à Kingston, et le mari de Donna Morrin, l’architecte Peter Morrin, contribua au travail de consultation concernant le concept initial. Peu après la mise sur pied du comité, deux autres agents correctionnels du Pénitencier de Kingston, Chris Veech et Ed Melanson père, se joignirent aux efforts.

Les membres du comité discutèrent des concepts et des emplacements, mais concentrèrent l’essentiel de leurs efforts à recueillir des fonds. Pour ce faire, ils vendirent des épinglettes, des pièces numismatiques et des tee-shirts, organisèrent des barbecues et des lave‑autos, et plus encore.

En 2014, le comité obtint l’approbation du commissaire du SCC de l’époque, Don Head, pour aller de l’avant avec la création du monument commémoratif, mais il devait obtenir des fonds pour le faire. Cette même année, Jimmy Joyce décéda. Jimmy avait grandement influencé la création du monument commémoratif, et sa perte fut vivement ressentie.

« Il s’est donné cœur et âme à ce projet », affirme Dave.

Comme la plupart des membres du comité étaient des agents correctionnels actifs, il fut souvent difficile pour eux de se réunir tous en même temps en raison des exigences liées au travail par quart. L’élan du projet fluctuait donc selon leur disponibilité.

Le travail se poursuivit malgré tout. Lorsque le Pénitencier de Kingston ferma ses portes en 2013, des studios manifestèrent un intérêt à tourner des films au pénitencier, et Matt, Ed, Gord et Chris agirent à titre de consultants pour de nombreux films. En remplacement d’une rémunération, ils demandèrent à ce qu’un don soit versé au fonds du monument commémoratif.

Daphne Jenkins marche avec le gestionnaire correctionnel Matt Smith et la commissaire Anne Kelly, qui sont en uniformes. Matt tient une couronne de fleurs.
Après trois décennies de veillées, Daphne dépose une couronne de fleurs en l’honneur de son père et de tous les employés disparus du SCC lors de la cérémonie de dévoilement du monument commémoratif tenue en octobre. Elle était accompagnée de la Commissaire Anne Kelly et du président du comité du monument commémoratif, Matt Smith.

« Dans le cadre de l’une des productions, Matt s’est retrouvé à jouer un rôle dans le film et il a dû signer un contrat et une carte et être rémunéré pour son temps. Son cachet a été versé au fond du monument commémoratif », affirme le sous-commissaire régional (SCR) de la région de l’Ontario et du Nunavut, Kevin Snedden.

En 2023, après 17 ans d’activités de financement, le comité n’avait toujours pas atteint son objectif. Le SCR Snedden, qui était bien au courant du comité et de ses travaux étant donné son temps passé dans la région au début de sa carrière, approcha la Commissaire Anne Kelly pour savoir si le SCC était en mesure d’appuyer le projet. La Commissaire Kelly approuva un budget pour couvrir le reste des coûts et, soudainement, l’idée d’un monument commémoratif national devint une réalité.

« Il y a quelques mois, cela a fait boule de neige lorsqu’ils ont commencé à tout mettre ensemble », explique Daphne au sujet des progrès rapides réalisés cette année.

En mars 2025, juste quelques mois avant le dévoilement du monument commémoratif, le comité a connut une autre perte à la suite du décès d’Ed Melanson père.

« Il était déterminé à mener ce projet à terme », affirme Dave. « Nous souhaitons donc souligner les contributions de ces deux gars (Jimmy et Ed). »

Le 29 octobre 2025, par une journée fraîche, mais ensoleillée d’automne, le monument commémoratif fut dévoilé à Kingston. Les membres du comité étaient tous et toutes présents, et Daphne déposa une couronne de fleurs en l’honneur de son père et de tous les employés disparus aux côtés de Matt et de la Commissaire Kelly. Malgré leur absence, la présence de Jimmy et Ed fut ressentie ce jour-là et tout au long du processus.

« Nous disons qu’ils nous surveillent et veillent sur nous », affirme Daphne. « Et lorsque les choses tournent mal, nous pouvons dire que ce sont eux qui nous jouent des tours. »

La création du monument commémoratif fut le résultat d’un processus de collaboration dans le cadre duquel tous les membres du comité travaillèrent ensemble à l’atteinte de l’objectif final. Tout au long de ce parcours, ils devinrent très proches les uns des autres. Daphne dit que c’est un honneur d’avoir appris à les connaître et de les compter parmi ses amis.

Le SCR Kevin Snedden en uniforme qui prononce un mot à l’extérieur derrière un podium décoré de l’insigne du SCC placé devant le monument commémoratif.
Le SCR de la région de l’Ontario et du Nunavut, Kevin Snedden, prononce un mot lors de la cérémonie de dévoilement du monument commémoratif. Dave remercie le SCR Snedden d’avoir aidé à obtenir les fonds restants nécessaires pour la création du monument commémoratif.

« Ils me traitent toujours comme leur mère ou quelque chose du genre », indique-t-elle en riant. « Ils s’assurent toujours que je vais bien. »

Le monument commémoratif final comprend de nombreux éléments symboliques. Des pierres provenant de chacune des cinq régions du SCC y sont incluses, dont une pierre du Pénitencier de Kingston au centre. Sur le dessus de la pierre du Pénitencier de Kingston trône une cloche de l’Établissement de Stony Mountain, qui devint le plus ancien établissement en exploitation au Canada après la fermeture du Pénitencier de Kingston. Le 29 octobre, la cloche sonna 35 fois pour chacun des membres du personnel disparus du SCC alors que leur nom fut lu à voix haute. Les plaques commémoratives comprennent non seulement le nom, l’âge et le titre de chaque membre du personnel, mais aussi leur visage.

« Je suis contente que nous ayons décidé de montrer leurs visages pour que les gens puissent les voir », déclare Daphne. « Vous pouvez regarder les visages et vous dire “oh, cet homme n’était pas très âgé”. Mon père avait seulement 42 ans. »

Le public peut visiter le monument commémoratif final pour rendre hommage aux employés disparus. Il est installé sur la pelouse de l’Académie nationale de formation, à une courte distance de l’endroit où Henry Trail, le premier membre du personnel décédé dans l’exercice de ses fonctions, fut tué en 1870. L’installation correctionnelle communautaire porte maintenant son nom. Entouré par l’histoire du SCC, le monument commémoratif immortalise la mémoire des personnes qui ont donné leur vie pour le Service et offre un lieu de réflexion.

« Ce qui me frappe, c’est que les gens peuvent venir ici et voir ce que ça représente », affirme Daphne. « C’est un honneur d’avoir un père comme lui, même si je ne l’ai connu que pendant 15 ans. C’est un honneur de savoir qu’il est décédé dans l’exercice de ses fonctions. »

 

 

Les huit membres du comité debout autour de la cloche et de la couronne de fleurs devant le monument commémoratif. Jacob Ritchie, fils du membre du comité Scott Ritchie, est debout à gauche et tient un drapeau du Canada.
Le comité le jour du dévoilement du monument commémoratif à Kingston. De gauche à droite : Jacob Ritchie (tenant le drapeau, fils du membre du comité Scott Ritchie), Chris Veech, Donna Maillet, Dave St. Onge, Scott Ritchie, Gord McLeod, Daphne Jenkins, Donna Morrin et Matt Smith.

 

 

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2025-12-17