Profil descriptif des délinquantes âgées (Rapport complet)

Publication

  • No R-229 - Sommaire
  • Novembre 2010
  • Leigh Greiner et Kim Allenby
    Service correctionnel Canada

Rapport de recherche - PDF

Remerciements

Plusieurs personnes méritent des remerciements pour l'expérience et l'expertise qu'elles ont apportées dans la préparation du présent rapport. Grand merci à Collette Cousineau et à Renée Gobeil qui ont extrait les données nécessaires au projet. De plus, Renée Gobeil a joué un rôle crucial dans la rédaction du rapport en présentant plusieurs suggestions majeures lors de l'étape préparatoire, et elle a participé de façon appréciable à sa révision et à sa mise en forme. Meredith Barrett a elle aussi aidé à la révision du rapport et fourni de précieux commentaires. Enfin, Kelly Blanchette et Kelly Taylor méritent des remerciements pour le soutien et les conseils qu'elles ont prodigués tout au long de la création de ce profil.

Résumé

Les prisonniers âgés forment une population carcérale particulière aux besoins distincts, notamment en matière d'adaptation, de réadaptation, de programmes et de libération conditionnelle (Aday, 1994). La plus grande partie de la documentation existant sur les besoins de la population carcérale âgée vient des États-Unis, et se limite généralement aux détenus de sexe masculin. Il reste donc nécessaire d'étudier les caractéristiques et les besoins des délinquantes âgées au Canada, tant dans la collectivité qu'en établissement.

La présente étude vise à 1) dresser un profil exhaustif des délinquantes âgées; 2) comparer les niveaux de risque et de besoins des délinquantes âgées à ceux des jeunes délinquantes; 3) évaluer la pertinence et l'utilité de créer une typologie des délinquantes âgées.

Dans le cadre de l'étude, les délinquantes âgées sont celles qui ont 50 ans et plus. Les données du groupe visé par l'étude (les délinquantes âgées) et du groupe témoin (les délinquantes plus jeunes) ont été extraites du Système de gestion des délinquant(e)s (SGD) du SCC. Chacun des deux groupes était composé de 160 femmes, dont 54 étaient incarcérées et 106 sous surveillance dans la collectivité.

Les résultats montrent que les délinquantes âgées ont des niveaux de besoins et de risque inférieurs et un meilleur potentiel de réinsertion sociale que les délinquantes de moins de 50 ans. Comparativement aux plus jeunes, les délinquantes âgées ont des besoins moindres dans les domaines de l'emploi, des fréquentations, de la toxicomanie et de l'attitude.

L'analyse des incidents d'inconduite en établissement indique que les délinquantes âgées sont moins souvent victimes ou responsables d'incidents mineurs ou graves. En ce qui concerne les programmes, elles sont considérablement moins nombreuses à participer à des programmes d'éducation ou à les suivre jusqu'au bout. Elles participent également moins que les délinquantes plus jeunes à des programmes psychologiques ou de traitement de la toxicomanie. Cependant, elles sont nettement plus nombreuses à participer à des programmes de la catégorie « autres » et à les suivre jusqu'au bout (p. ex. aumônerie, perfectionnement personnel).

Dans le but de dresser une typologie éventuelle des délinquantes âgées, nous avons examiné leurs antécédents criminels. La majorité (80 %) purgeait une première peine de ressort fédéral, et 50 % purgeaient une peine pour homicide. En fin de compte, les résultats révèlent que la typologie élaborée pour les délinquants âgés de sexe masculin n'est pas parfaitement adaptée aux délinquantes âgées. Il devrait donc être possible de créer une typologie plus pertinente, destinée spécifiquement aux délinquantes âgées.

Table des matières

Liste des tableaux

Liste des annexes

Introduction

L'âge moyen de la population canadienne continue d'augmenter en raison du vieillissement des baby-boomers, tout comme l'âge moyen de la population carcérale du Canada. En effet, le nombre de détenus âgés dans les prisons canadiennes est en hausse. La proportion de détenus de 50 ans et plus (en grande partie de sexe masculin) dans les établissements fédéraux au Canada est passée de 8,4 % en 1993 à 9,3 % en 1996 (Uzoaba, 1998) et a bondi de 50 % aux États‑Unis (Lemieux, Dyeson et Castiglione, 2002). L'âge moyen des personnes incarcérées dans des pénitenciers fédéraux continuera probablement de croître. Selon Statistique Canada (2007), les baby-boomers étaient âgés de 41 à 60 ans en 2006 et représentaient environ un tiers des Canadiens. Si cette surreprésentation des citoyens âgés commence à se refléter dans les établissements correctionnels canadiens, il faudra apporter des modifications pour offrir des services et des soins à ce sous-groupe particulier de détenus.

Les prisonniers âgés ont des besoins spécifiques en matière d'adaptation au milieu carcéral, de réadaptation, de programmes et de liberté conditionnelle (Aday, 1994). La plupart des études se penchant sur les besoins des détenus âgés sont réalisées aux États-Unis et limitent habituellement leur échantillonnage aux hommes. Par conséquent, les caractéristiques et les besoins distincts des délinquantes âgées au Canada restent à étudier, en milieu carcéral comme dans la collectivité.

Définition des détenus âgés

Les études portant sur les détenus manquent d'uniformité dans leur définition du terme « âgé ». Dans la société en général, le seuil est arbitrairement fixé à 65 ans. Cette norme d'âge sert à de multiples fins, mais l'âge chronologique ne constitue pas nécessairement un bon indicateur de l'âge physiologique d'une personne (Aday, 2003). Par exemple, des facteurs environnementaux, physiques et sociaux peuvent influer sur le rythme de vieillissement d'une personne séjournant longuement en établissement, et il faut tenir compte de ces effets pour choisir l'âge approprié à partir duquel un délinquant est « âgé ».

Certains ont avancé que les détenus vieillissaient plus rapidement que le reste de la population, car leur santé se détériorait beaucoup plus tôt (Aday, 1999, cité par Aday, 2003). De plus, en raison des difficultés inhérentes au mode de vie criminel, auxquelles s'ajoute le stress subi en établissement, d'aucuns soutiennent qu'une personne de 50 ans purgeant une peine en établissement est comparable à une personne de 60 ans dans la population générale (Gallagher, 2001). D'autres affirment que les délinquantes âgées ne bénéficient habituellement pas de soins de santé adéquats au cours de leur vie et que le stress subi en milieu carcéral ne fait qu'aggraver les problèmes médicaux préexistants (Codd, 1998). Bref, les ouvrages semblent s'accorder sur le fait que les personnes incarcérées vieillissent plus rapidement que le reste de la population.

Une analyse des recherches portant sur la santé des délinquants âgés (Loeb et AbuDagga, 2006) a révélé que l'âge de 50 ans servait le plus souvent comme critère minimal. De même, un bilan des recherches portant sur les délinquants âgés aux États-Unis montre qu'on les définit généralement comme ayant 55 ans et plus ou 50 ans et plus, soit dans 7 et 9 études respectivement (Lemieux, Dyeson et Castiglione, 2002). Une enquête auprès des services correctionnels des États américains a aussi établi que leurs représentants définissaient le plus souvent les délinquants âgés comme ceux ayant 50 ans et plus (Aday, 1999, cité par Wahidin, 2004). Même si ces études utilisent un critère d'âge uniforme, d'autres chercheurs ont fixé le leur à 40 ans et plus (Codd, 1998), 45 ans et plus (Williams et Rikard, 2004), 55 ans et plus (Ellsworth et Helle, 1994) ou 60 ans et plus (Harris, Hek et Condon, 2006). Fait à noter, les chercheurs anglophones utilisent indifféremment les termes « aging », « older » et « elderly » pour désigner les délinquants âgés (Potter, Cashin, Chenoweth et Jeon, 2007). Comme l'utilisation d'un critère d'âge commun permettra des comparaisons entre les études, donc une meilleure compréhension du profil des délinquantes âgées, et que la plupart des études antérieures ont défini les délinquants âgés comme ceux ayant 50 ans et plus, c'est le critère que nous avons choisi pour le présent profil.

Alors que les besoins des hommes incarcérés ont été bien étudiés (p. ex Goetting, 1984; Uzoaba, 1998), les recherches sur les femmes âgées sont rares. Le système de justice pénale devra se pencher sur la question, compte tenu de cette lacune et des besoins particuliers que présenteront probablement les délinquantes âgées, lesquelles soulèveront des difficultés spécifiques pour le personnel correctionnel et compliqueront l'élaboration et la mise en œuvre de programmes.

Besoins des délinquantes âgées

Plusieurs des besoins relevés peuvent être propres aux délinquantes âgées. Bien que ces dernières soient en nombre relativement faible par rapport à leurs congénères masculins (p. ex. Uzoaba, 1998), il est crucial d'obtenir un portrait net de ce groupe particulier, puisqu'il pose des problèmes bien précis en matière d'évaluation et de traitement, en établissement comme dans la collectivité.

Domaines de risque et de besoins

Le modèle fondé sur les principes du risque, des besoins et de la réceptivité (modèle RBR) est bien établi au sein des établissements correctionnels canadiens en tant qu'outil essentiel d'évaluation et de traitement des détenus. On peut résumer les trois principes comme suit : 1) selon le principe du risque, le niveau d'intervention ou de service offert à un individu doit correspondre à son niveau de risque de récidive; 2) selon le principe des besoins, les facteurs criminogènes (p. ex. attitudes criminelles, personnalité antisociale) doivent être évalués et ciblés dans le traitement; 3) selon le principe de la réceptivité, il faut offrir un traitement adapté aux aptitudes et au style d'apprentissage du détenu (Bonta et Andrews, 2007). Les interventions inspirées de ces trois principes et dérivées de la théorie de la personnalité en général et des processus cognitifs de l'apprentissage social du comportement criminel se sont avérées efficaces pour réduire le taux de récidive (Andrews et Bonta, 2006).

Selon la théorie de la personnalité en général et des processus cognitifs de l'apprentissage social du comportement criminel, le comportement criminel est acquis et il est influencé par divers facteurs, dont certains sont plus influents que d'autres (Andrews et Bonta, 2006). Cette théorie cerne quatre facteurs de risque majeurs (les « quatre grands » ou « Big Four ») qui contribuent au comportement criminel d'une personne, soit l'attitude antisociale, la fréquentation de pairs antisociaux, les antécédents de comportements antisociaux et la personnalité antisociale. En plus de ces quatre facteurs de risque, les problèmes familiaux ou matrimoniaux, les problèmes à l'école ou au travail, la toxicomanie et la mauvaise utilisation des temps libres sont associés à un risque de récidive accru (Andrews et Bonta, 2006). Selon la théorie, ces huit domaines « jette[nt] […] les bases de l'intervention efficace, en orientant les services vers les facteurs de risque liés au comportement criminel » (Bonta et Andrews, 2007, p. 16).

Les éléments de preuve en faveur du modèle RBR sont probants. Gendreau, Little et Goggin (1996, cités par Andrews et Bonta, 2006) ont effectué une méta-analyse de 131 études pour trouver des variables prédictives de la récidive chez les adultes de sexe masculin et sont arrivés à la conclusion que les « quatre grands » étaient les meilleurs prédicteurs. Hubbard et Pratt (2002) ont mené une méta-analyse des variables prédictives de la récidive chez les femmes et ont établi que les « quatre grands » cernés dans les ouvrages axés sur les hommes étaient tous de bons prédicteurs de la délinquance chez les jeunes femmes. Une méta-analyse des études portant sur le modèle RBR chez les délinquantes a révélé que les principes du risque, des besoins et de la réceptivité jouaient un rôle aussi important chez elles que chez les hommes (Dowden et Andrews, 1999). C'est une constatation particulièrement importante pour ce profil, puisqu'elle confirme que ces mêmes risques et besoins sont pertinents pour les délinquantes. Toutefois, la façon dont ces facteurs de risque et ces besoins se manifestent chez les délinquantes âgées reste à étudier.

Dans le cadre du modèle RBR, l'évaluation des délinquants par le Service correctionnel du Canada repose sur le contrôle continu des domaines de risque et de besoins concernés. Les domaines en question dont tiennent compte le modèle et ce profil sont l'emploi, les relations matrimoniales et familiales, les fréquentations, la toxicomanie, le fonctionnement dans la collectivité, l'orientation personnelle et affective, l'attitude générale et les antécédents.

De plus, trois autres facteurs sont examinés dans cette étude : 1) l'adaptation au milieu carcéral; 2) les réseaux de soutien social; 3) les programmes. Les ouvrages font ressortir l'importance particulière de chacun de ces éléments chez les délinquants âgés (p. ex. Kratcoski et Babb, 1990; Lemieux et coll., 2002). On présente un aperçu général des connaissances actuelles au regard des besoins spécifiques des délinquantes âgées dans l'ensemble de ces domaines.

Adaptation au milieu carcéral

L'adaptation au milieu carcéral fait référence au fonctionnement du délinquant dans la population carcérale. En général, on la définit comme la fréquence de l'inconduite ou des infractions en établissement, laquelle peut être mesurée par le nombre d'avertissements verbaux, d'accusations d'infraction disciplinaire et de jours passés en isolement. Afin de mieux comprendre ce qui cause l'inconduite, il faudrait tenir compte de certaines variables sous-jacentes de l'inadaptation au milieu carcéral.

La plupart des études s'intéressant à l'adaptation au milieu carcéral sont axées sur les hommes. Cependant, une étude de Kratcoski et Babb (1990) est digne de mention; les auteurs se sont penchés sur le sexe comme facteur médiateur de l'adaptation au milieu carcéral chez les détenus âgés dans trois établissements d'État. Ils constatent que, comparativement aux hommes incarcérés âgés, les femmes âgées sont moins nombreuses à participer à des activités récréatives, à des programmes d'exercice et à des groupes d'entraide, et sont plus portées à considérer les autres détenues comme agressives ou violentes. Évidemment, de nombreuses préoccupations communes sont exprimées par les détenus âgés des deux sexes. Notamment, les deux groupes sont généralement insatisfaits de leurs conditions de détention. Par exemple, beaucoup se plaignent que leur environnement est trop bruyant et que leur cellule est située trop loin des toilettes. Tout en admettant la pertinence de cette étude, il faut garder à l'esprit que ces conclusions sont difficilement généralisables étant donné les différences entre les établissements carcéraux canadiens et américains. Des recherches supplémentaires sur l'adaptation au milieu carcéral chez les délinquantes âgées au Canada sont de mise.

Soutien social

La qualité et la quantité des relations entretenues par les délinquantes âgées sont des facteurs possibles de l'adaptation au milieu carcéral. Le degré d'isolement par rapport à la famille et aux amis pourrait jouer un rôle important dans l'adaptation au milieu carcéral (Aday, 2003; Kratcoski et Babb, 1990). Comme le Canada compte seulement six établissements carcéraux (multisécuritaires) pour femmes, bon nombre de délinquantes (notamment celles habitant le Nord) doivent quitter leur communauté pour purger leur peine. Elles se retrouvent donc souvent loin de leur foyer, de leur famille et de leurs amis. Leur contact avec le système de justice pénale perturbe leur réseau social et les rend plus vulnérables à la solitude (Beal, 2006). De plus, les délinquantes âgées souffrent considérablement plus de solitude que les délinquants de sexe masculin (Beal, 2006).

Certaines études montrent que les femmes âgées interagissent peu avec les autres détenues et reçoivent moins souvent des visiteurs que les hommes âgés (Kratcoski et Babb, 1990). Elles pourraient par conséquent avoir un sentiment d'isolement plus prononcé que les délinquants de sexe masculin, en raison du manque de réseau de soutien tant dans l'établissement qu'à l'extérieur (Kratcoski et Babb, 1990). Selon la théorie relationnelle, les femmes se définissent généralement en fonction de leurs relations avec les autres (Miller, 1986). D'après cette théorie, et compte tenu de l'isolement et de la solitude des délinquantes âgées, leurs besoins relationnels devraient être supérieurs à ceux des plus jeunes. De plus, comme le soutien social serait lié à une meilleure adaptation au milieu carcéral (Kratcoski et Babb, 1990), les délinquantes âgées ayant des besoins relationnels importants devraient théoriquement être impliquées dans un grand nombre d'incidents d'inconduite en établissement.

Contrairement aux chercheurs qui prétendent que les délinquantes âgées se sentent isolées en établissement, d'autres affirment que le milieu carcéral féminin « favorise la création de relations interpersonnelles entre les délinquantes » [traduction] (Williams et Rikard, 2004, p. 132). De plus, certains avancent que les délinquantes adultes reçoivent davantage de soutien social que les hommes (Jiang et Winfree, 2006). L'importance du réseau de soutien tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'établissement est évidente, mais il reste à déterminer avec certitude si les délinquantes âgées manquent de soutien social ou non. La présente étude fournira certains éclaircissements sur le réseau de soutien social des délinquantes en dehors de l'établissement en vérifiant si elles ont reçu des visiteurs au cours de leur plus récente année d'incarcération.

Accessibilité et participation aux programmes

La participation aux programmes améliore les chances des détenus de bien s'adapter et facilite leur réinsertion dans la collectivité (Andrews et Bonta, 2006; Whitney-Gildea, 2001). Cependant, « ce qui fonctionne » pour les détenus âgés en matière de programmes et de traitements n'a pas encore été étudié. La première étape, sur laquelle se penchera le présent profil, consiste à déterminer quels programmes les délinquantes âgées utilisent réellement et combien d'entre elles suivent jusqu'au bout les programmes qu'elles ont commencés. Il faut espérer que le travail se poursuivra à partir de cette première étape et que de prochaines études examineront dans quelle mesure les délinquantes âgées ont accès aux programmes, quels programmes additionnels seraient nécessaires et quels types d'obstacles empêchent les délinquantes âgées de participer aux programmes existants ou de les suivre jusqu'au bout.

Fondements de la typologie

La mise au point d'un système de classement est d'une grande utilité, car certains ont avancé que les divers groupes pouvaient présenter des différences sur le plan de l'adaptation au milieu carcéral, des besoins en matière de programmes et des décisions relativement à la mise en liberté (Aday, 1994; Morton, 1992). Des études antérieures ont montré que les délinquants âgés de sexe masculin pouvaient être classés en trois groupes en fonction de leurs antécédents (Aday, 1994; Uzoaba, 1998), soit les suivants : 1) les délinquants âgés (c.-à-d. ceux qui ont commis leur première infraction à un âge avancé); 2) les récidivistes (c.-à-d. les délinquants invétérés et les criminels de carrière); 3) les condamnés à perpétuitéNote de bas de page 1 (c.-à-d. ceux qui purgent une peine de longue durée et qui ont été incarcérés lorsqu'ils étaient jeunes). Malheureusement, ces catégories laissent place à beaucoup d'ambiguïté (« à perpétuité » par rapport à « à long terme », « âgés » par rapport à « à un âge avancé ») quand vient le moment de les appliquer à des détenus. D'autres chercheurs ont eu recours à une quatrième catégorie pour distinguer les délinquants condamnés pour la première fois avant d'être « âgés » (c.-à-d. avant d'atteindre 55 ans lorsque c'était le critère de troisième âge) et purgeant une peine de courte durée des « condamnés à perpétuité » (Goetting, 1984). Cette quatrième catégorie est utile pour classer les délinquants qui se situent entre les « délinquants âgés » et les « délinquants qui purgent une peine de longue durée ». Cependant, la ligne de démarcation entre les catégories demeure floue. Goetting (1984) définit les délinquants qui purgent une peine de longue durée comme ceux ayant été condamnés avant d'avoir 55 ans et ayant déjà purgé au moins 20 ans de leur peine la plus récente. Dans la documentation du Service correctionnel du Canada, les délinquants qui purgent une peine de longue durée sont définis comme ceux qui purgent une peine de 10 ans ou plus (Programme des femmes purgeant une peine de ressort fédéral, 1994; Perron et Hastings, 1991). C'est donc le critère qu'utilisera cette étude. Une quatrième catégorie, les « délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine », servira également dans la présente étude à classer les délinquantes qui n'étaient pas « âgées » lors de l'infraction à l'origine de la peine (c.-à-d. celles qui avaient moins de 50 ans lorsqu'elles ont commis leur crime) ou qui ne sont pas condamnées à une peine de longue durée (c.-à-d. celles qui ont été condamnées à purger une peine de moins de 10 ans).

En résumé, les catégories utilisées pour classer les délinquantes âgées de notre étude sont les suivantes : 1) délinquantes âgées purgeant une première peine (qui avaient 50 ans et plus lorsqu'elles ont commis leur première infraction); 2) délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine (qui avaient moins de 50 ans lorsqu'elles ont commis leur première infraction et purgent une peine de moins de 10 ans); 3) récidivistes (qui ont purgé plus d'une peine de ressort fédéral); 4) délinquantes purgeant une première peine qui est de longue duréeNote de bas de page 2(qui avaient moins de 50 ans lors de la première infraction et purgent une peine de 10 ans ou plus). Ce classement a déjà servi à étudier les délinquants âgés de sexe masculin, mais jamais les délinquantes âgées. Par conséquent, dans le but d'évaluer l'hétérogénéité de cette population précise, notre étude cherchera également à déterminer si les délinquantes âgées peuvent être classées selon une typologie distincte fondée sur leurs antécédents.

Objectif de l'étude

Cette étude est largement exploratoire; elle vise à examiner et à mieux comprendre les besoins des délinquantes âgées purgeant une peine de ressort fédéral au Canada. Étant donné cette nature exploratoire, le principal objectif de l'étude est de dresser un profil des délinquantes âgées purgeant une peine de ressort fédéral. Il faut espérer que ce profil constituera un prélude à l'examen plus poussé des difficultés avec lesquelles les délinquantes âgées sont aux prises dans les établissements et la collectivité, et qu'il servira de guide sur la meilleure manière, pour le SCC, de répondre à leurs besoins particuliers.

Ce profil a aussi comme objectif de comparer le niveau de risque et de besoins des délinquantes âgées (50 ans et plus) à ceux des plus jeunes (moins de 50 ans). Cette comparaison contribuera à mieux cerner les besoins propres aux délinquantes âgées par contraste à ceux qui s'appliquent aux délinquantes de tout âge.

Puisque plusieurs autres questions se sont révélées particulièrement importantes pour les délinquantes âgées, des comparaisons entre les délinquantes âgées et les délinquantes plus jeunes dans ces domaines sont également proposées. Les besoins étudiés comprennent l'adaptation au milieu carcéral, le réseau de soutien social ainsi que l'accessibilité et la participation aux programmes.

Il était prévu de comparer les femmes autochtones aux autres femmes, mais étant donné le faible nombre de délinquantes autochtones de 50 ans et plus (n = 17), et le nombre encore moindre de celles dont les facteurs criminogènes avaient été évalués (n = 5),le fait d'analyser comparativement ce sous-groupe de délinquantes aurait pu compromettre leur anonymat et la confidentialité des données. C'est pourquoi les données sur les délinquantes autochtones sont incluses dans l'échantillon global tout au long du rapport.

Enfin, cette étude tente de déterminer si les délinquantes âgées peuvent être classées selon la typologie utilisée dans les ouvrages sur les délinquants âgés.

Méthode

Échantillon

Le Système de gestion des délinquant(e)s (SGD), la base de données automatisée sur les délinquants du Service correctionnel du Canada (SCC), a été utilisé pour trouver toutes les délinquantes de 50 ans et plus en date de février 2008 (N = 160), qu'elles soient en établissement (n = 54) ou dans la collectivité (n = 106). Elles ont été appariées en fonction du milieu (c.-à-d. en établissement ou dans la collectivité) à un échantillon aléatoire de délinquantes plus jeunes (n = 160; moins de 50 ans) qui a servi de groupe témoin dans chacun des domaines étudiés. Le terme « délinquantes plus jeunes » se rapporte à ce groupe témoin dans le rapport.

Bien que les données sur les 160 femmes de 50 ans et plus aient été tirées du SGD, la taille de l'échantillon varie au cours de l'analyse en raison de lacunes dans les données; la taille de l'échantillon est précisée le cas échéant. De plus, la taille de l'échantillon varie selon la période analysée. Pour permettre l'étude de questions touchant les femmes âgées, certaines analyses tiennent uniquement compte des femmes de 50 ans et plus au moment auquel les données utilisées se rapportent. La taille de l'échantillon est précisée le cas échéant.

Mesures et approche analytique

Toutes les données de l'étude sont tirées du SGD. Pour faciliter la lecture du présent rapport, les données de même nature sont rassemblées et analysées, et les résultats sont présentés en quatre sections. Dans la première section se trouve une analyse descriptive des variables démographiques (c.-à-d. l'âge, la race et l'état civil) des deux groupes de délinquantes (délinquantes âgées et groupe témoin formé de délinquantes plus jeunes), une analyse comparative des infractions qu'avaient commises les délinquantes en établissement et les délinquantes sous surveillance dans la collectivité et une mise en contraste des types de mise en liberté chez les délinquantes âgées (qui avaient 50 ans et plus lors de leur mise en liberté) et chez les délinquantes plus jeunes. La deuxième section aborde les risques, les facteurs criminogènes et la motivation, et présente des comparaisons entre les délinquantes âgées et les plus jeunes. Les autres questions jugées importantes pour les délinquantes âgées (l'adaptation au milieu carcéral, le soutien social et les programmes) font l'objet de la troisième section. On y trouve les résultats respectifs des délinquantes âgées et des délinquantes plus jeunes et des comparaisons entre les deux groupes. Finalement, la quatrième section présente les résultats de l'analyse typologique exploratoire.

Risque, besoins et motivation

Le Suivi du plan correctionnel (SPC) sert à examiner les progrès accomplis par rapport au plan correctionnel du délinquant et à évaluer le niveau de risque de récidive, les facteurs criminogènes (c.-à-d. les sept domaines de besoins énumérés ci-dessous), la motivation (c.-à-d. la volonté de changer) et le potentiel de réinsertion sociale (c.-à-d. le risque pour la collectivité présenté par le délinquant) tout au long de sa peine (SCC, 2007a). Les données sont tirées du SPC le plus rapproché de la date de l'étude (c.-à-d. février 2008) pour rendre compte des niveaux de risque et de besoins les plus actuels des délinquantes. Les facteurs criminogènes (c.-à-d. les besoins qui, lorsqu'ils font l'objet d'une intervention, peuvent diminuer le risque de récidive) examinés sont l'emploi, les relations matrimoniales et familiales, les fréquentations, la toxicomanie, le fonctionnement dans la collectivité, l'orientation personnelle et affective et l'attitude. Comme bon nombre des délinquantes âgées étudiées avaient commencé à purger leur peine au cours de la dernière année (17,5 %) et n'avaient donc pas encore de SPC, ou avaient été relâchées avant que la rédaction du SPC ne devienne courante, l'échantillon s'est limité à 73 délinquantes âgées pour l'évaluation du risque, des besoins, de la motivation et du potentiel de réinsertion sociale. De plus, l'analyse a seulement tenu compte des femmes qui avaient 50 ans et plus au moment de l'évaluation du SPC, pour cerner exclusivement les besoins propres aux femmes âgées.

Pour déterminer si les délinquantes âgées ont des besoins différents de ceux des délinquantes plus jeunes, les résultats ont été étudiés par catégorie d'âge (délinquantes âgées et délinquantes plus jeunes). Un certain nombre d'analyses du chi carré ont servi à déterminer le niveau de risque et de besoins des délinquantes âgées comparativement à celui des plus jeunes.

Inconduite en établissement

Dans le but de déterminer avec quel degré de succès les délinquantes âgées s'adaptent au mode de vie carcéral, nous avons analysé leur implication dans des incidents d'inconduite en établissement. L'examen a porté sur le rôle, soit de victime soit de responsable, joué par la délinquante dans chaque incident, mineur ou grave. Les incidents graves comprennent l'homicide, les voies de fait, l'agression sexuelle, la bagarre, le comportement menaçant, la prise d'otages, l'incitation à l'émeute ou à la grève, la possession de drogue, la possession d'armes, l'évasion et la tentative d'évasion. Les incidents mineurs comprennent les autres infractions (p. ex. présence dans une zone interdite, endommagement ou destruction de biens). Nous avons tenu compte des dossiers d'inconduite en établissement de toutes les délinquantes pour l'année d'incarcération la plus rapprochée de la date de fin de l'étude. L'analyse n'a retenu que les délinquantes qui avaient 50 ans ou plus au cours de leur plus récente année d'incarcération. De plus, le nombre d'incidents en établissement en cours d'année varie énormément entre les délinquantes, ce qui a donné une distribution très asymétrique et aplatie. Pour compenser, il a fallu dichotomiser les variables (les incidents mineurs et les incidents graves ont été considérés séparément) pour analyser les données (c.-à-d. déterminer s'il y avait présence ou absence de la variable). Une comparaison du nombre d'incidents impliquant des délinquantes âgées à celui impliquant des délinquantes plus jeunes a été effectuée par une analyse du chi carré.

Visites

Pour évaluer l'existence d'un réseau de soutien social à l'extérieur de l'établissement, l'étude s'est basée sur le nombre de visites reçues en établissement. À cette fin, nous avons examiné les visites reçues par chaque délinquante au cours l'année d'incarcération la plus rapprochée de la date de l'étude. En plus des visites normales, les visites familiales privées (VFP) ont été comptabilisées. Ce type de visites donne l'occasion aux délinquantes de rencontrer des membres de leur famille en privé pour poursuivre ou renouer des relations familiales (SCC, 2008).

Le nombre de visites reçues par les délinquantes au cours de leur dernière année d'incarcération varie considérablement, ce qui donne une distribution asymétrique. Par conséquent, les données ont été analysées de deux manières. On a d'abord dichotomisé les données pour étudier les délinquantes qui avaient reçu des visites ou des VFP (c.-à-d. que les délinquantes ayant reçu au moins une visite ont été distinguées de celles n'en ayant reçu aucune). De plus, les données ont été tronquées à 12 visites et à 4 VFP pour permettre une analyse correcte de la distribution du nombre de visitesNote de bas de page 3. Puis, l'examen des différences entre les délinquantes âgées et les plus jeunes a été fait au moyen d'une analyse du chi carré, portant seulement sur les délinquantes qui avaient plus de 50 ans lors de leur mise en liberté et les délinquantes incarcérées au moment de l'étude.

Participation aux programmes

Les programmes auxquels les délinquantes âgées ont participé pendant leur peine la plus récente ont été examinés sous l'angle du nombre de délinquantes ayant participé à chaque programme et de leur taux d'achèvement. Il est à noter que les délinquantes ont de nombreuses raisons de ne pas suivre un programme jusqu'au bout : échec du programme, suspension, retrait, libération conditionnelle, transfert, mise en liberté ou, tout simplement, le fait de n'avoir pas fini de suivre le programme à la date de l'étude. Étant donné cette grande variété de raisons, les conclusions relatives au taux de succès sont nécessairement hypothétiques. On a effectué un certain nombre d'analyses du chi carré pour étudier les différences entre les délinquantes âgées et les délinquantes plus jeunes en matière de participation et d'achèvement de chaque type de programme. Cependant, étant donné le faible nombre de délinquantes participant à certains programmes (c.-à-d. les programmes destinés aux agresseurs sexuels, les programmes de santé et les programmes de prévention de la violence), il n'a pas été possible d'effectuer une analyse statistique pour tous les programmes.

Opérationnalisation des principaux termes

La section suivante donne des définitions de certains termes et concepts clés utilisés par le SCC et employés pour rendre compte des résultats de cette étude.

Infraction à l'origine de la peine

Dans le présent rapport, le terme infraction à l'origine de la peine désigne l'infraction en raison de laquelle un délinquant a été condamné et purge actuellement une peine.

Types de mise en liberté

Semi-liberté

La semi-liberté est une forme de libération conditionnelle qui peut habituellement être accordée à un délinquant six mois avant son admissibilité à la libération conditionnelle totale. La semi-liberté est accordée dans le but de permettre aux délinquants de travailler ou de faire du bénévolat dans la collectivité le jour, mais exige qu'ils retournent à un établissement correctionnel fédéral ou à un établissement résidentiel communautaire la nuit (LSCMLC, 1992).

Libération conditionnelle totale

La libération conditionnelle totale peut être accordée à un délinquant une fois qu'il a purgé le tiers de sa peine. Ce type de libération conditionnelle permet au délinquant de rester dans la collectivité pendant qu'il finit de purger sa peine (LSCMLC, 1992).

Libération d'office

La libération d'office désigne le droit d'un délinquant à être libéré pour une période de surveillance dans la collectivité après avoir purgé les deux tiers de sa peine (LSCMLC, 1992).

Évaluation des délinquants : risque, besoins, motivation et potentiel de réinsertion sociale

Risque global

Il est essentiel de déterminer le niveau de risque global de chaque délinquant, puisqu'il permet de décider du niveau d'intervention approprié. L'évaluation des facteurs statiques relatifs aux antécédents criminels, à la gravité de l'infraction et aux antécédents de délinquance sexuelle permet d'attribuer un niveau de risque faible, moyen ou élevé au délinquant (SCC, 2007b).

Facteurs criminogènes globaux

On utilise également une évaluation globale des facteurs criminogènes pour déterminer le niveau d'intervention approprié pour chaque délinquant. Ce dernier reçoit une cote de risque faible, moyen ou élevé en fonction de l'importance et du nombre des facteurs criminogènes constatés (SCC, 2007b).

Domaines de besoins

Les sept domaines de besoins sont évalués individuellement et classés selon l'échelle suivante : besoin manifeste d'amélioration, besoin modéré d'amélioration, aucun besoin immédiat d'amélioration ou facteur considéré comme un atoutNote de bas de page 4 (SCC, 2007b). Conformément aux lignes directrices sur la planification correctionnelle et le profil criminel (SCC, 2007b), les sept domaines sont définis comme suit :

Niveau de motivation

On assigne à chaque délinquant un niveau de motivation faible, moyen ou élevé en fonction de sa volonté de réaliser les objectifs de son plan correctionnel (SCC, 2007b).

Potentiel de réinsertion sociale

Le potentiel de réinsertion sociale sert à évaluer le risque que présente un délinquant pour la collectivité, au moment de déterminer le niveau d'intervention nécessaire ou lorsque est envisagée sa mise en liberté sous condition (CSC, 2003). Pour les femmes, cette évaluation repose sur l'évaluation selon l'Échelle de classement par niveau de sécurité, et sur l'évaluation des facteurs dynamiques (c.-à-d. les besoins globaux) et statiques (c.-à-d. le risque global) (SCC, 2007b).

Résultats

Profil descriptif

Pour les besoins de la présente étude, les délinquantes âgées avaient entre 50 et 97 ans, et l'âge moyen étant de 57,8 ans (ÉT = 7,66). Malgré le large intervalle d'âges, presque la moitié des délinquantes de l'échantillon étaient âgées de 50 à 54 ans (46,9 %) et le quart d'entre elles (26,3 %) avaient entre 55 et 59 ans. Du côté des délinquantes plus jeunes, l'âge moyen était de 34,3 ans (ÉT = 7,75), allant de 19,7 ans à 49,9 ans. Le tableau 1 présente la répartition exhaustive des délinquantes âgées et des délinquantes plus jeunes selon le groupe d'âge.

Des 153 délinquantes âgées dont l'origine ethnique était consignée dans le SGD, près des trois quarts étaient de race blanche (70,6 %). Les délinquantes autochtones (10,6 %) formaient le deuxième groupe ethnique en importance (tableau 2). La plupart des délinquantes plus jeunes étaient elles aussi de race blanche (56,3 %), mais la proportion d'Autochtones était plus élevée dans ce groupe (plus du quart, ou 28,1 %) que parmi les délinquantes âgées.

Au moment de l'évaluation initiale, un nombre considérable de délinquantes âgées vivaient en union de fait ou étaient mariées (39,4 %) ou encore étaient divorcées ou séparées (21,9 %; tableau 2). Fait intéressant, beaucoup des délinquantes plus jeunes étaient célibataires (51,3 %), mais la proportion de femmes mariées ou vivant en union de fait dans ce groupe (32,9 %) était semblable à celle des délinquantes âgées dans la même situation familiale.

Tableau 1
Répartition par groupe d'âge Chacun des échantillons compte 160 délinquantes (n = 160)
Délinquantes âgées n (%)
De 50 à 54 ans 75 (46,9)
De 55 à 59 ans 42 (26,3)
De 60 à 64 ans 19 (11,9)
De 65 à 69 ans 13 (8,1)
70 ans et plus 11 (6,9)
Délinquantes plus jeunes n (%)
Moins de 29 ans 54 (33,8)
De 30 à 34 ans 32 (20,0)
De 35 à 39 ans 28 (17,5)
De 40 à 44 ans 32 (20,0)
De 45 à 49 ans 14 (8,8)
Tableau 2
Caractéristiques démographiques de la population
N (%)
Délinquantes âgées
(n = 153)
Délinquantes plus jeunes
(n = 157)
Race

Race blanche

113 (70,6) 90 (56,3)

Race noire

8 (5,0) 13 (8,1)

AutochtoneNote de bas de page 1

17 (10,6) 45 (28,1)

AsiatiqueNote de bas de page 2

8 (5,0) 5 (3,1)

Autre race/race inconnueNote de bas de page 3

7 (4,4) 4 (2,5)
Délinquantes âgées
(n = 160)
Délinquantes plus jeunes
(n = 160)
État matrimonial

Mariée/union de fait

63 (39,4) 53 (32,9)

Divorcée/séparée

35 (21,9) 21 (13,0)

Célibataire

35 (21,9) 82 (51,3)

Veuve

22 (13,8) 2 (1,3)

Autre/état matrimonial inconnu

5 (3,1) 2 (1,3)

Footnotes

Note de bas de page 1

Les Autochtones englobent les Métisses, les Indiennes de l'Amérique du Nord et les Inuites.

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Note de bas de page 2

Les Asiatiques comprennent les Asiatiques du Sud, les Asiatiques du Sud-Est, les Chinoises, les Asiatiques de l'Asie occidentale/Arabes, les autres Asiatiques et les Philippines.

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Note de bas de page 3

Cette catégorie comprend les Latino‑Américaines ainsi que les délinquantes d'une autre race ou de race inconnue.

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Délinquantes âgées incarcérées

Au moment où nous avons recueilli les données pour la présente étude, 54 délinquantes âgées étaient incarcérées. L'âge de ces délinquantes variait entre 50 et 70 ans, et l'âge moyen était de 56,36 ans (ÉT = 6,02).

La plupart des délinquantes âgées en établissement purgeaient une peine pour homicide (53,7 %; tableau 5). Fait intéressant, si le tiers des délinquantes plus jeunes avaient également été condamnées pour homicide (33,3 %), dans le cas des autres infractions violentes (vol qualifié, voies de fait, autres infractions violentes), les proportions étaient plus élevées chez les plus jeunes (61,1 % contre 20,4 %).

Tableau 3
Infractions à l'origine de la peine des délinquantes incarcérées Chacun des échantillons compte 54 délinquantes (n = 54). Un certain nombre de femmes ont été condamnées pour plus d'une infraction.
Type d'infraction Délinquantes âgées
n (%)
Délinquantes plus jeunes
n (%)

Homicide

29 (53,7)

18 (33,3)

Tentative de meurtre

3 (5,6)

0 (0)

Infraction sexuelle

2 (3,7)

1 (1,9)

Vol qualifié

2 (3,7)

12 (22,2)

Voies de fait

5 (9,3)

15 (27,8)

Autres infractions violentes

4 (7,4)

6 (11,1)

Conduite avec facultés affaiblies

0 (0)

5 (9,3)

Infraction contre les biensNote de bas de page 1

9 (16,7)

18 (33,3)

Infraction liée à la drogue

10 (18,5)

7 (13,0)

Autres infractionsNote de bas de page 2

18 (33,3)

29 (53,7)

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Les infractions contre les biens englobent les cas d'introduction par effraction de même que les autres infractions liées aux biens.

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Note de bas de page 2

Tout au long du rapport, les « autres » infractions s'entendent des crimes qu'il n'était pas possible de classer dans l'une ou l'autre des catégories préalablement définies (p. ex. omission de se conformer, manquement aux conditions de la probation, déguisement dans un dessein criminel).

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Délinquantes âgées sous surveillance dans la collectivité

Au moment où les données ont été recueillies, 106 des 160 délinquantes âgées purgeaient le reste de leur peine dans la collectivité. L'âge de ces délinquantes au moment de l'extraction des données variait entre 50 et 97 ans, la moyenne étant de 58,59 ans (ÉT = 8,29).

La plupart des délinquantes âgées sous surveillance dans la collectivité (82,1 %) en étaient à leur première peine de ressort fédéral. Près de la moitié avaient commis un homicide (48,1 %; tableau 4) et le quart étaient condamnées pour une infraction liée à la drogue (24,5 %). Les délinquantes plus jeunes sous surveillance dans la collectivité étaient moins nombreuses à purger une peine pour homicide (19,8 %), mais relativement plus nombreuses à avoir commis des infractions liées à la drogue (37,7 %). Par ailleurs, comparativement aux délinquantes âgées, les plus jeunes étaient proportionnellement plus nombreuses à être condamnées pour d'autres infractions violentes (32,0 % contre 9,5 %) et des infractions contre les biens (introduction par effraction, autres infractions liées aux biens; 33,0 % contre 20,7 %).

Tableau 4
Infractions à l'origine de la peine des délinquantes sous surveillance dans la collectivité

Chaque échantillon compte 106 délinquantes(n = 106). Un certain nombre de femmes ont été condamnées pour plus d'une infraction.

Type d'infraction Délinquantes âgées
n (%)
Délinquantes plus jeunes
n (%)

Homicide

51 (48,1)

21 (19,8)

Tentative de meurtre

2 (1,9)

2 (1,9)

Infraction sexuelle

1 (0,9)

2 (1,9)

Vol qualifié

2 (1,9)

14 (13,2)

Voies de fait

4 (3,8)

12 (11,3)

Autres infractions violentes

4 (3,8)

8 (7,5)

Conduite avec facultés affaiblies

1 (0,9)

0 (0)

Infraction contre les biensNote de bas de page 1

22 (20,8)

35 (33,0)

Infraction liée à la drogue

26 (24,5)

40 (37,7)

Autres infractions

25 (23,6)

57 (53,8)

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Les infractions contre les biens englobent les cas d'introduction par effraction de même que les autres infractions liées aux biens.

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Types de mise en liberté des délinquantes sous surveillance dans la collectivité

Seules les femmes qui avaient 50 ans ou plus au moment de leur mise en liberté ont été prises en considération pour l'analyse des types de mise en liberté accordés aux délinquantes âgées (n = 59). La majorité se sont vu accorder une libération conditionnelle totale (67,8 %) ou une semi-liberté (20,3 %; tableau 4). Nous avons effectué d'autres analyses pour examiner les différences potentielles entre les délinquantes plus jeunes et les délinquantes âgées à qui avait été accordée une semi‑liberté, une libération conditionnelle totale ou une libération d'office. Comparativement aux plus jeunes, les délinquantes âgées étaient, en proportion, significativement moins nombreuses à avoir obtenu une libération d'office et plus nombreuses à avoir obtenu une libération conditionnelle totale (χ2 (2) = 7,61, p < 0,05).

Tableau 5
Types de mise en liberté des délinquantes sous surveillance dans la collectivité
Type de mise en liberté Délinquantes âgées
n (%)
Délinquantes plus jeunes
n (%)
Semi-liberté 12 (20,3) 25 (24,5)
Libération conditionnelle totale 40 (67,8) 49 (48,0)
Libération d'office 6 (10,2) 26 (25,5)
Surveillance à long terme 1 (1,7) 2 (2,0)

Total n

59

102

Note:

Puisque les données sur les infractions liées à l'homicide n'ont pas été désagrégées pour permettre l'analyse des cas où les délinquantes purgeaient une peine pour meurtre ou homicide involontaire coupable, la proportion de délinquantes âgées qui se sont vu accorder une libération conditionnelle totale est probablement supérieure en raison du nombre de délinquantes âgées qui ont été condamnées pour des infractions liées à l'homicide. Des 59 délinquantes âgées analysées, 51 avaient été condamnées pour homicide, comparativement à 21 jeunes délinquantes. Cette situation a une influence sur la proportion de femmes qui ont obtenu une libération conditionnelle totale par rapport à la proportion de femmes qui ont obtenu une libération d'office puisque les délinquants condamnés pour meurtre ne sont pas admissibles à la libération d'office.

Risque, besoins et motivation des délinquantes âgées

Seules les délinquantes âgées de plus de 50 ans au moment de l'évaluation ont été prises en considération dans les analyses qui suivent (n = 73). Nous avons également observé un groupe témoin composé de 116 délinquantes plus jeunes afin d'établir des comparaisons sur le plan du risque, des besoins, de la motivation et du potentiel de réinsertion sociale entre les deux groupes de délinquantes.

Facteurs criminogènes

Sur le plan des besoins globaux, seulement 13,7 % des délinquantes âgées avaient des besoins élevés (tableau 6). Comparativement aux plus jeunes, les délinquantes âgées étaient significativement plus nombreuses à présenter de faibles besoins globaux (45,2 % contre 15,5 %; χ2 (2) = 26,84, p < 0,001). Par conséquent, elles étaient proportionnellement moins nombreuses à avoir des besoins élevés comparativement aux plus jeunes.

Tableau 6
Besoins globaux
Besoins Délinquantes âgées
n (%)
Délinquantes plus jeunes
n (%)
Faibles 33 (45,2) 18 (15,5)
Moyens 30 (41,1) 48 (41,4)
Élevés 10 (13,7) 50 (43,1)

Total n

73

116

Domaines de besoins

Le tableau 7 résume les domaines de besoins et indique le nombre de femmes qui présentaient des besoins modérés ou des besoins manifestes dans chacun de ces domaines. Près des trois quarts des délinquantes âgées (74,0 %) présentaient des besoins modérés ou manifestes sur le plan de l'orientation personnelle et affective, tandis que la moitié (50,9 %) avaient des besoins élevés en ce qui a trait aux fréquentations. Il semble que dans tous les domaines, les délinquantes plus jeunes affichaient des besoins plus élevés que les délinquantes âgées, et cela est particulièrement vrai dans le cas de l'emploi, des fréquentations et de la toxicomanie.

L'annexe 1 offre une analyse détaillée de chaque domaine de besoins et présente notamment les résultats des tests du chi carré visant à comparer les délinquantes plus jeunes et les délinquantes âgées.

Tableau 7
Proportion de délinquantes présentant des besoins modérés ou manifestes Les totaux ne correspondent pas à 100 % car chaque domaine a été examiné de manière distincte dans chacun des échantillons. Délinquantes âgées : N = 73; délinquantes plus jeunes : N = 116.
Domaine Délinquantes âgées
n (%)
Délinquantes plus jeunes
n (%)
Emploi 30 (41,1) 79 (71,3)
Relations matrimoniales et familiales 32 (43,9) 67 (58,3)
Fréquentations 37 (50,7) 81 (70,4)
Toxicomanie 27 (37,0) 81 (70,4)
Fonctionnement dans la collectivité 22 (30,1) 37 (32,2)
Orientation personnelle et affective 54 (74,0) 93 (80,8)
Attitude 16 (21,9) 39 (33,9)

Risque global

D'après les résultats obtenus, la plupart des délinquantes âgées présentaient un risque faible ou modéré (89,9 %; tableau 8).

Comparativement aux délinquantes âgées, les délinquantes plus jeunes étaient, en proportion, significativement plus nombreuses (χ2 (2) = 6,79, p < 0,05) à afficher un niveau de risque global modéré (35,1 % contre 43,1 %) ou élevé (9,6 % contre 19,8 %).

Tableau 8
Risque global
Risque Délinquantes âgées
n (%)
Délinquantes plus jeunes
n (%)
Faible 40 (54,8) 43 (37,1)
Modéré 26 (35,1) 50 (43,1)
Élevé 7 (9,6) 23 (19,8)

Total n

73

116

Niveau de motivation

La motivation est évaluée en fonction de la volonté des délinquantes de mener à terme leur plan correctionnel. D'après les données sur la motivation consignées dans le SPC, les délinquantes âgées affichaient globalement une motivation élevée (64,4 %; tableau 9). Très peu d'entre elles avaient un bas niveau de motivation (4,1 %).

Puisque la motivation des délinquantes plus jeunes est semblable à celle des délinquantes âgées, on ne note aucune différence significative dans le niveau global de motivation entre les deux groupes.

Tableau 9
Niveau de motivation
Niveau de motivation Délinquantes âgées
n (%)
Délinquantes plus jeunes
n (%)
Faible 3 (4,1) 5 (4,3)
Modéré 23 (31,5) 29 (25,0)
Élevé 47 (64,4) 82 (70,7)

Total n

73

116

Potentiel de réinsertion sociale

Sur le plan du potentiel de réinsertion sociale (tableau 10), les délinquantes âgées étaient, en proportion, significativement plus nombreuses que les plus jeunes à présenter un potentiel de réinsertion sociale élevé (68,5 % contre 49,1 %; χ2 (2) = 11,18, p < 0,01).

Tableau 10
Potentiel de réinsertion sociale
Potentiel de réinsertion sociale Délinquantes âgées
n (%)
Délinquantes plus jeunes
n (%)
Faible 1 (1,4) 15 (12,9)
Modéré 22 (30,1) 44 (37,9)
Élevé 50 (68,5) 57 (49,1)

Total n

73

116

Autres aspects se rapportant aux délinquantes âgées

Adaptation au milieu carcéral : inconduite en établissement (aspect évalué sur une année d'incarcération)

Seulement trois délinquantes âgées ont été victimes d'incidents graves en établissement; aucune n'a été victime d'incidents mineurs (tableau 11). En raison de ces faibles taux de référence, il n'a pas été possible d'effectuer des analyses statistiques pour comparer les deux groupes sur ce point. Il s'agit d'une constatation importante puisque dans les études antérieures – bien qu'elles soient surtout axées sur les délinquants de sexe masculin – on soutient que les délinquants âgés sont souvent maltraités par leurs pairs dans les établissements correctionnels (p. ex. Kratcoski et Babb, 1990).

En ce qui concerne le taux de mauvaise conduite en établissement, les délinquantes plus jeunes ont été, en proportion, significativement plus nombreuses que les plus âgées à être responsables d'incidents mineurs dans leur dernière année d'incarcération (33,8 % par rapport à 8,8 %; χ2 (1) = 35,70, p < 0,001), mais aucune différence significative n'a été relevée dans le cas des incidents graves.

Tableau 11
Inconduite en établissement (sur une année d'incarcération) On a déterminé l'âge en calculant l'âge de la délinquante au moment de la plus récente année d'incarcération (par rapport à la date de l'étude).
Rôle Délinquantes âgées
n (%)
Délinquantes plus jeunes
n (%)
Victime
Incident grave 3 (2,6) 6 (3,8)
Incident mineur 0 (0) 9 (5,6)
Responsable
Incident grave 8 (7,0) 15 (9,4)
Incident mineur 10 (8,8) 54 (33,8)

Total n

114

160

Soutien social : visites (aspect évalué sur une année d'incarcération)

Dans l'ensemble, 50 délinquantes âgées (43,9 %) ont reçu au moins une visite durant leur dernière année d'incarcération, 14 de ces visites (12,3 %) étant des visites familiales privées (tableau 12). En moyenne, les délinquantes ont reçu 3,3 visites (ÉT = 4,7) et 0,3 visite familiale privée (ÉT = 0,9). Les moyennes sont similaires dans le cas des délinquantes plus jeunes : 3,7 visites (ÉT = 4,8) et 0,2 visite familiale privée (ÉT = 0,6).

Aucune différence significative entre les deux groupes n'a été relevée en ce qui a trait aux visites.

Tableau 12
Nombre de visites reçues sur une année d'incarcération On a déterminé l'âge en calculant l'âge de la délinquante au moment de la plus récente année d'incarcération (par rapport à la date de l'étude).
Visites Délinquantes âgées
n (%)
Délinquantes plus jeunes
n (%)
A reçu au moins une visite 50 (43,9) 85 (53,1)
Répartition selon le nombre de visites reçues

Entre 1 et 4 visites

17 (14,9) 35 (21,9)

Entre 4 et 9 visites

12 (10,5) 15 (9,4)

10 visites ou plus

21 (18,4) 35 (21,9)
A reçu au moins une visite familiale privée 14 (12,3) 15 (9,4)
Répartition selon le nombre de visites familiales privées reçues

1 visite familiale privée

6 (5,3) 8 (5,0)

2 visites familiales privées

2 (1,8) 4 (2,5)

3 visites familiales privées

0 (0,0) 2 (1,3)

4 visites familiales privées ou plus

6 (5,3) 1 (0,6)

Total n

114

160

Participation aux programmes

Pour ce qui est de la participation des délinquantes âgées aux programmes correctionnels, il semble que les « autres » programmes (p. ex. programme d'aumônerie, programme pour délinquants ayant des besoins spéciaux, initiatives ethnoculturelles, programme de perfectionnement personnel et programme de visites) enregistrent une plus large adhésion (75,0 %; tableau 13). En proportion, significativement plus de délinquantes âgées que de délinquantes plus jeunes se sont inscrites à ces programmes (χ2 (1) = 30,00, p < 0,001) et les ont menés à terme (χ2 (1) = 6,54, p < 0,05).

Les plus jeunes sont proportionnellement plus nombreuses à s'inscrire à des programmes d'éducation (χ2 (1) = 33,82, p < 0,001), à des programmes de traitement de la toxicomanie (χ2 (1) = 31,92, p < 0,001), à des programmes psychologiques (χ2 (1) = 6,45, p < 0,05) et à des programmes d'acquisition de compétences psychosociales (χ2 (1) = 4,98, p < 0,05). Si on compare les taux d'achèvement des programmes chez les deux groupes, on constate chez les délinquantes âgées un taux d'achèvement des programmes axés les femmes significativement plus élevé (χ2 (1) = 9,60, p < 0,01), tandis que les plus jeunes enregistrent un taux d'achèvement significativement plus élevé dans le cas des programmes d'éducation (χ2 (1) = 10,32, p < 0,01).

Tableau 13
Programmes : inscriptions et taux d'achèvement Puisque les programmes d'emploi n'ont pas de date de fin, seules les inscriptions peuvent être analysées. Lorsque la valeur probable du chi carré était inférieure à 5, elle n'a pas été calculée (--). *p < 0,05; ** p <0,01; *** p<0,001; ns = non significatif.
Type de programme Délinquantes inscrites
n (% de l'échantillon)
Délinquantes ayant mené le programme à termeNote de bas de page 1
n (% des délinquantes inscrites)
Délinquantes âgées Délinquantes plus jeunes χ2 Délinquantes âgées Délinquantes plus jeunes χ2

Prévention de la violence

11 (6,9)

13 (8,1)

ns

11 (100,0)

11 (84,6)

--

Éducation

52 (32,5)

104 (65,0)

***

25 (48,1)

77 (74,0)

**

Programmes pour délinquants sexuels

1 (0,6)

2 (1,3)

--

0 (0,0)

2 (100,0)

--

Toxicomanie

31 (19,4)

79 (49,4)

***

21 (67,7)

56 (70,9)

ns

Programmes ciblant les femmes

31 (19,4)

54 (33,8)

ns

29 (93,5)

34 (63,0)

**

Psychologie

21 (13,1)

39 (24,4)

**

14 (66,7)

27 (69,2)

ns

Santé

10 (6,3)

16 (10,0)

ns

10 (100,0)

16 (100,0)

--

Violence familiale

7 (4,4)

7 (4,4)

ns

7 (100,0)

3 (42,9)

--

Acquisition de compétences psychosociales

46 (28,8)

65 (40,6)

*

43 (93,5)

61 (93,8)

--

Emploi

38 (23,8)

45 (28,1)

ns

S.O.

S.O.

S.O.

Programmes ciblant les Autochtones

10 (6,3)

14 (8,8)

ns

8 (80,0)

13 (86,7)

--

Autres programmesNote de bas de page 2

120 (75,0)

72 (45,0)

***

98 (82,0)

47 (65,3)

*

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Les données n'ont trait qu'aux femmes qui se sont inscrites au programme.

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Note de bas de page 2

Cette catégorie englobe tous les programmes qui ne se rapportent à aucune des autres catégories (p. ex. programme d'aumônerie, programme de perfectionnement personnel).

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Antécédents criminels

Nous avons examiné les antécédents criminels (à l'âge adulte) des délinquantes âgées de l'échantillon afin de déterminer dans quelle mesure le système de classement des délinquants âgés de sexe masculin pouvait s'appliquer à ces femmes. Les catégories sont les suivantes : 1) délinquantes âgées purgeant une première peine (délinquantes ayant commis une infraction pour la première fois après 50 ans); 2) récidivistes (délinquantes de plus de 50 ans qui ont commis plus d'une infraction); 3) délinquantes purgeant une première peine qui est de longue durée (délinquantes de plus de 50 ans qui purgent une peine de longue durée pour un crime commis tôt dans leur vie) (Aday, 1994; Uzoaba, 1998). Une quatrième catégorie, délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine, a été définie pour tenir compte des délinquantes qui ne sont pas des délinquantes âgées purgeant une première peine (puisqu'elles ont commis leur crime avant l'âge de 50 ans) et qui ne purgent pas une peine de longue durée (puisqu'elles purgent une peine de moins de 10 ans).

L'âge moyen à la première peine de ressort fédéral des délinquantes âgées était d'environ 45 ans (M = 45,98, ÉT = 11,4). Fait intéressant, des 161 délinquantes âgées considérées dans le cadre de la présente étude, 129 (80,1 %) en étaient à leur première peine de ressort fédéral et 76 (47,2 %) avaient plus de 50 ans lorsqu'elles ont commis l'infraction à l'origine de la peine. De ces 76 délinquantes, 66 (87 %) purgeaient leur première peine de ressort fédéral et 13 (17,1 %) étaient des récidivistes (c.-à-d. qu'elles en étaient au moins à leur deuxième peine de ressort fédéral). De manière comparable, 76,4 % (n = 123) des délinquantes plus jeunes du groupe témoin purgeaient également leur première peine de ressort fédéral.

Les données ont été réparties en fonction du type d'infraction et de l'âge au moment de l'infraction à l'origine de la peine afin que l'on puisse examiner la nature des crimes commis par les délinquantes âgées. Cette étape vise à faciliter la création d'une typologie adéquate, car elle permet de déterminer si la délinquante a commis l'infraction à l'origine de la peine avant ou après l'âge de 50 ans (tableau 14). Fait intéressant, toutes catégories d'âge confondues, le crime le plus fréquemment commis est l'homicide : la moitié des délinquantes (50,0 %) purgeant une peine pour un crime de cette nature.

Tableau 14
Délinquantes âgées : infraction à l'origine de la peine selon l'âge au moment de l'acte
Type d'infraction Moins de 50 ans
(n = 85)
n (%)
50 ans ou plus
(n = 75)
n (%)
Total Note de bas de page 1
(n = 160)
n (%)

Homicide

56 (65,9)

24 (32,0)

80 (50,0)

Tentative de meurtre

4 (4,7)

1 (1,3)

5 (3,1)

Infraction sexuelle

1 (1,2)

2 (2,7)

3 (1,9)

Vol qualifié

2 (2,4)

2 (2,7)

4 (2,5)

Voies de fait

3 (3,5)

6 (8,0)

9 (5,6)

Autres infractions violentes

5 (5,9)

3 (4,0)

8 (5,0)

Conduite avec facultés affaiblies

1 (1,2)

0 (0)

1 (0,6)

Introduction par effraction

2 (2,4)

0 (0)

2 (1,3)

Autres infractions contre les biens

15 (17,6)

14 (18,7)

29 (18,1)

Infractions liées à la drogue

12 (14,1)

24 (32,0)

36 (22,5)

Autres infractions Note de bas de page 2

21 (24,7)

23 (29,3)

44 (26,9)

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Un certain nombre de délinquantes ont commis plus d'une infraction, c'est pourquoi le total ne correspond pas à 160 (n ≠ 160).

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Note de bas de page 2

Les « autres » infractions s'entendent des crimes qu'il n'était pas possible de classer dans l'une ou l'autre des catégories préalablement définies. Toutes les proportions (%) sont établies en fonction de l'échantillon de délinquantes concerné.

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Examen d'une typologie potentielle

Dans l'ensemble, sans égard à l'âge, nous avons constaté qu'une faible proportion de délinquantes étaient des récidivistes. Le tableau 15 illustre la répartition de l'échantillon de délinquantes âgées selon les différentes catégories énoncées antérieurement dans le rapport. Plus du tiers des délinquantes étaient des délinquantes âgées purgeant une première peine (37,9 %); près d'un autre tiers étaient des délinquantes purgeant une première peine qui est de longue durée (29,8 %). Il semble que les délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine (12,4 %) et les récidivistes (19,9 %) étaient moins nombreuses.

Tableau 15
Examen d'une typologie des délinquantes âgées
Catégorie Délinquantes incarcérées
n (%)
Délinquantes sous surveillance dans la collectivité
n (%)
Total
n (%)

Délinquantes âgées purgeant une première peine

Première infraction commise après 50 ans

22 (40,7)

39 (36,4)

61 (37,9)

Délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine

Première infraction commise avant 50 ansNote de bas de page 1

5 (9,3)

15 (14,0)

20 (12,4)

Récidivistes

Plus d'une infraction de ressort fédéral

13 (24,1)

19 (17,8)

32 (19,9)

Délinquantes purgeant une première peine qui est de longue durée

Peine de plus de 10 ansNote de bas de page 2

14 (25,9)

34 (31,8)

48 (29,8)

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Peine de moins de 10 ans.

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Note de bas de page 2

Cette catégorie n'englobe que les délinquantes de moins de 50 ans au moment de l'infraction à l'origine de la peine. n = 160.

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Infraction à l'origine de la peine selon la catégorie de délinquantes

Le tableau 16, qui illustre la répartition des infractions à l'origine de la peine selon le type d'infraction et la catégorie de délinquantes, permet d'examiner plus en détail les différences d'un groupe de délinquantes à l'autre. Les résultats révèlent des différences significatives dans la nature des crimes commis par chaque type de délinquantes, tant pour les infractions violentes (χ2 (3) = 46,26, p < 0,001) que pour les infractions non violentes (χ2 (2) = 34,62, p < 0,001). Plus précisément, on constate que les délinquantes âgées purgeant une première peine ont surtout commis des homicides (33,3 %) ou des infractions liées à la drogue (35,0 %). Les récidivistes ont, quant à elles, perpétré principalement des infractions non violentes (conduite avec facultés affaiblies, infractions contre les biens, infractions liées à la drogue : 56,3 %), mais également de nombreux homicides (47,0 %). Les délinquantes purgeant une première peine qui est de longue durée ont surtout commis des infractions violentes (homicides dans 91,7 % des cas) tandis que les délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine ont principalement commis des infractions non violentes (70,0 %).

Tableau 16
Répartition des infractions selon le type d'infraction et la catégorie de délinquantes
Type d'infraction Délinquantes âgées purgeant une première peine
n (%)
Récidivistes
n (%)
Délinquantes purgeant une première peine qui est de longue durée
n (%)
Délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine
n (%)

Homicide

20 (33,3)

15 (46,9)

44 (91,7)

1 (5,0)

Tentative de meurtre

1 (1,7)

0 (0,0)

4 (8,3)

0 (0,0)

Infraction sexuelle

2 (3,3)

0 (0,0)

1 (2,1)

0 (0,0)

Vol qualifié

1 (1,7)

1 (3,1)

2 (4,2)

0 (0,0)

Voies de fait

4 (6,7)

3 (9,4)

0 (0,0)

2 (10,0)

Autres infractions violentes

2 (3,3)

2 (6,3)

3 (6,3)

1 (5,0)

Conduite avec facultés affaiblies

0 (0,0)

1 (3,1)

0 (0,0)

0 (0,0)

Autres infractions contre les biensNote de bas de page 1

8 (13,3)

12 (37,5)

6 (12,5)

5 (25,0)

Infractions liées à la drogue

21 (35,0)

5 (15,6)

1 (2,1)

9 (45,0)

Autres infractionsNote de bas de page 2

15 (25,0)

13 (40,6)

7 (14,6)

8 (40,0)

Taille des échantillons : délinquantes âgées purgeant une première peine : n = 60; récidivistes : n = 32; délinquantes purgeant une première peine qui est de longue durée : n = 48; délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine : n = 20. Un certain nombre de délinquantes ont commis plus d'une infraction, c'est pourquoi le total ne correspond pas à 160 (n ≠ 160).

Les données en pourcentage représentent la proportion de délinquantes de la catégorie en question qui purgent une peine pour le type d'infraction ciblé.

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Les autres infractions contre les biens englobent les cas d'introduction par effraction et les autres infractions liées aux biens.

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Note de bas de page 2

Les autres infractions comprennent les crimes qu'il n'était pas possible de classer dans l'une ou l'autre des catégories préalablement définies.

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Analyse

La présente étude fait ressortir plusieurs éléments qui font des délinquantes âgées un groupe bien distinct des autres délinquantes. L'étude visait trois grands objectifs : 1) dresser un profil exhaustif des délinquantes âgées; 2) comparer les délinquantes âgées et les délinquantes plus jeunes quant aux niveaux de risque et de besoins, et à d'autres facteurs se rapportant aux délinquantes âgées; 3) évaluer la pertinence et l'utilité de créer une typologie des délinquantes âgées. Chacun de ces aspects a été abordé dans le rapport; toutefois, un certain nombre de points pourraient faire l'objet d'une analyse ultérieure plus approfondie.

En ce qui a trait aux domaines de besoins, l'orientation personnelle et affective se démarque particulièrement : en effet, les trois quarts des délinquantes de l'échantillon présentent des besoins modérés ou manifestes à cet égard. Les fréquentations et les relations matrimoniales et familiales arrivent respectivement au deuxième et au troisième rang. Cette constatation, qui cadre avec la théorie relationnelle (Miller, 1986), corrobore l'hypothèse selon laquelle les délinquantes âgées ont des besoins relationnels plus importants puisque l'incarcération vient perturber leur réseau social (Beal, 2006), en particulier leurs fréquentations et leurs relations familiales. Par ailleurs, étant donné le nombre de délinquantes présentant des besoins d'ordre personnel et affectif, il pourrait être judicieux d'envisager l'adoption de programmes et de méthodes d'intervention qui ciblent ces aspects et qui s'adressent précisément aux délinquantes âgées.

Les résultats indiquent que, comparativement aux plus jeunes, les délinquantes âgées présentent des besoins globaux et un niveau de risque global moins élevés de même qu'un meilleur potentiel de réinsertion sociale. Bien que les délinquantes âgées aient des besoins modérés ou manifestes dans un certain nombre de domaines, si on établit une comparaison avec les délinquantes plus jeunes, les seules différences significatives entre les deux groupes se rapportent à l'emploi, à la toxicomanie, aux fréquentations et à l'attitude : dans tous ces domaines, les délinquantes âgées affichent des besoins moins élevés que les plus jeunes. Fait intéressant, d'après un récent rapport du SCC sur les besoins des délinquants âgés de sexe masculin, des écarts significatifs entre les délinquants plus jeunes et les délinquants âgés ont été relevés dans les quatre mêmes domaines (Greiner et Allenby, sous presse). Plus précisément, il a été constaté que les délinquants plus jeunes (ceux de moins de 50 ans) étaient proportionnellement plus nombreux à avoir des besoins élevés dans ces domaines que les délinquants âgés. Ces constatations préliminaires portent à croire que les différences relevées entre les facteurs criminogènes des délinquants âgés et des délinquants plus jeunes et les différences entre les délinquantes âgées et les délinquantes plus jeunes sont, dans une certaine mesure, comparables.

Outre les différences entre les facteurs criminogènes des délinquantes âgées et ceux des délinquantes plus jeunes, l'étude fait ressortir des similitudes et des différences dans les besoins plus généraux de ces femmes. Pour analyser le soutien social, nous nous sommes fondées sur le nombre de visites reçues. Il semble que les deux groupes se ressemblent sur ce point, du moins en ce qui a trait au soutien que ces femmes reçoivent de l'extérieur de l'établissement. Néanmoins, on ne peut tirer que des conclusions provisoires. D'après une étude d'Aday et Nation (2001, cités dans Aday, 2003), bien que 93 % des délinquantes âgées incarcérées demeurent en contact avec les membres de leur famille, seulement 10 % reçoivent des visites de leurs proches. Compte tenu de cette observation, on pourrait examiner d'autres variables, en plus du nombre de visites, afin d'analyser en profondeur le soutien dont bénéficient les délinquantes âgées. À titre d'exemple, il pourrait être intéressant d'examiner le soutien offert aux délinquantes en établissement. Il a été avancé que les femmes créent des liens d'amitié au sein de l'établissement pour compenser la perte des relations sociales qu'elles entretenaient avant d'être incarcérées (Aday, 2003). Plusieurs études portent à croire que les délinquantes recréent une structure familiale dans l'établissement (Aday, 2003; Jiang et Winfree, 2006) et que les plus âgées du groupe jouent généralement le rôle de mère (Owen, 1998, cité dans Hensley et Tewksbury, 2002).

Puisque le soutien social peut avoir une influence sur la capacité d'adaptation au milieu carcéral des délinquantes âgées (Aday, 2003; Kratcoski et Babb, 1990), nous avons supposé que les délinquantes âgées seraient aux prises avec des difficultés d'adaptation considérables et seraient, par conséquent, plus souvent impliquées dans des incidents en établissement. Fait intéressant, l'hypothèse s'est révélée non fondée; en effet, les données indiquent que les délinquantes âgées ne sont généralement pas impliquées dans les incidents en établissement, ni comme responsables, ni comme victimes. Cela va dans le sens des résultats d'une étude effectuée aux États-Unis, dans le cadre de laquelle on constatait que les délinquantes âgées avaient déclaré un moins grand nombre d'infractions aux règles que les plus jeunes (Jiang et Winfree, 2006). Toutefois, ces résultats vont à l'encontre de ceux d'une étude axée sur les délinquants de sexe masculin, qui donnent à penser que les délinquants âgés risquent plus souvent d'être victimes d'incidents en établissement (Kratcoski et Babb, 1990). Nous avons noté avec intérêt que, sur ce point, les résultats des délinquantes plus jeunes sont assez similaires à ceux des délinquantes âgées. Plus précisément, bien qu'elles soient un peu plus souvent impliquées dans les incidents en établissement, relativement peu de délinquantes plus jeunes ont été victimes de tels incidents (mineurs ou graves) et peu ont commis des infractions graves. Le seul pourcentage qui semble un peu élevé a trait à la proportion de délinquantes plus jeunes à l'origine d'incidents mineurs (33,8 %).

Les résultats de la présente étude font état de différences entre les deux groupes de délinquantes dans les taux d'achèvement et de non-achèvement des programmes. En règle générale, les délinquantes âgées affichent un taux d'inscription aux programmes moins élevé, en particulier dans les programmes psychologiques, d'éducation, d'acquisition de compétences psychosociales et de traitement de la toxicomanie. Par contre, on ne sait pas si la raison pour laquelle les délinquantes âgées ne s'inscrivent pas à ces programmes est qu'on évalue leurs besoins dans ces domaines comme étant faibles ou si d'autres obstacles restreignent l'accès aux programmes offerts. En outre, les délinquantes âgées sont relativement plus nombreuses que les plus jeunes à mener à terme les programmes ciblant les femmes et moins nombreuses à terminer les programmes d'éducation. Il serait utile d'amorcer un dialogue avec les délinquantes âgées pour mettre en lumière les raisons qui expliquent ces faibles taux d'inscription et d'achèvement, d'autant plus que les études antérieures donnent à penser que les délinquantes considérant ces activités comme une source de soutien font généralement preuve d'optimisme à l'égard de leur avenir (Whitney-Gildea, 2001). Par ailleurs, la participation aux activités et aux programmes offerts en établissement aide les délinquantes à mieux s'adapter sur le plan émotionnel (moins de colère refoulée ou de passages à l'acte; Whitney-Gildea, 2001).

Afin d'évaluer la pertinence de la typologie envisagée pour les délinquantes âgées, nous avons examiné et organisé les antécédents criminels de ces dernières en fonction d'un système de classement des délinquants âgés de sexe masculin jugé adéquat. En règle générale, les délinquantes âgées font partie de l'une ou l'autre des quatre catégories suivantes, selon leurs antécédents criminels : 1) délinquantes âgées purgeant une première peine (n = 61), lesquelles ont commis une infraction pour la première fois après 50 ans; 2) délinquantes purgeant une première peine qui est de longue durée (n = 48), lesquelles ont commis une infraction pour la première fois avant 50 ans, mais purgent une peine de longue durée; 3) délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine (n = 20), lesquelles ont commis une infraction pour la première fois à un âge moyen (mais avant 50 ans) et purgent une peine de moins de 10 ans; 4) récidivistes (n = 32), lesquelles ont purgé plus d'une peine de ressort fédéral. Goetting (1984), qui a eu recours à une typologie similaire pour étudier les délinquants âgés de sexe masculin, est parvenue à la conclusion que la répartition des infractions selon le type ne varie pas significativement d'une catégorie de délinquants à une autre. Les résultats de notre étude vont cependant à l'encontre de cette conclusion et semblent indiquer que la nature des crimes commis par les délinquantes âgées varie de manière significative d'une catégorie de délinquantes à une autre. Plus précisément, comme on pouvait s'y attendre, chez les délinquantes âgées, les délinquantes purgeant une première peine qui est de longue durée étaient proportionnellement plus nombreuses à avoir commis des infractions violentes. En outre, les délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine étaient celles qui avaient commis le plus souvent des infractions non violentes.

En phase avec les résultats (17,1 %) d'Uzoaba (1998), seulement 19 % des délinquantes âgées prises en considération dans la présente étude sont des récidivistes (c.‑à‑d. qu'elles ont purgé plus d'une peine de ressort fédéral). Cette proportion cadre avec les statistiques canadiennes, selon lesquelles environ 15 % des délinquantes sous responsabilité fédérale en 2006 étaient des récidivistes (Kong et AuCoin, 2008). Uzoaba a également constaté que la majorité des délinquants âgés de sexe masculin étaient incarcérés pour une première infraction : soit ils avaient commis leur première infraction à un âge avancé (72,8 %), soit ils purgeaient une peine de longue durée pour une infraction commise dans leur jeunesse (10,2 %).

La majorité des délinquantes âgées faisant partie de notre échantillon étaient incarcérées pour purger une première peine de ressort fédéral (80,1 %), ce qui va dans le sens des constatations d'Uzoaba. Toutefois, seulement la moitié des délinquantes âgées de l'échantillon avaient commis leur première infraction à un âge avancé (c.-à-d. délinquantes âgées purgeant une première peine ou délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine). Cette observation contraste légèrement avec la typologie des délinquants âgés de sexe masculin, qui indique que 72,8 % des délinquants avaient été incarcérés pour la première fois à un âge avancé. Cet écart pourrait être attribuable aux définitions sur lesquelles repose la présente étude. Puisque les femmes qui ont commis l'infraction à l'origine de la peine avant l'âge de 50 ans sont réparties en deux groupes – 1) celles qui purgent une peine de 10 ans ou plus (délinquantes purgeant une première peine qui est de longue durée); 2) celles qui purgent une peine de moins de 10 ans (délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine) – il est possible que certaines femmes soient classées dans la catégorie des délinquantes purgeant une première peine qui est de longue durée même si elles ont commis leur crime à 45 ans. Bien qu'Uzoaba ne donne pas de définitions officielles dans son rapport, il semble que, selon son classement, ces délinquants auraient été classés dans la catégorie des délinquants âgés purgeant une première peine. Si, pour les besoins de notre étude, nous avions fixé le seuil de l'âge « avancé » à 40 ans, une plus grande proportion de délinquantes âgées feraient partie de la catégorie des délinquantes âgées purgeant une première peine (n = 102; 63,4 %), ce qui se rapprocherait davantage des résultats d'Uzoaba. Par contre, si une femme commet un crime à l'âge de 45 ans et est condamnée à purger une peine de 15 ans, elle présentera vraisemblablement un niveau de risque et des besoins différents d'une femme de 45 ans qui purge une peine de 5 ans, et les antécédents criminels des deux femmes seront aussi probablement très différents. Pour cette raison, nous avons jugé bon de définir plus clairement les groupes dans la présente étude.

Globalement, d'après ces constatations, il semble que la typologie des délinquants de sexe masculin ne s'applique pas parfaitement aux délinquantes âgées. En règle générale, selon les résultats de la présente étude et des recherches antérieures sur les délinquants âgés de sexe masculin (p. ex. Uzoaba, 1998), il semble que plus d'hommes que de femmes sont incarcérés à un âge avancé (seuil fixé à 50 ans) et qu'un plus grand nombre de délinquantes âgées purgent une peine de longue durée pour un crime commis à un jeune âge, comparativement aux hommes. En outre, les hommes âgés commettent des crimes de nature différente de ceux perpétrés par les délinquantes âgées. Plus précisément, les hommes âgés commettent généralement des crimes de nature sexuelle (p. ex. Uzoaba, 1998) tandis que, selon la présente étude, les femmes âgées commettent généralement des crimes violents de nature autre que sexuelle. En effet, près de la moitié des délinquantes examinées dans le cadre de notre étude ont été condamnées pour homicide, ce qui va dans le sens des résultats d'une étude effectuée au Royaume-Uni selon lesquels les infractions les plus courantes chez les délinquantes âgées (plus de 50 ans) sont les infractions violentes contre la personne et les infractions liées à la drogue (Wahidin, 2006).

Limites et orientations futures

Les renseignements accessibles dans le SGD ont limité la portée de l'étude. L'analyse de l'adaptation au milieu carcéral repose uniquement sur les cas d'inconduite. Même si les délinquantes âgées sont rarement victimes ou responsables d'infractions en établissement comparativement aux plus jeunes, il serait recommandé d'examiner d'autres indicateurs de l'adaptation au milieu carcéral pour dresser un meilleur portrait de la situation des délinquantes âgées dans les établissements fédéraux au Canada. Parmi les autres mesures qui pourraient servir à évaluer l'adaptation au milieu carcéral, notons les rapports avec les autres détenues et les membres du personnel, la participation aux activités offertes par l'établissement ainsi que la santé physique et mentale (Kratcoski et Babb, 1990).

Les renseignements contenus dans le SGD ont également restreint l'analyse du soutien social. Seules les visites reçues par les délinquantes durant leur dernière année d'incarcération ont été prises en considération; ces visites ne peuvent témoigner de l'importance du soutien social dont les délinquantes bénéficient. Durant l'incarcération, le soutien social ne se manifeste pas seulement par des visites, mais également par des appels téléphoniques et des communications écrites, deux éléments qui n'ont pu être examinés dans la présente étude puisque le SGD ne renfermait aucun renseignement à cet égard. En outre, des réseaux sociaux peuvent se former au sein de l'établissement; il s'agit là d'un autre aspect qui devrait être pris en considération.

Puisque bon nombre des délinquantes âgées considérées dans le cadre de notre étude en étaient à leur première infraction et avaient été condamnées après 50 ans (délinquantes d'âge moyen purgeant une première peine ou délinquantes âgées purgeant une première peine), il serait utile d'examiner pourquoi elles ont versé dans la criminalité à un âge avancé. Plusieurs théories ont été proposées pour expliquer cette situation (p. ex. la théorie de la contrainte; Broidy et Agnew, 1997); toutefois, il n'est pas encore établi que ces théories permettent d'expliquer la participation des délinquantes âgées au monde de la criminalité.

Somme toute, il est évident que les besoins des délinquantes âgées leur sont propres à plusieurs égards, et le présent rapport s'est attardé à certains d'entre eux. Le rapport se veut une première étape vers la compréhension de ce groupe particulier. Michel et Gobeil (sous presse) ont effectué une étude qualitative de suivi dans le but de mieux comprendre les délinquantes âgées, notamment en s'entretenant avec elles au sujet de leurs opinions et de leurs expériences en matière de soutien social et de santé.

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Annexes

Annexe 1 : Analyse détaillée des domaines de besoins Délinquantes âgées : n = 73; délinquantes plus jeunes : n = 115. *** p < 0,001.
Domaine de besoins Délinquantes âgées
n (%)
Délinquantes
plus jeunes
n (%)
Degré de liberté χ2
Emploi

3

21,89***

Facteur considéré comme un atout

12 (16,4)

3 (2,6)

Aucun besoin

31 (42,5)

30 (26,1)

Besoin modéré

26 (35,6)

65 (56,5)

Besoin manifeste

4 (5,5)

17 (14,8)

Relations matrimoniales et familiales

--

--

Facteur considéré comme un atout

6 (8,2)

8 (7,0)

Aucun besoin

35 (47,9)

40 (34,8)

Besoin modéré

21 (28,8)

41 (35,7)

Besoin manifeste

11 (15,1)

26 (22,6)

Fréquentations

3

30,17***

Facteur considéré comme un atout

16 (21,9)

3 (2,6)

Aucun besoin

20 (27.4)

31 (27.0)

Besoin modéré

33 (45,2)

46 (40,0)

Besoin manifeste

4 (5,5)

35 (30,4)

Toxicomanie

2

28,99***

Aucun besoin

46 (63,0)

34 (29,6)

Besoin modéré

18 (24,7)

25 (21,7)

Besoin manifeste

9 (12,3)

56 (48,7)

Fonctionnement dans la collectivité

--

--

Facteur considéré comme un atout

9 (12,3)

4 (3,5)

Aucun besoin

42 (57,5)

74 (64,3)

Besoin modéré

19 (26,0)

27 (23,5)

Besoin manifeste

3 (4,1)

10 (8,7)

Orientation personnelle et affective

--

--

Aucun besoin

19 (26,0)

22 (19,1)

Besoin modéré

37 (50,7)

51 (44,3)

Besoin manifeste

17 (23,3)

42 (36,5)

Attitude

--

--

Facteur considéré comme un atout

22 (30,1)

18 (15,7)

Aucun besoin

36 (47,9)

58 (50,4)

Besoin modéré

12 (16,4)

25 (21,7)

Besoin manifeste

4 (5,5)

14 (12,2)

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Bien que des recherches antérieures utilisent le terme « condamnés à perpétuité » pour cette catégorie, elle ne comprend pas uniquement les délinquants purgeant une peine à perpétuité. Il s'agit plutôt des délinquants âgés qui ont été incarcérés alors qu'ils étaient plus jeunes et purgent une peine de longue durée.

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Note de bas de page 2

Il ne faut pas confondre ces délinquantes et les délinquantes sous le coup d'une ordonnance de surveillance de longue durée (OSLD). Les délinquantes purgeant une peine de longue durée ne sont pas nécessairement sous le coup d'une OSLD.

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Note de bas de page 3

Cette méthode a été utilisée dans des études antérieures examinant les données sur les visites, de manière à compenser l'asymétrie positive des données (p. ex. Derkzen, Gobeil et Gileno, 2009).

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Note de bas de page 4

Les indicateurs d'évaluation des facteurs criminogènes ont changé depuis que les données du rapport ont été collectées. L'outil utilisé lors de la collecte des données, l'Instrument de définition et d'analyse des facteurs dynamiques (IDAFD), a été révisé depuis; c'est maintenant l'IDAFD-R qui est utilisé.

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Détails de la page

2010-11-01