Sommaire des principales observations et des recommandations : Comité d’enquête nationale conjointe sur la mise en liberté et la surveillance d’un délinquant en lien avec un incident tragique survenu à Québec en janvier 2020
Le 22 janvier 2020, vers 23 h 34, un délinquant en semi-liberté s’est présenté à un poste de police afin de signaler qu’il avait assassiné une femme à Sainte-Foy, au Québec. Le 27 février 2020, le délinquant a plaidé coupable à une accusation de meurtre au premier degré et le même jour, il a été condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Le 3 février 2020, le Service correctionnel du Canada (SCC) et la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) ont convoqué un comité d’enquête nationale conjointe (CE) pour examiner les circonstances ayant mené à cet évènement tragique. L’enquête avait pour objectif d'analyser différents aspects de la gestion du cas du délinquant et de présenter des recommandations au SCC et à la CLCC afin d'éviter que des incidents similaires ne se reproduisent. Le CE était composé de cinq membres possédant les compétences et l’expérience requises pour mener cette enquête, dont deux criminologues à titre de coprésidents externes. Le CE a effectué 25 entrevues ainsi qu’un examen des documents pertinents. Le CE a constaté des lacunes dans la surveillance dans ce cas. Le CE a conclu qu’il y avait des signes précurseurs que l’équipe de gestion de cas n’a pas évalués de façon adéquate et n’a donc pas pu y porter l’attention nécessaire afin de mettre en place les interventions requises en vue d’une meilleure gestion du risque. De plus, la fréquentation d’un salon de massage pour fins sexuelles était un facteur de risque contributif étant donné les antécédents de violence conjugale du délinquant. Le CE a formulé cinq recommandations afin d’optimiser les pratiques du SCC en lien avec la surveillance des délinquants dans la collectivité. Le CE n’a pas formulé de recommandations en lien avec la CLCC. Les observations principales et les recommandations du CE sont regroupées en quatre principaux thèmes, soit la collecte et l’échange d’information, la surveillance dans la collectivité, la formation et le processus décisionnel de la CLCC. À la suite de l’admission du délinquant dans un établissement fédéral en décembre 2006, le CE a noté que le SCC avait demandé les observations du juge et du procureur de la Couronne, le rapport de police et le casier judiciaire décrivant de façon détaillée les antécédents d’infractions criminelles du délinquant. Cependant, le CE a conclu que le SCC aurait dû prendre les mesures appropriées et nécessaires pour obtenir les renseignements sur les condamnations antérieures pour des infractions graves. Le CE a également noté que la définition d’infraction grave n’était pas expliquée dans la politique sur la collecte de renseignements. Par conséquent, le CE a déterminé qu’il y avait des lacunes au niveau de la collecte de renseignements dans le dossier du délinquant, ce qui a donné lieu à un manque d’informations provenant de sources officielles. De plus, le CE a conclu que la politique concernant l’appellation des documents requis pour la collecte d’information ainsi que le processus de mise à jour de la collecte portait à confusion. Le CE a conclu que la communication et l’échange de renseignements entre l’établissement de départ, le Bureau de libération conditionnelle de Québec, le Centre résidentiel communautaire (CRC) Maison Painchaud (un CRC à contrat avec le SCC), la CLCC et les services de police étaient adéquats en ce qui a trait à la mise en liberté du délinquant dans la collectivité. Le CE a constaté des lacunes sur le plan de l’accessibilité et de l’échange de renseignements au dossier du délinquant entre le SCC et le CRC Maison Painchaud pendant la période de surveillance dans la collectivité. Cependant, le CE a conclu que, durant cette période, la communication et l’échange de renseignements entre le SCC et ses autres partenaires étaient adéquats. Le CE recommande au SCC de réviser la Directive du commissaire 705-2, Collecte de renseignements afin de : a) définir en quoi consiste une infraction grave, b) préciser les documents requis, y compris les transcriptions des procès comme documents sources pour les délinquants purgeant une sentence ayant des antécédents d’infractions accompagnées de violence tel qu’indiqué à l’annexe I de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), et c) d’assurer un mécanisme de suivi de la collecte de renseignements tout au long de la sentence. Le CE a conclu que la préparation du cas ayant mené à la mise en liberté du délinquant était structurée et fondée sur une progression d’interventions correctionnelles cohérentes et opportunes, selon les facteurs contributifs et les besoins du délinquant. La préparation du cas était conforme aux politiques et satisfaisait aux critères selon les principes généraux d’une réinsertion graduelle dans la collectivité. À la suite de nombreuses permissions de sortir avec et sans escorte, le délinquant s’est vu accorder la semi-liberté par la CLCC et résidait au CRC Maison Painchaud. Bien que les intervenants au CRC Maison Painchaud assumaient des responsabilités liées à la gestion et à la surveillance directe du délinquant, les responsables des agents de libération conditionnelle du SCC étaient chargés de veiller au contrôle de la qualité des documents de gestion de cas et de superviser le travail des intervenants du CRC. Le CE a conclu qu’il y avait de nombreux signes précurseurs démontrant une désorganisation dans la vie du délinquant qui étaient directement liés à son cycle de délinquance. L’équipe de gestion de cas (EGC) n’a pas évalué ces signes de façon adéquate et n’a donc pas pu y porter l’attention nécessaire afin de mettre en place les interventions requises en vue d’une meilleure gestion du risque. Le CE a conclu que la fréquentation d’un salon de massage pour fins sexuelles à plus d’une occasion, dont trois occasions autorisées par son EGC, était un facteur de risque contributif de l’incident étant donné les antécédents de violence conjugale du délinquant. Le CE a conclu que l’EGC avait sous-estimé la probabilité que le délinquant crée des liens affectifs avec une employée d’un salon de massage pour fins sexuelles et la nécessité d’intervenir en conséquence. Le CE a conclu que des lacunes majeures sur le plan de la corroboration des renseignements avec les tiers (p. ex. employeur, psychologue) n’ont pas permis de gérer adéquatement le risque que présentait le délinquant et les conditions spéciales et automatiques auxquelles il était soumis dans le cadre de sa libération. Le CE a conclu que tous les intervenants ayant participé à la gestion du cas du délinquant possédaient les qualifications essentielles au niveau de leur formation académique. Tant les intervenants du SCC que ceux du CRC Maison Painchaud répondaient aux exigences respectives en matière de formations continues et obligatoires. Le CE a constaté que les formations continues et les exigences de conformité de ces deux organismes différaient considérablement les unes des autres, créant ainsi une divergence entre la qualité de la formation requise pour les intervenants cliniques du CRC et celle pour les agents de libération conditionnelle du SCC. Le CE a noté que les rôles et les responsabilités des intervenants des deux organismes n’étaient pas clairement définis. Le CE a conclu que la qualité de la supervision clinique des intervenants de gestion de cas était lacunaire, notamment en ce qui a trait aux responsabilités de suivi associées au rôle des intervenants cliniques. Le CE n’a pas pu statuer sur la qualité du contenu des conférences de cas, car la politique en vigueur est imprécise et non contraignante quant au contenu spécifique des conférences de cas. Il a été déterminé que les discussions tenues dans le cadre de ces conférences de cas n’ont pas permis de déceler des manquements majeurs dans la surveillance du délinquant ou un risque accru au moment opportun afin de mettre en place les interventions nécessaires. Le CE a conclu que la surveillance directe des délinquants par le CRC Maison Painchaud n’était pas au même niveau que celle effectuée par le SCC. Les intervenants du CRC n’avaient pas reçu la formation propre au SCC offerte aux agents de libération conditionnelle et ne bénéficiaient pas de l’encadrement ou de la supervision clinique assurés par un responsable des agents de libération conditionnelle. Le CE a constaté que malgré l’entente contractuelle entre les deux organismes, il y avait beaucoup de confusion en ce qui a trait aux rôles et aux responsabilités des intervenants responsables du dossier, tant pour le SCC que pour le CRC Maison Painchaud. Bien que tous les intervenants s’entendaient sur l’imputabilité du SCC quant aux décisions finales, le partage des responsabilités en lien avec les stratégies de gestion du risque et la qualité des activités de surveillance manquaient de clarté et d’orientation. Le CE recommande que le SCC élabore un instrument de conférence de cas comprenant des indicateurs minimaux à respecter. Le CE recommande que le SCC révise la Directive du commissaire 715-1 – Surveillance dans la collectivité afin d’y ajouter un mécanisme de contrôle de la qualité des contacts avec le réseau de tiers. Le CE recommande que la composante de surveillance directe énoncée dans l’entente contractuelle soit retirée au CRC Maison Painchaud et remise au SCC, et que le SCC révise les modèles de service avec tous les autres CRC présentement responsables de la surveillance directe de délinquants. Le CE a constaté que les intervenants de gestion de cas du SCC n’avaient pas reçu de formation récente et spécialisée en matière de violence conjugale, ce qui est essentiel pour assurer une gestion adéquate du risque. Le CE recommande que le SCC intègre une formation sur la violence conjugale dans la Formation initiale des agents de libération conditionnelle (FIALC), et que cette formation soit offerte dans le cadre du Perfectionnement continu des agents de libération conditionnelle (PCALC). Le CE a constaté que les commissaires ont bien appliqué le cadre d’évaluation du risque, tel qu’il est indiqué dans la politique 2.1, Évaluation en vue de décisions prélibératoires, du Manuel des politiques décisionnelles à l’intention des commissaires, dans les décisions rendues le 26 mars 2019 lors de l’examen d’une première semi-liberté, et le 19 septembre 2019 pour l’examen d’une semi-liberté prolongée et d’une libération conditionnelle totale. Le CE a constaté que la décision écrite du 26 mars 2019 était conforme avec les principes de la LSCMLC et les exigences de la politique 2.1 de la CLCC. Dans la décision rendue par la CLCC le 19 septembre 2019 et finalisée le 20 septembre 2019, le CE a constaté une disparité entre la décision qui a été communiquée verbalement au délinquant à l’audience et celle écrite. La décision écrite contenait un résumé de plusieurs éléments pertinents. Cependant, l’information concernant les permissions accordées au délinquant par l’EGC pour lui permettre de fréquenter un salon de massage pour fins sexuelles, ainsi que l’interdiction explicite de fréquenter de tels salons donnée par les commissaires, n’étaient pas clairement reflétées dans la décision écrite. Le CE a constaté que les commissaires ont correctement appliqué les critères de la LSCMLC dans le cadre de l’imposition des conditions spéciales pour les décisions rendues le 26 mars 2019 et le 19 septembre 2019, et qu’ils ont bien consigné les motifs d’assortir ces conditions à la semi‑liberté, conformément à la politique 7.1 de la CLCC. Le CE a conclu que, dans l’ensemble, la CLCC avait à sa disposition toutes les informations pertinentes et disponibles en vue d’une prise de décision judicieuse. Finalement, le CE a constaté que les commissaires ayant pris part aux décisions de mise en liberté sous condition le 26 mars 2019 et le 19 septembre 2019 avaient suivi toutes les formations requises de la CLCC et disposaient du niveau de connaissance nécessaire pour exécuter leurs tâches. Le CE a également conclu que le plan de formation de la CLCC pour les nouveaux commissaires était complet et bien structuré. Le CE n’a formulé aucune recommandation à la CLCC. Cette enquête indépendante a joué un rôle important dans l’examen des diverses composantes de ce cas d’un point de vue administratif, selon les principes de reddition de comptes, de responsabilisation et de transparence. Faisant fond sur cette enquête, les conclusions du CE ont permis de comprendre les circonstances ayant mené à cet incident et d’adopter une approche axée sur les leçons apprises pour donner suite aux questions soulevées, ce qui entraînera la mise en œuvre de mesures correctives visant à éviter qu’un tel incident ne se reproduise.Introduction
Thèmes
Collecte et échange d’information
Recommandation du CE :
Surveillance dans la collectivité
Recommandations du CE :
Formation
Recommandation du CE :
Processus décisionnel de la CLCC
Recommandation du CE :
Conclusion
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