Profil des délinquants inuits incarcérés et dans la collectivité : répercussions sur les programmes

Publication

  • No RIB-16-24
  • Juillet 2017

Faits saillants de la recherche

Les hommes inuits requièrent des interventions pour gérer leurs déviances sexuelles, leurs problèmes de toxicomanie et leur difficulté à maîtriser leurs émotions.

Pourquoi nous avons effectué cette étude

Le Service correctionnel du Canada (SCC) doit dresser le profil des délinquants inuits pour pouvoir élaborer des programmes qui leur seront adaptés.

Ce que nous avons fait

Nous avons étudié le profil d’un instantané de tous les délinquants inuits de sexe masculin (incarcérés et sous surveillance dans la collectivité) (N=217) pris le 1er octobre 2016. Les données de ce profil ont été extraites du Système de gestion des délinquant(e)s (SGD) et du Système informatisé de dépistage des troubles mentaux à l'évaluation initiale (SIDTMEI).

Ce que nous avons constaté

La plupart des délinquants inuits ont indiqué que leur langue maternelle était l’inuktitut, mais qu’ils préféraient parler anglais. La majorité (79 %) des délinquants inuits étaient célibataires. Environ 30 % de ceux qui étaient incarcérés purgeaient une peine d’une durée indéterminée. La peine courante de la très grande majorité faisait suite à un crime violent (36 % purgeaient une peine pour une infraction sexuelle). L’âge moyen des délinquants incarcérés et sous surveillance de l’échantillon était respectivement de 36 et 38 ans.

Tableau 1

Taux de prévalence des domaines où les besoins sont marqués chez les délinquants inuits incarcérés (N= 146) et surveillés dans la collectivité (N=71)

Facteur Incarcérés Surveillés ds la collectivité

%

%

Peine d’une durée déterminée 71 94
Durée moyenne de la peinea 4.5 3.7
Type d’infraction à l’origine de la peine courante
Homicide 31 14
Infraction sexuelle 36 41

Voies de fait

19 27
Autreb 14 18

a Peine d’une durée déterminée uniquement b Comprend les vols qualifiés, les infractions en matière de drogue, les autres infractions avec et sans violence, et les infractions contre les biens

Les délinquants du groupe étaient très criminalisés : 88 % avaient des antécédents d’infractions commises à l’âge adulte, la plupart avec violence (41,5 % étant des infractions sexuelles). Concernant l’infraction à l’origine de la peine courante, 47 % des délinquants ont été déclarés coupables d’une infraction à caractère sexuel et 29 % d’homicide. Bien souvent, ces infractions violentes ont fait plusieurs victimes. La majorité des délinquants inuits présentaient un risque et des besoins élevés et un faible potentiel de réinsertion sociale. Tous les domaines de l’IDAFD-R faisaient état de besoins marqués. Ceux-ci étaient les plus criants dans les domaines de la vie personnelle et affective, de la toxicomanie et des relations matrimoniales et familiales. Sur une note positive, 77 % des délinquants étaient modérément ou très motivés à changer.

Tableau 2

Variables du profil des délinquants : risques et besoins

Incarcérés Surveillés ds la collectivité

%

%

Risque statique global
Modéré 15 25
Élevé 84 72
Cote globale des besoins liés aux facteurs dynamiques
Moyenne 10 16
Élevée 90 83
Potentiel de réinsertion sociale

Faible

74 32
Modéré 24 62
Niveau de motivation
Modéré 74 80
Élevé 4 t
Domaines de l’IDAFD-R
Domaine de l’emploi et des études
Besoin modéré ou élevé 82 66
Domaine des relations matrimoniales et familiales
Besoin modéré ou élevé 68 63
Domaine des fréquentations
Besoin modéré ou élevé 48 45
Domaine de la toxicomanie
Besoin modéré ou élevé 91 86
Domaine du comportement dans la collectivité
Besoin modéré ou élevé 35 19
Domaine de la vie personnelle et affective
Besoin modéré ou élevé 97 99
Domaine des attitudes
Besoin modéré ou élevé 71 46

La plupart des délinquants inuits avaient un faible niveau de scolarité; 45 % avaient une indication de déficit cognitif grave2 . À noter également que 40 % des délinquants incarcérés de l’échantillon avaient les symptômes du TDAH. La violence familiale était aussi très répandue. Plus de 70 % avaient déjà commis des actes de violence conjugale. Plus de 50 % avaient eux-mêmes été victimes ou témoins de violence familiale dans leur enfance.

La consommation de drogue et d’alcool faisait partie du schéma criminel de 90 % des délinquants inuits (et était associée à leurs actes de violence). Ils étaient nombreux à fréquenter d’autres délinquants et des toxicomanes et peu avaient du soutien social ou communautaire et peu participaient à des activités structurées

Tableau 3

Attribution des indicateurs sélectionnés de l’IDAFD-R

Incarcérés Surveillés ds la collectivité
Indicateur de l’IDAFD-R

%

%

Emploi et études
Niveau de scolarité inférieur à la 10e année 79 75
Antécédents de travail instables 82 77
Relations matrimoniales et familiales
Victime de violence pendant l’enfance 57 49
Témoin de violence familiale pendant l’enfance 54 57
Les membres de la famille commettaient des crimes pendant l’enfance 34 25
Relations intimes problématiques 82 65
Auteur d’actes de violence conjugale 70 61
Attitude qui encourage la violence conjugale 43 37
Beaucoup de difficulté à assumer des responsabilités parentales 45 35
A fait l’objet d’une enquête en raison de soupçons de violence et/ou de négligence envers les enfants 11 10
Fréquentations
Fréquente des toxicomanes 94 87
Fréquente de nombreux délinquants 57 48
Réside dans un secteur où le taux de criminalité est élevé 48 33
Soutien prosocial limité d’un partenaire intime 67 69
Soutien prosocial limité de la famille 38 36
Soutien prosocial limité des amis 77 63
Toxicomanie
Consomme souvent de l’alcool à l’excès 78 72
La consommation d’alcool ou de drogues a conduit à enfreindre la loi 92 87
Devient violent lorsqu’il boit ou qu’il consomme des drogues 89 87
La consommation d’alcool ou de drogues fait partie du cycle de délinquance 93 86
Comportement dans la collectivité
Changements fréquents de logement 30 14
Instabilité financière 59 50
Activités récréatives limitées 61 47
Faible lien avec la collectivité 37 18
Vie personnelle et affective
Difficulté à reconnaître les problèmes 82 77
Difficulté à faire des choix 91 80
Inconscience des conséquences 81 79
Difficulté à faire face au stress 75 66
Abandon rapide devant les difficultés 38 19
Abandon rapide devant les difficultés 92 90
Difficulté à se fixer des objectifs à long terme 64 60
Difficulté à résoudre des problèmes interpersonnels 89 79
Crises de colère fréquentes 67 51
Gestes agressifs fréquents 71 71
Faible tolérance à la frustration 77 66
Préférences sexuelles déviantes 44 36
Attitudes sexuelles déviantes 35 42
Attitudes
Attitude favorable à la violence instrumentale ou axée sur un but 57 44
Attitude favorable à la violence psychologique ou expressive 65 57
Nie le crime ou se sert d’excuses pour le justifier ou le minimiser 69 61

2 Cette mesure n’est peut-être pas une estimation juste des fonctions cognitives d’un point de vue culturel, mais des cotes faibles sont associées à des difficultés d’apprentissage et ont des répercussions sur la participation aux programmes.

Ce que cela signifie

Les interventions auprès des délinquants inuits devraient cibler les déviances sexuelles, la violence en général et la violence familiale, notamment celle à l’égard des enfants, ainsi que la toxicomanie. Même si les niveaux de soutien social et d’activités prosociales structurées sont faibles, les deux tiers des délinquants ont indiqué avoir des liens avec leur collectivité. Il s’agit là d’un facteur de protection que l’on peut considérer comme une force. Les programmes devraient montrer aux délinquants des stratégies pour les aider régler les problèmes, à réfléchir aux conséquences de leurs gestes, à maîtriser leurs émotions, à prévenir les déviances sexuelles, à éviter la fréquentation d’autres délinquants et à délaisser toute attitude favorable à la violence.

Pour de plus amples renseignements

Vous pouvez joindre la Direction de la recherche par courriel ou par téléphone au 613-995-3975

Vous pouvez également visiter la page des Publications de recherche pour une liste complète des rapports et sommaires de recherche.

Préparé par : K. Wardrop, J. Thompson, et L. Stewart

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