Mesures incitatives et stratégies comportementales à l’intention des délinquants (Rapport complet)
Publication
- No R-214 - Sommaire
- Juillet, 2009
- Ralph C. Serin & Laura J. Hanby
Rapport de recherche - PDF
Déclaration liminaire
Le présent document est un rapport en deux parties sur les mesures incitatives et les stratégies comportementales à l’intention des délinquants. La partie 1 est en fait une analyse documentaire portant sur l’efficacité des mesures incitatives dans la gestion du comportement des délinquants. Cette analyse pose les jalons de la partie 2, qui se veut une analyse des questions d’évaluation, d’élaboration de politiques et de mise en œuvre. Les rapports sont présentés tels que remis au Service correctionnel du Canada. Les auteurs assument l’entière responsabilité du mode de présentation, du style et du contenu du rapport.
Ralph C. Serin et Laura J. Hanby
Avril 2009
Université Carleton
Travail à contrat réalisé pour la Direction de la recherche
du Service correctionnel du Canada
Le 23 mars 2009
Résumé
La présente recension regroupe plusieurs des thèmes abordés dans les publications depuis plus de 30 ans. Par là, elle vise à faire ressortir le consensus des chercheurs quant aux facteurs susceptibles d’influer sur le comportement des délinquants. Diverses stratégies ont été mises à l’essai pour réduire l’inconduite et la violence dans les prisons. Nous nous attachons ici aux programmes de gestion des contingences sous forme d’incitatifs individuels et systémiques, en invoquant des exemples tirés du milieu correctionnel et d’ailleurs. Clairement, la mise au point de stratégies de gestion du comportement se révèle complexe, dans la mesure où seule une minorité de délinquants commet des actes d’inconduite grave et que l’application de stratégies disciplinaires universelles pose souvent des problèmes d’équité. Globalement, l’efficacité des régimes d’incitatifs conçus pour agir sur le comportement des délinquants est considérée comme plus ou moins sûre. De plus en plus, nous nous entendons sur ce qu’il faut éviter de faire, mais beaucoup moins sur ce qui représenterait maintenant une direction viable.
La présente recension pave la voie aux discussions à tenir sur l’efficacité, l’élaboration des politiques, la mise en œuvre de ces politiques et le contexte où tout cela vient s’inscrire. Le document de Liebling (2008) est peut‑être le travail le plus ambitieux et le plus pertinent à avoir été publié : la chercheuse y brosse un tableau de la situation qui nous permet d’apprécier la raison d’être et les difficultés de mise en œuvre d’un modèle d’incitatifs normalisé en milieu correctionnel. Elle reprend en grande partie les discussions qui ont porté sur le sujet au Canada, et notamment au Service correctionnel du Canada, depuis dix ans. C’est un point de départ utile pour aborder les questions qui découlent des recherches évoquées (consulter, cerner les incitatifs centrés sur le délinquant, mesurer le respect par le délinquant des règles établies, etc.).
Table des matières
- Mesures incitatives et stratégies comportementales à l’intention des délinquants
- Stratégies de recherche documentaire
- Inconduite en établissement
- Stratégies pharmacologiques
- Recours aux incitatifs en milieu correctionnel
- Gestion des contingences et traitement de la toxicomanie et de l’alcoolisme
- Gestion des contingences et personnes souffrant de troubles mentaux ou dont les capacités mentales sont limitées
- Les différences individuelles de sensibilité aux incitatifs
- Rôle de la date de publication
- Conclusion
- Bibliographie
Mesures incitatives et stratégies comportementales à l’intention des délinquants
À l’instar des actes criminels commis dans la société elle‑même, les cas d’inconduite dans les établissements carcéraux ne sont pas commis de façon égale par tous les détenus. C’est un petit segment de la population carcérale qui viole les règles des établissements correctionnels dans une proportion excessive, comme l’indiquent les dossiers officiels (Flanagan, 1983). Les chercheurs ont beaucoup étudié les caractéristiques des délinquants enclins à commettre des actes d’inconduite en milieu carcéral. Parmi les caractéristiques prises en considération, citons l’âge, la race, les attitudes et comportements antisociaux, les antécédents criminels, le comportement antérieur en milieu carcéral et l’appartenance à un gang. L’environnement peut également jouer un rôle sur ce plan, au‑delà des caractéristiques personnelles, pour expliquer la violation des règles et les actes de violence. Les cas d’inconduite et de violence en milieu carcéral peuvent être attribués en partie au caractère impulsif d’une bonne proportion de la population carcérale. Des stratégies pharmacologiques ont été appliquées pour contenir l’impulsivité des détenus et, ainsi, réduire la violence dans les établissements correctionnels. Le recours aux médicaments pour moduler et modifier le comportement a fait l’objet d’une critique nourrie (voir p. ex. Blumenthal, 2006; Wong, 2006; Wyatt et Midkiff, 2006). Une autre façon de modifier le comportement des détenus consiste à prévoir pour eux des incitatifs qui prennent la forme de programmes de gestion des contingences.
La présente analyse documentaire vise à présenter les arguments pour et contre les régimes d’incitatifs en milieu correctionnel. Nous avons essayé de couvrir un terrain assez large, afin de déterminer s’il existe des stratégies de gestion comportementale fructueuses, dans le domaine correctionnel comme ailleurs. D’abord, nous allons présenter le contexte dans lequel s’inscrit la mise en œuvre des programmes de gestion des contingences en traitant de l’inconduite et du recours aux stratégies pharmacologiques dans les établissements. Nous parlerons également des approches générales de réduction des cas d’inconduite qui, essentiellement, s’inscrivent soit dans la catégorie des punitions, soit dans celle des incitatifs et traitements. Les meilleurs exemples de cette dernière catégorie se trouvent peut‑être en dehors de la documentation du domaine correctionnel (en toxicomanie ou en santé mentale, par exemple); elle renvoie à des incitatifs à la fois individuels (jetons, bons, argent comptant) et systémiques (gestion des contingences, gradation des privilèges). À l’heure actuelle, sur le plan de l’efficacité, les incitatifs visant à faire adopter un comportement correct aux détenus laissent voir des résultats mitigés, au mieux. Comme c’est le cas pour les programmes destinés aux délinquants, de plus en plus, nous nous entendons sur ce qu’il faut éviter de faire, mais beaucoup moins sur la voie à suivre. Enfin, nous traiterons de la question des différences individuelles de sensibilité au renforcement en tant que facteur à prendre en compte durant la mise en œuvre et dans la pratique.
Stratégies de recherche documentaire
À l’aide de mots clés, nous avons examiné la documentation sur les mesures incitatives visant à contrôler et à modifier le comportement. Pour ce faire, nous avons consulté deux bases de données électroniques : PsycINFO et l’Educational Resources Information Centre (ERIC). Nous nous sommes reportés aux bibliographies des articles retenus aux fins de notre recension pour repérer toute étude pertinente que la recherche par mot-clé n’avait pas permis de révéler. Nous avons cherché à repérer les programmes d’incitatifs et les stratégies de gestion du comportement utilisés auprès des détenus et de certaines populations cliniques (p. ex. les toxicomanes, les personnes souffrant de troubles mentaux, les personnes aux capacités mentales limitées). Nous avons dépouillé la documentation sur les relations parentales positives, même s’il faut dire que les études repérées ne se rapportaient pas directement à la question des incitatifs et stratégies de gestion comportementale. Nous avons examiné à fond les études réalisées sur les cas d’inconduite en établissement afin de situer dans un contexte utile les approches incitatives de gestion du comportement des délinquants. Nous avons également passé en revue brièvement les stratégies pharmacologiques utilisées pour contenir l’impulsivité et l’agressivité.
Inconduite en établissement
À l’exemple de la criminalité dans la société, l’inconduite en établissement n’est pas répartie de façon égale parmi les détenus. C’est un petit segment de la population carcérale qui viole les règles dans une proportion excessive, comme l’indiquent les dossiers officiels (Flanagan, 1983). Plus le cas d’inconduite en établissement est grave, moins il est fréquent; de même, le nombre de détenus impliqués dans les formes les plus graves d’inconduite violente est très faible (Cunningham et Sorensen, 2007a). En 2003, une étude sur plus de 24 000 détenus en Floride a permis de constater que presque la moitié avaient fait l’objet d’une mesure disciplinaire quelconque, que seulement 14,7 % avaient été punis pour une inconduite comportant un potentiel de violence et que 4,5 % avaient commis une agression à proprement parler (Cunningham et Sorenson, 2007b). La notion de délinquant dit « nouveau » a été évoquée pour expliquer les cas graves d’inconduite, où le détenu est plus agressif et plus difficile à gérer (Innes, 1997). Ce délinquant répond à une description précise : c’est un citadin relativement jeune, le plus souvent un afro‑américain, et qui, avant d’être incarcéré, faisait partie d’un gang de rue dont les membres consomment ou vendent de la drogue et ont recours à la violence.
Depuis vingt ans, les chercheurs ont exploré les caractéristiques des délinquants qui se retrouvent le plus souvent à commettre des inconduites en établissement. L’âge est l’un des facteurs de prédiction fiables des divers types d’inconduite. Selon les constatations, l’âge est inversement proportionnel aux cas de violation des règles, d’inconduite et de violence dans les prisons (Berk, Kriegler et Baek, 2006; Chapman, 1981; Cunningham et Sorensen, 2007a; Cunningham et Sorensen, 2007b; Edens, Poythress, Lilienfeld, Patrick et Test, 2008; Flanagan, 1983; Gendreau, Goggin et Law, 1997; Gillespie, 2003; Griffin et Hepburn, 2006; Innes, 1997; Jiang, 2005; Jiang, Fisher-Giorlando et Mo, 2005, Steiner et Wooldredge, 2008). Les chercheurs se sont penchés aussi sur la race en tant que facteur de prédiction des inconduites en établissement, ce qui a débouché sur des conclusions variables. Innes (1997) s’est demandé si la présence importante de « nouveaux » délinquants dans les prisons pouvait expliquer le nombre croissant de cas d’inconduite aux États-Unis. Cette nouvelle catégorie de délinquants — le jeune afro‑américain — permet de prédire les violations des règles et les cas d’inconduite les moins graves, mais elle ne permet pas de bien prévoir les formes de violence les plus graves. Jiang et Fisher-Giorlando (2002) ont déterminé que ni la race ni l’âge n’étaient liés aux actes violents (et non violents) commis à l’encontre du personnel ou des autres détenus. Cependant, plusieurs études empiriques récentes ont déterminé que la race constitue bel et bien un facteur de prédiction significatif des inconduites (Berg et DeLesli, 2006; Jiang, 2005; Jiang et coll., 2005, Steiner et Wooldredge, 2008).
Dans le cadre d’une méta‑analyse de 39 études qui a permis d’établir 695 corrélations avec des cas d’inconduite en prison, Gendreau et ses collaborateurs (1997) ont déterminé que les attitudes et comportements antisociaux figuraient parmi les meilleurs prédicteurs d’inconduite en prison, sans compter l’âge et les antécédents judiciaires. Les attitudes et comportements en question renvoient à la toxicomanie, aux fréquentations, à l’adaptation au milieu carcéral et aux conflits interpersonnels. Selon plusieurs autres études empiriques (Berk et coll., 2006; Chapman, 1981; Cunningham et Sorensen, 2007a; Cunningham et Sorensen, 2007b; Innes, 1997; Jiang, 2005), il existe un lien entre les antécédents judiciaires et l’inconduite. Les probabilités d’inconduite sont nettement plus grandes chez les détenus ayant des antécédents de violence (Cunningham et Sorensen, 2007b; Griffin et Hepburn, 2006) et d’emprisonnement (Cunningham et Sorensen, 2007a; Cunningham et Sorensen, 2007b; Griffin et Hepburn, 2006; Jiang, 2005, Steiner et Wooldredge, 2008). En ce qui concerne les antécédents judiciaires, certaines des caractéristiques de l’infraction à l’origine de la peine en cours sont liées aux problèmes d’inconduite. Par exemple, selon Flanagan (1983), les détenus aux nombreux manquements disciplinaires étaient plus susceptibles d’avoir commis une infraction autre que l’homicide. Jiang et Fisher-Giorlando (2002) ont découvert que les détenus condamnés pour une infraction liée à la drogue étaient à l’origine d’un plus grand nombre d’actes violents que les autres. Une corrélation a également été établie entre les antécédents de consommation de drogue et l’inconduite violente et non violente (Flanagan, 1983; Jiang et Fisher-Giorlando, 2002; Jiang, 2005, Jiang et coll., 2005; Steiner et Woolredge, 2008). Les chercheurs qui se sont penchés sur la durée de la peine comme facteur pouvant expliquer les inconduites ont abouti à des constatations variables. Berk et ses collaborateurs (2006) ont déterminé que les détenus emprisonnés plus longtemps étaient davantage enclins à commettre des inconduites, mais pour Cunningham et Sorensen (2007b), plus la peine est longue, plus le taux d’infraction est bas. La peine écoulée a une certaine influence sur les cas d’inconduite dans le sens où le détenu qui est emprisonné depuis moins longtemps a eu moins de temps pour s’attirer des ennuis, quoique la relation à ce chapitre ne soit pas linéaire (Innes, 1997).
Le soutien social peut servir à renforcer le sens du devoir moral envers autrui, à légitimer les institutions sociales, à resserrer les liens familiaux, à trouver un point d’ancrage en prison et à augmenter la maîtrise de soi (Jiang et coll., 2005). Ce sont là des effets qui renvoient à une probabilité moins grande de violations des règles dans les prisons. Explorant cette relation, Jiang et ses collaborateurs ont découvert un lien négatif entre le soutien social (dans la sphère du détenu comme dans celle de la prison dans son ensemble) et les violations des règles, globalement, et en particulier les cas d’infractions avec violence ou liés à la drogue ou aux biens. Les inconduites sont plus susceptibles d’être le fait de détenus qui n’ont jamais été mariés (Chapman, 1981). À l’inverse des recherches antérieures, l’étude de Jiang et Fisher-Giorlando (2002) a abouti à la conclusion selon laquelle les détenus mariés et ceux qui ont plus d’enfants que les autres commettaient un plus grand nombre d’infractions violentes. Une stabilité d’emploi relativement moins grande avant l’emprisonnement constitue aussi un prédicteur d’inconduite en établissement (Chapman, 1981).
On a démontré un certain lien entre l’appartenance à un gang à l’intérieur ou à l’extérieur de la prison et les inconduites en établissement. Les détenus ayant appartenu à un gang avant d’être incarcérés auraient à leur compte plus de violations des règles que les autres (Berk et coll., 2006; Gillespie, 2003). En particulier, l’appartenance à un gang aurait un effet sur les inconduites violentes durant les premières années d’incarcération (Griffin et Hepburn, 2006). Gaes, Wallace, Gilman, Klein-Saffran et Suppa (2002) ont examiné les effets de l’appartenance à un gang en milieu carcéral sur les inconduites. En prenant en considération le risque de violence, les antécédents de violence et d’autres facteurs personnels, ils ont déterminé que les membres de gang sont responsables d’un plus grand nombre de cas d’inconduite violente et de presque toutes les autres formes d’inconduite, y compris la violation des règles et les actes criminels à proprement parler. Cunningham et Sorensen (2007b) ont reproduit le résultat selon lequel l’appartenance à un gang carcéral constituait un prédicteur d’inconduite violente. Gaes et ses collègues se sont aussi penchés sur le degré d’appartenance aux gangs, faisant la distinction entre le membre en règle et le membre périphérique. Les membres en règle étaient davantage enclins que les membres périphériques à commettre des inconduites avec violence que les membres périphériques, et ceux‑ci étaient davantage enclins à le faire que les pairs n’appartenant pas à un gang.
Le milieu ou l’établissement sont aussi des facteurs qui influent sur la violation des règles et les actes violents commis par les détenus. Dans le cadre d’une méta‑analyse, Gendreau et ses collègues (1997) ont déterminé que les facteurs liés à l’établissement figuraient parmi les meilleurs prédicteurs d’inconduite. Ce sont, notamment, la proportion de détenus incarcérés pour avoir commis un acte violent, la proportion de détenus ayant consommé de la drogue avant leur incarcération, la proportion de détenus participant aux programmes et, enfin, le fait qu’il s’agisse d’un établissement à sécurité maximale (Steiner et Wooldredge, 2008). Le niveau de sécurité de l’établissement permet de prédire le taux d’inconduites, c’est‑à‑dire que les probabilités de violence et d’incidents autres à l’encontre du personnel sont moins grandes dans les établissements à sécurité inférieure (Jiang et Fisher-Giorlando, 2002). Cependant, Innes (1997) donne à entendre que la relation entre le niveau de sécurité et l’inconduite n’est pas nette, puisque les responsables des établissements à sécurité plus élevée exercent une surveillance plus étroite des détenus, mais tendent également à passer sous silence les infractions mineures (p. ex., l’insubordination). Camp et Gaes (2005) ont cherché à savoir si les différents niveaux de sécurité des établissements pouvaient avoir pour effet de criminaliser davantage les détenus. En Californie, on a examiné un échantillon de 561 détenus présentant le même risque d’inconduite et qui ont été envoyés soit dans des établissements à sécurité minimale, soit dans des prisons où le degré de sécurité est inférieur d’un cran au niveau maximal. Les détenus des deux groupes étaient aussi susceptibles les uns que les autres de commettre une inconduite, quel que soit le degré de sécurité de l’établissement. Cela va à l’encontre de l’idée que les prisons sont des milieux criminogènes et qu’il existe un lien entre le niveau de sécurité et l’inconduite. En somme, selon Gillespie (2003), bien que les caractéristiques individuelles du détenu et les qualités de l’établissement jouent tous les deux sur l’incarcération, les facteurs liés à l’établissement constituent de faibles prédicteurs de comportement. Il semble que les méta‑analyses montrent l’importance des facteurs liés à l’établissement (p. ex., le niveau de sécurité), mais que les études plus pointues remettent cela en question.
Trois stratégies générales ont été proposées pour réduire les cas d’inconduite (French et Gendreau, 2006). D’abord, les partisans de la ligne dure prônent un retour aux prisons « sans superflu » qui proposent moins de services et recourent davantage à l’isolement, aux coups de fouet et aux chaînes de condamnés. Ensuite, les stratégies de gestion pénitentiaire et de maîtrise des situations jouent sur plusieurs facteurs (p. ex., le surpeuplement, l’aménagement de la prison, le ratio personnel‑détenus) pour réduire au minimum les possibilités de comportement antisocial. Enfin, les programmes de traitement pourraient réduire les cas d’inconduite en établissement d’à peu près autant qu’ils permettent de réduire les récidives (entre 20 % et 40 %). French et Gendreau ont réalisé une méta‑analyse de 68 études en vue de déterminer l’efficacité des traitements correctionnels pour réduire les cas d’inconduite. Les programmes thérapeutiques comportementaux produisaient les effets les plus marqués (r = 0,26), alors que le nombre de facteurs criminogènes ciblés et l’intégrité thérapeutique constituaient d’importants modérateurs.
Stratégies pharmacologiques
L’inconduite et la violence dans les prisons peuvent s’expliquer en partie par l’impulsivité des délinquants. Edens et ses collaborateurs (2008) ont cherché à savoir si le Psychopathic Personality Inventory (PPI) pouvait servir à prédire l’inconduite en établissement et les infractions avec ou sans violence. L’échelle de comportement impulsif et antisocial du PPI — qui comprend l’égocentrisme de type machiavélique, la non‑conformité impulsive, la tendance à ne pas se soucier de l’avenir et à vivre uniquement au présent et l’externalisation du blâme — permettrait de prédire les trois résultats. L’étude en question met en lumière le rôle de l’impulsivité dans les violations des règles et la violence dans les prisons. L’impulsivité, la colère et le déni des problèmes sont cités comme étant les difficultés cliniques les plus souvent observées chez les délinquants souffrant de troubles mentaux (Quinsey, Harris, Rice et Cormier, 2006).
Le recours à la pharmacologie figure parmi les solutions proposées pour contenir l’impulsivité des détenus et, de ce fait, réduire la violence dans les prisons. Les traitements médicamenteux visent d’abord et avant tout à maîtriser immédiatement l’agressivité de la personne pour empêcher ou faire cesser blessures, destruction et/ou perturbations (Rice, Harris, Varney et Quinsey, 1989). Par exemple, à titre d’essai, Wilcox (1994) a administré le divalproex sodique (un anti-convulsivant) à 35 personnes ayant diverses maladies psychiatriques. Il a constaté que le médicament réduisait l’agitation, particulièrement chez les personnes souffrant d’une maladie bipolaire ou du trouble de la personnalité limite. Lawson et Nanos (2006) ont voulu savoir en quoi le divalproex permettait de traiter les comportements violents et perturbateurs en milieu correctionnel. L’anticonvulsivant a permis de réduire les comportements autodestructeurs de 17 détenus, sans réduire pour autant de manière significative les comportements perturbateurs envers autrui.
Depuis les années 1970, l’intérêt porté aux thérapies comportementales décline, comme en fait foi la baisse du nombre de publications à leur sujet (Wong, 2006). Les psychotropes sont devenus le médicament de choix pour les troubles mentaux et comportementaux (Wyatt et Midkiff, 2006). Selon Quinsey et ses collaborateurs (2006), même si le détenu ne commet un acte d’agression ou d’automutilation qu’à l’occasion au sein de l’établissement, la pharmacothérapie sera probablement la seule option envisagée.
Blumenthal (2006) fait valoir que des milliards de dollars sont dépensés tous les ans pour contrôler et modifier les comportements à l’aide de médicaments du fait que, selon les sociétés pharmaceutiques, d’un point de vue scientifique, la médication représenterait le seul élément précurseur viable pour susciter le changement. Or, selon cet auteur, il serait possible de traiter autrement bon nombre des problèmes de comportement en question, par une éducation et une formation sur le recours approprié aux principes de la thérapie comportementale (p. 197). Rice et ses collaborateurs (1989) affirment qu’aucune donnée empirique ne permet de conclure que le recours aux médicaments pour contrôler sans délai le comportement des patients représenterait une stratégie efficace pour réduire les cas d’agression à long terme. Par ailleurs, les recherches portant sur les causes biologiques des problèmes en question seraient plus faibles que prévu et, dans certains cas, les prétentions relatives à l’efficacité des médicaments sont exagérées (Wyatt et Midkiff, 2006). Selon Blumenthal, il est impératif de montrer aux gens à prendre leur vie en main, particulièrement dans le domaine de la santé mentale, où on se fie aux médicaments pour modifier le comportement des gens. Wong (2006) suggère qu’il est possible de recourir à des techniques de contrôle des stimuli comme le façonnement et les systèmes de jetons pour traiter efficacement les problèmes de comportement. Corrigan, Yudofsky et Silver (2008) recommandent de décider des interventions en fonction de trois critères : 1) Le patient est‑il agressif en ce moment? 2) Quels sont les facteurs déclencheurs biologiques? 3) Quels sont les facteurs déclencheurs liés au milieu? On peut ensuite déterminer si ce sont les stratégies pharmacologiques (p. ex. antipsychotiques, sédatifs ou anticonvulsivants) ou les interventions comportementales (p. ex. systèmes de jetons, affirmation de soi ou temps d’arrêt auto‑imposé pour la maîtrise de soi) qui conviennent le mieux, ou les deux. D’abondantes données portent à croire que les interventions visant à modifier le milieu social, par exemple l’économie de jetons, peuvent produire un effet positif sur le comportement (Quinsey et coll., 2006).
Recours aux incitatifs en milieu correctionnel
L’objectif fondamental de l’intervention centrée sur la gestion des contingences consiste à modifier le comportement de la personne par l’application systématique d’un renforcement ou d’une punition, selon que la personne adopte le comportement souhaité ou non (Burdon, Roll, Prendergast et Rawson, 2001). Le renforcement offert est conditionnel à l’adoption d’un comportement particulier qui, c’est là l’intention, devrait gagner en fréquence. Parmi les systèmes de gestion des contingences, citons le système de jetons, le contrat (promesse d’exécution), le façonnement, le renforcement positif et la punition par soustraction. Le renforcement positif d’un comportement prosocial et positif (p. ex. la ponctualité, la participation, l’exécution de tâches prévues dans le cadre d’un programme) se voit rarement en milieu correctionnel (Burdon, Prendergast, Eisen et Messina, 2003). Le renforcement positif constitue une récompense offerte à une personne qui a adopté le comportement souhaité, ce qui fait que le comportement en question est de plus en plus souvent adopté par la suite. La plupart des programmes thérapeutiques tendent plutôt à prévoir des mesures disciplinaires à l’encontre des détenus qui manquent aux règles de l’établissement ou du programme.
Le « Incentives and Earned Privileges Scheme » (IEPS) est un régime d’incitatifs en milieu carcéral créé au Royaume-Uni en 1995 (Liebling, Muir, Rose et Bottoms, 1999). Il consiste d’abord et avant tout à accorder des privilèges aux détenus qui adoptent un comportement responsable en travaillant avec diligence et en participant à d’autres activités constructives (Liebling, 2008, p. 30). Théoriquement, la personne répète le comportement favorable si celui‑ci est renforcé au moyen de récompenses et évite le comportement inacceptable dans la mesure où celui‑ci donne lieu à une réaction négative (Prison Reform Trust, 1999). Le régime comporte trois catégories d’incitatifs qui dépendent du comportement du détenu, de sa volonté de coopérer, de son ardeur au travail et d’autres activités constructives. Parmi les privilèges consentis dans le cadre de l’IEPS, citons l’accès à de l’argent pour des dépenses personnelles, des visites supplémentaires, la progression des revenus, les visites communautaires, les vêtements personnels, du temps en dehors de sa cellule pour fréquenter les gens et la télévision dans la cellule. Selon une évaluation de l’IEPS réalisée par le Prison Reform Trust, le régime comporte plusieurs faiblesses. Par exemple, la plupart des détenus étaient d’accord pour dire que les principes inhérents au régime étaient justes, mais que l’application de la politique ne l’était pas toujours. Par ailleurs, il n’y a pas eu d’amélioration significative des comportements observés. On a noté une diminution en ce qui touche la perception du degré d’équité du personnel, les relations avec le personnel, le degré d’équité du régime lui‑même, l’uniformité de traitement et la progression de la personne en milieu carcéral. Cependant, le personnel a souligné qu’il se sentait davantage en confiance, moins intimidé par les détenus et mieux en mesure de communiquer avec ceux-ci et de les motiver. Une évaluation de Liebling (2008) a abouti à des constatations semblables. Il y avait eu peu d’améliorations quant au comportement des détenus ou de l’ordre régnant dans la prison, et des pertes importantes en ce qui concerne les relations entre le personnel et les détenus, la perception d’équité et la perception de justice sur le plan des procédures. Selon les responsables du Prison Reform Trust, pour améliorer la pratique en la matière, les détenus qui perdent des privilèges devraient être informés clairement de l’acte « condamnable » qu’ils ont commis et de ce qu’ils peuvent faire pour en revenir à leur statut antérieur. Il faudrait mettre en place des systèmes d’avertissements pour permettre aux détenus d’améliorer leur comportement. Enfin, les privilèges doivent avoir suffisamment de valeur pour que les détenus répondent à l’appel et soient motivés à progresser. Les incitatifs et privilèges constituent des éléments précieux d’un régime carcéral moderne, mais il faut les administrer de manière équitable et constructive, en tenant compte du détenu particulier dont il est question (Liebling, 2008).
Dans une unité de thérapie comportementale intensive (UTCI) d’un établissement à sécurité maximale pour femmes, les récompenses sont distribuées en fonction du respect d’une série d’éléments figurant sur une liste quotidienne : hygiène personnelle, nettoyage, activités sociales. Le but de l’UTCI consiste à promouvoir des comportements prosociaux et à mettre fin aux comportements à problème. L’UTCI prévoit une échelle des privilèges (appels téléphoniques, temps de loisirs, etc.) dont les détenues peuvent gravir ou descendre les marches. Une détenue doit démontrer qu’elle adopte le bon comportement depuis un certain temps déjà avant d’être réintégrée dans la population carcérale générale. Selon une étude pilote portant sur l’efficacité du programme, les détenues ont fait l’objet de moins de mesures disciplinaires dans les trois mois suivant le moment où elles ont quitté l’UTCI que durant les trois mois d’avant (Daniel, Jackson et Watkins, 2003). Par ailleurs, selon la personne responsable de la coordination et les consultants chargés du projet, le nombre de détenues qui se sont améliorées est supérieur à ce que l’on pourrait prévoir en comptant seulement sur le hasard.
Ellis (1993) parle d’une « brigade » de détenus en isolement préventif. Seuls les détenus ayant adopté un bon comportement (ceux qui, par exemple, avaient respecté les règles de la prison, affiché un comportement courtois et fait preuve d’une bonne hygiène) avaient le droit de participer au programme. Après avoir accumulé un total de trois points à raison d’un par semaine, les détenus pouvaient les échanger pour un examen en vue d’une reclassification de la part du directeur. Les détenus qui ne maintenaient pas une bonne conduite étaient chassés de la brigade. Selon les constatations établies, la participation au programme de brigade réduisait la fréquence de comportements violents chez la plupart des participants (huit sur dix).
La perspective d’une libération anticipée donnait aux détenus une meilleure perception de la thérapie médicamenteuse (Raney, Magaletta et Hubbert, 2005). L’étude dont il est question confrontait des détenus rendus au premier, au troisième ou au sixième mois d’une thérapie médicamenteuse en établissement et qui étaient admissibles (n = 71) ou pas (n = 16) à une mise en liberté anticipée à titre d’incitatif. Les détenus admissibles acceptaient de se concentrer sur un plus grand nombre de tâches et d’aptitudes à maîtriser. Ceux qui étaient admissibles à la mise en liberté anticipée présentaient un taux de satisfaction globale plus élevé et percevaient la thérapie comme étant plus utile. La possibilité de mise en liberté anticipée encourageait donc les détenus à être fidèles au traitement.
Kandel, Ayllon et Roberts (1976) ont exploré les effets de différents régimes de renforcement sur les résultats scolaires de deux détenus. Un nombre fixe de points étaient attribués pour chaque niveau de compétence maîtrisé (schéma standard), et un nombre variable de points étaient attribués selon le temps écoulé entre les examens (schéma enrichi). Le programme enrichi de renforcement a débouché sur de bons résultats chez les détenus qui avaient accumulé de nombreux échecs scolaires et n’étaient pas motivés à faire des études.
Geller, Johnson, Hamlin et Kennedy (1977) ont relevé les questions découlant de la mise en œuvre d’un programme de gestion des contingences à grande échelle dans le système correctionnel de la Virginie. Le programme en question conjuguait le recours à un système de jetons et un parcours de préparation à la vie quotidienne en quatre étapes. D’une étape à l’autre, les restrictions perdaient en importance, et les possibilités de réaction comportementale prenaient de l’ampleur pour les détenus. De même, à chaque étape, les privilèges possibles et les possibilités d’études grandissaient. Seul le détenu auquel un jeton avait été remis pouvait s’en servir; de cette façon, on évitait les comportements indésirables comme le vol et le jeu. La mise en place du programme a été marquée par quelques difficultés, dont le manque de formation et de supervision chez les intervenants et les gardiens, les fonds et la main‑d’œuvre limités, ainsi que des pressions externes liées à des considérations politiques, économiques et administratives. Par ailleurs, les gardiens ont qualifié le programme de « lavage de cerveau » et de « lobotomie », ce qui en a réduit la crédibilité et a nui à la capacité de nouer une relation fructueuse avec les détenus.
Là où le renforcement positif récompense le comportement souhaité, le renforcement négatif retire une sanction si la personne adopte le comportement souhaité. De façon générale, le renforcement positif représente le choix le plus efficace, mais il peut se heurter à une certaine résistance dans le milieu de la justice pénale, sous prétexte qu’il serait inéquitable de récompenser les personnes antisociales pour avoir fait le minimum qui est attendu de la plupart des citoyens (Marlowe, 2006, p. 131). De son côté, le renforcement négatif permet d’éviter les effets néfastes de la punition tout en étant acceptable aux yeux des intervenants (Marlowe, 2006). Autre possibilité, le renforcement positif pourrait être utilisé pour inciter les détenus à se prêter au traitement dès le départ, alors que le renforcement négatif servirait plus tard à les convaincre de tenir bon (Marlowe, 2006).
Le fait de récompenser les comportements appropriés chez les détenus peut les motiver et les encourager à participer aux activités thérapeutiques dans la mesure où elles sont bien structurées et administrées (Burdon et coll., 2003). Le fait d’appliquer les notions de renforcement comportemental pour encourager la participation au traitement permettrait d’accroître le taux de persévérance, de réduire les absences inexpliquées et d’améliorer l’adaptation aux milieux professionnel et social, tout en réduisant les comportements criminels (Burdon et coll., 2003).
Gestion des contingences et traitement de la toxicomanie et de l’alcoolisme
Les stratégies de gestion des contingences ont beaucoup servi aux traitements de la toxicomanie et de l’alcoolisme (voir l’examen exhaustif de Higgins et Silverman, 1999). La gestion des contingences pour le traitement des toxicomanes et des alcooliques s’est révélée bénéfique pour plusieurs groupes, dont les adolescents (Corby, Roll, Ledgerwood et Schuster, 2000; Kamon, Budney et Stanger, 2005), les femmes (Svikis, Lee, Haug et Stitzer, 1997) et, en particulier, les femmes enceintes (Elk, Mangus, Rhoades, Andres et Grabowski, 1998; Jones, Haug, Silverman, Stitzer et Svikis, 2001). La plupart des programmes de gestion des contingences actuellement utilisés pour traiter la toxicomanie misent sur un renforcement plutôt qu’une punition, en raison du départ probable des participants en cas de punition (Burdon et coll., 2001). Les programmes à renforcement positif tendent à se révéler plus efficaces que les programmes à renforcement négatif du point de vue de la persévérance des clients (Petry, 2000). Les incitatifs jouent sur les mêmes processus comportementaux de renforcement afin de favoriser le rétablissement que ceux qui entraînent la dépendance (Higgins, Alessi et Dantona, 2002). Par exemple, la consommation de cocaïne représente un comportement opérant qui produit des effets de renforcement positif (Higgins, 1997). En ouvrant l’accès à des éléments de renforcement autres que la drogue elle‑même, on peut donc réduire sensiblement la consommation de cocaïne. Depuis les biens et services jusqu’aux prix, en passant par les bons d’échange, divers types de renforçateurs ont été mis à l’essai et soumis à des comparaisons. Le plus souvent, la consommation de drogue ou d’alcool sert de comportement cible, même si la participation au traitement et les activités connexes sont également étudiées. Les programmes d’incitatifs ont permis à la fois de réduire le comportement mésadapté et d’accroître le comportement productif.
Corby et ses collaborateurs (2000) ont testé auprès des fumeurs adolescents les effets d’une intervention centrée sur les contingences. Les participants recevaient un paiement sans condition durant la première et la troisième semaine de l’expérience, de même qu’un paiement conditionnel au fait de ne plus fumer durant la deuxième semaine. L’intervention a permis d’accroître le nombre total de ceux qui se sont abstenus de fumer. Le fait d’accompagner le paiement conditionnel d’une rétroaction verbale serait également efficace quand il s’agit de faire baisser la consommation de drogue (Hall, Bass, Hargreaves et Loeb, 1979). Les clients externes de cliniques pour héroïnomanes soumis à l’élément conditionnel présentaient un taux sensiblement plus bas de consommation de drogues illicites et passaient de plus longues périodes sans consommer qu’un groupe témoin recevant le traitement classique. Le dépôt remboursable a déjà servi de mesure incitative à la participation aux programmes comportementaux de traitement de l’alcoolisme. Les personnes contraintes à participer à une thérapie de groupe pour avoir conduit avec les facultés affaiblies par l’alcool devaient faire un dépôt remboursable de 50 $ au départ; ces personnes ont enregistré moins d’absences non motivées et ont rempli les formulaires nécessaires mieux que celles qui n’avaient pas fait de dépôt (Ersner-Hershfield, Connors et Maisto, 1981). Cependant, aucune différence n’a été notée quant au nombre de séances auxquelles ces personnes assistaient.
Le recours aux bons a été jugé efficace pour renforcer l’abstinence de drogues, l’observance d’un traitement médicamenteux et la participation à des programmes de traitement (Silverman, Preston, Stitzer et Schuster, 1999). En règle générale, les participants recevaient des bons d’échange avec lesquels ils pouvaient se procurer des articles au détail, à condition de remettre des échantillons d’urine exempts de traces de drogues. Pendant ce temps, un groupe témoin recevait le traitement classique. Higgins et ses collaborateurs (1994) ont déterminé que les adultes cocaïnomanes admissibles au programme de bons étaient plus susceptibles de suivre le traitement jusqu’à son terme et s’abstenaient de consommer de la cocaïne pendant une période plus longue que ceux qui n’avaient droit qu’au traitement classique. Budney, Higgins, Radonovich et Novy (2000) ont comparé l’issue du traitement chez des personnes aux prises avec une accoutumance à la marijuana et recevant une thérapie de rehaussement de la motivation, une thérapie de rehaussement de la motivation accompagnée d’une thérapie comportementale axée sur les habiletés d’adaptation, ou bien les deux thérapies accompagnées, en plus, de bons fournis à titre incitatif. Le fait d’ajouter des bons à titre incitatif permettait d’obtenir les meilleurs résultats. Plusieurs études ont permis de confirmer l’efficacité du renforcement fondé sur les bons (Downey, Helmus et Schuster, 2000; Higgins et coll., 2002; Iguchi, Belding, Morral, Lamb et Husband, 1997; Jones et coll., 2001; Kirby, Marlowe, Festinger, Lamb et Platt, 1998).
Comme la méthode des bons tient compte des préférences individuelles, elle est prometteuse pour certains groupes de toxicomanes, notamment les femmes enceintes, les femmes ayant vécu récemment une dépression post‑partum, les adolescents et les personnes ayant un trouble mental grave (Higgins et coll., 2002). Pour avoir du succès, un plan de gestion des contingences pour consommateurs de drogues illicites doit faire appel à une équipe multidisciplinaire qui se chargera de la surveillance de la personne, mettra au point des politiques et croira à la méthode (Calsyn et Saxon, 1987). Dans la mesure où il est bien conçu et bien mis en œuvre, un programme de bons améliore le respect des règles établies et réduit les récidives (Burdon et coll., 2001). Un système de gestion des contingences peut en arriver, en ce sens, à s’autofinancer, mais ce ne sont pas forcément les bailleurs de fonds qui réaliseront les économies. Par ailleurs, ce ne sont pas tous les intervenants du milieu correctionnel qui jugeront acceptable le recours aux bons. Aux yeux du grand public, qui croit que les criminels doivent être punis, le recours aux bons peut être considéré comme une façon de payer les criminels pour qu’ils se conduisent bien (Burdon et coll., 2001). Enfin, il peut être difficile d’intégrer un protocole de gestion des contingences à une pratique correctionnelle existante.
Le renforcement à l’aide de bons employé pour traiter la toxicomanie et l’alcoolisme, d’usage courant, a souvent été évalué. Il existe tout de même d’autres options qui permettent d’en arriver plus ou moins au comportement souhaité. Silverman et ses collaborateurs (2002) ont voulu savoir en quoi le fait d’offrir un « milieu de travail thérapeutique » (dans le cas d’un emploi ou d’une formation) pouvait se révéler utile pour traiter les jeunes mères héroïnomanes ou cocaïnomanes sans emploi qui résistent au traitement. Les participantes devaient remettre des échantillons d’urine négatifs avant d’obtenir la permission d’être payée pour travailler ou d’assister à une formation. Sur trois ans, les participantes au programme en question ont continuellement renforcé leur abstinence de cocaïne et d’opiacés, par rapport à un groupe témoin ayant droit au traitement classique. Miller (1975) s’est penché sur un programme d’intervention comportementale pour délinquants reconnus coupables d’ivresse publique à maintes reprises. Le système positif de gestion des contingences en question consistait à fournir des biens et des services dont le participant avait besoin (p. ex. logement, emploi, soins médicaux, vêtements, repas, cigarettes et counseling) à condition qu’il demeure sobre. Les participants au programme ont réduit sensiblement leur nombre d’arrestations pour ivresse publique et leur consommation d’alcool, et augmenté aussi le nombre d’heures qu’ils travaillaient. Ces changements n’ont pas été observés chez les membres d’un groupe témoin qui recevaient les services sans condition.
Certains chercheurs se sont intéressés au privilège d’emporter la méthadone à la maison des patients suivant un traitement d’entretien. Stitzer, Iguchi et Felter (1992) ont comparé l’issue du traitement chez les patients recevant de la méthadone à emporter à la maison soit de façon conditionnelle, c’est‑à‑dire sous réserve qu’ils présentent des échantillons d’urine négatifs durant deux semaines, soit sans condition. Les participants au premier groupe étaient plus susceptibles de demeurer abstèmes pendant quatre semaines (à raison de 32 % contre 8 %). Après la période d’essai initiale, 28 % des participants qui avaient eu droit au privilège sans condition en sont arrivés à l’abstinence une fois la condition appliquée. Glosser (1983) a découvert que les patients suivant un traitement à la méthadone qui avait reçu des points pour avoir présenté des échantillons d’urine négatifs — points qu’ils pouvaient utiliser pour obtenir de la méthadone — consommaient moins de drogue illicite après six mois que les patients ayant eu droit au traitement classique. La possibilité d’apporter la méthadone à la maison est utile, mais elle ne suffit peut‑être pas à empêcher certains patients de consommer quand même (Magura, Casriel, Goldsmith, Strug et Lipton, 1998). Silverman, Robles, Mudric, Bigelow et Stitzer (2004) ont réalisé une étude semblable auprès de patients suivant un traitement d’entretien à la méthadone, mais en formant un troisième groupe dont les patients recevaient des doses de méthadone à apporter à la maison et, en plus, jusqu’à 5 800 $ en bons. Les deux groupes profitant des mesures de renforcement de l’abstinence se sont davantage abstenus de consommer de la cocaïne, mais c’est l’ajout des bons comme incitatif qui a produit l’effet le plus important et le plus durable du point de vue de l’abstinence.
L’application et la gestion des programmes de gestion des contingences utilisés pour traiter la toxicomanie et l’alcoolisme ont tendance à coûter très cher (Higgins et coll., 2002). Récemment, on a mis au point des techniques pour offrir le renforcement conditionnel en question à moindre coût. La méthode du chapeau renvoie à un programme à renforcement intermittent où les participants ont droit à un renforcement (ils pigent un bon dans un chapeau) pour s’être pliés au traitement ou pour avoir présenté des échantillons d’urine négatifs (Marlowe, 2006). Petry et Martin (2002) ont cherché à évaluer auprès de patients suivant un traitement à la méthadone l’efficacité d’une méthode de renforcement misant sur des prix. Ils ont observé une abstinence relativement plus longue de cocaïne et d’opiacés chez 23 patients ayant tiré un bon au sort (les prix variaient entre 1 $ et 100 $) pour avoir présenté des échantillons d’urine négatifs que chez les 19 patients ayant reçu un traitement classique sans bénéficier d’un programme de gestion des contingences. Les effets ont persisté pendant la période de suivi de six mois. Des résultats semblables ont été constatés chez des anciens combattants alcooliques qui avaient eu droit à des prix à condition de subir avec succès l’épreuve de l’alcootest (Petry, Martin, Cooney et Kranzler, 2000). D’un côté, 85 % des participants au programme de gestion des contingences ont suivi le traitement pendant huit semaines, alors que seulement 22 % des participants ayant droit au traitement classique ont persisté. Soixante‑neuf pour cent des participants au programme de gestion des contingences sont demeurés sobres jusqu’au terme du traitement, alors que 62 % des autres participants ont consommé de l’alcool. Petry, Alessi, Marx, Austin et Tardif (2005) ont comparé des interventions conditionnelles faisant appel à des bons ou à des prix comme mesure incitative à l’intention de toxicomanes en milieu communautaire. Les participants aux deux programmes de gestion des contingences se sont prêtés au traitement plus longtemps et sont demeurés abstèmes plus longtemps que les patients recevant le traitement classique. Fait important, il n’y avait pas de différence notable entre les bons et les prix.
Dans la grande majorité des études portant sur les programmes de gestion des contingences pour le traitement de la toxicomanie et de l’alcoolisme, l’abstinence constitue le comportement recherché. Iguchi et ses collaborateurs (1996) ont effectué une comparaison visant à évaluer le renforcement de deux types distincts de comportements dans le cadre d’un programme d’entretien à la méthadone. Les participants qui s’abstenaient de consommer de la drogue ou qui acceptaient d’assister à une formation sur la résolution de problèmes interpersonnels pouvaient apporter de la méthadone à la maison. Les participants dont l’abstinence a été ainsi renforcée présentaient un taux d’abstinence plus élevé, ce qui donne à penser que les programmes de gestion des contingences devraient cibler des habitudes de consommation en particulier. Petry et ses collaborateurs (2006) ont également déterminé que le renforcement de l’abstinence débouchait sur de meilleurs résultats que le renforcement des activités liées à un but donné, bien qu’il n’y avait pas de différence d’un groupe à l’autre pour l’abstinence constatée après six et neuf mois. Les deux groupes de patients participant au programme de gestion des contingences ont suivi le traitement plus longtemps et ont profité davantage du traitement que les membres d’un groupe témoin ayant eu droit au traitement classique. À l’inverse, Iguchi et ses collaborateurs (1997) ont déterminé que le fait de renforcer des comportements autres que l’abstinence elle‑même constituait une méthode efficace pour réduire la consommation de substances interdites. Le fait de remettre des bons de renforcement pour encourager les participants à exécuter des tâches liées au plan de traitement a donné lieu à une abstinence plus élevée que la prise d’échantillons d’urine visant à détecter la consommation de drogues illicites. Selon Petry (2000), le renforcement visant à encourager le participant à mener sa démarche à terme peut déboucher sur une réduction de la consommation de drogues, une amélioration de l’alliance thérapeutique et une amélioration du fonctionnement psychosocial. Un renforcement qui encourage la présence des participants peut servir également à améliorer la participation au traitement.
Les programmes de gestion des contingences utilisés pour traiter la toxicomanie et l’alcoolisme sont utiles pour réduire les comportements mésadaptés et encourager les comportements productifs. Pour la plus grande part, il est évident que ce sont des interventions utiles pour réduire la consommation de drogues (Budney et coll., 2000; Downey et coll., 2000; Glosser, 1983; Griffith, Rowan-Szal, Roark et Simpson, 2000; Hall et coll., 1979; Higgins et coll., 1994; Iguchi et coll., 1996; Iguchi et coll., 1997; Jones et coll., 2001; Kirby et coll., 1998; Liebson, Tommasello et Bigelow, 1978; Milby, Garrett, English, Fritschi et Clark, 1978; Petry et Martin, 2002; Silverman et coll., 2002; Stitzer et coll., 1992) de même que la consommation d’alcool (Miller, 1975; Petry et coll., 2000). Dans le passé, on a déterminé que les stratégies de gestion des contingences servaient à réduire le taux d’arrestation (Liebson, 1978; Miller, 1975). Enfin, les stratégies en question permettaient d’améliorer l’emploi (Liebson, 1978; Miller, 1975), de même que la participation au traitement (Elk et coll., 1998; Ersner-Herschfield et coll., 1981) et l’achèvement de ce dernier (Higgins et coll., 1994).
Kidorf et Stitzer (1999) donnent à entendre que les renforçateurs sont plus efficaces lorsqu’ils sont modifiés (en quantité ou en fréquence), lorsqu’ils sont administrés à répétition et lorsqu’ils sont utilisés tôt après la manifestation du comportement recherché. Plus la récompense est sûre et remise rapidement, plus l’effet sur le comportement est grand (Marlowe, 2006). On peut modifier les incitatifs employés, par exemple les bons, qui sont objectifs et quantitatifs, pour essayer d’en optimiser l’efficience et l’efficacité (Silverman et coll., 1999). Il faut surveiller régulièrement le comportement recherché, afin de le renforcer fréquemment et systématiquement (Petry, 2000). Selon Iguchi et ses collaborateurs (1997), le renforcement des activités comportementales conçues en fonction d’objectifs à long terme a pour effet d’accroître les comportements incompatibles avec la consommation de drogue. Cette méthode de façonnement permet aux participants de s’approcher des comportements recherchés en s’en tenant à des étapes modestes, plus faciles à atteindre. De même, Petry (2000) recommande le renforcement de la progression vers l’abstinence, le renforcement des autres comportements qui facilitent l’abstinence et le recours à des incitatifs ayant suffisamment de valeur pour compenser le renforcement que procure la consommation des substances illicites.
Preston, Umbricht, Wong et Epstein (2001) ont comparé une contingence de façonnement à une contingence classique chez des cocaïnomanes se prêtant à un traitement d’entretien à la méthadone. Le groupe étudié recevait des bons à condition de présenter des échantillons d’urine où on pouvait détecter une diminution de 25 % des métabolites de la cocaïne, alors que le groupe témoin recevait des bons pour tout échantillon d’urine sans trace de cocaïne. Le fait de récompenser les patients qui s’approchent chaque fois du comportement recherché semble les préparer mieux à devenir abstèmes, comme en témoigne la consommation moindre de cocaïne dans le groupe ayant fait l’objet de la méthode de façonnement. Lorsque la réaction recherchée devenait l’abstinence dans les deux groupes, les participants ayant été soumis auparavant à la méthode du façonnement ont présenté un taux d’abstinence plus élevé que les participants qui avaient toujours dû se montrer abstèmes. Il est donc possible de maintenir au moyen d’un schéma non progressif un comportement recherché obtenu grâce à des renforçateurs à valeur progressive.
Kirby et ses collaborateurs (1998) ont cherché à voir si le schéma de renforcement avait un effet sur le déclenchement de l’abstinence chez les adultes cocaïnomanes bénéficiant d’un counseling comportemental. Les participants recevaient 1) des bons de valeur élevée au début, les exigences prévues pour recevoir les bons étant plus rigoureuses; 2) des bons de faible valeur au début, la valeur des bons augmentant au fil du traitement; ou 3) un traitement sans aucun bon. Le groupe recevant les bons de grande valeur s’est abstenu de consommer de la cocaïne pendant une période nettement plus importante que le groupe recevant les bons de faible valeur, alors que ce dernier ne se distinguait en rien du groupe ne recevant aucun bon. Roll et Higgins (2000) ont comparé trois schémas de renforcement visant à promouvoir et à soutenir l’abstinence à court terme chez les toxicomanes : 1) un renforcement de valeur fixe; 2) un renforcement d’une valeur augmentant progressivement avec une condition de retour à la case départ en cas de consommation de drogue; et 3) un renforcement d’une valeur augmentant progressivement sans retour à la case départ. L’augmentation progressive de la valeur du renforcement accompagnée d’un schéma prévoyant un retour à la case départ au besoin s’est révélée plus efficace que les deux autres schémas pour soutenir une période initiale d’abstinence chez 18 fumeurs de cigarettes.
Une méta-analyse d’interventions centrées sur les contingences dont le résultat mesuré était la consommation de drogue a donné une taille d’effet globale de 0,25 pour 30 études (Griffith et coll., 2000). L’efficacité de l’intervention variait selon les conditions appliquées. Accroître la dose de méthadone et accorder davantage le privilège d’apporter la méthadone à la maison constituaient les renforçateurs les plus efficaces, plus que les bons ou l’argent. Le renforcement immédiat et le renforcement variable (c.‑à‑d. à la fois immédiat et retardé) se sont révélés plus efficaces que les seules récompenses retardées. Les études où le changement comportemental touchait une seule drogue, et non plusieurs, donnaient des tailles d’effet plus importantes. Enfin, la fréquence de contrôle du comportement recherché avait également son importance : les analyses d’urine plus fréquentes se sont révélées plus efficaces que les analyses moins fréquentes.
Chutuape, Silverman et Stitzer (1998) ont voulu savoir quel type d’incitatif obtient la faveur des patients suivant un traitement d’entretien à la méthadone. Pour les 111 patients constituant l’échantillon, la possibilité d’apporter le médicament à la maison venait en premier, suivie de l’accroissement de la dose et du counseling. Des différences importantes sont apparues dans le classement des préférences exprimées pour 18 autres services (allocations de coût de la vie, soins médicaux, formation professionnelle, etc.) Cela montre pourquoi il est important que les plans de gestion des contingences soient conçus en fonction des besoins individuels. Svikis et ses collaborateurs (1997) ont déterminé que les patients recevant des incitatifs plus importants (5 $ et 10 $) accumulaient davantage de jours de traitement que ceux qui recevaient 1 $ par jour ou qui ne recevaient rien. Ce résultat ne valait que pour les patients qui ne suivaient pas un traitement à la méthadone (il n’y avait pas d’effet sur les patients prenant la méthadone).
Gestion des contingences et personnes souffrant de troubles mentaux ou dont les capacités mentales sont limitées
La mise en place de stratégies de gestion des contingences à l’intention des personnes souffrant d’un trouble mental ou ayant des capacités mentales autrement limitées remonte aux années 1970. Par exemple, on remettait des sachets de café aux personnes qui acceptaient de mieux s’occuper de leur hygiène personnelle, on proposait de la musique et des jeux pour réduire les infractions disciplinaires et on accordait des appels téléphoniques aux sujets qui acceptaient de ne pas harceler les intervenants (Seegert, 2003). Pour réaliser une étude sur le renforcement au moyen d’un système de jetons, Kazdin et Polster (1973) ont fait appel à deux hommes adultes souffrant d’un retard mental. Le but consistait à accroître l’interaction sociale des deux hommes. L’élimination de la contingence a débouché sur une diminution très marquée de l’interaction sociale des deux participants, preuve de l’effet du renforcement obtenu grâce aux jetons. Pour examiner les effets du schéma de renforcement, après une période durant laquelle le renforcement a été fait de façon continue auprès du participant A et de façon intermittente auprès du participant B, on a cessé de donner des jetons. Le participant B a continué à interagir socialement, mais pas le participant A.
Bellus, Vergo, Kost, Stewart et Barkstrom (1999) ont examiné la combinaison système de jetons et programmes de réadaptation appliquée à des patients psychiatriques en milieu hospitalier. Un renforcement systématique était prévu pour encourager les comportements adaptés, tandis que des amendes payées à l’aide de jetons servaient à pénaliser les comportements mésadaptés. Un groupe de psychiatrisés chroniques souffrant de déficits cognitifs ont affiché des comportements agressifs, notamment de l’automutilation, dans une proportion moindre qu’un groupe semblable n’ayant pas participé au système de jetons. Les auteurs en ont conclu que le système de jetons est efficace pour encadrer le groupe et réduire les comportements agressifs. Longo et Bisconer (2003) ont également observé une diminution des actes d’agression après l’application d’un plan comportemental à un adulte schizophrène de sexe masculin dans un hôpital psychiatrique. Le plan comportemental avait été conçu pour permettre au client d’avoir des interactions sociales positives et d’assister à une formation en compétences sociales, de même que pour renforcer ses comportements prosociaux.
L’efficacité des programmes de gestion des contingences pour traiter la toxicomanie et l’alcoolisme a aussi été démontrée chez les patients ayant des problèmes psychiatriques. Dans une étude de Sigmon, Steingard, Badger, Anthony et Higgins (2000), 18 adultes souffrant d’une maladie mentale grave (p. ex. la schizophrénie) ont reçu des incitatifs financiers ayant pour but de les motiver à s’abstenir de consommer de la marijuana. La consommation de marijuana était moins importante chez ceux qui pouvaient profiter des incitatifs financiers à condition de présenter un échantillon d’urine négatif. De même, on a déterminé que les incitatifs financiers favorisaient l’abstinence chez les fumeurs de cigarettes adultes atteints de schizophrénie (Roll, Higgins, Steingard et McGinley, 1998).
Les différences individuelles de sensibilité aux incitatifs
Dans un établissement correctionnel, certains détenus peuvent être plus sensibles au renforcement que d’autres; par conséquent, ils seraient plus susceptibles d’adopter le comportement recherché. Par exemple, Leue, Brocke et Hoyer (2008) ont démontré que les délinquants sexuels présentent une plus grande sensibilité aux récompenses continues que les hommes non délinquants. Les auteurs de l’étude ont également observé des différences de sensibilité au renforcement entre les sous‑groupes de délinquants sexuels, les paraphiles et les personnes souffrant de troubles du contrôle des impulsions affichant la plus grande sensibilité aux récompenses continues. Les psychopathes sont relativement plus sensibles à la récompense, eux aussi; ils ont tendance à se concentrer sur la perspective de la récompense là où les incitatifs sont variables (là où il y a la possibilité d’une punition et d’une récompense à la fois; Scerbo et coll., 1990). Selon Newman, Patterson, Howland et Nichols (1990), face aux activités supposant une récompense et une punition financière à la fois, par opposition à une seule sanction financière, les psychopathes affichaient un déficit d’évitement passif. Newman, Kosson et Patterson (1992) ont mesuré le délai de gratification en tant que mode d’autocontrôle chez les délinquants psychopathes et non psychopathes. Les psychopathes peu anxieux étaient relativement réfractaires à l’idée de retarder la gratification lorsque l’omission d’une récompense supposait aussi une sanction financière, ce qui donne à penser que l’autocontrôle inhibiteur est quelque peu déficient chez eux si les conditions comportent à la fois des récompenses et des punitions. Cependant, les psychopathes peu anxieux affichaient un rendement supérieur là où l’activité supposait uniquement une récompense.
L’évaluation faite des régimes d’incitatifs et de privilèges dits mérités en Angleterre et dans le pays de Galles a fait voir des différences entre détenus (Liebling, 2008). En particulier, les détenus vulnérables (quant au risque de suicide), obéissants, plus vieux et mieux instruits réagissent moins bien à l’approche en question. Les détenus présentant un risque élevé de suicide faisaient état de la plus importante baisse du taux de satisfaction à l’égard du personnel, du régime et de l’équité en matière de procédure à la suite de la mise en place de l’approche. Enfin, là où les privilèges accordés étaient moindres, le degré d’équité perçu l’était aussi.
Une analyse du délai de réaction fait voir aussi des différences individuelles de sensibilité au renforcement. La réduction effectuée en fonction du délai de réaction, c’est le fait de diminuer la valeur d’une récompense retardée en fonction de l’intervalle. Petry et Casarella (1999) ont examiné les taux de récompense chez les toxicomanes ayant des problèmes de jeu ou pas, par comparaison à un groupe témoin. Les toxicomanes présentaient des taux de récompense immédiate plus importants (choisissant une récompense de valeur relativement faible, plutôt que d’attendre une récompense de valeur plus importante) que les membres du groupe témoin, alors que les toxicomanes ayant des problèmes de jeu présentaient des taux extrêmement élevés. Les études en question se rapportent à des types de délinquants particuliers, mais elles démontrent néanmoins qu’il existe des différences de sensibilité aux récompenses et aux punitions d’une personne à l’autre.
Certaines personnes sont particulièrement sensibles au renforcement, mais les méthodes de renforcement faisant appel à des bons ne sont pas utiles pour susciter un changement chez n’importe qui (Silverman et coll., 1999). Certains délinquants peuvent résister à un programme de gestion des contingences et, de ce fait, ils adoptent peu le comportement recherché. Durant un an, Kidorf, Stitzer et Brooner (1994) ont examiné les différences entre les patients suivant un traitement d’entretien à la méthadone qui ne consommaient plus et ceux qui ne satisfaisaient pas aux critères nécessaires pour apporter le médicament à la maison. Les patients qui avaient obtenu le privilège d’apporter leur médicament à la maison avaient plus souvent du travail, étaient moins susceptibles de cohabiter avec une personne consommant des drogues illicites et avaient une moins grande consommation initiale de cocaïne et d’héroïne. On peut cerner les personnes qui réussiront grâce à un programme d’incitatifs, car il existe des caractéristiques qui différencient les personnes qui réagissent bien aux incitatifs de celles qui ne le font pas.
Pour appliquer un programme de gestion des contingences, il faut conclure un contrat comportemental (Petry, 2000). Le contrat en question devrait définir les comportements particuliers à surveiller, prévoir un régime de surveillance et énoncer les contingences qui seront imposées. Les comportements à renforcer doivent faire l’objet d’une quantification objective, et le contrat doit être clair, net et précis. Selon Calsyn et Saxon (1987), il devrait encourager le patient d’une manière non punitive et empathique, pour qu’il se prête bien au traitement.
Rôle de la date de publication
Entre les années 1970 et notre époque, les stratégies de gestion des contingences et les recherches faites à leur sujet ont évolué. Les types d’incitatifs offerts ont changé – les incitatifs financiers étant délaissés au profit de bons, particulièrement dans le traitement de la toxicomanie et de l’alcoolisme, où on se préoccupe de ce que les participants prennent l’argent donné pour acheter des substances illicites. De même, quelques tentatives ont été faites pour mettre au point des programmes d’incitatifs économiques, par exemple la méthode du chapeau et autres types de prix. Ce sont des façons de procéder qui pourraient très bien se révéler utiles pour réduire la consommation et l’abus de substances illicites (Marlowe, 2006; Petry et Martin, 2002; Petry et coll., 2000; Petry et coll., 2005).
Ces dernières années, les échantillons constitués par les chercheurs incluent désormais les adolescents (voir p. ex. Corby et coll., 2000; Kamon et coll., 2005) et les femmes (voir p. ex. Daniel et coll., 2003; Elk et coll., 1998; Jones et coll., 2001; Svikis et coll., 1997). Les programmes de gestion des contingences sont de plus en plus étudiés chez les personnes souffrant d’un trouble mental (voir p. ex. Bellus et coll., 1999; Sigmon et coll., 2000). Durant les années 1970, la recherche prenait souvent la forme d’études de cas (voir p. ex. Kandel et coll., 1976; Kazdin et Polster, 1973), alors qu’aujourd’hui, ce sont les études expérimentales et quasi expérimentales qui l’emportent.
Conclusion
La violation des règles, les inconduites et les actes de violence en milieu carcéral nous poussent à intervenir pour contrôler et modifier les comportements. Diverses stratégies ont été proposées ou mises en application, par exemple les prisons « sans superflu », les programmes de traitement et les traitements pharmacologiques. Les programmes de gestion des contingences ont aussi eu le droit à plus ou moins d’attention de la part des chercheurs depuis 30 ans. Le Royaume-Uni, en particulier, s’est appliqué à concevoir des régimes d’incitatifs dans ses établissements correctionnels. Il est évident que les pratiques et politiques associées au Incentives and Earned Privileges Scheme comportent maints problèmes et faiblesses. On peut quand même tirer des leçons utiles de l’expérience du Royaume-Uni et des autres programmes de gestion des contingences appliqués dans les prisons. Le document de Liebling (2008) renvoie peut‑être au travail le plus ambitieux et le plus pertinent qui puisse se trouver dans la littérature : la chercheuse y brosse un tableau de la situation qui nous permet d’apprécier la raison d’être et les difficultés de mise en œuvre d’un modèle d’incitatifs normalisé en milieu correctionnel. Qui plus est, on a démontré la promesse des incitatifs individuels et systémiques en dehors du milieu correctionnel, notamment pour traiter la toxicomanie, l’alcoolisme et les problèmes de santé mentale.
Clairement, la mise au point de stratégies de gestion du comportement se révèle complexe, dans la mesure où seule une minorité de délinquants commet des actes constituant une infraction grave et que l’application de stratégies disciplinaires universelles pose souvent des problèmes d’équité. Globalement, l’efficacité des régimes d’incitatifs conçus pour agir sur le comportement des délinquants est considérée comme plus ou moins sûre. De plus en plus, comme c’est le cas pour les programmes de traitement des délinquants, nous nous entendons sur ce qu’il faut éviter de faire, mais beaucoup moins sur la voie qu’il nous faut maintenant suivre.
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Mesures incitatives et stratégies de gestion du comportement à l’intention des délinquants
Part II (Consultation)
Ralph C. Serin et Laura J. Hanby
Université Carleton
Travail à contrat réalisé pour la Direction de la recherche
Le 31 mars 2009
du Service correctionnel du Canada
Communication sur la gestion des délinquants
Partie II
Contexte
La partie I consiste en une recension de la documentation accompagnée de quelques remarques sommaires sur les limites d’un modèle de gestion des délinquants qui privilégie l’objectif classique de réduire le nombre de cas d’inconduite en établissement. Comme la recension le faisait voir, les cas d’inconduite du genre sont relativement peu fréquents, la plupart étant le fait d’un faible nombre de délinquants. Qui plus est, comme l’engagement du détenu et sa progression face au plan correctionnel constituent un but récent au SCC, il apparaît que la documentation sur l’époque antérieure ne présenterait qu’un intérêt accessoire. Les documents sur l’abandon des programmes ont peut‑être une plus grande pertinence; or, les bases de données du SCC renferment deux études récentes qui sont à propos (Nunes et Cortoni, 2006; Nunes, Cortoni et Serin, sous presse). La communication la plus récente décrit la mise au point et la validation d’un outil de dépistage du risque d’abandon et vaut d’être expliqué plus à fond, car elle prend en considération des facteurs à la fois statiques et dynamiques. À l’aide d’un vaste échantillon de délinquants, les auteurs ont démontré un lien entre, d’une part, les résultats obtenus à l’échelle d’ISR‑R1 (risque élevé), l’âge (délinquant relativement âgé), la volonté de se prêter à l’intervention (relativement faible), la situation conjugale/familiale (difficultés considérables) et l’attitude (difficultés considérables), et, d’autre part, le risque accru d’abandon. Les scores élevés représentent un risque d’abandon élevé se situant entre 0 %, à son point le plus bas, et 83 %, à son pic, moyennant un taux de base de 11,3 % pour l’ensemble de l’échantillon, composé de 2 617 délinquants. Voilà qui donne à entendre que l’évaluation initiale des délinquants représente peut‑être un ensemble de données viable pour qui souhaite créer un indice de participation aux programmes qui serait utile aux fins de la gestion des délinquants. Le procédé n’est pas dynamique à l’excès; ce n’est peut‑être donc pas la méthode de choix pour mesurer l’évolution de l’état de préparation au traitement, mais il se peut quand même que ce soit un outil de dépistage raisonnable.
D’autres recherches sur le rendement et l’achèvement des programmes donnent à entendre que le style interpersonnel et les compétences du personnel influent sur les résultats (Dowden et Andrews, 2004). Selon des recherches plus récentes, un défi unique marque le travail correctionnel quant à la nécessité d’assumer une fonction double (Skeem et Manchak, sous presse), et comment le fait de trouver le juste milieu entre une approche trop autoritaire et une approche trop axée sur la réadaptation (voir le modèle hybride; Klockar, 1975) est ce qui produit les meilleurs résultats. Il s’agit d’une variation sur le thème du « ferme mais équitable » dont Andrews et ses collègues se sont faits les défenseurs, et qui est souligné par Liebling (2008) dans sa récente critique des régimes d’incitatifs pour délinquants. Étant donné la proportion qu’ils représentent au sein de l’effectif (40 % de l’effectif global du SCC) et le rôle qu’ils sont appelés à jouer en milieu carcéral, les membres du personnel correctionnel sont ceux qui ont le plus de contacts avec les délinquants. Comme ils incarnent ainsi les principaux agents de changement d’un projet de système de gestion des délinquants, les recherches sur ce point sont particulièrement pertinentes. Selon une enquête du SCC, qui date un peu, le personnel correctionnel n’adhère pas universellement aux principes de la réinsertion sociale (Larivière et Robinson, 1996). À mon avis, même en tenant compte d’améliorations importantes en fait de recrutement, de sélection et de formation, pour que les agents de correction deviennent des agents efficaces de changement en tant que groupe, la perception du rôle qu’ils jouent dans le milieu correctionnel devra faire l’objet d’une transformation importante. Qui plus est, à voir la situation des organismes correctionnels provinciaux et fédéraux, on constate que ce sera là un défi majeur à relever. En outre – et voici une observation qui, espérons‑le, se révélera utile –, si on se fie à la formation récente, le personnel de gestion de cas n’applique pas l’échelle d’évaluation des risques SIR-R1 de façon tout à fait fiable, ce qui est pourtant une tâche simple en comparaison avec ce que suppose le régime d’incitatifs proposé. Il serait donc important de discuter de l’état de préparation de l’organisation avec les principaux responsables de la garde des délinquants.
Gendreau (2003) propose une description extrêmement détaillée des systèmes de gestion du comportement et de leur application au milieu correctionnel. Je ne saurais rendre ici toute l’ampleur de son travail ni la profondeur de sa pensée, mais il conclut que, s’il est mis en place correctement, un système de gestion du comportement débouchera sur un changement prévisible du comportement des délinquants. L’exposé sur les renforçateurs positifs (les incitatifs) ressort de son examen de la question. À défaut d’une connaissance empirique ou même qualitative de ce qui peut motiver différents délinquants, il devient difficile d’appliquer une stratégie de gestion des délinquants à l’aide d’incitatifs différentiels, particulièrement là où il est question d’engagement face au plan correctionnel. Une recension de la documentation sur la question a permis de repérer une publication revue par un comité de lecture, une publication non scientifique et un manuscrit inédit. De même, s’il est possible de tirer certaines informations de l’enquête du SCC auprès des détenus, il faut dire qu’il s’agit là de descriptions qui datent et qui ne s’appliquent donc plus à la population carcérale actuelle. Qui plus est, les renforçateurs ou incitatifs peuvent avoir un sens pour une personne donnée, mais pas pour une autre. Par exemple, accroître la fréquence des visites peut constituer un incitatif, mais cela ne voudra rien dire pour le détenu qui ne reçoit jamais de visite. D’où le fait qu’il serait utile de disposer d’une gamme d’incitatifs de valeur égale parmi lesquels les délinquants peuvent choisir, ce qui serait toutefois difficile à mettre en œuvre.
Consultation
Pour situer dans leur contexte la présente recension et le projet de régime d’incitatifs visant à gérer le comportement des délinquants au SCC, nous avons communiqué avec des chercheurs universitaires et gouvernementaux aux États‑Unis, au Canada et en Nouvelle‑Zélande. Le point de vue du Royaume-Uni semble bien exprimé dans la communication de Liebling (2008). Les efforts que nous avons déployés pour obtenir une rétroaction de l’Australie sont demeurés vains.
Le travail et les politiques diffèrent dans toutes les administrations mentionnées. Au Bureau of Prisons, les autorités déduisent deux années de la peine des délinquants condamnés pour une infraction liée aux drogues s’ils terminent un programme. Le gouvernement de la Nouvelle‑Zélande se penche actuellement sur un document de travail interne relatif à la gestion du comportement des délinquants incarcérés dans la version qu’ils ont là‑bas d’une unité spéciale de détention. Fait intéressant, les tribunaux ont qualifié une tentative antérieure faite là‑bas de punitive et accordé un dédommagement financier aux délinquants, dont on a dit qu’ils avaient été soumis à une peine cruelle et inhabituelle dans le cadre du régime de gestion du comportement en question. Une tentative semblable d’adopter un régime d’incitatifs progressifs dans les centres de surveillance étroite du Royaume-Uni s’est heurtée à une difficulté : les prisonniers ne jugeaient pas intéressants les privilèges offerts et, de ce fait, le régime n’a pas débouché sur les améliorations attendues (Clare et Bottomly, 2005). Fait important, le document de travail de la Nouvelle‑Zélande recommande qu’un comité d’examen ait pour tâche de décider des admissions et sorties dans l’unité de gestion et de déterminer le niveau particulier d’un délinquant aux fins du régime d’incitatifs de l’unité. Ce comité d’examen compte un psychologue.
Selon le régime d’incitatifs proposé en Nouvelle‑Zélande, le détenu doit purger sa peine sans incident pour pouvoir passer d’un niveau à l’autre. Les niveaux sont variables en ce qui concerne les heures de liberté en dehors de la cellule, la nature des contraintes imposées au détenu qui se déplace à l’intérieur de la prison, les zones accessibles à l’intérieur de la prison, la nature de l’interaction avec les autres délinquants (et le nombre de délinquants qui peuvent se réunir), les biens que les détenus peuvent conserver dans leur cellule, le nombre de visites permises au‑delà des exigences légales, les appels téléphoniques, les achats à la cantine, les heures où il peut fumer et la possibilité de travailler à l’entretien ménager de l’unité.
Nous avons également consulté des hauts dirigeants du SCC. Nous nous sommes d’abord entretenus avec plusieurs membres de l’Équipe de transformation. La réunion a permis de voir les efforts déployés par le groupe de travail jusqu’à maintenant pour dresser une liste d’incitatifs possibles (semblables à ceux qui sont actuellement à l’étude en Nouvelle‑Zélande). De même, il est ressorti de la discussion que, selon les responsables de la sécurité au groupe de travail, les agents de correction devraient disposer d’une plus grande autonomie là où il est question d’interventions immédiates auprès des délinquants (pour appliquer un incitatif ou le retirer). Si on se fie à l’expérience vécue ailleurs, on voit que le modèle pourrait vite devenir arbitraire. Une stratégie possible consisterait à fixer des limites au type de sanctions applicables en temps réel, en comparaison aux décisions d’un comité d’examen, c’est‑à‑dire, essentiellement, créer un modèle à deux volets. Par la suite, les participants à la discussion ont manifesté un certain intérêt pour l’idée d’établir deux groupes — selon que le détenu est réellement « engagé » ou non face à son plan correctionnel. Il en sera question plus loin.
Les hauts dirigeants des Programmes de réinsertion sociale appuient vivement l’idée de mettre l’accent sur l’engagement du délinquant à ce chapitre. Comme les programmes font l’objet d’une réorientation au SCC, on a fait remarquer qu’il sera important de déterminer si l’éducation et l’emploi ont droit à un « statut » équivalent de programme de base. De même, on a mentionné que les agents des programmes correctionnels, les agents de correction et les agents des programmes sociaux devraient idéalement employer une matrice semblable pour évaluer le degré d’engagement du détenu. Les participants ont discuté quelque peu des dimensions possibles pouvant servir à l’évaluation du degré d’engagement. Voir les exemples à cet égard à l’annexe A. Ils ont traité notamment de la question des avis de rendement (Gendreau évoque ce modèle de système de jetons dans sa communication) et de la façon dont on pourrait les mettre en œuvre pour l’examen régulier du niveau d’incitatifs accordés au délinquant. On a admis qu’il faudrait organiser des discussions de groupe pour mieux cerner les incitatifs qui seraient utiles. De même, on a cherché quelque peu à savoir si les incitatifs devraient varier par type selon le niveau de sécurité (l’accès au téléviseur par opposition à l’ordinateur, par exemple) et non pas seulement par degré (le nombre de biens autorisés dans une cellule, par exemple). Enfin, les hauts dirigeants des Programmes de réinsertion sociale se sont demandé s’il serait possible de créer un indice de responsabilisation. Variables possibles à ce titre : avoir terminé un programme correctionnel (la plus importante), la conduite à l’intérieur de l’établissement, la progression sur les plans de l’emploi et de l’éducation et l’absence d’incidents à son dossier. Un tel indice pourrait apparemment être intégré à la Mesure du rendement des programmes II et compléter la Mesure générique du rendement du participant. Une note initiale et des notes mensuelles pourraient servir à distinguer les délinquants et à éclairer la prise de décisions dans le rapport final de programme.
La discussion tenue avec le personnel des services juridiques et des politiques au SCC a fait ressortir plusieurs grands thèmes. Il a été question des droits par rapport aux privilèges et de ce qui constitue le niveau « de base » des privilèges. De même, on s’est demandé si cela devrait varier selon le niveau de sécurité (le consensus est qu’il ne devrait pas), mais en se disant que chaque privilège pouvait paraître différent selon le niveau de sécurité. La question des visites et des rencontres avec les gens de la collectivité est un bon exemple à ce chapitre. L’idée que les droits du détenu (p. ex., son droit à la libération conditionnelle) puissent être touchés par son statut (engagé ou non engagé) est une source de préoccupation majeure. Le SCC n’appuiera peut‑être pas la libération conditionnelle d’un délinquant non engagé Note de bas de page1, mais l’idée que cela puisse modifier l’admissibilité à la libération conditionnelle nourrissait certaines inquiétudes. Les questions de la transparence et de l’équité ont été soulevées en rapport avec cette dernière question. Enfin, on a discuté de la fiabilité et de la validité des mesures, et des contestations juridiques à entrevoir au sujet d’un régime d’incitatifs.
La dernière personne consultée est un collègue universitaire ayant eu comme domaine d’étude la justice pour les adolescents et l’intervention comportementale (thérapie multisystémique). Nous avons eu une longue discussion sur les difficultés que poserait un régime d’incitatifs et le fait que les échecs confirmés dans la documentation renvoient le plus souvent à une formation inadéquate du personnel (un ratio renforcement positif-renforcement négatif trop faible; un personnel trop centré sur le comportement négatif du délinquant; un style interpersonnel antagoniste de la part des gardiens) et à des difficultés de mise en œuvre (absence de surveillance, trop d’autonomie accordée au personnel chargé d’appliquer les sanctions; mauvais choix d’incitatifs). Une discussion nécessaire qui a fait réfléchir. En somme, la documentation fait voir clairement en quoi un régime d’incitatifs est utile pour gérer les comportements dans divers milieux, mais la réalité de la mise en œuvre et les difficultés opérationnelles d’un tel projet en atténuent l’efficacité. Qui plus est, l’idéologie sabote souvent la mise en œuvre : le personnel se sert du système de gestion pour punir les délinquants (ou les clients, dans d’autres contextes) pour des questions interpersonnelles, en prétextant qu’il s’agit là de problèmes de comportement. Cela nous ramène à la question de l’engagement du détenu, et de savoir quelle rigueur il faudrait appliquer à l’évaluation du comportement des délinquants.
Questions relatives aux politiques
La distinction à faire entre privilèges et droits et la façon de définir le niveau « minimal » des incitatifs constituent deux questions clés sur le plan des politiques. Par ailleurs, si les délinquants en viennent à assimiler un des privilèges actuels à un droit, les groupes de défense des délinquants contesteront probablement les changements proposés, notamment devant les tribunaux et, au départ, cela pourrait inciter les délinquants à adopter un comportement perturbateur dans les établissements, surtout ceux à sécurité moyenne et maximale. Les visites constituent un bon exemple à ce titre. S’agit‑il d’un droit ou d’un privilège? Si c’est un droit, en quoi les exigences opérationnelles peuvent‑elles s’y rapporter selon différents niveaux de sécurité (p. ex., pour les visites sans contact dans les établissements à sécurité maximale, en comparaison avec les visites avec contact dans les établissements à sécurité moindre). Si c’est un privilège, quel comportement le délinquant doit-il afficher pour en accroître la portée? Comme nous l’avons déjà noté, le privilège doit avoir de la valeur aux yeux du délinquant pour agir comme incitatif.
Le besoin de transparence ressort parmi les éléments clés de la recension de Liebling (2008). Le niveau d’incitatifs doit être attribué à la suite d’une décision à la fois transparente et équitable. Des lignes directrices préétablies et le recours à un comité d’examen seront utiles à cet égard. Fait intéressant, la question de l’équité a été abordée dans d’autres recherches (Liebling, 2006) selon lesquelles les délinquants sont davantage prêts à accepter une décision négative lorsqu’ils la voient comme étant juste, équitable et transparente. Cela semble concorder avec le but du projet d’incitatifs, qui consiste à accroître le degré de responsabilisation du délinquant.
Autre question intéressante du point de vue des politiques : la traduction des politiques en pratiques. En ce moment, un certain nombre de documents clés (la Mission, le Rapport sur les plans et les priorités) font état de grands thèmes qui sont mis en application d’après diverses directives (directives du commissaire, instructions permanentes). Si je ne m’abuse, la première de ces deux sources reflète les principes généraux et objectifs modernes du SCC, alors que la deuxième renvoie aux thèmes et aux renseignements qu’il faut prendre en considération. Mon expérience de formation récente auprès des agents de libération conditionnelle me révèle que, souvent, l’intégration de ces deux éléments importants ne se fait pas très clairement, du moins pour le personnel opérationnel. Vu les difficultés de mise en œuvre connues dans d’autres milieux que nous avons déjà mentionnées, il faudra peut‑être mieux travailler à faire le pont entre la politique et la pratique, tout en insistant sur les principes clés du SCC.
Questions relatives à la mise en œuvre
Interactions entre le personnel et les délinquants
La confiance inspirée par le thérapeute et son degré de souplesse (Marshall, Serran, Fernandez, Mulloy, Mann et Thornton, 2003) de même que la perception d’équité du délinquant (Liebling, 2006) semblent indispensables pour créer des relations positives. Fait intéressant, la perception d’équité est liée à une coopération accrue entre les délinquants et le personnel, et elle mène à une réduction des cas d’inconduite en établissement, donc à des établissements correctionnels plus sécuritaires (Liebling, 2006). De même, il s’agit d’habiletés qui non seulement sont reliées à des liens plus étroits entre le personnel et les délinquants, mais qui débouchent aussi sur une plus grande acceptation de la responsabilité et des taux de réussite des programmes plus élevés. En outre, le fait d’être empathique et respectueux transparaît dans les entrevues de motivation (Ginsburg, Mann, Rotgers et Weekes, 2002) et leur application aux détenus a débouché sur une réduction des taux de récidive (Antiss, 2006).
Il n’est que logique, dirait-on, de faire valoir l’importance du lien créé avec le délinquant dans le cadre d’une thérapie, mais que doivent comprendre les administrateurs des services professionnels qui gèrent un grand nombre d’employés appelés à interagir avec les délinquants de façon quotidienne? La présente recension donne à voir qu’un but commun des membres du personnel correctionnel pourrait être de nouer de meilleures relations avec les délinquants. Par exemple, selon des recherches récentes menées auprès d’agents de probation, la faveur va à celui qui pratique un style d’interaction combinant l’approche autoritaire et l’approche dite ferme mais juste, par rapport à une attitude principalement autoritaire ou axée avant tout sur la réadaptation (Skeem et Manchak, 2008). Bonta, Rugge, Bourgon et Scott (2008) sont arrivés à des conclusions complémentaires : l’application de lignes directrices structurées aux interactions entre le personnel et les délinquants a un effet bénéfique du point de vue des facteurs criminogènes. De fait, d’un point de vue strictement correctionnel, l’importance du personnel en tant qu’agent de changement est décrite et mise en valeur dans les descriptions faites des pratiques de base (Dowden et Andrews, 2004) et des pratiques fondées sur l’expérience clinique (Serin, 2006). Le lecteur trouvera à l’annexe B un résumé des caractéristiques en question, quoiqu’il s’agisse de membres du personnel qui pratiquent un style ferme mais pas autoritaire ni antagoniste, qui possèdent de bonnes aptitudes interpersonnelles et qui savent communiquer pour mieux persuader les délinquants, et qui croient à l’idée du changement. De façon générale, le personnel qui affiche de telles qualités est associé à des résultats meilleurs (Dowden et Andrews, 2004; Liebling, 2006; Marshall, Serran, Fernandez, Mulloy, Mann et Thornton, 2003; Skeem, Eno Louden, Polasheck et Cap, 2007). Parmi les résultats évoqués, citons les suivants : les détenus dévoilent davantage d’informations pendant les entrevues; ils s’engagent davantage face aux programmes; ils acceptent la responsabilité de leur comportement criminel; ils participent davantage aux programmes et les mènent à terme plus souvent; ils adhèrent mieux aux règles de groupe; ils commettent moins d’inconduites en prison; ils réagissent favorablement à la surveillance et ils récidivent moins. Il serait intéressant de savoir jusqu’à quel point le personnel correctionnel possède les caractéristiques en question.
Comme nous l’avons déjà noté, pour que les membres du personnel correctionnel soient les principaux agents de changement dans le cadre d’un régime d’incitatifs, il faudra probablement un changement de paradigme. Visiblement, il y a des variations d’un employé à l’autre sur ce point, mais le souci premier des agents de correction demeure la garde des détenus, ce qui, logiquement, s’intensifie à mesure que s’accroît le niveau de sécurité. Il s’agit là d’une dimension capitale de la question, puisque les établissements à sécurité maximale et moyenne sont les endroits où le besoin d’un régime d’incitatifs apte à mobiliser les détenus se fait le plus sentir. Pour qu’un tel changement systémique prenne forme, la seule formation ne pourra se révéler suffisante, pas plus que l’adoption de nouveaux critères de sélection du personnel correctionnel. Il faudra réunir ces deux éléments et les maintenir sur une période prolongée pour que la mise en œuvre du projet porte fruit.
Climat régnant dans l’établissement
Cela devrait être évident, la formation du personnel et le climat régnant dans l’établissement seront indispensables au succès éventuel d’un régime d’incitatifs visant à responsabiliser les délinquants et à les persuader de se conformer à leur plan correctionnel. Élément tout aussi capital : la nécessité que le SCC ait la capacité de fournir les programmes voulus en temps utile. En ce moment, à moins qu’on ne règle le problème des listes d’attente et des renvois trop nombreux vers les programmes correctionnels, les problèmes évoqués mineront la mise en place d’un régime d’incitatifs tel que l’envisage le SCC. La mise au point du Modèle de programme correctionnel intégré (qui relève d’une approche originale, mais apparemment contestable) permettra peut‑être de régler les difficultés liées à la capacité, mais il faudra attendre au moins deux ou trois ans avant de disposer de données relatives à l’efficacité des programmes, bien au‑delà du délai de mise en œuvre du régime d’incitatifs proposé. En somme, il faudra d’autres stratégies pour régler les difficultés liées aux programmes (p. ex. examiner empiriquement les cas dirigés vers les programmes d’après des critères d’évaluation des risques et des besoins; continuer à motiver les détenus pour limiter les cas d’abandon; mieux utiliser les programmes communautaires). Le SCC dispose d’un indice du climat régnant dans les établissements (qui traite surtout des incidents s’y produisant). Il pourrait être utile de comparer les listes d’attente et cet indice pour déterminer si un programme efficace améliorerait le climat régnant dans un établissement. Même si elles ont vieilli un peu, les enquêtes auprès du personnel et des détenus font voir clairement qu’il y a des variations d’un établissement à l’autre, pour un niveau de sécurité et une région semblables. Le fait de confronter ces données à celles qui portent sur les programmes correctionnels et le climat régnant dans les établissements donnerait une perspective supplémentaire sur les questions de mise en œuvre du régime d’incitatifs proposé. Par exemple, selon certaines données tirées de l’enquête nationale (données de présentation non publiées de la Direction de la recherche, 1998), 64 % des délinquants affirment bien s’entendre avec le personnel correctionnel (comparativement à 77 % en Écosse et à 41 % en Grande‑Bretagne). Il n’est pas étonnant d’apprendre que cela varie d’un niveau de sécurité à l’autre. Lorsque la question des relations positives avec le personnel a été posée (communication, préoccupation face aux besoins, écoute du point de vue du détenu, souci de sécurité), les taux obtenus ont été de 47 %, 25 % et 19 % pour les établissements à sécurité minimale, moyenne et maximale, respectivement. Comme le modèle d’incitatifs vise d’abord et avant tout à accroître le degré d’engagement des détenus dans les établissements à sécurité moyenne et maximale, c’est une question qui devrait être explorée plus à fond.
Formation du personnel
Selon une formation récente en évaluation des risques réunissant la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) et des agents de libération conditionnelle, il importe de disposer d’un modèle de compétences pour susciter l’évolution des attitudes et des pratiques. La Division des programmes de réinsertion sociale applique la notion à ses agents de programmes correctionnels depuis de nombreuses années, pour s’assurer de confier les programmes correctionnels à un personnel bien qualifié. Cependant, c’est une formation qui coûte très cher, en temps aussi bien qu’en argent. Or, certains progrès technologiques permettraient d’en faire une formation nettement plus efficiente et d’insister en même temps sur les compétences, en plus des connaissances. Des travaux sont en cours à ce sujet au Criminal Justice Decision Making Laboratory de l’Université Carleton.
La sélection des candidats possédant les caractéristiques et les aptitudes souhaitées (voir Dowden et Andrews, 2004) aux postes clés sera un élément capital du succès du modèle, tout comme le sera une formation pertinente axée sur les compétences. En effet, d’après ma recension, c’est cet élément qui déterminera le succès du modèle. En même temps, il faut impérativement que les gestionnaires correctionnels veillent sur la démarche et s’assurent de réduire au minimum les écarts (en prêtant attention à la gestion et à la responsabilisation des délinquants par le truchement des incitatifs offerts).
Motivation et engagement face aux programmes
Comme je l’ai déjà fait remarquer, l’entrevue de motivation se révèle un outil puissant pour persuader les délinquants à participer au programme (Ginsburg, Mann, Rotgers et Weekes, 2002). Elle débouche sur une diminution sensible des récidives (Antiss, 2006). Pour cette raison, il est logique d’examiner la cote de motivation établie en fonction du niveau de sécurité. Il est intéressant de savoir alors si deux groupes (les détenus engagés et les détenus non engagés) reflètent fidèlement les données en matière de motivation pour tous les niveaux de sécurité. La Direction de la recherche du SCC a eu la gentillesse de nous fournir les données pour mars 2009 en rapport avec cette question.
DEGRÉ DE MOTIVATION | NIVEAU DE SÉCURITÉ DE L’ÉTABLISSEMENT | ||
---|---|---|---|
MINIMAL | MOYEN | MAXIMAL | |
FAIBLE (n=2585) 21% | 3,7% | 21,4% | 43,8% |
MOYEN (n=7368) 61% | 48,5% | 66,6% | 53,1% |
FORT (n=2106) 17% | 47,8% | 11,9% | 3,2% |
Dans le cas de la sécurité minimale ou maximale, il y a clairement deux groupes qui ressortent et, curieusement, ils prennent des proportions quasiment égales. Dans les établissements à sécurité minimale, 3,7 % seulement des détenus sont faiblement motivés, alors que dans les établissements à sécurité maximale, 3,2 % d’entre eux seulement sont très motivés. Il faut se demander si le critère applicable au niveau de motivation souhaité devrait varier selon le niveau de sécurité. Si on prend pour critère un degré élevé de motivation (ce qui est naïf d’un point de vue correctionnel, vu la nature de la population carcérale fédérale), seulement 17 % des détenus seraient désignés comme étant « engagés ». De façon plus réaliste, le détenu ayant une forte motivation serait jugé engagé dans le cas d’un établissement à sécurité minimale (autrement dit, 47,8 % de détenus dans ces établissements répondent au critère en question en ce moment) et le détenu moyennement motivé serait désigné comme engagé dans un établissement à sécurité moyenne ou maximale (78,5 % des détenus des établissements à sécurité moyenne et 56,3 % des détenus des établissements à sécurité maximale répondraient alors au critère en question en ce moment). Voilà qui illustre clairement la situation : le degré global de motivation ne constitue pas une mesure suffisante. Il faudrait discuter davantage du but d’un système de gestion du comportement des délinquants.
Le SCC a jumelé les données relatives au degré de motivation et les données relatives au risque et au besoin; ce faisant, il a démontré que le besoin s’appuie davantage sur la motivation que sur le risque. Par ailleurs, le SCC cherche actuellement à savoir si une notation de motivation serait utile à l’intérieur d’un domaine de besoins donné (T. Cabana, communication personnelle, le 27 mars 2009). De toute évidence, un tel degré de spécificité devrait donner une évaluation de la motivation plus complète et plus sensible que les cotes faible, moyen et fort de l’indice actuel.
Il y a lieu de noter que dans la documentation générale sur la psychologie correctionnelle, plusieurs auteurs (Serin, 2001; Serin, Mailloux et Kennedy, 2007; Ward, Day, Howell et Birgden, 2004) ont mis au point des modèles conceptuels et des mesures de l’état de préparation au traitement qui ont suscité un intérêt considérable et qu’il serait utile d’envisager comme mesure de l’engagement face aux programmes.
Sélection des incitatifs
Comme je l’ai fait remarquer plus tôt, d’un point de vue empirique, nos connaissances sur les incitatifs à l’intention des délinquants sont très limitées. C’est là une question capitale qu’il y aurait lieu d’explorer plus à fond (au moyen de groupes de discussion, d’enquêtes, etc.). Miller (2001) propose une liste d’incitatifs, sans se fonder toutefois sur des données empiriques. Nous avons plutôt affaire ici aux réflexions générales d’un gestionnaire correctionnel (p. ex., il affirme qu’il faut gérer la télévision plutôt que gérer avec la télévision). Miller propose une liste de domaines (sécurité; attitude; motivation; participation; usage du temps) et recommande six « niveaux ». Ensuite, il propose une grille pour l’attribution des incitatifs (conditions matérielles, horaire quotidien, visites, exercice, loisirs, appels téléphoniques, nourriture, activités, divertissement, cantine, etc.) aux différents niveaux prévus.
Petersilia et Deschenes (1994) laissent entrevoir la variabilité des points de vue des délinquants sur les incitatifs en sollicitant leur avis sur les sanctions (p. ex., les lignes directrices sur les peines). Elles font remarquer que : 1) les détenus qui sont mariés ou qui ont des enfants ont tendance à porter un jugement plus sévère sur le milieu carcéral que les détenus célibataires et 2) les détenus célibataires ont tendance à porter un regard plus sévère que les détenus mariés sur les sanctions financières. Certaines variables démographiques entraînaient des différences d’opinion. De même, comme la plupart des citoyens préféreraient probablement la libération conditionnelle (traitement) à l’incarcération, peut‑être était-il étonnant d’observer que le tiers environ des délinquants choisiraient l’incarcération plutôt qu’une surveillance intensive (Petersilia, 1990). Ces conclusions font ressortir la nécessité d’étudier plus systématiquement les incitatifs avant de les mettre en œuvre.
Les résultats d’une enquête inédite sur le point de vue des délinquants canadiens au sujet des renforçateurs et des sanctions sont reproduits à l’annexe C (Goddard et Gendreau, 1992). Les renforçateurs préférés étaient, dans l’ordre, la libération conditionnelle, les permissions de sortir, les visites familiales, les jours de la famille, les augmentations de salaire et l’accès à un meilleur emploi en prison. Les sanctions, dans l’ordre, étaient l’interdiction des visites familiales, le resserrement de la sécurité, la double occupation de cellule, les réductions de peine refusées, les réductions de salaire et l’isolement cellulaire. Parmi les incitatifs, il faut compter les rencontres de groupe, un meilleur accès à des programmes améliorés, les loisirs, les réceptions, les cellules individuelles, les films. Parmi les « amendes » imposées (mesures de dissuasion), citons l’isolement cellulaire, un traitement amoindri, la perte de loisirs et la perte d’emploi en prison. Le SCC ferait bien d’envisager avec soin les éléments de cette liste et de faire la distinction entre les incitatifs et les « amendes ». Enfin, et c’est ce qui importe le plus, les recherches en question ont permis d’établir que 68 % des délinquants veulent avoir leur mot à dire dans le choix des incitatifs offerts; 56 % d’entre eux aimeraient bénéficier d’un contrat comportemental; 91 % n’apprécient pas les punitions et mesures de renforcement de groupe; et 70 % n’apprécient pas que le comité des détenus se mêle à la question des incitatifs. Encore une fois, le SCC peut trouver là des informations éclairantes sur les éléments clés d’un régime d’incitatifs.
Considérations opérationnelles
Mesures
Il devrait être clair que la question des mesures représente un obstacle de taille à la mise en place du modèle d’incitatifs proposé. Le cadre conceptuel qui définit l’engagement doit être approfondi et validé empiriquement; il s’agit là d’un élément capital. Pour prévoir ainsi une progression d’incitatifs, il faut démontrer que les détenus accédant au niveau supérieur en arriveront à de meilleurs résultats sur le plan correctionnel (moins d’incidents, une meilleure interaction avec le personnel, de meilleurs résultats dans les programmes, moins de récidive) qui découlent de la progression. Le Secteur de l’évaluation vient d’achever une évaluation de l’exactitude de la Mesure générique du rendement du participant en tant que facteur de prédiction, mais les résultats n’ont pas encore été publiés. En ce moment, nous ne disposons donc que de peu de données empiriques démontrant que les écarts entre les scores obtenus avant et après le programme sont liés au résultat post-programme. Essentiellement, cela veut dire que, dans les organismes correctionnels, nous savons que le genre de programmes offerts par le SCC réduira le taux de récidive de 20 % à 30 %, mais nous ne savons pas quels délinquants seront touchés.
Avec le concours de la région de l’Atlantique et de la Division des programmes de réinsertion sociale du SCC, mon laboratoire de recherche a entamé un projet d’étude portant sur le changement chez les délinquants. De même, nous mettons la dernière main à une recension des études sur les mesures de changement chez les délinquants pour le National Institute of Corrections. Il est question là d’une mesure des compétences qui, selon notre hypothèse, est moins sensible au biais dans les réponses et à la simulation, et qui est liée théoriquement à la renonciation au crime. Les résultats de l’étude pourraient éclairer certains aspects de la mesure du changement chez les délinquants, comme ils pourraient éclairer un éventuel modèle d’incitatifs. L’annexe D décrit brièvement les compétences en question. Selon des recherches récentes, ces compétences sont plus fortement liées aux résultats obtenus à la Mesure générique du rendement du participant que les estimations de risque, d’où l’idée qu’elles constituent peut‑être des cibles viables pour le traitement (Hanby et Serin, 2009).
Considérations relatives à la mise en œuvre
Tout au long du processus de recension et de consultation, cela est revenu sans cesse : les questions de mise en œuvre sont essentielles au succès de la stratégie de gestion des délinquants misant sur des incitatifs. La recherche sur les régimes de modification du comportement (p. ex., les systèmes de jetons) donne à penser qu’une telle stratégie est viable. Par ailleurs, des problèmes d’uniformité et de fiabilité sont souvent associés à la formation en évaluation des risques. Voilà qui soulève de graves préoccupations concernant les périls d’une formation inadéquate et, en même temps, la nécessité de veiller sur le personnel correctionnel chargé de noter le degré d’engagement des délinquants.
Pour améliorer la mise en œuvre, il faut se pencher sur divers obstacles et enjeux.
- Réaliser le projet pilote à un endroit particulier avant de mettre en œuvre dans toute une région.
- Prévoir une formation complète pour le personnel (voir la communication de Gendreau).
- Limiter l’autorité de l’agent de correction, c’est‑à‑dire lui permettre de distribuer des jetons en tant que récompenses aux détenus, un nombre précis étant prévu pour un statut amélioré, mais permettre uniquement la distribution de contraventions à titre de sanction. Seul le comité d’examen peut faire le cumul des sanctions (des contraventions) et décider d’un changement de statut. Si l’incident est suffisamment grave, le personnel devrait recourir au code disciplinaire.
- Envisager un projet pilote qui permet au délinquant de choisir parmi une série d’incitatifs. Cette méthode peut s’avérer difficile sur le plan opérationnel, mais pourrait rendre le modèle d’incitatifs plus pertinent.
- Rencontrer le comité des détenus (bien que la recherche inédite de Gendreau soit évocatrice sur ce point).
Recherche pilote
La présente recension suscite plusieurs questions pour les chercheurs et pourrait déboucher sur un certain nombre d’études pilotes.
- Détermination des incitatifs à l’intention des délinquants
- études empiriques
- groupes de discussion
- Création d’un indice d’engagement des délinquants
- recours aux éléments de l’évaluation initiale du délinquant
- mise sur pied d’un nouveau protocole d’évaluation
- Mise au point de l’indice de motivation — en ce moment, on peut en déduire qu’un nombre important de délinquants pourraient être plus engagés face à leur plan correctionnel, bien que le but puisse différer légèrement dans un établissement à sécurité moyenne ou maximale.
Niveaux d’incitatifs et niveaux de sécurité
Le nombre de niveaux à retenir reste à voir. Certes, le principe de la parcimonie nous conduirait à retenir seulement deux niveaux (engagé ou pas), mais il faudrait consulter davantage et pousser l’étude de la question. Dans un établissement à sécurité moyenne, on pourrait faire valoir qu’il serait préférable d’en avoir trois. Comme la plus forte proportion des délinquants se trouve dans de tels établissements, les conséquences sont assez importantes. Le rapport à venir sur la MGRP devrait clarifier quelque peu la question. Certes, l’indice de motivation ne suffit pas pour jauger l’engagement face au plan correctionnel, tel que mesuré par l’Évaluation initiale des délinquants (EID) et l’Instrument de définition et d’analyse des facteurs dynamiques (IDAFD).
Observations finales
Les consultations devaient se révéler instructives à cet égard, mais il convient de dire qu’il reste encore beaucoup de travail à faire. À bien des égards, ce sont des questions plutôt que des réponses qui ressortent de l’exercice. Il m’apparaît prudent de reformuler la question pour privilégier l’idée de l’engagement face au plan correctionnel et non l’adaptation à l’établissement. De même, il serait peut‑être utile de consulter la CNLC pour déterminer les principaux motifs des décisions négatives. Les renseignements ainsi obtenus pourraient éclairer à leur tour le modèle d’incitatifs proposé et servir à déterminer s’il permettrait d’accélérer les libérations discrétionnaires.
Tout au long de la présente recension, nous avons tenu pour acquis que le but premier du projet de système de gestion du comportement consistait à renforcer l’engagement du délinquant face aux programmes (plutôt que de réduire les comportements indésirables). Cela n’a pas été dit expressément, mais il vaut peut‑être la peine de l’envisager brièvement : l’engagement accru dont il est question renvoie à l’idée de responsabiliser le détenu. Comme le travail correctionnel a pour but la réadaptation, les recherches portant sur la « réussite » des délinquants (c.‑à‑dire la renonciation au crime) s’inscriraient très bien dans un cadre de responsabilisation. Ainsi, le SCC pourrait concevoir une stratégie visant à renforcer l’engagement, plutôt que de s’attacher aux écarts de conduite d’un petit segment de délinquants. Faire le pont entre le milieu carcéral et les services correctionnels communautaires serait l’occasion d’étudier les signes de réussite proximaux (c.‑à‑d. les compétences et les concepts de personnalité liés à la renonciation au crime) et de former le personnel pour qu’il puisse appuyer les efforts des délinquants à cet égard, d’où une sécurité publique accrue. C’est un domaine de recherche que nous explorons dans mon laboratoire et nous sommes disposés à en discuter, mes étudiants et moi, avec le SCC.
Pour terminer, je dirais que malgré l’optimisme initial affiché quant à la promesse d’un régime d’incitatifs pour récompenser de façon différente et significative les délinquants qui adoptent un comportement positif, tristement, je ne saurais conclure qu’un tel régime pourrait être implanté de manière uniforme dans un organisme aussi vaste que le SCC sans qu’un grand nombre des problèmes qui ont touché le Royaume-Uni à cet égard ne se présentent ici aussi.
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Annexe A
1 Notation comportementale du degré d’engagement du délinquant
Veuillez accorder au participant une note allant de 0 à 2 en rapport avec les compétences générales décrites ci‑dessous. La note 1 indique que le participant affiche plus ou moins le comportement en question. La note à donner est soit 0, soit 1, soit 2; il n’y a pas de fractions. Dans la mesure du possible, il faut procéder à la notation après une ou deux séances, pour que le cas du délinquant soit suffisamment connu. La consultation d’autres membres du personnel (ALC, AC) est recommandée, mais pas essentielle.
1. Capacité d’interagir avec les autres délinquants
- 2 Interagit avec les autres délinquants, se mêle aux autres, est sociable, s’entend bien avec les autres. Est ni trop agressif, ni trop replié sur lui‑même.
- 1 S’entend bien avec la plupart des autres délinquants, la majeure partie du temps. A quelques conflits mineurs avec certains délinquants.
- 0 Est difficile à fréquenter la majeure partie du temps et ne s’entend pas bien avec les autres délinquants. Éprouve des difficultés importantes, même dans les interactions quotidiennes.
2. Capacité d’obéir aux règles
- 2 Obéit aux règles et lignes directrices sans problème, sans se plaindre au personnel ou aux autres délinquants. N’a pas besoin qu’on lui rappelle ce qui est attendu de lui.
- 1 Obéit aux règles la majeure partie du temps, mais se plaint parfois au personnel ou aux autres délinquants. A parfois besoin qu’on lui rappelle ce qui est attendu de lui.
- 0 N’obéit pas aux règles la majeure partie du temps. Défie souvent le personnel à propos des règles et des attentes. Critique verbalement les règles lorsqu’il se trouve dans un groupe de délinquants.
3. Respect du personnel
- 2 Respecte en tout temps tous les membres du personnel (travail, programmes, sécurité, gestion de cas, administration) sur les plans de l’interaction verbale et du comportement.
- 1 Respecte les membres du personnel la plupart du temps (travail, programmes, sécurité, gestion de cas, administration) sur les plans de l’interaction verbale ou du comportement.
- 0 Manque de respect pour le personnel la majeure partie du temps sur les plans de l’interaction verbale et du comportement (est exigeant, dénigre, est impoli, se montre excessivement injurieux, envahit l’espace personnel d’autrui).
4. Respect des autres délinquants
- 2 Respecte en tout temps tous les délinquants dans tous les secteurs de l’établissement sur les plans de l’interaction verbale et du comportement (travail, programmes, loisirs, dans sa rangée ou son unité).
- 1 Respecte les délinquants dans la plupart des secteurs de l’établissement la majeure partie du temps sur les plans de l’interaction verbale ou du comportement (travail, programmes, loisirs, dans sa rangée ou son unité).
- 0 Manque de respect pour les délinquants la majeure partie du temps sur les plans de l’interaction verbale et du comportement (est exigeant, dénigre, est manipulateur, envahit l’espace personnel d’autrui).
5. Engagement face au plan correctionnel
a. Motivation exprimée
- 2 Est personnellement motivé, accepte le plan correctionnel dans son ensemble, affirme qu’il veut appliquer le plan.
- 1 N’accepte pas entièrement l’évaluation globale et est ambivalent face à l’idée de participer au plan correctionnel.
- 0 Rejette vivement le besoin de changer, n’est pas prêt à participer aux programmes et autres interventions recommandées.
b. Concordance
- 2 Affirme qu’il est motivé à appliquer le plan et affiche un comportement qui concorde avec cette idée (assiste aux rencontres en groupe, ne se présente pas en retard pour l’assignation des tâches, fait ses devoirs, respecte le personnel et les autres délinquants).
- 1 Affirme qu’il est motivé à appliquer le plan, mais affiche un comportement qui ne concorde pas tout à fait avec cette idée (rate parfois une rencontre de groupe ou une journée de travail, arrive parfois en retard pour l’assignation des tâches, ne fait pas ses devoirs, manque parfois de respect envers le personnel et les autres délinquants).
- 0 Affirme qu’il est motivé à appliquer le plan, mais affiche un comportement qui ne concorde pas du tout avec cette idée (rate le plus souvent les rencontres de groupe et les journées de travail, si bien qu’il est renvoyé de son emploi ou évincé du groupe, arrive souvent en retard pour l’assignation des tâches, ne fait pas ses devoirs, manque souvent de respect envers le personnel et les autres délinquants).
c. Responsabilité
- 2 Accepte entièrement la responsabilité de son comportement criminel et le besoin de changer pour mieux se réinsérer dans la société.
- 1 Rejette l’idée d’appartenir à un gang et peut fréquenter les délinquants, qu’ils appartiennent à un gang ou non.
- 0 Rejette entièrement toute responsabilité, en mettant les problèmes sur le dos des autres ou en invoquant certaines circonstances.
6. Appartenance à un gang
- 2 Rejette l’idée d’appartenir à un gang et peut fréquenter les délinquants, qu’ils appartiennent à un gang ou non.
- 1Conserve certaines valeurs et attitudes criminelles (la loi du plus fort, par exemple), mais n’exploite pas ouvertement les autres pour en tirer avantage.
- 0 Montre qu’il appartient à un gang par ses vêtements et ses fréquentations. Participe au recrutement d’autres membres, essaie de convaincre les membres établis de rester dans le gang.
7. Comportement de prédateur
- 2 N’est pas manipulateur, n’exploite pas les autres délinquants ou les membres du personnel. Ne souhaite pas utiliser les autres à son avantage personnel.
- 1 Conserve certaines valeurs et attitudes criminelles (la loi du plus fort, par exemple), mais n’exploite pas ouvertement les autres pour en tirer avantage.
- 0 Pratique l’extorsion ou la manipulation à son avantage personnel (cantine, argent, faveurs) sans se soucier vraiment des besoins ou des droits des autres.
8. Substances illicites
- 2 Que cela ait été un problème dans le passé ou non, ne consomme pas de substances illicites et est prêt à se soumettre aux analyses d’urine volontaires.
- 1 Ne consomme pas de substances illicites la majeure partie du temps. Remet peu souvent des échantillons d’urine positifs (drogues douces ou alcool). Refuse de se soumettre aux analyses d’urine aléatoires.
- 0 Remet souvent des échantillons positifs (substances illicites ou, parfois, drogues dures). Est considéré comme actif dans la sous-culture de la drogue. Refuse de se soumettre aux analyses d’urine justifiées.
Annexe B
Aperçu des compétences que doit posséder le personnel
- Faire preuve d’empathie (être sensible aux besoins des autres et s’en soucier)
- Avoir de l’autorité sans être autoritaire (posséder une expertise, ce n’est pas une question d’autorité)
- Être directif (être actif, mener la discussion, fixer les buts)
- Être équitable (équilibrer les droits de toutes les parties)
- Être respectueux (ne pas parler de haut aux délinquants)
- Pratiquer le renforcement (soutenir et encourager les efforts positifs et les réalisations des détenus)
- Posséder de bonnes aptitudes pour la communication (compétences interpersonnelles et verbales)
Annexe C
Récompenses et sanctions
(Notation des délinquants; Goddard et Gendreau, 1992, inédit)
Récompenses (par ordre décroissant d’importance)
Libération conditionnelle
Permissions de sortir
Visites familiales
Jours de la famille
Augmentations de salaire
Meilleur emploi
Programmes
Nourriture particulière
Décoration de la cellule
Meilleurs loisirs
Sanctions (par ordre décroissant d’importance)
Aucune visite familiale
Transfèrement dans un établissement à sécurité supérieure
Double occupation de cellule
Réduction de peine refusée
Baisse de salaire
Isolement cellulaire
Perte de nourriture
Fermeture des cellules plus tôt
Réveil plus tôt
Annexe D
Échelle de notation comportementale des compétences de renonciation
(Serin et Hanby, 2009)
Veuillez accorder au participant une note allant de 0 à 4 en rapport avec les compétences générales décrites ci‑dessous. La note 1 indique que le participant affiche plus ou moins le comportement en question. La note à donner doit être 0, 1, 2, 3 ou 4; il n’y a pas de fractions. Dans la mesure du possible, il faut procéder à la notation après une ou deux séances, pour que le cas du délinquant soit suffisamment connu. La consultation d’autres membres du personnel (ALC, AC) est recommandée, mais pas essentielle.
1. Besoin de changer
- 4 Saisit pleinement le besoin de changer pour réussir, notamment les mécanismes internes (p. ex. le locus de la maîtrise) et les facteurs externes (fréquentations antisociales, par exemple). Reconnaît qu’il faut changer et non pas seulement avoir l’intention de le faire pour renoncer au comportement criminel.
- 3 Reconnaît la nécessité de changer et croit comprendre mieux ce qu’il faut faire pour éviter la criminalité à l’avenir.
- 2 Reconnaît certainement le besoin de changer, mais ressent une certaine ambivalence et de l’incertitude. Affirme en général qu’il a la volonté de participer aux programmes.
- 1Lorsque pressé, concède en général qu’un changement de mentalité et/ou de comportement lui permettrait peut‑être de réduire la criminalité dans sa vie à l’avenir.
- 0 Résiste au changement, s’y oppose. N’estime jamais que les problèmes sont les siens, s’oppose à tout avis contraire à ce sujet.
2. Connaissances
- 4 Démontre clairement qu’il possède à la fois des compétences et des connaissances nouvelles quand il s’agit de comprendre et de gérer les situations qui lui font courir un risque.
- 3 Démontre raisonnablement qu’il possède soit des compétences, soit des connaissances nouvelles quand il s’agit de comprendre les situations qui lui font courir un risque.
- 2 Est quelque peu conscient de la situation et comprend dans une certaine mesure les facteurs de risque qui sont les siens. Ne sait pas très bien s’il possède les compétences voulues pour appliquer cette connaissance de base.
- 1 Peut comprendre de manière très simple et relativement générale les facteurs de risque en jeu, mais n’a visiblement pas intériorisé l’information (simplement un changement de vocabulaire).
- 0 Completely unaware of what it takes to understand and manage his or her criminality.
3. Souplesse cognitive
- 4 Démontre pleinement qu’il est apte à analyser les problèmes, à envisager des conséquences à court et à long terme et de multiples stratégies pour le cas où l’effort initial ne porte pas fruit.
- 3 Fait preuve d’une certaine souplesse cognitive. A amélioré quelque peu sa capacité de trouver des solutions de rechange à un premier effort infructueux.
- 2 Est clairement en mesure de résoudre des problèmes, mais n’envisage pas les conséquences à court et à long terme ni les solutions de rechange.
- 1 A une capacité limitée quand il s’agit de résoudre des problèmes, a besoin d’une aide considérable.
- 0 Ne manifeste aucune aptitude pour la résolution de problèmes.
4. Contrôle inhibiteur
- 4 Saisit pleinement que la criminalité se rapporte à l’ici‑et‑maintenant, au mépris des conséquences. Est capable d’inhiber ses impulsions et de composer avec des situations risquées. Est capable de reconnaître la nécessité d’éviter les problèmes et/ou d’appliquer une stratégie d’adaptation.
- 3 Reconnaît que la criminalité comporte des avantages à court terme, mais des conséquences négatives à long terme. Est en mesure de gérer les facteurs désinhibiteurs.
- 2 Est en mesure de déterminer les conséquences négatives d’une piètre maîtrise de soi, mais a une emprise limitée sur les facteurs désinhibiteurs.
- 1 Est quelque peu conscient de la nécessité de se maîtriser, mais peu de choses portent à croire que ce serait possible. Présente des facteurs désinhibiteurs comme la toxicomanie, des attitudes ou des pairs antisociaux et de l’impulsivité.
- 0 Vit entièrement dans le moment présent et éprouve beaucoup de difficultés à reconnaître la nécessité de canaliser ses attitudes et son comportement et de le faire.
5. Responsabilité personnelle
- 4 Démontre pleinement qu’il possède de l’humilité et un sentiment d’appartenance qui relie ses attitudes et ses comportements aux autres. Voit la nécessité d’être responsable face à ces mécanismes internes (maîtrise de soi) et aux facteurs externes (fréquentations prosociales).
- 3 Démontre qu’il présente une certaine humilité et un certain sentiment d’appartenance. Peut voir la nécessité d’être responsable uniquement du point de vue des facteurs internes ou externes.
- 2 N’affiche pas le sentiment égocentrique de celui à qui tout serait dû. Fait preuve d’une certaine humilité ou d’un certain sentiment d’appartenance, mais peut‑être pour des raisons artificielles.
- 1 Fait preuve d’égocentrisme, a le sentiment que tout lui est dû, des justifications qui vont en diminuant. Ne fait pas preuve d’un sentiment d’humilité ou d’appartenance à l’ensemble.
- 0 Fait voir le sentiment égocentrique de celui à qui tout serait dû pour justifier son comportement.
Notes de bas de page
- Note de bas de page 1
-
En ce moment, cela est implicite, mais le système de gestion des délinquants qui est proposé pourrait en faire explicitement un critère.
1 En ce moment, cela est implicite, mais le système de gestion des délinquants qui est proposé pourrait en faire explicitement un critère.
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