Possibilités de justice réparatrice : Services de médiation entre la victime et le délinquant 2019-2020
Résultats correctionnels des rencontres en personne
Contexte
Le Service correctionnel du Canada offre un programme de médiation entre la victime et le délinquant (MVD) sûr et constructif, connu sous le nom de Possibilités de justice réparatrice (PJR), qui permet aux victimes et aux délinquants de communiquer entre eux et de redresser les torts causés par les crimes graves. Le programme PJR s’efforce de répondre aux besoins de tous les participants et contribue à la sécurité publique et à la prévention de la criminalité future.
Depuis 1991, le programme PJR est une initiative financée par le SCC qui vise la réinsertion sociale en toute sécurité des délinquants, en veillant à ce qu’ils soient sensibilisés aux coûts humains infligés aux victimes de leur crime et à ce qu’ils redressent le tort qu’ils ont fait et certains des dommages causés, selon une entente entre eux et les victimes. C’est une étape essentielle de la guérison des victimes que de voir ceux qui sont directement concernés répondre à leurs questions et à leurs besoins.
Toutes les demandes sont soigneusement évaluées afin qu’il soit possible d’établir si une intervention est appropriée et si les participants sont prêts à communiquer entre eux. Certaines demandes sont rejetées si l’autre partie n’est pas disponible ou ne souhaite pas participer au processus ou si la motivation de l’une ou l’autre partie est jugée inappropriée pour la participation au programme. Dans d’autres cas, on a recours aux communications indirectes : intermédiaire qui fait la navette, échange de lettres ou de bandes vidéo. Enfin, il arrive parfois que le traitement de la demande soit reporté à plus tard afin de permettre une meilleure préparation des parties.
Méthodologie
Le rapport est produit annuellement afin de présenter la somme des statistiques relatives aux demandes au fil des ans ainsi que les résultats cumulatifs de la participation à une rencontre de MVD en personne.
Dans le présent rapport, on examine les demandes de MVD, les services fournis par le programme PJR et les résultats correctionnels obtenus par 280 délinquants qui ont pris part à une rencontre de MVD en personne entre 1992 et le 31 mars 2020. On s’est appuyé sur une analyse des données fournies, en corrélation avec les données extraites du Système de gestion des délinquant(e)s (SGD), pour vérifier le statut des délinquants et leur dossier criminel après leur participation à la MVD.
Pour obtenir des renseignements généraux supplémentaires, voir l’annexe A – Évaluations du programme Possibilités de justice réparatrice.
Statistiques relatives aux demandes
Demandes annuelles, de 1998 à 2020
Depuis 1992, le programme PJR reçoit les demandes de victimes, de représentants de victimes et de délinquants. Même si le service de MVD est disponible depuis 1992, le graphique ci-dessous ne montre que les demandes reçues depuis 1998. Entre 1992 et 1997, la collecte de données sur les demandes reçues n’était pas uniformisée, et les demandes de MVD n’étaient pas enregistrées.
Ces cinq dernières années, 154 demandes ont été reçues en moyenne par année. Le nombre de demandes reçues durant l’exercice 2010-2011 demeure le plus élevé depuis la création du programme PJR. Des présentations et des séances d’information sur le programme organisées en personne de 2007-2008 à 2010-2011 ont donné lieu à une augmentation du nombre de demandes, tandis que les années où la Division de la justice réparatrice n’a pas pu organiser de présentations indiquent le contraire. La légère hausse en 2015-2016 est peut-être attribuable aux communications entourant l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits des victimes, qui donne aux victimes le droit d’obtenir des renseignements sur les programmes de justice réparatrice.
Provenance des demandes, de 1992 à 2020
Provenance des demandes | # | % |
---|---|---|
Demandes provenant de la victime | 867 | 33 % |
Demandes provenant de l'établissement | 1 576 | 60 % |
Autre/InconnuFootnote 1 | 191 | 7 % |
Total | 2 634 |
Les demandes provenant de la victime consistent en des demandes reçues de victimes inscrites pour recevoir des renseignements du SCC, de représentants des victimes et de victimes non inscrites. Les demandes provenant de l’établissement sont celles faites par des délinquants qui purgent actuellement une peine de ressort fédéral dans un établissement ou dans la collectivité et qui bénéficient du soutien d’un agent d’aiguillage (agent de libération conditionnelle, aumônier, psychologue, etc.).
Le nombre de demandes provenant des établissements dépasse le nombre des demandes provenant des victimes. La grande différence est probablement attribuable à une meilleure connaissance du programme PJR dans les établissements grâce aux agents de libération conditionnelle, aux aumôniers et aux groupes communautaires de justice réparatrice. La Division de la justice réparatrice continue d’envisager des stratégies de sensibilisation afin d’augmenter le nombre de demandes provenant des victimes, en particulier des victimes non inscrites pour recevoir des renseignements du SCC.
Provenance des demandes par région, de 1992 à 2020
La région du Québec est la seule région à maintenir un nombre plus élevé de demandes provenant des victimes par rapport à celles provenant des établissements. Cette différence est possiblement attribuable à la collaboration que la région du Québec entretient avec les organismes d’aide aux victimes, les services sociaux et le système de justice pénale. C’est dans la région du Pacifique que le nombre de demandes provenant des établissements est le plus élevé.
Aperçu régional, de 1992 à 2020
La région du Pacifique offre les services de MVD depuis plus longtemps que les autres régions. En 1991, le SCC a financé un organisme communautaire appelé Community Justice Initiatives (CJI) à Langley, en Colombie-Britannique, pour mettre en œuvre un programme pilote de médiation entre la victime et le délinquant. Le programme PJR a officiellement commencé à étendre les services à toutes les régions en 2004. C’est pourquoi la région du Pacifique compte le nombre de demandes le plus élevé.
Services de médiation entre les victimes et les délinquants, exercice 2019-2020
Types de dialogues organisés en 2019-2020
Le programme PJR offre des services de médiation entre les victimes et les délinquants faisant intervenir différents processus de justice réparatrice ou types de dialogues. Ceux-ci varient selon les besoins des participants. Par exemple, il peut s’agir de rencontres en personne, de correspondance, de cercles de discussion ou d’échanges de messages vidéo. Le médiateur peut également relayer des messages entre les deux participants (médiation « navette »).
Pendant l’exercice 2019-2020, les types de dialogue étaient des rencontres en personne et de la correspondance, entre autres. Les autres types de dialogues organisés comprennent les téléconférences et les vidéoconférences au lieu de rencontres en personne.
Rencontres en personne, de 1992 à 2020
Rencontres en personne par année
Entre 1992 et 2020, 280 délinquants ont participé à 455 rencontres en personne.
L’écart dans le nombre de dialogues par an peut être dû à une multitude de facteurs. Avant 2004, le programme était principalement offert par CJI dans la région du Pacifique et n’était pas encore bien connu. À partir de l’exercice 2004-2005, les rencontres en personne ont augmenté de façon marquée, probablement en raison des protocoles de programme approuvés par le Comité de direction et des services de MVD fournis à l’échelle nationale. Tous les autres écarts sont probablement attribuables au nombre variable de demandes d’une année à l’autre, à l’état de préparation des participants et à d’autres facteurs incontrôlables.
Nombre de rencontres en personne, par délinquant
En raison de la gravité des infractions visées par le programme PJR, les services de MVD sont flexibles et guidés par les besoins des participants afin de redresser les torts causés par les crimes. Étant donné que les besoins d’un participant peuvent évoluer tout au long du processus, certains cas nécessitent des rencontres supplémentaires en personne. Cependant, à ce jour, près de 70 % des cas aboutissent à une seule rencontre. Voici un aperçu du nombre de rencontres en personne des 280 délinquants qui ont participé depuis 1992 :
1 rencontre | 2 rencontres | 3 rencontres | 4 rencontres | 5 rencontres | 6 rencontres et plus |
---|---|---|---|---|---|
192 (69 %) | 56 (20 %) | 14 (5 %) | 8 (3 %) | 4 (1 %) | 6 (2 %) |
Aperçu des délinquants participants
Âge
Au moment de l’infraction, les 280 délinquants étaient âgés de 15 à 77 ans, la moyenne étant de 38 ans. Au moment de leur première rencontre en personne, ils étaient âgés de 19 à 85 ans, et la moyenne était de 47 ans. Le délai entre la MVD en personne variait de 1 à 47 ans, et le délai moyen était de 11 ans.
Sexe
Parmi les 280 délinquants, 261 (94 %) étaient des hommes et 18 (6 %), des femmes; un participant (<1 %) s’identifie d’un autre sexe. Ces proportions sont semblables à celles de la population générale des délinquants purgeant une peine de ressort fédéral :
Statut des délinquants sous responsabilité fédérale | Femmes | % | Hommes | % | Total |
---|---|---|---|---|---|
Incarcérés et en liberté | 1 416 | 6,1 | 21 682 | 93,9 | 23 098Footnote 2 |
Confession religieuse
Sur 280 délinquants qui ont participé aux dialogues en personne, 207 (74 %) ont indiqué qu’ils pratiquaient une religion ou avaient des croyances spirituelles. Parmi ces 207 délinquants, 10 (5 %) ont dit qu’ils pratiquaient une forme de spiritualité autochtone. Les autres délinquants n’ont pas indiqué qu’ils pratiquaient une religion ou ont indiqué qu’ils étaient athées.
Diversité
La plupart des délinquants qui ont participé à une MVD en personne se sont identifiés comme étant de race blanche (71 %). Des participants, 17 % se sont identifiés comme Autochtones et 11 %, comme appartenant à une minorité visible. Ce taux de représentation est inférieur à celui des Autochtones dans la population carcérale purgeant une peine de ressort fédéral, qui s’élève à 25 %Footnote 3.
Risque et besoins
Chez les délinquants dont le risque et les besoins ont été évalués à l’admission, la plupart présentaient un risque élevé de récidive et des besoins moyens d’intervention, comme des programmes.
Risque
- 52 % présentant un risque élevé
- 36 % présentant un risque moyen
- 12 % présentant un risque faible
Besoins
- 40 % ayant des besoins élevés
- 45 % ayant des besoins moyens
- 15 % ayant des besoins faibles
Infractions à l’origine de la peine
Type d’infraction
Voici les types d’infractions ayant donné lieu à des rencontres de MVD :
- Meurtres, homicides involontaires coupables ou tentatives de meurtre : 53 %
- Infractions sexuelles : 25 %
- Vols qualifi és ou introductions par effraction : 6 %
- Infractions relatives à la conduite d’un véhicule ayant causé la mort : 6 %
- Voies de fait : 4 %
- N égligence criminelle ayant causé la mort : 3 %
- Enl èvement et séquestration : 1 %
- Menaces et harc èlement criminel : 1 %
- Autre : 1 %
Statistiques relatives aux mises en liberté sous condition réussies
Statut du participant au moment de la rencontre en personne
Statut actuel des délinquants participants
Sur les 280 délinquants ayant participé à des rencontres, 63 sont incarcérés à l’heure actuelle, 201 ont atteint la date d’expiration de leur mandat ou ont obtenu une mise en liberté, 12 sont décédés, et 4 ont été expulsés du pays.
Peine purgée | Incarcérés | Surveillés | Décédés | Expulsés |
---|---|---|---|---|
132 (47 %) | 63 (23 %) | 69 (25 %) | 12 (4 %) | 4 (1 %) |
Récidive après une mvd en personne
Récidive
Parmi les 228 délinquants qui étaient en liberté lorsqu’ils ont participé à une MVD en personne ou qui ont été mis en liberté par la suite :
- 98 % n’avaient pas récidivé un an après la rencontre en personne;
- 91 % n’avaient pas récidivé cinq ans après la rencontre en personne;
- apr ès dix ans, 89 % n’avaient pas récidivé.
Les 228 délinquants qui ont participé à une rencontre en personne étaient moins susceptibles de récidiver que les autres délinquants qui ont fini de purger leur peine entre les exercices 1991-1992 et 2019-2020Footnote 4. Lorsque l’on compare les taux de récidive après cinq ans, 84 % des délinquants qui n’avaient pas participé à une rencontre en personne n’avaient pas récidivé.
De nombreux facteurs peuvent influer sur la réussite d’un délinquant après sa mise en liberté; par conséquent, on ne peut pas conclure que la participation à une rencontre en personne a un lien de causalité avec la réussite après la mise en liberté. De plus, la taille de l’échantillon du groupe témoin est bien supérieure au nombre de délinquants qui ont participé à une rencontre en personne. Néanmoins, ceux qui y participent effectivement réussissent généralement bien lorsqu’ils sont mis en liberté.
Infractions commises après la MVD
Sur les 280 délinquants qui ont participé à des rencontres en personne (cela inclut tous les délinquants depuis 1992 qui étaient en liberté au moment de ces rencontres, ceux qui ont été mis en liberté par la suite et ceux qui étaient incarcérés à la date de publication du présent rapport) :
- 254 délinquants (91 %) n’avaient pas commis de nouvelle infraction;
- 26 délinquants (9 %) avaient commis une nouvelle infraction.
Type d’infractions commises après la MVD
Parmi les 26 délinquants qui ont commis une nouvelle infraction après la MVD :
- 7 ont été accusés de vol qualifié comme infraction principale;
- 2 ont été accusés d’agression sexuelle comme infraction principale;
- 6 ont été accusés de voies de fait;
- 2 ont été accusés de harcèlement criminel;
- 2 ont été accusés d’introduction par effraction;
- 1 a été accusé de vol d’une carte de crédit;
- 1 a été accusé de possession d’une substance en vue d’en faire le trafic;
- 1 a été accusé en vertu d’une loi provinciale;
- 1 a été accusé de possession d’une arme à feu à autorisation restreinte;
- 1 a été accusé de défaut de se conformer à une ordonnance de surveillance de longue durée;
- 1 a été accusé d’enlèvement;
- 1 a été accusé d’action indécente avec l’intention d’insulter quelqu’un.
Parmi les nouvelles accusations, 18 (69 %) visaient des infractions moins graves que les infractions ayant donné lieu aux demandes de médiation.
Conclusion
En 2019-2020, le programme PJR a connu une forte augmentation du nombre de nouvelles demandes pour la première fois en quatre ans. Le nombre de rencontres en personne a diminué par rapport à l’année précédente. Cependant, cette baisse peut être attribuée à la pandémie de COVID-19 et au confinement subséquent, car, en mars 2020, toutes les rencontres en personne ont été reportées. Au cours du prochain exercice (2020-2021), nous prévoyons une réduction du nombre de rencontres en personne en raison de la pandémie ainsi que de tous les autres types de dialogue. Il est possible que le nombre de rencontres virtuelles en personne augmente. À notre avis, la proportion de nouvelles demandes ne devrait pas diminuer compte tenu du nombre de cas qui ont été aiguillés vers le programme PJR depuis mars 2020.
Annexe A : Évaluations des possibilités de justice réparatrice
Une évaluation qualitative effectuée en 1995 fait état d’un haut niveau de satisfaction chez les victimes et les délinquants. Les victimes signalent une meilleure maîtrise de leur sécurité et de leur vie, et elles affirment que le processus leur permet de tourner la page. Les délinquants parlent d’épanouissement personnel et déclarent être plus disposés à s’occuper de leurs facteurs criminogènes. Les employés interviewés ont confirmé que les délinquants sont davantage motivés à participer activement à la réalisation de leur plan correctionnel.
De plus, Rugge (2006) a examiné les effets de la participation sur la santé physique et psychologique des participants. On a remarqué que les victimes et les délinquants présentaient des résultats positifs durant leur participation au programme, par rapport à la grille d’évaluation de l’état de santé physique et à la grille d’évaluation de l’état de santé psychologique (avant et après). On a constaté une importante différence entre les participants qui ont assisté à une rencontre en personne entre la victime et le délinquant et ceux qui ne l’ont pas fait, les premiers obtenant davantage de résultats positifs.
Les victimes et les délinquants participant au programme PJR ont également fourni des commentaires à la Division de la justice réparatrice sur l’expérience qu’ils ont vécue dans le cadre du programme. Dans l’ensemble, les participants se disent très satisfaits. Ils ont reçu un grand soutien des médiateurs et ils soulignent leur professionnalisme, leur honnêteté et leur dévouement. Les victimes ont indiqué que le processus a répondu à leurs attentes, voire les a dépassées. Un grand nombre de délinquants ont dit qu’ils ressentaient plus d’empathie pour leur victime et qu’ils appréciaient la compassion dont les médiateurs avaient fait preuve à leur égard.
En mai 2013, une analyse préliminaire de l’incidence du programme Possibilités de justice réparatrice a été réalisée par la Direction de la recherche du SCC. Elle révèle que le programme semble prometteur pour réduire la récidive. La tendance indique que, un an après leur mise en liberté, les délinquants ayant participé aux rencontres en personne étaient moins souvent réincarcérés, malgré un potentiel de réinsertion sociale et des taux de motivation plus faibles.
À la suite de l’analyse préliminaire, la Direction de la recherche a mené une analyse de l’incidence du programme Possibilités de justice réparatrice sur les taux de révocation. Les résultats de l’étude confirment les avantages de la participation au programme PJR, particulièrement lorsque les rencontres sont tenues dans la collectivité. Selon les résultats, la participation au programme PJR pendant l’incarcération peut également donner lieu à une réduction des taux de révocation au fil du temps.
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