Opérations de renseignement
Le SCRS enquête sur les activités qui correspondent à la définition de « menaces envers la sécurité du Canada » énoncée dans la Loi sur le SCRS. Plus précisément, il est autorisé à enquêter sur l’espionnage et le sabotage, l’ingérence étrangère, le terrorisme et l’extrémisme violent, ainsi que la subversion. En revanche, il lui est interdit d’enquêter sur les activités licites de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord, sauf si elles ont un lien avec des activités qui constituent des menaces pour la sécurité du Canada.
Perspective de la haute direction
Relever le défi : faire face au contexte de la menace actuel
À titre de sous-directrice des Opérations, Vanessa Lloyd dirige la collecte de renseignements humains, l’analyse du renseignement, le filtrage de sécurité et les efforts de la réduction de la menace au SCRS.
L e rapport de cette année met en lumière la persistance des menaces sur lesquelles le SCRS fait enquête depuis sa création en 1984. Dans certains cas, la façon dont ces menaces se manifestent a évolué; par exemple, des services de renseignement étrangers utilisent désormais des intermédiaires pour se livrer à de l’espionnage et des pays ont maintenant recours à des organisations criminelles pour mener des activités de répression transnationale. Des mesures multinationales ciblées ont permis de réduire les menaces terroristes dans les dernières années, mais la reprise des conflits (au Moyen-Orient, par exemple) redonne de la vigueur à ces menaces. Il y a aussi de nouvelles tendances dans les menaces : les cybermenaces qui pèsent sur les infrastructures essentielles et gouvernementales augmentent en fréquence, tandis que d’autres menaces – comme celles qui pèsent sur la sécurité économique – deviennent extrêmement complexes en raison à la fois du rythme de l’innovation à l’échelle mondiale et de la détermination accrue des auteurs de menace.
Par le passé, le SCRS a su relever le défi que posait la hausse marquée de l’espionnage ou du terrorisme et, plus récemment, de l’ingérence étrangère. En 2024, il a enquêté activement sur les menaces d’espionnage, d’ingérence étrangère et de terrorisme et, pour la première fois depuis longtemps, il a aussi déployé des efforts concertés pour contrer le sabotage. Dans l’ensemble, les menaces pour la sécurité nationale du Canada s’accroissent et s’intensifient. Plus important encore, le SCRS souscrit à l’affirmation des services de renseignement américains et britanniques selon lesquels il n’y a jamais eu, dans l’histoire commune de nos pays, de menaces d’une telle intensité, en même temps.
À mesure que le SCRS continue de s’améliorer en tant qu’organisation, les moyens que nous prenons pour protéger le Canada et les intérêts nationaux évoluent également. En 2024, nous avons établi de nouveaux partenariats, employé des techniques spécialisées comme elles n’avaient jamais été utilisées jusque-là et obtenu de nouveaux pouvoirs législatifs. Il s’agit plus précisément de nouveaux pouvoirs judiciaires qui aideront le SCRS à s’adapter à la réalité d’un monde axé sur les données et le numérique qui ne connaît aucune frontière géographique. Le SCRS a aussi intensifié la collaboration avec ses partenaires étrangers au moyen de campagnes coordonnées. Ensemble, nous avons diffusé des avertissements publics sur les menaces en matière de renseignement, dénoncé des cyberacteurs et informé les citoyens au sujet de tendances préoccupantes concernant la radicalisation des jeunes.
En fait, l’année 2024 a été marquée par des efforts de transparence sans précédent auprès de la population canadienne. Par exemple, le SCRS a collaboré avec les forces de l’ordre dans des dossiers particuliers, a témoigné aux côtés de partenaires gouvernementaux devant le Comité permanent de la sécurité nationale de la Chambre des communes et a participé à l’Enquête publique sur l’ingérence étrangère (EPIE). Il a également pris part à une communication publique concernant les mesures prises par le Canada à la suite d’actes d’ingérence étrangère ayant violé la souveraineté du pays. En tout, six représentants du gouvernement indien ont été expulsés un an après la déclaration du premier ministre à ce sujet devant le Parlement.
J’ai eu le privilège de m’adresser à la population canadienne en compagnie de collègues de l’Agence des services frontaliers du Canada, de la GRC, de Sécurité publique, ainsi que d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Dans le cadre de cette comparution, j’ai parlé du rôle du SCRS dans le filtrage des demandes d’immigration à la suite des arrestations effectuées dans une affaire de terrorisme à l’été 2024. De même, ma comparution en septembre dans le cadre de l’EPIE m’a permis de vous dire que le SCRS enquête depuis longtemps sur l’ingérence étrangère, qu’il a une compréhension approfondie de la menace et qu’il est déterminé à contrer les activités liées à la menace avant l’élection générale de 2025.
J’ai aussi eu le privilège d’être la toute première femme à agir à titre de directrice intérimaire du SCRS. J’ai rempli ce rôle de la mi-juillet à la fin octobre, c’est-à-dire jusqu’à ce que le SCRS accueille Dan Rogers. Quand je réfléchis à cette affectation et à une année remplie de défis et de réalisations, je suis très fière de la contribution soutenue du SCRS à la protection du Canada et de ses intérêts nationaux, mais je suis également préoccupée par la nature et la portée des menaces que nous affrontons actuellement.
À l’instar de leurs prédécesseurs, les employés actuels du SCRS viennent de tous les horizons et partagent une même passion : assurer la sécurité du pays et défendre la démocratie contre ceux qui cherchent à la déstabiliser. Ils s’emploient sans relâche à recueillir des renseignements pour conseiller les décideurs et agissent avec détermination pour veiller à la sécurité et à la prospérité du Canada.
Je souhaite que le présent rapport permette d’entamer et de maintenir un dialogue sur la façon dont le SCRS peut, de concert avec l’ensemble de la population canadienne, améliorer la sécurité nationale au pays.
« Dans l’ensemble, les menaces pour la sécurité nationale du Canada s’accroissent et s’intensifient. Plus important encore, le SCRS souscrit à l’affirmation des services de renseignement américains et britanniques selon lesquels il n’y a jamais eu, dans l’histoire commune de nos pays, de menaces d’une telle intensité, en même temps. »
Vanessa Lloyd, sous-directrice des Opérations, Service canadien du renseignement de sécurité
40 ans à protéger la sécurité nationale : l’évolution du contexte de la menace
Le SCRS a célébré ses 40 ans en 2024. Depuis tout ce temps, il assure la sécurité nationale à titre de service de renseignement de sécurité du Canada. Cet anniversaire important a suscité une énorme réflexion. Comment le contexte de la menace a-t-il évolué depuis la création du SCRS en 1984? En quoi a-t-il changé? En quoi est-il resté le même? Comment le SCRS s’y est-il pris pour faire face aux menaces dans les quatre dernières décennies?
Le monde était très différent au moment de la création du SCRS, en 1984. La Guerre froide faisait toujours rage. Le conflit entre les États-Unis et leurs alliés et le bloc soviétique représentait la menace la plus grave pour la sécurité internationale. À l’époque, l’espionnage constituait la plus grande préoccupation du gouvernement du Canada en matière de sécurité nationale. Le gouvernement tâchait d’empêcher les nations du bloc soviétique et d’autres pays qui menaient des activités d’espionnage au Canada d’accéder à des informations sensibles, confidentielles et classifiées sur les secteurs militaire et gouvernemental au Canada. La Guerre froide s’est échelonnée sur plusieurs décennies et, pendant cette période, les opérations de contre-espionnage du Canada ont permis d’expulser du pays une centaine de personnes au motif qu’elles s’étaient livrées à des activités considérées comme des menaces pour la sécurité nationale.
Pendant la Guerre froide, le contexte de la menace était dangereux, mais prévisible. En effet, il s’agissait principalement de deux groupes d’États adverses qui menaient des activités d’espionnage l’un contre l’autre pour obtenir un avantage stratégique sur le plan militaire ou économique. Le Canada n’était toutefois pas à l’abri du terrorisme. En 1985, des extrémistes établis au Canada ont fait exploser la bombe qu’ils avaient installée sur le vol no 182 d’Air India, tuant les 329 passagers à bord, des Canadiens pour la plupart. Cet événement tragique demeure à ce jour le pire attentat terroriste de l’histoire canadienne et, à l’époque, il était considéré comme le pire acte terroriste impliquant un avion à avoir été commis dans le monde. Comme il n’avait pas réussi à empêcher cette tragédie, le SCRS a tiré plusieurs leçons difficiles en tant que nouveau service de renseignement de sécurité.
La dissolution de l’Union soviétique et la fin de la Guerre froide en 1991 ont eu une incidence considérable sur le contexte de la menace. Le conflit était prévisible parce qu’il était lié aux grandes puissances; or, à la fin de la Guerre froide, le contexte de la menace a gagné en complexité et en instabilité. La chute de l’Union soviétique et, plus tard, de la Yougoslavie a créé un vide qui a mené à l’émergence de plusieurs conflits ethniques et nationalistes entre les nations nouvellement établies et au sein même de celles‑ci. L’intensification de la violence à l’échelle mondiale par des organisations terroristes transnationales comme al‑Qaïda représentait une autre grande préoccupation. Pour s’adapter à l’évolution du contexte de la menace, le SCRS a réaffecté ses ressources opérationnelles en fonction de la nouvelle priorité du gouvernement du Canada, à savoir assurer la sécurité publique. En 1993, le SCRS a redistribué les ressources de la période de la Guerre froide : le ratio de 80 % / 20 % en faveur du programme de contre‑espionnage a été ramené à un ratio plus équilibré de 56 % / 44 % en faveur de l’antiterrorisme. Plus tard, cette redistribution se révélera utile compte tenu des attentats et des projets d’attentat de plus en plus violents d’al-Qaïda, dont l’attentat à la bombe commis contre le World Trade Centre en 1993 et les attentats perpétrés contre les ambassades des États-Unis à Dar es Salaam et à Nairobi en 1998. En 1999, les autorités ont établi un lien entre le Canada et un projet d’attentat d’al‑Qaïda quand elles ont découvert que le résident canadien Ahmed Ressam avait prévu de faire exploser une bombe à l’aéroport international de Los Angeles aux environs de la veille du jour de l’An, en 1999. Heureusement, une enquête conjointe du Canada et des États-Unis à laquelle le SCRS prenait part et dont Ressam faisait l’objet a permis de déjouer ce projet.
Même si la sécurité publique constituait le principal sujet d’intérêt du SCRS dans les années 1990, l’espionnage demeurait aussi une grande préoccupation, car, contrairement à ce que les observateurs croyaient, les activités d’espionnage des services de renseignement étrangers contre le Canada n’avaient pas connu de diminution marquée au moment de la dissolution du bloc soviétique. En 1996, une enquête du SCRS a révélé que deux officiers de renseignement clandestins russes à Toronto avaient emprunté l’identité de deux Canadiens décédés pour étoffer leur légende. Le couple fut expulsé du Canada après avoir admis travailler pour le Service du renseignement extérieur (SVR) de la Russie. En 2020, le SCRS a reconnu avoir observé des niveaux d’espionnage et d’ingérence étrangère jamais vus depuis la Guerre froide.
Les technologies de l’information et des communications ne cessent de progresser depuis la fin des années 1990, et les progrès dans le secteur ont grandement contribué à la complexité et à l’instabilité croissantes du contexte de la menace de l’après-Guerre froide. Les organisations terroristes ont commencé à utiliser Internet pour trouver de nouveaux moyens d’organiser, de diriger et d’exécuter des activités terroristes, tandis que les acteurs étatiques hostiles ont pu s’en servir pour accroître la complexité de leurs activités liées à la menace, notamment en prenant pour cible de façon plus efficace les dissidents et les systèmes d’infrastructures essentielles. Le SCRS et ses partenaires savaient qu’ils devaient suivre le rythme des progrès technologiques à l’époque, sans quoi les conséquences pour la sécurité nationale du Canada risquaient d’être graves. Le constat est le même aujourd’hui, à une époque où le contexte de la menace évolue à un rythme encore plus rapide compte tenu de l’arrivée de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle et l’informatique quantique.
Le 11 septembre 2001, le monde a changé pour toujours. Al-Qaïda a coordonné le détournement de plusieurs avions pour exécuter le pire attentat terroriste à avoir été commis sur le territoire américain. Cet attentat a fait près de 3 000 morts, dont 24 Canadiens, et d’innombrables blessés. Par son envergure, l’attentat du 11 septembre a changé la nature même du contexte de la menace en Amérique du Nord, car il a montré que les réseaux terroristes avaient la capacité de lancer une frappe meurtrière n’importe où sur le territoire. Cet attentat a incité le gouvernement du Canada à adopter la Loi antiterroriste afin de renforcer la capacité du Canada de combattre le terrorisme en criminalisant tout soutien logistique et financier au terrorisme au Canada et à l’étranger. Peu après, le SCRS a réaffecté beaucoup de ressources opérationnelles pour lutter contre l’intensification de la menace terroriste et a renforcé ses enquêtes sur l’extrémisme violent à caractère religieux (EVCR) au Canada.
Tandis que l’armée canadienne prenait part à la guerre au terrorisme sous la direction des États-Unis en Afghanistan, le SCRS s’engageait lui aussi dans cette guerre. Dès 2002, le SCRS a joué un rôle essentiel à l’appui de la mission de combat du Canada en Afghanistan et, pour ce faire, a recueilli des informations qui, plus tard, sauveraient la vie de nombreux soldats du Canada et des autres pays de la coalition ainsi que celle de civils afghans.
En 2006, le Canada a connu son premier cas de terrorisme d’origine intérieure depuis l’attentat du 11 septembre. C’est en 2006, lors de l’arrestation d’un groupe d’extrémistes de la région de Toronto, que l’affaire des 18 de Toronto a attiré l’attention du public. Les individus en question ont été arrêtés au motif qu’ils planifiaient un attentat à l’explosif très meurtrier contre la Bourse de Toronto, le bureau du SCRS à Toronto et une base militaire indéterminée. Le SCRS surveillait ce projet d’attentat avant 2006 : il surveillait étroitement les suspects au moyen d’une variété d’outils d’enquête de pointe et de méthodes plus traditionnelles, dont les sources humaines et la surveillance physique. L’enquête du SCRS et celle que la GRC menait en parallèle ont permis de déjouer le projet d’attentat terroriste et ont mené à l’emprisonnement de 11 des 18 individus arrêtés au départ.
En 2011, l’élimination d’Oussama Ben Laden, l’architecte des attentats du 11 septembre, symbolisait la fin d’une ère. Cependant, la montée en puissance de Daech (aussi connu sous le nom d’État islamique, d’EIIS ou d’EIIL) dans les années 2010 a montré que la menace liée à l’EVCR ne diminuerait pas après la mort de Ben Laden. En 2014, Daech a annoncé la formation d’un « califat » après avoir pris le contrôle de vastes pans de territoire en Syrie et en Irak. Daech s’est fait connaître en commettant des actes de violence barbares, y compris en décapitant des journalistes, en perpétrant une série d’attentats terroristes d’envergure à l’étranger et en attirant des milliers de combattants étrangers de partout sur la planète. Depuis, Daech a perdu tous les territoires qu’il tenait, dont son califat au Moyen‑Orient. Or, Daech – de même qu’al-Qaïda – représente toujours une menace grave en raison de ses provinces, de ses groupes affiliés et de ses réseaux informels en ligne. En outre, le groupe a la capacité d’inspirer des auteurs de menace au Canada et de les inciter à commettre des actes de violence grave, comme cela s’est produit au Canada dans les dernières années.
Dans les années 2010, la prévalence des activités relevant de l’extrémisme violent à caractère idéologique (EVCI) à l’échelle nationale et internationale a incité le SCRS à axer davantage ses enquêtes sur le phénomène. Depuis 2014, le Canada a été le théâtre de plusieurs attentats liés à l’EVCI. La fusillade qu’un individu agissant seul a commise contre la mosquée de Québec en 2017, faisant 6 morts et 19 blessés, est l’attentat qui a le plus marqué les esprits. En 2023, environ la moitié des enquêtes d’antiterrorisme du SCRS avaient un lien avec l’EVCI. Les attentats perpétrés par des individus agissant seuls, comme celui qui a été commis à Québec, témoignent de la complexité du contexte de la menace actuel, car une simple personne peut nuire considérablement à la sécurité publique.
Au cours des dernières années, la technologie a modifié encore davantage le contexte de la menace. Le contexte actuel n’est pas celui qui prévalait au moment de la création du SCRS. L’interconnexion des systèmes de technologie de l’information et la transformation numérique de la société ont changé fondamentalement le mode de vie de la population et, par conséquent, le contexte de la menace. Dorénavant, les acteurs hostiles peuvent se livrer à des activités liées à la menace complexes, d’une ampleur inouïe, partout sur la planète, et ce, sans avoir à quitter leur pays. Sur le plan de l’espionnage, la numérisation de l’information et l’omniprésence des appareils connectés ont élargi considérablement l’étendue des informations à risque, tandis que les progrès dans le stockage des données et l’analytique permettent d’amasser de vastes quantités de données, de les analyser et de les exploiter à une échelle qu’il aurait été impossible de concevoir il y a 40 ans.
Pendant la Guerre froide, les services de renseignement étrangers se concentraient sur les personnes ayant accès à des informations sensibles ou classifiées, par exemple les employés du gouvernement du Canada et les chercheurs qui travaillaient sur des technologies contrôlées. Aujourd’hui, ils prennent également pour cible des organisations de tous les secteurs et des citoyens ordinaires, et ce, à l’aide de moyens directs et indirects. Parmi leurs cibles figurent de jeunes pousses du domaine de la technologie, des entreprises manufacturières traditionnelles et des personnes associées à tous les ordres de gouvernement, dont les administrations fédérale, provinciales, territoriales, municipales et autochtones. Dans certains cas, les données numériques d’étudiants ont été volées dans le cadre d’une cyberopération visant une université, et des patients ont perdu leur accès vital aux soins de santé quand un rançongiciel a été utilisé contre un hôpital.
Les progrès technologiques ont changé la façon dont les menaces pour la sécurité nationale peuvent se manifester, mais, en général, les principales menaces auxquelles le Canada fait face aujourd’hui sont les mêmes que celles contre lesquelles il devait lutter dans les dernières décennies. Par exemple, l’ingérence étrangère et l’espionnage demeurent de grandes préoccupations, comme elles l’étaient pendant la Guerre froide. L’Enquête publique sur l’ingérence étrangère a permis d’entendre des personnes témoigner du niveau d’ingérence d’acteurs étatiques étrangers dans les institutions démocratiques et les processus électoraux au Canada, ainsi que de la complexité de ces activités. Ces révélations ont montré que des États adverses prennent le Canada pour cible avec une détermination jamais vue. Dans les 40 dernières années, des États hostiles ont tenté de mettre la main sur des informations canadiennes exclusives, ce qui montre bien que, depuis la création du SCRS en 1984, l’espionnage économique demeure une menace importante pour la sécurité nationale. C’est aussi vrai pour l’extrémisme violent. Les menaces posées par l’extrémisme violent ont fluctué tout au long des 40 dernières années en raison des événements marquants dans le monde et des changements technologiques. Cependant, même si leurs doléances peuvent varier, les extrémistes violents continuent de menacer la sécurité publique au Canada et ailleurs dans le monde par leurs actes de violence grave.
Le monde a changé considérablement dans les 40 dernières années. C’est aussi le cas du Canada. Les changements majeurs partout dans le monde influent sur le contexte de la menace et, si certaines menaces persistent, les progrès technologiques, l’omniprésence de la technologie et l’écosystème en ligne créent de nouveaux défis qui évoluent rapidement. En tant que service de renseignement moderne, le SCRS continuera de s’adapter pour lutter contre les menaces que représentent les acteurs hostiles qui cherchent à miner la sécurité du Canada et de la population canadienne.
Ingérence étrangère et espionnage
Les activités d’ingérence étrangère et d’espionnage au Canada demeurent complexes, omniprésentes et incessantes. Sont pris pour cible activement tous les ordres de gouvernement, des entreprises et des organisations du secteur privé, des universités, des groupes de la société civile et des communautés culturelles, ethniques et religieuses du Canada. Malgré la sensibilisation accrue du public à l’égard des activités d’ingérence étrangère et d’espionnage, les États étrangers sont toujours déterminés à faire progresser leurs intérêts en adoptant des mesures préjudiciables pour la sécurité nationale et la cohésion sociale du Canada.
De nombreux services de renseignements étrangers tentent d’influencer des communautés ethniques au Canada, de les intimider ou de s’ingérer dans leurs affaires. Ils ont des objectifs différents, mais ils essaient, entre autres, d’empêcher le développement de toute opposition aux politiques de leur gouvernement, de recruter des agents qui opéreront au Canada et d’influencer clandestinement la politique du gouvernement canadien. (Rapport public du SCRS de 1993)
République islamique d’Iran
En 2024, l’Iran a poursuivi ses efforts en vue de consolider sa position en tant que puissance régionale et, pour la première fois de son histoire, a échangé des tirs avec Israël. Même s’il a élu un nouveau président plus modéré, l’Iran a continué d’appuyer ses alliés et ses intermédiaires un peu partout au Moyen-Orient, notamment en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen, pour contrer les opérations militaires d’Israël à Gaza et au Liban et, de manière plus générale, s’opposer aux intérêts des États-Unis et de l’Occident. L’« axe de la résistance », une alliance régionale dirigée par l’Iran qui regroupe aussi la Syrie, le Hezbollah libanais et des acteurs non étatiques pro-Iran en Irak et au Yémen, a lancé de multiples attaques militaires contre Israël. Dans le cadre de deux attaques distinctes, le 13 avril et le 1er octobre 2024, l’Iran a lancé plus de 500 missiles balistiques, drones et missiles de croisière contre Israël. Même s’il tente de projeter sa puissance, il a accusé beaucoup de pertes en 2024. Les moyens de ses partenaires dans la région, comme le Hamas et le Hezbollah libanais, se sont grandement dégradés. La mort d’Ismaïl Haniyeh, dirigeant du Hamas, et celle de Hassan Nasrallah, dirigeant du Hezbollah libanais, ont porté un dur coup aux intérêts de l’Iran.
En juin 2024, le gouvernement du Canada a inscrit les Gardiens de la révolution islamique (GRI) sur la liste des entités terroristes établie en vertu du Code criminel. Ces derniers sont ainsi venus rejoindre la Brigade al-Qods des Gardiens de la révolution islamique, qui figure sur la liste depuis 2012. Entre octobre 2022 et septembre 2024, en application du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Iran, le Canada a imposé des sanctions à 205 Iraniens et à 250 entités iraniennes en lien avec des violations graves et répétées des droits de la personne au pays.
En 2024, le ministère de la Justice des États-Unis a mis en accusation deux Canadiens, Damion Ryan et Adam Pearson, pour leur rôle présumé dans un projet d’assassinat sous contrat de deux résidents du Maryland qui avaient fait défection de l’Iran. Les deux hommes auraient été dirigés par Naji Sharifi Zindashti, un narcotrafiquant irano-turc à la tête d’un réseau d’individus chargés d’assassiner des dissidents et des activistes iraniens opposés au régime pour le compte du ministère du Renseignement et de la Sécurité de l’Iran. Ce réseau a mené de multiples activités de répression transnationale dans plusieurs juridictions, notamment des assassinats et des enlèvements, pour tenter de réduire au silence les personnes perçues comme des détracteurs de l’Iran.
Le SCRS continue d’enquêter sur les menaces mortelles qui émanent de la République islamique d’Iran en se basant sur des renseignements crédibles. Il estime que l’Iran continuera de recourir à des intermédiaires, comme des individus impliqués dans des réseaux de crimes organisés transnationaux, pour viser les personnes qu’il considère comme ses ennemis et qui vivent dans des pays étrangers, notamment au Canada. Les activités liées à la menace que mène l’Iran contre le Canada et ses alliés vont probablement se poursuivre en 2025, voire s’intensifier, en fonction de l’évolution de la situation au Moyen-Orient et de la perception qu’a le régime iranien des menaces qui pèsent sur lui.
Bien qu’ils ne soient plus aussi hostiles qu’autrefois, les services de renseignements de la Russie et de la République populaire de Chine mènent toujours des opérations contre des intérêts occidentaux. Le Service sait que plusieurs pays ont actuellement au Canada des officiers de renseignements non déclarés, connus ou présumés, qui se livrent à des activités diverses, allant de la surveillance de leurs concitoyens à la collecte de renseignements militaires, économiques et techniques, en passant par des manœuvres d’infiltration et de coercition auprès de communautés ethniques. (Rapport public du SCRS de 1992)
Extrémisme violent
Qu’il soit à caractère religieux, idéologique ou politique, l’extrémisme violent représente toujours une menace importante pour la sécurité nationale du Canada. Globalement, la menace d’extrémisme violent au Canada est demeurée élevée, étant donné que la radicalisation en ligne a favorisé la mobilisation à la violence d’un nombre accru d’extrémistes, dont un certain nombre de jeunes. Une des priorités du SCRS et de ses partenaires de l’appareil de la sécurité nationale est de suivre ces menaces graves, de faire enquête et d’atténuer les risques.
Au cours des prochaines années, les terroristes risquent de frapper avec davantage de violence, moins de discernement et de façon plus imprévisible que ces dernières années. […] Il y aura vraisemblablement des attentats terroristes dont le seul but sera d’engendrer la terreur même. Le durcissement des attitudes et la volonté de certaines organisations terroristes de soutenir directement le terrorisme en Amérique du Nord renforcent la conviction que les Canadiens sont plus que jamais des victimes potentielles et que le Canada pourra être la cible d’attentats terroristes. (Rapport public du SCRS de l’an 2000)
Cybersécurité
Ses solides institutions démocratiques, son économie développée, sa recherche dans certains secteurs novateurs et ses institutions universitaires exemplaires font du Canada une cible de choix pour les cyberactivités d’espionnage, de sabotage et d’ingérence étrangère, qui constituent toutes d’importantes menaces pour la sécurité nationale. L’ampleur et la complexité des cyberactivités d’ingérence étrangère visant le Canada continueront d’augmenter.
L’impact de l’évolution de la technologie est un des principaux facteurs qui sous-tendent actuellement toutes les questions de sécurité. La dépendance des États modernes à l’égard de la circulation de l’information électronique, sûre et sans entrave, crée au sein de leur infrastructure informatique des vulnérabilités suffisamment graves pour susciter des préoccupations en matière de sécurité internationale. Déjà complexe, l’enquête sur les menaces que font peser le terrorisme et les activités de renseignement est compliquée encore par le fait que des services de renseignements étrangers et des groupes terroristes ont adopté la cybertechnologie. (Rapport public du SCRS de l’an 2000)
Perspective de la haute direction
Pour faire progresser la mission, faire en sorte que le SCRS soit éclairé par les données et le numérique
À titre de directrice adjointe de la Technologie, Jacqueline Mayda appuie les fonctions de soutien des opérations et améliore l’efficacité opérationnelle du SCRS au moyen de la technologie.
« Puisque le contexte de la menace évolue et que la demande pour ses renseignements augmente, le SCRS doit veiller à ce que ses opérations, ses systèmes et ses processus demeurent à jour. Ainsi, pour assurer sa réussite, le SCRS se doit d’être éclairé par les données et le numérique. »
Jacqueline Mayda, directrice adjointe de la Technologie, Service canadien du renseignement de sécurité
Sécurité de l’économie et des recherches
À titre de nation commerçante et de chef de file mondial dans les domaines de la recherche et de la technologie, le Canada est une cible de choix pour les acteurs étatiques hostiles, dont la RPC, la Russie et l’Iran, qui cherchent à acquérir des recherches et des technologies sensibles pour servir leurs propres intérêts stratégiques sur le plan politique, économique et militaire. Les menaces qui pèsent sur la sécurité de l’économie et des recherches sont de plus en plus complexes et multidimensionnelles, étant donné que les États hostiles continuent d’exploiter les faiblesses des cadres réglementaires et juridiques du Canada pour miner les intérêts canadiens.
Des études effectuées par le SCRS en 1990-1991 ont permis de constater qu’entre 1980 et 1990, des services de renseignements étrangers ont pris pour cibles un petit groupe de compagnies de pointe au Canada. En fait, lors d’un cas récent d’espionnage économique appuyé par un gouvernement étranger, une compagnie canadienne a perdu un contrat important lorsque des informations précises contenues dans sa soumission ont été communiquées à un concurrent étranger. (Rapport public du SCRS de 1993)
Lutte contre la prolifération
Les activités de lutte contre la prolifération du SCRS réduisent considérablement le risque que des technologies et des recherches canadiennes soient utilisées pour servir les capacités militaires d’États étrangers hostiles. En réponse aux efforts déployés par le SCRS, les États hostiles adoptent des stratégies de plus en plus complexes pour dissimuler leurs activités d’approvisionnement illégales.
Le Canada est reconnu à l’échelle internationale comme un chef de file dans de nombreux secteurs de pointe (tels que le nucléaire, l’industrie chimique, l’électronique et l’aérospatiale). Il a été et il restera donc une cible profitable des activités d’acquisition clandestines et illicites. (Rapport public du SCRS de 1994)
Filtrage de sécurité
Les programmes de filtrage de sécurité pour le gouvernement et de filtrage des demandes d’immigration et de citoyenneté du SCRS constituent une ligne de défense contre les personnes qui pourraient menacer la sécurité nationale du Canada en accédant aux données, aux biens et aux installations du gouvernement du Canada ou en obtenant un statut au Canada en passant par le processus d’immigration. La distinction entre les auteurs de menace et la société civile continue de disparaître peu à peu, car le monde est de plus en plus interconnecté. Il en résulte donc une hausse marquée du nombre de demandes de filtrage de sécurité et du niveau de complexité de ces dossiers.
Demandes reçues en 2024* | |
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Résidence permanente (présentées au Canada et de l’étranger) | 22 500 |
Réfugiés (contrôle de sécurité préliminaire**) | 151 400 |
Citoyenneté | 319 700 |
Résidents temporaires | 44 500 |
Total | 538 100 |
Demandes reçues en 2024* | |
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Ministères et organismes fédéraux | 63 800 |
Programme EXPRES | 7 400 |
Transports Canada (installations aéroportuaires et maritimes) | 47 300 |
Cité parlementaire | 2 300 |
Installations nucléaires | 14 600 |
Provinces | 70 |
Autres | 1 900 |
Filtrage pour d’autres pays*** | 420 |
Événements importants | 640 |
Total | 138 430 |
* Les chiffres ont été arrondis.
** Personnes qui demandent l’asile au Canada ou à un point d’entrée.
*** Évaluations de sécurité fournies à des gouvernements provinciaux ou étrangers ainsi qu’à des organisations internationales lorsque des Canadiens souhaitent obtenir un emploi qui nécessite une autorisation d’accès à des informations ou à des sites sensibles dans un autre pays.
Centre intégré d’évaluation des menaces
Le Centre intégré d’évaluation des menaces (CIEM) (auparavant le Centre intégré d’évaluation du terrorisme ou CIET) est une organisation spécialisée au sein de l’appareil canadien du renseignement, chargée de fournir des évaluations objectives, pertinentes et opportunes fondées sur des informations et des renseignements de toutes sources. Ces évaluations permettent aux décideurs et aux partenaires de la sécurité d’assurer la protection des Canadiens et de servir les intérêts canadiens au pays et à l’étranger.
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