Contexte de la menace

Espionnage et ingérence étrangère

Un volet essentiel du mandat du SCRS est d’enquêter sur les menaces que représentent l’espionnage et les activités influencées par l’étranger et de conseiller le gouvernement du Canada à cet égard. Au sens de la Loi sur le SCRS, les activités influencées par l’étranger (communément appelées « ingérence étrangère ») désignent les activités qui « sont préjudiciables [aux intérêts du Canada], et qui sont d’une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque ». De telles activités sont presque toujours menées pour servir les intérêts d’un pays étranger, par l’entremise d’entités étatiques ou non, dont des intermédiaires et des collaborateurs. Elles visent des entités canadiennes, tant au pays qu’à l’étranger, et menacent directement la sécurité nationale.

La pandémie de COVID-19 n’a pas mis fin aux menaces que représentent les activités d’espionnage et d’ingérence étrangère, qui s’intensifient même dans certains secteurs. Étant donné son économie avancée et concurrentielle et ses partenariats économiques et stratégiques étroits avec les États-Unis, le Canada est toujours la cible d’activités menées par des États hostiles. Il demeure aussi une cible intéressante d’activités d’espionnage et d’ingérence étrangère parce qu’il travaille à protéger et à renforcer le système international fondé sur des règles, qu’il collabore avec des partenaires de premier plan pour faire face à d’importants sujets de préoccupation liés à la politique étrangère, qu’il est l’un des membres fondateurs de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et qu’il est signataire de nombreux autres accords de défense et de commerce multilatéraux et bilatéraux.

L’espionnage nuit aux intérêts canadiens en raison de la perte de technologies de pointe ou d’informations sensibles et exclusives, et de la communication sans autorisation d’informations gouvernementales classifiées et sensibles. Si les administrations municipales ainsi que les ordres de gouvernement fédéral et provinciaux suscitent leur intérêt, des États étrangers comme la République populaire de Chine et la Russie prennent aussi pour cible des organisations non gouvernementales au Canada – dont des établissements d’enseignement, le secteur privé et la société civile. En 2020, la République populaire de Chine, la Russie et d’autres États étrangers ont continué de recueillir secrètement des informations politiques, économiques et militaires au Canada au moyen d’activités ciblées, liées à la menace, à l’appui de leurs propres objectifs de développement. Pour y arriver, ils profitent de la nature ouverte, transparente et collaborative de la société, de l’économie et du gouvernement du Canada, souvent en chargeant des « agents de collecte non professionnels », dont certains n’ont reçu aucune formation officielle en renseignement ou presque (p. ex. des chercheurs, des organismes privés ou d’autres tiers), de recueillir des informations et de l’expertise précieuses pour leur compte.

Par ailleurs, des gouvernements étrangers continuent d’utiliser les ressources de leur État et leurs relations avec des organismes du secteur privé pour tenter de se livrer au Canada à des activités d’ingérence clandestines, trompeuses ou menaçantes qui, dans bien des cas, visent à soutenir des programmes politiques étrangers ou à influencer de façon trompeuse des politiques, des processus démocratiques et des représentants du gouvernement du Canada. À titre d’exemple d’activités suscitant des préoccupations considérables, citons les auteurs de menace affiliés à la République populaire de Chine qui cherchent à exploiter les libertés fondamentales, protégées par ailleurs par la société et le gouvernement du Canada, afin de servir les intérêts politiques du Parti communiste chinois.

Des puissances étrangères essaient de surveiller et d’intimider clandestinement diverses communautés canadiennes dans le but d’atteindre leurs propres objectifs stratégiques et économiques. Lorsqu’ils se livrent à de telles activités, les États étrangers prennent pour cible des membres de communautés et de groupes vulnérables qui, souvent, n’ont pas les moyens de se protéger. Ceux-ci craignent souvent les représailles qu’un État pourrait exercer – ou faire exercer – contre eux et, peut-être, leurs proches au Canada et à l’étranger. Les activités de harcèlement, de manipulation ou d’intimidation menées par des États étrangers contre des communautés au Canada pour obtenir leur appui ou pour faire taire leurs détracteurs constituent une menace pour la souveraineté du Canada et la sécurité de sa population. De plus, en n’hésitant pas à mener de telles activités, les acteurs étrangers font preuve de mépris pour les institutions du gouvernement du Canada et leur mandat de protéger le Canada et sa population.

Le 8 janvier 2020, le vol PS752 de la compagnie aérienne Ukraine International Airlines a été abattu près de Téhéran. Les 176 passagers et membres d’équipage, dont 55 avaient la citoyenneté canadienne et 30 étaient titulaires de la résidence permanente au Canada, sont tous décédés. Depuis, le SCRS appuie les démarches du gouvernement du Canada dans ce dossier prioritaire. Selon des rapports crédibles, plusieurs des parents établis au Canada de victimes du vol PS752 se sont fait harceler et intimider par des auteurs de menace liés à des intermédiaires de la République islamique d’Iran. De telles activités peuvent constituer de l’ingérence étrangère.

Les activités d’ingérence étrangère auxquelles se livrent des acteurs étatiques hostiles et leurs intermédiaires revêtent le plus souvent la forme de relations humaines, mais les activités de manipulation menées par des organismes étrangers sur divers médias sociaux en ligne suscitent des inquiétudes croissantes. Récemment, de telles activités parrainées par l’État, notamment la désinformation, visaient à réorienter ou à miner certains discours afin de semer le doute sur les origines du coronavirus et de la pandémie ainsi que sur les moyens nécessaires pour le contrer, mais elles discréditent les réponses démocratiques à la COVID-19 tout en présentant les leurs comme supérieures et érodent la confiance dans les valeurs canadiennes que sont la démocratie et les droits de la personne. La Russie et les services de renseignement russes, par exemple, mènent activement depuis mars 2020 des campagnes de désinformation afin d’essayer de rejeter la responsabilité de la pandémie de COVID-19 sur l’Occident. Cela s’inscrit dans une vaste campagne visant à discréditer l’Occident et à y susciter des divisions, à promouvoir l’influence de la Russie à l’étranger et à faire pression pour que les sanctions occidentales prennent fin.

Le SCRS continuera d’enquêter sur les menaces que l’espionnage et l’ingérence étrangère constituent pour les intérêts du Canada et de collaborer étroitement avec ses partenaires canadiens et étrangers pour les contrer.

Protection des institutions démocratiques

Partout dans le monde, les processus et les institutions démocratiques, dont les élections, sont la cible d’un nombre toujours croissant d’attaques menées par des auteurs de menace étrangers. Le Canada étant une puissance moyenne capable d’influencer des alliés idéologiquement proches et des institutions multilatérales libérales, ses processus et ses institutions sont des cibles particulièrement intéressantes. Le système électoral du Canada est solide, mais des auteurs de menace tentent de s’en prendre aux politiciens, aux partis politiques, aux élections et aux organes de presse pour manipuler le public canadien et s’immiscer dans le régime démocratique du Canada. Si certains États cherchent à manipuler le système électoral et à en abuser afin de servir leurs propres intérêts nationaux, d’autres s’efforcent de discréditer des aspects essentiels des institutions démocratiques du Canada afin de miner la confiance du public dans le régime démocratique.

La création du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections (MSRE) est l’un des garde-fous qui ont été mis en place au Canada pour protéger la démocratie et les élections fédérales. À titre de membre actif du MSRE, le SCRS collabore étroitement avec le Centre de la sécurité des télécommunications (CST), la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Affaires mondiales Canada (AMC) et le Bureau du Conseil privé (BCP) pour échanger des informations sur la sécurité des élections.

Sécurité économique

Les activités économiques menées par des acteurs étatiques hostiles pour nuire à des intérêts liés à la sécurité nationale du Canada étaient déjà une priorité pour le SCRS avant 2020. La pandémie de COVID-19 a intensifié ces efforts. Pendant toute l’année 2020, et particulièrement depuis mars, des auteurs de menace étrangers – dont des services de renseignement adverses et des personnes travaillant pour leur compte – ont cherché à profiter des conditions économiques et sociales créées par la pandémie pour recueillir de précieuses informations politiques, économiques, commerciales, universitaires, scientifiques et militaires. De plus, ils se sont livrés à des activités d’ingérence clandestines et trompeuses pour servir les intérêts stratégiques qui étaient les leurs avant la pandémie. Ces activités reposent souvent sur des méthodes de collecte de renseignements traditionnelles ou non, dont le renseignement humain et le cyberespionnage, l’investissement étranger, la manipulation d’importations et d’exportations, l’exploitation de licences et de droits et les attaques contre les connaissances, comme l’espionnage universitaire.

Le SCRS continue de recueillir des renseignements et de conseiller ses partenaires au gouvernement sur les menaces qui pèsent sur les intérêts liés à la prospérité et à la sécurité nationale du pays. Ainsi, en avril 2020, le gouvernement du Canada a publié son Énoncé de politique sur l’examen des investissements étrangers et le COVID-19, dans lequel il s’engageait à veiller à ce que les investissements étrangers effectués pendant la pandémie n’entraînent pas de nouveaux risques pour l’économie canadienne, la sécurité nationale ou la santé et la sécurité de la population canadienne. Le SCRS a joué un rôle de premier plan à cet égard en examinant sous l’angle de la sécurité nationale les investissements liés à la santé publique ou à l’approvisionnement en biens et services essentiels, ainsi qu’en soumettant à un examen approfondi tous les investissements effectués par des gouvernements étrangers ou sous leur influence. Ces efforts accrus devraient se poursuivre jusqu’à ce que l’économie se remette des conséquences de la pandémie de COVID-19.

Cybermenaces

Les activités d’espionnage, de sabotage, d’ingérence et de terrorisme menées par des moyens informatiques représentent de graves menaces pour la sécurité nationale, les intérêts et la stabilité économique du pays. Le Canada demeure la cible de cyberactivités malveillantes ainsi qu’une plateforme à partir de laquelle des groupes hostiles essaient de mener des opérations à l’aide de réseaux informatiques (ORI) contre des entités dans d’autres pays. Comme le monde est de plus en plus interconnecté, les cyberintervenants ont plus d’occasions que jamais de mener des activités malveillantes. La pandémie a provoqué une augmentation spectaculaire du nombre de personnes qui travaillent à domicile, où les conditions sont moins sûres, ce qui a accru considérablement le risque que des réseaux et des informations sensibles soient exposés à des cyberactivités malveillantes.

Les cyberintervenants mènent des activités malveillantes pour servir leurs intérêts politiques, économiques, militaires, sécuritaires et idéologiques. Ils cherchent à compromettre les systèmes informatiques du gouvernement et du secteur privé en manipulant leurs utilisateurs ou en exploitant des failles sur le plan de la sécurité. Des technologies nouvelles ou émergentes, comme l’intelligence artificielle, offrent aux auteurs de menace de nouvelles façons possibles de compromettre des systèmes informatiques. Des auteurs de cybermenaces parrainés par des États mènent des ORI pour voler de la propriété intellectuelle ou des secrets commerciaux, ou encore pour atteindre des objectifs géopolitiques en perturbant les infrastructures essentielles et les services primordiaux, s’ingérer dans des élections ou mener des campagnes de désinformation. En 2020, un groupe de cyberespions lié aux services de renseignement russes a mené des ORI contre des organisations établies au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis qui participaient à la réponse à la pandémie de COVID-19 et aux efforts de reprise. Ces cyberactivités malveillantes auraient été une tentative de voler des informations et de la propriété intellectuelle liées à l’élaboration et à la mise à l’essai de vaccins contre la COVID-19. Des acteurs non étatiques, dont des groupes terroristes, ont aussi essayé de mener des ORI pour faire avancer leurs objectifs idéologiques, par exemple, recruter des partisans, diffuser de la propagande ou encourager le recours à la violence contre des particuliers ou des groupes donnés, ce qui est aussi inquiétant.

Par ailleurs, des auteurs de menace ont compromis des logiciels ou du matériel de fournisseurs indépendants dans le but de mener des cyberopérations contre les clients de ces fournisseurs. En 2020, un auteur de cybermenace parrainé par un État a modifié le mécanisme de mise à jour d’un logiciel de gestion des réseaux d’une marque populaire, ce qui lui a permis d’avoir accès clandestinement à des milliers de réseaux du gouvernement et du secteur privé partout dans le monde. Ce type d’attaque a un profond retentissement.

La Stratégie de cybersécurité du Canada considère la cybersécurité comme un élément essentiel de l’innovation et de la prospérité du Canada. Le SCRS, de concert avec des partenaires, joue un rôle actif dans le développement et le renforcement de la résilience du pays dans ce domaine en collaborant à la prise de mesures en réaction à l’évolution des menaces attribuables aux cyberactivités malveillantes. Bien que leurs mandats soient distincts, le SCRS, le Centre de la sécurité des télécommunications, la Gendarmerie royale du Canada et d’autres partenaires clés au gouvernement ont un objectif commun, protéger le Canada, sa population et les intérêts canadiens en ligne. Dans l’actuel contexte mondial de la menace, assurer la sécurité nationale – y compris la cybersécurité – ne peut se faire que par la collaboration. Pour faire face aux cybermenaces, le SCRS enquête sur les cyberattaques menées contre la sécurité nationale, comme le prévoit la Loi sur le SCRS. En enquêtant sur les ORI malveillantes, il peut déceler des indices qui aident à établir le profil des auteurs de cybermenace, à comprendre leurs méthodes et leurs techniques, à reconnaître les cibles qui les intéressent et à conseiller le gouvernement du Canada en conséquence.

Lutte contre la prolifération

Plusieurs États étrangers poursuivent leurs activités clandestines en vue de se procurer une série de technologies et de biens sensibles, réglementés et à double usage au Canada, qui pourraient leur permettre de se doter de programmes de fabrication d’armes de destruction massive et de vecteurs connexes.

En août 2020, il a été établi que des auteurs de menace de l’État russe ont utilisé un agent neurotoxique de type Novitchok pour empoisonner un des chefs de file de l’opposition russe, Alexeï Navalny. Cette attaque, qui contrevenait aux normes internationales qui interdisent l’utilisation d’armes chimiques, a été fermement condamnée par le gouvernement du Canada. L’événement est aussi particulièrement troublant parce qu’il représente un autre cas où des acteurs étatiques russes se sont servi d’armes chimiques pour réprimer la dissension.

Extrémisme violent à caractère idéologique

Depuis 2014, des personnes canadiennes motivées en tout ou en partie par des opinions relevant de l’extrémisme violent à caractère idéologique (EVCI) ont tué 21 personnes et en ont blessé 40 autres au pays – plus que ceux qui se réclament de l’extrémisme violent à caractère religieux (EVCR) ou de l’extrémisme violent à caractère politique (EVCP). Au début de 2020, par exemple, des accusations ont été déposées contre un Canadien mineur adhérant à l’idéologie des célibataires involontaires (incel) en vertu des dispositions relatives au terrorisme du Code criminel.

Les tenants de l’EVCI sont mus par une série d’influences plutôt que par un seul système de croyances. La radicalisation qui les mène à l’extrémisme violent est le plus souvent provoquée par une combinaison d’idées et de récriminations résultant en une vision du monde personnalisée inspirée par diverses sources, dont des livres, des vidéos, des discussions en ligne et des conversations. Leur vision du monde est souvent axée sur la volonté de mobiliser d’autres personnes, de les inciter à commettre des actes de violence ou de leur donner les moyens de passer à l’action. Souvent, les agissements de ces personnes ou de ces cellules ne résultent pas clairement de l’appartenance à un groupe organisé ou d’une influence externe, mais prennent néanmoins forme en ligne, au sein de caisses de résonnance (voix et messages haineux) qui normalisent et préconisent le recours à la violence.

La pandémie de COVID-19 a exacerbé les discours à caractère xénophobe et antiautoritaire, dont beaucoup peuvent influer, directement ou non, sur des considérations relatives à la sécurité nationale. En ligne, des extrémistes violents continuent d’exploiter la pandémie en amplifiant de fausses informations sur les mesures gouvernementales et le virus lui-même. Certains ne mettent pas en doute l’existence de la COVID-19, mais se réjouissent de cette crise susceptible d’accélérer l’effondrement de la société occidentale. D’autres adoptent des théories du complot sur la pandémie afin d’essayer de rationaliser et de justifier le recours à la violence. Ces discours contribuent à l’effritement de la confiance dans l’intégrité du gouvernement et des forces de l’ordre et à l’incitation à la méfiance à l’égard des experts scientifiques. Si certains aspects des théories du complot relèvent d’une revendication légitime de la liberté d’expression, les discours tenus en ligne sont de plus en plus violents et appellent à l’arrestation et à l’exécution de certaines personnes, ce qui est très inquiétant.

En 2020, le SCRS a estimé que la rhétorique menaçante de l’EVCI était plus fluide et diversifiée que jamais. En règle générale, les théories du complot liées à l’EVCI subissent souvent l’influence de tendances et de communautés virtuelles décentralisées d’influenceurs extrémistes qui interprètent les événements locaux, nationaux et mondiaux à travers le prisme du radicalisme. Souvent, des extrémistes reprennent ces interprétations élargies et les personnalisent en fonction d’inquiétudes présumées quant au bien-être économique, à la sécurité, à la pandémie de COVID-19 ou à des événements spéciaux.

Extrémisme violent à caractère idéologique
Description détaillée –infographie: Extrémisme violent à caractère idéologique
  1. Extrémisme violent à caractère religieux (EVCR)
  2. Extrémisme violent à caractère politique (EVCP)
  3. Extrémisme violent à caractère idéologique (EVCI)
    Les 4 catégories de l’EVCI
    1. Violence xénophobe; violence à caractère racial, violence ethnonationaliste.
    2. Violence anitautoritaire; violence antigouvernementale et antipolicière, violence anarchiste.
    3. Violence sexiste; violence misogyne (dont le mouvement incel), violence anti-LGBTQ.
    4. Violence fondée sur d’autres récriminations ou idéologies 

Extrémisme violent à caractère politique

L’extrémisme violent à caractère politique (EVCP) encourage le recours à la violence pour instaurer de nouveaux régimes politiques ou pour modifier les structures et les normes des régimes existants.

Extrémisme violent à caractère religieux

L’extrémisme violent à caractère religieux (EVCR) encourage le recours à la violence dans le cadre d’une lutte spirituelle contre un système jugé immoral. Ses adeptes croient que le salut ne peut être obtenu que par la violence.

Aucun attentat inspiré par l’EVCR n’a été commis au Canada en 2020, mais la menace demeure parce que ce type d’attentat peut être planifié et exécuté rapidement, sans avertissement ou presque. Les attentats inspirés par l’EVCR sont habituellement peu complexes et peuvent être perpétrés au moyen d’armes à feu ou d’un quelconque autre dispositif, arme ou outil pouvant causer un maximum de dommages dans un endroit public bondé. D’après le SCRS, la pandémie de COVID-19 n’a pas ébranlé les discours liés à l’EVCR en ligne. En fait, comme les gens passent plus de temps en ligne et sont donc susceptibles d’être davantage exposés aux messages qui y circulent, le SCRS est d’avis que la COVID-19 pourrait avoir haussé la menace de radicalisation menant à l’EVCR chez certains auteurs de menace.

Voyageurs extrémistes canadiens

Le gouvernement du Canada continue de suivre la menace que représentent les voyageurs extrémistes canadiens (VEC) et de prendre des mesures pour la contrer. Les VEC sont des individus qui ont un lien avec le Canada, c’est-à-dire qu’ils ont la citoyenneté canadienne, sont titulaires de la résidence permanente ou détiennent un visa valide, et qui sont soupçonnés d’être allés à l’étranger pour participer à des activités liées au terrorisme. Qu’ils soient toujours à l’étranger ou rentrés au pays, les VEC suscitent un large éventail de préoccupations liées à sécurité du Canada.

Étant donné les conséquences de la pandémie de COVID-19, le nombre de VEC est demeuré relativement stable en 2020. Le SCRS sait que des VEC se sont rendus en Turquie, en Syrie et en Irak, ainsi qu’en Afghanistan, au Pakistan et dans des régions du Nord et de l’Est de l’Afrique. Ces individus ont quitté le Canada pour soutenir et faciliter des activités extrémistes et, dans certains cas, pour participer directement à la violence. Par ailleurs, le nombre de personnes ayant un lien avec le Canada qui se sont livrées à des activités extrémistes à l’étranger et qui sont rentrées au pays est aussi resté relativement stable.

Depuis 2011, le conflit en Syrie et en Irak attire un nombre sans précédent d’extrémistes désireux de combattre à l’étranger. Toutefois, depuis l’effondrement du « califat » en 2017, beaucoup de ces individus ont été tués ou sont actuellement détenus dans des prisons ou des camps de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays. Environ la moitié des personnes détenues sont des femmes et leurs enfants. Depuis le début de la pandémie mondiale de COVID-19, les VEC qui sont en Turquie, en Syrie et en Irak se déplacent moins, étant donné le resserrement des mesures de sécurité aux frontières et les restrictions des déplacements.

Des partenaires du Groupe des cinq, dont l’Australian Security Intelligence Organisation, ont récemment signalé que, pour la première fois, un extrémiste violent dont la motivation était d’ordre idéologique n’avait pas pu partir pour aller participer au combat à l’étranger parce que son passeport avait été annulé à la suite d’une évaluation de sécurité défavorable. Cet exemple montre en outre la complexité du problème des voyageurs extrémistes, qui peuvent transcender de multiples mouvements et groupes extrémistes violents.

Le SCRS est conscient de la menace sérieuse que représentent les VEC qui reviennent de zones de conflit. L’entraînement et l’expérience opérationnelle qu’ils ont acquis à l’étranger et le contexte unique auquel ils ont été exposés en font une menace particulièrement dangereuse pour la sécurité du Canada. La pandémie empêche actuellement les VEC de revenir au Canada, mais le SCRS et d’autres ministères et organismes fédéraux continuent de collaborer pour gérer collectivement la menace que représentent les extrémistes canadiens qui pourraient rentrer au pays.

Terrorisme international

Le réseau al-Qaïda a perdu beaucoup de dirigeants en 2020; son chef adjoint a été assassiné, et des dirigeants de ses groupes régionaux dans la péninsule Arabique, au Maghreb islamique et au sein des Hurras ad-Din ont été éliminés. L’accord conclu en février 2020 entre les États-Unis et les talibans a aussi restreint les activités de l’organisation en Afghanistan. Malgré le décès de l’émir d’AQMI en juin 2020, al-Qaïda demeure résiliente en Afrique occidentale, où les groupes qui y sont affiliés exercent toujours de l’influence dans les régions du centre et du nord du Mali. De fréquentes opérations militaires internationales visant le groupe al-Chabaab, affilié à al‑Qaïda, n’ont pas empêché ce dernier d’étendre le secteur qu’il contrôle en Somalie ni limité ses capacités de commettre des attentats contre des cibles tant faciles que difficiles. Bien que les groupes affiliés à al-Qaïda ou alignés sur elle en Afrique et au Moyen-Orient aient généralement des objectifs locaux ou régionaux, les attentats inspirés par l’EVCR représentent toujours une menace pour le Canada.

Après la perte de son territoire en 2019, Daech a priorisé les opérations insurrectionnelles en zones rurales en Syrie et en Irak dans le but de gagner les centres urbains. Cet objectif assujetti à des conditions plutôt qu’à un calendrier pourrait être lié aux retraits futurs des forces de la coalition dirigée par les États-Unis. Daech a réussi à profiter de la pandémie pour accélérer la cadence de ses attentats à l’échelle régionale et internationale en envoyant une succession de messages pour annoncer ses campagnes d’attentats.

Le contexte de la menace en ligne était devenu de plus en plus décentralisé et fragmenté depuis que Daech a perdu son territoire en 2019 et il l’est resté en 2020. Si certains médias sociaux ont conservé la faveur de ceux qui diffusent de la propagande, d’autres ont vu le jour dans des créneaux bien précis, et le SCRS y a observé des activités dues à la créativité et à la persistance de partisans de Daech plutôt qu’à celles des responsables médiatiques du groupe. Il semble y avoir une augmentation de la propagande produite par du personnel médiatique qui n’a pas de lien officiel avec l’organisation. Cette propagande, qui va des appels à la perpétration d’attentats contre des cibles intérieures aux vidéos célébrant Daech et défendant sa cause, sert à combler les vides laissés par la baisse de la production des médias officiels de Daech et renforce et amplifie de ce fait les messages officiels de l’organisation dans le cadre d’une solide rhétorique en ligne inspirée de l’EVCR.

Le SCRS estime que la principale menace que Daech représente pour les pays occidentaux, dont le Canada, demeure les actes de violence extrémiste inspirés par la propagande en ligne et par les opérations insurrectionnelles de l’organisation.

Afrique

Les groupes affiliés tant à al-Qaïda qu’à Daech ont continué de commettre des attentats contre des intérêts occidentaux dans l’ensemble de l’Afrique occidentale et orientale. La perte par Daech de son territoire en Irak et en Syrie n’a pas eu d’incidence sur la propagation des groupes qui lui sont affiliés en Afrique. La porosité des frontières africaines, combinée à l’inefficacité d’un grand nombre de forces régionales chargées de lutter contre le terrorisme, permet aux groupes affiliés de se doter de bases d’opérations dans des régions où l’État n’est pas présent à l’extérieur des capitales. Une menace importante pèse toujours sur les Canadiennes et les Canadiens qui travaillent ou voyagent dans ces régions et qui pourraient être victimes d’un attentat ou d’une opération opportuniste d’enlèvement contre rançon. Le Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimine, groupe affilié à al-Qaïda, continue de déstabiliser le Mali, le Niger et le Burkina Faso en commettant fréquemment des attentats complexes. Le groupe al-Chabaab, aligné sur al-Qaïda, demeure le groupe terroriste dominant dans la Corne de l’Afrique et n’a pas été entravé par les activités militaires des États-Unis et d’autres partenaires étrangers. Les groupes affiliés à Daech dans la région du Grand Sahara et en Afrique occidentale, centrale et orientale ont réussi des attentats contre les forces antiterroristes régionales. Daech cherche surtout à prendre de l’expansion et à s’aligner sur des groupes djihadistes à l’échelle de l’Afrique orientale, plus particulièrement en Somalie, en République démocratique du Congo et au Mozambique. Étant donné leur envergure mondiale, al-Qaïda et Daech représentent tous les deux une menace constante pour la sécurité nationale du Canada.

Afghanistan et Pakistan

À la fin de février 2020, les États-Unis et les talibans ont signé un accord définissant les conditions du retrait complet d’Afghanistan des forces de la coalition d’ici mai 2021. Ce retrait est conditionnel à la participation des talibans aux négociations de paix entre Afghans, à la fin des attaques des talibans contre les forces étrangères et à leur engagement à ne pas collaborer avec al-Qaïda et d’autres groupes militants non afghans – et à ne pas permettre que le territoire afghan soit utilisé pour attaquer les États-Unis ou leurs alliés. L’intervention de la coalition en Afghanistan à la suite des attentats terroristes du 11 septembre 2001 – à laquelle les Forces canadiennes ont participé de 2002 à 2014 et affecté plus de 2 000 hommes à son apogée – tire à sa fin.

À la fin de 2020, les talibans contrôlaient ou dominaient de vastes parties de l’Afghanistan et maintenaient une présence au Pakistan. Comme le gouvernement afghan est résolu à ne pas devenir une théocratie et à ne pas renoncer aux progrès économiques, politiques et sociaux réalisés depuis 2002, le conflit se poursuivra probablement en 2021, intensifiant la situation pour le peuple afghan, la sécurité régionale de l’Afghanistan et les intérêts canadiens dans la région.

De nombreux combattants étrangers non afghans, dont ceux qui sont alignés sur al-Qaïda et Daech, sont toujours actifs dans la région. L’État islamique – Province du Khorassan (EIPK) est devenu le groupe affilié à Daech le plus actif à l’extérieur de la Syrie et de l’Irak. Il a réussi à lancer des attaques meurtrières qui ont eu un grand retentissement en Afghanistan, notamment celle qui, les 2 et 3 août 2020, lui a permis de faire s’évader des centaines de ses membres incarcérés. L’épidémie de COVID-19, les talibans et les forces de la coalition n’ont jusqu’ici pas réussi à perturber les activités de l’EIPK.

Filtrage de sécurité

Les programmes de filtrage de sécurité pour le gouvernement et de filtrage des demandes d’immigration et de citoyenneté du SCRS constituent la première ligne de défense contre l’extrémisme violent, l’espionnage et d’autres menaces pour la sécurité nationale.

Les responsables du filtrage de sécurité pour le gouvernement du SCRS mènent des enquêtes et fournissent des évaluations de sécurité ou des conseils sur un large éventail de menaces pour la sécurité nationale. Ces évaluations s’inscrivent dans un processus global et aident les ministères et organismes clients à prendre des décisions sur l’octroi, le refus ou la révocation d’une cote de sécurité. Il incombe au ministère ou à l’organisme, et non au SCRS, de décider s’il convient d’accorder, de refuser ou de révoquer une cote de sécurité.

Le programme de filtrage de sécurité pour le gouvernement vise aussi à protéger les sites sensibles, dont les installations aéroportuaires, maritimes et nucléaires, contre les menaces pour la sécurité nationale. Il permet au SCRS d’appuyer la Gendarmerie royale du Canada dans le cadre du processus d’accréditation de personnes canadiennes ou étrangères qui veulent participer à des événements importants au Canada, et de fournir également des évaluations de sécurité aux gouvernements provinciaux et étrangers ainsi qu’aux organisations internationales lorsque des Canadiennes ou des Canadiens cherchent à obtenir un emploi qui nécessite une autorisation d’accès à des informations ou à des sites sensibles dans un autre pays. Toutes les personnes qui font l’objet d’une enquête de filtrage de sécurité pour le gouvernement s’y soumettent de leur plein gré.

Les responsables du programme de filtrage des demandes d’immigration et de citoyenneté du SCRS mènent des enquêtes et donnent des conseils en matière de sécurité à l’Agence des services frontaliers du Canada ainsi qu’à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) sur les personnes susceptibles de représenter une menace pour la sécurité nationale. Dans le cadre de ce programme, le SCRS fournit des conseils en matière de sécurité sur les demandeurs de résidence permanente et de citoyenneté, les demandeurs de visa de résident temporaire et les demandeurs d’asile au Canada. C’est à IRCC qu’il incombe de décider si une personne est admissible au Canada, d’accorder les visas et d’accepter les demandes d’asile, de résidence permanente et de citoyenneté.

Filtrage des demandes d’immigration et de citoyenneté
Demandes reçues* 2019-2020
Résidence permanente (présentées au Canada et de l’étranger) 18 900
Réfugiés (contrôle de sécurité préliminaire**) 46 400
Citoyenneté 216 800
Résidence temporaire 43 300
Total 324 500
Filtrage de sécurité pour le gouvernement
Demandes reçues* 2019-2020
Ministères fédéraux 75 500
Programme EXPRES 18 100
Transports Canada (aéroports et infrastructures maritimes) 52 100
Cité parlementaire 2 400
Installations nucléaires 10 600
Provinces 240
Autres 2 700
Filtrage pour des pays étrangers 570
Accréditations en vue d’événements spéciaux 5 000
Total 167 210

Détails de la page

Date de modification :