Prévalence de l’usage de drogues injectables chez les délinquants

Publication

  • No RS-10-02
  • Octobre 2010

Mots clés

toxicomanie, usage de drogues injectables, délinquants

Ce qui nous a incités à mener cette recherche

L’usage de drogues injectables (UDI) contribue à la propagation de maladies transmissibles par le sang et joue un rôle en ce qui a trait à d’autres préoccupations relatives à la santé, comme les infections des tissus mous (p. ex., les abcès) ou la détérioration des veines périphériques. Parmi les délinquants sous responsabilité fédérale ayant déjà subi un test de dépistage du VIH ou du VHC, 4,6 % des délinquants ont déclaré être atteints du VIH, et 31 %, du VHC (Zakaria et coll., 2010). En comparaison, le taux de prévalence de l’infection à VIH et à VHC au sein de la population adulte canadienne est de 0,3 % et de 0,8 % respectivement (ONUSIDA, 2006; Zou et coll., 2001).

Ce que nous avons fait

Au moyen des données fournies par les 13 161 délinquants ayant rempli le Questionnaire informatisé sur la toxicomanie (QIT)Note de bas de page 1de 2002 à 2009, nous avons examiné les cas de délinquants ayant fait usage de drogues injectables pendant toute leur vie. Cet examen nous a fourni une description des modèles de consommation de drogue et des comportements en matière de santé des délinquants faisant usage de drogues injectables, et évalue l’UDI durant deux périodes qui s’excluent mutuellement en fonction de certains indicateurs :

  1. l’UDI passé (à savoir l’UDI durant la période excluant les douze mois précédant l’arrestation à l’origine de la peine actuellement purgée par le délinquant);
  2. l’UDI récent (à savoir l’UDI durant la période comprenant les douze mois précédant l’arrestation à l’origine de la peine actuellement purgée par le délinquant).

Ce que nous avons constaté : Prévalence de l’UDI chez les délinquants

Vingt et un (21) pourcent des délinquants (soit 2 793 délinquants) de l’échantillon ont déclaré avoir fait usage de drogues injectables pendant toute leur vie. Au sein de ce groupe, 51 % ont indiqué un UDI récent. La prévalence globale de l’UDI variait d’une région à l’autre; le taux le plus élevé a été enregistré dans la région du Pacifique (32 %), et le moins élevé, au Québec (16 %)Note de bas de page 2. Les taux de prévalence les plus élevés en ce qui a trait à l’UDI passé et récent (14 % et 18 % respectivement)Note de bas de page 3.ont été enregistrés auprès des délinquants incarcérés dans la région du Pacifique.

Ce que nous avons constaté : Caractéristiques des délinquants qui font usage de drogues injectables

En moyenne, les délinquants ayant déclaré des antécédents d’UDI ont consommé de la drogue pour la première fois à l’âge de 15 ans et ont commencé à consommer de la drogue de façon hebdomadaire à l’âge de 18 ans. Parmi les délinquants ayant déclaré un UDI récent, sans égard au mode d’administration, les drogues les plus fréquemmentNote de bas de page 4.consommées étaient, dans l’ordre, les opiacés (44 %), la cocaïne (22 %), le crack (20 %) et les cannabinoïdes (9 %). Par comparaison, les drogues les plus fréquemment consommées par les délinquants ayant déclaré un UDI passé sont les suivantes : les cannabinoïdes (33 %), le crack (30 %), la cocaïne (14 %) et les opiacés (13 %)Note de bas de page 5. Presque tous les délinquants (94 %) ayant récemment fait usage de drogues injectables ont été classés dans la catégorie des personnes ayant un problème de toxicomanie allant de « modérée » à « grave » selon le Questionnaire sur la consommation de drogues (DAST, Skinner, 1982), alors que seulement 57 % des délinquants ayant déclaré un UDI passé ont été classés dans les catégories de personnes ayant un problème de toxicomanie « modérée » à « grave » (voir Tableau 1).

Tableau 1 : Gravité de la toxicomanie selon l’échelle du DAST en fonction des périodes d’UDI

Ce que nous avons constaté : Partage de matériel et risque pour la santé

Près de la moitié (43 %) des délinquants qui ont déclaré avoir fait usage de drogues injectables durant toute leur vie ont reconnu avoir partagé des seringues avec d’autres personnes, alors que 55 % d’entre eux ont indiqué avoir partagé du matériel d’injection comme des réchauds, de l’eau, des filtres ou des cotons-tiges. Environ un quart (24 %) des délinquants ont indiqué qu’ils avaient eu recours à la pratique dite du « front-loading », où la drogue est mélangée dans une seringue puis répartie dans diverses seringues aux fins d’injection. Plus de la moitié (55 %) des délinquants ont indiqué que leur UDI leur avait fait courir le risque de contracter le VIH/sida ou le VHC. La plupart des délinquants (66 %) ont mentionné qu’ils étaient préoccupés par le risque de contracter une maladie infectieuse liée à l’UDI.

Ce que cela signifie

Un UDI récent est plus susceptible qu’un UDI passé d’être associé à des problèmes de toxicomanie « modérée » à « grave ». En outre, le plus haut taux de prévalence d’UDI a été enregistré auprès des délinquants de la région du Pacifique, sans égard aux périodes d’UDI. Ces résultats pourraient avoir des répercussions sur le traitement des délinquants puisque la majeure partie de ceux ayant signalé un UDI récent aurait besoin d’un traitement d’intensité « modérée » à « élevée ».

Des délinquants ont indiqué que les risques pour la santé liés à l’UDI les préoccupaient, mais ils continuent néanmoins de partager du matériel d’injection. L’usage d’opioïdes était manifeste chez les délinquants qui ont déclaré un UDI récent. Ces deux constatations confirment la nécessité de fournir une éducation en matière de santé et de mettre en œuvre des stratégies visant à faire en sorte que les délinquants puissent réduire au minimum le risque pour la santé lié à leur toxicomanie.

Références

ONUSIDA. 2006 Report on the global AIDS epidemic, ONUSIDA, 2006.

Skinner, H.A. « The Drug Abuse Screening Test », Addictive Behaviours, vol. 7 (1982), p. 363-371.

Zakaria, D., J. M. Thompson, A. Jarvis et F. Borgatta. Résumé des premiers résultats du Sondage national de 2007 auprès des détenu(e)s sur les maladies infectieuses et les comportements à risques, Ottawa, Service correctionnel du Canada, 2010.

Zou. S., M. Tepper et A. Guilivi. « L’hépatite virale et des nouveaux agents pathogènes transmissibles par le sang au Canada », Relevé des maladies transmissibles au Canada, 27S3, 2001.

Préparé par :

Shanna Farrell, Jonathan Ross, Marguerite Ternes et Dan Kunic

Pour obtenir de plus amples renseignements :

Centre de recherche en toxicomanie
Direction de la recherche
902-838-5900
recherche.toxicomanie@csc-scc.gc.ca

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Le QIT est une évaluation initiale informatisée de la consommation d’alcool et d’autres drogues des délinquants.

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Note de bas de page 2

χ2(4, N = 13 161) = 167,2, p < 0,0001

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Note de bas de page 3

χ2(8, N = 13 161) = 224,7, p < 0,0001

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Note de bas de page 4

Au cours de la période de douze mois précédant l’arrestation à l’origine de la peine actuellement purgée par le délinquant; 10 % des délinquants ont signalé qu’ils n’avaient pas consommé de drogues durant cette période (sur un total de 283 délinquants).

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Note de bas de page 5

χ2(4, N = 2 510) = 440,5, p < 0,0001

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Détails de la page

2024-01-13