La reconnaîssance et la confirmation de la compétence autochtone au chapitre des services à l'enfance et à la famille : La Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis

Document d'information

Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis : contexte

La surreprésentation des enfants des Premières Nations, inuits et métis dans le système de services à l'enfance et à la famille a été décrite comme une crise humanitaire; selon les données du Recensement de 2016, les enfants autochtones représentent 7,7 % de tous les enfants de 0 à 14 ans, mais 52,2 % des enfants placés dans des familles d'accueil privées. L'approche actuelle des services à l'enfance et à la famille autochtones consiste trop souvent à séparer les enfants autochtones de leur famille et de leur communauté, en raison de la pauvreté, de traumatismes intergénérationnels et de pratiques culturelles biaisées de protection de l'enfance qui mènent à la prise en charge.

Le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis (la Loi), affirme les droits des Premières Nations, des Inuits et des Métis en matière de services à l'enfance et à la famille, et établit des principes nationaux qui contribuent à guider la prestation de services à l'enfance et à la famille auprès des enfants autochtones.

La Loi est conforme à la ratification par le gouvernement du Canada de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et aux engagements pris quant à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, y compris l'appel à l'action numéro 4, qui demande au « gouvernement fédéral de mettre en place des dispositions législatives en matière de protection des enfants autochtones qui établissent des normes nationales en ce qui a trait aux cas de garde et de prise en charge par l'État ».

La Loi est l'aboutissement d'une mobilisation exhaustive, qui a débuté par la réunion d'urgence sur les services à l'enfance et à la famille autochtones en janvier 2018 à laquelle ont participé des partenaires autochtones, des représentants provinciaux et territoriaux, des jeunes (y compris des jeunes ayant vécu une expérience), des experts et des défenseurs. Dans la foulée de cette réunion, le gouvernement fédéral s'est engagé à prendre six mesures pour s'attaquer au problème de surreprésentation d'enfants et de jeunes autochtones qui sont pris en charge au Canada. Une des mesures était l'engagement de « collaborer avec nos partenaires pour aider les communautés à réduire les attributions dans le domaine des services aux enfants et aux familles, et notamment examiner la possibilité d'élaborer conjointement une loi fédérale ».

Tout au long de l'été et de l'automne 2018, Services aux Autochtones Canada a consulté des organisations nationales, régionales et communautaires, des représentants des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ainsi que des nations signataires de traités, des Premières Nations autonomes, les provinces et les territoires, des experts et des personnes ayant vécu une expérience. Plus de 65 séances de mobilisation ont été tenues avec près de 2 000 participants. En octobre 2018, le gouvernement du Canada a participé à un groupe de référence composé de délégués de l'Assemblée des Premières Nations, de l'Inuit Tapiriit Kanatami et du Ralliement national des Métis. Le groupe de référence a proposé des options législatives fondées sur ce qu'il a entendu tout au long du processus de mobilisation.

Des consultations supplémentaires ont eu lieu avec des partenaires autochtones et des représentants provinciaux et territoriaux en janvier 2019 afin de recueillir des commentaires sur le contenu de l'avant-projet de loi.

Objectif et principes directeurs       

L'objectif de la Loi est :

  • d'affirmer le droit des Premières Nations, des Inuits et des Métis d'exercer leur compétence sur les services à l'enfance et à la famille;
  • de définir des principes nationaux comme l'intérêt de l'enfant, la continuité culturelle et l'égalité véritable pour guider la prestation de services à l'enfance et à la famille auprès des enfants autochtones;
  • de contribuer à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

La Loi offre la possibilité aux peuples autochtones de déterminer leurs propres solutions pour leurs enfants et leurs familles.

L'intérêt de l'enfant autochtone

La Loi établit que, pour déterminer l'intérêt de l'enfant autochtone, il faut accorder une attention particulière au bien-être et à la sécurité physiques, psychologiques et affectifs de l'enfant. La Loi met les enfants autochtones à l'avant-plan afin qu'ils puissent demeurer dans leur famille et leur communauté et grandir dans leur culture.

La Loi décrit les facteurs suivants, qui devraient être pris en compte pour déterminer l'intérêt d'un enfant autochtone :

  • le bien-être et la sécurité physiques, psychologiques et affectifs de l'enfant;
  • l'importance de préserver l'éducation et le patrimoine culturel, linguistique, religieux et spirituel de l'enfant;
  • l'attachement et les liens affectifs entre l'enfant et des personnes importantes dans sa vie;
  • les opinions et préférences de l'enfant;
  • les besoins de l'enfant et son stade de développement;
  • les plans concernant les soins de l'enfant;
  • les antécédents de violence familiale et les effets de cette violence sur l'enfant;
  • les instances, ordonnances, conditions ou mesures, de nature civile ou pénale, en lien avec la sécurité ou le bien-être de l'enfant.

Le projet de loi a été amendé pour préciser que l'intérêt de l'enfant doit être interprété, dans la mesure du possible, de manière compatible avec les dispositions du texte législatif autochtone.

Priorité aux soins préventifs

La Loi met l'accent sur la nécessité pour le système d'être axé sur la prévention plutôt que sur la prise en charge, en accordant la priorité aux services qui favorisent les soins préventifs pour soutenir la famille. Il priorise la prestation de services comme les soins prénataux et le soutien aux parents. De plus, la Loi indique clairement qu'aucun enfant autochtone ne devrait être pris en charge sur la seule base ou par suite de ses conditions socioéconomiques, y compris la pauvreté, le manque de logement ou d'infrastructures connexes, ou de l'état de santé du parent ou du responsable des soins de l'enfant.

Maintien des enfants autochtones au sein de leur famille

La Loi cherche à préserver les liens de l'enfant avec sa famille, sa communauté et sa culture. Ainsi, elle fournit un ordre de préférence pour le placement d'un enfant autochtone lorsque le placement est dans l'intérêt de l'enfant en question :

  • l'un de ses parents;
  • un autre membre adulte de la famille de l'enfant;
  • un adulte qui appartient au même groupe, à la même communauté ou au même peuple autochtone;
  • un adulte qui appartient à une communauté ou à un peuple autochtone autre que celui auquel appartient l'enfant;
  • tout autre adulte.


La Loi précise que les fratries autochtones devraient demeurer ensemble dans la mesure où cela est dans leur intérêt. Pour atteindre cet objectif, sauf si une prise en charge immédiate est dans l'intérêt de l'enfant, avant de prendre en charge un enfant qui habite avec l'un de ses parents ou avec un autre membre adulte de sa famille, le fournisseur de services doit démontrer que tous les efforts raisonnables ont été faits pour que l'enfant continue d'habiter avec cette personne.

La Loi veille également à ce que les enfants autochtones pris en charge conservent des liens affectifs forts avec leur famille et restent en contact avec leur communauté et leur culture. Par exemple, la Loi établit une obligation permanente de réévaluer la possibilité qu'un enfant autochtone en famille d'accueil réside avec l'un de ses parents ou un membre adulte de sa famille. Elle prévoit aussi que lorsqu'un enfant n'est pas placé avec un membre de sa famille, il faut favoriser l'attachement et les liens affectifs avec sa famille. 

Compétence des groupes, communautés et peuples autochtones

Actuellement, les familles autochtones sont assujetties à des règlements et à des systèmes qui en général ne reflètent pas leur culture et leur identité. Un des piliers de la Loi est de changer cette situation en affirmant le droit à l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones à déterminer librement leurs propres lois, politiques et pratiques liées aux services de protection de l'enfant et de la famille.

Au cœur de la Loi se trouve le processus par lequel les groupes ou communautés autochtones peuvent exercer leur compétence en matière de services à l'enfance et à la famille. Le processus proposé n'est pas une approche « universelle ». La Loi permet aux peuples autochtones d'exercer complètement ou partiellement leur compétence en matière de services à l'enfance et à la famille, à leur propre rythme. Selon l'option choisie, l'exercice de leur compétence pourrait faire en sorte que leurs lois prévalent sur les lois fédérales et celles des provinces et territoires.

Quelle que soit l'approche adoptée, aucune entente de coordination tripartite avec le Canada et le gouvernement de chaque province où se trouve le groupe autochtone ne sera nécessaire pour que la loi autochtone prévale sur les lois fédérales et provinciales. Un groupe autochtone pourrait :

  • aviser le gouvernement du Canada et le gouvernement de chaque province où se trouve le groupe, la communauté ou le peuple autochtone de son intention d'exercer sa compétence.
    • Après avoir soumis un avis d'intention, le groupe autochtone pourra exercer sa compétence. Toutefois, elle n'aura pas préséance sur d'autres lois fédérales ou provinciales.
  • présenter une demande au gouvernement du Canada et au gouvernement de chaque province où se trouve le groupe, la communauté ou le peuple autochtone pour la conclusion d'une entente de coordination tripartite afin d'exercer sa compétence sur les services destinés aux enfants et aux familles et de faire prévaloir les lois autochtones sur les lois fédérales, provinciales et territoriales.
    • Dans les 12 mois suivant la demande, si un accord de coordination tripartite est conclu, ou si aucun accord n'est conclu, mais que des efforts raisonnables ont été faits pour conclure un accord, les lois du groupe autochtone et de la communauté auront force de loi et auront préséance sur les lois fédérales et provinciales.

Pour faciliter la conclusion d'une entente de coordination tripartite, la Loi permettra en tout temps aux parties de bénéficier d'un mécanisme de règlement extrajudiciaire des différends qui sera établi par un règlement élaboré conjointement avec les peuples autochtones.

Par conséquent, la Loi est suffisamment souple pour répondre aux besoins de tous les groupes et de toutes les communautés et pour leur permettre d'adopter leurs propres modèles de services à l'enfance et à la famille fondés sur les distinctions.

La Loi s'applique aux services à l'enfance et à la famille fournis aux enfants et aux familles autochtones par tout organisme, que ce soit directement par les provinces et les territoires ou par des organismes délégués des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Prochaines étapes

Pour assurer une transition et une mise en œuvre harmonieuses de la Loi, le gouvernement du Canada étudie avec ses partenaires la création de structures de gouvernance de transition fondées sur les distinctions. Les membres pourraient comprendre des représentants des Premières Nations, des Inuits, des Métis, des nations autonomes et des nations signataires de traités; des représentants provinciaux et territoriaux; de défenseurs des droits des enfants; et d'autres personnes ayant une expérience et des connaissances pertinentes pour formuler des recommandations et des conseils. De telles structures de gouvernance de transition pourraient aussi évaluer les lacunes et recommander des mécanismes pour orienter les futures méthodes de financement.

La Loi comprend le pouvoir d'établir des règlements, au besoin. Ces règlements seraient élaborés en partenariat avec les entités dirigeantes autochtones compétentes, afin qu'ils reflètent les besoins particuliers et la diversité des peuples autochtones.

Le gouvernement du Canada croit que la réforme mise de l'avant dans la Loi permettra de commencer à réduire l'écart entre les enfants autochtones et non autochtones au Canada et de s'attaquer véritablement aux disparités dans le système des services à l'enfance et à la famille. Cette initiative est une étape importante vers une réforme complète et nous demeurons déterminés à établir une relation de nation à nation, de gouvernement à gouvernement et entre les Inuits et la Couronne fondée sur la reconnaissance des droits, la coopération et le partenariat avec les peuples autochtones au Canada.

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